1485 - Du 05 au 11 mai 2023

Prix : 20 Dhs

Le décès de la supportrice
du Raja est dû à l’organisation
chaotique de l’accès au stade
d’honneur. Un drame qui
pointe la responsabilité de
l’Etat et repose le problème
de l’emplacement
du complexe sportif

© Photomontage MHI
Mohammed V.

NORA, MORTE PIÉTINÉE PAR LE PUBLIC DÉCHAÎNÉ

LE STADE
DU DÉSHONNEUR
ATIONAL DE L’AGRICULTURE
15 ÉDITION DU SALON INTERN
É
ÈME

O U V E RA I NET
DOSSIER SPÉCIAL

OBJECT I F : L A S
ALIMENTAIRE
 SOMMAIRE
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DOSSIER SPÉCIAL SIAM 2023
20 Le SIAM fait son grand retour
Objectif : La souveraineté alimentaire
22 Renforcer la coopération agricole
avec le Maroc
23 Une campagne sauvée in extrémis
24 Faute d’eau, la politique agricole
en question
28 Israël au SIAM 2023 :
Reproduire le modèle du Néguev
29 Baisse importante des ventes
du matériel agricole
30 Participation remarquable
du Groupe OCP au SIAM 2023
32 Entretien avec Nawfel Roudies
34 Des engrais adaptés et moins chers,
le coeur de bataille du groupe OCP
36 Entretien avec Abdellah Oukarroum
38 Reconstitution du cheptel bovin
et ovin et stabilité des prix
des viandes rouges
40 L’innovation technologique au cœur
de la nouvelle stratégie bancaire
42 Repenser le système agricole,
une priorité
EN PARTENARIAT AVEC :
COUVERTURE
NORA, MORTE PIÉTINÉE PAR LE PUBLIC DÉCHAÎNÉ
LE STADE DU DÉSHONNEUR
Edito
04 Ce que la mort de Nora dit sur nous
Direct
06 Le gouvernement reconnait
des difficultés liées à la multiplicité
des régimes
07 S. M. le Roi décide d’instituer
le Nouvel an amazigh comme jour férié
08 L’administration Lula maintient
la dynamique
09 Éric Ciotti en visite au Maroc
pour renforcer les liens entre
les Républicains et le RNI
Politique
10 Le double jeu d’Alger
12 “MarocGate”, Pegasus…
Le Maroc toujours dans le viseur
des institutions européennes
13 Silence radio à Alger !
Couverture
14 Le stade du déshonneur
17 Nora, une lady au grand cœur
18 Entretien avec Abderrahim Bourkia
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
P. 14
Economie
44 Le cauchemar la Samir
n’est pas fini !
45 Quelle issue pour La Samir ?
Culture
46 Une comédie déjantée qui
bouscule les codes
47 Première édition du Festival
International du Patrimoine Musical
Marocain à Casablanca
48 “L’Amante Religieuse”
de Nadia Essalmi
49 “L’écriture, la parole”
de Abdallah Bensmaïn
Chronique
50 5 milliards de dollars US
/press.mhi
ÉDITORIAL
Drame du Stade Mohammed-V
CE QUE LA MORT
DE NORA DIT SUR NOUS
Au-delà des responsabilités dont on espère bien qu’elles soient
dûment établies, le fait est que l’affaire Nora en dit
beaucoup sur le Maroc d’aujourd’hui.
E
n février 2023, l’auteur de ces lignes
a eu l’heur d’assister à deux des sept
matchs de la dernière édition de la
Coupe du monde des clubs de foot-
ball, organisée par notre pays. Pour
avoir également été dans les gradins pour des
compétitions sportives sous des cieux autrement
développés, la conclusion qui s’offrait est qu’il n’y
avait vraiment pas de quoi rougir. Certes, beau-
coup de choses, sur lesquelles il y a lieu de re-
venir un jour plus en détail, ont été imparfaites.
Certes, nous sommes encore loin de constituer
une référence. Mais en déclarant que le Maroc
était désormais fin prêt pour accueillir la grande
Coupe du monde, la vraie, le président de la
FIFA, Gianni Infantino, était sans doute loin de
tresser des lauriers flagorneurs au Royaume
et à ses pouvoirs publics. Si, par la plus impro-
bable des hasards, il s’était trouvé ce samedi 29
avril 2023 dans les travées du Stade Moham-
med-V de Casablanca pour le match de Ligue
des champions de la Confédération africaine
de football (CAF) du Raja et d’Al-Ahly d’Égypte,
en aurait-il, cependant, dit autant? Du fait de la
qualité qui est la sienne, M. Infantino n’aurait
vraisemblablement pas été un témoin direct du
triste spectacle servi par les autorités à l’orée de
l’enceinte et qui a causé la mort de la jeune Nora,
29 ans, après avoir été victime des mouvements
de foule provoqués par les canons à eau de la
police, comme l’ont montré les images et les
vidéos diffusées sur internet, contrairement aux
premières affirmations de la préfecture de police.
On aurait certainement rapidement faufilé le pa-
tron de la FIFA pour qu’il accède en deux temps
trois mouvements à la tribune d’honneur, sans
possibilité de vraiment apprécier les opérations
d’entrée des supporters. Mais il se peut que tout
bonnement le drame ne se soit jamais produit.
Avec M. Infantino présent, on peut très bien ima-
giner que ce soit le directeur général de la Sûreté
4
nationale (DGSN), Abdellatif Hammouchi, qui
aurait personnellement veillé au grain, comme
c’est désormais régulièrement le cas lorsqu’il
s’agit des happenings footballistiques d’enver-
gure. Et cela aurait, à coup sûr, impliqué que les
choses se soient passées de façon plus profes-
sionnelle. En outre, la forte médiatisation qui en
aurait découlé aurait, de toute façon, fait que tout
un chacun se serait senti scruté de près et aurait
tâché de ne pas être pris en faute au vu et au su
de tous. Mais malheureusement pour Nora, ces
conditions n’étaient pas réunies pour qu’à l’heure
actuelle elle soit toujours en train de poursuivre
ses projets de vie, tel le mariage qu’elle devait
ON PEUT TRÈS BIEN
IMAGINER UNE CERTAINE
PROPAGANDE ANTI-
MAROCAINE TENTER
DE DÉLÉGITIMER
LES AMBITIONS DU
MAROC DE REMPORTER
L’ORGANISATION DE LA
CAN DE 2025.
contracter cette année 2023 avec son fiancé
de longue date. Au-delà des responsabilités
dont on espère bien qu’elles soient dûment éta-
blies et amènent à des sanctions exemplaires à
l’égard de ceux à qui elles incomberaient, voire
des poursuites judiciaires s’il le faut, le fait est
que l’affaire en dit aussi beaucoup sur le Maroc
d’aujourd’hui. À savoir un pays où ce qui importe
par-dessus tout, c’est semble-t-il, au risque de
forcer peut-être le trait, l’image que l’on renvoie
à autrui, davantage que le citoyen lui-même.
Organiser un match dont le monde ne se sou-
cie guère, ou dont l’amplitude demeure plus ou
moins moyenne (sans vouloir faire insulte à la
Ligue des champions de la CAF)? Peu chaut,
PAR WISSAM EL BOUZDAINI
à l’évidence, si on le fait n’importe comment. Or,
ce qui est normal est que du moment que des
citoyens marocains sont concernés, l’on mette,
quoiqu’il en soit, les petits plats dans les grands.
Du point de vue du sérieux, même une rencontre
de football amateur devrait, dans ce sens, pou-
voir se tenir avec le même degré d’exigence
que si elle était retransmise en mondovision. En
dehors du sport, la séquence ayant directement
fait suite à l’apparition de la Covid-19 au Maroc
avait également été intéressante à ce propos.
À cette époque, le Royaume avait été érigé en
modèle, du fait de sa politique draconienne qui
avait grandement permis de limiter le nombre de
cas. Mais à la longue, cette politique était deve-
nue caricaturale, faisant carrément passer le ci-
toyen à la trappe pour des raisons qui semblaient
davantage celles d’une opération de marketing
international; comme point d’orgue, le fait que
cela ait pris près de trois ans pour que le Maroc
cesse de renouveler l’état d’urgence sanitaire,
qui n’a finalement pris fin que le 28 février 2023.
Privilégier le citoyen, cela aurait été par exemple,
comme dans d’autres pays, rouvrir plus tôt l’éco-
nomie, à un moment où le Haut-Commissariat
au plan (HCP) tirait la sonnette de la paupérisa-
tion de larges pans de la population, avec une
multiplication par sept de l’incidence de pauvreté
à mars 2021. Au final, la réalité finit toujours par
nous rattraper.
Dans le cas d’espèce de Nora, on peut, ainsi,
très bien imaginer une certaine propagande an-
ti-marocaine tenter de récupérer son décès pour
délégitimer les ambitions du Maroc de rempor-
ter l’organisation de la Coupe d’Afrique des na-
tions (CAN) de 2025 et de la Coupe du monde
de 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal,
comme l’illustre éloquemment la machine média-
tique de la junte militaire algérienne. Mais il fau-
dra aussi se dire que nous lui aurons également,
pour notre part, servi la soupe l
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5
DIRECT infos

LIBERTÉ DE LA PRESSE AU MAROC

Cinq millions de professionnels et travailleurs indépendants
et non-salariés bénéficient de la couverture médicale
d’une réunion de la Commission
des finances, de la planification et
du développement économique
à la Chambre des conseillers, a
précisé que 1,9 million de ces
bénéficiaires sont des assurés
principaux et 3 millions des ayant
droits. Le nombre de dossiers de
remboursement déposés par ces
catégories auprès de la Caisse
nationale de sécurité sociale
Fouzi Lekjaa. (CNSS) a atteint environ 640.000
dossiers jusqu’au 10 avril.
Pour ce qui est des personnes
L’ANME et le SNPM dénoncent
l’impartialité et le manque
de crédibilité de RSF
Publié mercredi 3 mai 2023, le rapport
de Reporters sans frontières (RSF) sur
la liberté de la presse a classé le Maroc
au 144e rang mondial sur 180 pays
(derrière l’Algérie classé 136ème !),
régressant de 9 places par rapport au
classement 2022. « Les journalistes
indépendants au Maroc subissent une
pression continue, et le pouvoir tente
de mettre ce secteur aux ordres », a
estimé l’organisation internationale non
gouvernementale dans son rapport.
Ce rapport a suscité de vives réactions

L e chantier royal de la couverture

médicale pour tous les Marocains
incapables de s’acquitter des cotisations
et soumises auparavant au régime
suit son bonhomme de chemin. Les d’assistance médicale (RAMED), la voie a
réalisations au 10 avril 2023 témoignent de été ouverte pour bénéficier du régime de
son succès. Le ministre délégué auprès de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) à
de la part du gouvernement et de la
profession.
«Connue pour son hostilité
systématique contre le Maroc,
l’organisation RSF (Reporters sans
la ministre de l’Économie et des Finances, partir du 1er décembre 2022. Le nombre frontières) est devenue au service de
chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, a affirmé, de bénéficiaires s’est élevé à 9,6 millions plusieurs agendas qui n’ont aucun
mercredi 3 avril 2023 au Parlement, que d’assurés, y compris les ayant droits. rapport avec le secteur de la presse
près de 5 millions de professionnels et Le budget de l’Etat a pris en charge les dans le Royaume », a affirmé, jeudi
travailleurs indépendants et personnes non cotisations de cette catégorie auprès de 4 mai à Rabat, le porte-parole du
salariées ont bénéficié de la couverture la CNSS, avec un montant global de 9,5 gouvernement, Mustapha Baitas. Pour
médicale. M. Lekjaa, qui intervenait lors milliards de dirhams (MMDH) l Younes Mjahed, président du Conseil
national de la presse, la crédibilité de
RSF est contestée même au sein du
RÉFORME DES RETRAITES pays qui l’abrite, la France. D’autant
qu’elle ne consulte jamais les instances
Le gouvernement reconnait des difficultés et organisations de la profession
liées à la multiplicité des régimes comme le Syndicat national de la
presse marocaine (SNPM).

L e gouvernement est déterminé

à opérer la réforme des régimes
de retraite dans le cadre d’un
partenariat solide et basé sur la
confiance avec les syndicats. C’est ce
qu’indique, jeudi 4 mai 2023, à Rabat,
le porte-parole du gouvernement,
Mustapha Baitas qui reconnait que
le dossier de la réforme des régimes
de retraite rencontre des difficultés,
liées notamment à la multiplicité des
régimes.
Il relève également que le
gouvernement travaille sur ce dossier
selon une approche participative
avec les syndicats en vue de parvenir
à un accord dans le cadre d’une
action conjointe, faisant observer que
l’objectif est d’aboutir à une formule
qui soit acceptée par les centrales
syndicales et les autres parties, tout
en proposant des solutions.
L’Exécutif a constaté une grande
adhésion de la part des syndicats
pour résoudre toutes les questions
liées à cette réforme.
Il faut rappeler que ce dossier a déjà
connu par le passé une réforme
conjoncturelle qui n’a pas donné des
résultats probants l
L’Association nationale des médias et
des éditeurs (ANME) s’est insurgée,
pour sa part, contre les «affabulations
et fausses accusations» de l’ONG qui
servent des agendas bien déterminés.
Le rapport de RSF, soulevant le
«chantage par des affaires sexuelles»,
n’est, selon l’ANME, qu’«une tentative
d’intimidation ». La mise en cause
«perpétuelle» par RSF des jugements
rendus par la justice marocaine
contre des journalistes constitue, de
surcroît, une «ingérence dans les
affaires internes» du Maroc, conclut
l’association l

6

A
vancée notable en termes
de reconnaissance de la
composante berbère de l’identité
marocaine. Le Roi Mohammed
VI a décidé, mercredi 3 mai 2023, d’instituer
le Nouvel an amazigh comme jour férié
officiel payé, selon un communiqué du
cabinet royal. Le Nouvel an amazigh
(Yennayer) est fêté chaque année le 13
janvier dans le royaume, pays qui compte le
plus de berbères au Maghreb. Le prochain
Nouvel An, qui correspond au 13 janvier
2024, soit l’an 2974 du calendrier berbère,
S.M. LE ROI DÉCIDE D’INSTITUER LE NOUVEL AN AMAZIGH COMME JOUR FÉRIÉ
Une grande avancée en matière d’égalité
sera donc le premier jour de l’an amazigh
décrété jour férié et payé au Maroc.
La décision de ce 3 mai a été longtemps
réclamée par les militants amazighs.
Dans une lettre ouverte adressée au Roi
Mohammed VI le 10 janvier dernier, 45
ONG marocaines et de la diaspora avaient
demandé de déclarer férié le Nouvel An
amazigh. «En plus de sa forte symbolique, le
Nouvel An amazigh consacrera et restaurera
la renaissance de l’amazigh conformément à
l’esprit et à la philosophie de la Constitution
et en harmonie avec les discours de Sa
Majesté», pouvait-on lire dans la lettre Le
12 janvier dernier, Ghita Mezzour, ministre
déléguée chargée de la transition numérique
avait notamment indiqué que «l’un des
projets les plus importants est qu’il y a
aujourd’hui 460 auxiliaires dans toutes les
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
régions du Royaume qui parlent les trois
dialectes [amazighs]», pour faciliter la
communication avec les citoyens concernés.
Saluée par les militants de la cause culturelle
berbère, la décision intervient alors que la loi
organique sur la langue amazighe, prévue
par la Constitution de 2011, et promulguée
le 30 septembre 2019, est en voie d’être
déclinée par le gouvernement. Elle prévoit
notamment les modalités de son intégration
dans les cycles d’enseignement et dans les
domaines prioritaires de la vie publique, et
donne des délais maximums de cinq, dix
et quinze ans pour la mise en vigueur des
dispositions énoncées dans ses articles.
Mais le plan gouvernemental intégré visant
la mise en œuvre du caractère officiel de la
langue amazighe, n’a été adopté qu’en avril
2021l
7
DIRECT infos
© DR
LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME
Le Maroc et l’UE lance une
initiative commune basée
sur le renforcement de
l’éducation
Le Maroc et l’Union euro-
péenne ont lancé, à l’occasion
de la tenue de la 21ème
réunion du Comité de Coordi-
nation du Forum mondial de
lutte contre le terrorisme, jeudi
4 mai 2023 au Caire, une
initiative portant sur «L’édu-
cation pour la prévention et
la lutte contre l’extrémisme
violent conduisant au terro-
risme». Cette initiative a été
lancée en partenariat avec
le Centre d’excellence pour
la lutte contre l’extrémisme
violent, «Hedayah». Dans une
capsule vidéo introduisant
cette initiative, le ministre
des Affaires étrangères, de
la Coopération africaine et
des Marocains résidant à
l’étranger, Nasser Bourita,
a mis en exergue le rôle de
l’éducation en tant qu’outil
puissant pour prévenir et
contrer le radicalisme et l’ex-
trémisme violent, et éradiquer
les idéologies extrémistes
qui se développent dans des
environnements précaires. M.
Bourita a indiqué que l’accès
à l’éducation permet aux
individus de développer les
capacités nécessaires pour
remettre en question les récits
et les idéologies extrémistes,
et promouvoir la paix.
8
«Les conflits actuels (...) nécessitent le renforcement du multilatéralisme,
en favorisant des approches inclusives, notamment à travers le plein respect de
l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale des Etats membres de l’ONU».
Omar Hilale, ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies.
MAROC-BRÉSIL
L’administration Lula maintient la dynamique
A
près l’élection du leader de
gauche Lula Da Silva à la tête de
la république fédérale du Brésil, le
30 octobre 2022, plusieurs obser-
vateurs pariaient sur un revirement de la po-
litique étrangère du pays d’Amérique latine
vis-à-vis du Maroc. Alors qu’il a pris le revers
de son prédécesseur Jair Bolsonaro sur plu-
sieurs thématiques, M. Lula a maintenu le
cap des bonnes relations avec le royaume.
Lula Da Silva.
Le 30 avril 223, la Commission brésilienne
des relations extérieures (CRE) a approuvé le
texte de l’accord signé entre le Brésil et le
Maroc pour la coopération dans le domaine
de la défense. L’accord doit être désormais
ratifié au Sénat brésilien.
Cet accord, signé en 2019, met l’accent sur
les domaines de la R&D et du soutien logis-
tique, en plus d’avoir le potentiel d’encou-
rager l’acquisition de produits et services de
défense. Un autre objectif vise à partager
les connaissances et l’expérience acquises
dans les opérations des forces armées des
deux pays, y compris les domaines de la
science et de la technologie. L’accord porte
également sur la promotion d’actions
conjointes d’entraînement et d’instruction
militaires, d’exercices militaires conjoints et
d’échanges d’informations en la matière. En
outre, il traite toujours de la collaboration
dans les systèmes et équipements dans le
domaine de la défense. Le texte comprend
la mise en œuvre et le développement de
programmes d’application des techno-
logies de défense, compte tenu de la
participation de l’industrie du secteur
dans les deux pays et du transfert de
technologie et de savoir-faire entre les
deux nations.
Plus symbolique, Geraldo Alckmin,
vice-président, a fait part de sa “sa-
tisfaction dans les relations entre les
deux pays” le 3 mai. Avec Nabil Adgho-
ghi, ambassadeur du Royaume, ils ont
discuté les opportunités d’attraction
commerciale et d’investissement. Le
vice-président a par ailleurs annoncé
que le Maroc est devenu, en 2022,
deuxième partenaire commercial du
Brésil sur le continent africain. Durant cette
année, le flux commercial a dépassé les 3
milliards de dollars et le potentiel pour ac-
croître encore le commerce bilatéral” reste
grand” selon M. Alckmin, qui appelle à ren-
forcer ce partenariat dans des domaines
d’intérêt commun pour les deux pays,
comme les énergies renouvelables. Il est
à rappler que le Brésil, n’a jamais reconnu
la pseudo “République arabe sahraouie dé-
mocratique”, et a souvent soutenu le Maroc
dans le dossier du Sahara au sein de l’ONUl
A. NAIMI

DIPLOMATIE PARTISANE
Éric Ciotti en visite au Maroc pour renforcer
les liens entre les Républicains et le RNI
P
our sa première visite à l’étranger,
Éric Ciotti, le nouveau président
du parti français les Républicains
(LR), effectue un voyage de
trois jours au Maroc accompagné d’une
délégation de son parti, dont la présence
notable de Rachida Dati. Jeudi matin, 4 mais
2023, il a été reçu par Aziz Akhannouch,
président du Rassemblement national des
indépendants (RNI). Sur Twitter, M. Ciotti
a exprimé sa gratitude envers le Premier
ministre marocain, soulignant l’importance
de renforcer la relation franco-marocaine,
bénéfique pour l’Afrique et l’Europe.
Le président des Républicains a plaidé pour
la correction des erreurs et la considération
envers le Maroc, mettant en lumière les liens
étroits unissant les deux pays. Il a souligné
Éric Ciotti et Aziz Akhannouch.
la nécessité d’un partenariat solide
entre le Maroc, l’Union européenne
et la France, arguant que l’Europe
ne pouvait se permettre d’adopter
une attitude hostile envers le pays.
M. Ciotti a mis en avant l’amitié indéfectible
et ancienne entre la France et le Maroc,
basée sur une histoire commune et une
affection puissante qui ne devrait pas être
endommagée ou altérée. Il a également
annoncé que « Le Maroc joue un rôle majeur
sur le continent africain notamment en
matière migratoire. Nous avons la nécessité
de réinstaller une politique de concertation
entre nos deux pays ». Dans cette optique,
M. Ciotti a appelé à l’amélioration des
relations entre la France et le Maroc,
déplorant la détérioration actuelle de celles-
ci, qui nuit aux deux pays. Enfin, Éric Ciotti a
exprimé le souhait de son parti de nouer un
partenariat avec le RNI, permettant d’affirmer
publiquement leur volonté de travailler
ensemble en harmonie avec leurs valeurs.
De son côté, Aziz Akhannouch a insisté sur
l’importance d’améliorer les perspectives de
coopération entre les deux partis et les deux
pays, le Maroc étant un partenaire essentiel
pour de nombreux pays européens. Il a
également regretté l’attitude du Parlement
européen à l’égard du Maroc l
H. C.
9
CHRONIQUE

RAPPEL DE L’AMBASSADEUR DE TURQUIE AU MAROC

LE DOUBLE JEU D’ALGER

“L’Algérie a une responsabilité flagrante” dans le dossier
du Sahara marocain. Et ce qui se passe avec Ömer Faruk Doğan
Par Noureddine JOUHARI n’en est que l’ultime illustration.

C’
est depuis début avril
2023 que la rumeur
courait. Confirmée le
28 avril 2023 par le
journal électronique
“Le360”, le rappel de l’ambassadeur de
Turquie à Rabat, Ömer Faruk Doğan, a bel
et bien été entériné. Et la cause, c’est bien
évidemment le propos qu’il avait tenu au
mois de novembre 2022 dans le 1460ème
numéro de Maroc Hebdo sur la souverai-
neté du Maroc sur son Sahara.
En substance, il avait comparé la situa-
tion dans la région à celle des provinces
kurdes de Turquie, également en proie au
séparatisme. “Nous estimons qu’il s’agit
d’un conflit purement artificiel qui profite
à des tierces parties dont l’objectif est de
freiner le développement de la région, y
compris celui du Maroc,” nous avait-il dé-
claré. Et surtout, il avait directement dé-
signé l’Algérie comme partie prenante du
différend, en mettant sur la table la propo-
sition de jouer les intermédiaires avec elle,
sans faire le moindre cas du Front Polisa-
rio, que la junte militaire algérienne aime
à présenter comme le représentant des
populations du Sahara marocain.
La sortie ne pouvait, naturellement, plaire
du côté de la voisine de l’Est. Finalement,
le lobbying que celle-ci aura mené au cours
des derniers mois pour faire débarquer M.
Doğan aura payé, car il est effectivement
acté que c’est à sa demande expresse
que la Turquie a agi. Du fait de leur his-
toire commune consécutive à plus de trois
cent ans d’occupation ottomane de ce qui
s’appelait jusqu’à la colonisation française
la régence d’Alger (1516-1830), Ankara a,
ainsi, davantage de passerelles diploma-
tiques avec son ancienne province, et cela
tombe donc sous le sens que la partie al-
gérienne en tire profit. De toute façon, l’af-
faire est fondamentalement turco-turque,
et du moment que la Turquie n’a pas ou-
vertement remis en cause la marocanité du
Sahara marocain, cela n’appelle pas vrai-
ment de commentaire; au contraire, le mi-
IL AVAIT COMPARÉ
LA SITUATION
AU SAHARA À CELLE
DES PROVINCES
KURDES DE TURQUIE,
ÉGALEMENT EN PROIE
AU SÉPARATISME.
nistre des Affaires étrangères turc, Mevlüt
Çavuşoğlu, avait très officiellement “réité-
ré[é]” en mai 2022 à Marrakech, en marge
de sa participation à la réunion ministérielle
de la Coalition mondiale contre Daech, “la
position de principe de la Turquie en faveur
de l’intégrité territoriale et la souveraine-
té des pays, et réaffirmer le soutien de la
Turquie à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale du Maroc frère”, et c’est dans
ce sens que s’inscrivaient d’ailleurs les dé-
clarations de M. Dogan dans nos colonnes.
S’il y a une véritable question à poser, c’est
davantage au sujet de l’engagement de
l’Algérie au Sahara marocain. Car d’un
côté, elle assure que son appui au Polisa-
rio découle d’une position de principe en
faveur de l’autodétermination des peuples
-tant qu’il ne s’agit, bien évidemment, pas
du peuple kabyle- et qu’elle n’a rien à voir
dans le différend, et c’est le motif qu’elle in-
voque pour refuser depuis octobre 2021 de
participer aux tables rondes lancées en dé-
cembre 2018 par l’ancien envoyé person-
nel du secrétaire général de l’Organisation
des Nations unies (ONU), Horst Köhler.
Mais de l’autre côté, tous les éléments
démontrent éloquemment que c’est avec
elle que le Maroc est en prise, et nulle
autre partie. Si M. Dogan n’est plus en
poste à Rabat, c’est à cause d’elle. C’est
elle qui n’a plus d’ambassadeur à Madrid
car l’Espagne avait choisi de commencer
à considérer l’initiative pour la négociation
d’un statut d’autonomie comme la base la
plus sérieuse, réaliste et crédible. Aucun
autre pays l’a fait. Quand des consulats
ont commencé à être inaugurées à partir
de décembre 2019 au Sahara marocain,
elle avait également été la seule à réagir,
et on rappellera qu’en février 2020 elle était
allée jusqu’à convoquer son ambassadeur
à Yamoussoukro. Comme le résumait le roi
Mohammed VI dans une lettre qu’il avait
adressée en avril 2018 au secrétaire géné-
ral de l’ONU, António Guterres, “l’Algérie a
une responsabilité flagrante”. Et ce qui se
passe avec M. Dogan n’en est que l’ultime
illustration l

10
1485 - Du 05 au 11 mai 2023

11
POLITIQUE

“MAROCGATE”, PEGASUS… LE MAROC TOUJOURS DANS LE VISEUR DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Sans preuve et sans aveu

Cinq mois après, la justice européenne n’a fourni aucune preuve inculpant le Royaume dans la pré-
tendue affaire de corruption d’eurodéputés. A coups de résolutions et de directives, les institutions
européennes offrent un spectacle de bas étage à coups d’annonces sans fondements.

N ouvel épisode de la série d’achar-

nement sur le Maroc des institu-
tions de l’Union européenne !
Mercredi 3 mai 2023, la Commis-
sion européenne a présenté le projet d’une
directive contre la corruption dans l’espace
de l’UE et le monde entier. Le texte invite «les
Etats membres à veiller à ce que les privilèges
et l’immunité puissent être levés au cours des
enquêtes sur la corruption au moyen d’une pro-
cédure efficace et transparente préétablie par
la loi, et en temps utile». Quelques jours au-
paravant, le 26 avril plus précisément, « en ré-
ponse aux tentatives présumées de pays étran-
gers, dont le Qatar et le Maroc, la commission
spéciale en charge des ingérences étrangères
préparera un rapport distinct identifiant les la-
cunes dans les règles du Parlement européen
en matière de transparence, d’éthique, d’inté-
grité et de corruption, et présentera des pro- INCAPABLE DE
positions de réformes pour lutter efficacement
contre la corruption. Le vote en commission
PROUVER SES corruption en décembre 2022 au sein du Parle-
aura lieu le 1er juin », lit-on dans un communi- ALLÉGATIONS, LE ment européen, tentant d’inculper le Maroc
qué publié sur le site du Parlement européen.
PARLEMENT EUROPÉEN dans l’affaire dite « MarocGate », l’ancienne
vice-présidente du Parlement européen, l’eu-
Pression sur le Maroc MÈNE LA GUERRE. rodéputée grecque, Eva Kaïli, a été libérée
Ce dernier a établi un «nouveau code de après son incarcération pour les besoins de
conduite» ayant pour objectif de limiter les l’enquête. Son compagnon Francesco Giorgi,
cas de corruption dans l’institution législative. quelques membres (la France ou l’Espagne). l’Italien Pier Antonio Panzeri et l’eurodéputé
Allusion faite bien entendu au Maroc soupçon- Incapable de prouver ses allégations, le Par- belge Marc Tarabella, les principaux protago-
né, sans l’ombre d’une preuve, d’avoir corrom- lement européen mène la guerre. Après le nistes de cette affaire, ont été aussi libérés.
pu des eurodéputés dans le cadre de l’affaire vote de la résolution sur la situation de la li- Ceux-là mêmes qu’on disait avoir été corrom-
dite «MarocGate» en vue de faire pencher la berté d’expression et des médias au Maroc au pus par le Maroc.
politique européenne en sa faveur. Les euro- niveau du Parlement européen, le 19 janvier C’est une mascarade débile qu’on maintient
députés avaient aussi approuvé, le 16 février, 2023, et après le ‘’Marocgate’’ qui sous-en- sous perfusion tant qu’une certaine presse eu-
une résolution interdisant aux représentants tend que le Maroc aurait corrompu des élus ropéenne intéressée continue de la désinfor-
du Maroc d’accéder au PE. Ils s’agitent trop européens puis le déterrement de l’affaire mation pour de l’information afin de nuire à
depuis quelque temps car ils se préparent aux d’espionnage Pegasus qui vise exclusivement l’image du Maroc. C’est l’histoire d’une Union
élections européennes de 2024. le Maroc alors que plusieurs pays européens européenne intérieurement fragilisée qui
Il est vrai que les vingt-sept membres de l’UE utilisent le même logiciel, ne se demande-t-on tente de véhiculer l’image d’un groupement
ne se valent pas tous. Mais ce groupement pas que vise ce plan machiavélique européen. solide, uni et costaud. Alors qu’en vérité, c’est
économique et monétaire (UE) fait de la pres- A faire plier le Maroc ? Peine perdue. un géant aux pieds d’argile l
sion sur le Maroc au profit toujours d’un ou de Quatre mois après l’éclatement du scandale de Marouane KABBAJ

12
 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

L’ALGÉRIE EXPULSE 7000 MIGRANTS SUBSAHARIENS ET PROVOQUE

UNE CRISE HUMANITAIRE AU NIGER

Silence radio à Alger !

Le régime militaire d’Alger continue de rafler des migrants réguliers et irréguliers dans la rue, dans leurs domiciles ou
dans leurs lieux de travail. Une véritable chasse à l’homme. Ils les déplacent vers un centre de refoulement à 1900 km au
sud d’Alger puis les déportent vers les frontières avec le Niger, abandonnés en plein désert.

A u nord du Niger, à la frontière al-

gérienne, les organisations hu-
manitaires ont une fois encore
sonné l’alarme le 30 avril 2023.
L’armée algérienne a expulsé 7000 migrants
subsahariens dont une bonne partie vivait
en Algérie en situation régulière et disposait
d’un travail légal.
Ils ont été raflés dans la rue, dans leurs
domiciles ou dans leurs lieux de travail.
Ils ont fait l’objet d’une véritable chasse à
l’homme. Une fois arrêtés, raconte Mehdi
Chebil, reporter à Infomigrants, un site d’in-
formation destiné aux migrants, ils ont été
déportés vers un centre de refoulement de
Tamarasset à 1900 km au sud d’Alger depuis
lequel ils ont été ensuite déplacés vers les
frontières avec le Niger, abandonnés dans
un lieu désertique. Résignés, les migrants
se sont débrouillés seuls pour rejoindre le
premier patelin au Niger, en l’occurrence le
petit village d’Assmaka de 1500 habitants,
où s’activent des bandits et des coupeurs
de route, isolé du reste du pays. « La chose
qui m’a frappé dans leurs récits d’expulsion,
c’est que les policiers algériens leur ont
confisqué leur argent et leurs téléphones
portables. Certains migrants ont des pa-
piers en règle, mais les policiers algériens
ne voulaient rien savoir. A Assamaka, un pe-
tit village de 1500 personnes. Les migrants
dorment à la belle étoile et s’habillent avec
des couvertures », témoigne-t-il.
Dormir à la belle étoile
Parmi les émigrants, on recense des Gui-
néens, des Maliens, des Nigériens, des
Ivoiriens, des Burkinabais, des Congolais,
des Nigérians, des Gambiens, des Sierra-Léo-
nais, des Camerounais et des Libériens.
Ils manquent de nourriture, d’eau et de
presque tout. Les organisations internatio-
nales craignent une crise humanitaire et
une recrudescence de la criminalité trans-
frontalière dans la ville d’Assamaka. Le
ministre de l’Intérieur du Niger, Hamadou
Amadou Souley, s’est rendu dans le village
frontalier, situé dans la région d’Agadez,
pour s’informer de la situation humanitaire
dans la zone. « Depuis le début de l’année
2023, les expulsions de citoyens d’Afrique
centrale ont acquis une dimension critique
avec 7172 personnes expulsées en raison
d’une disponibilité très limitée des services
sociaux de base (dans la zone). Cette forte
concentration d’émigrés a pour corollaire
une forte augmentation de la criminalité
frontalière », a souligné le ministre nigérien.
D’après les Nations-Unies, l’Algérie a expul-
sé depuis 2014 des dizaines de milliers de
migrants originaires d’Afrique de l’Ouest et
centrale. A l’origine un point de transit vers
l’Europe, l’Algérie devient, pour certains de
ces migrants, un pays de destination. L’Eldo-
rado se transforme en cauchemar. Le régime
militaire d’Alger, qui se dit prôner l’amitié
entre les peuples, les expulse et abandonne
en plein désert. Le pire, c’est qu’il ne recon-
naît jamais ces expulsions. Pour leur grand
malheur l
Marouane KABBAJ

D’APRÈS LES NATIONS-UNIES, L’ALGÉRIE

A EXPULSÉ DEPUIS 2014 DES DIZAINES DE
MILLIERS DE MIGRANTS ORIGINAIRES
D’AFRIQUE DE L’OUEST ET CENTRALE

13
COUVERTURE

NORA, MORTE PIÉTINÉE PAR LE PUBLIC DÉCHAÎNÉ

LE STADE
DU DÉSHONNEUR
14

La mort de Nora, 29 ans, piétinée par la foule près du complexe sportif
Mohammed V de Casablanca avant le match Raja-Al Ahy, relance le débats
autour de l’organisation et la sécurité dans ce stade. Qui est le vrai
responsable de ce drame ?
I
l est 15 heures passées de quelques minutes, ce
samedi 29 avril 2023. Aux abords du complexe
sportif Mohammed V de Casablanca, des groupes
de supporters du Raja commencent déjà à affluer
dans le calme total, en prévision du choc qui op-
posera dans moins de cinq heures, leur club aux Égyp-
tiens d’Al Ahly, en match retour des quarts de finale de
la Ligue des champions d’Afrique. Malgré la défaite 2-0
à l’aller, ils chantent, sautent, et affichent clairement
leur optimisme. Mais ce n’est que le calme qui précède
la tempête. Une heure plus tard, la joie et la bonne hu-
meur vont soudainement laisser place au désordre, à la
violence, puis à la terreur .. et enfin la mort !
Vers 16h30, des foules encore plus massives, et surtout
plus excitées, commencent à déferler via les artères
avoisinant le stade, à la plus grande stupéfaction des
éléments des forces de l’ordre, qui observent la scène
avec inquiétude, barricadés derrière les barrières mé-
talliques. Les policiers sont déjà persuadés de deux
choses. La première, est que cette avalanche humaine
dépasse largement la capacité maximale du stade, es-
timée à environ 45 000 sièges. La seconde,-une résul-
tante de la première-, est que la situation peut dégéné-
rer à tout moment. Et ce qui devait arriver, arriva.
Foules massives
Durant les 3 heures qui suivront, les alentours du
stade Mohammed V se transformeront en un véritable
champs de bataille. Plusieurs centaines de supporters,
dont l’écrasante majorité ne détiennent pas de ticket,
se mettent à caillasser les policiers dans l’espoir de for-
cer le passage, alors que de violentes bousculades se
déclenchent au niveau des points d’accès de l’enceinte
du stade, notamment dans la zone 3, correspondant à
la partie sud des gradins couverts.
Une zone très critique comme le savent bien les ha-
bitués des lieux, puisqu’elle ne dispose que d’un seul
point d’accès, contrairement aux autres zones qui pos-
sèdent deux à trois points d’accès, et présentent donc
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
PAR LOUAY KERDOUSS
moins de risques d’encombrement. Déployés sur les
lieux, les canons à eau se mettent à tirer dans l’espoir
de dissuader les casseurs, mais finissent par aggraver
la frénésie du public coincé entre les canons, et les
portails à peine ouverts qui laissent entrer les suppor-
ters au compte-goûte. Résultat: plusieurs blessés, des
visages terrorisés, des fans en colère, et surtout la mort
d’une jeune femme, Nora, piétinée et étouffée par la
foule. Elle poussera son dernier souffle à l’hôpital Mou-
lay Youssef où elle a été transférée pour recevoir les
premiers soins.
Violentes bousculades
Vers 21h30, les autorités locales confirment le décès,
déclenchant ainsi une vague d’émoi et d’indignation.
Qui est responsable de la mort de Nora ? Une seule
question dont la réponse serait difficile à formuler. Du
côté des supporters du Raja, ou du moins une bonne
partie d’entre eux, l’attitude de la police est la raison
principale derrière les incidents ayant émaillé le match
contre Al Ahly. Ils dénoncent alors l’usage “excessif” de
la force, et plus particulièrement l’utilisation de canons
à eau. La Wilaya de police de Casablanca a démenti
quant à elle ces accusations, affirmant que ces canons
ont été utilisés uniquement au niveau de la zone 7, c’est
à dire loin de la zone 3 d’où la défunte a été transférée
à l’hôpital. Toutefois, des vidéos circulant sur la Toile
et dont l’authenticité reste à vérifier, montrent que les
canons auraient été utilisés dans la zone 3 également.
Quoi qu’il en soit, une enquête en interne est en cours,
et permettra dans les prochains jours de trancher si
oui ou non, le comportement de la police y est pour
quelque chose.
Qu’en est-il alors du public lui-même? Outre la présence
de centaines de supporters sans tickets ou avec des
tickets “scannés”, c’est-à-dire falsifiés, c’est surtout le
“manque de civisme” que certains reprochent aux fans
s
des Verts ce qui aurait mené à ces affrontements. Et
pour “preuve”, le match du rival et voisin, le Wydad,
contre les Tanzaniens de Simba pour le compte de la
15
COUVERTURE
même compétition, s’était déroulé la
veille dans le calme presque total.
s
Mais c’est certainement la société Casa
Events, chargée par le Conseil de la ville
d’organiser les matches dans le stade
Mohammed V, qui se présente comme
l’accusé numéro 1 dans cette affaire.
Le vice-président du conseil de la ville
chargé du sport, Abdellatif Naciri, a af-
16
AUTORITÉS LOCALES
CONFIRMENT LE DÉCÈS,
DÉCLENCHANT AINSI
UNE VAGUE D’ÉMOI ET
Piégée par la foule,
Nora finit par
rendre l’âme.
firmé dans une publication sur sa page
Facebook être plus que jamais convain-
cu que le mode de gestion du stade est
désormais “dépassé” et doit être “révi-
sé en profondeur” alors que le Maroc
est amené à organiser des événements
sportifs majeurs dans les prochaines an-
nées. Une allusion à peine voilée à Casa
Events. Convoqué à une réunion de la
VERS 21H30, LES
D’INDIGNATION.
commission de suivi du contrat de ges-
tion déléguée du complexe Mohammed
V, le 3 mai 2023 au siège du Conseil de la
ville, à la demande la maire, Nabila Rmi-
li, le directeur général de l’entreprise,
Mohamed Jouahri, a réfuté catégorique-
ment les “allégations” selon lesquelles
son entité serait responsable de la mort
de Nora.
Climat de tension
M. Jouahri a préféré renvoyer la patate
chaude à la direction du Raja en l’accu-
sant d’être “responsable” de l’organisa-
tion, alors que Casa Events “ne fait qu’ai-
der et accompagner”.
Une version des faits qui peine à
convaincre alors que patron de Casa
Events se trouve dans le collimateur de
plusieurs parties, y compris le large pu-
blic casablancais, rouge et vert, depuis
des années, notamment en lien avec la
qualité de l’organisation dans le stade et
les incidents qui surviennent de temps à
autre en marge des matches.
Plusieurs sources rapportent même que
la Ville songe sérieusement à retirer à
Casa Events cette mission pour mettre
un terme à ce climat de tension, et faire
appel à la Société nationale de réalisa-
tion et de gestion des stades (Sonarges)
pour lui confier la gestion du stade Mo-
hammed V. Dans ce sens, une réunion
devait avoir lieu le 5 mai en présence de
représentants de la mairie et la société
qui gère déjà plusieurs stades au Maroc,
notamment ceux de Marrakech, Tanger
et Agadir, pour effectuer une sorte de
diagnostic des problèmes du complexe
casablancais, et surtout pour définir les
solutions à prévoir l
 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

MORTE SUITE À LA BOUSCULADE AUX ABORDS

DU STADE MOHAMMED V

Nora, une lady

au grand cœur
Dans l’ombre du Complexe sportif Mohammed V, le 29 avril 2023,
la vie de la jeune Nora s’est tragiquement éteinte, laissant un vide
immense dans le cœur de ceux qui l’ont aimée et admirée.

N
ora, du haut de son 1m80, se tence. La première des choses que tout
démarquait par sa présence, le monde nous soulignait, contrairement
ses cheveux noirs contrastant à ce que l’on pourrait lire sur les réseaux
avec sa peau blanche. Son sociaux, Nora ne souffrait d’aucune ma-
sourire radieux avait le pouvoir d’illumi- ladie. Ce n’est point à cause d’un asthme
ner une pièce et de réchauffer les cœurs. ou de quiconque maladie que Nora a tré-
C’est avec une vive émotion que l’on se passé. Cette information erronée ne fait
souvient de cette femme de 29 ans, dont qu’ajouter à la confusion et à la douleur
le cœur, pourtant si grand, a cessé de ressenties par ceux qui la connaissaient
battre lors d’une bousculade fatale aux et l’aimaient.
abords du stade. Un incident dont les en-
quêteurs cherchent encore à démêler les Une affection sans faille
circonstances. Ainsi, lorsque Samia se souvient de
Nora, passionnée et déterminée, ne se Nora, elle évoque avec émotion le jeune
contentait pas de suivre les matchs du adolescent qu’elles avaient recueillie en- années. Elle avait fait le lycée français
Raja depuis les gradins. Elle était une semble durant le confinement, fuyant avant qu’elle se voit obligée de quitter
force de la nature, affron- la maltraitance de son les bancs de l’école après que son père
tant les défis de la vie orphelinat. Nora s’était a divorcé avec sa mère et l’a délaissé elle
avec une résilience et une SES AMIS NE alors montrée aussi pro- et sa sœur. Elle a donc fait le choix de
énergie qui en faisaient tectrice et attentionnée commencer à travailler pour subvenir à
une véritable source TARISSENT PAS qu’une sœur aînée, of- ses besoins et à ceux de sa famille. Elle a
d’inspiration. Passionnée D’ÉLOGES SUR frant à cet enfant perdu ainsi bossé dur durant des années dans
du sport, de mode, de un refuge et une affection un centre d’appel pour soutenir sa petite
maquillage, de volonta- SON HUMOUR sans faille. Ses amis, famille. Récemment, elle avait enfin trou-
riat… elle faisait souvent ET SON RIRE quant à eux, ne tarissent vé un emploi stable dans le secteur des
des lives sur le groupe pas d’éloges sur son hu- assurances et avait fait la rencontre d’un
Facebook « Ladies First COMMUNICATIF. mour et son rire commu- homme aimant, avec qui elle envisageait
» pour parler de ses pas- nicatif, qui avaient le pou- de bâtir un avenir.
sions. Ce sont les mêmes voir de transformer les En ces heures sombres qui suivent la
membres de ce groupe, ses cousines et histoires les plus tristes en comédies. disparition de Nora, la jeune femme au
ses amies qui n’ont pas hésité à nous Au-delà de sa personnalité solaire et cha- grand cœur, il est difficile de ne pas se
envoyer une dizaine de témoignages sur leureuse, c’est la détermination de Nora sentir submergé par la tristesse et l’injus-
Noura. À travers les témoignages de ceux qui suscite l’admiration. Malgré les diffi- tice de sa mort prématurée. Mais si son
qui ont partagé sa vie, se dessine l’image cultés auxquelles elle avait dû faire face cœur a cessé de battre ce jour-là, il conti-
d’une femme au grand cœur, dont la gé- Nora avait su se forger un destin. Origi- nue de vivre à travers les souvenirs et les
nérosité et l’amour inconditionnel ont lais- naire de Settat, La jeune supportrice du récits de ceux qui l’ont connue l
sé une empreinte indélébile sur leur exis- Raja habitait à Mohammadia depuis des Hiba CHAKER

17
COUVERTURE
ENTRETIEN AVEC ABDERRAHIM BOURKIA,
“Déplacer le stade ne réglerait pas
le problème de la violence”
Spécialisé en sociologie du
sport, auteur en 2018 du livre-
référence “Des ultras dans la ville”,
Abderrahim Bourkia considère
que le drame de la mort de la
jeune de Nora est tout autant
le résultat de manquements
évidents que la conséquence d’un
véritable problème de société qui
fait qu’un stade est aujourd’hui
systématiquement associé au
risque qu’il peut présenter.
Propos recueillis par
Wissam EL BOUZDAINI
“CONSIDÈRENT
CERTAINS ÉLÉMENTS DES FORCES DE L’ORDRE
LES JOURNÉES DE MATCH COMME
UNE CORVÉE. ILS PEUVENT MÊME EN ARRIVER
À VOIR LE PUBLIC COMME UN ENNEMI.
18
sociologue.
La mort de la jeune Nora fait beaucoup
jaser. Selon vous, faut-il la traiter comme
un fait indépendant dû à des dysfonction-
nements indéniables à l’entrée du Stade
Mohammed-V ce jour-là ou n’est-ce plutôt
que la manifestation d’un problème de fond
à caractère systémique?
Le décès tragique de la jeune Nora est une
nouvelle très triste. Bien que la mort ne fasse
pas de distinction, nous sommes tous touchés
par ce qui est arrivé. Nora était la fille, la sœur,
la cousine, la camarade, la collègue et l’amie
d’autres citoyens et citoyennes. Je m’excuse
pour ce préambule, mais c’est ma première
réaction lorsque j’ai appris la perte de Nora.
Pour répondre à votre question, il est évident
qu’il y a eu des manquements de la part de
certains intervenants chargés de l’organisation
et de la gestion des flux à l’entrée du Stade
Mohammed V. Mais, qu’on le veuille ou non, il
y a aussi une responsabilité collective.
Lorsque vous voyez un élément des forces de
l’ordre ou un organisateur qui perd son sang-
froid et n’arrive pas à maîtriser ses émotions,
vous savez parfaitement qu’il est à bout de
nerfs et que sa capacité de discernement
est altérée. Vous savez également que la
situation le dépasse. Il faut dire que leur travail
est difficile, en particulier en ce qui concerne
les interactions avec le public, surtout celui
qui pose problème. Par exemple, il y a des
” plus être tolérée. Il est temps de dire haut
spectateurs ou des supporters qui possèdent
des billets mais qui ne peuvent pas accéder
au stade, qui ne trouvent donc pas de place et
qui encombrent les marches et les sorties de
secours.
Certains éléments des forces de l’ordre
considèrent les journées de match comme une
corvée. Ils peuvent même en arriver à voir le
public comme un ennemi.
Quels sont les moyens concrets qu’on peut
aujourd’hui mettre en œuvre pour éviter
que des drames similaires ne se repro-
duisent?
À mon avis, il serait préférable de confier la
gestion de la sûreté et de la sécurité à une
commission ou à une entité de professionnels
compétents, intègres et reconnus par leurs
pairs. Il est important de se donner les moyens
de réduire la marge d’erreur et les risques.
Le déploiement sécuritaire devrait être
rationnel et bien réfléchi, avec une information
générale sur les entrées ouvertes au public
et un nombre suffisant d’éléments de la force
publique. En tant que chercheur qui s’appuie
sur son observation participante régulière des
stades, je ne dispose pas des connaissances
techniques et opérationnelles nécessaires pour
en dire davantage.
Il convient également de revoir le système de
billetterie, qui est un autre problème à prendre
au sérieux. Cela nous amène à nous poser
des questions sur les places numérotées et
à envisager une billetterie nominative. Des
mesures astucieuses peuvent être mises en
place, mais elles doivent être accompagnées
d’un suivi et d’un contrôle stricts. La menta-
lité du laisser-faire et du laisser-aller ne doit
et fort «No Pasaran» aux passe-droits, au

favoritisme, au clientélisme, à la fraude et à la
corruption.
Il est également nécessaire de parler de
l’égoïsme et du manque d’empathie envers les
autres. Malheureusement, cela a déjà coûté
des vies dans le passé, y compris celle de
Nora, et nous ne savons pas ce que l’avenir
nous réserve si nous ne prenons pas ce
problème très au sérieux.
Beaucoup lient les problèmes d’ordre sécu-
ritaire que connaît régulièrement le Stade
Mohammed-V au fait qu’il se trouve en plein
périmètre urbain. Partagez-vous cette vue?
Je ne suis pas d’accord avec cet avis. Dans
d’autres endroits, il y a de grands stades
en plein centre-ville et cela ne pose aucun
problème. Je pense que nous devrions plutôt
nous poser la question, ou les questions, de
savoir pourquoi le stade est perçu comme un
risque potentiel. Est-ce à cause du comporte-
ment du public lors des événements sportifs?
Des clubs qui y jouent? Ou de ceux qui en ont
la charge?
À mon avis, déplacer le stade ne réglerait pas
le problème de la violence. Cela ne ferait que
déplacer le problème ailleurs, tandis que les
acteurs et les intervenants seraient les mêmes.
Ils reproduiraient les mêmes schémas, les
mêmes pratiques, la même gestion, la même
stratégie -s’il y en a une, étant donné que je
doute qu’elle existe, et si elle existe, elle est
inefficace. La veille du drame, la rencontre
entre le Wydad de Casablanca et l’équipe
tanzanienne de Simba s’est bien déroulée.
Comment se fait-il que l’organisation ait
changé du tout au tout pour aboutir à un tel
débordement?
On tend parfois à essentialiser la violence
dans les stades, comme quoi elle serait
le fait de groupes de supporters précis
plutôt que d’autres, ceux de certains clubs
particuliers. A partir des différentes études
que vous avez menées, quels sont les vé-
ritables paramètres qui entrent en jeu dans
cette violence?
D’après mes analyses, il n’y a pas de profil
type. Cependant, les supporters les plus
fervents sont souvent recrutés parmi une partie
de la jeunesse qui adopte de nouvelles normes
sociales partagées, qui se sentent marginali-
sées, exclues et stigmatisées et qui cherchent
une autre forme d’appartenance. Cette
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
jeunesse est en proie à de vives inquiétudes et
ne trouve pas de place au sein de la société;
elle adopte des valeurs d’une sous-culture qui
diffèrent des normes sociales des autres com-
posantes de la société. Leurs façons de faire,
de voir les choses et leurs règles sociales
sont tellement différentes que, de nos jours,
une personne ayant écopé d’une peine de
réclusion sera bien vue par ses acolytes. Ces
jeunes subissent une mauvaise influence et
s’adonnent à de nouvelles pratiques d’échange
social et à d’autres formes de communication
largement répandues par des idoles tout aussi
responsables qu’eux des actes commis.
Ce que nous avons vu samedi soir et lors
du match TAS-CODM (le mardi 2 mai 2023
à Casablanca, ndlr) n’est que le reflet des
problèmes qui rongent notre société depuis
des années. C’est le miroir de notre société
que nous refusons de voir.
Si vous en avez personnellement la
possibilité, iriez-vous voir le 12 mai 2023
la demi-finale de la Ligue des champions
Wydad-Sundowns qui se tient justement au
Stade Mohammed-V?
Pourquoi pas? l
19
 SPECIAL
SIAM 2023
LE SIAM FAIT SON GRAND RETOUR
OBJECTIF :
LA SOUVERAINETÉ
ALIMENTAIRE
La 15ème édition du Salon international de l’agriculture de Meknès
(SIAM), s’est tenue du 2 au 7 mai, sous le thème «Génération Green :
Pour une souveraineté alimentaire durable». Un rendez-vous international
plus que jamais incontournable.
A
près trois longues années
d’arrêt forcé à cause de
la pandémie du covid-19,
le Salon international de
l’agriculture de Meknès
(SIAM) a fait son grand
retour, pour le plus grand plaisir des ac-
teurs du secteur agricole, mais aussi de
la cité ismaélienne qui retrouve un de ses
rendez-vous phares.
Moment fort et marquant à chaque édi-
tion, la cérémonie d’ouverture a été pré-
sidée par le chef du gouvernement, Aziz
Akhannouch, en présence de plusieurs
hauts responsables dont le ministre de
l’Agriculture, de la pêche maritime, Moha-
med Sadiki, et du ministre délégué chargé
du Budget, Fouzi Lekjaa.
Rapprochement avec le Royaume-Uni
Organisée sous le thème «Génération
Green : Pour une souveraineté alimen-
taire durable», cette 15ème s’ inscrit par-
faitement dans l’actualité brûlante, alors
que le monde entier, y compris le Maroc,
est confronté à une succession de crises,
dont notamment la guerre russo-ukrai-
nienne et le changement climatique, qui
fragilisent les systèmes alimentaires.
Invité d’honneur de cette édition, le
Royaume-Uni en a profité pour consoli-
20
der davantage son rapprochement éco-
nomique, entamé depuis le Brexit, avec
le Maroc. Les exportations marocaines
agro-alimentaires vers ce pays se sont
établies à 5,94 milliards de dirhams en
2022, soit une hausse de 57% par rap-
port à l’année 2021 et une croissance de
635% par rapport à 2010. Les exporta-
tions agro-alimentaires ont représenté en
2022, une part en valeur de 36%, et une
part en volume de 73% par rapport aux
exportations totales du Maroc à destina-
tion de ce marché.
Lors du 15ème SIAM, les deux pays ont
signé un mémorandum d’entente pour la
coopération dans le secteur de l’agricul-
ture et du développement rural. Paraphé
par Mohamed Sadiki, et son homologue
britannique, Lord Richard Benyon, à
l’issue du Forum sur la coopération Ma-
roc-Royaume Uni, tenu en marge de
l’ouverture de la 15ème édition, ce mé-
morandum d’entente déclare les volon-
tés communes de coopérer autour de la
recherche scientifique, la résilience au
changement climatique, le renforcement
des capacités et l’innovation agricole.
Outre le Royaume-Uni, la 15ème édition a
connu la participation de 66 autres pays,
consolidant ainsi la dimension internatio-
nale du SIAM. “Cette édition a réussi à
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
tracer sa voie et à entrer définitivement
dans l’agenda des grands Salons du
monde”, a assuré Jaouad Chami, Com-
missaire général du SIAM, à l’issue de la
première journée du Salon.
Dimension internationale
Avec 10 pôles, abritant un total de 1376
stands, sur une superficie couverte de
11 hectares, le 15ème SIAM aura atti-
ré pas moins de 900 000 visiteurs. Des
chiffres qui n’ont rien à envier aux plus
grands événements internationaux du
genre. Il faut noter également la partici-
pation de 28 délégations conduites par
des ministres de l’Agriculture qui ont pris
part aux différentes conférences, notam-
ment une conférence de haut niveau sur
la souveraineté alimentaire au Maroc, en
Afrique, en Méditerranée et à l’échelle
internationale, en présence de plusieurs
personnalités politiques, des décideurs et
des experts nationaux et internationaux,
ainsi que des scientifiques et des profes-
sionnels du secteur. Sans oublier la si-
gnature de 20 contrats programmes entre

“CETTE ÉDITION A
RÉUSSI À TRACER SA
VOIE ET À ENTRER
DÉFINITIVEMENT DANS
L’AGENDA DES GRANDS
SALONS DU MONDE”.
les fédérations interprofessionnelles pour
développer les différentes filières.
Le 15ème SIAM a été également l’occa-
sion de faire le point sur les réalisations
de la stratégie Generation Green 2020-
2030, lancée par le Roi Mohammed VI et
mise en oeuvre depuis 2021. Pour ce qui
est de la généralisation de la protection
sociale des agriculteurs, le gouvernement
a mis en place un cadre juridique relatif
à la couverture maladie et au système
de retraite spécifique aux agriculteurs en
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
promulguant la loi cadre 09.21 relative à
la protection sociale et la loi n° 80.21 por-
tant création du Registre National Agri-
cole. Au 24 mars 2023, le nombre total
des agriculteurs identifiés dans le cadre
de cette démarche est de 1,39 million per-
sonnes, dont 1,231 million de personnes
immatriculées dans le régime des TNS,
139.000 immatriculés dans les autres ré-
Aziz Akhannouch, chef du
gouvernement, a présidé la
cérémonie d’ouverture du SIAM.
Meknès le 2 mai 2023.
gimes autres que TNS et 20.000 en cours
d’immatriculation à la CNSS.
Génération Green
S’agissant de l’amélioration des revenus
des agriculteurs et de leurs conditions de
vie, le gouvernement a diminué l’écart
entre le salaire minimum dans le secteur
agricole (SMAG) et celui dans les autres
secteurs (SMIG). Dans ce cadre, et
conformément à l’accord social signé fin
avril 2022, avec les organisations syndi-
cales du secteur, il a été procédé, en sep-
Jaouad Chami,
Commissaire
général du SIAM.
tembre 2022, à une augmentation de 10%
du SMAG. Concernant les programmes
d’irrigation, il a été procédé, à fin 2022, à
l’équipement en irrigation localisée d’une
superficie supplémentaire de 154.650 ha,
soit 44% de l’objectif de 2030l
DNES à Meknès,
LOUAY KERDOUSS
21
 SPECIAL
SIAM 2023

LE ROYAUME-UNI INVITÉ D’HONNEUR DU SIAM 2023

Renforcer la coopération agricole avec le Maroc

Résilience au changement climatique, l’agriculture biologique, le machinisme agricole,
les pratiques de l’élevage et de la santé animale, la valorisation des produits agricoles et l’amélioration
de l’accès aux marchés des produits agroalimentaires…

C
ette année, le Salon Internatio-
nal de l’Agriculture au Maroc
(SIAM) a choisi le Royaume-Uni
comme pays invité d’honneur de
sa 15ème édition, tenue du 2 au 7 mai 2023,
sous le thème «Génération Green : Pour une
souveraineté alimentaire durable». Un choix
qui s’explique par la coopération bilatérale
entre les deux pays qui ne cesse de se ren-
forcer. En effet, les exportations marocaines
agro-alimentaires vers le Royaume-Uni ont
atteint près de 5,94 milliards de dirhams en
2022, soit une croissance de 57% par rapport
à l’année 2021 et une croissance de 635%
par rapport à 2010. Les exportations agro-ali-
mentaires ont représenté en 2022 une part
en valeur de 36%, et une part en volume de
73% par rapport aux exportations totales du
Maroc à destination de ce marché.
Le secteur agricole du Royaume-Uni repré-
sente 0,7% de son PIB, répondant à environ
60% de sa propre demande alimentaire. En
outre, 70% de la superficie totale du pays
est une superficie agricole utile avec comme
principales cultures les pommes de terre, les
betteraves, le blé et l’orge. Le Royaume-Uni
se positionne en tant que 4ème importateur
à l’échelle internationale des produits ali-
mentaires agricoles et maritimes marocains.
Ainsi, un Forum sur la coopération Ma-
roc-Royaume Uni a été tenu, mardi 02 mars
2023 à Meknès, sous la présidence du mi-
nistre de l’Agriculture de la Pêche maritime,
du Développement rural, et des Eaux et Fo-
rêts, Mohamed Sadiki et son homologue
britannique, Lord Richard Benyon. À l’issue
du Forum, les deux parties ont signé un
mémorandum d’entente qui déclare les vo-
lontés communes de coopérer autour de la
recherche scientifique, la résilience au chan-
gement climatique, le renforcement des ca-
pacités et l’innovation agricole. Un second
mémorandum d’entente a également été
signé entre le Pôle Digital de l’Agriculture, de
la Forêt et Observatoire de la Sécheresse et
Agri-EPI Centre dans le domaine de l’innova-
tion agricole et de l’agritech.
Un partenariat tripartite
Ces deux mémorandums d’entente repré-
sentent un engagement fort de la part des
deux pays pour renforcer leur coopération
dans le secteur agricole, ainsi que leur capa-
cité à s’adapter aux défis posés par le chan-
gement climatique et la sécurité alimentaire.
Lors de cette rencontre, M. Sadiki a souligné
que la dynamique de la coopération Sud-
Sud dans le secteur agricole pourrait créer
Mohammed Sadiki
et Lord Richard Benyon.
un partenariat tripartite entre le Maroc, le
Royaume-Uni et les pays africains. Ce par-
tenariat permettrait de mutualiser les com-
pétences, les technologies et les ressources
pour promouvoir une agriculture durable et
résiliente face aux défis posés par le change-
ment climatique et la sécurité alimentaire.
Il a appelé les investisseurs britanniques à in-
vestir dans le secteur agricole au Maroc, no-
tamment dans le cadre du partenariat entre
les secteurs public et privé, afin de réaliser
des résultats fructueux pour toutes les parties
concernées.
De son côté, M. Benyon a souligné que la
crise alimentaire actuelle, exacerbée par le
changement climatique et l’accès à l’eau,
souligne la nécessité d’une collaboration
internationale plus étroite pour améliorer
la sécurité alimentaire tout en réduisant les
émissions et en protégeant l’environnement.
Il a également mis l’accent sur l’importance
de maintenir les marchés mondiaux ouverts
et transparents pour faciliter l’approvisionne-
ment alimentaire de ceux qui en ont besoin l
Hiba CHAKER

CES DEUX MÉMORANDUMS

D’ENTENTE REPRÉSENTENT UN
ENGAGEMENT FORT DE LA PART
DES DEUX PAYS.

22 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

 PRODUCTION CÉRÉALIÈRE 2022-2023

Une campagne sauvée in extrémis

Malgré une baisse considérable de la pluviométrie et les effets de la sécheresse endémique, la production
céréalière en 2023 pourrait enregistrer un volume de 55 millions de quintaux contre 34 millions pendant
la campagne précédente.

E
n plein Salon international de
l’agriculture de Meknès dont la
quinzième édition se tient du 2
au 7 mai 2023, le ministère de
l’agriculture rend public les premières pré-
visions de la campagne agricole 2022-2023.
Une campagne qui sera probablement l’une
des plus mauvaises dans l’histoire agricole
du Maroc en raison de la sécheresse endé-
mique qui a marqué le Royaume pendant
ces dernières années. La parcimonie du ciel
s’est fait lourdement sentir durant cette
campagne. Le début de la campagne a été
caractérisée par des conditions climatiques
défavorables avec un retard des premières
pluies et un déficit hydrique notable et une
répartition spatiotemporelle inadéquate,
en particulier depuis le mois de septembre
jusqu’à la 1ère décade du mois de novembre
2022 et ayant retardé l’installation des
cultures d’automne et impacté négative-
ment l’état des parcours. Les pluies ont été
concentrées sur la période de la deuxième
décade de novembre 2022 à fin février 2023
avec de faibles précipitations en mars et dé-
but avril sur certaines régions. La campagne
actuelle se caractérise également par des
températures instables, avec des minima
bas en février et mars et au-dessus des ni-
veaux de la campagne précédente à partir
du mois d’avril.
Contexte défavorable
La campagne agricole s’inscrit par ailleurs
dans une séquence climatique de 5 an-
nées difficiles marquées par la succession
des années sèches (4 sur les 5 dernières
années). Résultat : la production prévision-
nelle des trois céréales principales au titre
LA CAMPAGNE ACTUELLE
SE CARACTÉRISE
ÉGALEMENT PAR
DES TEMPÉRATURES
INSTABLES.
de cette campagne est estimée à près de
55 millions de quintaux contre 34 millions
de quintaux pendant la campagne précé-
dente. L’on constate que malgré la baisse
de la pluviométrie, la campagne actuelle
a pu, ainsi, enregistrer une hausse de 62%.
Cette production est issue d’une superfi-
cie semée en céréales principales de 3,67
millions d’hectares contre 3,57 millions
d’hectares en 2021/22, soit une hausse de
2,8%. Par espèce, la production céréalière
est répartie comme suit : blé tendre (29,8
millions de quintaux), le blé dur (11,8 mil-
lions de quintaux) et l’orge (13,5 millions
de quintaux). Quatre régions participent
à hauteur de 83% de la production natio-
nale, notamment, Fès-Meknès (27,1%),
Rabat-Salé-Kénitra (26,5%), Grand Casa-
blanca-Settat (16,9%) et Tanger-Tétouan-Al
Hoceima (12,4%). Mais beaucoup pensent
que ce volume est largement insuffisant
pour assurer l’autosuffisance du pays. Ce
qui va pousser le gouvernement à recourir
au marché international pour importer les
quantités nécessaires pour garantir au mar-
ché intérieur un certain équilibre. Mais ce
marché international présente, malheureu-
sement, un contexte défavorable avec la
guerre russo-ukrainienne qui a rendu l’ap-
provisionnement en blé non seulement cou-
teux mais également difficile. La tâche du
gouvernement s’avèrera alors pour le moins
périlleusel
A. AMOURAG

1485 - Du 05 au 11 mai 2023 23

 SPECIAL
SIAM 2023

FAUTE D’EAU, LA POLITIQUE AGRICOLE EN QUESTION

La cata hydrique
En quinze ans, le Royaume est devenu une véritable puissance agricole régionale.
Mais à quel prix écologique? Faute de ressources hydriques suffisantes, il sera peut-être bien obligé
de revoir ses choix stratégiques. Au risque de courir tout droit à la catastrophe.

E
n février 2022, la mort du
petit Rayane, 5 ans, avait
fait les grands titres des
journaux nationaux et in-
ternationaux (lire n°1427,
du 11 au 17 février 2022).
En jouant à côté d’un puits creusé par son
père non loin du domicile de la famille à
Ighrane, dans la province de Chefchaouen,
il y était tombé. Les efforts mis en
œuvre cinq jours durant par les autorités
n’avaient pas permis de le sauver. Tandis
que l’émotion emplissait les foyers maro-
cains, certains experts faisaient remarquer
un point alarmant, sans qu’on lui ait sans
doute prêté toute l’attention qu’il fallait:
que le puits où Rayane avait rendu l’âme
était trop profond. En effet, il mesurait 32
mètres; ce qui n’est pas rien quand on sait
que la région concernée, qui est située sur
le flanc ouest des montagnes du Rif, est
normalement bien pourvue en eaux sou-
terraines: avec parfois jusqu’à 2.000mm
de précipitations par an, ses nappes phréa-
tiques font partie des plus importantes du
Maroc. Et quand bien même, le puits était
à sec. Petit exploitant agricole à la base,
le père de Rayane n’avait ainsi, faute de
moyens, pu aller plus bas et avait d’ail-
leurs commencé depuis un certain temps,
au moment du drame, à s’adonner à dif-
férents petits boulots dans les villages du
voisinage pour pouvoir nourrir les siens.
Nouvelles variétés
S’il avait voulu avoir gain de cause, il lui
aurait peut-être fallu descendre, selon les
différents avis, à au moins 100m, voire
même 400m (!): ainsi est, depuis plusieurs

24

Les retenues
des barrages sont
au plus bas.
années, le lot de nombreux fermiers de
la province de Chefchaouen mais aussi
celles, voisines, d’Al Hoceima et Taounate.
La faute à la culture du cannabis. Bien
qu’antique, cette dernière est actuelle-
ment, pour reprendre un propos tenu en
avril 2021 par le ministre de l’Intérieur,
Abdelouafi Laftit, à la chambre des re-
présentants, en train de provoquer un
“drame environnemental”; conséquence
de l’utilisation de nouvelles variétés au-
trement hydrovores que la “beldiya”, la
traditionnelle. On pense notamment à la
fameuse “khardala”, une plante généti-
quement modifiée introduite au tournant
des années 2010 et dont les agriculteurs
sont friands du fait de sa forte rentabilité
due à sa haute teneur en THC, le principe
actif du cannabis (pas moins de 25% de la
résine séchée, soit quelque deux fois et
demi le taux normal). “L’ancienne plante
consommait peu d’eau et produisait beau-
coup,” se lamentait M. Laftit lors de son
intervention précitée au parlement. “L’ap-
parition d’une nouvelle plante a fait qu’au-
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
LE MAROC A VU SON SECTEUR PRIMAIRE
METTRE ENCORE DAVANTAGE LE PAQUET SUR
LE PRODUCTIVISME AU DÉTRIMENT DE SES
RESSOURCES NATURELLES OBJECTIVES.
jourd’hui, pas une seule rivière ne contient
de l’eau.” La nouvelle loi relative à l’usage
licite du cannabis, dont c’est l’adoption
qui avait motivé la présence du ministre
devant les députés, doit normalement per-
mettre de résorber au moins en partie le
problème, en ce qu’un de ses arrêtés com-
plémentaires, publié le 2 juin 2022 dans le
bulletin officiel, n’autorise que les variétés
dont le THC ne dépasse pas les 1%. De
fait, les “khardala” et autres sont d’office
écartées. Mais cette question de l’assèche-
ment des nappes phréatiques par la faute
de cultures fortement consommatrices en
eaux n’est pas seulement le propre des
terres cannabiques du Rif et du pré-Rif;
elles concernent, en fait, tout le territoire
national.
Ailleurs aussi, il devient, en effet, de plus
en plus difficile pour les agriculteurs de
trouver de l’eau pour pouvoir assurer les
besoins de leurs plantes. Un simple chiffre
peut en témoigner: révélé le 7 juillet 2022
par le ministre de l’Équipement et de l’Eau,
Nizar Baraka, à la chambre des conseillers,
il fait état du fait qu’en deux ans seule-
ment, le nombre de puits creusés au Ma-
roc ait doublé, passant de 106.000 en 2020
à 258.931. Et lors de son dernier passage à
la deuxième chambre, celui-là en date du
18 avril 2023, le secrétaire général du Parti
de l’Istiqlal (PI) évoquait même un seuil de
372.000 puits; ce qui voudrait dire que plus
de 100.000 nouveaux puits auraient, entre-
temps, été creusés.
De toute évidence, les agriculteurs sont
de plus en plus désespérés. Certes, la sé-
cheresse de l’année agricole en cours,
une des plus chaudes de l’histoire du Ma-
roc moderne, n’aide pas non plus. Elle
s’ajoute d’autant plus à celle de l’exercice
précédent, le pire même depuis l’indé-
pendance. Par conséquent, les nappes
phréatiques auraient peut-être pu mieux
se porter. Mais les différents experts joints
par nos soins s’accordent à dire que les
choix agricoles opérés par les pouvoirs pu-
blics au cours des quinze dernières années
ont indéniablement contribué à empirer
les choses. En cause directement, le Plan
Maroc vert (PMV). Mise en oeuvre à partir
d’avril 2008 avant que ne lui succède, pour
la décennie 2020, “Génération Green”,
cette stratégie sectorielle conçue sous les
auspices du cabinet de consulting “McKin-
sey” avait vu son pilier I focaliser sur l’agri-
culture à forte valeur ajoutée pourvoyeuse
de devises. À titre d’exemple, on peut ci-
ter la tomate, le maraîchage et les fruits
rouges. Économiquement parlant, le suc-
cès a indéniablement été au rendez-vous.
En dix ans, le produit intérieur brut (PIB)
agricole a presque doublé. De 65 milliards
de dirhams (MMDH) en 2008, il s’établis-
sait à 125 MMDH en 2018. Même topo du
côté des exportations. Dans le même laps
de temps précédemment mentionné, elles
ont atteint 36,3 MMDH -2,4 fois de plus
qu’une décennie auparavant, où le mon-
tant ne constituait que 15,2 MMDH. Pour
effet, cela a entraîné une baisse du déficit
commercial à ce niveau de 7,4 MMDH.
Stratégie sectorielle
Mais tout cela à quel prix? Alors qu’il
était, jusqu’à la veille de la colonisation
française, un pays dont l’agriculture s’ap-
puyait essentiellement sur la pluie, le
Maroc a vu son secteur primaire mettre
encore davantage le paquet sur le produc-
tivisme au détriment de ses ressources na-
turelles objectives. Lesquelles ne seraient
pas, contrairement à une image largement
s
relayée, celles d’un pays agricole. “C’est
un mythe,” commente un des experts que
nous avons consultés et qui a tenu à s’ex-
25
 SPECIAL
SIAM 2023

primer sous le sceau de l’anonymat. “Le
Maroc où l’on peut faire de l’agriculture, il
s’étend, grosso modo, de Tanger à Settat,
et encore. Peut-être qu’il s’arrête seule-
ment à Kénitra.” Et notre expert de donner
s
pas fait, mais on a fini par poursuivre des
agendas concurrents, avec, ironiquement
en plus, une subvention de l’État pour ce
faire.” Naturellement, le gouvernement
est bien conscient des enjeux sur la table.
a confié que la chose a été effectivement
abordée au sein du comité national chargé
du suivi de l’état de l’approvisionnement
en eau mis en place le 30 juin 2022, mais
qu’il avait finalement été décidé de priori-

comme exemple la nappe phréatique du
Souss, dans le Sud, où effectivement l’agri-
culture intensive a fait disparaître une par-
tie du patrimoine hydrique historique de la
région.
Raison qui avait d’ailleurs accéléré le lance-
ment, dès novembre 2017, des travaux de
construction de la station de dessalement
d’eau de mer de Chtouka-Aït. Mise en ser-
vice en janvier 2022 pour un budget total
de 4,41 MMDH, elle doit permettre d’irri-
guer une quinzaine de milliers d’hectares.
Mais cette eau dessalée a un coût: environ
10 dirhams le mètre cube, contre seule-
ment 20 centimes pour l’eau non-dessalée.
“Il est clair que l’eau dessalée doit être ex-
clusivement utilisée pour les cultures sous
serre à forte valeur ajoutée, car autrement
on ne gagne rien sur le plan financier,” dé-
crypte Fouad Amraoui, professeur d’hydro-
logie à l’Université Hassan-II de Casablan-
ca et auteurs de plusieurs publications sur
la question de l’utilisation de l’eau dans
l’agriculture nationale.
Modèle agricole national
Quand nous lui posons la question, il
cite par exemple, au titre des cultures
auxquelles il fait référence, les tomates
cerises, les melons, les poivrons et les ha-
ricots. Mais lui aussi met en cause, dans
le fond, certaines orientations prises par
la politique agricole du Maroc depuis
l’adoption du PMV. La pastèque à Zagora,
notamment, cela aurait été une erreur,
d’autant plus dans une région où les ha-
bitants peinent à trouver de quoi boire
-des manifestations de la soif avaient
d’ailleurs, pour rappel, eu lieu au cours de
l’été 2017. “Parfois j’ai l’impression qu’on
ne coordonne pas au niveau des différents
départements,” estime M. Amraoui. “Que
le ministère de l’Agriculture veuille déve-
lopper l’agriculture, c’est très bien. Mais il
faut aussi poser la question au ministère
de l’Eau pour voir si on a les ressources hy-
driques qu’il faut. Non seulement on ne l’a
Une source autorisée au sein de la cheffe- ser pour l’instant l’interconnexion des bas-
rie du gouvernement, avec qui nous avons sins du Sebou et du Bouregreg. Enfin, pour
longuement échangé, a notamment mis ce qui concerne les nappes phréatiques,
l’accent sur les différents projets en cours différents projets de recharge artificielle
de mise en oeuvre pour soutenir le modèle sont dans le pipe. Le plus emblématique
agricole national. d’entre eux est sans doute celui qui porte
Sur le plan des ressources hydriques en sur la nappe de Feija, qui avait vu le minis-
elles-mêmes, outre le dessalement -une tère de tutelle ainsi que la préfecture de
station devrait également voir le jour à Zagora, le conseil de la région de Draâ-Ta-
Dakhla en 2025, avec comme objectif af- filalet, le conseil provincial de Zagora et
LE MAROC NE PEUT, INTRINSÈQUEMENT,
CONTINUER D’AGIR COMME S’IL AVAIT
DE L’EAU À FOISON.
fiché d’irriguer 5.000 hectares dans la
province d’Oued Ed-Dahab-, plus d’une
centaine de barrages devraient incessam-
ment voir le jour. Parmi eux, une vingtaine
d’ouvrages de grande ou moyenne taille,
mais aussi 129 barrages collinaires, sur un
total de 909 dont le Maroc a les capacités
de se doter. En outre, l’interconnexion des
différents bassins hydrauliques est égale-
ment envisagée. Dès cet été 2023, celle
des bassins du Sebou et du Bouregreg, le
premier alimentant le second, devraient
d’ailleurs être finalisée. D’un coût de 6
MMDH, le projet prévoit l’installation, sur
66,5 kilomètres, de tuyaux pour transpor-
ter de l’eau à un débit de 15 m3/seconde.
L’Exécutif compte-t-il ressortir le vieux pro-
jet de grande autoroute de l’eau, pour le-
quel on avait même prévu, à un moment,
une enveloppe de 31 MMDH pour desser-
vir le Sud du Maroc à partir du Nord (les
cabinets d’ingénieries Novec, filiale de la
Caisse de dépôt et de gestion, et Conseil-in-
génierie-développement (CID) ainsi que
l’Espagnol Typsa s’étaient vu confier le
soin, en avril 2014, d’en faire l’étude pré-
alable par l’Office national de l’eau et de
l’électricité (ONEE))? Notre source nous

26
les agences des bassins hydrauliques de
Draâ-Oued Noun et de Guir-Ziz-Ghéris si-
gner un accord afférent le 24 janvier 2023.
Mais il en faudra certainement beaucoup
d’autres. “Nous sommes malheureuse-
ment très en retard sur ce plan,” note en-
core M. Amraoui. “Le seul projet qui tienne
vraiment la route, c’est celui de Charf El
Akab, dans la région de Tanger.
Structure des prix
Pour moi, il s’agit même d’un modèle.
Mais c’est bien que les choses com-
mencent à bouger. Je pense qu’il faudra
notamment développer des projets si-
milaires au niveau du Saïss, où la nappe
baisse pratiquement de 3m par an. C’est
une vraie catastrophe écologique. La si-
tuation n’est pas totalement irréversible,
mais il faut y aller vite.” D’autres experts
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
croient, eux, savoir qu’au-delà des moyens
mobilisés pour assurer les besoins hy-
driques des différents exploitations agri-
coles nationales, il faudra faire des choix
forts et, sans doute, devoir renoncer aux
cultures les plus voraces en eaux. Profes-
seur à l’Université Sultan-Moulay-Slimane
à Béni Mellal, Abdeslam Boudhar vient
notamment de superviser la première vé-
ritable étude nationale portant sur l’eau
virtuellement exportée dans les produits
de l’agriculture marocains. À ses yeux, le
Maroc ne peut, intrinsèquement, conti-
nuer d’agir comme s’il avait de l’eau à
foison, et doit, au surplus, faire en sorte
que ce dont il dispose se vende à son juste
prix. “Moi quand, dans un marché à Béni
Mellal, j’achète de la pastèque à 40 ou 50
dirhams, cela m’arrange bien sûr, en tant
que consommateur,” expose-t-il. “Mais
La culture de la nouvelle
variante du cannabis très
consommatrice d’eau.
en tant qu’expert, je sais pertinemment
qu’elle m’a été vendue à un prix moindre à
celui qui devrait être le sien. On ne prend
pas en considération l’eau comme si elle
était un bien comme les autres, c’est-à-dire
un bien qui a un coût très précis. En gros,
nous sommes en train de brader notre
eau.” En fait, si l’eau était vraiment prise
en compte dans la structure des prix des
différents produits agricoles exportés, M.
Boudhar croit savoir qu’il pourrait perdre,
par rapport aux marchés de destination,
les avantages comparatifs qui sont les
siens et qui lui permettent de vendre à des
prix qui défient parfois toute concurrence.
Et c’est un point qui est également mis en
exergue par l’expert qui nous a indiqué
qu’il ne considérait pas le Maroc comme
étant un pays foncièrement agricole, en y
ajoutant aussi le fait que la main d’oeuvre
reste faiblement rétribuée et que si elle
bénéficiait de l’indemnité qu’elle méritait,
même la tomate à quinze dirhams le ki-
logramme paraîtrait, rétrospectivement,
abordable.
Lui et M. Boudhar sont par ailleurs d’avis
qu’il faut mettre davantage l’accent sur
des cultures comme les céréales, qui en
plus de consommer moins d’eau sont éga-
lement de nature à assurer la souveraine-
té alimentaire du Maroc. Faute d’eau en
quantités suffisantes, beaucoup d’agricul-
teurs ont, de toute façon, dû, dans cer-
taines régions, notamment l’embouchure
de l’Oum Errabiâ, arracher leurs arbres
d’eux-mêmes. “Il y a aussi un point que
l’on évoque peu, c’est que comme il faut
creuser de plus en plus profondément pour
trouver de l’eau, les agriculteurs les moins
riches, qui n’en ont tout simplement pas
les moyens, sont obligés d’abandonner,”
nous déclare notre interlocuteur. “Et du
coup, nous voyons une véritable violence
sociale s’exercer, amenant à la concentra-
tion des terres agricoles dans les mains
d’une poignée de privilégiés.” S’étant
justement retrouvé, pour les raisons évo-
quées, dans l’obligation de renoncer à son
activité d’agriculteur, le père de Rayane en
sait bien quelque chose… l
Wissam EL BOUZDAINI
27
 SPECIAL
SIAM 2023
Reproduire le modèle du Néguev
Référence mondiale en termes d’agriculture en zone désertique, Israël est
présent pour la première fois au SIAM de Meknès.
L
a reprise des relations diploma-
tiques entre le Maroc et Israël
le 22 décembre 2020 est venue
avec son lot d’échanges d’ex-
pertises. Connu pour être un chantre de
l’agriculture en zones désertiques, l’Etat
hébreux a clairement le potentiel d’être
un appui pour le Maroc qui cherche jus-
tement à diversifier sa production. En
déplacement dans le royaume le 3 mai
pour l’inauguration du pavillon isréalien
au Salon international de l’agriculture
au Maroc (SIAM), Nir Barkat, ministre de
l’Economie, a indiqué que “la sécurité
alimentaire et l’agriculture sont un défi
majeur au Maroc et en Israël également.
Ici, nous voyons des zones désertiques
dans le pays où nous pouvons dévelop-
per des projets agricoles de manière
intelligente. Nous voulons commencer
ici». Le ministre a donné en exemple
l’expérience de son pays dans le désert
du Néguev, au sud d’Israël, qui a réussi
Nir Barkat, ministre israélien de l’Economie et sa délégation au SIAM 2023. Meknès, le 3 mai.
28
ISRAËL AU SIAM 2023
à cultiver ces zones arides et où, selon
le ministre, se concentrent un grand
nombre d’investisseurs. M. Barkat, qui
a rencontré Ryad Mezzour ministre de
l’Industrie, Mohamed Seddiki, ministre
de l’Agriculture, a souligné que le Maroc
est une porte d’entrée pour les investis-
sements israéliens en Afrique. Il a égale-
ment souligné que les deux pays peuvent
consolider leur coopération pour faire
face aux défis communs dans le domaine
de l’agriculture, notamment dans les
projets d’irrigation goutte à goutte et de
dessalement de l’eau de mer afin de lut-
ter contre la pénurie d’eau.
De son côté, le président de la Chambre
de commerce et d’industrie Maroc- Israël
(CCIMI), Joseph Lévy a, quant à lui, réitéré
LÉVY A, DANS CE SENS, SOULIGNÉ QUE LES
RELATIONS ENTRE LE MAROC ET ISRAËL ONT
CONNU AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES
UNE FORTE IMPULSION.
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
la volonté de son pays de collaborer avec
le Maroc en tant que carrefour entre les
continents africain et européen, faisant
aussi remarquer le rôle crucial du secteur
agricole dans l’économie marocaine.
Solutions novatrices
M. Lévy a, dans ce sens, souligné que
les relations entre le Maroc et Israël ont
connu au cours des dernières années une
forte impulsion. Il a également cité l’im-
portance des exportations marocaines
vers Israël qui se sont accrues d’à peu
près 75% durant les deux dernières an-
nées, indiquant que “la participation de
son pays à ce salon, en tant qu’expert
mondial en matière de technologies
agricoles, confirme la volonté des entre-
prises des deux parties de collaborer afin
de répondre au défi majeur de la sécurité
alimentaire”.
Pour rappel, l’expertise israélienne vient
du fait que le petit Etat du Proche-Orient,
doit depuis toujours composer avec la
rareté de la ressource hydrique. Cette
situation a forcé le secteur à chercher
des solutions novatrices, bien au-delà
de la problématique de l’irrigation. Au-
jourd’hui, le Néguev se situe au centre
du programme israélien de dévelop-
pement du pays par de nombreux pro-
grammes de reforestation du désert,
d’implantation de nouveaux immigrants
et de développement économique afin
de désengorger le littoral côtier l
Abdessamad NAIMI
 BAISSE IMPORTANTE DES VENTES DU MATÉRIEL AGRICOLE ment due aux nouvelles mesures en ma-
tière d’octroi des accords de principe de
subvention agricole en liaison avec l’adhé-
Les professionnels tirent sion à la CNSS et en matière d’application
de la TVA aux produits et matériels à usage
la sonnette d’alarme agricole à l’intérieur et à l’importation,
entrées en vigueur respectivement le 6 oc-
tobre 2022 et le 28 janvier 2023, ainsi qu’au
Le déficit pluviométrique a certes contribué à la baisse des acquisitions des retard d’obtention des accords de principe
agriculteurs en matériel agricole. Cependant, cette baisse est principalement de subventions agricoles et à la difficulté
due aux nouvelles mesures en matière d’octroi des accords de principe de d’accès des agriculteurs au financement.
subvention agricole en liaison avec l’adhésion à la CNSS et en matière d’appli- Subvention agricole
cation de la TVA aux produits et matériels à usage agricole. La corporation professionnelle confirme sa

L
a sécheresse semble pénaliser
toute la chaine de valeur agricole.
C’est tout un secteur qui tourne
au ralenti. Asphyxiés sur le plan
financier, les agriculteurs sursoient à leurs
investissements et reportent aux calendes
grecques leurs commandes d’achat pour
s’équiper en matériel agricole. Ce qui se ré-
percute d’une façon directe sur les sociétés
d’importation et de distribution dont les
chiffres d’affaires se sont effondrés durant
ces dernières années.
Il est vrai la crise économique a touché ces
sociétés bien avant la pandémie du Covid,
mais cette crise s’est aggravée au point où
des opérateurs ont dû mettre la clé sous
le paillasson. L’Association Marocaine des
Importateurs de Matériel Agricole a rendu
public récemment une communication alar-
mante où elle dit affronter des difficultés
économiques importantes en raison de la
baisse des ventes. En effet, selon des sta-
totale adhésion à toute mesure visant l’af-
tistiques rendues publiques par cette as- filiation à la CNSS. Toutefois, les formalités
sociation, seulement 142 tracteurs ont été nécessaires à l’obtention de l’attestation
vendus durant le premier trimestre 2023, d’affiliation à la CNSS et celle de la régu-
soit une baisse de près de 45% par rapport larité de paiement auprès de la CNSS, ainsi
à la même période de l’année précédente qu’à l’obtention de l’accord de principe de
qui intervient après la baisse enregistrée en subvention agricole durent entre quatre et
2022 de 43% par rapport à 2021 et de -52% six mois, alourdissant davantage le proces-
par rapport à la moyenne des dix dernières sus d’achat du matériel agricole. La mise
années. en place, le 28 janvier 2023, par l’adminis-
Si les contraintes liées à l’acquisition de ma- tration d’un dispositif de bénéfice d’exo-
tériel agricole persistent, l’AMIMA prévoit nération de TVA uniquement au profit de
de finir cette année sur la même tendance l’agriculteur au moment de l’achat sur pré-
baissière avec un volume pré- sentation d’une attestation
visionnel ne dépassant pas les d’exonération, a quasiment
600 unités. Le volume annuel UN FARDEAU bloqué les acquisitions de
le plus faible des 30 dernières POUR LES matériel agricole jusqu’à son
années. Le déficit pluviomé- annulation le 20 avril 2023.
trique a certes contribué en IMPORTATEURS L’instauration à la même
partie à la baisse des acqui- QUI DOIVENT date, soit le 28 janvier 2023,
sitions des agriculteurs en SUBIR LE de la TVA à l’importation sur
matériel agricole. Cependant, le matériel agricole et son
cette dernière est principale- FINANCEMENT maintien à ce jour, constitue
DE CETTE TAXE À un fardeau pour les impor-
L’IMPORTATION. tateurs qui doivent subir le
financement de cette taxe
à l’importation, et attendre
ensuite son remboursement pendant une
longue période, grevant ainsi l’état de leur
trésorerie d’un crédit TVA qu’ils ne peuvent
supporter en plus des montants relatifs
aux subventions réglés par délégation de
créance. L’octroi du financement aux agri-
culteurs devient de plus en plus difficile et
complique également les projets d’acquisi-
tion de matériel agricole l

A. AMOURAG

1485 - Du 05 au 11 mai 2023 29

 SPECIAL
SIAM 2023

PARTICIPATION REMARQUABLE DU GROUPE OCP AU SIAM 2023

Un acteur-clé de la souveraineté
alimentaire mondiale
La souveraineté alimentaire durable n’est pas uniquement le thème du 15ème SIAM, mais également
une des préoccupations majeures pour les décideurs à travers le monde entier. Leader mondial sur le
marché des engrais phosphatés, le Groupe OCP joue un rôle central dans les efforts pour atteindre
cette souveraineté, et ce à travers plusieurs projets et initiatives.
crises qui ont eu pour effet, entre autres, l’ex-
plosion des cours des denrées alimentaires
mais aussi des intrants agricoles ce qui a
aggravé davantage l’épisode inflationniste
actuel. À cela s’ajoutent les défis liés à l’eau
et la détérioration des sols. C’est dans ce
sens que le Groupe OCP, leader mondial sur
le marché des engrais phosphatés et parte-
naire historique du SIAM, a choisi de mettre
l’agriculteur au centre de sa vision, avec la re-
cherche scientifique et l’innovation comme
mot d’ordre, afin d’avoir une meilleure com-
préhension des besoins du secteur et fournir
par la suite des produits et des services tou-
jours plus adaptés aux évolutions des terri-
toires et des marchés.

Mostafa Terrab au World Bank Spring Meetings. Washington, le 13 avril 2023.
Solutions customisées
Sous la présidence de Mostafa Terrab, l’OCP
favorise ainsi l’utilisation d’engrais customi-
sés et la gestion précise des nutriments, cou-
pant ainsi avec l’approche unique des engrais
et de l’agriculture. Concrètement, le géant
mondial développe des engrais qui sont

E
ssentiellement axé autour du
thème de la souveraineté ali-
mentaire durable, la 15ème
édition du Salon international
de l’agriculture de Meknès
(SIAM) se tient du 2 au 7 mai
2023, dans un contexte mondial marqué par
la succession de plusieurs crises majeures,
notamment la pandémie du covid-19, l’in-
vasion par la Russie de l’Ukraine, ou encore
le changement climatique dont les effets se
font de plus ressentir, y compris au Maroc où
la sécheresse alarme de plus en plus. Des
adaptés aux différents sols et cultures, faisant
appel à ses capacités de Recherche Dévelop-
L’OCP TRAVAILLE EN pement (R&D) et aux techniques de cartogra-
COLLABORATION AVEC phie des sols. Ainsi, l’OCP dispose d’une meil-
leure compréhension des caractéristiques du
DES ORGANISMES sol et ses besoins en intrants et d’adapter ses
SPÉCIALISÉS À produits et solutions en fonction des besoins
spécifiques et réels des cultures et des sols.
TRAVERS L’AFRIQUE Les agriculteurs suivent alors les principes
POUR AUGMENTER LA des «4R» de gestion des nutriments, c’est-à-
dire le bon engrais, dans la bonne quantité,
DISPONIBILITÉ DE CES au bon moment et au bon endroit. Et pour y
ENGRAIS. parvenir, l’OCP travaille en collaboration avec
des organismes spécialisés à travers l’Afrique

30 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

 Le stand du
groupe OCP
au SIAM 2023.

pour augmenter la disponibilité de ces en-
grais, grâce à un large réseau de partenaires,
de gouvernements et de fabricants locaux.
L’Afrique, qui abrite 60 % du total des terres
arables non exploitées dans le monde, revêt
une importance centrale dans les espoirs de
réaliser le défi de la sécurité alimentaire mon-
diale. Dans ce cadre, l’OCP a alloué en 2023,
4 millions de tonnes d’engrais à l’Afrique, soit
un quart de sa production mondiale. Une ini-
tiative qui permettra de combler jusqu’à 80
% des déficits en engrais du continent. Par
ailleurs, le Groupe a lancé en février 2016 sa fi-
liale OCP Africa dédiée au développement de
ses activités sur le continent, afin de parvenir
à un une agriculture structurée, performante
plus de 75 partenaires R&D et a développé
pas moins de 44 formules adaptées. Elle a
également accompagné 2 millions de fer-
miers africains et cartographié 50 millions
d’hectares dans le continent.
À cela s’ajoutent 5000 plateformes de dé-
monstration mises en place en 2023, ainsi
que plusieurs initiatives sur la santé des sols
: biodiversité des sols, biofertilisants, gestion
de l’acidité des sols, gestion de la salinité
des sols, amendement des sols. OCP Africa a
DÉVELOPPEMENT DURABLE
L’engagement “Zéro émission nette” de l’OCP
également mis en place plusieurs unités de
blending agiles dans le continent permettant
la production d’un très grand nombre de
formules customisées avec une capacité de
production prévisionnelle de 1,2 million de
tonnes. Pas moins de 11 unités de stockage
sont à prévoir à terme d’une capacité prévi-
sionnelle cumulée de 300.000 tonnes l
Louay KERDOUSS

E
et durable. Ladite filiale intervient alors sur
l’ensemble de la chaîne de valeur agricole en
vue de sécuriser la production d’engrais com-
pétitifs près des grands bassins agricoles, ren-
forcer ses capacités logistiques et contribuer
au développement de nouveaux réseaux de
distribution de proximité, au service de l’en-
semble de la filière agricole.
L’Afrique, un immense potentiel
OCP Africa ne se contente pas de distribuer
uniquement des engrais, mais propose des
solutions complètes aux agriculteurs, no-
tamment par le biais de la formation et du
financement, avec à la clef des partenariats
locaux, panafricains ou internationaux afin
d’inscrire cet engagement dans la durée.
La filiale africaine de l’OCP Africa est au-
jourd’hui présente dans 12 pays, dispose de
t qui dit développement durable, dit réduction voire élimination totale des
émissions polluantes. L’OCP prévoit d’utiliser 100 % d’eau non conventionnelle
d’ici 2024 et 100 % d’énergie verte d’ici 2027 pour son système de production
d’engrais, avec comme objectif d’atteindre « Zéro émission nette » pour l’ensemble
des installations industrielles et des sources d’énergie d’ici 2030. Le Groupe OCP s’est
également engagé à atteindre la neutralité carbone totale (scope 3) d’ici 2040, grâce
à l’expansion de la production d’ammoniac vert, des produits customisés et des pra-
tiques agricoles durables, en encourageant notamment la séquestration du carbone.
Et Pour y parvenir, l’OCP a mis en place un plan d’investissement doté d’une enveloppe
de 130 milliards de dirhams, qui mènera à la création de 25 000 emplois et impliquera
plus de 600 entreprises au Maroc. Le Groupe opte également pour une approche de
fertilisation raisonnée visant l’amélioration et la protection de la santé des sols afin
de favoriser la résilience alimentaire permettant en même temps la séquestration du
carbone afin de lutter contre le changement climatique. Les solutions du Groupe OCP
s’appuient sur les données relatives au sol fournies par ses clients dans le monde entier
et sont adaptées aux nombreux profils de sols, en particulier en Afrique. Le Groupe OCP
est convaincu que la préservation de la santé des sols contribuera à atténuer le chan-
gement climatique. En effet, l’agriculture régénératrice a le potentiel de séquestrer
chaque année plus de carbone que ce qui est actuellement émis à l’échelle mondiale l

1485 - Du 05 au 11 mai 2023 31

 SPECIAL
SIAM 2023

ENTRETIEN AVEC NAWFEL ROUDIES,

Head Business Unit Al Moutmir - UM6P.

“Al Moutmir repose sur l’accompagnement

intégré et customisé pour une agriculture
résiliente et écoresponsable”
Lancé en 2018 puis porté par l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) de Benguérir,
le programme Al Moutmir constitue un pillier de la politique agricole au Maroc ces dernières années.
Nawfel Roudies, Head Business Unit Al Moutmir - UM6P, nous donne plus de détails sur cette initiative.

Depuis 2022, Al Moutmir est incubé par
L’UM6P. Comment l’Université inter-
vient-elle dans ce cadre ?
Lancée par OCP en 2018 et incubée au niveau
de l’UM6P depuis juillet 2022, Al Moutmir
est une offre multiservices comprenant des
solutions innovantes et personnalisées pour
mieux accompagner les agriculteurs et surtout
les petits. Axée sur la promotion des meilleures
pratiques agricoles, techniques et de gouver-
nance, et en particulier la fertilisation raisonnée
comme véritable levier pour améliorer la pro-
ductivité et préserver les ressources naturelles,
Al Moutmir jouit aujourd’hui du soutien de
l’écosystème d’innovation et de recherche
appliquée de l’UM6P.
Ce support best in class concerne toutes les
composantes de l’initiative et la mise à dispo-
sition d’expertises agronomiques nationales et
internationales constamment mobilisées pour
apporter leur savoir et leur expertise scien-
tifique. L’accompagnement de l’UM6P et
notamment du Collège de l’agriculture durable
et des sciences de l’environnement (The
College of Sustainable Agriculture et Envi-
ronmental Sciences) comprend également la
formation des équipes Al Moutmir et de tout
l’écosystème avec qui nous interagissons dans
le cadre du déploiement de l’initiative ainsi que
la mise à disposition d’infrastructures de haut
niveau: laboratoires d’analyses de sol, fermes
expérimentales, plateformes d’innovation, incu-
bateurs et beaucoup d’autres leviers à même
de positionner les services et offres proposées
au rang des standards internationaux.
Comment Al Moutmir contribue-t-il aux
efforts visant à atteindre la souveraineté
alimentaire durable ?
Al Moutmir adopte une approche d’accompa-
gnement intégrée et customisée en vue de
contribuer à l’émergence d’une agriculture
résiliente et écoresponsable et de contribuer et
ce en ligne avec la stratégie agricole nationale
portée par le ministère de l’Agriculture, de la
pêche maritime, du développement rural et des
eaux et forêts.
Dans ce sens, Al Moutmir comprend une
offre customisée allant de l’identification des
besoins des sols, à la mise à disposition d’in-
trants pour la fabrication de solutions de ferti-
lisation sur mesure, en passant par l’accom-
pagnement de l’agriculteur pour une meilleure
adoption des bonnes pratiques agricoles ainsi
que sa connexion au marché. L’initiative ap-
porte son soutien surtout aux petits et moyens
agriculteurs. Elle accompagne ainsi plus de 25
000 agriculteurs à travers la mobilisation d’une
centaine d’ingénieurs agronomes dans plus de
43 provinces.
L’équipe Al Moutmir assiste les agriculteurs à
mieux comprendre les besoins de leurs sols,
premier pas vers une fertilisation raisonnée
et une nutrition équilibrée des sols et des
cultures. Depuis le lancement du programme,
ce sont plus de 120 000 analyses du sol qui
ont été réalisées couvrant plus de 300 000 ha.
Qu’en est-il des producteurs locaux d’en-
grais ?
OCP accompagne le shift de la consomma-
tion locale vers des produits customisés pour
améliorer les rendements tout en préservant
les ressources naturelles. Il fournit ainsi à ses
partenaires fabricants d’engrais les intrants
nécessaires pour la production locale d’engrais
adaptés (formules régionales, provinciales ou
encore sur mesure). Pour soutenir davantage
l’optimisation des ressources naturelles et
l’utilisation adéquate des minéraux (ou macro
et micro nutriments), Al Moutmir a introduit en
fin 2018 la technologie Smart Blender. Cette
dernière consiste à fabriquer des engrais sur
mesure adaptés à chaque parcelle agricole
sur la base de ses propres analyses de sols.
Plus de 50 points de vente sont opérationnels
au niveau national ce qui a contribué à la
production de plus de 2000 formules d’engrais
NPK blend customisées au plus près des
agriculteurs.
Pourriez-vous nous détailler votre offre
d’accompagnement ?
L’offre d’accompagnement vise à faciliter
l’adoption des pratiques d’une agriculture du-
rable. Elle comprend un programme des plate-

32 1485 - Du 05 au 11 mai 2023


formes de démonstration, levier clé pour la
diffusion et le transfert du savoir agronomique
au plus près des agriculteurs. Ces PFDs se
basent sur un programme intégré de gestion
des cultures (ICP) qui comprend cinq piliers
: le choix des cultures et variétés, la gestion
des ressources naturelles notamment l’eau
et sol, la fertilisation raisonnée et sur mesure,
la protection intégrée des cultures et l’intro-
duction des cultures alternatives comme le
quinoa. Plus de 23 700 PFDS ont été pilotées
par l’équipe depuis le lancement de l’initiative
en 2018. Ces PFDs ont permis l’amélioration
des rendements à hauteur de 21% à 25%
pour les céréales et légumineuses, de 19% à
22% pour les Olivier, et de 6% à 21% pour le
maraîchage et autres cultures. À cela s’ajoute
l’amélioration de la productivité en eau (7% à
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
“ L’OFFRE D’ACCOMPAGNEMENT VISE
À FACILITER L’ADOPTION DES PRATIQUES
D’UNE AGRICULTURE DURABLE.
”
26% pour les cultures maraîchères et 10% à
22 % pour la culture de l’olivier.
Il y a également le volet des semis directs…
Capitalisant sur son programme lancé en
2019, Al Moutmir continue sa contribution au
programme national de semis directs visant
1 million d’hectares à horizon 2030 lancé par
le ministère de l’Agriculture. Cette initiative
intervient dans le cadre de ses efforts déployés
en vue de soutenir le plan national de Semis
direct et de contribuer à la promotion de me-
sures d’adaptation de l’agriculture marocaine
aux changements climatiques via un déve-
loppement agricole résilient. Plus de 25000
hectares sont cultivés en semis direct chaque
année. Ce programme a fait l’objet d’une étude
avec les experts de l’UM6P pour quantifier son
impact environnemental et qui a été quantifié
par la captation de + de 0.29 t CO2-e/ha/an.
En plus de l’amélioration de l’efficience d’utili-
sation d’eau et la régénération des sols et de
l’amélioration de la biodiversité et de l’activité
microbiologique.
Qu’en est-il des autres volets de votre offre
d’accompagnement ?
Il y a le capacity building, un dispositif mis
en place par Al Moutmir pour renforcer les
capacités multi-cibles et sur mesure permet-
tant aux acteurs d’adopter facilement les
meilleures pratiques agricoles et de se projeter
vers une agriculture résiliente et durable. Des
programmes de formation et de renforcement
de capacités sont mis en place avec et pour
les agriculteurs, les femmes et les jeunes. Il
y a aussi l’offre digitale, avec des solutions
digitales grâce aux nouvelles technologies.
Une mise à contribution de l’outil numérique
qui permet non seulement de capitaliser sur
les échanges entre l’équipe et les agriculteurs
mais aussi de raccourcir les distances et
d’avoir un effet démultiplicateur. Reposant
sur des concepts et modèles technologiques
avancés tels l’intelligence artificielle, l’ima-
gerie satellite, ces solutions permettent de
proposer des recommandations sur mesure à
chaque agriculteur en fonction de ses besoins.
L’initiative Al Moutmir propose ainsi un bouquet
digital de pointe qui accompagne l’agriculteur
sur toute la chaîne de production (réseaux
sociaux et applications mobiles comme @tmar,
l’app de conseil agricole et T@swiq l’app de
connexion au marché) l
Propos recueillis par
Louay KERDOUSS
33
 SPECIAL
SIAM 2023

LE GÉANT PHOSPHATIER À LA CROISÉE DES CHEMINS

Des engrais adaptés et moins chers,

le coeur de bataille du groupe OCP
Si la hausse de la production est naturellement nécessaire pour que le groupe OCP puisse dominer,
un jour, les marchés mondiaux, ce n’est somme toute pas le seul critère entrant en jeu. Et cela,
les principaux concernés semblent le savoir pertinemment.

C
e n’est pas seulement Dans le même sillage, différents instituts qu’ailleurs avec le temps, et qu’en conti-
en augmentant ses ca- de recherche en agronomie locaux sont nuant à leur en fournir aux mêmes doses
pacités de production sollicités. En Afrique notamment, un des qu’au tout début la production pouvait,
que le groupe OCP es- principaux terrains de déploiement à en fait, s’en trouver entachée.
père conquérir la moitié l’international du groupe OCP, les études De ce fait, en Éthiopie par exemple, un
des marchés mondiaux menées au fil des ans avaient ainsi per- des pays africains concernés, on a procé-
des engrais à l’horizon 2028. Certes, ces mis de déterminer que les sols de cer- dé à abandonner les engrais dits “DAP”
capacités sont un prérequis, et depuis tains pays du continent commençaient au profit de ceux dits “NPK”, où l’on ne
le lancement de la fameuse stratégie de généralement à nécessiter moins d’azote trouve pas autant d’azote. Et cela a, en
transformation industrielle globale en
2008, elles ont, pour le moins, franchi
un cap: au jour d’aujourd’hui, elles sont
estimées à pas moins de 12 millions de
tonnes par an, contre 1,7 million il y a
quinze ans. Mais si le géant phosphatier
séduit de plus en plus les agriculteurs de
la planète, c’est aussi, et surtout, du fait
de son offre à la carte.
En effet, le groupe OCP ne se contente Exposition
plus, comme c’était le cas auparavant des fertilisants
et comme beaucoup de ses concurrents produits par le
continuent encore de le faire, de pro- groupe OCP.
poser des engrais “tout public”, qu’on
utiliserait aveuglément sans vraiment
prendre en considération la nature du sol
que l’on exploite.

Essais réguliers
Dans le cadre de ses efforts de recherche
et développement menés notamment
sous les auspices de l’Université Moham-
med-VI polytechnique (UM6P) de Bengué-
rir, initié par ses propres soins par le biais
de la Fondation OCP, il procède régulière-
ment à des études in situ, doublées par
ailleurs d’essais réguliers pour perfection-
ner ses produits et voir si, dans le cadre
visé, ils sont effectivement fonctionnels.

34 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

outre, également été profitable financiè-
rement pour les agriculteurs, étant don-
né que dans le cas d’espèce le “NPK” leur
coûtait 20% moins cher que s’ils conti-
nuaient à recourir au “DAP”. Cela ramène
d’ailleurs à un des objectifs prioritaires
du groupe OCP pour les années à venir,
qui est celui de mettre à disposition des
agriculteurs des engrais qui soient moins
chers.
Grands gisements
D’un côté, la stratégie de transforma-
tion industrielle globale a apporté de
véritables gains en termes d’économies
d’échelle. Elle a également été sous-ten-
due, sur un autre niveau, par la mise en
place de plateformes de production à
IL FAUT DONC APPRÉCIER L’INTÉRÊT
QUE PORTE ACTUELLEMENT LE GROUPE
OCP À L’IMPORTANT CHANTIER
DE L’HYDROGÈNE VERT.
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
proximité même de certains importants
marchés de destination, comme l’Éthio-
pie et le Nigéria; ce qui a, au surplus, été
de nature à contracter les frais de trans-
port. D’un autre côté, le Maroc a l’avan-
tage de disposer, à la base, dans sous-sol
des plus grands gisements de phosphates
du monde, à raison d’au moins 70% des
réserves comptabilisées. Mais ce ne sont
pas là les seuls intrants entrant en jeu.
D’un point de vue biologique, le phos-
phate aide notamment à la croissance
de nouvelles racines et à l’absorption
d’autres nutriments. Mais seul, il n’est
pas suffisant. Pour compléter son action,
il a notamment besoin d’azote, déjà cité
plus haut. Ce que fait l’azote, en subs-
tance, c’est d’agir pour que les plantes
produisent plus de protéines, et comme
cela pouvoir pousser plus vite.
Or, pour apporter cet azote, un des
moyens c’est de mettre à contribution
de l’ammoniac, qui comprend, sur le
plan chimique, une molécule d’azote et
trois d’hydrogènes. Lequel ammoniac
requiert en général du gaz naturel, que
le Maroc n’a tout simplement pas: en
suivant un procédé scientifique connu
appelé “procédé Haber-Bosch”, le gaz est
transformé en hydrogène, et c’est là seu-
lement qu’il est combiné à l’azote. Il faut
donc en importer, et cela n’est d’autant
plus pas donné dans le contexte de crise
énergétique actuel dû principalement à
la guerre en Ukraine: comme l’ont rele-
vé les derniers résultats du groupe OCP,
révélés le 28 mars 2023, il a fallu décais-
ser au prix fort pour en avoir. Et ce n’est
pas forcément demain la veille que les
choses vont s’arranger.
C’est dans ce cadre qu’il faut donc ap-
précier l’intérêt que porte actuellement
le groupe OCP à l’important chantier de
l’hydrogène vert, dont le roi Mohammed
VI avait donné le coup d’envoi officiel
le 22 novembre 2022 au palais royal de
Rabat en donnant ses instructions pour
l’élaboration d’une offre Maroc qui, selon
le communiqué du cabinet royal publié
dans la foulée, se doit d’être opération-
nelle et incitative et permettre de couvrir
l’ensemble de la chaîne de valeur affé-
rente. Grâce à ce potentiel hydrogène
vert, qu’il est tout-à-fait possible de
produire à partir de sources d’énergie re-
nouvelables telles que l’énergie solaire,
éolienne ou hydraulique, on peut réussir
à obtenir de l’ammoniac vert made in
Maroc. Et de fait, cela ne pourra que se
répercuter sur la grille de tarification des
engrais. Au demeurant, cela entre aussi
pour le groupe OCP dans le cadre de son
objectif d’atteindre, d’ici 2040, la neutra-
lité carbone, qui est sans doute la grande
ambition actuelle de son président-direc-
teur général, Mostafa Terrab. Du moment
que les agriculteurs en bénéficient… l
Wissam EL BOUZDAINI
35
 SPECIAL
SIAM 2023
ENTRETIEN AVEC ABDELLAH OUKARROUM, Directeur de l’École des
sciences de l’agriculture, de la fertilisation et de l’environnement (ESAFE)
“Nous accompagnons les changements
du secteur agricole en formant des
professionnels hautement qualifiés”
À travers l’Université Comment l’École des sciences de l’agricul-
ture de la fertilisation et de l’environnement
Mohammed VI (ESAFE) contribue-t-elle à la Recherche
polytechnique (UM6P), Développement dans le secteur agricole au
Maroc ?
et plus particulièrement Après 8 ans d’existence, l’ESAFE de l’Univer-
l’École des sciences sité Mohammed VI Polytechnique (UM6P),
de l’agriculture, de continue de jouer un rôle important dans l’acti-
vité de recherche et de développement dans le
la fertilisation et de secteur agricole au Maroc. Depuis sa création,
l’environnement notre école accompagne étroitement les chan-
gements du secteur agricole à travers la mise
(ESAFE), le Groupe à disposition de formations de professionnels
OCP met les moyens hautement qualifiés dans les sciences agricoles
dans le volet de la et environnementales innovantes et durables
pour répondre aux défis auxquels l’agriculture
formation, afin de suivre marocaine est confrontée.
l’évolution du secteur Nous sommes fiers de contribuer aux efforts
de recherche et de développement en offrant
agricole. Abdellah un portefeuille riche et diversifié de formations
Oukarroum, Directeur dans divers domaines de l’agriculture, confor-
mément à la stratégie « Génération Green
de l’ESAFE, nous 2020-2030 » qui ambitionne la formation de
explique les missions 10 000 lauréats à l’horizon de 2030. ESAFE
et les objectifs de cet a développé des programmes de formation
pertinents, avec un accent particulier sur les
établissement. sciences de sol, la nutrition des plantes, la fer-
tilisation et l’environnement. Nos différents pro-
grammes permettent aux étudiants et aux par-
ticipants seniors d’appréhender les défis et les
“AUX
NOS DIFFÉRENTS PROGRAMMES PERMETTENT
ÉTUDIANTS D’APPRÉHENDER LES DÉFIS ET
LES PERSPECTIVES AUXQUELS EST CONFRONTÉE
L’AGRICULTURE AU MAROC.
36
perspectives auxquels est confrontée l’agricul-
ture au Maroc et d’acquérir les compétences et
les connaissances nécessaires pour répondre
aux exigences du marché de l’emploi marocain.
Enfin, nous organisons également des ate-
liers, des séminaires et des conférences pour
partager des connaissances et discuter des
dernières tendances et technologies dans le
secteur agricole.
En parlant de grands défis, prenons
l’exemple de la sécheresse. Comment votre
école agit-elle à ce niveau ?
La sécheresse est l’un des plus grands pro-
blèmes affectant l’agriculture dans le monde,
en particulier dans les régions arides et se-
mi-arides. L’ESAFE est activement impliquée
dans plusieurs initiatives pour y remédier et
travaille en étroite collaboration avec des par-
tenaires locaux et internationaux pour dévelop-
per des programmes de formation innovants
qui aident à réduire l’impact du changement
climatique, en particulier la sécheresse sur
les cultures. Le cycle d’ingénieur que nous
sommes en train de développer met l’accent,
entre autres, sur les mécanismes de résistance
des plantes dans différentes conditions clima-
tiques, l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation
de l’eau par le biais de l’irrigation et l’utilisation
de variétés résistantes à la sécheresse.
”
1485 - Du 05 au 11 mai 2023

Sur le terrain, nous apportons un soutien au
renforcement des capacités des communau-
tés locales. En l’occurrence, le projet One
Health, mené en partenariat avec la Fondation
OCP et l’Odyssey Conservation Trust, vise à
mettre en œuvre des projets communautaires
axés sur la conservation des sols, de l’eau et
de la biodiversité au Maroc. A ce titre, nous or-
ganisons des actions de sensibilisation auprès
des communautés et délivrons des formations
et des ateliers pour encourager l’adoption des
pratiques agricoles durables et résilientes.
Qu’en est-il des autres volets comme les
engrais ?
L’ESAFE a formé quatre promotions depuis
2018 en « Science et Technologie des engrais
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
». Ce master stratégique pour l’école est axé
sur l’évaluation de l’impact des différents types
d’engrais sur les sols et les cultures, ainsi que
la détermination des quantités optimales d’en-
grais à utiliser pour maximiser les rendements
tout en minimisant l’impact environnemental
qui en résulte.
L’ESAFE vise également à soutenir l’agri-
culture en Afrique. Comment cela se passe
concrètement ?
L’ESAFE est parfaitement alignée avec
l’orientation Afrique de l’UM6P. Nous parta-
geons notre engagement à soutenir l’agricul-
ture en Afrique et sommes convaincus que la
formation, la recherche et les partenariats sont
les principaux moyens d’y parvenir. D’ailleurs,
plus de 52% de nos étudiants et lauréats sont
originaires de pays africains (Sénégal, Nigé-
ria, Côte d’Ivoire, Egypte, Rwanda, Libéria,
Zimbabwe…). Agissant en tant qu’ambassa-
deurs de l’école et l’Université, nos lauréats
bénéficient de l’expertise et des ressources
de l’université, ainsi que des formations adap-
tées au contexte africain, pour acquérir des
compétences et des connaissances en agri-
culture.
D’autre part, nous proposons des «Shot Trai-
nings» en faveur des professionnels de l’agri-
culture, visant à les sensibiliser à l’importance
vitale de l’agriculture et au rôle important des
engrais dans l’amélioration de la productivité
des cultures. Au cours des quatre dernières
années, nous avons mené des programmes
de renforcement des capacités dans plusieurs
pays africains, nous avons assuré l’accompa-
gnement, le mentorat et d’autres formes de
soutien pour aider les participants à acquérir
de nouvelles compétences et à améliorer
celles qu’ils possèdent déjà.
Cela implique des forts partenariats avec
les acteurs locaux …
Notre école travaille en étroite collaboration
avec divers intervenants pour mettre en place
des programmes de formation et des projets
dans ce domaine. Ces initiatives peuvent
inclure des projets communautaires ou des
formations pour soutenir la recherche scien-
tifique et le transfert des connaissances en
Afrique.
A titre d’exemple, je cite le programme
Femmes Unies Ensemble (FUERTES) pour
la Recherche, la technologie, l’environnement
et la science, conçu en partenariat avec la fon-
dation Mujeres por Africa et la fondation OCP,
qui compte désormais une troisième cohorte
en 2023 ; les formations en faveur des insti-
tuts agricoles de la formation professionnelle
au Madagascar ; les formations « SIG » à la
cartographie de la fertilité des sols au Ghana,
Madagascar, Rwanda et Cameroun…
L’ESAFE s’engage à soutenir l’agriculture en
Afrique à travers un éventail d’initiatives visant
à relever les défis de l’agriculture en Afrique
et à contribuer à la sécurité alimentaire du
continent l
Propos recueillis par Louay KERDOUSS
37
 SPECIAL
SIAM 2023

RECONSTITUTION DU CHEPTEL BOVIN ET OVIN ET STABILITÉ

DES PRIX DES VIANDES ROUGES

Le gouvernement sort la carte

du contrat-programme
L’appui du gouvernement était devenu un impératif au regard des difficultés que le secteur traverse.
Le but étant d’approvisionner le marché en quantités suffisantes de viandes, assurer la stabilité
des prix et préserver et reconstituer le cheptel national.

L
e ministère de l’Agricultu-
re, les professionnels et la
Fédération interprofession-
nelle des viandes rouges se
sont enfin mis d’accord sur
les contours d’un nouveau
contrat-programme, en vue d’approvision-
ner le marché national en quantités suf-
fisantes de viandes et assurer la stabilité
des prix. L’appui du gouvernement était de-
venu un impératif au regard des difficultés
conjoncturelles que le secteur traverse. La
hausse des prix des intrants et la sécheresse
ont sérieusement impacté le cheptel bovin
et ovin. L’intervention de l’Exécutif a fait
suite à la réunion qu’a tenue le chef de gou-
vernement Aziz Akhannouch, lundi 17 avril
2023, à Rabat, avec les professionnels de la
filière des viandes rouges. Cette réunion, qui
a été l’occasion de s’enquérir des préparatifs
pour l’Aïd Al Adha, a permis de constater le
bon état sanitaire du cheptel, grâce aux ef-
forts entrepris par l’Office national de sécu-
rité sanitaire des produits alimentaires en
matière de contrôle sanitaire permanent du
cheptel national et sa protection contre les
maladies animales contagieuses. La réunion
a également été consacrée à l’examen de la
situation de la filière des viandes rouges et
des mesures à même de la développer au
niveau national, aussi bien sur le plan de
l’approvisionnement du marché intérieur
que la cadence de l’opération d’importation
des bêtes destinées à l’abattage, laquelle
permettra de stabiliser les prix et de pré-
server et reconstituer le cheptel national.
Ainsi, depuis le lancement de l’opération en
février 2023, quelque 22.000 têtes de bovins l’importation pour la viande bovine et ovine
et 10.000 têtes d’ovins ont été importées. a permis cette baisse.
S’agissant de l’origine des animaux impor- La sécheresse et la hausse vertigineuse des
tés, les bovins acquis proviennent du Brésil prix des intrants et des aliments ont pous-
et de l’Espagne, pour un prix d’achat allant sé nombre de petits et moyens éleveurs à
de 3,50 euros à 4 euros le kilogramme. abandonner en partie ou en totalité leur
Quant aux ovins, les têtes ont été reçues du élevage.
voisin du nord, pour un prix avoisinant les 4 Même avant la guerre en Ukraine, les prix
euros le kilogramme.
Hausse des coûts Les bovins importés
Le gouvernement a pris de nombreuses me- au Port de Jorf Lasfar.
sures d’urgence pour veiller à la stabilité
des prix des viandes rouges, restaurer l’équi-
libre de la filière et constituer le cheptel à
court terme.
Cette réunion a par ailleurs été l’occasion
de procéder à une évaluation des mesures
prises pour faire face à la problématique
de la hausse des prix au niveau des viandes
depuis le mois d’octobre 2022, après la sé-
rie de contraintes auxquelles la filière a été
confrontée, durant la période de la pandé-
mie de la Covid-19, puis lors de l’épisode
de sécheresse qui l’a suivie. Ces crises ont
induit une hausse des coûts de production
ayant entraîné un déséquilibre de la filière.
Les mesures prises sont justifiées. Les prix
des viandes rouges ont augmenté de 30% en
une année, atteignant 100 et 105 dirhams
le kilo en janvier 2023. Le gouvernement
aspire à les ramener à des niveaux qui cor-
respondent davantage au pouvoir d’achat
des Marocains, habitués à des prix aux alen-
tours de 70 DH/kg. Les prix ont commencé
en effet à dégringoler, passant à 85 dirhams
le kilo. La levée des barrières douanières à

38 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

des aliments de bétail étaient légèrement
élevés. Déjà, à l’époque, l’orge, aliment de
base du bétail, était à 3,5 dirhams/kilo.
Après l’éclatement de la guerre, les four-
nisseurs des marchés de l’Etat en céréales
se sont approvisionnés l’orge en grande
quantité sur le marché local. Le but était
d’avoir assez pour répondre aux besoins des
éleveurs pendant une durée de neuf mois.
Cette opération a grandement contribué à
la hausse des prix. Le prix de l’orge est passé
à 5,5 dirhams/kilo. C’est à ce prix que l’Etat
achetait l’orge. Le prix subventionné par
l’Etat et accordé aux éleveurs, lui, est de 2
dh/kilo. L’Etat a consacré 10 sacs de 8 quin-
taux chaque semaine pour chaque éleveur.
Cette situation a nourri, soit dit en passant,
la spéculation. Pour les éleveurs qui ont 500
têtes, l’aliment subventionné ne suffit pas.
Ils se trouvent donc obligés d’acheter sur
le marché auprès des spéculateurs au prix
fort, à cause de la rareté de l’orge et de l’ali-
ment de bétail sur le marché local.
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
MÊME AVANT LA GUERRE EN UKRAINE,
LES PRIX DES ALIMENTS DE BÉTAIL ÉTAIENT
LÉGÈREMENT ÉLEVÉS.
Le prix à payer est au minimum de 5 Dh/
kilo. En temps normal, quand l’Etat subven-
tionnait l’orge, le prix de ce dernier finit par
baisser. Car il était disponible en grande
quantités.
Perturbation du marché
Les importateurs se voyaient obligés de s’ali-
gner plus au moins sur les prix du marché.
Le problème qui se pose actuellement, c’est
que l’orge n’est pas disponible sur le mar-
ché international. Le Maroc importait de
l’Ukraine et de la Russie qui sont en guerre.
L’Espagne et le Portugal ne disposent pas
d’un grand excédant pour l’exporter. La
France et les Etats-Unis fournissent des
quantités de céréales à des prix élevés. La
hausse des prix à l’international a été ac-
centuée, en partie, à cause des achats volu-
mineux de la Chine, un pays qui commence
à devenir un grand consommateur de cé-
réales notamment de blé et de maïs. Les
précipitations de janvier et février ont sou-
lagé peu ou prou les éleveurs de plusieurs
régions notamment du Gharb. La zone de
l’oriental, de Taza à Fès, elle, est impactée
par la sécheresse. La spéculation dans l’ali-
ment composé est très compliquée du fait
qu’il est mentionné sur les sacs subvention-
nés ‘’Interdit à la vente’’. Sauf que l’aliment
composé n’est accordé qu’aux éleveurs de
bovins.
Même le prix de l’aliment composé, à base
de céréales et de porto, est monté en flèche
et a atteint 5,5 dh/kilo. Ces hausses et cette
perturbation du marché de l’approvisionne-
ment sont exceptionnelles.
Le nouveau contrat-programme vise à lut-
ter contre les effets immédiats de cette
exception en reconstituant le cheptel et en
important des bovins et des ovins afin de
faire baisser les prix sur le marché national.
D’autres mesures de soutien aux profession-
nels et aux éleveurs visent à s’inscrire dans
l’anticipation et la prévention plutôt que
dans la gestion du quotidien l
Marouane KABBAJ
39
 SPECIAL
SIAM 2023

PARTICIPATION BRILLANTE DU GROUPE CRÉDIT AGRICOLE

À LA 15ÈME ÉDITION DU SIAM

L’innovation technologique au cœur

de la nouvelle stratégie bancaire
Outre le financement classique apporté aux agriculteurs pour financer leurs projets, le premier
bailleur de fonds pour le monde agricole se positionne aussi comme un partenaire privilégié
pour mieux accompagner les agriculteurs dans tous les aspects de leur vie rurale.

L
a 15ème édition du Salon In-
ternational de l’agriculture de
Meknès a été une véritable
occasion pour le groupe Crédit
agricole du Maroc de montrer
sa force et sa présence incontournable
dans un monde agricole en pleine ef-
fervescence à cause d’une sécheresse
endémique. Stand imposant au cœur
du pôle réservé aux sponsors et aux ins-
titutionnels, nouveaux produits, person-
nel à l’écoute, brochures explicatives, la
banque verte a mis les petits plats dans
les grands pour que cette édition du
SIAM, la première après une absence de
trois ans pour cause de la pandémie, se
déroule dans les meilleures conditions.
Le président du groupe, Noureddine
Boutayeb, et ses proches collaborateurs
s’affairent pour échanger avec les agri-
culteurs et les producteurs agro-business
venus en masse pour découvrir les nou-
veautés proposées par la banque en ma-
tière de soutien et d’accompagnement
financier.

Services financiers adaptés

Le moins que l’on puisse dire est que cette
institution financière singulière a déployé
un dispositif de taille pour accompagner
le gouvernement dans son plan de lutte
contre la sécheresse pour aider les agri-
culteurs à surmonter la crise hydrique. Le
premier bailleur de fonds pour l’agricultu-
re n’a pas hésité un seul instant pour sor-
tir le chéquier et débourser la bagatelle
de 6 milliards de dirhams destinés au
Mohamed Sediki, ministre de l’Agriculture, et
Noureddine Boutayeb, président du Groupe
Crédit agricole. Meknès, le 24 avril 2023.
financement des cultures printanières à
travers le produit «Filaha Rabiiya».
Dans ce sens, la banque accorde aux agri-
culteurs des périmètres adaptés, des fi-
nancements adéquats pour l’installation
et l’entretien des cultures printanières
(maraîchage, maïs, tournesol, melon,
pastèque…).
Cette enveloppe a aussi servi au finan-
cement des arboriculteurs via le produit

40 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

«Al Ghars», ce qui permet d’assurer l’en-
tretien de leurs vergers, notamment l’ir-
rigation, l’acquisition de fertilisants et les
traitements phytosanitaires. L’enveloppe
a également contribué au financement
de la sauvegarde du cheptel par le biais
du produit «Laksiba» à travers l’achat de
l’aliment de bétail mis à leur disposition
par les services du ministère.
Les éleveurs ont aussi bénéficié d’un
financement pour l’acquisition des gé-
nisses et la reconstitution du cheptel
laitier via le produit «Génisses», afin de
remédier à la situation actuelle des éle-
vages laitiers, caractérisés par la faiblesse
des taux de naissance et la perspective
de réduction des effectifs. Le soutien aux
agriculteurs ne s’arrête pas en si bon che-
min. Il s’étend vers des services financiers
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
CETTE NOUVELLE STRATÉGIE DE
BANCARISATION VISE NON SEULEMENT À
GARANTIR AUX AGRICULTEURS UNE MEILLEURE
INCLUSION FINANCIÈRE.
adaptés pour leur assurer une inclusion
financière optimale sans risque de ruine
en terme de frais et coûts bancaires.
Dynamique interne
Depuis de nombreuses années, le Crédit
agricole se positionne non seulement
comme un bailleur de fonds classique
en apportant l’argent nécessaire pour fi-
nancer les projets et les investissements,
mais il se soucie également de la vie ru-
rale des agriculteurs qui vivent de plus en
plus difficilement à cause du poids de la
sécheresse.
La banque a ainsi mis en place un plan de
report des échéances des crédits échus au
profit des petits agriculteurs avec la sus-
pension des actions en justice ancienne-
ment intentées. Cet effort a été complété
par l’annulation pure et simple de nom-
breuses créances pour alléger le poids de
la dette sur les épaules des agriculteurs
dont la situation financière frôle la ban-
queroute. En 2022, le groupe bancaire
s’est illustré par une activité financière
intense au profit de l’agriculture maro-
caine.
Avec un encours des crédits ayant dépas-
sé 108 milliards de dirhams, en progres-
sion de 8% par rapport à 2021, le Crédit
agricole du Maroc a pu efficacement
contribué à l’avancement d’un secteur
en pleine crise. Cette évolution, pour le
moins encourageante, comme le rap-
porte une communication financière du
groupe, est attribuée à une dynamique
interne au groupe et à la consolidation de
son engagement envers le monde rural.
Pendant la même année, un effort finan-
cier supplémentaire a été apporté avec
des innovations en prime. C’est ainsi que
la banque a mis la bancarisation de l’agri-
culteur au cœur de sa nouvelle stratégie
bancaire. Deux comptes leur sont ainsi
proposés : un compte professionnel « Hs-
sab Al Ard » lié à son exploitation agricole
et un compte personnel « Hssab Dar » dé-
dié à gérer ses besoins personnels et fa-
miliaux. Cette nouvelle stratégie de ban-
carisation vise non seulement à garantir
aux agriculteurs une meilleure inclusion
financière mais s’inscrit également dans
le cadre du soutien et l’accompagnement
de la mise en place du Registre national
de l’agriculture et du programme de gé-
néralisation de la couverture sociale au
profit des agriculteurs.
Modernité bancaire
Autre nouveauté du groupe : le lancement
du service de digitalisation des cartes
bancaires sur les sites-commerce. Le Cré-
dit agricole a été la première banque en
Afrique à initier une telle action. En effet,
le groupe avait signé mi-mai 2022 un par-
tenariat stratégique à long terme avec
Mastercard afin de mettre sur le marché
marocain de nouvelles technologies et
de nouveaux produits et services pour
rendre les transactions quotidiennes in-
tuitives, transparentes et sécurisées.
Dans le même cadre, la banque a lancé
CAM PAY, une solution de paiement mo-
bile, qui va permettre aux clients de di-
gitaliser leur carte bancaire pour régler
leurs achats par smartphone, au Maroc
et à l’étranger. Ces nouvelles solutions
technologiques mettent ainsi le groupe
Crédit agricole au cœur d’une véritable
tendance de modernité bancaire visant
à assurer au monde agricole un meilleur
accompagnement financier. Et le SIAM de
cette année a été une belle occasion pour
faire toute la lumière sur ces nouveaux
produits révolutionnaires l
Aissa AMOURAG
41
 SPECIAL
SIAM 2023
COOPÉRATION
La CADA, nouvel acteur majeur
de la filière avicole africaine
L a Confédération des organisations
africaines pour le développement
de l’aviculture (CADA) a été créée
lors d’une assemblée générale tenue à
Meknès, en marge de la 15ème édition du
Salon International de l’Agriculture du Ma-
roc (SIAM). Cette organisation profession-
nelle regroupera les associations avicoles
des pays africains membres et de ceux
qui la rejoindront ultérieurement.
La première assemblée générale de la
CADA a rassemblé plusieurs personna-
lités du secteur avicole en provenance
de 17 pays, chacun représenté par son
organisation professionnelle avicole
nationale. Le président de la Fédération
interprofessionnelle du secteur avicole
(FISA) au Maroc, Youssef Alaoui, a été élu
à la tête de la Confédération des organi-
sations africaines pour le développement
de l’aviculture (CADA). La CADA a pour
objectif de soutenir la filière avicole de
ses pays membres, à travers l’échange
d’expériences et la coopération pour
promouvoir et développer une aviculture
moderne et durable en Afrique. Elle vise
également à valoriser les produits avicoles
et à contrôler leur qualité pour relever les
défis de compétitivité internationale. La
Confédération aura également pour mis-
sion de défendre les intérêts des acteurs
africains de la filière avicole en mettant en
œuvre des programmes stratégiques.
Le siège de la CADA sera basé à Ca-
sablanca, à la demande de tous les
membres fondateurs l
42
REPENSER LE SYSTÈME
AGRICOLE, UNE PRIORITÉ
PLUS QUE JAMAIS ON
A BESOIN D’UN RETOUR
AU BON SENS PAYSAN
Par Seddik MOUAFFAK
A
ctuellement, l’une des principales problématiques structurelles auxquelles doit
faire face le Maroc concerne la rareté de l’eau. «Tout ce qui est rare est cher
», l’adage est bien connu. Or, avec les vagues de sécheresse inédites qui se
succèdent au Maroc, notamment en ce moment, l’eau devient de plus en plus
rare. Face à l’absence de ressources alternatives, les terres agricoles auront, donc, du mal
à recevoir l’irrigation suffisante. Le Maroc est-il prêt à faire face à cette situation qui devrait
durer? Rien n’est moins sûr. Bien que le Royaume soit précurseur en matière de construction
des barrages, il reste que «le programme mis en place il y’a quelques années pour assurer
la mobilisation des ressources hydriques, en eau potable et d’irrigation n’a pas été appliqué
comme il était prévu». Parole du ministre de l’agriculture.
Première activité consommatrice d’eau au Maroc, l’agriculture est en effet lourdement affectée
non seulement par les aléas de la pluviométrie mais aussi par la baisse significative de la
recharge des nappes phréatiques. La tendance des températures sera plus que jamais à la
hausse. Ce qui ne peut qu’inquiéter nos agriculteurs. Et se traduire par une baisse de l’offre
et son corollaire une hausse des importations. Ces dernières sont à même d’assurer cette
fameuse sécurité alimentaire pour ceux des marocains ayant les moyens de se la permettre.
A un horizon proche, le changement climatique ne peut qu’imposer à notre pays de se mobi-
liser pour conserver une forme de souveraineté alimentaire et éviter de nouvelles émeutes de
la faim. Or, cette indépendance a un prix puisque pour maintenir son agriculture, notre pays
doit plus que jamais investir dans le retraitement des eaux usées et construire des stations de
dessalement d’eau de mer. Ces installations et leur utilisation ont un coût qui pourrait bien se
répercuter sur le prix des denrées. Denrées dont nous voyons aujourd’hui les prix augmenter
pour cause de hausse des prix de l’énergie et des prix des intrants. Ces derniers ont, d’ailleurs,
connu des augmentations pouvant atteindre 70% pour certains. Cela concerne notamment les
engrais et les produits phytosanitaires.
Aussi, pour répondre aux besoins de la population on va devoir apprendre à cultiver avec
moins d’eau. On va introduire de nouvelles espèces en mesure de s’adapter à des situations
de stress hydrique. Pour atteindre cet objectif, il faut une bonne connaissance des sols et de
biologie des écosystèmes. Ceci ne peut se faire sans innovations technologiques. D’où toute
l’importance qui doit être accordée à la recherche scientifique. Un investissement prioritaire
non seulement pour le développement mais aussi pour le maintien de notre agriculture. Or,
dans ce domaine, un consensus se dégage parmi tous les scientifiques, du moins dans cer-
tains pays développés : replacer le vivant au cœur de la science agronomique. D’ailleurs, les
permaculteurs qui travaillent avec les chercheurs dans ces pays prouvent cette nécessité : ils
économisent la précieuse eau et participent à l’effort de captation du dioxyde de carbone que
nous émettons. Le défi est d’assurer cette préservation de l’environnement tout en atteignant
une productivité suffisante pour notre souveraineté alimentaire l
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
1485 - Du 05 au 11 mai 2023 43
ECO & Finance
SHEIKH AL-AMOUDI REVIENT À LA CHARGE ET RÉCLAME
À L’ETAT PLUS DE 27 MILLIARDS DE DIRHAMS
Le cauchemar la Samir
n’est pas fini !
Le PDG de Corral Morocco Holding, propriétaire de la raffinerie la Samir,
Mohammed Hussein Ali-Al-Amoudi, a revu à la hausse le montant des dé-
dommagements réclamés à l’Etat marocain auprès du Centre international de
règlement des différends relatifs à l’investissement.
U n peu plus de cinq après la nais-
sance du litige soumis à l’arbi-
trage du Centre international de
règlement des différends relatifs à
l’investissement (CIRDI), relevant de la banque
mondiale, Corral Morocco Holding, actionnaire
majoritaire de la Samir, propriété de l’homme
d’affaire saoudien d’origine éthiopienne, Mo-
hamed Amoudi, réclame 2,762 milliards de
dollars de dédommagements, soit l’équivalent
de 27,4 milliards de dirhams. L’instance inter-
nationale devrait prononcer son verdict dans
les semaines à venir.
Le PDG et l’actionnaire majoritaire de Corral
Morocco Holding, propriétaire de la raffinerie
la Samir, est le Sheikh Mohammed Hussein
Ali-Al-Amoudi, homme d’affaires Saoudien né
en Ethiopie, a revu à la hausse le montant des
dédommagements réclamés à l’Etat marocain.
Quand il avait déposé plainte auprès du Cirdi
le 14 mars 2018, il avait réclamé 14 milliards
de dirhams (1,5 milliard de dollars américains).
A l’époque, le Sheikh a jeté sur les autorités
marocaines la responsabilité de la suspension
de l’activité de la SAMIR en août 2015. Il avait
accusé le gouvernement “d’entraves et de trai-
tement injuste de son investissement” ayant
été la cause directe de la cessation de l’activi-
té de raffinage. Et d’avoir cité, entre autres, la
saisie des comptes bancaires de la raffinerie et
l’interdiction d’accostage au quai de décharge-
ment imposée aux bateaux.
Al-Amoudi a déposé cette plainte au moment
même où l’entreprise est en liquidation judi-
ciaire sous le contrôle d’un syndic pour le paie-
ment des arriérés du fisc, de la Douane et des
banques marocaines, évaluées à 43 milliards
de dirhams. Mais aussi au moment où il fait
44
l’objet, depuis le 5 novembre 2018, d’une déci-
sion du tribunal du commerce de Casablanca
d’étendre la liquidation de la raffinerie de Mo-
hammedia à ses biens personnels.
C’est lui-même qui a pris la décision, de façon
unilatérale, d’arrêter l’activité de la raffine-
rie (200.000 barils par jour) le 5 août 2015.
Quelques mois plus tôt, il a préparé le marché
au scénario de la faillite. La vache-à-lait était
devenue sans intérêt pour le milliardaire qui
AL-AMOUDI ANNONCE, AVAIT CONTRE TOUTE
ATTENTE, LA CESSATION DE L’ACTIVITÉ DE LA SAMIR,
SANS PRÉAVIS ET SANS EN AVISER LES AUTORITÉS.
avait déjà transformé les bénéfices de plu- Le 29 avril, elle a obtenu un crédit de refinance-
sieurs années en dividendes, en les transférant ment à long terme de 1,2 milliard de dirhams
vers l’Ethiopie et ailleurs. Tout a commencé en de la Banque Populaire. Ce n’est pas tout. Le
décembre 2014. A l’issue d’un premier “Profit groupe américain Carlyle lui a accordé une fa-
Warning”, la Samir reconnaissait une dette cilité de 350 millions de dollars pour financer
envers l’Etat de 27 millions de dirhams et une ses activités d’import de matières premières.
perte record de 3,4 milliards de dirhams en Au premier semestre 2015, la Samir a annoncé
2014, sous “l’effet de la contribution négative une perte de 2,17 milliards de dirhams !
de la variation des stocks à cause de la baisse Et puis, après avoir empoché tout cet argent,
des cours du pétrole”. Al-Amoudi annonce, contre toute attente, le
5 août, la cessation de l’activité de la Samir,
Arriérés du fisc sans préavis et sans en aviser les autorités.
Quelques mois plus tard, la restructuration gé- Aujourd’hui, à travers sa société Corral Moroc-
nérale de la dette de la compagnie avait susci- co Holding, Sheik Al-Amoudi veut encore sub-
té l’espoir d’un retour à l’équilibre. En février tilises de l’argent du contribuable marocain. Il
2015, elle a signé une convention “murabaha” se prête à un jeu dangereux de pression sur les
(produit financier utilisé en finance islamique) autorités marocaines. Détient-il peut-être des
de 235 millions de dollars avec La Société In- preuves de complicité et de corruption sur des
ternationale Islamique de Financement du responsables marocains ? l
Commerce, une filiale de la Banque Islamique
de Développement. Marouane KABBAJ
 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

QUELLE ISSUE POUR LA SAMIR ?

L’indispensable restructuration de la dette

Le feuilleton de l’affaire La Samir continue de faire l’actualité. Selon les dernières informations,
la reconversion des dettes en action est sérieusement envisagée par les autorités judiciaires et les créanciers.

L’ affaire La Samir est redeve-

nue un enjeu politique de-
puis le déclenchement de la
guerre russo-ukrainienne. Ob-
jet d’un conflit ouvert au Parlement entre
majorité et opposition, qui exhorte le
gouvernement à relancer l’activité du raf-
fineur fondé en 1959. Lors de sa dernière
sortie sur la question, Mustapha Baitas,
porte-parole du gouvernement a indiqué,
le 20 avril 2023, que la solution au dossier
de la Samir, nécessite de “faire preuve de
calme et d’examiner les différentes pos-
sibilités offertes”. Il a par ailleurs rassuré
sur le fait que l’exécutif est conscient de
“l’importance de la Samir en matière de
stockage et de contribution à la sauve-
garde des ressources éner-
gétiques, lesquelles raffi-
nées localement”.
Les perturbations que
connaît le marché des LES ESPOIRS
carburants ont démontré D’UNE REPRISE nisme permet de nettoyer Il s’agit donc de tout un montage finan-
“l’inefficacité d’adopter SE RÉDUISENT des dettes antérieures en cier qui est pourtant indispensable si l’on
une seule approche dans convertissant tout ou par- veut imaginer le scénario d’un rachat et
la gestion de la question COMME PEAU tie de celles-ci en fonds de relance d’activité. Pour que cette so-
de l’énergie”, a relevé le DE CHAGRIN. propres, et ainsi d’assainir lution aboutisse, une concertation avec
ministre, ajoutant que “le le bilan de l’entreprise en les autres créanciers est nécessaire afin
domaine de raffinage est réduisant endettement et de lancer une action collective. La recon-
à même de donner des so- levier financier. C’est donc version de la dette ne sera possible que
lutions au problème de l’énergie qui s’ag- un outil efficace pour résoudre les pro- si elle s’inscrit dans une vision globale
grave au niveau international et se réper- blèmes de solvabilité d’une entreprise menée par une structure maîtrisant le
cute sur le Maroc”. et lui permettre de se recentrer sur son métier. En tout cas, beaucoup de créan-
activité. Il donnera aussi à la Samir la ciers ont manifesté leur disposition à
Vision globale capacité de couvrir ses besoins de liqui- franchir le pas lors des auditions tenues
Et alors que les dettes s’élèvent à plus dité et d’investir lorsque l’actionnaire auprès de la Cour d’appel de commerce
de 45 milliards de DHS, les espoirs d’une historique, à savoir l’Etat, y renonce. Il de Casablanca. Les défenseurs d’une re-
reprise se réduisent comme peau de cha- représente non seulement un outil pour prise rapide rappellent par ailleurs que la
grin. Parmi les solutions proposées, no- restructurer la dette, mais également un marge de raffinage pourrait faire gagner
tamment par le Front de sauvegarde de moyen pour l’arrivée d’investisseurs qui au consommateur marocain jusqu’à 3dh
La Samir, la transformation des dettes doteront la Samir de moyens pour mettre sur le prix à la pompe l
du raffineur en participation au capital. en œuvre son plan de relance, affirment
Appelé debt-to-equity swap, le méca- les défenseurs du mécanisme. Abdessamad NAIMI

45
ART & Culture

SORTIE DE «JOUJ», UN FILM DE RABII CHAJID

Une comédie déjantée qui bouscule les codes

Imaginez pour un instant, tous les hommes disparaissent de l’univers. Seuls deux Casaouis
restent en vie. C’est le synopsis du nouveau film « Jouj ». Un scénario original et hilarant
qui promet de bousculer les codes du genre comique.

L a salle de cinéma Mégarama de

Casablanca, a accueilli l’avant-pre-
mière du film «Jouj» le mardi 02
mars 2023. Le public, venu en
masse, était rempli d’excitation et d’attentes
pour découvrir le dernier projet cinémato-
graphique du réalisateur Rabii Chajid, une
comédie déjantée qui promet de bousculer
les codes établis du genre.
Attention, accrochez vos ceintures, car le
scénario de «Jouj» va vous emmener dans
une aventure hilarante et déjantée ! Écrit
par la talentueuse Bouchra Malak et les co- Driss & Mehdi
miques Driss & Mehdi, ce film propose une et le réalisateur
approche originale du récit en explorant les Rabii Chajid.
thèmes de l’humour et de l’absurde à travers
l’histoire de Halim et Mounir.

LE RÉALISATEUR RABII CHAJID, EN DIRIGEANT AVEC

BRIO DES ACTEURS TALENTUEUX, A SU CAPTURER
L’ESSENCE DE LA COMÉDIE DÉJANTÉE.
Les protagonistes de l’histoire découvrent un
cahier magique qui exauce tous les vœux.
Mais quand Halim, en proie à la colère, émet
un vœu qui fait disparaître tous les hommes
de la terre, ils se retrouvent dans une situa-
tion inattendue et hilarante. Comment vont-
ils s’en sortir ? Vous allez être témoin des
péripéties folles et des quiproquos hilarants
que les personnages de «Jouj» vont vivre
pour résoudre ce problème inédit.
Le film, produit par Cineland, marque une
nouvelle ère pour la production audiovi-
suelle marocaine en proposant un contenu
de grande qualité et aux standards interna-
tionaux. La subtile intégration de placement
de produits tout au long du film permet une
visibilité originale, tout en enrichissant le
récit.
D’ailleurs, les performances d’acteurs dans
«Jouj» sont un élément clé qui contribue à
faire de ce film une réussite. Le casting, qui
comprend des artistes de renom tels Salwa
Zarhane, Rafik Boubker, Soukaina Darabil
et Amal Al Attrach, offre une prestation mé-
morable et remarquablement convaincante.
Quoique, certains acteurs peuvent parfois
sembler un peu caricaturaux et stéréotypés,
même s’ils apportent une touche person-
nelle à leurs personnages respectifs.
Le réalisateur Rabii Chajid, en dirigeant avec
brio des acteurs talentueux, a su capturer
l’essence de la comédie déjantée. En plus de
son scénario original et de ses performances
d’acteurs mémorables, «Jouj» est également
un film techniquement impressionnant. Le
réalisateur a su tirer parti des dernières tech-
nologies pour offrir une expérience visuelle
immersive au spectateur.
L’utilisation de drones pour les scènes de la
ville de Casablanca, par exemple, met en lu-
mière la beauté de la ville. Les plans aériens
saisissants offrent un aperçu spectaculaire
de la ville et montrent Casablanca sous un
angle inédit. Ces images sont époustou-
flantes et ajoutent une dimension supplé-
mentaire à l’histoire.
Atmosphère énergique
De plus, la qualité de la photographie et de
la bande sonore est remarquable. Les plans
sont filmés de manière à mettre en valeur
l’action et à donner une perspective unique
sur les scènes. Les transitions entre les plans
sont fluides et les séquences d’action sont
éditées de manière à maintenir l’attention
du spectateur tout en restant fidèle à l’esprit
de la comédie déjantée.
Le film, qui a été largement salué par la cri-
tique, est sans aucun doute un ajout majeur
à la scène cinématographique marocaine et
un témoignage de la créativité et du talent
des cinéastes locaux l
H. C.

46

PREMIÈRE ÉDITION DU FESTIVAL INTERNATIONAL
DU PATRIMOINE MUSICAL MAROCAIN À CASABLANCA
Au nom de la musique
et de la créativité
Le festival a pour mission la promotion et le développement de tout
le patrimoine musical marocain de toutes les régions du Maroc.
L
a Fondation du Patrimoine Mu-
sical Marocain prépare actuelle-
ment la première édition du Fes-
tival International du Patrimoine
Musical Marocain. C’est la continuité du
Festival de la tariqa aissaouia organisé
en 2018. Ce festival aura pour mission la
promotion et le développement non seu-
lement de la tariqa aissaouia, mais aussi
tout le patrimoine musical marocain de
toutes les régions du Maroc.
Les organisateurs et à leur tête Berrada
Mohamed Azelarab, président de la Fon-
dation du Patrimoine Musical Marocain,
ont choisi la ville de Casablanca comme
siège de cette Fondation car cette dernière
constitue un prototype de la population
marocaine où toutes les régions sont repré-
sentées et où les possibilités de développe-
ment du patrimoine musical dans sa
dimension nationale et internationale est
nettement plus favorable que les autres
villes du Maroc.
Que ce soit dans le cœur battant de cette ré-
gion, la Commune de Casablanca, ou dans
les villes limitrophes, tels que Mohamma-
dia ou Settat, la Fondation a comme pro-
jets des programmes artistiques novateurs
et des tables rondes animées par d’immi-
nents chercheurs nationaux et étrangers.
Feuille de route
En effet, à côté d’un grand événement
comme ce festival annuel de trois jours,
la Fondation a une autre ambition dans la
continuité de sa feuille de route, et aux fins
de répondre à l’exigence d’une réflexion
permanente autour de notre patrimoine,
ancrée dans la pratique au quotidien, des
conférences trimestrielles rassembleront
d’éminents experts Hommes et Femmes
de cultures et de lettres qui interrogeront
la marche du monde et la place du Maroc
APPRÉHENDER DE QUELLE FAÇON
LA RENCONTRE ENTRE MUSIQUE ET CRÉATIVITÉ
S’EST EXPRIMÉE.
1485 - Du 05 au 11 mai 2023
Le Festival connaîtra
la participation de
plusieurs groupes.
dans l’essor d’une planète qui place l’Art et
la culture au cœur de la Mêlée humaine.
Cette édition aura lieu du 11 au 13 mai
2023, à Casablanca, sous le thème : « le
Patrimoine Musical Marocain : un lien spi-
rituel entre les
générations ».
Ce Festival a, notamment, pour vocation
de faire découvrir le Patrimoine riche
de la Musique au Maroc, dans ses diffé-
rentes expressions artistiques et sociales.
Le programme de cette édition, qui sera
présenté en conférence de presse, le 9 Mai
2023, à Casablanca, est riche et varié. Ce
programme permettra , ainsi, d’appré-
hender de quelle façon la rencontre entre
Musique et créativité s’est exprimée, dans
différentes cultures de la civilisation ma-
rocaine, dans une production artistique
d’une grande richesse et profondeur.
Aussi, le programme connaîtra la parti-
cipation des groupes du Maroc (Groupe
orchestral des artistes de Jeunes Généra-
tions, Gnaoua, Aita, Jil Jilala, Aissaoua..).
Par ailleurs, des tables rondes, aborderont
des sujets tels que : « Le patrimoine musi-
cal marocain : Entre hier et aujourd’hui ».
Cette 1ère table ronde sera modérée par
Abderrahim Hafidi, avec la participation
de Abdellah Ben Mlih, Mustapha Sehimi,
Ahmed Aydoun, Mekki Zouaoui.
Une 2ème table ronde est prévue. Elle
sera modérée par Faouzi Skali «L’art et la
science comme vecteurs de transmission
de valeurs spirituelles»,
avec la participation de : Carole Latifa
Ameer et Françoise Atlan. Avec des illustra-
tions de chants et de poèmes l
Seddik MOUAFFAK
47
ART & Culture
© DR
Bio-express
Nadia Essalmi, diplômée
de littérature française, elle
enseigne la langue française
à l’Institut agronomique et
vétérinaire Hassan II. Elle crée
en 1998 Yomad, première
maison d’édition spécialisée
dans la littérature jeunesse.
Initiatrice du festival Littératures
itinérantes et présidente de
l’association du même nom.
Présidente de l’association
L’école pour tous. Membre
du parlement des écrivaines
francophones. Elle a publié La
révolte des rêves. (La Virgule,
2018). L’Amante religieuse,
recueil de nouvelles, est son
dernier livre.
Éditions la Croisée des Chemins,
Collection Kayna,Casablanca,
2022, 187 pages.
48
“L’AMANTE RELIGIEUSE” DE NADIA ESSALMI
En quête de liberté
Des histoires de celles et de ceux qui en veulent à la société, aux traditions,
à la famille d’avoir décidé de faire de leur vie un destin à part.
L
e récit qui porte le nom de «
l’Amante Religieuse » est la somme
de dix nouvelles qui racontent
l’histoire de quelques personnages dont le
destin est à la merci des tourments sans fin.
Chacune de ces nouvelles nous transporte
dans un univers particulier. Comme, par
exemple, celui de cette jeune fille de huit
ans ayant vécu l’enfer de voir son corps
mutilé, déchiré, abusé par un mâle adulte
qui n’est autre que son beau-père. Forcée au
mutisme, elle ne trouva personne pour ra-
conter ses maux. Et la voilà face au monde.
Sa vie est plus que jamais derrière elle. « Le
corps a une mémoire, et comme celui qui
était le mien n’est plus qu’un cadavre, seuls
quelques souvenirs véreux sont visibles par-
mi les derniers détritus. À mon âge, je suis,
comme on dit, au seuil de la vie. Mais, je ne
sais pas si je suis à l’entrée ou à la sortie ».
Dans une autre nouvelle intitulée, le corps
est toujours présent. Celui d’une fille dans
le corps d’un garçon. Seule face à son destin
:« dans le désordre absolu, et pour échapper
à mon chaos, je me débattais seul, comme
dans un labyrinthe, essayant de construire
ma vraie identité. J’étais convaincu qu’il y
avait confusion entre le dedans et le dehors.
Et c’était douloureux. C’était aussi impro-
bable que de vouloir réunir le jour et la nuit.
Mon identité n’était sûrement pas inscrite
dans mes organes génitaux. J’ai été pris
dans un tourbillon démentiel, un chagrin
perpétuel et un tourment sans fin. Mon
sexe, c’est ce que l’on voyait, mon genre,
c’est ce que je ressentais ».
Et pour terminer, je me limite à présen-
ter quelques extraits de cette troisième
nouvelle qui porte le titre de l’ouvrage : «
L’Amante Religieuse ». Nouvelle où l’au-
teure cite le cas de cette séductrice qui se
livre au jeu d’attirer les mâles, sans jamais
les approcher. Cette redoutable séductrice
qui ne trouva son seul salut que dans la
littérature.
« Elle avait façonné son quotidien à sa ma-
nière. Elle avait découvert que ses atouts
physiques avaient l’impact sur la gent mas-
culine. Elle en abusait, et la séduction est
devenue son jeu préféré. Elle en jouait pour
attirer les mâles sans jamais les approcher.
Telle l’amante religieuse, elle les dévorait
et les tuait à sa façon. Elle en voulait à la
société, aux traditions, à sa famille d’avoir
décidé de faire des hommes ses ennemis.
Et ils seront ses ennemis. »
Néanmoins, celle qui « avait grandi dans
une famille conservatrice et qui avait reçu
une éducation des plus sévères, aux valeurs
très strictes, aimait le sport et le pratiquait
intensément. C’était son espace de liberté.
Elle aimait aussi la lecture, qui était son
seul refuge. Et les livres lui ouvraient bien
des mondes. Elle les dévorait. « Chaque
lecture était une tendre caresse qui
apaisait son esprit, un trésor inestimable
qui forgeait son comportement et construi-
sait sa vision de la vie. Tous les interdits
qu’elle subissait étaient dénoués dans les
multiples pages qu’elle ingurgitait. Les
mots, en complices, pouvaient éclairer
dans la pénombre, tout lui apprendre, tout
lui expliquer. Ils avaient tissé son éducation
intellectuelle et sexuelle… » l
S. MOUAFFAK
 1485 - Du 05 au 11 mai 2023

“L’ÉCRITURE, LA PAROLE” DE ABDALLAH BENSMAÏN DÉCÈS

Cinquante ans d’entretiens Moulay Tahar Asbahani,
la voix de «Jil Jilala»,
culturels et littéraires s’éteint à l’âge de 75 ans

L a Croisée des Chemins publie «L’écriture,

la parole», un livre d’entretiens de l’éminent
journaliste culturel, Abdallah Bensmaïn. Cet
ouvrage rassemble une sélection de conversations
menées par l’auteur sur une période de cinquante
L’ artiste marocain de renom, Mou-
lay Tahar Asbahani, fondateur du
célèbre groupe musical «Jil Jilala»,
est mort, mercredi 3 mai 23 matin, à l’âge de
75 ans, suite à un long combat contre la ma-
ans. Le livre est suivi par une deuxième partie ladie. Il a été inhumé, le jour même, au ci-
intitulée «L’interviewer interviewé», qui regroupe metière Errahma à Marrakech, en présence
les entretiens que Bensmaïn a accordés à la presse. d’une foule nombreuse. Moulay Taher était à
L’ouvrage s’ouvre sur l’avant-propos de l’auteur, l’origine de la création de Jil Jilala, à Rabat en
intitulé «L’entretien, infidèle aux mots, fidèle à 1972 avec un groupe d’amis passionnés de
la pensée», dans lequel il explique la nature de la musique traditionnelle
l’entretien de presse et souligne l’importance de marocaine. Son groupe
préserver la liberté de penser et de dire. Le livre est a rapidement acquis une
divisé en six parties qui abordent des thèmes tels renommée nationale et
que la science, la culture, la littérature, l’édition, la internationale grâce à leur
société et la communication. Les entretiens inclus dans «L’écriture, la parole» sonorité unique qui allie
mettent en lumière une variété de disciplines et de personnalités, dont des les instruments tradition-
écrivains, des penseurs, des critiques littéraires, des éditeurs, des journalistes nels tels que la guembri,
et des acteurs de la presse et de la communication. Parmi les personnes le bendir et la derbouka à
interviewées figurent Khalid Zekri, Maxime Rodinson, Michel Chodkiewicz, Fatima des influences modernes.
Mernissi, Tahar Ben Jelloun, et bien d’autres encore. La deuxième partie du Les chansons du groupe,
livre, «L’interviewer interviewé», contient des entretiens de Bensmaïn avec des à la fois socialement et
journalistes nationaux tels que Kenza Alaoui, Omar Salim, et Abdelwahed Rmiche. politiquement engagées, ont captivé les
Avec «L’écriture, la parole», Abdallah Bensmaïn offre une contribution précieuse jeunes générations et ont été saluées pour
à la réflexion sur la culture, la littérature, la communication et la société. Ce livre leur message à portée universelle.
est disponible dès maintenant auprès de La Croisée des Chemins l H. C. Moulay Tahar Essahebani, originaire de
Marrakech, était reconnu pour sa voix puis-
sante et sa grande maîtrise de l’interprétation
de chansons traditionnelles marocaines et
de longs modes musicaux. Il avait égale-
ment excellé en tant qu’acteur avec la troupe
théâtrale de Tayeb Seddiki dans les années
60, aux côtés de grands noms tels que Larbi
Batma, Boujemaa, Omar Sayed et Hamid
Zoughi.
A cet effet, le Roi Mohammed VI a adressé
un message de compassion et de condo-
léances aux membres de la famille de feu
Moulay Taher Asbahani. Le Roi a exprimé
aux membres de la famille du défunt et à
travers eux à sa famille artistique nationale,
ses vives condoléances et ses meilleurs sen-
timents de compassion pour la perte de ce
grand artiste aux talents multiples l
H. C.

49
CHRONIQUE

31 ANS
ENSEMBLE

5 MILLIARDS DE DOLLARS US

Ce voisin nuisible a dépensé lui-même

5% de son PIB (10 milliards US) pour renforcer
son agressivité envers le Maroc.

Par Driss EL FAHLI

A vec 5 milliards de dollars US le Maroc peut prendre toute une série d’initiatives
pour booster l’économie nationale, améliorer le social ou investir dans ses in-
frastructures. Avec 5 milliards de dollars US le Maroc, après ses avancées no-
tables en énergies propres, peut faire un bond pharamineux dans l’essor de
sa capacité solaire et éolienne et réduire sa dépendance à l’énergie fossile. Il pourrait ainsi
réduire ses émissions carbones et fournir du travail une multitude de mains d’œuvre.
Avec 5 milliards de dollars le Maroc peut investir dans ses infrastructures de transport routier,
maritime, ferroviaire et aérien, construire les ponts, des tunnels, de nouvelles autoroutes, des
routes secondaires en montagnes pour faciliter la circulation des biens et des personnes et
réduire les embouteillages qui asphyxient nos villes.
Avec 5 milliards de dollars le Maroc peut construire des usines de dessalement d’eau, et se
doter des moyens d’exploitation qui nous manquent pour faire face aux pénuries d’eau en
perspectives pour 2050. Avec 5 milliards de dollars le Maroc pourrait améliorer les services de
santé et fournir aux millions de personnes de ce pays des soins d’égale qualité pour tous. On
pourrait construire de nouveaux hôpitaux, les équiper en matériel de dernier cri et embaucher
plus de personnel médicale compétent.
Avec 5 milliards de dollars le Maroc pourrait stimuler le tourisme et révéler ses potentialités
latentes et aligner sa stratégie avec les autres entités publiques qui dorment bien dans leur
cocon, pour agir avec la même vision stratégique. On pourrait construire de nouvelles in-
frastructures et créer de nouveaux produits attractifs.
Avec 5 milliards de dollars le Maroc pourrait soutenir le tissu proéminent des PME qui sont
les moteurs principaux de l’économie marocaine en facilitant leurs accès aux financements à
partir d’un fond de développement. Bien développé, un tel tissu offrira en partie les emplois
qui nous font défaut. Avec 5 milliards de dollars le Maroc pourrait construire un système
éducatif plus fort, plus efficace et plus attractif doté d’une supervision des enseignants, des
écoles et des universités pour garantir le respect des normes de qualité pédagogiques. Un tel
système renforcera le sens des responsabilités et du civisme chez les élèves dès leurs jeunes
âges. Avec 5 milliards de dollars, le Maroc pourrait investir dans la recherche scientifique en
offrant des bourses de recherches pour les têtes les mieux outillées et stimuler l’innovation et
la recherche appliquée. Avec près de 5 milliards de dollars US, selon l’Institut de Recherche
sur la Paix de Stockholm, le Maroc a acquis en 2021 une ribambelle de matériel militaire.
La même dépense a eut lieu en 2020. Un pactole dépensé pour faire face aux manœuvres
guerrières de l’Algérie et de ses acolytes. Ce voisin nuisible a dépensé lui-même 5% de son
PIB (10 milliards US) pour renforcer son agressivité envers le Maroc et remplir en passant les
poches de ses ripoux avides de dollars. Bizarrement, en furetant les données de la Banque
Mondiale, les tops 10 en dépenses militaires sont tous des arabes : Lybie, Oman, Koweït,
Arabie Saoudite, Algérie, Émirats, Jordanie, Qatar, Maroc. Tout ce gisement pécuniaire fait le
bonheur de l’Amérique, de la France et des pays qui vendent les engins de la mort en feignant
démocratie et droits de l’homme. Ainsi soit-il ! Nous n’aurons pas de nouvelles routes, pas
d’écoles d’excellence, pas d’hôpitaux dignes, pas de stimulus du tourisme, pas de soutien
aux PME et pas de recherches innovatrices l
Casablanca le 2 mai 2023

50