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Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56

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Article original

La théorie de l’intelligence fluide et cristallisée ; sa relation avec les tests


« culture fair » et sa vérification chez les enfants de 9 à 12 ans>
R. B. Cattell
Université de l’Illinois, Chicago, États-Unis

1. Origine de la théorie des deux facteurs généraux • l’apparition de meilleurs tests statistiques pour le nom-
bre de facteurs à extraire — dans le travail de Lawley,
Les premiers géants du domaine de la connaissance — 1956, le test de Zaiser-Guttman Kaiser, 1963, et le récent
Spearman (1932) ; Binet et Simon (1905) et Thurstone Scree test par Cattell, 1966 ;
(1938) − ont si bien travaillé que la théorie des tests d’intel- • une définition plus claire des facteurs d’aptitude pri-
ligence n’a pas nécessité de révision fondamentale au cours maire eux-mêmes, grâce aux revues de French, 1951 ; de
de la génération passée. Ce n’est que récemment, avec le Horn 1965, et d’autres ;
choc de la théorie de l’intelligence générale fluide et cristal- • et la reconnaissance de la nécessité stratégique, que
lisée (Cattell, 1963 ; Horn et Cattell, 1966), que de nouvelles l’auteur a discutée ailleurs Cattell, 1963, d’étudier les
perspectives sont apparu. Ce sont d’emblée des conceptions aptitudes avec un vaste fond de variables qui ne soient
séduisantes et troublantes — troublantes parce que la solidité pas des aptitudes.
monolithique du « g » de Spearman est ébranlée ; séduisante Étant donné que ce dernier point est si peu compris qu’il a
parce qu’elles justifient et ouvrent une ère nouvelle à l’appli- été ignoré, même dans les recherches les plus marquantes sur
cation des tests « culture fair ». Cette dernière peut procurer les aptitudes comme celles de Vernon, 1961 et de Guilford,
des gains substantiels en clarté et en précision de prédiction, 1959, au cours des trente dernières années, un mot d’expli-
en particulier dans le domaine de l’examen des adultes. cation est justifié. La définition finale et l’interprétation des
Ce qui ressembla tout d’abord à un semblable tremble- facteurs, en analyse factorielle, dépendent en dernier ressort
ment de terre ébranla le champ de l’examen de l’intelligence de l’exactitude de la rotation. La rotation vers la structure
par les tests, il y a trente ans, lorsque la démonstration par simple est souvent conduite de manière techniquement insuf-
Thurstone, en 1938, de l’existence de sept ou plus aptitudes fisante, et, en tout cas, ne peut être réalisée sûrement à moins
primaires fit croire à quelques praticiens que le QI — en tant qu’il y ait eu, au moment où le plan de l’expérience a été
que mesure unique significative — était mort. Pas plus établi, un bon échantillonnage de variables pour donner
Thurstone que Spearman, cependant, ne se faisaient d’illu- « l’étoffe des hyperplans » (Cattell, 19661). En termes plus
sions car, comme Thurstone l’indiqua, la dérivation du fac- généraux, on peut concevoir cela comme l’établissement
teur d’aptitude générale par une analyse de second ordre de d’un fond de comportement devant lequel se dessinera la
ses aptitudes primaires fixait réellement le facteur « g », et forme des structures de comportement à l’étude. Si nous
définissait les validités des tests d’intelligence d’une façon cherchons une « figure » (ou deux figures) qui se retrouve
logiquement plus satisfaisante qu’il n’était possible de le virtuellement dans toutes les aptitudes, il est évident qu’il n’y
faire en partant directement des tests. aura pas de « fond » sur lequel la voir, ou les voir, si la
Ce qui échappa à Thurstone et à d’autres, cependant, recherche est entreprise avec des mesures d’aptitudes seule-
lorsqu’ils procédaient à des analyses factorielles d’aptitudes ment. Et pourtant c’est ce qui a été fait dans virtuellement
primaires, c’est que, au-delà du premier facteur général, un toutes les recherches sur les aptitudes, sauf les quatre décrites
second facteur général, moins distinct, pouvait être discerné. ici.
Le présent auteur attira l’attention là-dessus dans un article
En réalité, en formulant cette prescription pour un
antérieur Catteli, 1941, proposant la théorie des aptitudes
« fond », nous avons été fortement aidé par nos recherches
générales fluide et cristallisée, mais ce n’est qu’avec le pro-
sur les facteurs de la personnalité (Cattell, 1940, 1966, Cat-
grès technique de l’analyse factorielle que cela fut confirmé.
tell et al., 1957). Car elles nous ont permis de couvrir un
Les progrès techniques qui rendirent cela possible furent :
hyperespace à nombreuses dimensions par l’addition d’un
>
Première parution : Revue de Psychologie Appliquée 1967 ; 17(3) :
1
135-154. Université de l’Illinois

© 2004 Publié par Elsevier SAS.


doi:10.1016/j.erap.2004.01.008
48 R.B. Cattell / Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56

ensemble de variables à peine plus nombreuses que celles sur Le rapport nature/nourriture, déterminé par la méthode de
lesquelles les deux ou trois facteurs généraux de second ordre l’analyse multiple abstraite de la variance (Cattell, 1965),
prévus par notre théorie étaient représentés. Ainsi, comme il suggère une hérédité moins importante pour gc que pour gf.
arrive parfois dans les sciences, le progrès final dans un La saturation des tests qui marquent les facteurs généraux
domaine — dans ce cas, celui des aptitudes — dépend de reste élevée en toutes circonstances pour gf, mais pour gc elle
l’avance dans un domaine tout différent — ici, l’étude de la tombe lorsqu’on travaille sur des groupes dont le fond cultu-
personnalité. rel n’est pas homogène, ainsi que lorsqu’on se déplace vers
Comme le montrera la section suivante, il est nécessaire l’âge adulte, par contraste avec les groupes d’enfants.
de faire en sorte, à l’avance, dans le choix des variables, Les analyses factorielles selon la technique P, fondées sur
qu’un nombre suffisant de facteurs indépendants, ne concer- la variabilité quotidienne dans une batterie de variables pour
nant pas les aptitudes, subsiste même au moment où l’on en une personne unique, font apparaître des facteurs gc et gf
est au troisième et peut-être au quatrième ordre de l’analyse distincts exactement comme le font les factorisations de
factorielle dans le domaine des aptitudes, car le dernier mot différences individuelles, mais elles montrent également que
de la structure des aptitudes devient apparent seulement à cet la variabilité quotidienne du niveau de gf avec le niveau de la
ordre le plus élevé (Reuchlin). santé, de la fatigue, etc., est plus forte que pour gc (Horn,
1967).
2. Les principaux résultats de la théorie Il va sans dire que les mesures de gc sont liées à la culture
de l’intelligence fluide et cristallisée et qu’il n’est pas possible de les utiliser pour comparer les
intelligences de personnes différant par la culture ou la sous-
La reconnaissance du fait qu’il y a deux facteurs généraux culture. En revanche, il a été maintenant pleinement démon-
d’aptitude, et non un seul, et qu’ils sont apparus définis par tré que la forme identiquement la même d’un test d’intelli-
l’expression dans des types particuliers d’activité, n’a été que gence gt, telle que les échelles 2 et 3 du test d’intelligence de
le point de départ — mais un point de départ indispensable — R.B. Cattell (Culture Free Test) Cattell et Cattell, 1955, peut
pour la théorie de l’aptitude fluide et cristallisée. Ce com- être donnée en France, aux États-Unis, en Chine, au Japon,
mencement, comme on le développera dans un moment, ou en Inde (à des échantillons comparables par l’âge et la
montra un facteur, gc (pour aptitude cristallisée), saturant ces classe) sans qu’apparaisse de différence significative de la
activités dans lesquelles le jugement devient cristallisé dans réussite moyenne.
le matériel culturel, par exemple, le vocabulaire, l’aptitude En liaison avec cela il est intéressant de noter que le
numérique, la fluidité verbale, l’aptitude mécanique, etc. Le développement historique des tests d’intelligence « Culture
second facteur, gf (pour aptitude fluide), sature principale- Free » s’est fait selon deux mouvements parallèles et large-
ment les séries, les analogies, les matrices, la topologie, etc., ment indépendants. D’une part il est issu, dans le travail de
tests qui ont été utilisés dans les tests d’intelligence « culture Cattell, Sarason, Feingold et Horn, directement de la théorie
fair », bien qu’il contribue aussi dans une certaine mesure à de l’intelligence fluide (mais plus indirectement, dans les
l’activité intellectuelle acquise lorsqu’une grande adaptabi- matrices de Raven, 1938 et les tests Dominos (Iff 1965), de
lité est requise. telles racines esquissées dans Line 1931 et Fortes 1932).
Ces deux facteurs sont distincts, avec des hyperplans indé- D’autre part, dans le travail et les publications de certains
pendants, mais positivement corrélés — de 0,60 environ chez spécialistes américains des tests (Anastasi, 1964 ; Eells et al.
les enfants à 0,30 chez les adultes — pour des raisons qui 1951 ; Pintnër 1919), il est apparu presque comme un acces-
deviendront bientôt claires. À partir de cette reconnaissance soire, comme une modification allant de soi et un rafistolage
des structures en elles-mêmes, les propriétés additionnelles de tests existants, sans théorie nécessaire ou claire, dans
suivantes ont été incorporées à la théorie, bien que nous ne l’intérêt de l’équité vis-à-vis des sous-groupes culturels amé-
puissions pas nous arrêter ici pour nous étendre sur la nature ricains de différentes origines ethniques. Dans le cas de
des preuves, qui sont complexes. Tyler, Davis et Eells, on se soucia même de valider des items
Les deux facteurs donnent des courbes d’âge très différen- (copiés, cependant, sur le matériel de Cattell et al., 1941) de
tes (Horn et Cattell, 1966). L’aptitude fluide, gf, s’élève telle manière qu’ils ne donnent pas de meilleurs résultats
jusqu’à un maximum précoce, autour de 14–15 ans, et dé- avec les groupes de niveau social élevé ! Ainsi l’exigence,
cline régulièrement de 20 à 65 ans. En revanche, gc a un point dans la validation d’un test d’intelligence « culture free »,
de remontée plus tardif (de 14 à 20 ans), variant selon les devint qu’il soit « culture free », non qu’il soit un test
échantillons culturels, et reste élevé pendant toute la durée de d’intelligence.
l’âge adulte étudié jusqu’à ce jour (65 ans). Les tests d’intelligence « culture free », incidemment, sont
Les lésions cérébrales paraissent susceptibles de réduire aussi sujets à l’entraînement aux tests que tous les autres tests
un des types d’activité (Pichot, 1946) entrant dans gc sans (Thouless, 1936), c’est-à-dire que les sujets doivent être
affecter les autres, par exemple dans l’aphasie verbale, alors familiarisés avec la forme de présentation si on veut obtenir
que gf semble être affecté comme un tout par toute réduction. des mesures équitables ; et que leur motivation doit être
L’écart-type du QI, calculé de la manière classique (âge adéquate, comme dans tout examen. Mais ils se sont montrés
mental/âge), est de 50 % supérieur pour gc que pour gf. remarquablement libres des effets du fond strictement cultu-
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rel. En pratique, aussi, ils montrent le pouvoir prédictif at- variance de g due à gf plutôt qu’aux effets de l’envi-
tendu vis-à-vis du langage et de l’apprentissage numérique à ronnement doit être plus grande que ce n’est le cas à
l’école — que l’enseignement soit en anglais, en français, ou six ans (quand la scolarisation est inégale) ou après
en chinois (Rodd, 1958 ; Godman 1964). La corrélation 18 ans (moment où les individus ont quitté l’école
attendue est, cependant, légèrement plus faible que pour les après des scolarités de durée variable).
tests traditionnels — si l’on pronostique le résultat scolaire à C hypothèse III. Les saturations de g et gf dans diverses
partir du test d’intelligence au cours de la même année et activités changeront quelque peu avec le changement
dans le même environnement. Car le test traditionnel contient de nature des activités avec l’âge. Notamment, les
déjà une certaine part du critère scolaire qu’il doit prédire ! activités numériques qui commencent, à six ans et
C’est quand on travaille avec des adultes, et avec les résultats dans le présent groupe de 10–12 ans, par demander
dans des domaines nouveaux et non-scolaires, que la mesure beaucoup d’intelligence, seront plus dépendantes, au
de l’intelligence générale fluide par les tests « culture free » moment de l’adolescence et plus tard, de l’aptitude
peut montrer sa supériorité. cristallisée, c’est-à-dire que la saturation en gf sera
plus élevée ici et à six ans que dans les études portant
sur les âges suivants.
3. Trois hypothèses à vérifier par le plan Pour comprendre l’hypothèse II il est nécessaire de consi-
de l’expérience présente dérer la Fig. 1 qui, conformément au modèle décrit ailleurs
par Cattell, 1965, considère l’ordre des facteurs (les strates,
La section précédente, consacrée aux principales différen- pour être plus précis) comme exprimant les niveaux d’action
ces des aptitudes générales fluide et cristallisée, doit être des facteurs comme déterminants ou influences. Ainsi, la
comprise si l’on veut apprécier le plan et le but de l’expé- factorisation initiale de variables fournira normalement :
rience entreprise ici. Au début de cette expérience, on dispo- • des aptitudes primaires — N, V, R, S, etc. —
sait des résultats de trois études d’analyse factorielle : • soit gf lui-même directement, soit quelque chose d’autre
• une sur des adultes, par Horn et Cattell, 1966 ; ressemblant à une aptitude primaire étroitement limitée
• une autre sur des enfants de 13 ans, par Cattell, 1963 ; aux tests « perceptifs » culture free.
• et la troisième sur des enfants de six ans, par Cattell, Au niveau suivant, le second ordre, gc apparaîtra, couvrant
1967. N, V, R, etc., tandis que le facteur d’aptitude fluide se répétera
La théorie requerrait, d’abord, que la même structure simplement lui-même, ou bien, s’il n’est pas apparu large-
essentielle soit visible dans les résultats de tous les niveaux ment déjà au premier ordre, il couvrira maintenant S, R, et
d’âge, à savoir qu’il existe un facteur virtuellement général quelque peu V, et N, ainsi que le « primaire » perceptif central
saturant toutes les capacités intellectuelles; « cristallisées », des tests « culture free ». Naturellement, si l’on part de
mais non les analogies, classifications, etc., « culture free », variables qui sont elles-mêmes virtuellement de pures mesu-
et un facteur d’aptitude fluide saturant principalement le res de « primaires », N, V, etc., ce que nous décrivons
dernier type de tests, mais avec une certaine saturation sur le maintenant comme le second ordre apparaîtra au premier
premier, aussi. En second lieu, elle requerrait qu’il y ait ordre, comme cela est arrivé dans l’expérience de Horn avec
quelques différences de comportement de ces facteurs en les adultes. Incidemment, il est possible que les facteurs de
fonction de l’âge, mais d’une manière subtile. personnalité et d’aptitude se trouvent à des niveaux différents
La présente recherche peut, par conséquent, être considé- en dépit du fait qu’ils se situent aux mêmes niveaux d’ordre
rée principalement comme visant : opérationnels. Cela peut arriver parce que l’on peut partir des
• à compléter l’examen des zones d’âge, en ajoutant la aptitudes décomposées en de nombreuses variables ou prises
zone de la pré-adolescence (10–12 ans) aux analyses comme « primaires » uniques.
couvrant déjà les zones de 5–7 ans, 13–14 ans et de l’âge Et si l’on en est déjà aux niveaux de personnalité de la
adulte (20–50 ans) ; seconde strate bien qu’encore aux positions primaires pour
• et à contrôler les trois principales hypothèses suivantes : les aptitudes, il y a un danger constant que l’on ne soit pas en
C hypothèse I. Une structure bi-factorielle apparaîtra mesure, dans une expérience donnée, de pousser l’analyse
dans les grandes activités cognitives, à cet âge comme des aptitudes à un niveau suffisamment élevé parce que, pour
aux autres, avec les « patterns » caractéristiques g et gf. la personnalité, la « matière de l’hyperplan » nécessaire se
C hypothèse II. Ces larges facteurs seront corrélés posi- trouvera réduite, au troisième ordre, à une seule dimension.
tivement, à 0,50 environ, mais avec l’indication d’une Dans un tel cas, il n’y a aucun moyen de vérifier ce qui arrive
valeur plus élevée que celle caractéristique des enfants finalement aux aptitudes à l’étage le plus élevé.
au seuil de l’école (recherche sur les enfants de 6 ans) Selon la théorie nous attendons, comme le montre la
ou des adultes d’âge moyen. Justifier et préciser cette Fig. 1, que lorsque les facteurs gf et gc auront atteint leur
hypothèse plus étroitement prendrait plus de place expression la plus claire et la plus compréhensive, ce qui peut
qu’on en dispose, mais l’argument est que, puisque ces arriver au second ou au troisième ordre, comme on l’a indi-
enfants ont été exposés pendant quatre années assez qué, l’analyse de l’ordre supérieur suivant fournisse un seul
uniformément à l’environnement scolaire, la part de la facteur d’aptitude générale (le « facteur d’aptitude fluide
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Intelligence Fluide Investissement de Intérêt


Temps Mémoire
(Historique) l’Apprentissage historique historique
Commun
(Historique)
Facteurs du troisième
ordre
gf1 c

Intelligence Fluide Intelligence cristallisée


(Actuelle)

Intérêt Mémoire
Présent Présente
Facteurs du second
ordre gf2 gc

Intelligence Fluide
(Actuelle)

Facteurs du premier
ordre
gf3
S V R N F M

Sub-Tests Sub-Tests Mesures de Réussite


Culture free Cognitifs Généraux Scolaire

Fig. 1. Hypothèse de l’intelligence fluide et cristallisée exprimée sous forme de modèle. Les flèches indiquent la direction des influences ; littéralement, des
saturations. Les flèches continues montrent les saturations principales.

d’hier ») plus certains facteurs fragmentaires (représentés au strate supérieur, avec l’âge et d’autres conditions, reposent
sommet de la Fig. 1) ayant trait à la durée et l’intensité de la cependant de manières complexes sur des hypothèses. Par
scolarisation — essentiellement des facteurs de situation. La exemple, si la zone d’âge du groupe est large, la corrélation
signification de l’expression « facteur d’aptitude fluide de maturation (entre les gf de cette année et des années
d’hier » est que le facteur d’aptitude fluide, gf, du présent précédentes) sera plus faible. C’est pourquoi, dans cet article,
immédiat, et le facteur gc du présent immédiat doivent être comme nous l’avons indiqué plus haut, nous nous en tien-
conçus l’un et l’autre comme déterminés par le facteur gf de, drons au contrôle de trois hypothèses relativement directes
disons, deux ou trois années avant. C’était le niveau de ce seulement. Néanmoins, l’examen de ces hypothèses limitées
dernier pendant ces premières années formatrices qui expli- requiert encore que nous organisions l’expérience de ma-
quait la rapidité de l’apprentissage qui décida — avec la nière qu’elle permette d’effectuer des analyses factorielles
qualité de l’enseignement, le niveau d’intérêt pour les études, d’ordre élevé.
etc. — du niveau actuel de gc. Il décida aussi — si nous
accordons que la maturation progresse chez tous les indivi-
dus selon la même courbe de projection — du niveau actuel 4. L’expérience
de gt chez l’individu. Ainsi le gf actuel et le gc actuel doivent
être en forte corrélation avec le gf d’hier, mais pour différen- 4.1. Choix des variables
tes raisons.
Les déductions concernant les manières selon lesquelles Comme la structure factorielle d’une grande variété de
les saturations et les corrélations varieront, à ce niveau de sub-tests « culture free » a été (Cattell, 1963, 1967) et est
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explorée ailleurs (Horn et Cattell, 1966), seul le minimum de Tableau 1


deux tests indicateurs nécessaires pour représenter le do- Liste des variables stratégiques (Décrites avec l’indication du sens de la
notation)
maine perceptif (« culture free ») fut pris ici, à savoir les
formes A et B du test d’intelligence de R.B. Cattell, échelle 2. Numéro dans la matrice
1 Test d’Intelligence Culture Free, Forme A, Meilleure note brute.
(Chaque forme est cependant constituée par la réunion de
2 Test d’Intelligence Culture Free, Forme B, Meilleure note brute.
quatre sub-tests : classification, séries, matrices et topologie).
3 Sub-test Mots de la Signification verbale, Meilleure note brute.
Deux tests seulement furent inclus aussi pour représenter le
primaire V, l’un étant un test figuratif de signification verbale 4 Sub-test Images de la Signification verbale, Meilleure note brute.
(vocabulaire) et l’autre un test de synonymes tiré de la batte- 5 Sub-test Sens des nombres de la Facilité Numérique, Meilleure note brute
rie d’aptitudes primaires mentales (BAPM) de Thurstone et 6 Sub-test Additions de la Facilité Numérique, Meilleure note brute.
Thurstone, 1947 pour cet âge. De même l’aptitude N (ou 7 Relations Spatiales, Meilleure note brute
mathématique) fut représentée par deux indicateurs, l’un 8 Sub-test Groupement de figures du Raisonnement, Meilleure note brute
impliquant la capacité pour les additions et l’autre le « sens
9 Sub-test Groupement de mots du Raisonnement, Meilleure note brute.
des nombres », également de la Batterie de Thurstone.
10 Rapidité perceptive, Meilleure note brute
Un seul indicateur fut introduit pour l’aptitude spatiale,
11 Facteur B, Intelligence, du CPQ, Meilleure note brute
parce qu’il est connu que les tests de gf « perceptifs »
contiennent suffisamment de S pour assurer l’apparition d’un 12 Plus grand nombre de réponses correctes au test de vocabulaire (Synony-
facteur spatial. Deux indicateurs pour R (primaire raisonne- mes).
ment) furent inclus et un pour la vitesse perceptive. Il appa- 13 CPQ - A Affectothymia
raît possible, à l’examen de ces tests, que les opérations 14 ” - C Force du Moi.
numériques impliquent une certaine variance de facteur rai- 15 ” - D Excitabilité.
sonnement et que le test perceptif implique une certaine 16 ” - E Dominance.
17 ” - F Surgence.
aptitude spatiale. Outre ces épreuves, deux autres mesures du
18 ” - G Force du Surmoi.
domaine des aptitudes cognitives furent présentes. L’une fut
19 ” - H Parmia.
le facteur B, l’échelle d’intelligence du questionnaire de 20 ” - I Premsia.
personnalité pour enfants (CPQ), qui est une mesure mixte de 21 ” - J Asthenia.
gf et gc, comme beaucoup de tests d’intelligence, mais qui est 22 ” - N Sagacité.
administrée dans des conditions de temps non limité. L’autre 23 ” -O Propension au sentiment de culpabilité.
fut un test supplémentaire de simple étendue du vocabulaire, 24 ” - Q3 Sentiment de soi.
le numéro 12 ci-dessous, qui fut présenté sous forme de 25 ” - Q4 Tension ergique.
synonymes. 26 Échelle de Taylor pour enfants. Plus forte note d’anxiété manifeste.
Ainsi le domaine des aptitudes était adéquat (en particu-
27 GASC, plus forte note d’anxiété générale.
lier pour la longueur et la fidélité des tests) pour assurer une
représentation suffisante mais minimale des principaux fac-
teurs primaires, V, N, R, S, et peut-être P, à côté des tests tests ont été administrés en classe en cinq séances de 40 mi-
« culture free ». On s’attendrait à voir apparaître les facteurs nutes, et firent partie d’une batterie plus étendue comportant,
primaires au premier ordre, gc et gf immédiatement au se- des mesures objectives de personnalité administrées par le Dr
cond ordre, et le gf « historique » au troisième. John Hundleby du laboratoire d’analyse de la personnalité,
Comme « matière d’hyperplan », capable de subsister de l’université de l’Illinois.
avec au moins deux dimensions au troisième ordre, nous
avons utilisé les quatorze facteurs primaires de personnalité 4.3. Analyse initiale
du CPQ de Porter et Cattell, 1960 qui devraient fournir cinq
ou six facteurs de personnalité au second ordre et deux ou Une matrice des corrélations de Bravais-Pearson entre les
trois au troisième ordre. 27 variables a été calculée et, avec les unités dans la diago-
Deux échelles d’anxiété furent ajoutées, pour aider à indi- nale, les 27 composantes principales ont été extraites. Le
quer le facteur d’anxiété du second ordre, attendu des fac- Scree test (Cattell, 1966) (Fig. 2) pour le nombre de facteurs,
teurs primaires du CPQ. Il y eut ainsi en tout 27 variables, appliqué à ces racines, indiqua neuf facteurs, bien que, eu
comme le montre le Tableau 1. égard aux propriétés apparaissant plus tard dans l’analyse,
nous croyons que 10 ou 11 aurait été un nombre acceptable,
4.2. Sujets et conditions d’administration au moins pour fournir des facteurs résiduels d’erreur. Cepen-
dant, l’analyse factorielle comporta six itérations et les com-
Pour le degré de précision requis dans les saturations munautés convergèrent très précisément pour une solution en
factorielles il semblait désirable d’avoir un grand échan- neuf facteurs.
tillon. Nous avons pu recueillir les résultats de 153 garçons et La rotation vers une structure simple fut effectuée selon le
de 153 filles des grades 4 et 5 (de 9 à 12 ans ; âge moyen programme automatique Maxplane (Eber), suivi par les amé-
10,5 ans) d’une petite cité du Midwest des États-Unis. Les liorations du Rotoplot (Cattell et Foster, 1963) jusqu’à une
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Les facteurs constituant la « matière des hyperplans »,


c’est-à-dire les facteurs extérieurs au matériel cognitif, sont
dans quelques cas ceux qui ont été typiquement reconnus
précédemment parmi les facteurs primaires du CPQ, le pre-
mier étant exvia-invia (« extroversion ») et le second l’an-
xiété. Le troisième, cependant, est apparemment un mélange
de pathemia et dépendance, facteur jusqu’à présent séparé
(Gorsuch et Cattell, 1967) dans le domaine du second ordre.
De même le facteur 8 est à peine reconnaissable dans les
facteurs de personnalité antérieurs du second ordre, bien
qu’il ait une ressemblance avec le souci de soi-même et
sature des variables suggérant l’indifférence pour le groupe.
La seule autre anomalie dans le Tableau 2 est que les deux
prétendues échelles spéciales d’anxiété (l’anxiété « mani-
feste » et la GASC) ont quelque variance commune distincte
Fig. 2. Le « Scree test » pour le nombre de facteurs au premier ordre. du facteur de pure anxiété (le facteur d’anxiété de second
ordre dans le CPQ). Cela a été reconnu précédemment quand
Cattell et Scheier ont montré que l’échelle d’anxiété mani-
proportion maximisée des hyperplans à ±.10 de 70 %. À ce feste de Taylor contient du névrotisme à côté de l’anxiété.
moment, le pattern factoriel apparaissait tel que dans le Cependant, cela renvoie simplement à l’ordre suivant, leur
Tableau 22. variance d’anxiété vraie se trouvant englobée dans un facteur
d’anxiété générale supérieur. L’échelle d’intelligence du
CPQ, le facteur B, se divise lui-même, comme on pouvait s’y
5. Résultats attendre, entre les aptitudes « culture free » et verbale.
Les conditions désirées (surtout la présence de cinq fac-
La structure au premier ordre, dans le Tableau 2, est teurs de personnalité encore au premier ordre) ayant été
extrêmement claire et, avec deux exceptions, très facilement maintenues, nous avons procédé à une factorisation du
interprétable. Les trois résultats verbaux indiquent un facteur deuxième ordre, qui fournit par le Scree test peut-être quatre
primaire verbal, V, et le facteur d’aptitude fluide, gf, est mais probablement cinq facteurs, en sorte que nous avons
fortement marqué par les deux épreuves d’intelligence « cul- procédé aux itérations (bien que 5 soit supérieur à n/2), pour
ture free », mais s’exprime aussi quelque peu dans la facilité obtenir les communautés correspondant à 5, et à la rotation
numérique, les deux tests de raisonnement et dans le test vers une structure simple, avec le résultat3 donné dans le
conventionnel d’intelligence, le facteur B, du Questionnaire Tableau 34.
de personnalité pour enfants (CPQ). Les deux mesures de Alors que le Tableau 2, au premier ordre, présente un
facilité numérique apparaissent, comme il se doit, ensemble facteur d’aptitude fluide acceptable, il ne montre pas encore
et fortement saturées par ce qui semble être un facteur N, de facteur étendu d’aptitude cristallisée, et la situation se
mais nous notons alors que les deux tests de raisonnement présente comme au niveau du premier ordre dans la Fig. 1,
marquent aussi ce facteur. On doit considérer ici la possibilité avec un gf3 accompagné par V, N, etc. Le Tableau 3 présente
que nous ayons sous-estimé la vraie dimensionnalité facto- la preuve cruciale de l’apparition simultanée de gf et de gc
rielle et bloqué N et R en un facteur composite unique, et comme concepts contemporains. Le facteur 1 a sa plus forte
peut-être, de même, bloqué S et P en un facteur composite saturation (0,78) dans la première expression de l’aptitude
spatialperceptif. Heureusement, comme notre but est entière- fluide, gf3, mais il apparaît maintenant clairement comme
ment de déterminer des facteurs de second ordre, nous ayant une très large influence affectant aussi l’aptitude spa-
n’avons pas à régler cette question portant sur les facteurs tiale et déterminant une variance moindre même dans les
primaires et nous désignerons les facteurs du premier ordre facteurs primaires numérique et verbal. Le facteur 2 est
par N(R) et S(P), c’est-à-dire comme facteurs principalement
numérique et spatial. On doit en tout cas considérer la possi-
bilité que, compte tenu des tests mathématiques particuliers 3
Cette solution a été comparée à une solution de structure simple
de ces batteries, le raisonnement et l’aptitude numérique sont obtenue indépendamment pour l’autre possibilité, l’extraction de quatre
facteurs. La structure simple est réellement un peu plus pauvre (50 % au lieu
parties d’une dimension unique. De même, le prétendu test
de 60 % dans la bande de ± 0,10) ; les deux facteurs cognitifs généraux, le
perceptif peut être, en fait, principalement un test d’aptitude facteur d’anxiété et le facteur pathemiadépendance subsistent ; et le cin-
spatiale. quième facteur, positif pour l’extraversion et négatif pour l’aptitude numé-
rique, est perdu. Une plus grande part de la variance cognitive est ainsi
rejetée sur g,, et gc est déformé par la perte de toute saturation en aptitude
2
La matrice avant rotation, V0, la transformation L, et la matrice Rf, numérique.
4
corrélations entre facteurs, sont disponibles en s’adressant au Laboratoire Les tables auxiliaires, V0, L, sont disponibles au Laboratoire d’analyse
d’analyse de la personnalité, université de l’Ilinois. de la personnalité.
R.B. Cattell / Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56 53

Tableau 2
Configuration de structure simple au premier ordre
Variables Facteurs
1 2 3 4 5 6 7 8 9
gf3 V N(R) S(P) Exvia Anx. Pattern Désint.a pr le Anx.bnévrot.
Depend grp
1. Cult. Free-A 88 – 09 – 02 – 02 – 09 04 03 – 13 – 05
2. Cult. Free-B 80 08 00 07 05 05 04 13 – 03
3. Verbal. W – 04 85 – 06 18 03 07 03 07 – 04
4. Verbal. P – 01 68 – 18 29 – 09 01 04 – 04 01
5. Numérique 18 17 – 66 – 04 04 04 – 09 02 – 08
6. Numérique. Add 03 – 06 78 05 29 01 – 01 – 08 – 03
7. Spatial 04 07 – 00 61 – 12 – 09 05 – 08 – 01
8. Raisonn. Fig 19 – 01 71 09 – 15 – 09 – 01 05 09
9. Raisonn. W 21 20 76 – 07 – 06 – 06 – 00 13 00
10. Perceptif – 03 10 06 71 18 10 13 08 02
11. Intell. B 40 26 11 06 08 – 08 – 05 04 13
12. Vocab. 06 64 20 – 05 05 – 07 06 – 04 02
13. CPQ – A 01 13 09 – 01 40 – 34 06 05 – 01
14. CPQ – C 19 – 07 04 00 38 – 55 – 30 04 11
15. CPQ – D – 02 – 09 – 02 – 00 – 12 74 – 15 – 33 – 15
16. CPQ – E 06 – 02 – 11 – 06 03 14 – 72 – 11 – 03
17. CPQ – F – 12 04 – 02 – 07 02 – 08 – 84 – 04 – 05
18. CPQ – G – 02 07 16 – 03 – 04 – 44 47 – 02 – 04
19. CPQ – H – 03 – 10 04 03 41 – 54 – 31 01 – 02
20. CPQ – I 07 09 – 05 02 – 08 07 89 – 02 – 03
21. CPQ – J – 01 – 05 – 06 – 15 – 05 67 14 – 04 04
22. CPQ – N – 02 – 12 – 05 01 – 03 45 – 44 25 – 06
23. CPQ – O 06 – 01 – 04 – 06 – 22 58 24 11 03
24. CPQ – Q3 19 – 03 06 – 02 03 – 47 44 – 22 09
25. CPQ – Q4 08 15 – 02 – 09 13 67 – 19 27 –03
26. Anx. Manif – 00 – 03 – 05 06 – 13 03 20 – 16 – 77
27. Anx. Gén 09 – 00 05 – 08 26 – 03 38 12 69
a
Désint. pr le grp. = désintérêt pour le groupe.
b
Anx. névrot. = anxiété névrotique.

Tableau 3
Configuration de structure simple au second ordre
Variables Facteurs
1 2 3 4 5
gf2 gc Anxiété Inconnu Inconnu
I gf3 fluide 78 09 03 10 – 01
2 Verbal V 22 63 02 02 – 00
3 Numérique N (R) 47 35 – 02 19
4 Spatial S (P) 73 03 – 02 – 05 – 03
5 Exvia 01 29 – 14 25 55
6 Anxiété 05 00 80 – 26 08
7 Pathemia 04 04 03 67 03
8 04 60 00 –03 – 02
9 Anxiété névrot. 09 06 7l 04 – 21

marqué comme aptitude générale cristallisée par sa force tion marquée est celle de gc avec l’exvia, dont on a montré
principale dans les capacités culturelles de l’aptitude verbale précédemment qu’elle favorisait la réussite en classe à cet
(0,63) et aussi de l’aptitude numérique et du raisonnement âge, et, de façon fortement négative, avec le facteur 8, l’indif-
(0,35). férence vis-à-vis du groupe. Nous ne sommes cependant pas
Comme il a été observé plus haut, le facteur d’aptitude grandement intéressés ici à définir les associations avec la
cristallisée, gc, a de nombreuses associations avec la person- personnalité comme telles.
nalité tandis que gf n’en a pas. Cela est cohérent avec le fait Avec ce degré de clarté des facteurs gf et gc (correspondant
que les forces qui moulent les capacités culturelles moulent à la seconde strate dans la Fig. 1) nous prenons maintenant la
également les aspects sociaux de la personnalité. L’associa- matrice de corrélations des cinq facteurs pour une analyse du
54 R.B. Cattell / Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56

Tableau 4
Configuration de structure simple au troisième ordre (et matrices auxiliaires)
Variables Facteurs (après rotation) Matrice factorielle avant rotation
1 2 3 1 2 3
gf1 Infl. Soc. Inconnu
1 gf2 fluide 70 – 02 – 25 I 69 –27 –10
2 gc cristall 59 48 06 2 91 07 12
3 Anxiété – 09 07 32 3 –12 09 29
4 Inconnu – 41 00 – 05 4 –36 14 –13
5 Inconnu – 02 62 – 04 5 50 37 –11

Corrélations entre les facteurs après rotation Matrice de transformation


1 2 3 1 2 3
1 100 I 60 35 – 09
2 50 100 2 – 77 93 30
3 – 08 – 29 100 3 – 21 05 95

troisième ordre, avec les résultats figurant au Tableau 4. (La C’est-à-dire que les capacités impliquant un jugement
matrice avant rotation et la matrice de transformation sont sont fortement intercorrélées parce que leur niveau chez
dans ce cas assez petites pour être présentées en même un individu est le résultat de l’action simultanée de deux
temps). facteurs principaux. Cependant, au premier stade, et
II est clair que le résultat s’accorde bien avec la consé- avec le seul caractère d’un cluster, cette entité ne mon-
quence tirée du modèle de la Fig. 1, quand le facteur 1 est trerait pas, comme un facteur, un hyperplan distinct, et
considéré comme 1’« Intelligence historique fluide ». Celle- l’on pourrait aussi aisément opérer la rotation vers un
ci, comme l’hypothèse I de notre introduction le requiert, facteur de « durée et intensité de scolarisation » que vers
rend compte de la moitié environ de la variance du niveau ce cluster d’aptitudes cristallisées. Cependant, l’ensem-
d’intelligence fluide existant (le reste étant sans doute erreur ble de « capacités de penser » verbale, numérique, logi-
de mesure et défaut de transmission), et d’un tiers environ de que et mécanique qui constitue ainsi initialement seule-
l’aptitude cristallisée existante. Comparée avec les résultats ment un cluster de corrélations prend bientôt le caractère
obtenus à six ans (Cattell, 1967) et aux niveaux adultes (Horn d’un facteur, c’est-à-dire d’une influence ou d’un déter-
et Cattell, 1966), cette saturation de gn sur gc est un peu plus minant, parce que :
grande, car, comme le requiert l’hypothèse II, l’influence C ces capacités deviennent capables, comme « aides »
scolaire est ici plus uniforme et doit contribuer moins à la (Cattell, 1963), de cette action autogénératrice que
variance de gc. En accord avec l’hypothèse III, les saturations Piaget, 1950 a reconnue, agissant elles-mêmes pour
de gf et de gc dans le raisonnement numérique sont en ordre produire un ensemble fonctionnellement encore plus
inverse, quant à leur grandeur, par rapport aux résultats étroitement intégré de capacités de « l’homme cul-
obtenus plus tard avec les adolescents (Cattell, 1963). tivé » ;
Niveau d'Aptitude Fluide

6. Sommaire Aptitude

• un bref compte rendu a été donné de l’essentiel de la Cristallisée

théorie de l’intelligence fluide et cristallisée, de son R

origine dans la reconnaissance de deux larges facteurs à F


N V

son élaboration en termes de propriétés distinctes assi-


gnées aux deux facteurs, concernant l’origine, la crois-
sance, l’écart-type du QI, la susceptibilité aux lésions
cérébrales, et la relative indépendance de la culture ;
• le facteur d’aptitude générale cristallisée est un produit
de l’aptitude fluide agissant pendant les années de déve-
loppement sur des groupes de capacités scolaires et Années et Intensité de la Scolarisation

culturelles. Les individus diffèrent par la durée de leur Fig. 3. Niveau d’Aptitude Fluide
exposition à ces influences formatrices, mais cette durée Aptitude
tend à être la même pour tous les groupes d’influences. Cristallisée
Années et Intensité de la Scolarisation
À l’origine, par conséquent, gc a le caractère d’un Aspect initial de l’aptitude cristallisée comme un faisceau de corrélations
groupe de corrélations plutôt que d’un facteur, comme le résultant des effets de gf et de l’influence de la durée et de l’intensité de la
montre la Fig. 3. scolarisation.
R.B. Cattell / Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56 55

C et elles déterminent certains événements de la vie de 12 ans, fournirent neufs facteurs (mais peut-être 11) qui
l’individu, par exemple s’il ira ou non au collège, quels possèdent, avec une exception, le caractère habituel des
seront ses intérêts de lecture, etc. facteurs primaires V, N, R, S et gf3, etc. Factorisés à
En ce sens gc pourrait prendre, peut-être au cours de la nouveau ces facteurs fournirent clairement un facteur gf2
seconde enfance, davantage que le caractère d’un cluster, et et g, plus trois facteurs de personnalité du troisième
présenter l’hyperplan et la dimensionnalité caractéristiques ordre. Le gf2 était, comme prévu, plus fort en satura-
d’un facteur ; tions, en particulier sur N, que dans les années postérieu-
• si le compte rendu ci-dessus est correct, une analyse res. Au troisième ordre le « facteur d’aptitude fluide
factorielle du premier ordre suffisamment sensible de- d’hier », gf1, fut le seul vrai facteur d’aptitude générale
vrait révéler d’abord un gf indépendant des aptitudes conservé, faisant apparaître gc comme un produit de son
primaires. Nous l’avons désigné par gf3. Ensuite, au influence et de la longueur de la formation. Cela est en
second ordre, on devrait trouver le vrai facteur d’apti- accord avec les résultats des trois autres expériences et
tude fluide actuellement existante, gf2, contribuant quel- avec l’expression générale de la théorie ;
que peu à la variance des aptitudes primaires et figurant
• pour la psychologie appliquée, le principal produit de
à côté du second grand facteur d’aptitude cognitive, gr,
cette théorie est le test d’intelligence « culture free ».
aptitude générale cristallisée, fortement impliquée dans
Bien que de tels tests aient parfois été construits pour des
les aptitudes primaires verbales, numérique, etc. Finale-
raisons d’opportunité, et par modifications intuitives de
ment, au troisième ordre, gf2 et gc devraient se résoudre
tests d’intelligence ordinaires, le véritable fondement du
entre l’aptitude fluide « historique » gf1 opérant au cours
des années précédentes du développement, et des fac- progrès dans de tels tests a été la découverte que les tests
teurs fragmentaires de « durée et intensité de la scolari- saturés en facteur d’aptitude fluide le sont également
sation », des facteurs de personnalité favorisant le travail dans différentes cultures et que des cultures largement
de pensée à l’école, et toute autre influence sur la forma- différentes peuvent ne donner lieu à aucune différence
tion de l’aptitude cristallisée. du niveau des notes brutes à de tels tests. Cependant, les
Cette hypothèse comportant trois niveaux requerrait que tests « culture free » ne sont pas simplement une « curio-
les corrélations et les saturations des facteurs ci-dessus sité » psychométrique, à l’intention des quelques psy-
se modifient de certaines manières au fur et à mesure que chologues engagés avec des anthropologistes dans des
la factorisation progresse d’âge en âge, et avec différents recherches interculturelles. Ils sont une nécessité dans
types socioculturels de population. En particulier, la l’emploi ordinaire des tests en psychologie scolaire et
séparation de gc, comme facteur plutôt que comme clus- professionnelle, parce que ces recherches montrent que
ter, de la « durée et intensité de la scolarisation » devrait les tests traditionnels d’intelligence, du type « aptitude
être plus difficile dans la première année d’école. Le cristallisée », sont très sensibles aux biais de la classe
tableau de ses liaisons devrait être aussi moins clair et sociale et des influences subculturelles dans un même
moins uniforme à six ans et, disons, à 26 ans que pendant pays. En fait, la corrélation de gf et de gc à l’école est
les années d’école, parce que, à ces âges, une plus petite ordinairement voisine de 0,60 à 0,70, alors qu’elle de-
fraction de la vie des sujets a été passée dans des condi- vient sensiblement plus faible chez les adultes. Cela ne
tions scolaires uniformes. En conséquence, la corréla- veut pas dire que les mesures d’aptitude cristallisée que
tion de gf et de gc devrait être plus basse au cours de la fournissent les tests traditionnels d’intelligence ne don-
petite enfance et de l’âge adulte que dans la période nent pas des pronostics de réussite scolaire au moins
présente et la saturation de gf1 sur gc devrait être plus aussi bons (Bonnardei et Doutrepont, 1964) que ceux
faible. De même, les activités telles que l’aptitude numé- que donnent les tests « culture free » pendant la période
rique devraient partager leurs variances différemment scolaire — étant donné que les premiers de ces tests sont
entre gf et gc à cet âge et plus tard ; contaminés par les résultats scolaires à prédire. Mais
• une expérience est rapportée ici, qui contrôle ces hypo- lorsque l’apprentissage dans de nouveaux domaines et
thèses, et complète la comparaison des résultats pour les en dehors de la période scolaire intervient, on peut
différents âges en ajoutant ceux qui concernent la pé- attendre que le test « culture free » offre de plus grandes
riode de 10 et 11 ans à ceux qui ont déjà été obtenus sur possibilités de prédiction analytique. En tout cas les
les enfants de six ans, les jeunes adolescents (13 et résultats de la recherche sont en faveur de l’emploi, en
14 ans) et les adultes. Le parallélisme requis a été assez psychologie appliquée, du double QI — l’un fondé sur
bien préservé comme pour les autres expériences, et gf et l’autre sur gc.
comprend la condition essentielle d’avoir suffisamment
de « matière d’hyperplan » concernant les facteurs de
personnalité pour permettre la poursuite de la rotation de Références
larges facteurs d’aptitude vers la structure simple
jusqu’au troisième ordre ; Anastasi, A., 1964. Culture fair testing. Educ. Horizons 43, 26–30.
• vingt-sept variables primaires stratégiquement choisies, Binet, A., Simon, T., 1905. Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau
mesurées sur 153 garçons et 153 filles de 9, 10, 11 et intellectuel des anormaux. Année psychol. 11, 191–244.
56 R.B. Cattell / Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56

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