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2018
Présentation
Dans Nous ne sommes plus seuls au monde, Bertrand Badie mettait en
évidence les blocages d’un ordre international pris au piège de la
mondialisation. Il montre ici comment le Sud, largement issu de la
décolonisation, réagit à cette situation et, reprenant la main, recompose le
système.
Jusqu’à la fin de la Guerre froide, la compétition entre puissances a fait
l’histoire. Aujourd’hui, non seulement elle est mise en échec, mais la
faiblesse, à l’origine de la plupart des conflits (à travers celle des États,
des nations institutionnalisées, ou du lien social), définit les enjeux
internationaux et produit la plupart des incertitudes qui pèsent sur l’avenir.
Le sens de la conflictualité mondiale s’en trouve particulièrement
bouleversé. Devenue compétition de faiblesses, elle n’est plus
territorialisée, n’oppose plus exclusivement des armées et des États ; peut-
être a-t-elle même pour seule finalité de perpétuer des « sociétés
guerrières ». Elle produit une violence diffuse, se déplace par rhizome,
atteint tout le monde. Les vieilles puissances peinent à l’admettre.
Le système international se transforme, inévitablement, sans que les
États n’en prennent la mesure : il intègre de nouveaux acteurs et réécrit
l’agenda international jusqu’à faire des questions sociales les enjeux
majeurs de notre temps (démographie, inégalités, sécurité humaine,
migrations). Reste à inventer les remèdes à ces nouvelles « pathologies
sociales internationales ».
L’auteur
Professeur des universités à Sciences Po-Paris, Bertrand Badie s’est
imposé comme l’un des meilleurs experts en relations internationales. Il
est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages qui font référence.
Collection
Cahiers libres
PARMI LES OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
Nous ne sommes plus seuls au monde. Un autre regard sur l’« ordre
international », La Découverte, Paris, 2016.
Un monde de souffrances, Salvator, Paris, 2015.
Le Temps des humiliés, Odile Jacob, Paris, 2014.
Quand l’Histoire commence, CNRS Éditions, Paris, 2012.
La Diplomatie de connivence. Les dérives oligarchiques du système
international, La Découverte, Paris, 2011 (nouv. éd., 2013).
(avec D. BERG-SCHLOSSER et L. MORLINO), International Encyclopedia of
Political Science, Sage, Londres, 2011.
Le Diplomate et l’Intrus, Fayard, Paris, 2008.
L’Impuissance de la puissance, Fayard, Paris, 2004 (CNRS Éditions, Paris,
2012).
La Diplomatie des droits de l’homme, Fayard, Paris, 2000.
Un monde sans souveraineté, Fayard, Paris, 1998.
La Fin des territoires, Fayard, Paris, 1995 (CNRS Éditions, Paris, 2012).
L’État importé, Fayard, Paris, 1992.
Les Deux États, Fayard, Paris, 1987.
Copyright
© Éditions La Découverte, Paris, 2018.
S’informer
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suffit de vous abonner gratuitement à notre lettre d’information bimensuelle
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retrouverez l’ensemble de notre catalogue.
1. - L’échec de la décolonisation
Une occasion manquée
Variations contrôlées
Un processus entravé par la violence coloniale, les institutions
postcoloniales et les libérateurs eux-mêmes
Contre-socialisation par l’islam
Un nationalisme de combat plus que de projet
L’échec de l’« État importé »
2. - Comment le vieux monde résiste au nouveau
L’insertion des « intrus »
La résistance des organisations internationales
Les puissances se replient : l’ère des « clubs » et des groupes
Valeurs d’un autre âge et décisions tièdes
De nouveaux modes scabreux de domination postindépendances
Rapports asymétriques et présidents « clientélisés »
3. - La politique de la faiblesse
De la puissance à l’hégémonie « bienveillante »
Comment la faiblesse est devenue sujet de l’histoire
L’effet de faiblesse
La nuisance, nouvelle arme du faible
« Pour la première fois dans l’histoire, les moins puissants exigent
quelque chose des plus puissants »
4. - Sociétés en guerre et sociétés guerrières
Guerres d’hier, conflits d’aujourd’hui
L’essor de la déviance, violence sociale internationale
Boko Haram, ou la contre-socialisation violente
Entre militantisme politique et simple criminalité
Les exportateurs de violence
Des sociétés guerrières
5. - Interventions d’hier, interventions d’aujourd’hui
La transgression de la souveraineté, un certain goût pour le péché
Nouveau contexte, nouvelles formules
Sociologie d’un échec
L’usage de la puissance, ou le cercle vicieux
Intervenir par-delà la puissance ?
6. - Réinventer le système international
Adaptation douce ou réaction violente
Un espace public de discussion métasouveraine
Les piliers de la reconstruction
Dépolarisation, multilatéralisme réel, intégration sociale,…
Conclusion
Introduction
1. Bertrand BADIE, Nous ne sommes plus seuls au monde, La Découverte, Paris, 2016.
2. Hedley BULL, The Anarchical Society. A Study of Order in World Politics, Columbia University
Press, New York, 1977. Sur l’introduction de l’idée de système, voir Morton A. KAPLAN, System and
Process in International Politics, J. Wiley, New York, 1957 et Kenneth WALTZ, Theory of
International Politics, Addison Wesley, New York, 2000 [1979].
1.
L’échec de la décolonisation
Variations contrôlées
Bien entendu, de fortes spécificités distinguaient les types de colonisation
propres à chaque puissance occidentale, comme les expériences réalisées
dans chaque empire. Reste que les similitudes sont pour l’essentiel très fortes.
D’abord, dans la conduite de l’événement lui-même, dans la gestion des
indépendances, dans le statut concédé aux nouveaux membres, dans la
position qui leur est octroyée au sein du système resté westphalien. Il en va
de même des circonstances de la décolonisation, de l’omniprésence de la
violence, qui domine partout sur le plan symbolique et apparaît souvent sur le
plan matériel, aux Indes ou au Kénya pour le Royaume-Uni, en Indochine ou
en Algérie pour la France, en Angola ou au Mozambique pour le Portugal, au
Congo pour la Belgique.
Autre point commun : le caractère désastreux de l’immédiateté. La
décolonisation appartient au temps très court, relève même du moment, tout
en hypothéquant le temps très long, puisqu’elle est censée être porteuse de
ruptures. Or le système international gère mal ces dernières dès lors qu’elles
touchent à son identité globale. Jusqu’en 1945, l’Europe a toujours réussi à
dominer ses conquêtes sans devoir se transformer, à surmonter ses conflits à
travers des traités de paix capables de construire de manière consensuelle un
nouveau monde, à maîtriser ses productions institutionnelles. Cette fois, elle
n’a pas su faire face à la décolonisation : parce qu’elle ne l’a pas comprise et
n’a pas su gérer l’événement.
Encore que le choc ressenti n’ait pas été partout le même. L’Union
soviétique, puis, après guerre, le camp socialiste n’étaient pas directement
concernés par ce processus. La Russie avait eu l’habileté d’intégrer ses
colonies à l’Empire, donnant l’illusion qu’elle n’en avait pas. Et Lénine avait
eu l’intelligence de comprendre le parti qu’il pouvait tirer de ces mouvements
émancipateurs. L’attitude de Moscou a donc été plus proactive que réactive,
manipulatrice que défensive. Ainsi, par deux fois, l’URSS a-t-elle dû inventer
une posture face à un événement qui lui était extérieur.
La première fois, peu après la révolution d’Octobre, a pour cadre le
congrès de Bakou d’août 1920 : Lénine tranche de manière offensive en
faveur de l’alliance avec les peuples en quête d’émancipation, y compris avec
leur composante bourgeoise, et Grigori Zinoviev n’hésite pas à appeler à une
« guerre sainte anti-impérialiste ». Puis, au congrès des « travailleurs
d’Extrême-Orient » qui devait se tenir à Irkoutsk en décembre 1921, l’Union
soviétique se présente comme la protectrice du panasiatisme naissant dans les
esprits et essaie, avec difficulté, de drainer des délégués d’Asie orientale,
mais aussi du subcontinent indien.
Moscou entre ainsi, avec un succès inégal mais réel, dans le mouvement
d’émancipation qui s’annonce, d’autant que, dans le sillage de ces
conférences, une Association des peuples opprimés voit le jour, permettant au
Parti communiste soviétique de se profiler comme une des forces dirigeantes
des entreprises de libération. Le symbole a fait date : Staline reçoit en grande
pompe, à Moscou en 1926, Nehru père (Motilal) et fils (Jawaharlal), scellant
une amitié indo-soviétique qui durera jusqu’au tournant libéral amorcé par
Narasimha Rao au début des années 1990, et même jusqu’à l’arrivée au
pouvoir du Parti du peuple indien (BJP) en 2014.
Au-delà, si certains leaders nationalistes, dans une gestion précipitée de la
décolonisation, ont reproduit le modèle colonial, non sans un certain
sentiment de fierté, d’autres ont cru poursuivre leur engagement anti-
impérialiste en important des institutions d’apparence soviétique, à l’instar de
ce qui s’est imposé dans le Ghana de Kwame Nkrumah, la Guinée de Sékou
Touré, ou le Mali de Modibo Keita. Il en est allé de même dans certains pays
arabes, comme l’Égypte avec l’Union socialiste arabe, l’Irak et la Syrie avec
les partis Baas, voire la Jamahiriyya libyenne, discrètement inspirée des
utopies d’un pouvoir concédé aux soviets, non des ouvriers, mais de « la
population tout entière ». Le monopartisme qui en a résulté a inévitablement
contribué aux dérives autoritaires de ces régimes.
Le second moment offensif se situe en pleine période de décolonisation,
durant laquelle l’URSS se découvre un rival inattendu : les États-Unis, à
l’origine très hostiles aux vieilles pratiques coloniales. Dès les années 1930,
la puissance américaine avait mesuré combien elle profiterait d’une
dénonciation de l’entreprise coloniale. Elle ne possédait pratiquement pas de
colonies au sens propre du terme et pouvait donc jouer cette carte à bon
compte pour disqualifier ses rivaux européens. Du coup, Roosevelt et Staline
se trouvaient paradoxalement sur la même longueur d’onde. Sauf que
Washington a été très vite piégé par les circonstances de la décolonisation qui
l’ont amené à plus de retenue dans le soutien aux mouvements
émancipateurs, tandis que Moscou pouvait plus que jamais s’y inscrire
pleinement.
L’URSS n’a pas pour autant échappé à un effet boomerang, lié au
positionnement qu’il convenait d’accorder aux États nouvellement
indépendants. Dans l’esprit de Nikita Khrouchtchev, ceux-ci devaient
rejoindre le camp socialiste, par nature anti-impérialiste. Le Mouvement des
non-alignés n’avait dès lors que peu de sens à ses yeux, suscitant sa méfiance
et même son hostilité. Il alla jusqu’à insulter certains de ses protagonistes. Le
journaliste égyptien Mohamed Heikal (1923-2016) rapporte que, lors de
l’inauguration de la première tranche des travaux du barrage d’Assouan,
Monsieur K. demanda à Nasser de lui épargner la présence du « bouc »,
désignant ainsi le général Abdel Salam Aref, alors président de l’Irak, qu’il
ne supportait pas tant il incarnait ce tiers-mondisme en gestation4.
Bizarrement, les États-Unis et l’Union soviétique se retrouvèrent pour
condamner la conférence de Bandung (1955) et le Mouvement des non-
alignés, eux qui, du temps de Roosevelt et de Staline, dénonçaient la
colonisation ! Ce double anathème fut assez fort et pesant pour compromettre
durablement la construction d’un système international réellement intégré.
1. Jean BODIN, Les Six Livres de la République, Arthème Fayard, Paris, 1986 [1576].
2. Mattias ISER, « Recognition between states ? », in Christopher DAASE, Caroline FEHL, Anna GEIS
et Georgios KOLLIARAKIS (dir.), Recognition in International Relations. Rethinking a Political Concept
in a Global Context, Palgrave, Londres, 2015, p. 36 et suiv.
3. L’indice de Gini calcule l’inégalité propre à un ensemble donné. S’il est de 1, il signifie qu’une
seule personne concentre toutes les richesses. S’il est de 0, les richesses sont réparties entre tous de
manière absolument égale. Voir Christian MORRISSON et Wayne W. SNYDER, « Les inégalités de
revenus en France du début du XVIIIe siècle à 1985 », Revue économique, vol. 51, no 1, 2000, p. 119-
154.
4. Mohamed Hassanein HEIKAL, Nasser. Les documents du Caire, J’ai lu, Paris, 1973 [Flammarion,
Paris, 1972], p. 140.
5. Voir Yanis THOMAS, « La razzia coloniale », in Centrafrique : un destin volé. Histoire d’une
domination française, Agone, Marseille, 2016.
6. Ibid., p. 19-20.
7. Mohamed Hassanein HEIKAL, Nasser, op. cit., p. 263.
2.
Comment le vieux monde résiste au nouveau
Les nouveaux États font une fausse entrée dans le système international.
Ces ambiguïtés de départ, qui vont peser très lourd dans les décennies
suivantes, hypothèquent aujourd’hui encore l’ordre mondial. On ne peut
évidemment pas dire que le système international soit resté insensible à
l’arrivée massive de ces nouvelles composantes : il s’est quelque peu adapté,
mais il s’est surtout bloqué. Hélas, l’histoire de ces blocages a souvent été
négligée : les conditions d’entrée de nouveaux venus sur la scène
internationale ont rarement retenu l’attention des analystes, tant l’événement
est rare, surtout à cette échelle, quand on pense que le nombre d’États
adhérant aux Nations unies a triplé en quarante ans, passant de 60 en 1950 à
179 en 1992 ; elle n’a guère davantage capté celle des acteurs déjà installés,
qui préféraient miser sur une continuité, plus confortable et pourtant
impossible. Cet échec de la transition d’un monde à un autre est une vraie
variable explicative : il introduit aux impasses contemporaines.
On a qualifié l’équilibre étrange, apparu dans les années 1960, de
« postcolonial ». La réalité se révèle différente. Le système qui naît avec les
indépendances n’est pas simple, à la fois prolongement de l’ordre colonial et
rupture mal assumée avec lui. Il paraît profondément asymétrique, et donc
non westphalien puisqu’il ne respecte pas l’égalité entre États et se construit
même sur sa négation. Il est conçu par et pour les dominants, car il reconduit,
sous des formes parfois consolidées mais souvent fragiles, les vieilles
hégémonies.
Il s’agit aussi d’un système déstabilisé, inefficace, probablement incapable
d’aller jusqu’au bout de ses fonctions, même s’il a permis une meilleure prise
en compte d’aspects essentiels du développement. Hybride, il souffre, comme
aurait dit Émile Durkheim, de « pathologies fortes ». D’où des éléments
novateurs qui, à terme, amènent, de manière inattendue et parfois peu visible,
à un ordre international de facto renouvelé, chez les dominants d’hier comme
chez les dominés d’aujourd’hui.
La tension internationale qui dérive de cette maldonne s’exprime sur trois
fronts.
D’abord, à travers la volonté des acteurs du système bipolaire de ne rien
concéder à l’apparition de forces nouvelles, d’agents inconnus jusque-là,
d’idéologies inédites : les pays récemment décolonisés deviennent en quelque
sorte les otages des deux Grands, mais leur réticence à s’aligner sur l’un ou
l’autre ouvre déjà les premières lézardes dans la bipolarité Est-Ouest.
Apparaît ensuite la résistance des institutions internationales, qui éprouvent
le plus grand mal à s’adapter à l’apparition de ces nouveaux venus, pourtant
désormais majoritaires en leur sein.
On observe enfin la conversion nécessairement rapide, mais très périlleuse,
des modes de domination que les vieilles puissances reproduisaient de siècle
en siècle depuis l’avènement des États à la Renaissance : les formes nouvelles
qui vont surtout s’exercer face au Sud et contre lui se révéleront très vite
bancales, car ceux qui résistaient ne leur opposèrent pas, tant s’en faut, les
mêmes ressources de puissance dont ils étaient évidemment privés. De là
surgit peu à peu ce nouveau mode de conflictualité qui va progressivement
révolutionner le système international.
L’effet de faiblesse
Identifions plus précisément les trois grandes faiblesses qui structurent
aujourd’hui le jeu international et se révèlent à ce titre déterminantes : celle
affectant certains États, celle pesant sur certaines nations et celle caractérisant
des liens sociaux qui ne parviennent pas à se construire pour donner
naissance à des sociétés civiles suffisamment fortes.
On a très vite repéré la faiblesse de l’État comme un enjeu majeur de la
période postcoloniale. Au début des années 1990, le Mur à peine tombé,
d’aucuns forgent le concept d’« État failli », qui s’appuie à l’époque sur une
réalité assez spectaculaire : celle de la Somalie du dictateur Siad Barre, dont
la chute débouche sur un chaos où s’affrontent une infinité de clans6.
Confortés par leur succès dans l’opération Tempête du désert contre l’Irak de
Saddam Hussein (1991), les États-Unis prétendent y rétablir l’ordre, pour
assurer la sécurité hautement stratégique de la Corne de l’Afrique.
George H. Bush, qui vit alors un moment électoral pénible, puisqu’il venait
d’être battu à l’élection présidentielle de novembre 1992, demande aux
Nations unies de lui confier cette mission. Pour légitimer l’opération Restore
Hope, le Département d’État doit démontrer que celle-ci ne viole pas la
souveraineté de l’État somalien, membre de l’ONU. Quelle meilleure façon
de le prouver que de déclarer ce dernier en faillite complète et en situation
d’effondrement ?
Ce concept connaîtra évidemment une belle carrière, devenant vite la clé
de bien des interventions occidentales. Il se révèle en effet moralement et
juridiquement indispensable : la rupture du contrat social dans un pays
justifie que l’on vienne porter secours à sa population en détresse. Mais, au-
delà de cet usage politique, nul ne peut contester que l’effondrement des États
représente un symptôme majeur des faiblesses politiques constatées au Sud,
une raison décisive d’inscription à l’agenda international, et l’une des causes
les plus répandues de conflit, en Asie et surtout en Afrique, tout
particulièrement en République démocratique du Congo, en guerre
pratiquement depuis soixante-huit ans, mais aussi en République
centrafricaine, en Somalie, un temps au Libéria, en Sierra Léone et au Soudan
du Sud, comme au Yémen et probablement en Afghanistan.
Au moins aussi ravageuse, la deuxième faiblesse affecte la construction
nationale de nombre de pays récemment parvenus à l’indépendance. En
Europe, les nations ont mis des centaines d’années à se constituer. Jusqu’au
XIXe siècle, leur faiblesse n’avait que peu de pertinence stratégique, l’essentiel
de la dynamique westphalienne, à la Renaissance et jusqu’en 1789, se
trouvant dans l’institution monarchique. Il en va tout autrement aujourd’hui :
la faiblesse d’une nation condamne son système politique, met en évidence la
nature factice de son contrat social et tend à dresser élites et populations les
unes contre les autres.
Pire : elle crée des solidarités transfrontalières, ceux de la même langue, de
la même ethnie ou de la même religion vivant dans des pays voisins apportant
naturellement leur aide à leurs « cousins » au-delà des frontières, favorisant
une internationalisation rapide du conflit. Ainsi en a-t-il été de
l’apparentement entre les Pachtounes afghans et les Pathans pakistanais, entre
les Kurdes syriens et turcs, entre les Turcs et les Chypriotes turcs, entre les
Touaregs des différents États du Sahel, etc. Cette faiblesse de la nation
constitue la cause directe de quelques-uns des conflits les plus meurtriers
parmi ceux qui ensanglantent actuellement la planète, comme au Mali, avec
l’opposition entre berbérophones, arabophones et Touaregs du Nord,
Bambaras et Dogons du Sud.
Les cas syrien et irakien apparaissent, dans ce genre, comme les plus
violents. En Irak, l’exemple frise le paroxysme : totalement irrationnelle,
l’intervention américaine fut organisée autour d’une stratégie explicite visant
à opposer sunnites, chiites et kurdes dans l’espoir d’abord d’isoler le pouvoir
sunnite de Saddam Hussein, puis de concevoir le rêve désastreux d’une
fédération qui ressemblerait aux États-Unis. Le cas syrien semble plus
complexe, mais la prolifération d’organisations combattantes montre combien
la société s’est déchirée dans son hostilité au pouvoir dictatorial de Damas,
mais aussi dans l’extraordinaire variété de ses composantes : sunnites
majoritaires mais divisés entre sensibilités quiétistes, salafistes de diverses
obédiences, chrétiens, kurdes, turkmènes, druzes et, bien entendu, alaouites.
Dans l’un et l’autre cas, nul ne peut soupçonner les États de faiblesse. Certes,
leur légitimité était plus que douteuse et d’une intensité très faible, mais leur
capacité d’action et de répression restait extraordinairement élevée, surtout en
Syrie. C’est donc bien la nation, et non l’État, qui se trouvait en situation
d’échec, alimentant la violence des combats et surtout leur durée.
La troisième faiblesse vient moins spontanément à l’esprit, mais se révèle
pourtant éminemment belligène : elle touche, cette fois, au lien social. Nous
avons vu à quel point les États accédant à l’indépendance avaient eu du mal à
gérer la naissance d’une véritable société civile capable de les stabiliser.
Deux facteurs interviennent de manière remarquable.
Le premier tient à la difficulté de concevoir des solidarités horizontales là
où l’emportent les solidarités verticales, notamment les liens de clientèle, et
là où les réalités segmentaires, opposant clans, tribus, familles, voire ethnies
gênent la construction d’une culture associative : autant d’éléments qui, en
faisant échec à la société civile, affaiblissent le jeu social et le soumettent soit
au pouvoir politique d’un État-patron, soit à l’arbitraire du jeu intertribal.
L’autre facteur est lié au niveau très bas des indices de développement
humain (IDH). Déjà, à la fin des années 1960, dans le contexte d’une pensée
développementaliste, on considérait qu’un développement trop faible ne
pouvait que nuire à la démocratie et, d’une façon plus générale, à la stabilité
politique des nouveaux États7. Depuis, les recherches se sont affinées : elles
dénoncent moins l’insuffisance du développement économique que celle du
développement social. Elles démontrent notamment qu’une urbanisation
rapide, comme en Afrique, avec un niveau moyen du produit intérieur brut
(PIB) par habitant d’environ 1 000 dollars, ne peut en aucun cas être aussi
harmonieuse que celle qui s’est réalisée très lentement en Europe ou plus
activement en Asie avec, à l’époque, un PIB par habitant d’environ
3 600 dollars.
En Afrique, le phénomène intervient dans la douleur et dans la violence,
avec force bidonvilles, habitats précaires, coexistences extraordinairement
dangereuses entre populations très pauvres et très riches. À Lagos, depuis le
pont qui domine le bidonville de Makoko construit sur la lagune pour
quelque 100 000 âmes, on devine avec peine, à travers les épais nuages de
pollution, les immeubles prestigieux que la bourgeoise pétrolière nigériane a
pu se faire construire à quelques encablures. Le contraste est assez fort pour
tuer dans l’œuf toute tentative de constitution d’une société civile capable
d’un minimum de coexistence et d’harmonie. On perçoit aussi les
nombreuses antennes paraboliques qui permettent aux plus pauvres de
découvrir les plus riches, là-bas, au-delà des mers, de mondialiser ainsi leur
imaginaire et de lui donner un tour revendicatif souvent violent.
Dans ce contexte désolé et incroyablement tendu, la délinquance devient ce
que Durkheim appelait en son temps un « phénomène normal », tant apparaît
évident et brutal le décalage entre les attentes des nouvelles populations
urbanisées et leur sort réel. Ici, faiblesse se combine avec déviance pour
expliquer une forme de mobilisation potentielle très dangereuse. Cette
dernière allie frustration sociale et besoin de transgresser les normes, mettant
la délinquance au service d’une protestation dirigée contre un jeu social qui
exclut. Elle place du même coup les futurs entrepreneurs de violence en
situation objective de coopération avec les entrepreneurs mafieux.
Cette curieuse alliance, qui conduit à d’innombrables tractations entre
djihadistes et trafiquants en tous genres, constituera une base solide pour les
formes nouvelles de conflictualité internationale. Tout l’effet d’aubaine se
trouve ainsi en place. Il est trop fort, trop tentant peut-être, aux yeux des
entrepreneurs de violence, pour ne pas conduire à des options stratégiques qui
expliquent ces comportements et ces processus sociaux violents, parfois
déroutants vus du Nord, mais d’une rare banalité dans les mobilisations
politiques au Sud.
1. Mary KALDOR, New Wars and Old Wars. Organized Violence in a Global Era, Polity Press,
Cambridge, 2012 [1999] ; Herfried MÜNKLER, The New Wars, Polity Press, Cambridge, 2005.
2. Lotta THEMNÉR et Peter WALLENSTEEN, « Armed conflicts, 1946-2013 », Journal of Peace
Research, juillet 2014 ; Peter WALLENSTEEN, Uppsala Conflict Data Program, Uppsala University.
3. William RENO, Warlords and African States, Lynne Rienner, Boulder, 1999 ; Romain MALEJACQ,
« Warlords, intervention, and state consolidation : A typology of political orders in weak and failed
states », Security Studies, vol. 25, no 1, 2016, p. 85-110.
4. Voir Robert K. MERTON, Éléments de théorie et de méthode sociologique (trad. et adapt. de Henri
Mendras), Plon, Paris, 1953 ; Jack D. DOUGLAS et Frances WAKSLER, The Sociology of Deviance : an
introduction, Little Brown, Boston, 1982 ; Albert OGIEN, Sociologie de la déviance, Colin, Paris, 1995.
5. Edwin LEMERT, « Déviance primaire et déviance secondaire », in Jean ÉTIENNE et Henri
MENDRAS, Les Grands Thèmes de la sociologie par les grands sociologues, Colin, Paris, 2002, p. 152-
155.
6. Christian SEIGNOBOS, « Comment le piège Boko Haram s’est refermé sur le lac Tchad »,
Le Monde.fr/Afrique, 20 septembre 2017.
7. Vatican News, 26 décembre 2017.
8. Erving GOFFMAN, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux, Minuit, Paris,
1963.
9. UCLAT, mars 2015, cité dans Les Échos.fr, 18 novembre 2015.
10. Morgane LE CAM, « Au Burkina Faso, c’est comme si tous les Peuls étaient djihadistes »
Le Monde, 4 janvier 2018, p. 4.
11. Pierre CLASTRES, La Société contre l’État, Minuit, Paris, 1974.
12. Barnett RUBIN, Blood in the Doorstep. The Politics of Preventive Action, Century Foundation,
New York, 2002.
5.
Interventions d’hier, interventions d’aujourd’hui
L’histoire récente a été marquée par une double rupture dans l’usage de
l’instrument militaire par les principales puissances.
La première est intervenue avec la décolonisation et a conduit à
l’émergence d’interventions de « première génération » : celles, déjà
répertoriées, auxquelles recourt l’ancienne puissance coloniale pour
consolider le pouvoir des princes mis en place lors de l’indépendance. Il
s’agit de venir au secours d’un gouvernement défaillant, pâtissant de
faiblesses que nous avons analysées auparavant, de le conforter dans son
statut d’obligé, sans aller réellement au-delà.
La fin de la bipolarité a ensuite favorisé l’apparition d’interventions d’une
tout autre nature et d’une tout autre ampleur, de « seconde génération » : elles
ne visent plus seulement à consolider un pouvoir, mais à réagir aux formes
nouvelles de conflictualité que nous avons décrites et qui tendent à se
répandre et se banaliser. L’importance qu’elles ont prise en fait le mode
privilégié, même exclusif, des rapports de belligérance entre le Nord et le
Sud. Pour autant, leurs résultats paraissent plutôt négatifs : non seulement
elles ne parviennent pas à mettre fin à ces nouvelles et nombreuses
conflictualités, mais elles viennent souvent les amplifier, les réorienter et leur
conférer un sens nouveau, plus complexe et surtout plus incertain.
Cette seconde rupture suivit de peu la chute du mur de Berlin, comme
l’atteste la concordance des temps. L’opération américaine Restore Hope,
organisée en Somalie, dans cette Corne de l’Afrique stratégique à tous
égards, marqua ainsi le début d’une nouvelle histoire. George H. Bush
estimait alors essentiel d’intervenir dans un conflit qui commençait à capter
l’attention, officiellement pour y mettre fin et limiter les effets ravageurs
d’une famine croissante. Mais il s’agissait, également et surtout, de garantir la
sécurité de ce lieu décisif de passage, d’échange et de communication entre
l’Afrique et le reste du monde…
La résolution 794 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée le 3 décembre
1992, décréta donc la création d’un corps expéditionnaire, qui passa
rapidement de 20 000 à 30 000 marines, répondant ainsi « à l’offre d’un État
membre ». Cette armée missionnée était désormais présentée comme la
garantie du nouvel ordre international qui se mettait en place : la seule
superpuissance sortie grandie de la guerre froide prétendait à la fois contenir
les explosions conflictuelles et jouer un rôle humanitaire face aux désastres
que ces nouvelles violences suscitaient au sein des populations. Les mois qui
suivirent consacrèrent un énorme paradoxe : il fallut moins d’une année de
présence sur le terrain pour que le corps expéditionnaire américain fût perçu
comme une force militaire étrangère intervenant dans le jeu somalien, en
aggravant les données, devenant la cible favorite des luttes de clans et
s’enfermant dans un ensemble de combats retentissants, notamment la
bataille de Mogadiscio, en octobre 1993, où 19 marines furent malmenés et
tués sur ordre du chef de guerre Mohamed Farah Aidid, lui-même poursuivi
par l’armée américaine.
Une intervention n’est jamais neutre ni surtout perçue comme telle : en
prenant part à des conflits de nouvelle facture, même avec les meilleures
intentions du monde en apparence, on transforme la puissance intervenant en
belligérant parmi d’autres. Intégrer des forces militaires, en principe
pacificatrices, dans un combat complexifie ce dernier sans jamais le résoudre.
Le successeur de George H. Bush, Bill Clinton, comprit vite, sous la pression
de son opinion publique, les risques de l’aventure et décida d’y mettre
brutalement un terme. L’opération fut rendue aux Nations unies, qui lui
substituèrent, par la résolution 954 du Conseil de sécurité (4 novembre 1994),
une version édulcorée de l’Unosom II (Opération des Nations unies en
Somalie), peut-être peu efficace, mais libérée de tout parfum de puissance.
La transgression de la souveraineté, un certain
goût pour le péché
Cette initiative resta emblématique : bien qu’ayant abouti à un échec
patent, elle fut répétée maintes fois, sous des formes extrêmement variées. Au
fil des années et a fortiori au début du XXIe siècle, elle incarna un mode
apparemment nouveau de gestion de la conflictualité contemporaine par le
système international. En réalité, rien de tout ce qu’elle évoquait n’était
franchement original.
En effet, derrière Restore Hope, cette forme apparemment inédite
d’intervention, se cachaient les principaux éléments d’un très vieux débat.
Dès 1625, dans De jure belli ac pacis, Hugo Grotius lui-même posait la
question clé, avant même que ne fût négociée la fameuse paix de Westphalie :
doit-on intervenir lorsqu’un prince cruel viole le droit naturel ? Ce faisant, ne
risque-t-on pas, demandait le juriste et philosophe hollandais, de provoquer
des effets contraires, c’est-à-dire de faire souffrir un peuple sans parvenir à le
débarrasser de son tyran1 ? L’intervention suscite donc dès l’origine une série
d’interrogations qui taraudent les principaux acteurs du jeu westphalien : la
souveraineté peut-elle vraiment demeurer absolue, comme elle le proclame ?
N’y a-t-il pas, au contraire, un moment où il convient de la dépasser et de
concevoir une sorte de « métasouveraineté » ? Dans certaines circonstances,
l’« urgence humanitaire », comme on dit aujourd’hui, ne l’emporte-t-elle pas
sur les considérations politiques et stratégiques, au risque de se révéler encore
pire que le mal ?
En réalité, le principe de souveraineté n’a jamais été absolu dans
l’histoire2. Il fut violé allègrement, jusques et y compris à la « belle époque »
westphalienne. Lorsque les Anglais intervenaient, au temps des guerres de
religion, aux côtés des protestants français, tandis que les Espagnols aidaient
les catholiques, les uns et les autres pratiquaient une forme d’ingérence
caractérisée. Quand se multipliaient les « guerres de succession », en
Autriche, en Pologne, en Espagne ou en Bavière, les intervenants entraient
même sans ambages dans la zone la plus intime de la souveraineté, celle qui
décide de sa dévolution.
Ces premières formes d’intervention n’étaient pourtant pas présentées
comme des transgressions, à l’instar de ces manquements aux principes
fondamentaux qu’on tient volontiers pour honnêtes et serviables, dont on
oublie qu’ils sont savoureux tant ils flattent et recyclent la puissance, tant ils
font écho à la peur, l’intérêt et l’honneur, éternels traits de l’action
internationale, décrits par le politiste américain Ned Lebow3. La transgression
par les puissants relève toujours des meilleures intentions et laisse
immanquablement cette impression du péché noble, voire valorisant…
Le véritable tournant ne se produisit pourtant qu’au début du XIXe siècle,
avec la mise en place du « Concert européen4 » et l’édiction des grands
principes de l’intervention. Dans ce sillage, et dès 1821, le roi Louis XVIII,
après en avoir délibéré avec ses alliés, envoya « 100 000 fils de saint Louis »,
au sud de l’Espagne, pour reprendre le Trocadéro aux révolutionnaires
libéraux constitutionnalistes.
De façon plus sophistiquée, la conférence de Londres de 1827, se penchant
sur le conflit grec, vint à débattre de la meilleure méthode de « pacification »
qu’il convînt de lui administrer. Le Concert se montra d’ailleurs divisé :
l’Autriche et la Prusse ne s’y présentèrent pas, insistant de manière cocasse
sur le droit de l’Empire ottoman à la souveraineté et ne souhaitant pas prêter
main-forte aux résistants grecs de peur d’en subir les contrecoups ;
l’Angleterre, la France et la Russie voyaient, au contraire, dans cette première
guerre de décolonisation, un moyen d’étendre leur influence dans les Balkans
et manifestaient volontiers leur sympathie pour la partie grecque.
La conférence ouvrit une longue tradition diplomatique de calculs subtils
et d’éléments de langage encore vivaces aujourd’hui : elle proposa ainsi une
médiation, acceptée par les Grecs, mais refusée par les Ottomans. Ce rejet
amena les trois alliés du Concert à recourir à la force : pour, officiellement,
« maintenir la paix », ils envoyèrent une flotte qui défit celle des Ottomans à
la bataille de Navarin (1827). Et, pour faire bonne mesure, la France monta
un corps expéditionnaire, baptisé « force d’interposition » : l’expédition de
Morée contre Ibrahim Pacha et son armée fut ainsi mise sur pied (1828-
1833), première d’une très longue série de ce type…
Le même modèle s’imposa en 1860, lorsque fut conçue, toujours à
l’initiative du Concert européen, une expédition au Levant : il s’agissait de
réagir aux massacres de milliers de chrétiens du Mont-Liban par des
« seigneurs de guerre » druzes, puis à Damas par des musulmans sunnites.
Une conférence se tint à Paris, à l’initiative de Napoléon III, qui, pour la
première fois, parla d’« opération à but humanitaire », officiellement
organisée pour « aider le Sultan ». Bien différent, le véritable but était bientôt
atteint : le remplacement du gouvernorat druze par un gouvernorat chrétien.
On retrouve là, encore une fois, tout le vocabulaire contemporain : la
même mauvaise conscience invoque « interposition », « pacification »,
« médiation » et « maintien de la paix » pour travestir une belligérance
presque ouverte. Voilà une autre façon de faire la guerre : non plus pour se
renforcer, mais… pour instaurer la paix ! Avec, bien sûr, des arrière-pensées
de puissance. De cette époque datent en tout cas tous les ingrédients d’une
modification profonde des stratégies internationales.
À mesure que le système se construit et se personnalise sous la férule de
leaders comme Napoléon III, il tend à définir une forme d’intervention
qualifiée d’« humanitaire » qui apparaît comme une réinvention de la guerre,
destinée en fait à l’adapter à de nouvelles conflictualités : il s’agissait de
mettre celles-ci sur des rails plus familiers à la culture politique et stratégique
des vieilles puissances. Le prix à payer était de transgresser le principe
fondateur de souveraineté, auquel aucun prince puissant n’avait jamais fait
sincèrement allégeance : le péché a un goût de plaisante revanche.
1. Hugo GROTIUS, Le Droit de la guerre et de la paix (trad. du latin par P. Pradier-Fodéré), PUF,
Paris, 2012 [1625].
2. Steven KRASNER, Sovereignty. Organized Hypocrisy, Princeton University Press, Princeton, 1999.
3. Ned LEBOW, A Cultural Theory of International Relations, Cambridge University Press,
Cambridge, 2008.
4. Né du Congrès de Vienne (1814-1815), il comprend, à l’origine, les quatre grandes puissances
ayant vaincu Napoléon (l’Angleterre, la Russie, l’Autriche, la Prusse), auxquelles la France s’est jointe
en 1818. L’Allemagne remplacera la Prusse, et l’Italie rejoindra plus tard le système qui s’effondrera
avec la Première Guerre mondiale. Voir Paul SCHROEDER, The Transformation of European Politics,
1763-1848, Clarendon Press, Oxford, 1994.
5. CIISE, La Responsabilité de protéger, CRDI, Ottawa, 2001.
6. Rama MANI et Thomas WEISS (dir.), Responsibility to Protect. Cultural Perspectives in the Global
South, Routledge, New York, 2011.
7. Sur les puissances moyennes, voir notamment Andrew COOPER (dir.), Niche Diplomacy, Middle
Powers After the Cold War, Palgrave, New York, 1997.
8. Boutros BOUTROS-GHALI, Agenda pour la paix, Nations unies, New York, 1992.
9. Émile DURKHEIM, De la division du travail social, PUF, Paris, 1973 [1893], p. 98 et suiv.
10. Créée en 2014, l’institution, centrée autour des thèmes de la « sécurité » et du
« développement », regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Elle est le
support de l’opération Barkhane, montée en août 2014 par la France pour lutter contre le terrorisme
djihadiste dans la région.
11. Peter FRANKOPAN, Les Routes de la Soie, op. cit., p. 596.
12. Le journaliste new-yorkais John O’Sullivan utilisa l’expression « Manifest Destiny » en 1845
dans un article de United States Magazine and Democratic Review lors de l’annexion du Texas. C’est
notre destinée manifeste, écrit-il, de nous déployer sur le continent confié par la Providence pour le
libre développement de notre grandissante multitude. »
13. Il est très difficile de parvenir à un chiffrage précis et incontestable : les montants avancés sont
très différents selon les sources. Le Watson Institute for International Studies de l’université de Brown
avance le chiffre de 6 000 milliards de dollars en incluant les intérêts d’emprunts contractés et les
pensions à verser aux anciens combattants jusqu’en 2053. Joseph Stiglitz et Linda Bilmes estimaient,
en 2008, à 3 000 milliards de dollars la somme déjà dépensée, sans anticiper sur les dépenses futures (in
The Three Trillion Dollar War : The True Cost of the Iraq Conflict, Norton and Co., New York, 2008),
soit l’équivalent du financement de 8 millions de logements, ou un budget mensuel supérieur au budget
annuel des Nations unies.
6.
Réinventer le système international