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Compte rendu séance 9 

: Marius Valero // Justine Lacroix (2009), « Une citoyenneté européenne est-


elle possible ?  », La Vie des Idées

Dans cet article de 2009 paru dans La vie des idées, revue rattachée au Collège de France, la
politologue belge Justine Lacroix s’intéresse à la question de la citoyenneté européenne, et aux
différentes tentatives et mesures visant à transposer l’idée de citoyenneté (dans son acception
nationale) à l’Union Européenne. Selon Lacroix, l’historique des projets volontaristes visant à
démocratiser l’Europe en imitant les formes nationales de la citoyenneté (Constitution Européenne en
2009, élire un gouvernement de l’Europe…) est marqué par de nombreux échecs. Plus encore, il
semble que ce « mimétisme institutionnel » n’ait pu parvenir à l’objectif tant prisé qu’est l’émergence
d’une véritable vie politique de l’Union Européenne, dans laquelle des citoyens européens
s’investiraient activement et en grand nombre (ce qui n’est pas le cas, au vu des taux d’abstention
toujours très bas lors des élections européennes). Un Premier facteur explicatif, qui prend racine dans
la nature du régime politique européen, est que la vie politique européenne est marquée par une forte
anémie, dans la mesure où la participation des peuples est minime et où, au niveau des partis
représentant des tendances politiques similaires, des différends éclatent lorsqu’il s’agit par exemple de
s’accorder sur le choix d’un.e président.e à la Commission. Une autre explication à cette déficience de
la vie politique de l’Union Européenne réside dans ce que cette dernière n’est pas, à savoir une nation.
En effet, Lacroix souligne la difficulté d’instauration d’un débat dynamique en l’absence d’une
identité nationale partagée, d’autant plus que les intérêts des états semblent diverger et que le rôle des
langues vernaculaires comme outil de base du débat démocratique rend difficile de faire abstraction du
national pour se concentrer pleinement sur le pluriel. Plus encore, Lacroix souligne que la seule
existence d’institutions européennes ne saurait être une condition suffisante pour bénéficier d’une vie
politique européenne dynamique. Cela supposerait en effet que le débat européen s’oriente vers les
problématiques susceptibles de mobiliser un électorat important, à savoir la sécurité sociale, les impôts
l’éducations ; domaines qui à l’heure actuelle, relèvent exclusivement de la compétence des États.
Pour autant, Lacroix soutient que cet aveu de défaillance n’est pas une raison pour
abandonner ; comme le prônent les partisans du paradigme national ; l’idéal d’une citoyenneté
européenne. Il est clair que l’ambition de se constituer en « peuple européen » est irréalisable puisque
le fédéralisme européen à la particularité d’être fondée sur la pluralité, le consentement, la libre
convention des États et non pas l’imposition à tous d’un modèle dominant (comme c’est le cas aux
États-Unis). De là découle naturellement que les États restent maîtres de la majorité des domaines de
la vie politique nationale, et que l’Union n’ait l’exclusivité que sur des domaines spécifiques et
limités. Dès lors, l’article évoque deux horizons possibles pour repenser la citoyenneté de cette
« fédération de démocraties » qu’est l’Union Européenne : Premièrement, l’une des voies possibles est
de faire de l’Union Européenne ; historiquement reconnue pour l’énonciation d’un nombre importants
de droits reconnus aux Européens (libre circulation des individus dans le territoire européen, droit de
s’y établir librement) ; le lieu de réalisation d’un « universel du droit ». Cela suppose, selon Lacroix,
pour que l’Union Européenne s’impose comme un foyer incontestable d’énonciation de droits
universels, d’opérer progressivement une dénationalisation des droits, c’est-à-dire d’étendre les droit
garantis par l’union aux non Européens (européens citoyens d’un pays hors UE, apatrides…) par la
dissociation progressive du lien entre citoyenneté et nationalité. Au sein de l’UE La défense et la lutte
active pour les droits de l’Homme qui disposent du pouvoir de transformer la nature des rapports entre
les individus, pourraient contribuer à redynamiser la vie politique européenne. Une autre possibilité est
« l’européanisation des sphères nationales », pour pallier la résistance des intérêts nationaux aux
politiques volontaristes de l’UE sur la citoyenneté européenne. Il s’agit ici de repenser la superposition
des sphères nationales et supranationale, et de voir comment les articuler en accordant une part plus
importante au processus délibératif sur les problématiques concernant l’UE, afin que les mobilisations
sur l’Europe ne prennent plus uniquement place dans le cadre national. Loin d’abolir les identités
nationales, ce dont l’accusent certains partis populistes, ce projet répondrait à une forme de
« cosmopolitisme républicain » se traduisant par l’ouverture des sphères nationales dans le but
d’élaborer progressivement une culture politique européenne commune favorisant la construction d’un
sentiment d’appartenance à même de susciter une plus grande implication dans la vie politique
européenne.
Dans l’actualité récente, le contexte de la guerre en Ukraine, semble nourrir un regain de
confiance dans l’Union Européenne, et exacerbe des sentiments d’appartenance européenne longtemps
enfouis chez une partie de la population. Plus encore, l’Union s’impose comme un acteur
Compte rendu séance 9 : Marius Valero // Justine Lacroix (2009), « Une citoyenneté européenne est-
elle possible ?  », La Vie des Idées

indispensable de la lutte collective contre le régime de Vladimir Poutine, et se porte garante de la


démocratie, de l’intégrité territoriale et des droits de l’Homme, alors que les crimes de guerre se
multiplient sur le front et dans les zones civiles. Il semble ainsi, que l’Union Européenne, en raison des
impératifs de la conjoncture, s’oriente vers cet idéal d’universel du droit, en accueillant et en
défendant les intérêts d’un peuple ne faisant pas partie des pays membres. Les circonstances
dramatiques de la guerre en Ukraine pourraient-elles mener indirectement à une redynamisation de la
vie politique européenne, et à une redéfinition plus significative de ce qu’est la citoyenneté de l’UE ?

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