LA VIE MAROCAINE DU PROFESSEUR MICHEL ROUSSET

1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022

Prix : 15 Dhs
© Photo MAP

PÉNURIE D’EAU

L’AFFAIRE DE TOUS
Dans son discours au
Parlement, le 14 octobre
2022, Sa Majesté le Roi
a donné l’alerte sur
l’urgence du problème
de l’eau. L’état actuel
des ressources hydriques
interpelle gouvernement,
institutions et citoyens.

S.M. le Roi et Aziz Akhannouch,

inaugurant un projet hydro-agricole.
Région d’Essaouira, le 16 janvier 2022.
 SOMMAIRE
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COUVERTURE
PÉNURIE D’EAU
L’AFFAIRE DE TOUS
Edito
04 Le silence d’Akhannouch
Direct
06 Le Maroc confirmé dans ses droits
12
07 Latifa Akharbach, présidente
du Réseau Africain des Régulateurs,
en visite de travail au Bénin
08 Le SNPM exprime son ras-le-bol
10 Transformer le cacao pour
stimuler la croissance
11 La junte militaire accepte
Zaina Chahim finalement une transition de deux ans
Politique
12 interview de Zaïna Chahim
15 Le Forum du Néguev, depuis Dakhla
et contre l’axe algéro-iranien
Couverture
16 Pénurie d’eau : L’affaire de tous
22 Les marocains et la pluie
24 Montée en puissance des projets
64
de dessalement d’eau de mer
développés par l’ONEE
26 Le Maroc double son budget
de gestion d’eau pour 2023
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
P.16
28 La gestion durable de la ressource
en eau, un enjeu stratégique
pour Lydec
32 Entretien avec Saâd Azzaoui
36 Interview de Domènec Victòria
38 L’agriculture de précision pour
une meilleure gestion de l’eau
41 Un pas de géant pour la transition
énergétique
42 Tout un programme pour
une autonomie en eau en 2026
45 Quand le Maroc mise sur
deux alternatives vitales
46 Le Crédit Agricole du Maroc fortement
engagé pour le développement durable
48 Impact des cultures hydrovores
sur le stress hydrique au Maroc
50 Entretien avec Saïd Mouline
52 Le vaisseau amiral du défi vert du Royaume
54 La pénurie d’eau, une réalité
55 Entretien avec Youness Lebtar
56 Au Maroc, la dure transition
vers la mobilité hybride et électrique
58 Entretien avec Rajae Chafil
Culture
64 Entretien avec Nabil Ayouch
ÉDITORIAL
Le Chef du gouvernement rare dans les médias
LE SILENCE D’AKHANNOUCH
Dans le fond, peut-être que M. Akhannouch a raison. Peut-être qu’il vaut
mieux ne pas céder au verbiage, dont un des prédécesseurs à la tête de
l’Exécutif a fini par payer les pots cassés.
C
e n’est peut-être finalement
pas un hasard si l’époque
où Aziz Akhannouch a joui
de la réputation la meilleure
auprès des Marocains date
d’avant son élection à la présidence du parti
du Rassemblement national des indépen-
dants (RNI) en octobre 2016. Pour de nom-
breux de nos concitoyens parmi ceux qui le
connaissaient, c’était, certes, un ministre de
l’Agriculture plutôt rare dans les médias, en
dépit du paradoxe de détenir un des plus
importants groupes de presse du Royaume,
en l’occurrence Caractères, mais dont les ré-
sultats, avec notamment le Plan Maroc vert
(PMV) dont il avait procédé à partir d’avril
2008 à la mise en œuvre, parlaient suffisam-
ment pour lui pour qu’on ne lui demande pas
de prendre lui-même la parole.
Désigné en septembre 2021 Chef du gou-
vernement après la première place du RNI
aux législatives du même mois, l’intéressé
n’a tout compte fait pas tellement changé:
en maintenant un peu plus d’un an après sa
prise de fonction officielle, ce n’est qu’une
maigre interview qu’il a accordée, si ce n’est
en fait, sans doute, concédée, et ce le 19
janvier 2022 à la radiotélévision publique.
Ce dont, à l’occasion de l’Université d’été
de la jeunesse du RNI tenue les 9 et 10
septembre 2021 dans la ville d’Agadir, il se
targuait même. «Je ne suis pas de ceux qui
aiment trop parler avant d’agir. Je préfère
travailler d’abord, puis m’exprimer sur ce
qui a été véritablement réalisé,» a-t-il no-
tamment clamé. Dans le fond, peut-être que
M. Akhannouch a raison. Peut-être qu’il vaut
mieux ne pas céder au verbiage, dont un
des prédécesseurs à la tête de l’Exécutif, à
savoir l’actuel secrétaire général du Parti de
la justice et du développement (PJD), Abde-
4
lilah Benkirane, a, soit dit en passant, fini par
payer les pots cassés en étant aujourd’hui
aussi vomi qu’il était, lors de sa parenthèse
gouvernementale de près de cinq ans, por-
té aux nues -comme l’illustrent les défaites
successives de la formation islamiste aux
différentes élections partielles tenues depuis
son retour aux affaires en octobre 2021.
Mais la nature ayant, in fine, horreur du vide,
celui-ci finit nécessairement toujours par être
comblé; et pas toujours dans le sens que
les concernés espèrent. Dans le jargon des
spin doctors dont on sait que M. Akhannouch
“JE PRÉFÈRE
TRAVAILLER
D’ABORD, PUIS
M’EXPRIMER SUR CE
QUI A ÉTÉ RÉALISÉ,”
DIT-IL.
aime bien s’entourer, on dirait tout simple-
ment qu’on ne peut pas ne pas communi-
quer: même quand on s’y terre, le silence
lui-même donne matière à interprétation.
Du temps où il n’était que simple ministre, M.
Akhannouch avait indéniablement réussi à
jouer d’une réserve que ceux qui le côtoient
de près disent également être sienne dans le
privé; en tant que chef de parti puis deuxième
personnalité de l’État, la paire de manches
est fatalement différente et, à l’évidence, épi-
neuse. Ce qui ne devrait, rétrospectivement,
pas tout-à-fait surprendre: dans le cadre
purement technocratique dans lequel opère
par exemple le ministère de l’Agriculture, il
n’est effectivement nullement besoin d’en
PAR WISSAM EL BOUZDAINI
dire plus sur ce que tout un chacun peut
lui-même apprécier de visu comme, littérale-
ment, fruits recueillis; à travers le politique, on
entre plutôt dans le monde de l’imaginaire,
celui des cœurs, au point que s’écarter de
toute rationalité devient la règle, qu’une ab-
surdité même, comme disait Napoléon, ne
soit plus un obstacle (le fameux “art du pos-
sible” comme on le désigne aussi souvent).
En d’autres termes, M. Akhannouch fait-il
rêver? Peut-être qu’un jour, lorsque on s’y
replongera, on dira que son gouvernement
fut un des meilleurs de l’histoire du Maroc
-comme certains en arrivent d’ores et déjà à
le dire de celui de Saâd Eddine El Othmani,
qu’on ne peut pour le moins également pas
taxer de personnage haut en couleur- mais
dans le temps présent en tout cas ce n’est
certainement pas ce que le commun des ci-
toyens doit penser.
Bien sûr, d’aucuns y opposeront, à commen-
cer par M. Akhannouch lui-même comme il
l’a fait à Agadir, que ce serait le premier pas
vers un populisme de bien mauvais aloi,
mais celui-ci n’est, en dernière analyse, pas
tout-à-fait l’exact contraire de la retenue. Les
degrés qui, d’un bout à l’autre, séparent les
deux sont, en vérité, infinis. Souvent dé-
crit, certes avec une certaine aigreur mais
pas foncièrement à tort, par M. Benkirane
comme n’étant pas un homme politique -l’an-
cien Chef du gouvernement lui en veut pour
son éviction-, M. Akhannouch se doit à coup
sûr de refaire ses gammes, et ce autant pour
son propre bien que celui du Maroc: en ces
temps de défiance à l’égard de nombreuses
institutions nationales, dont la gouvernemen-
tale, le moins que l’on puisse dire est qu’une
majorité impopulaire n’est pas ce qui va faire
pièce au nihilisme. Indépendamment de “ce
qui a été véritablement réalisé”l
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022

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DIRECT infos

ADOPTION DE LA RÉSOLUTION 2654 DU CONSEIL

DE SÉCURITÉ DE L’ONU SUR LA QUESTION DU SAHARA MAROCAIN
Le Maroc confirmé dans ses droits

L e Conseil de Sécurité de l’ONU a

adopté, jeudi 27 octobre 2022, la
résolution 2654 relative à la question
du Sahara marocain. Outre le fait que
cette résolution renouvelle le mandat de
la MINURSO pour une année, jusqu’à
fin octobre 2023, plusieurs éléments
intéressants sont à relever.
Ainsi, comme le souligne un communiqué
du ministère des Affaires étrangères, «le
soutien international grandissant de pays
importants et influents à l’Initiative Marocaine
d’Autonomie, l’ouverture à Laâyoune et à
Dakhla de plus d’une trentaine de Consulats
Généraux, la non-reconnaissance de plus de
84% des Etats membres de l’ONU de l’entité
fantoche, ainsi que l’essor économique et
social dans les Provinces du Sud, sont autant
d’illustrations de cette dynamique hautement
positive.» La résolution 2654, tout en
consacrant les acquis antérieurs du Maroc,
constitue une résolution de confirmation et
d’évolution. «Il s’agit, ajoute le communiqué,
d’une confirmation du cadre du processus
politique, puisque le Conseil de Sécurité
a considéré que le format des «tables
rondes» est le seul cadre de discussion en
vue de parvenir à une solution définitive au
différend régional sur le Sahara marocain.»
La résolution a mandaté également l’Envoyé
Personnel du Secrétaire Général de l’ONU
pour «faciliter» le processus
politique en «bâtissant sur … le
cadre instauré par l’ancien Envoyé
Personnel», à savoir les deux
«tables rondes» tenues à Genève
respectivement en décembre 2018
et en mars 2019.
Ensuite «il s’agit d’une
confirmation des acteurs
du processus politique, qui
assument une responsabilité
juridique, politique, et morale
dans la recherche de la solution».
Ainsi la résolution a appelé de
nouveau «le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, l’acheminement des aides humanitaires aux
et le Polisario à rester engagés dans ce populations des camps.
processus sur toute sa durée, dans un En outre, la résolution a demandé
esprit de réalisme et de compromis, en vue expressément au Polisario de permettre
de le faire aboutir». L’on constate d’ailleurs «la reprise du réapprovisionnement sûr et
que la résolution «cite systématiquement régulier de la MINURSO afin de garantir
l’Algérie à chaque fois qu’il y est fait référence la viabilité de la présence de la Mission».
au Maroc», ajoute le communiqué. Plus Ainsi, le Conseil de Sécurité a dénoncé
important encore, le Conseil de Sécurité les violations continues par le Polisario du
a «demandé à nouveau instamment» à cessez-le-feu à l’Est du dispositif marocain
l’Algérie que les populations des camps de défense, à l’opposé de la coopération
de Tindouf «soient dûment enregistrées, constante du Royaume avec la Mission
soulignant qu’il importe que toutes les onusienne. Autant dire qu’il y a suffisamment
mesures nécessaires soient prises à cette de raisons justifiant la réaction du Maroc
fin». La même demande a été adressée applaudissant la teneur claire et sans
aux agences onusiennes d’observer les équivoque de la résolution 2654 du conseil
«meilleures pratiques» de l’ONU dans de sécurité l N.J.

CONCOURS
La CMPE récompense les artisans plâtriers

L a Sous le thème ‘Les métiers du plâtre: arts &

créativité’, la Compagnie Marocaine de Plâtre et
d’Enduit CMPE, organise la finale de la 1ère Édition
du Concours National du Meilleur Plâtrier qui se tiendra
le samedi 5 novembre 2022 à Casablanca. Les finalistes de
ce concours ont dû passer par des pré-sélections dans six
villes du Royaume, à savoir Agadir, Laâyoune, Marrakech,
Casablanca, Fès et Tanger, a fait savoir un communiqué.
Dans une déclaration, le directeur général Adjoint de la
CMPE, Jarfar El Briak, a dit: «Ce concours met en valeur
le talent de l’artisan plâtrier marocain. Il fait rayonner
notre culture marocaine dans le monde sans parler
de l’innovation et de la conservation du savoir-faire
ancestral». De son côté le participant Abdelilah Slasli
a confirmé: «Ce fut un plaisir d’être reconnu, c’est la
première fois que cette initiative est prise, espérant
qu’elle se répétera, je remercie la CMPE, et j’espère être
nommé meilleur plâtrier du Maroc» l

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 1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022

AUDIOVISUEL
Latifa Akharbach, présidente du Réseau Africain des Régulateurs, en visite de travail au Bénin

L a présidente de la HACA et présidente en exercice du

Réseau des Instances Africaines de Régulation de la
Communication (RIARC), Latifa Akharbach, a effectué les
25 et 26 octobre 2022 une visite de travail au siège du réseau à
Cotonou au Bénin, suite à l’invitation de Rémi Moretti, président
de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication du
Bénin et secrétaire exécutif permanent du RIARC.
Selon un communiqué, cette visite de travail de Mme Akharbach
a permis la tenue d’une série de réunions de concertation et
de coordination relatives à la gouvernance du réseau ainsi
qu’aux prochaines échéances de l’agenda de cette organisation
continentale, qui réunit des instances membres issues de 37
pays africains anglophones, francophones, arabophones et Latifa Akharbach et Rémi Moretti.
lusophones. prioritaires de la feuille de route du RIARC pour la période 2023-
Accompagnée de Talal Salahdine, Manager des Affaires 2024, de même que les aspects thématiques et organisationnels
Africaines et Internationales au sein de l’Instance, la présidente liés à la tenue de la prochaine réunion du comité d’orientation,
de la HACA a ainsi examiné avec son homologue béninois, qui rendez-vous statutaire clé dans la planification et le suivi de la
assure le secrétariat exécutif du réseau panafricain, les objectifs mise en œuvre des activités du réseau l I.B.

7
DIRECT infos
© DR
MAROC-ISRAËL
250 millions de dollars
d’exportations israé-
liennes vers le Maroc
Le volume des exportations
israéliennes vers le Maroc s’élève
à environ un quart de milliard
de dollars par an, sur la base
d’une évaluation conjointe entre
le ministère de la Coopération
régionale et l’Institut israélien des
exportations, indique le journal,
Israël Hayom. Ce dernier ajoute,
sur la base du rapport préparé
par les deux administrations,
que le commerce entre Israël et
le Maroc ne dépasse pas des
dizaines de millions de dollars
par an, alors que le nombre de
touristes israéliens qui visitent
le Maroc varie entre 30.000
et 45.000 touristes par an. Le
rapport évoque l’importance de
la reprise des relations entre
les deux pays, des relations
culturelles fortes, notant que les
domaines qui permettront à Israël
d’accroître ses exportations vers
le Maroc sont principalement les
intrants agricoles, le traitement
de l’eau, la numérisation, les
industries intelligentes, la cyber
sécurité, les systèmes de santé
numériques et les systèmes de
villes intelligentes.
Le rapport cite le ministre israélien
de la Coopération régionale,
Issawi Freij, qui affirme que le
renforcement des relations de
coopération de l’État d’Israël
dans la région est un objectif
stratégique de premier ordre.
8
«Le Maroc, qui est un hub de l’Afrique et une porte de l’Europe, a construit,
depuis plusieurs années, un socle très favorable au développement de la
coopération avec ses partenaires européens et africains».
Chakib Alj, président de la CGEM.
SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES JOURNALISTES
Le SNPM exprime son ras-le-bol
D
ans un communiqué en date du 26
octobre 2022, le Syndicat national
de la Presse marocaine (SNPM) a
exprimé son ras-le-bol à propos des
tergiversations du ministère de la Communica-
tion quant au traitement des revendications liées
à l’amélioration des conditions économiques
et sociales des journalistes, contenues dans la
nouvelle Convention collective qui a été aussi
présentée aux associations et fédérations des
éditeurs.
Le Syndicat appelle le département de Mehdi
Bensaïd à dévoiler les détails de la feuille de
Abdelkébir
Khchichen, route pour la réforme du paysage médiatique
président du
conseil national et à ouvrir des voies de concertation claires et
du SNPM, et permanentes avec le SNPM qui conduiraient
Hanane Rihab,
vice présidente du à l’actualisation de la Convention collective de
syndicat, lors de manière à préserver les droits des journalistes
la réunion du 25
octobre 2022. et de créer des entreprises médiatiques ci-
toyennes. Aussi, le Syndicat dénonce le fait que
le ministère de la Communication se concerte
essentiellement avec les organisations des édi-
teurs et néglige les représentants légaux des
journalistes fédérés autour du SNPM, ce qui se
contredit avec ce qui a été exprimé lors des ré-
unions bilatérales. Le SNPM accuse, en outre,
les représentants des éditeurs de fuir le dialogue
au sujet de l’actualisation de la convention col-
lective alors que la loi l’exige tous les cinq ans,
ce qui traduit leur dénigrement du corps des
journalistes. En outre, le SNPM s’élève contre
l’obstination de certains éditeurs à garder ou à
avoir des postes au sein du Conseil national de
la presse en laissant de côté les vrais problèmes
de la profession.
Par conséquent, le SNPM a, ainsi, décidé de
boycotter la journée nationale de l’information
du 15 novembre 2022. «Le SNPM a publié un
communiqué clair sur les conditions misérables
vécues par les journalistes, qui affectent, en
définitive, le produit journalistique national qui
n’est pas à la hauteur des défis actuels aux-
quels nous sommes confrontés, que ce soit sur
le plan de la sécurité de l’information ou l’info-
sécurité, qui consiste à protéger le consomma-
teur marocain de la prééminence et l’influence
d’une presse étrangère forte, ou encore sur le
plan de la véracité de l’information et du phéno-
mène des fausses informations qui circulent sur
les réseaux sociaux. Pour cela, lorsque nous
appelons à rompre avec les modalités de ges-
tion du dossier des aides publiques à la presse
telles qu’elles sont actuellement pour qu’elles ne
se transforment pas en rente, nous ne visons
personne en particulier, mais nous préconisons
plutôt que cet accompagnement soit condition-
né par la motivation de l’élément humain, le jour-
naliste, de sorte que cette motivation aide à la
requalification et au renforcement de la compé-
titivité de l’entreprise de presse», nous a confié
Hanane Rehhab, vice-président du SNPM l
Marouane KABBAJ
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022

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ACTUALITÉS Afrique
CRISE POLITIQUE AU TCHAD
Le président de la RDC
Félix Tshisekedi désigné
facilitateur par la CEEAC
Félix Tshisekedi, président de
la République démocratique
du Congo (RDC) et président
en exercice de la Communauté
économique des Etats de
l’Afrique centrale (CEEAC), a
été désigné facilitateur dans
la crise politique tchadienne.
Une décision annoncée par
la Communauté économique
des Etats de l’Afrique centrale
(CEEAC), le 25 octobre 2022,
à l’issue de son sommet
extraordinaire tenu à Kinshasa,
quelques jours après de
violentes manifestations
anti-pouvoir qui ont fait une
cinquantaine de morts et plus de
Félix Tshisekedi.
300 blessés au Tchad.
Des protestations qui, selon
l’opposition, visaient à dénoncer
la prolongation de la période de
transition de deux ans de la junte
militaire dirigée par Mahamat
Déby Itno, validée début octobre
2022 lors d’un dialogue national
boycotté par une grande
partie de l’opposition. Des
manifestations qualifiées plutôt
«d’insurrection minutieusement
préparée» par le pouvoir.
E. S.
10
CÔTE D’IVOIRE
Transformer le cacao
pour stimuler la croissance
L a Côte d’Ivoire, premier producteur
mondial de cacao, souhaite mieux
valoriser ses fèves. Son Premier
ministre, Patrick Achi, a annoncé, le
20 octobre 2022, la construction d’une
unité de transformation de cacao dans
la ville de San Pedro, située au sud-ouest
du pays. Cette future usine, dont le coût
est estimé à 73 milliards de FCFA et qui
s’étendra sur une superficie de 9 hectares,
sera construite par le groupe financier et
industriel Atlantic Group SA. Elle disposera
d’une capacité de traitement de 64.000
tonnes de fèves par an, qui pourrait même
atteindre 100.000 tonnes après extension
du site, et réalisera plusieurs opérations,
dont le nettoyage, le séchage, le broyage,
la torréfaction et le pressage de liqueur de
cacao. D’après le chef du gouvernement
ivoirien, cette usine, qui devrait être opéra-
tionnelle d’ici deux ans, permettra de créer
environ 1.700 emplois directs et indirects
et devrait promouvoir la transformation de
ces graines dans le pays, conformément
à la stratégie mise en place par l’État, qui
ambitionne de transformer, à court terme,
50% de sa production annuelle de cacao,
soit 1 million de tonnes de fèves, avant de
passer à 100%, soit environ 2 millions de
tonnes par an d’ici 2030.
Il est heureux de constater qu’Abidjan a
enfin compris que la transformation est
capitale pour apporter de la valeur ajoutée
au cacao. Elle misait jusque-là sur l’expor-
tation de millions de fèves brutes, no-
tamment en partenariat avec de grandes
multinationales suisses du chocolat très
connues, qui, une fois dans leurs pays,
transforment ces graines et reviennent les
vendre aux Ivoiriens et sur le marché in-
ternational, souvent à des prix chers. Sans
oublier l’exploitation des mineurs dans les
champs de cacao et leurs salaires misé-
rables par ces mastodontes de l’agro-ali-
mentaire, maintes fois dénoncés par des
ONG internationales et des enquêtes
journalistiques. Dorénavant la donne
devrait commencer à changer. Le pays,
en tant que premier producteur mondial
de l’«or brun» avec 45% de la production
mondiale, pourrait même dépenser ses
quelque 6 milliards de dollars de revenus
engrangés en 2021 sur ses exportations de
cacao et produits dérivés à court terme si
cette future usine tourne à plein régime,
favorisant la création de véritables indus-
tries du chocolat. Mieux, il pourrait égale-
ment stimuler sa croissance si l’on sait que
les recettes des exportations représentent
15% de son PIB. Des chiffres qui donnent
forcément de l’appétit…l
Elimane SEMBENE

GUINÉE
La junte militaire accepte finalement
une transition de deux ans
L a junte militaire au pouvoir
en Guinée fait marche
arrière après les menaces
de sanctions proférées par la
Communauté économique des
Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO). Elle a décidé de
ramener la période de transition
à deux ans, contre sa volonté
de trois ans jusque-là exprimée.
«Dans un compromis dynamique,
les experts de la CEDEAO et de
la Guinée ont conjointement
développé un chronogramme
(calendrier) consolidé de la
transition étalé sur 24 mois»,
indique un document de
l’organisation sous-régionale
publiée le 21 octobre 2022 sur
les réseaux sociaux. D’après le
colonel Mamady Doumbouya,
chef de la junte, ce calendrier
HYDROCARBURES
Le Sénégal rejoint le Forum des pays exportateurs de gaz
L e Sénégal a intégré, le 25 octobre
2022, le Forum des pays exportateurs
de gaz (Gas Exporting Countries
Forum/GECF), une organisation
intergouvernementale qui défend les
prendra effet à compter du
1er janvier 2023. Il devrait être
approuvé lors du prochain
sommet ordinaire de la
CEDEAO prévu avant la fin
de l’année. L’organisation
avait donné, le 22 septembre
dernier, un ultimatum d’un mois
aux autorités de la transition
pour présenter un calendrier
«raisonnable et acceptable». Le
cas échéant, elles subiront des
«sanctions plus sévères» que
celles qu’elle leur a déjà imposées.
Pour rappel, M. Doumbouya était
à la tête de la junte qui avait
renversé, le 5 septembre 2021,
l’ex-président Alpha Condé. Au
lendemain de ce putsch, il s’est
fait investir président et s’est
engagé à organiser des élections
crédibles pour remettre le pouvoir
intérêts des principaux pays exportateurs
de gaz naturel dans le monde. Une
décision entérinée lors de la 24e conférence
ministérielle du GECF qui s’est déroulée
le même jour au Caire. Il aura dans un
premier un statut d’observateur avant de
rejoindre ce groupe organisation considérée
comme «l’OPEP du gaz» en 2023, année
du démarrage de sa production gazière,
grâce notamment au projet Grande
Tortue Ahmeyim (GTA), un gisement
situé à 60 kilomètres des côtes sénégalo-
mauritaniennes, qui dispose d’une capacité
de 1.400 milliards de mètres cubes de gaz.
L’objectif de ce club mondial des puissances
gazières, qui a vu le jour en 2001, est
notamment de permettre à ses membres
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
Le colonel Mamady Doumbouya.
aux civils sur une période de
trois ans. Un acte condamné par
la CEDEAO, qui avait décidé de
suspendre la Guinée de toutes ses
instances, avant de suspendre, le
22 septembre, toute assistance
et transaction financière avec le
pays, ainsi que le gel des avoirs
financiers d’un certain nombre de
personnalités, et leur interdiction
de voyager dans son espace l
E. S.
d’anticiper de façon collective les évolutions
du marché du gaz naturel et de développer,
dans les meilleures conditions, l’exploitation
de leurs ressources, notamment
économiques et environnementales. Il
compte actuellement onze pays membres
à part entière, la Russie, cinq pays africains
(Algérie, Egypte, Guinée équatoriale,
Libye, Nigeria), deux du Moyen-Orient
(Iran, Qatar), et trois d’Amérique du Sud
(Bolivie, Trinité-et-Tobago, Venezuela).
Des pays qui détiennent 72% des réserves
mondiales prouvées de gaz naturel, 43%
de la production commercialisée, 55%
des exportations par gazoduc et 50%
des exportations de gaz naturel liquéfié
(GNL). Huit pays ont également un statut
d’observateur, en l’occurrence l’Angola,
le Mozambique, l’Azerbaïdjan, les Emirats
arabes unis, l’Irak, la Malaisie, la Norvège et
le Pérou l
E. S.
11
POLITIQUE
INTERVIEW DE ZAÏNA CHAHIM, députée RNI et membre
de la Commission des finances à la Chambre des Représentants
“Nous avons relevé l’audace
du gouvernement à mener une réforme
fiscale tout en instaurant l’État social”
Avocate au barreau de
Casablanca, députée et
membre du bureau politique
du parti du Rassemblement
National des Indépendants
(RNI), Me Zaïna Chahim
fait partie des membres
de la Commission des
finances à la Chambre
des représentants qui ont
entamé la discussion du
projet de loi de finances
2023, véritable test du
gouvernement Akhannouch
dans une conjoncture
difficile et imprévisible.
Propos recueillis par
Marouane KABBAJ
12
Dans quelle mesure les dispositions
du projet de loi de finances (PLF) 2023
peuvent-elles répondre à l’urgence
d’une relance économique?
Parmi les mesures du PLF 2023, deux
grandes dispositions permettront de sou-
tenir la relance économique. D’abord, la
baisse significative de l’Impôt sur les so-
ciétés (IS) réalisant un bénéfice inférieur
à 100 millions de dirhams, qui ne peut
qu’encourager de nombreuses entreprises
à investir et à embaucher. Ensuite, il y a la
poursuite de la dynamique de l’investis-
sement public, avec un montant de 300
milliards (dont 45 milliards pour le Fonds
Mohammed VI) contre 245 milliards pour
le budget de l’année dernière, soit une
hausse considérable de 22,4%.
On peut rajouter à cela la baisse de l’Im-
pôt sur le revenu (IR) quand bien même
on estime qu’elle n’est pas suffisante. On
voudrait pousser le gouvernement à une
baisse plus importante car cette dernière
peut stimuler la consommation des mé-
nages, la demande intérieure en général
et la mobilisation de l’épargne. Ces trois
“ MAINTENANT, LE TRAVAIL DU
GOUVERNEMENT CONSISTE À ORIENTER
CES INVESTISSEMENTS.
”
points peuvent être des leviers d’une re-
lance économique réelle.
Ces efforts s’accordent avec les orienta-
tions du rapport général sur le Nouveau
modèle de développement (NMD). Mainte-
nant, le travail du gouvernement consiste
à orienter ces investissements dans des
projets structurants et donner la priorité
aux projets de production, créateurs de
richesse et de postes d’emploi.
Va-t-on enfin donner naissance au
Fonds Mohammed VI pour l’investisse-
ment?
Le Fonds est, légalement, déjà mis en
place. La nomination par S.M le Roi Mo-
hammed VI, que Dieu l’assiste, de Mo-
hamed Benchaâboun à la tête du Fonds
Mohammed VI est le signal effectif de
l’activation opérationnelle du fonds. Doté
initialement de 45 milliards de dirhams,
ce Fonds sera chargé de contribuer au
financement et à l’accompagnement des
projets d’investissements prioritaires. Le
premier investissement stratégique est
déjà lancé. Il s’agit de l’usine de Bensli-

mane, qui sera livrée mi-novembre 2022,
et qui produira des vaccins aussi bien pour
le marché national que continental dès dé-
but 2023.
A-t-on fait rupture avec une exception
devenue la règle depuis deux ans, en
l’occurrence le solde ordinaire négatif?
Le redressement exceptionnel des re-
cettes, particulièrement fiscales, en 2022
(reflétant le bon rattrapage de 2021)
-malgré l’alourdissement des charges dû
au dérapage de la Caisse de compensa-
tion-, a fait qu’en 2022, le solde ordinaire
repasse au vert. Un solde ordinaire positif
traduit la capacité de l’État à générer de
l’épargne publique qui servira par la suite
soit à financer les investissements ou à ré-
duire le déficit budgétaire.
L’économie marocaine a été sévèrement
touchée durant la période du covid-19
(2020-2021). Les recettes ont naturel-
lement baissé et face à des dépenses
incompressibles et une volonté du gou-
vernement à maintenir une politique ex-
pansionniste pour soutenir l’économie, le
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
solde ordinaire s’est détérioré pour atterrir
en territoire négatif et ce, pour la première
fois depuis 2014.
Les prévisions pour l’année 2023 tablent
sur un solde ordinaire positif important de
21,2 milliards, permettant de financer 23%
des investissements prévus par le budget
de l’État.
Quelles sont les hypothèses sur les-
quelles table le gouvernement en 2023?
Les grandes lignes sont une croissance à
4%, un déficit budgétaire à 4,5% (65,7 mil-
liards) et une inflation à 2%. Pour ce faire,
le gouvernement s’est basé sur les hypo-
thèses suivantes: une récolte céréalière
moyenne à 75 millions de quintaux, un
cours moyen du gaz butane à 700 dollars/
tonne, un cours moyen du baril du Brent
à 98,6 dollars et un taux de change dol-
lar/dirham à 9,8. Ces niveaux prévision-
nels de prix et de taux sont proches des
niveaux des marchés actuels. Ainsi, ces
hypothèses semblent intégrer les aléas du
contexte difficile présent.
Le volet social est-il présent en force
dans le projet de loi de finances?
En effet, le volet social est présent à tra-
vers plusieurs mesures: L’exonération des
droits d’importation pour certains médi-
caments et produits pharmaceutiques, la
mise en place du Registre social unifié
(RSU) permettant un ciblage plus juste, la
poursuite du chantier de la généralisation
de la protection sociale, des aides directs
aux acquéreurs de logements sociaux, 26
milliards de dirhams pour préserver le pou-
voir d’achat des Marocaines et Marocains,
9,5 milliards pour intégrer plus de 4 mil-
lions de Ramedistes dans le régime AMO,
4,6 milliards additionnels pour la mise à ni-
veau des structures de la santé publique.
Mais également 2 milliards pour la géné-
ralisation du préscolaire, 1,8 milliard pour
augmenter le nombre de bénéficiaires des
cantines scolaires et des internats et 4 mil-
liards pour les augmentations des salaires
s
dans la santé publique et l’enseignement
fondamental et supérieur.
Il faut souligner que le gouvernement a
présenté un projet audacieux car il conti-
13
POLITIQUE

nue d’instaurer l’État social avec plusieurs

mesures conjoncturelles tout en lançant
une réforme fiscale.
s

Qu’en est-il de l’endettement? Y re-

court-on et à quelle hauteur?
Le déficit budgétaire prévu pour l’année
2023 ressort à près de 66 milliards de di-
rhams, en baisse de 7 milliards par rap-
port à l’année 2022. Pour en arriver à ce
niveau, beaucoup d’efforts, fiscaux et non
fiscaux, ont été fournis. Ainsi, entre autres
mesures, le gouvernement devrait mobili-
ser pas moins de 25 milliards à travers des
mécanismes innovants, ce qui n’aura pas
d’impact sur l’endettement du Trésor.
Pour le financement du déficit, il sera,
probablement, entièrement financé à tra-
vers l’endettement à hauteur de 40% sur
le marché extérieur et 60% sur le marché
interne. Le Trésor devrait mobiliser sur le
marché extérieur autour de 37 milliards de

“
LE GOUVERNEMENT DE M. AKHANNOUCH
A DÉJÀ FAIT SES PREUVES ET A MONTRÉ
SA VOLONTÉ DE SOUTENIR L’ÉCONOMIE
NATIONALE.
dirhams en 2023, contre 40 milliards en
2022.
Ainsi, l’endettement du Trésor devrait pas-
ser à 69,3% du PIB en 2023. Certes, ce
niveau paraît élevé pour un pays émer-
gent, mais, ce qui compte, c’est plutôt la
soutenabilité de la dette et, au jour d’au-
jourd’hui, toutes les études montrent que
la dynamique de la dette du Trésor reste
maîtrisée. D’ailleurs, le rapport écono-
mique et financier accompagnant le PLF
2023 consacre tout un chapitre à ce sujet.
Ce PLF est le véritable premier test du
gouvernement Akhannouch. D’après
votre première lecture, lui permettrait-il
de sortir de l’impasse actuelle et de
maintenir à un niveau tenable le pou-
voir d’achat des Marocains?
Le gouvernement de M. Akhannouch a
déjà fait ses preuves et a montré sa volon-
té de soutenir l’économie nationale et pré-
”
server le pouvoir d’achat des Marocains.
Le fait de ne pas faire des coupes sur le
budget des investissements (ce n’était
même pas une option) comme l’a fait
l’ancien gouvernement, malgré la hausse
importante des charges, montre que ce
gouvernement priorise la croissance et le
futur des Marocaines et des Marocains.
Concernant le pouvoir d’achat, la meil-
leure preuve est la multiplication par 2,4
du budget de la compensation afin de
garder les prix des produits de première
nécessité stables et soutenables et ne pas
éroder le pouvoir d’achat des citoyennes
et des citoyens.
Que ce soit dans le PLF 2023 ou en de-
hors de ce Budget général, que prévoit
le gouvernement pour dynamiser le
marché de l’emploi?
Plus de 28.000 postes budgétaires seront
créés, d’après le projet de loi de finances
2023. Mais en sus de cela, il faut dire que
le gouvernement a mis en œuvre plu-
sieurs programmes, comme Awrach, qui
a aidé à créer plus de 250.000 emplois,
ou encore Forsa, qui porte déjà ses fruits
compte tenu que le gouvernement a reçu
plus de 12.000 demandes. Pour ce dernier
programme, on peut dire qu’il démarre très
bien.
En outre, tous les efforts se conjuguent
pour la création de plus d’opportunités
d’emplois, profitant de la dynamique éco-
nomique qui s’installe graduellement.
Etant membre de la commission des
Finances à la Chambre des représen-
tants, vous avez entamé la discussion
du PLF 2023. Quelle impression se
dégage d’une première lecture de ce
projet?
La discussion entre les membres de la
commission a commencé mercredi 26 oc-
tobre. Avant cela, nous avons relevé cette
audace du gouvernement de mener une
réforme fiscale tout en instaurant l’État so-
cial en dépit de la difficile conjoncture, ce
qui traduit la volonté de l’Exécutif d’hono-
rer ses engagements et de respecter son
programme l

14
 1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022

DIPLOMATIE RÉGIONALE
Le Forum du Néguev, depuis Dakhla
et contre l’axe algéro-iranien
Dans quelques mois, ce sera au Sahara marocain qu’Israël et les pays arabes ayant normalisé avec lui ainsi que
les États-Unis se retrouveront pour coordonner leur action.

C’
est donc bien “dans un dé-
sert différent” qu’Israël et les
pays arabes ayant normalisé
avec lui, y compris le Maroc,
ainsi que les États-Unis devraient bientôt se
retrouver, en l’occurrence celui du Sahara
marocain. Après un premier sommet les 27
et 28 mars 2022 dans le Néguev israélien,
l’ensemble des pays cités, réunis désormais
dans le cadre d’un forum dit justement Fo-
rum du Néguev, se sont en effet donné ren-
dez-vous dans la ville de Dakhla, et ce au
mois de janvier 2023. L’information a ainsi
été publiée sur le ton de l’affirmation par
la plateforme électronique de la chaîne de
télévision israélienne I24, avant d’être par la
suite reprise dans de nombreux médias sans Le premier sommet du Néguev tenu les 27 et 28 mars 2022.
qu’elle n’ait pour l’heure été démentie.
que c’est le souhait du Maroc même: c’est le au Forum du Néguev, ce contre quoi la di-
Nouvel axe du mal ministre des Affaires étrangères, Nasser Bou- plomatie algérienne aurait, en contrepartie,
Elle tombe de toute façon totalement sous rita, qui à l’issue de la première édition avait fait des mains et des pieds dans sa tentative
le sens, puisqu’en dehors de l’Égypte et d’Is- formulé le vœu que lui et ses homologues de délégitimer le rapprochement fait par le
raël, qui toutefois soutiennent ouvertement se “rencontr[ent] très bientôt dans un désert Royaume avec Israël et aussi une volonté
l’intégrité territoriale du Maroc, tous les différent, mais avec le même esprit”. manifeste de mettre la main sur le Comité
pays concernés ont officialisé leur reconnais- Comme objectif principal, on rappellera que Al-Qods, présidé depuis sa mise en place en
sance de la marocanité des provinces du Sud la grande idée du Forum du Néguev est “de juillet 1975 au niveau de l’actuelle Organisa-
et s’y sont même d’ores et déjà doté dans faire avancer les projets régionaux dans les tion de coopération islamique (OCI) par les
le cas de Bahreïn, des Émirats arabes unis domaines de la sécurité régionale, de la sé- monarques marocains.
et de la Jordanie de consulats dans la ville curité alimentaire et de l’eau, de l’énergie, Le régime iranien, allié d’ailleurs désormais
de Laâyoune, chef-lieu desdites provinces. de la santé, de l’éducation et du tourisme»; déclaré d’Alger et auquel les pays du Forum
Dans le cas des États-Unis, seul le lobbying agenda qui, de fait, n’exclut aucun pays du Néguev s’opposent unanimement, s’ac-
algérien au sein des institutions législatives arabe. tiverait également dans les coulisses contre
américaines a retardé l’échéance, mais pour Le Soudan, qui avait également normalisé le ralliement de la Palestine au forum. Ce
autant et contrairement à ce à quoi avait avec Israël en octobre 2020, pourrait notam- qui n’est sans doute pas sans confirmer le
appelé l’Algérie avec insistance l’administra- ment être convié, mais aussi et surtout la processus actuel de formation d’un nouvel
tion du président Joe Biden n’est jamais re- Palestine, qui rappelons-le avait été, dans axe du mal régional dénoncé, soit dit en
venue sur une reconnaissance qui avait été le cadre des accords d’Oslo, le deuxième passant, à plusieurs reprises par le Maroc
actée en décembre 2020 par le prédécesseur pays arabe à reconnaître l’État hébreu lui-même depuis plus de quatre ans et qui
de ce dernier, à savoir Donald Trump. Rien après l’Égypte: on parle depuis plusieurs légitime à plus forte raison la création d’une
donc qui puisse prévenir la tenue de ce qui mois d’ailleurs d’une médiation menée par coalition telle que celle que constitue le Fo-
constituerait alors la deuxième édition du le Maroc pour que l’Autorité palestinienne, rum du Néguev l
Forum du Néguev à Dakhla, d’autant plus contrôlée par le Fatah, s’invite également Wissam EL BOUZDAINI

15
COUVERTURE

PÉNURIE D’EAU

L’AFFAIRE DE TOUS
Dans son discours au Parlement, le 14 octobre 2022, Sa Majesté le Roi
a donné l’alerte sur l’urgence du problème de l’eau. L’état actuel
des ressources hydriques interpelle gouvernement,
institutions et citoyens.
PAR WISSAM EL BOUZDAINI

16
 cette nation, le roi Mohammed VI n’ignore, à
l’évidence, pas lui-même. “Principe premier
de toute forme de vie, l’eau est aussi une
composante essentielle du processus de dé-
veloppement et une ressource indispensable
à la viabilité des projets et activités produc-
tives, dans leur ensemble” vient-il d’ailleurs
LA POLITIQUE DES de souligner dans son discours d’ouverture
GRANDS BARRAGES du parlement du 14 octobre 2022, dont un
des deux points focaux -avec celui de l’inves-
QUE L’ON DOIT À tissement- a justement été “la problématique
HASSAN II QUI, IL Y de l’eau et les défis urgents et futurs qui s’y
rattachent”.
A LIEU DE LE DIRE, Le Souverain avait ainsi mis en exergue,
A FAIT ÉCOLE DANS dans ce discours, le fait “que le pays tra-
verse actuellement la période de sécheresse
LE RESTE DU MONDE la plus intense qu’il ait connue depuis plus de
ARABE ET trois décennies”.
DE L’AFRIQUE. Un programme national prioritaire
Selon par exemple une étude élaborée par
le ministère de l’Équipement sur la pénurie
d’eau et les mesures d’urgence pour sé-
curiser l’approvisionnement, jamais le ciel
marocain n’a été aussi peu clément depuis
qu’en 1981 le Maroc a commencé à mesurer
son taux de précipitations: 39mm seulement
sur la période courant de septembre 2021 à
février 2022, soit près de 64% de moins que
le record de 61mm enregistré en 1994, celle
consisté en 3 MMDH d’aides octroyés via
le Fonds Hassan-II pour le développement
économique et social, 1,12 MMDH servant
à accélérer la mise en œuvre de l’assurance
sécheresse et 6 MMDH pour le rééchelon-
nement de la dette des agriculteurs et le fi-
nancement des opérations d’approvisionne-
ment du marché national en blé et aliments
du bétail et des investissements innovants
en matière d’irrigation. En somme, un véri-
table sacrifice financier représentant tout de
même près de 1% du produit intérieur brut
(PIB) et qui, on le devine, n’est pas repro-
ductible à l’envi. Par là même, une meilleure
gestion des ressources hydriques s’impose.
A ce titre, il se trouve que dès janvier 2020,
Mohammed VI avait procédé au lancement
du programme prioritaire national d’appro-
visionnement en eau potable et d’irrigation
2020–2027, et ce pour la bagatelle de 115,4
MMDH.
Une enveloppe à laquelle doivent aussi
s’ajouter plus tard, et ce à l’horizon 2050,
quelque 268 MMDH, de sorte à compléter
la mise en œuvre du plan national de l’eau
(PNE) adopté en décembre 2019 par le gou-
vernement Saâd Eddine El Othmani et dont
le programme prioritaire ne doit constituer
que l’ébauche.

C’
est Théodore Steeg,
l’ancien résident gé-
néral de France et
plus tard président du
conseil des ministres
français, qui, raconte-t-
on, aurait dit qu’“au Maroc, gouverner, c’est
pleuvoir”, tant la pluviométrie s’est toujours
retrouvée au cœur des enjeux politiques na-
tionaux. Les Berbères de l’antique Mauréta-
nie tingitane n’avaient-ils pas déjà fait d’An-
zar, personnification de la pluie dans leur
mythologie, un “aguellid”, c’est-à-dire un roi?
C’est dire si, au-delà des discussions de po-
qui était restée dans les annales comme
celle de la “crise cardiaque”, expression po-
pularisée alors par le roi Hassan II. Les bar-
rages eux, sont même descendus au taux de
remplissage famélique de 24%, alors qu’à
un moment on s’alarmait encore du “simple”
fait qu’il allait passer en-dessous du seuil de
30% -ce dont, rétrospectivement, on se sa-
tisferait sans doute bien aujourd’hui.
Mais au-delà de ces chiffres qui ne peuvent,
en dernière analyse, donner qu’une appré-
ciation machinale de la situation, la chose a
surtout eu un effet concret sur la vie des agri-
culteurs, ces “fellahs” qu’en son temps le po-
litologue français Rémy Leveau qualifiait de
“défenseurs du Trône”; n’étaient les quelque
Mise en œuvre
De quoi s’agit-il au juste? D’abord, la priorité
des priorités, celle qui, en tout cas, engloutit
plus de la moitié du programme prioritaire
(61 MMDH exactement), apparaît comme
étant la construction des barrages.
A cet égard, le Maroc n’est, pour le moins,
pas vraiment dépourvu, ayant notamment
bénéficié de la politique des grands barrages
que l’on doit à Hassan II qui, il y a lieu de
le dire, a fait école dans le reste du monde
arabe et de l’Afrique.
Politique que Mohammed VI a par la suite
reprise à son compte, puisque comme il l’a
rappelé au parlement, il est lui-même à l’ori-
gine de “plus de 50 nouveaux ouvrages de
s

litique générale qui en découlent, la raréfac-
tion des ressources hydriques à laquelle est
soumis le Royaume depuis de nombreuses
années est sans doute et avant tout une
question de survie de la nation marocaine.
Ce que, en tant que représentant suprême de
10 milliards de dirhams (MMDH) mobilisés,
sur instructions royales, à la mi-février 2022
au titre du plan de lutte contre les effets de la
sécheresse, la casse n’aurait sans doute pas
pu être limitée.
Lesquels 10 MMDH avaient, on le rappelle,
grande ou moyenne taille”, tandis que “20
autres sont en cours”. Dans le même sens,
le ministre de l’Équipement, Nizar Bara-
ka, avait indiqué lors de sa participation au
dernier Symposium de l’eau, organisé le 5
octobre 2022 dans la ville de Casablanca,

1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 17

COUVERTURE
que 129 barrages collinaires allaient être
construits; ce qui constitue un pas de géant
en avant quand on sait que seuls huit sont
s
généralement programmés par an.
La politique des grands barrages
Selon des informations données par le pré-
décesseur de M. Baraka, à savoir Abdelka-
der Amara, au moment de la présentation du
programme prioritaire, ce sont 909 barrages
collinaires que le Maroc peut potentiellement
accueillir, et si les moyens le lui permettent,
on peut imaginer que les pouvoirs publics
feront le nécessaire pour maximiser les ca-
pacités du Royaume à ce niveau. Mais ce
serait, ceci dit, avoir la vue courte que de
seulement compter sur les barrages, et à ce
propos l’État semble miser sur deux autres
ressources principalement: les eaux usées,
dans un objectif essentiel d’irriguer les es-
paces verts sans recourir à l’eau propre à la
consommation et donc éviter un gaspillage
qui par exemple a été cette année d’un mil-
liard de m3 (2,3 MMDH se sont vu allouer par
le programme prioritaire à cet effet); mais
aussi et surtout l’eau de mer. Après des ex-
périences réussies dans la région du Saha-
ra, la plus aux prises à la sécheresse, en
l’occurrence dans les villes d’Akhfenir, Bou-
jdour, Laâyoune et Tantan, le modèle a plus
récemment été reproduit plus au Nord, dans
les villes d’Agadir et d’Al Hoceima et devrait
également bientôt l’être dans d’autres.
18
UNE MENACE QUI PLANE ÉGALEMENT,
EN OUTRE, SUR D’AUTRES BASSINS
HYDRAULIQUES NATIONAUX.
En tête des villes ciblées, Casablanca, dont
le barrage Al-Massira, dans la province de
Settat, n’arrive plus à subvenir aux besoins
gargantuesques (il était descendu, au cours
du mois d’août, à son plus bas taux de rem-
plissage depuis son inauguration en 1979, à
savoir 5%).
La grande autoroute de l’eau
Ainsi, une station est prévue dans la méga-
lopole même, qui pourra par ailleurs égale-
ment compter sur la station en construction
dans la ville d’El Jadida, pourtant initialement
non prévue dans le programme prioritaire
mais que la réalité du moment a fini par im-
poser au point que c’est dès décembre 2022
qu’elle devrait entrer en fonction (comme par
ailleurs dans la ville de Nador, où une station
de dessalement devrait également voir le
jour). Il faut dire aussi que le temps presse:
selon les prévisions les plus optimistes, Ca-
sablanca ne pourra, dès 2025, plus subvenir
à ses besoins, ce qui obligerait les autorités
à opérer des coupures régulières d’eau,
comme d’ailleurs la rumeur avait à un mo-
ment circulé au cours de l’été au plus fort de
la canicule.
Les effets
visibles de la
sécheresse.
Une menace qui plane également, en outre,
sur d’autres bassins hydrauliques nationaux
comme ceux de la Moulouya, de l’Oum Er-
rabia et du Tensift et qui avait notamment
nécessité que le gouvernement Aziz Akhan-
nouch débourse 2,042 MMDH dans le cadre
d’un plan d’urgence mis en œuvre tout au
long des premières semaines de l’année
2022. Heureusement, ce ne sont pas tous
les bassins hydrauliques qui sont concernés,
puisqu’en dépit du déficit de cette année
2022 -qui a tout de même pu atteindre les
70%- ceux du Loukkos ou encore du Sebou
restent autosuffisants et sont même en me-
sure de fournir en eaux les autres bassins;
idée sur laquelle Mohammed VI est lui-même
revenu au parlement en insistant sur “la mise
en place d’interconnexions hydrauliques”.
Il s’agit là aussi, en fait, de la reprise du vieux
rêve de la grande autoroute de l’eau à travers
laquelle l’État compte, à partir du Nord, géné-
ralement plus pluvieux que le reste du pays,
desservir le Sud jusqu’en plein désert: c’était
le montant rondelet de près de 31 MMDH
d’investissement qui avait à un moment été
avancé pour un projet en trois phases de-
vant aboutir en 2025, avant d’être enterré
alors que les cabinets d’ingénieries Novec,
filiale de la Caisse de dépôt et de gestion,
et Conseil-ingénierie-développement (CID)
ainsi que l’espagnol Typsa avaient, en avril
2014, remporté un appel d’offres de l’Office
national de l’eau et de l’électricité (ONEE)
pour plancher dessus. A en croire toutefois
le propos tenu par M. Baraka lors de la der-
nière réunion tenue le 21 octobre 2022 par
le comité national chargé du suivi de l’état
de l’approvisionnement en eau, mis en place
le 30 juin 2022 par le gouvernement Akhan-
nouch, la partie intéressant le transfert d’eau
du bassin de Sebou à celui de Bouregreg est
de nouveau pleinement d’actualité.
de l’eau devenir réalité? Reste en tout cas
que, quel que ce soit l’effort consenti par
l’État, il restera, somme toute, nul du mo-
ment que le citoyen ne s’implique pas.
Comme l’a rappelé Mohammed VI au parle-
ment, “il nous incombe, à nous tous, en tant
que Marocains, de redoubler d’efforts pour
faire un usage responsable et rationnel de
l’eau”. “Cela passe par un changement vé-
ritable de comportement dans notre rapport
à l’eau,” avait-il poursuivi. On rappellera que
le programme prioritaire dédie 50 millions
de dirhams à la communication et la sensi-
bilisation en vue de renforcer la conscience
liée à l’importance de la préservation des
drique et qu’en 2030 on devrait en être à une
moyenne deux fois inférieur, le moins que
l’on puisse en conclure est qu’il n’y aura pas
d’autres choix.
Ainsi, un renchérissement des factures
d’eau ne sera pas à écarter, d’autant que
l’eau se vend actuellement à un prix qui
n’est pas exactement le sien: le rapport de
la Commission spéciale sur le modèle de dé-
veloppement (CSMD), présenté devant Mo-
hammed VI en mai 2021, avait, à cet égard,
mis en évidence ce qu’il avait décrit comme
étant une “péréquation tarifaire tacite entre le
secteur de l’eau et le secteur de l’énergie” et
qui fait que concrètement, par exemple, les

Sensibilisation des citoyens
Le communiqué publié à l’issue de la réunion
a, ainsi, indiqué qu’“une attention particulière
a été accordée au lancement [de ce] trans-
fert”. Pourquoi pas alors imaginer l’autoroute
ressources en eau et la rationalisation de
son utilisation; en revanche, il faut se dire
que l’État se devra bien, à un moment ou un
autre, frapper du poing sur la table: quand on
sait qu’au dessous de 1.000m3 par citoyen
et par an l’on est en situation de stress hy-
s
services de barrage et d’irrigation sont consi-
dérés comme gratuits parce que répercutés
sur ceux de l’infrastructure énergétique (une
des orientations du Roi au parlement a d’ail-
leurs été de “prendre en compte le coût réel
de l’eau à chaque étape de la mobilisation

STRESS HYDRIQUE
Va-t-on réduire le business de l’eau en bouteille ?

L es problèmes d’accès à
l’eau que l’on connaît
actuellement sont le
fruit de la conjonction à la
fois d’une absence de précipi-
tations assez exceptionnelle,
d’une agriculture déraisonnée
qui privilégie des cultures
fort consommatrices de cette
ressource naturelle dans des
zones arides et, enfin, de la
multiplication des prélève-
ments d’eau souterraine au
cours de ces dernières années
un peu d’une façon anar-
chique et incontrôlée.
Avec la sécheresse, les
citoyens et les agriculteurs
de certaines régions du
Royaume s’adaptent en rédui-
sant leur consommation et en
abandonnant leurs récoltes
hors saison. Mais qu’en est-il
de l’eau que l’on consomme en
bouteille, nos eaux minérales
et de sources ? Allons-nous
en manquer ou sa production
va-t-elle devoir être réduite
par les sourciers ?
Décidément, on ne voit rien
arriver. Aucune annonce de
réduction de la production
de la part des entreprises
opérant dans ce secteur ni
du gouvernement qui a été
appelé par le Roi Mohammed
VI, dans son discours royal à
l’occasion de l’ouverture de la
session parlementaire du 14
octobre 2022, à prendre ses
responsabilités et à freiner
l’exploitation des eaux sou-
terraines qui diminuent de ces sociétés qui engrangent taines usines dans les nappes
manière alarmante. des bénéfices faramineux phréatiques, réduit le niveau
Quelle aberration ! Qui est implantent leurs usines, d’eau de celles-ci. Qu’attend le
censé réguler l’activité de ces les sources d’eau naturelle gouvernement Akhannouch
sourciers ? Qui osera leur tarissent, condamnant les pour agir ? l
rappeler que nous risquons populations locales à de leur
de manquer d’eau potable, principale source de vie. La Marouane Kabbaj
pas celle embouteillée ? Là où quantité d’eau puisée par cer-

1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 19

COUVERTURE
“IL NOUS INCOMBE, À NOUS TOUS, EN TANT QUE
MAROCAINS, DE REDOUBLER D’EFFORTS POUR FAIRE
UN USAGE RESPONSABLE ET RATIONNEL DE L’EAU”
de cette ressource (l’eau, ndlr), de considé-
rer ce que cela implique en termes de trans-
parence et de sensibilisation aux différents
s
aspects de ce coût”.
Dans le domaine de l’agriculture en particu-
lier, on parle également de quotas d’irriga-
tion proportionnels à la superficie agricole
des exploitations, qui viendraient s’ajouter
aux objectifs de gestion de la demande et de
valorisation de l’eau dans le secteur et que
le programme prioritaire a doté d’un budget
LES BARRAGES, UNE POLITIQUE QUI S’EST AVÉRÉE PAYANTE
Le meilleur rempart contre le stress hydrique
C’ est en 1967 que le Roi Hassan
II va donner un nouveau
souffle à la politique des
barrages avec l’objectif d’irrigation d’un
million d’hectares à l’horizon de 2000,
une politique que S.M. le Roi Mohammed
VI va adopter, en construisant de 2 à 3
barrages par an.
Grâce à cette politique, le Maroc dispose
actuellement de 149 barrages pour une
capacité globale supérieure à 19 milliards
de mètres cubes, une infrastructure vitale
qui permet aux Marocains de bénéficier
de l’eau potable malgré le stress hydrique
qui menace notre région.
Sidi Saïd Mâachou est le plus ancien de
ces barrages en question, il a été inaugu-
ré en 1929, alors que les plus importants
en termes de capacité de retenue sont
Al Wahda (3,8 milliards m3), Al Massira
(2,76 milliards m3), Bin El Ouidane (près
de 1,4 milliard m3), Idriss 1er (environ 1,2
milliard m3), Sidi Mohamed Ben Abdellah
(1 milliard m3), Oued El Makhazine (773
millions m3) et El Mansour Addahbi (
529 millions m3). Sans oublier le barrage
Hassan II, situé sur l’oued Moulouya, à
20 km de la ville de Midelt. Il est mis en
20
de 25,1 MMDH: il s’agit, en l’espèce, de 14,7
MMDH pour la poursuite de la réalisation du
programme national d’économie d’eau d’irri-
gation et 9,4 MMDH pour la conversion des
systèmes d’irrigation traditionnels en sys-
tèmes d’irrigation goutte-à-goutte, pour une
superficie globale de 510.000ha et 160.000
agriculteurs bénéficiaires. Il faut aussi si-
gnaler que dans le cadre de la réforme des
modalités d’octroi de la subvention pour
l’aménagement hydro-agricole dans les ex-
service en 2006. Ce
barrage de 115m de
hauteur dispose d’une
capacité de stockage de
400 millions de m3.
Malgré ce patrimoine
riche et cette infrastruc-
tures hydraulique diver-
sifiée, l’offre en eau au
Maroc commence à faire
face à des problèmes vu
la forte demande qui ne
cesse d’augmenter, les
aléas des changements
climatiques, la dégra-
dation des ressources
conventionnelles et aussi la compétition
croissante entre les divers usages de
l’eau (agricole, touristique, industriel et
domestique).
Conscient de la pénurie d’eau à laquelle il
fait face, le Royaume envisage d’ici 2030
d’inaugurer plusieurs stations de dessale-
ment d’eau de mer, comme il permettra à
l’irrigation de profiter d’autres ressources
en eau non conventionnelles grâce aux
stations de traitement d’eaux usées.
Dans la conjoncture où le Maroc est
ploitations agricoles, actée en mai 2022,
les cultures hydrovores que sont celles des
avocatiers, des pastèques et des nouvelles
plantations d’agrumes ne sont désormais
plus éligibles au programme de soutien à
l’irrigation localisée.
D’autres mesures sont également sans
doute à attendre en ce qui concerne les
eaux souterraines et les nappes phréatique,
qui, comme l’a regretté Mohammed VI au
parlement, pâtissent du pompage illégal et
du creusement de puits anarchiques alors
qu’elles gagneraient à être exploitées plus
rationnellement; ce qui est sûr est qu’il n’y a
plus de temps encore à perdre. Autrement,
ce serait faire déshonneur à la vérité mil-
lénaire du Maroc exprimée par Théodore
Steeg…l
confronté à la pire sécheresse qu’il a
vécu depuis plus de trois décennies,
les dernières pluies qu’a connues le
Royaume ont au moins donné l’espoir
que cette année ne sera pas comme la
dernière vu que le taux de remplissage
des barrages a augmenté de 240 millions
de mètres cubes, comme l’avait déclaré
Nizar Baraka, le ministre de l’équipement
et de l’eau: «Nous sommes passés d’un
taux de 24% à 25%»l
I. B.
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 21
COUVERTURE
LES MAROCAINS ET LA PLUIE
Une histoire
singulière
Des anciens romans à Volubilis, à travers les civilisations
amazighes jusqu’à aujourd’hui, les Marocains ont toujours
eu un lien spécial, passionnel et même divin avec l’eau et la pluie.
“A
u Maroc, gouverner,
c’est pleuvoir.” Cette
phrase fut prononcée
par Théodore Steeg,
résident général au Ma-
roc de 1925 à 1929. Il annonce ainsi, que
sans pluie, l’ensemble des équilibres éco-
nomiques et politiques au Maroc peuvent
être remis en cause. Pays qui se repose
principalement sur l’agriculture, plus de
15% du PIB actuellement, au Maroc la pluie
est synonyme de croissance, de richesses,
d’épanouissement et de stabilité pour des
millions de citoyens qui depuis des siècles
se basent sur l’agriculture comme activité
principale. Pilier principal de l’activité éco-
nomique, l’eau et la pluie sont également
«liés à la dynamique des Marocains, les
unissent et fortifient les liens sociaux», se-
lon le sociologue Ali Chaabani, professeur
visiteur à l’institut supérieur de l’informa-
tion et de la communication. Ce dernier
explique que «Depuis longtemps, les ri-
vières ne remplissaient pas seulement les
fonctions traditionnelles mais étaient aussi
des points de rencontre pour les femmes
marocaines où elles chantaient, dansaient,
partageaient des informations…».
Toutefois, ce lien spécial se trouve souvent
menacé de vagues cycliques de sécheresse.
En effet, les différentes régions du Maroc
ont connu des périodes d’intenses séche-
resses caractérisées par une diminution des
pluies et une tendance à la hausse des tem-
pératures. Ce qui pourrait impacter négati-
22
vement l’agriculture, les ressources en eau,
crée des mouvements d’immigration de la
population rurale et même crée «un état
de frustration générale chez les citoyens,
comme on peut le constater actuellement
facilement», nous annonce le sociologue
Chaabani, qui précise que «les campagnes
de communication par les différents minis-
tères et institutions pour économiser l’eau
ont rendu ce sujet un sujet de débat quo-
tidien pour l’ensemble des Marocains et
même une source de frustration générale».
Une frustration qui trouve racine dans les
situations d’instabilité, allant des émeutes,
dans la destruction de l’agriculture qui a
créé parfois des famines, hausse des prix et
des maladies qui accompagnaient chaque
sécheresse.
La sécheresse, une frustration
Face à ces situations critiques, les Amazighs
organisaient des rites spéciaux. Des femmes
et enfants vont de douar en douar, de vil-
lage en village ou de sanctuaire en sanc-
tuaire, précédés d’une cuiller revêtue de la
parure d’une mariée «tasslit». Sur son pas-
sage, cette poupée est aspergée d’eau du
haut des maisons. Des dons et des aumônes
MALGRÉ LA PANOPLIE DES PROGRAMMES ET
LA POLITIQUE PROACTIVE DU MAROC POUR LA
GESTION DE SES RESSOURCES HYDRIQUES, LA PRIÈRE
DE LA PLUIE DEMEURE IMPORTANTE.
sont recueillis auprès des habitants qui se-
ront par la suite consacrés à un banquet
rituel, organisé, selon les régions, à proxi-
mité d’un cours d’eau, d’un champ de blé,
du sanctuaire d’un saint ou au-dessus d’un
monticule. C’est un rite qu’on appelait «ta-
ghounja», «la mariée de la pluie» pour faire
face à la sécheresse qui menace la terre,
les récoltes, les sources d’eau, et ce pour
implorer le ciel afin qu’il pleuve. D’ailleurs,
ces anciennes croyances et pratiques, liées
également à la mythologie grec, romaine
et nord-africaine, sont loin d’être disparues.
Elles gisent encore à l’état inconscient dans
les comportements, rites et coutumes ma-
rocains. Ainsi, différents chants, chansons et
poésies sont toujours répétés pour implorer
la pluie. Aujourd’hui encore, les Marocains
n’hésitent pas à implorer Dieu pour la pluie.
C’est toujours les enfants, ceux qui mémo-
risent le Coran surtout, qui sortent d’abord
en destination des mosquées pour accom-
plir la prière de l’Istisqaa, une prière à deux
 Taghounja. Les enfants
implorent le Tout Puissant pour
des précipitations abondantes.

avancés ne privent pas le «Commandeur

rakaat, tout en portant des planches de bois
traditionnelles où sont écrits des versets co-
raniques.
Ainsi, les jeunes enfants, suivis par des
groupes d’hommes, se dirigent vers les mos-
quées des quartiers éloignés dans un état
de révérence, de soumission et de supplica-
pour l’Approvisionnement en Eau Potable
et l’Irrigation (PNAEPI) 2020-2027 et le Plan
national de l’eau (PNE) 2020-2050.
Toutefois, ces politiques et programmes
AMANE, UNE PLONGÉE DANS L’HISTOIRE DE L’EAU AU MAROC
des croyants» d’en appeler à Dieu pour les
mêmes fins. «Une majorité de Marocains
croient aux vertus de la prière, même s’ils
regardent aussi avec attention les bulletins
météorologiques à la télévision», avance
le politologue marocain Mohammed Tozy
dans son livre Monarchie et islam politique.
Tozy souligne également que «la prière ro-
gatoire n’est pas assortie d’une obligation
de résultat. Si la pluie ne survient pas, c’est
que la communauté n’a pas expié tous ses
péchés». Ainsi, on remarque aujourd’hui
facilement sur les réseaux sociaux, dans
les discussions aux taxis ou au train, que le
stress hydrique, mot qui est sur toutes les
lèvres, est souvent lié à une situation de
crise générale de valeurs et de «manque de
respect», comme si le manque de pluie est
une forme de punition divine.
Ainsi, l’eau ou la pluie au Maroc ne pré-
sentent pas seulement une ressource na-
turelle qui conditionne la prospérité écono-
mique mais affecte également la stabilité
sociale l
HIBA CHAKER

tion pour la pluie. Puis, après la prière, les
fidèles renversent leurs djellabas, un signe
pour dire que la situation va changer bien-
tôt. Plus récemment, tous les Marocains se
rappellent de la prière d’Istisqaa que S.M. le
Roi Mohammed VI a faite durant le confine-
ment du Covid 19.
La prière de l’Istisqaa
Malgré la panoplie des programmes et la
politique proactive du Maroc pour la ges-
tion de ses ressources hydriques, cette
prière demeure importante. En effet, pour
conjurer la sécheresse, Hassan II avait aussi
lancé, dans les années 1980, un programme
d’ensemencement des nuages baptisé «Al-
Ghaït» mobilisant les Forces royales air et
la coopération bilatérale américaine ainsi
que la construction d’une dizaine de bar-
rages. Pour sa part, le Roi Mohammed VI
a poursuit son engagement institutionnel,
notamment à travers les deux programmes
phares, à savoir le Programme National
A
mane, eau en amazigh, est le
nom du Musée Mohammed
VI pour la civilisation de l’eau,
inauguré par le Prince héritier Moulay
El Hassan en 2017. Situé à Marrakech,
Aman est la première structure du
genre dans le monde arabe dédiée
au patrimoine hydraulique marocain,
arabe et musulman.
Situé sur un terrain de 5 ha à l’entrée
du circuit de la Palmeraie, à moins
d’une centaine de mètres du pont de
Le musée de l’eau de Marrakech.
Tensift, bâti par Ali Ben Youssef au début
du 12ème siècle, le musée se compose de 2 parties, le bâtiment et le projet du parc, qui
est une continuation du musée et se déploie sur 3 hectares et présente un modèle de
revitalisation de la palmeraie. Il présente l’histoire de l’eau et les techniques hydrau-
liques adoptées dans l’organisation traditionnelle du Maroc. Le musée met en valeur
le génie marocain de la gestion de l’eau depuis plusieurs siècles. Mais pas seulement.
D’autres thématiques en lien avec l’eau et ses usages sont également proposées, et
ce, sous différents angles: scientifique, sociétal, stratégique, culturel, cultuel…
Un concept novateur et contemporain tant par sa conception architecturale et muséo-
graphique que par la richesse de ses expositions l H.C.

1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 23

COUVERTURE

MONTÉE EN PUISSANCE DES PROJETS DE DESSALEMENT

D’EAU DE MER DÉVELOPPÉS PAR L’ONEE

La meilleure réponse à une pénurie

d’eau structurelle
L’équilibre entre la demande et l’offre en eau conventionnelle étant de plus en plus difficile à maintenir
dans certaines régions du Royaume, l’Office National de l’Électricité et de l’Eau Potable (ONEE) a mis
l’accent sur le développement de grands projets de dessalement d’eau de mer comme l’une des solutions
au déficit hydrique profitant du coût compétitif de l’électricité d’origine éolienne et solaire.

L
e Maroc passe par une situa-
tion de stress hydrique inédite.
Auparavant, ses stocks en eaux
superficielles (barrages) et
souterraines, ressources dites
conventionnelles, jouaient le rôle d’amor-
tisseurs du choc de la sécheresse. En
baisse continue, les réserves actuelles se
trouvent dans une situation inquiétante.
Le modèle hydrique marocain atteint ses
limites du fait de sa dépendance de para-
mètres externes difficiles à gérer, à savoir
les changements climatiques et l’impact
direct sur la mobilisation des ressources
en eau. Ces ressources en eau convention-
nelles sont d’autant plus caractérisées
par leur répartition inégale sur les plans
spatial et temporel qu’elles aggravent la
situation sous l’effet non seulement des
changements climatiques mais aussi de
l’accroissement de la demande en eau po-
table consécutive à l’évolution socio-éco-
nomique que connaît notre pays.
Si le Royaume s’est engagé depuis plu-
sieurs décennies dans la mobilisation de
ses ressources en eau souterraines et su-
perficielles afin de satisfaire les besoins en
eau potable et en eau d’irrigation, dans
les zones dépourvues de ressources en eau
conventionnelles, on a recouru au dessale-
ment de l’eau de mer. Avec seulement 600
m3 d’eau par habitant et par an, le Maroc
est aujourd’hui en situation de pénurie
d’eau et les ressources conventionnelles

24
disponibles et mobilisables ne peuvent
répondre, à elles seules, à cette demande
en eau sans cesse croissante.
Forte dépendance
De plus, la forte dépendance de la produc-
tion de l’eau potable des ressources en
eau conventionnelles -qui avoisine 97%
actuellement- rend l’approvisionnement
en eau potable de plusieurs régions du
Royaume dont la desserte est assurée ex-
clusivement à partir de ces ressources vul-
nérable aux aléas climatiques.
LES EFFORTS CONSENTIS PAR L’ONEE, TRADUITS PAR
LE RECOURS AU DESSALEMENT DE L’EAU DE MER,
DONNENT AUJOURD’HUI LEURS FRUITS.
La station de dessalement
de l’eau réalisée par l’ONEE
dans la région de Laâyoune.
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
Dans ce contexte, l’équilibre entre la de-
mande et l’offre de l’eau conventionnelle
devient de plus en plus difficile à mainte-
nir dans certaines régions et le recours
aux ressources en eau non convention-
nelles et particulièrement le dessalement
de l’eau de mer devient un impératif in-
contournable.
L’ONEE a capitalisé une expérience de
plus de 45 ans dans le domaine du dessa-
lement de l’eau de mer, qui s’est traduite
par la réalisation de 9 stations de dessa-
lement avec une capacité globale de plus
de 230.000 m3/jour, dont la plus ancienne
unité a été réalisée à Boujdour en 1977.
Aussi, mettant à profit les atouts majeurs
dont jouit notre pays, à savoir 3.500 km
de côtes sur ses façades atlantique et mé-
diterranéenne et une forte littoralisation
de l’urbanisation et du développement
économique, l’ONEE a mis l’accent sur
le développement de grands projets de
dessalement d’eau de mer comme l’une
des solutions au déficit hydrique dans cer-
taines régions côtières du Royaume. Le dé-
veloppement important des énergies re-
nouvelables offrant un coût compétitif de
l’électricité d’origine éolienne et solaire se
traduit par une réduction importante des
coûts d’exploitation de ces stations.
A ce titre, le rythme de réalisation des sta-
tions de dessalement a connu une nette
accélération au cours des 3 dernières an-
nées avec l’achèvement de 4 stations de
dessalement au niveau des villes d’Al Ho-
ceima (17.280 m3/jour), de Tarfaya (430
m3/jour), d’Agadir (réalisée dans le cadre
d’un partenariat public-privé mutualisé
avec le ministère de l’Agriculture, de la
Pêche Maritime, du Développement Rural
et des Eaux et Forêts) pour une capacité
de 275.000 m3/jour, dont 150.000 m3/jour
destinés à l’eau potable), et de Laâyoune
d’une capacité de 26.000 m3/jour.
Par ailleurs, et dans le cadre du plan
d’action de l’ONEE pour la période 2022-
2035, 12 projets de dessalement d’eau
de mer d’une capacité globale de l’ordre
de 1,3 million m3/jour seront réalisés, re-
présentant plus de 40% de la totalité de
la capacité additionnelle projetée à l’ho-
rizon 2035. Ces projets vont permettre le
renforcement et la sécurisation de l’ali-
mentation en eau potable de certaines
villes relevant notamment des régions
Casablanca-Settat, Dakhla-Oued Eddahab,
Guelmim-Oued Noun, Marrakech-Safi,
Souss-Massa, Laâyoune-Sakia El Hamra,
en plus de la Région de l’Oriental. Ces
réalisations permettront de réduire la dé-
pendance vis-à-vis des ressources conven-
tionnelles de 97%, actuellement, à près
de 80%, en 2035.
Plan d’action 2022-2035
Ces projets de dessalement d’eau de mer
font appel à de hautes compétences en in-
génierie sur le plan de la conception, la ré-
alisation et l’exploitation des installations
et utilisent les dernières technologies en
la matière, notamment le procédé de l’os-
mose inverse avec des systèmes de récupé-
ration de l’énergie permettant d’optimiser
le coût de production de l’eau dessalée.
Dans le cadre de cette optimisation, tous
les projets futurs de dessalement seront
alimentés à partir de sources d’énergies
renouvelables, contribuant ainsi au déve-
loppement durable dans notre pays.
Les efforts consentis par l’ONEE, traduits
par le recours au dessalement de l’eau
de mer, donnent aujourd’hui leurs fruits.
Ils permettent d’assurer, d’une part,
l’équilibre entre l’offre et la demande
dans les zones littorales dépourvues ou
enregistrant un déficit en ressources en
eaux conventionnelles et, d’autre part,
de réduire la forte dépendance actuelle
de l’alimentation en eau potable vis-à-vis
des ressources en eaux conventionnelles.
Une stratégie efficace et efficiente et qui
annonce l’adoption d’un nouveau modèle
hydrique qui garantira au Royaume sa sé-
curité hydrique l
Marouane KABBAJ
25
COUVERTURE
LUTTE CONTRE LE STRESS HYDRIQUE
Le Maroc double son budget de gestion
d’eau pour 2023
Le gouvernement estime que, depuis sa nomination, il s’est mobilisé pour travailler sur les différents projets
structurants inscrits dans le programme national prioritaire de l’eau 2020-2027.
F ace à la situation de stress hy-
drique critique qu’endure le Ma-
roc, le gouvernement n’a pas hé-
sité à doubler le budget alloué à
la gestion de l’eau dans le Projet de loi de
finances 2023. De 5 milliards de dirhams
(MMDH) en 2022, ce budget devrait at-
teindre 10,6 MMDH.
En réponse à une question dans le cadre de
la séance mensuelle de politique publique
à la Chambre des représentants consacrée
au «Projet de loi de finance (PLF) 2023:
entre enjeux économiques et sociaux et
les obligations gouvernementales», Aziz
Akhannouch a fait savoir que les investis-
sements visant à gérer le problème de la
rareté des ressources en eau viennent en
tête des priorités et que la gestion de la
sécurité de l’eau occupe une position stra-
tégique pour l’État, rappelant, à cet effet,
les directives du discours royal à l’occasion
de l’ouverture de la 1ère session de la 2ème
année législative de la 11ème législature.
Ainsi, le gouvernement a consacré 4
milliards de dirhams pour poursuivre la
construction des grands et moyens barrages
et la liquidation des propriétés connexes en
26
plus de 1,5 milliard de dirhams de contri-
bution de l’État pour le financement de
projets de dessalement, et 1,4 milliard de
dirhams sous forme de projets d’alimenta-
tion en eau potable des centres villageois
et des douars.
L’eau, une priorité gouvernementale
Le gouvernement estime que, depuis sa no-
mination, le 7 octobre 2021, il s’est mobili-
sé pour travailler sur les différents projets
structurants inscrits dans le programme
national prioritaire de l’eau 2020-2027, au
premier rang desquels l’accélération de la
mise en œuvre des projets d’usines de des-
salement d’eau de mer, l’achèvement de la
construction des barrages programmés et
des réseaux d’interconnexion hydraulique.
D’ailleurs, le gouvernement a mobilisé des
ressources supplémentaires en eaux sou-
LE GOUVERNEMENT A DOUBLÉ LE BUDGET ALLOUÉ
À LA GESTION DE L’EAU DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES
2023, DE 5 MILLIARDS DE DIRHAMS À10,6 MILLIARDS .
terraines, avec l’acquisition de camions-ci-
ternes qui ont permis de répondre aux be-
soins en eau potable de plus de 2,7 millions
de personnes de la population rurale.
Des unités mobiles ont également été ac-
quises pour dessaler l’eau de mer et démi-
néraliser l’eau saumâtre des aquifères, afin
de répondre aux besoins en eau potable des
zones déficitaires en limitant l’exploitation
illégale de l’eau, et la mise en œuvre du
programme des petits barrages collinaires,
ainsi que les programmes convenus dans
les conventions concernant les bassins de
la Moulouya, du Loukkos, du Tensift et de
l’Oum Errabiâ et la région du Draâ-Tafilalet.
Ces mesures seront-elles suffisantes pour
faire face à un stress hydrique de plus en
plus critique ? l
Hiba CHAKER
Infographie réalisée par Louay Kerdouss
COUVERTURE

D’IMPORTANTS INVESTISSEMENTS POUR SÉCURISER

L’ALIMENTATION DE CASABLANCA EN EAU POTABLE

La gestion durable
de la ressource en eau,
un enjeu stratégique
pour Lydec
L’opérateur confirme aujourd’hui qu’il est bien plus qu’un simple
gestionnaire délégataire en charge, entre autres, de la distribution de l’eau
potable dans la métropole casablancaise. Lydec investit à bon escient
là où il faut au bon moment en prévision d’une augmentation
de la demande ménagère ou industrielle mais aussi pour préserver
et rationaliser l’utilisation de cette ressource vitale.

P
our Lydec, opérateur en
charge, entre autres, de la
distribution de l’eau potable
sur un périmètre bien défini
de la gestion déléguée dans
la métropole casablancaise,
un territoire marqué par une urbanisation
galopante et un besoin accru en infrastruc-
tures, la gestion durable de la ressource en
eau est un enjeu stratégique. Elle fait partie
intégrante de sa Feuille de route Dévelop-
pement Durable à l’horizon 2030, articulée
autour de 3 engagements et 12 objectifs
stratégiques au service du développement
durable de la Région de Casablanca-Settat.
Lydec s’engage, ainsi, à agir en faveur de la
gestion durable des ressources naturelles,
de la biodiversité et du climat.
Outre les actions menées pour réaliser des
économies d’eau sur son réseau de distribu-
tion et dans son fonctionnement interne,
Lydec mobilise d’importants investisse-
ments visant à renforcer les infrastructures
de l’eau potable et à sécuriser l’alimenta-
tion du Grand Casablanca en cette ressource
vitale.
L’opérateur a alloué une enveloppe budgé-
taire de 635 millions de DH à la réalisation
de cinq projets structurants, dont le renfor-
cement de l’alimentation en eau potable du
Grand Casablanca via les adductions Boure-
greg. Lydec a également finalisé la réalisa-
tion de deux réservoirs d’eau potable: le
renforcement du réservoir d’Ouled Saleh et
la création d’un nouveau réservoir semi-en-
terré de Mansouria. Mais aussi les compo-
santes du système d’alimentation en eau
potable de l’opération Riad. Un quatrième
réservoir d’eau potable est en cours de réa-
lisation au niveau de la zone Mejjatia-Ouled
Taleb.
Dans la zone sud du Grand Casablanca, la sé-
curisation de l’alimentation en eau potable
a été un souci lancinant pour Lydec. Pour
y parer, et dans le cadre de la convention
de partenariat relative au financement et à
la réalisation du projet de renforcement de
l’alimentation en eau potable du Grand Ca-
sablanca via les adductions Bouregreg, en
substitution d’une partie des eaux en prove-
nance de l’Oum Er Rbia, Lydec a réalisé une
nouvelle station de pompage d’une capacité
de 1.000 litres/seconde et une conduite de
refoulement entre le site «Réservoir Médiou-
na 140» et «Réservoir Merchich 240» sur un
linéaire de 12 km. L’objectif est de sécuriser
l’alimentation en eau potable de la zone
sud du périmètre de la Gestion Déléguée,
qui connaît une expansion urbaine très im-
portante et pour faire face à la situation de
stress hydrique que connaît la région (com-
munes de Bouskoura, Ouled Saleh, Médiou-
na, El Mejjatia Ouled Taleb, Lahraouiyine…).
Les travaux ont consisté à transférer l’eau

28
 L’OPÉRATEUR A ALLOUÉ UNE ENVELOPPE
BUDGÉTAIRE DE 635 MILLIONS DE DH À LA RÉALISATION
DE CINQ PROJETS STRUCTURANTS.
potable à partir des installations existantes
de l’Office National de l’Électricité et de
l’Eau potable (ONEE-Branche Eau) vers les
réservoirs de stockage d’eau gérés par Lydec
et alimentant la zone sud de Casablanca. Le
coût de la tranche confiée à Lydec s’élève à
133 millions de dirhams.
Extension du réservoir d’Ouled Saleh
A Bouskoura, grâce à la construction d’une
nouvelle cuve rectangulaire d’une capacité
de 9.000 m³ d’eau, le réservoir d’Ouled Saleh
bénéficie désormais d’une capacité de stoc-
kage additionnelle permettant de répondre
à la demande croissante en eau dans toute
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
la zone ainsi que les zones d’extension.
Lydec a réalisé une chambre de vannes, un
local technique, des ouvrages annexes ainsi
qu’un raccordement au réseau existant. Les
cuves existantes sont désormais alimen-
tées en eau par la station de pompage de
Bouskoura 140, via une nouvelle conduite
de refoulement d’un diamètre de 600 mm
(DN600), tandis que l’alimentation de se-
cours à partir de l’étage Merchich 240 est
maintenue. Tout le système d’alimentation
en eau de Bouskoura a coûté 155,6 millions
de DH.
A Mansouria, l’opérateur a construit et équi-
pé un réservoir semi-enterré, un ouvrage
en béton armé constitué de deux cuves
rectangulaires d’une capacité de 7.500 m³
chacun. Le coût de réalisation du système
d’alimentation en eau potable de la zone de
Mansouria, en plein développement, s’élève
à 101 millions de dirhams. Ce système pré-
voit aussi la construction de conduites d’ad-
duction et de distribution sur 13 Km (DN400,
DN500 et DN600) avec un piquage au niveau
des amenées d’eau (Bouregreg) de l’ONEE-
Branche Eau. Le piquage est aujourd’hui en
phase de lancement de travaux, ce qui per-
mettra de mettre en service tout le système
d’alimentation.
A Sidi Hajjaj-Oued Hassar, province de Mé-
diouna, Lydec a mis en place un système
s
d’alimentation en eau potable de l’opéra-
tion Riad, qui comprend 10 km de feeders
d’eau potable (DN800 et DN1000), une
station de pompage d’un débit à terme de
29
COUVERTURE
1.800 litres/seconde, un réservoir d’eau
d’une capacité de 15.000 m³, un surpresseur
d’une capacité de 442 litres/seconde qui re-
lève les eaux vers un château d’une capacité
de 1.000 m³ et d’une hauteur de 25 mètres
avant de rejoindre le réseau de distribution
de l’opération Riad. Toutes les composantes
de ce système auront le mérite de sécuriser
l’alimentation en eau potable de cette zone.
Le tout pour un investissement de 181 mil-
s
lions de dirhams. A ce jour, le système est
en cours de finalisation.
Dans la même lignée, au niveau de la zone
de la Mejjatia-Ouled Taleb, Lydec a construit
un nouveau réservoir d’eau. Celui existant
de «Merchiche 240», d’une capacité ac-
tuelle de 36.000 m³, ne permet pas de ga-
rantir une autonomie d’alimentation en
eau potable suffisante vu la forte demande.
C’est ainsi que Lydec a prévu dans le cadre
de son programme d’investissement, la réa-
lisation d’un réservoir de capacité 2x15.000
m³ au niveau de cette zone. Le projet
consiste également en la construction de
deux conduites d’arrivée (DN600 et DN800),
une conduite de vidange (DN 400) ainsi que
d’autres ouvrages annexes. Le coût de réa-
lisation de ce système d’alimentation est
estimé à 64 millions de DH.
En 2021, l’infrastructure de l’eau potable
30
dans le Grand Casablanca est composée de
7.000 km de réseaux de distribution et 36
réservoirs d’eau totalisant 667.130 m³ de
stockage, soit une autonomie supérieure à
26 heures.
Détecter et limiter les fuites d’eau
L’anticipation des besoins de Lydec ne s’ar-
rête pas en si bon chemin. Sécuriser l’ali-
mentation en eau, oui, mais la vigilance
est de mise quant aux éventuelles fuites
par ci ou par là. Ses équipes opération-
nelles se mobilisent au quotidien pour limi-
ter les pertes en eau potable, notamment
les pertes dues aux fuites dans le réseau
de distribution. A ce titre, l’amélioration
du rendement et de la performance du ré-
seau est un objectif central de la politique
environnementale au niveau opérationnel.
Il est également crucial de sauvegarder le
patrimoine d’infrastructures en optimisant
le renouvellement du réseau de distribution
d’eau, notamment afin d’éviter la détériora-
tion de la qualité de l’eau ainsi que les fuites
de matières.
L’AMÉLIORATION DU RENDEMENT ET DE
LA PERFORMANCE DU RÉSEAU EST UN OBJECTIF CENTRAL
DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE DE LYDEC.
A cet effet, Lydec s’appuie sur des techno-
logies innovantes pour la détection et la
réparation des fuites d’eau, aussi bien sur
le réseau desservant les habitations qu’au
niveau des branchements et des compteurs
(systèmes intelligents de détection des
fuites par gaz traceur, par imagerie satel-
lite ou par des capteurs immergés intelli-
gents...).
Grâce à la mobilisation de ses équipes, Lydec
optimise et améliore le rendement de son
réseau d’eau potable, ce qui permet d’éviter
des pertes significatives en volume.
L’entreprise performante intensifie ses ef-
forts pour limiter ses pertes en eau et accé-
lérer la transition vers un réseau intelligent
de distribution d’eau potable. Dans ce sens,
elle a renforcé ses équipes dédiées à la re-
cherche des fuites mais aussi son parc de dé-
tecteurs acoustiques fixes des fuites (2.200
détecteurs). En 2021, Lydec a écouté environ
18.000 km de réseaux lors des opérations
d’inspections nocturnes. Près de 16.700
fuites d’eau, au niveau des conduites, des
branchements et des postes de comptage,
ont été détectées et réparées, économisant
ainsi plus de 10 millions de m³ d’eau potable
l’année dernière et plus de 74 millions de m³
d’eau par rapport à 1997, soit le volume an-
nuel nécessaire à plus de 1,2 million d’habi-
tants. En un mot, admirable !
Par ailleurs, l’entreprise mène des opéra-
tions de renouvellement des conduites
d’eau potable, afin de remplacer celles qui
présentent notamment un risque de fuite
d’eau. Une partie des tronçons concernés
par le renouvellement est identifiée grâce
aux nouvelles technologies de détection
(smart ball, outils de diagnostic de corro-
sion...). Ce n’est pas tout. Lydec a procédé
récemment à la réalisation de quatre grands
projets de renouvellement des réseaux au
niveau de plusieurs zones du Grand Casa-
blanca, dont Bouskoura, Tit Mellil et Noua-
ceur, pour un montant de plus de 21 mil-
lions de dirhams.
Afin de mener à bien ses missions et assu-
rer le bon fonctionnement de ses ouvrages
techniques et de ses infrastructures (ré-
seaux de distribution d’eau, stations de
pompage...), Lydec doit elle-même recourir
à l’utilisation d’eau. Pour limiter au mieux
son empreinte environnementale, l’entre-
prise donne l’exemple. Elle reporte chaque
année sa consommation d’eau afin d’établir
des mesures de réduction et vérifier l’effica-
cité des mesures déjà mises en place. Ces
actions contribuent également à la mise
en œuvre de l’objectif du Pacte de l’Exem-
plarité de l’Administration (PEA) relatif à la
gestion environnementale des bâtiments
administratifs.
Pour réduire sa consommation d’eau en
interne, Lydec agit sur deux axes. D’abord,
l’entreprise responsabilise ses collabora-
teurs ainsi que certaines parties prenantes
externes (prestataires...). Dans cette op-
tique, elle a mené des opérations de sensibi-
lisation autour des bonnes pratiques et des
éco-gestes permettant une réduction de la
consommation d’eau.
En parallèle, l’entreprise a mis en place un
certain nombre d’actions directement des-
tinées à réduire la consommation d’eau au
quotidien: plantes à faible consommation
d’eau pour les jardins, arrosage automa-
tique programmé, chasses d’eau à deux
poussoirs, capteurs de mouvement sur les
robinets, contrôle des fuites d’eau... Afin
de suivre l’impact de ces mesures au plus
près et actualiser ses objectifs de réduction,
Lydec suit les consommations d’eau par en-
tité. C’est dire que pour être écouté et suivi,
il faut d’abord commencer par soi-même. Et
dans ce sens, Lydec est un modèle à suivre.
Du reste, l’opérateur confirme aujourd’hui
qu’il est bien plus qu’un simple gestion-
naire délégataire en charge de la distri-
bution. Lydec investit à bon escient là où
il faut au bon moment en prévision d’une
augmentation de la demande ménagère ou
industrielle mais aussi pour la préservation
et la rationalisation de cette ressource vitale
qu’est l’eau l
Marouane KABBAJ
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
RENFORCEMENT DU RÉSEAU D’ASSAINISSEMENT LIQUIDE
AU NIVEAU DU QUARTIER FERRARA, À HAY AL HASSANI
LYDEC RÉALISE UNE INFRASTRUCTURE MAJEURE
POUR LE DRAINAGE DES EAUX PLUVIALES
L
ydec poursuit en 2022 la mise
en place de projets struc-
turants d’assainissement
liquide dans le Grand Casablanca.
L’entreprise mène courant octobre
2022 à Hay Hassani des travaux pour
la réalisation des infrastructures
d’assainissement liquide des eaux
pluviales au quartier Ferrara pour
desservir son bassin versant de près
de 134 hectares situé sur le territoire
de l’arrondissement de Hay Hassani.
Ce quartier présente une topogra-
phie en forme de cuvette et ne dis-
pose pas d’exutoire naturel, le ré-
seau existant aboutit dans le temps
de pluies à une station de pompage
qui refoule un débit maximum de
120l/s vers le réseau unitaire de la
route d’Azemmour (bassin versant
collecteur Ouest).
Ce projet, d’un coût d’investisse-
ment de 30 millions de dirhams,
consiste en un collecteur des eaux
pluviales d’un diamètre de 1.600 mm
sur une longueur de 467 mètres, qui
récupérera les débits déversés par le
dalot 2mx3m et le collecteur DN800
existant sur la rue 64.
Ce système comprend également un
collecteur des eaux pluviales d’un
diamètre de 1.600 mm et d’une lon-
gueur de 54 mètres, qui permettra le
raccordement du collecteur d’eaux
pluviales en provenance du quartier
Sidi Al Khadir vers le Super collecteur
Ouest (SCO).
En outre, le projet comprend la
construction d’un déversoir d’orage
de dépollution en amont des collec-
teurs projetés. Il comprend égale-
ment un puits de chute permettant
d’acheminer les débits provenant
des collecteurs projetés vers le SCO,
qui aura une section circulaire de 8
mètres de diamètre et d’environ 29,5
mètres de profondeur. En plus d’une
galerie de liaison entre le puits de
chute et le SCO de forme FAC et de
dimension 2,8x2,8 sur un linéaire
de 17 ml. Les travaux de ce projet
s’étendent sur 12 mois, et ont atteint
un taux de réalisation de 80% l
M. K.
31
COUVERTURE
ENTRETIEN AVEC SAÂD AZZAOUI,
“Nous avons des circuits
fermés de réutilisation des eaux
usées ou pluviales ”
Gestionnaire délégué en charge de
la distribution d’eau et d’électricité,
la collecte des eaux usées et pluviales
et l’éclairage public pour la région du
Grand Casablanca, Lydec investit et
innove pour sécuriser l’alimentation
en eau potable et en rationaliser
l’usage par les consommateurs,
ménages ou industriels dans un
contexte national marqué par le
stress hydrique. Toute une stratégie
mise en œuvre dont les axes et
les actions sont révélés dans cette
interview.
“ L’UNE DE NOS PRINCIPALES MISSIONS
EST D’ASSURER UNE CONTINUITÉ
DE SERVICE ET, BIEN SÛR, DE SÉCURISER
L’ALIMENTATION EN EAU.
32
Directeur maîtrise d’ouvrage à Lydec.
En tant que gestionnaire délégataire,
quel rôle jouez-vous dans la sécurisation
de l’approvisionnement de l’eau potable
dans la région du Grand Casablanca?
Lydec est un opérateur en charge, entre
autres, de la distribution de l’eau potable
sur un périmètre bien défini de la Gestion
déléguée. Nous avons une mission de dis-
tribution en bout de chaîne. Nous sommes,
en effet, un acteur parmi d’autres opérant
dans le domaine de distribution, à savoir
les agences des bassins hydrauliques,
qui ont pour rôle de mobiliser la ressource
naturelle. Pour le cas du Grand Casablanca,
l’eau que nous distribuons provient de deux
sources principales: le barrage Sidi Moha-
med Ben Abdellah, sur l’oued Bouregreg, et
les barrages Daourat et Sidi Saïd Maâchou
situés sur l’oued Oum Er-Rbia. Il y a aussi le
producteur national, l’ONEE.
Lydec gère la distribution de l’eau potable
dans le cadre d’un contrat de gestion
déléguée. L’une de nos principales missions
est d’assurer une continuité de service et,
bien sûr, de sécuriser l’alimentation en eau,
en ayant des stockages qui permettent une
autonomie de plus de 24 heures et des
” ces derniers sont arrivés au terme de leur
réseaux maillés de telle sorte à avoir toutes
les zones sécurisées avec une double ou
triple alimentation. C’est cela notre rôle, que
nous assurons avec des critères bien définis
de quantité et de qualité de service.
Quels sont les axes de la stratégie Lydec
dans ce sens?
Pour sécuriser l’approvisionnement en eau
potable dans le périmètre de la Gestion
déléguée, nous travaillons sur trois axes
stratégiques: l’investissement, l’exploitation
et la maintenance et la performance des
réseaux. Pour le premier axe, nous réalisons
des investissements qui visent à renforcer
nos capacités de stockage, en construi-
sant des réservoirs d’eau potable qui nous
permettent d’assurer une autonomie de plus
de 24 heures. Aujourd’hui, au niveau de
Casablanca, on est à environ 30 heures de
capacité de stockage par rapport à un enga-
gement contractuel de 24 heures. Et, bien
sûr, nous réalisons des réseaux, des stations
de pompage, des surpresseurs ainsi que des
ouvrages qui nous permettent de renforcer
et d’étendre le réseau de distribution, parce
que, comme vous le savez, Casablanca est
une ville en pleine extension. Donc, pour
accompagner son développement urbain,
Lydec réalise des réseaux d’extension et
renforce l’existant au niveau des zones qui
subissent des changements urbanistiques.
Nous procédons également au renouvel-
lement des réseaux dans les zones où
amortissement.

En ce qui concerne le deuxième axe, nous
travaillons sur la maintenance et l’exploita-
tion des réseaux pour assurer la continuité
de service. Lydec mobilise ses moyens
humains et matériels sur le terrain pour la
maintenance des stations de pompage et
des réservoirs d’eau, mais aussi pour le suivi
de la qualité de l’eau distribuée, à travers
notre laboratoire d’analyses des eaux,
Labelma.
L’autre volet sur lequel nous travaillons,
et qui est aussi stratégique, est relatif à la
performance des réseaux. Nos équipes
sont mobilisées sur le terrain pour amé-
liorer le rendement des réseaux sur notre
périmètre d’intervention. Nous veillons alors
à la préservation de la ressource en luttant
contre les fuites d’eau, à travers la détection
et la réparation des fuites d’eau, mais aussi
en traquant les fraudes. Aujourd’hui, et
dans le cadre de la transformation digitale,
nous nous appuyons sur des technologies
et des outils innovants qui nous permettent
d’écouter les réseaux, via des capteurs
acoustiques très sensibles, et donc de mieux
cibler les fuites d’eau au niveau des réseaux.
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
Nous travaillons aussi sur la modulation de
la pression en fonction des appels et du
tirage. Lydec module les pressions d’eau
de telle sorte à ne pas avoir des pressions
importantes qui augmenteront les risques
de fuites sur les réseaux. Et nous travaillons
enfin sur la sectorisation du réseau, ce qui
nous permet d’avoir des mailles de plus en
plus fines au niveau du réseau d’eau potable
et d’assurer une meilleure exploitation du
réseau de distribution.
L’été 2022 a été un cas exceptionnel de
stress hydrique, qui a posé avec acuité
le problème de sécurisation de l’ap-
provisionnement en eau potable dans
certaines régions du Royaume. Avez-vous
vécu une situation similaire?
Nous n’avons pas eu d’impact sur l’alimen-
tation des habitants en eau potable. Nous
avons vécu une situation exceptionnelle
avant même le début de la saison estivale.
Dès que nous avons su que nous étions
face à une année de sécheresse, avec des
ressources hydriques faibles au niveau des
barrages approvisionnant la région, nous
Saâd Azzaoui.
nous sommes mis en situation de crise. En
mars 2022, nous avons élaboré et partagé
avec les autorités un plan d’actions dé-
taillé visant à gérer la pénurie d’eau sur le
périmètre de la Gestion déléguée. La mise
en œuvre de ce plan d’actions, portant sur
l’investissement mais aussi sur l’exploitation
des réseaux, est primordiale, vu que les
besoins de consommation en eau dépassent
les ressources disponibles. Avec nos inter-
locuteurs, qui sont l’ONEE et l’Agence du
bassin hydraulique et les autorités, nous sui-
vons de très près la situation. Des réunions
hebdomadaires se tiennent sous le pilotage
du wali de la région et, à travers des relevés
de décisions, les mesures nécessaires sont
déployées chaque semaine pour assurer
la continuité de service. C’est grâce à ces
actions-là que nous avons pu dépasser cette
période de pointe critique qui a coïncidé avec
l’été. Il faut savoir que les périodes de pointe
coïncident généralement soit avec le jour de
s
l’Aïd Al Adha, soit avec les jours de canicule.
Pour rappel, la consommation moyenne
journalière au niveau du Grand Casablanca
est d’environ 650.000 m³/jour et en pointes
33
COUVERTURE

journalières, elle peut atteindre 730.000 m³/
jour.
Comment peut-on rationaliser cette res-
source vitale à travers le traitement des
eaux usées et pluviales?
Parmi les pistes retenues pour la rationali-
s
innovantes de réutilisation des eaux pluviales
à travers des stockages dans des bassins
d’orage permettant soit la réutilisation pour
l’arrosage ou pour la réalimentation de la
nappe phréatique.
Que faites-vous pour la sensibilisation
ainsi que des rencontres de sensibilisation
et des visites de sites au profit des établisse-
ments scolaires et du tissu associatif.
Devant la baisse des réserves disponibles
en eau, nous avons lancé un appel à l’esprit
civique et responsable de nos clients, les
encourageant à adopter des éco-gestes

sation de l’utilisation et la préservation de
la ressource en eau, c’est d’imaginer bien
sûr des circuits fermés de réutilisation des
eaux usées ou pluviales, que ce soit pour
l’arrosage des espaces verts ou pour des
besoins industriels. Lydec mène des projets
dans ce sens depuis plusieurs années déjà.
Nous avons réalisé en 2013 une Station
d’épuration des eaux usées (STEP) à Mé-
diouna avec un processus combinant deux
techniques innovantes, dont la technologie
membranaire. L’ouvrage est performant
puisqu’il atteint une qualité d’épuration
qui permet la réutilisation des eaux à des
fins d’irrigation agricole. Pour démontrer la
pertinence et l’intérêt de la réutilisation des
eaux épurées de la STEP dans l’agriculture
NOUS AVONS LANCÉ UN APPEL À L’ESPRIT
“
CIVIQUE ET RESPONSABLE DE NOS CLIENTS, LES
ENCOURAGEANT À ADOPTER DES ÉCO-GESTES
des consommateurs à la rationalisation
de l’utilisation de l’eau potable?
Dans le cadre de notre mobilisation pour la
lutte contre le stress hydrique au niveau de
notre périmètre d’intervention, nous avons
lancé, il y a quelques mois déjà, un dispositif
de communication et de sensibilisation à
la préservation de la ressource. Le thème
de ce dispositif est: «L’eau est de plus en
plus rare. Ensemble, agissons avec raison
et contribuons à sa préservation». Il vise
les différentes parties prenantes et prévoit
des campagnes sur les réseaux sociaux, un
spot de sensibilisation dans les radios, un
affichage dans les agences clientèle, des
messages dans les factures, la distribution
de flyers, l’habillage des véhicules de Lydec,
simples au quotidien qui contribuent à la pré-
servation de la ressource. Pour les jeunes,
Lydec a lancé une initiative innovante,
ludique et pédagogique. Nous avons élaboré
et édité, en partenariat avec la maison d’édi-
tion Langages du Sud, un jeu visant à mieux
comprendre le cycle de l’eau sur le périmètre
de la Gestion déléguée et à connaître les
gestes à adopter pour réduire la consomma-
tion d’eau potable au quotidien. Il s’agit d’un
jeu de cartes des “Sept familles”, accom-
pagné de son plateau de jeu avec réalité
augmentée, qui vise à sensibiliser les plus
jeunes à la problématique de l’eau.
Pour les grands consommateurs, nous
avons fait du porte-à-porte, que ce soit les
industriels ou les administrations, afin de les
accompagner techniquement et les aider à
rationaliser leurs consommations et à préser-
ver les ressources en eau l
Propos recueillis par
Marouane KABBAJ

SIMPLES AU QUOTIDIEN. ”
urbaine et biologique, la Fondation Lydec
a aménagé, en 2016, en partenariat avec
une association d’universitaires, l’ARADD
(Association Recherche-Action pour le Déve-
loppement Durable), un jardin expérimental
d’agriculture urbaine de 1.600 m², sur le site
de la station. Aujourd’hui, les eaux traitées
de cette STEP sont mises à la disposition
de la commune de Médiouna pour l’arro-
sage des espaces verts. Par ailleurs, cette
année, nous avons achevé la réalisation
de deux nouvelles stations d’épuration des
eaux usées. Il s’agit de la STEP de la zone
industrielle Sapino, au niveau de Nouaceur,
et de celle des abattoirs de Casablanca.
Ces ouvrages nous permettent d’avoir une
capacité additionnelle de réutilisation des
eaux usées pour l’arrosage. Parallèlement
à cela, nous travaillons sur des solutions

34
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 35
COUVERTURE
INTERVIEW DE DOMÈNEC VICTÒRIA,
Dirigeant d’entreprise dans les secteurs de l’eau et des énergies renouvelables.
“Le Maroc a un immense potentiel dans
le dessalement de l’eau et l’hydrogène vert”
Fort de 17 ans d’expérience
au Maroc, Domènec Victòria,
ingénieur et entrepreneur
espagnol, a lancé il y a trois mois
Regenera Groupe Afrique.
Énergies renouvelables, eau,
engrais … cette société propose
aux acteurs publics et privés
marocains, des solutions
complètes et à la pointe de la
technologie. Objectif: répondre
aux enjeux climatiques et
environnementaux qui se posent
de plus en plus.
Propos recueillis par
Louay KERDOUSS
36
Pourriez vous nous présenter Regenera
Groupe Afrique?
Regenera Groupe Afrique s’est établie au
Maroc il y a maintenant trois mois, en parte-
nariat avec trois entités, à savoir Regenera
Levane, Odin S et Hidrotec. Il s’agit d’un
groupement de sociétés issues du sud de
l’Espagne actives dans les domaines des
énergies renouvelables et du contrôle de la
qualité et de la consommation de l’eau, ainsi
que le gestion de l’utilisation d’engrais. Nous
nous sommes intéressés au Maroc car nous
y avons constaté un besoin important par
rapport à ces trois domaines, qui repré-
sentent, selon nous, le présent mais aussi
l’avenir.
Après trois mois de présence au Maroc,
où en est Regenera Afrique?
Pour le moment, Regenra Groupe Afrique est
en période de prospection. Nous œuvrons à
aller vers des interlocuteurs potentiels, aussi
bien dans le secteur public que privé, afin de
leur présenter nos offres. À titre d’exemple,
les fermes et les agriculteurs, mais aussi les
jardins, les stades, les golfs pourraient bien
profiter de nos solutions en matière d’eau et
d’engrais. D’autant que la gestion de l’eau
est un enjeu qui se pose avec acuité de
plus en plus au Maroc. Nous leur proposons
également des solutions dans le domaine
de production d’énergies renouvelables, car
nous sommes conscients que c’est un volet
important alors que les coûts de l’énergie
sont devenus incontrôlables en ce moment
avec tout ce qui se passe dans le monde.
Comment se déclinent ces solutions,
concrètement?
Par rapport à l’eau, nous proposons des
stations de désalinisation des eaux de mer
dans les zones côtières, mais aussi des
eaux saumâtres dans les zones qui n’ont
pas accès à la mer. Cela se fait par le biais
de solutions ayant l’avantage d’être à la fois
compactes et transportables avec des capa-
cités de production allant jusqu’à 2.500 m3/
jour, et qui offrent la possibilité d’ajouter des
unités de production supplémentaires qui se
déclenchent automatiquement en fonction du
besoin, pour atteindre des capacité de 5.000
ou 5.500 m3/jour.
Nous proposons également à nos clients
l’utilisation de technologies de pointe pour
maîtriser leur consommation de l’eau, avec
des outils et des méthodes reposant sur
l’intelligence artificielle et l’internet des objets.
Ces solutions permettent, entre autres, la
gestion de l’irrigation et des serres, le monito-
ring des inondations et des terres agricoles,
ou encore le traitement d’eau. On sait bien
que le Maroc est un grand producteur et
exportateur de fruits et légumes, avec des
exploitations modernes disposant de capa-
cités de production importantes, mais qui se
heurtent à plusieurs problèmes comme, par
exemple, l’évaporation d’eau. Notre société
peut apporter son soutien à tous ces niveaux.
Toutes ces solutions ont l’avantage d’être
livrées clés en main et peuvent être utilisées
immédiatement, sans oublier que nous
proposons des services de maintenance
ultérieurement.
Le dessalement d’eau est-il une solution
suffisante et durable?
Le Maroc a inauguré récemment, à Agadir,
une des plus grandes stations de dessale-

© MarocHebdo
ment en Afrique. Cela montre que le pays
prend sérieusement cette voie. Mais je pense
qu’il faut aussi accorder plus d’importance
aux stations de dessalement à petites
capacités, car elles constituent des solutions
intéressantes pour fournir de l’eau potable
aux complexes touristiques par exemple. Et
puis il faut souligner que le Maroc dispose de
3.500 kilomètres de côtes maritimes et cela
constitue un immense potentiel en matière de
dessalement de l’eau, qu’il faut absolument
exploiter.
C’est donc une voie intéressante alors
que le Maroc connaît une sécheresse
inédite…
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
ÇA FAIT 17 ANS QUE JE TRAVAILLE SUR DES
“PROJETS AU MAROC, ET CETTE EXPÉRIENCE
ET CONNAISSANCE APPROFONDIE DU PAYS ME
POUSSENT À ÊTRE OPTIMISTE.
Clairement. Vu que le ciel est moins géné-
reux, les ressources souterraines subissent
une pression de plus en plus importante. Et
c’est là que l’optimisation et la gestion de ces
eaux devient une urgence. Et ceci est une
réalité mondiale qui ne concerne pas que le
Maroc.
D’ailleurs, le sud de l’Espagne, et précisé-
ment la région de Murcia, d’où nous venons,
possède un climat assez similaire à celui du
Maroc. Et ça a donné des résultats intéres-
sants, puisque cette région est devenue une
ferme géante, notamment de fruits rouges,
qui est très performante grâce aux solutions
que nous apportons.
Que pensez-vous de la politique du Maroc
en matière d’énergies renouvelables?
C’est juste impressionnant! Ça fait des
années que le Maroc a compris l’importance
des énergies renouvelables et on voit déjà
les résultats concrets avec de nombreux
projets d’envergure dans le solaire et l’éolien,
notamment. Et le rythme de développement
ne cesse de s’accélérer. Je pense surtout au
projet du plus long câble maritime de trans-
port d’électricité, qui permettra d’exporter de
l’énergie verte du Maroc au Royaume-Uni.
Votre pays a rapidement compris que l’avenir,
c’est le solaire, l’éolien et l’hydrogène vert.
Je tiens à rappeler que l’Europe a annoncé,
le 20 octobre 2022, un projet de pipeline
pour acheminer de l’hydrogène vert entre
Marseille et Barcelone. Donc, on voit bien
que c’est non seulement l’avenir, mais déjà
le présent. Ce choix va être très intéres-
sant pour le Maroc, qui a déjà entamé une
politique de décarbonisation, et on sait que
la production d’hydrogène vert n’émet pas de
carbone.
”
Après la phase de prospection, vous
prévoyez de lancer vos premiers projets
au Maroc. Quand allez-vous le faire?
Je pense que d’ici la fin de l’année, nous au-
rons déjà entamé nos premières réalisations.
Ça fait 17 ans que je travaille sur des projets
dans ces domaines-là au Maroc, et cette
expérience et connaissance approfondie du
pays me poussent à être optimiste. Ça nous
permettra de réussir facilement à adapter
nos solutions aux besoins locaux. Et puis nos
associés ici au Maroc représentent un point
fort qui va nous aider énormément l
37
COUVERTURE

L’EXPERTISE DES ENTREPRISES ESPAGNOLES AU SERVICE

DE LA MODERNISATION DU SECTEUR AGRICOLE AU MAROC

L’agriculture de précision
pour une meilleure
gestion de l’eau
Des solutions pour l’agriculture marocaine moderne et économe en eau. C’est
ce qu’ont proposé des entreprises espagnoles lors des journées techniques de
l’Agriculture de précision, organisées par le Bureau Économique et Commer-
cial de l’ambassade d’Espagne à Casablanca, en collaboration avec ICEX Es-
pagne Exportation et Investissement.

D
ans la conjoncture ac-
tuelle, marquée par la sé-
cheresse et la faiblesse
de la pluviométrie, le sec-
teur agricole marocain,
qui consomme 80% des
eaux de surface et souterraines, a grand
besoin de la technologie de précision pour
rationaliser et économiser la consom-
mation de cette ressource devenue rare.
D’où l’intérêt des Journées techniques de
l’agriculture de précision organisées par
le Bureau Économique et Commercial de
l’ambassade d’Espagne à Casablanca, en
collaboration avec l’ICEX Espagne Expor-
tation et Investissement, du 26 au 29 sep-
tembre 2022 à Agadir et à Casablanca.
A Agadir, les journées ont débuté avec la
participation de la consule général d’Es-
pagne à Agadir, Miriam de Andrés de
Castro, ainsi que du conseiller de l’Agri-
culture, de la Pêche et de l’Alimentation
d’Espagne, José Manuel Jaquotot, et
du conseiller économique et commercial
d’Espagne à Casablanca, Manuel Vicente
Rodriguez Díez. L’événement a également Les entrepreneurs espagnols à la rencontre des professionnels marocains.

38
José Manuel Jaquotot, Manuel Vicente Rodriguez Díez, Miriam de Andrés de Castro et M’Bark Boufrioua.
été honoré par la présence du directeur
de l’Institut National de la Recherche
Agronomique (INRA), ainsi que du pacha
d’Agadir Océan, M’Bark Boufrioua, de la
directrice de l’Agrégation et du Partenariat
de l’Agence de Développement Agricole
(ADA), du président régional de la Confé-
dération Générale des Entreprises du Ma-
roc (CGEM), et du coordinateur de l’Office
Régional de Mise en Valeur Agricole du
Souss-Massa (SGRID-ORMVASM). Aussi,
des représentants de la Chambre de Com-
merce Espagnole et des représentants de
l’Association marocaine des producteurs
exportateurs des fruits et légumes (APPE-
FEL) et de la Fédération Interprofession-
nelle Marocaine de production et d’expor-
tation des Fruits et Légumes (FIFEL).
Pour les entreprises espagnoles AGQ
Labs, Greenfield, J. Huete International,
Odin S, Orcelis Fitocontrol, Ritec, Sanzar
et Unicom, c’était l’occasion d’exposer leur
savoir et savoir-faire et leurs équipements
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
LE SECTEUR DES TECHNOLOGIES ET DES
MACHINES AGRICOLES AU MAROC EST UN
SECTEUR À FORT POTENTIEL POUR CES
ENTREPRISES ESPAGNOLES.
ultramodernes. Au cours des trois jours
suivants, les entreprises espagnoles ont
rencontré les acteurs du secteur au Maroc
dans le cadre de réunions B2B, les 27 et
28 à Agadir et le 29 à Casablanca.
Gestion de l’eau
Le secteur des technologies et des ma-
chines agricoles au Maroc est un secteur
à fort potentiel pour ces entreprises espa-
gnoles. La transformation qu’a connue le
secteur grâce à la volonté du pays d’être
à la pointe des meilleures pratiques a
créé, pour elles, de grandes opportunités
commerciales. Le développement des in-
frastructures hydrauliques, par exemple, a
entraîné une augmentation des surfaces
d’irrigation et, par conséquent, un besoin
croissant d’entreprises dans ce domaine.
De nombreuses entreprises espagnoles
dans le secteur de la technologie et des
machines agricoles, avec leurs experts en
irrigation, en hydroponie, en gestion des
s
serres, en fertilisation et en protection des
cultures, entre autres, y ont vu une oppor-
tunité d’entrer sur un marché marocain de
proximité géographique, climatologique et
culturelle.
39
COUVERTURE

Les machines, les appareils mécaniques
et les remorques ont bénéficié le plus de
la modernisation et du potentiel du sec-
teur. Les exportations espagnoles de ces
trois catégories ont atteint respectivement,
27, 11 et 14 millions d’euros en 2021. La
vente de tracteurs étant celle qui a connu
s
d’irrigation pour une superficie de 15.000
ha. Les travaux de mise en marche ont
été conclus juin 2022, et désormais les
producteurs de la région en bénéficient. Il
s’agit d’un projet pour le compte de l’ONEE
(Office National de l’Électricité et de l’Eau
Potable) et le ministère de l’Agriculture, qui
soit avec des capteurs, senseurs ou des
drones. C’est la spécialité d’une partie des
entreprises ayant assisté aux journées
techniques: Orcelis, Sanzar, Greenfield,
Unicom ou Odin S.
Ce sont des entreprises présentes depuis
plusieurs décennies et qui comptent à

la croissance la plus rapide au cours des
cinq dernières années, ce qui l’a position-
né comme le deuxième article le plus ex-
porté en valeur.
2021 a été une année record des relations
bilatérales entre les deux pays avec un
volume de 9,5 milliards d’euros d’expor-
tations de l’Espagne vers le Maroc et de
7,3 milliards d’importations de l’Espagne
depuis le Maroc.
a reçu de l’Association Internationale de
Dessalement le Prix du «Meilleur Partena-
riat Public-Privé».
L’agriculture de précision permet de faire
encore plus d’économies d’eau, de ferti-
lisants, des nutriments… grâce à l’ana-
lyse des données en temps réel que ce
leur actif la formation d’un staff marocain
à ces nouvelles technologies. C’est le cas
de AGQ Labs. Des entreprises comme J.
Huete ou Ritec sont aussi connaisseurs du
marché marocain et chapeautent des pro-
jets en cours.
L’Espagne a été un partenaire privilé-

Solutions innovantes
En passant d’une agriculture traditionnelle
à une agriculture digitale, on parle désor-
mais d’agriculture de précision. Son objec-
tif est de maximiser la production du terrain
exploitable, et en même temps optimiser
l’utilisation des ressources, notamment
l’eau. La prise de décision se fait doréna-
vant avec les données en temps réel du
terrain, de la culture, du fruit. La technolo-
gie permet d’arroser quand il le faut, juste
là où il faut et d’utiliser l’herbicide ou les
nutriments juste au moment et l’endroit
précis... Elle est vitale aussi pour obtenir
des prévisions de récolte très fiables.
Aujourd’hui le changement climatique et la
sécheresse sont au cœur des préoccupa-
tions du secteur. Les producteurs doivent
se tourner vers des solutions innovantes Manuel Vicente Rodriguez Díez.
qui permettent de produire avec une so-
lution de continuité. Cela passe par l’aug- gié du Maroc pour la modernisation et la
mentation des structures hydriques, mais mécanisation du secteur. Les entreprises
aussi par une utilisation la plus optimale
possible de l’eau disponible.
L’AGRICULTURE DE espagnoles proposent des solutions pour
l’agriculture de demain. C’est à cette fin
Côté structures hydriques, le cas de Aben- PRÉCISION PERMET DE que ICEX Espagne Exportation et Inves-
goa est édifiant. Cette entreprise espa- tissements et le Bureau Economique et
gnole a construit l’usine de dessalement à FAIRE ENCORE PLUS Commercial de l’ambassade d’Espagne
Agadir, son projet phare dans le secteur du à Casablanca ont organisé les Journées
dessalement dans le monde, qui permet D’ÉCONOMIES D’EAU, Techniques de l’Agriculture de Précision.
la production de 275.000 m3/jour (150.000
m3/jour d’eau potable et 125.000 m3/jour
DE FERTILISANTS, DES L’objectif final était de mettre en contact les
entreprises espagnoles innovantes et leurs
d’eau pour l’irrigation), avec possibilité NUTRIMENTS… solutions technologiques pour l’agriculture
d’extension à 400.000 m3/jour. Le pro- avec les producteurs marocains et les ins-
jet comprend la construction d’un réseau titutions publiques relevant du secteur l

40
 LE MAROC ACCUEILLERA LA PREMIÈRE USINE D’HYDROGÈNE VERT EN AFRIQUE,
AVEC L’APPUI FINANCIER DE L’ALLEMAGNE
Un pas de géant pour la transition énergétique
Le Maroc renforce sa position de leader en énergies renouvelables à l’échelle africaine et régionale avec la construction
de la première usine industrielle d’hydrogène vert. Un projet financé en partie par l’Allemagne.
présentent aujourd’hui comme des ins-
truments clés pour réaliser la promesse
de l’Accord de Paris, faire face au phéno-
mène du réchauffement climatique, ainsi
que décarboner les économies tout en
boostant la croissance économique.

L’ALLEMAGNE
ACCOMPAGNERA
LE MAROC DANS
SON ADAPTATION
AU CHANGEMENT
Svenja Schulze, ministre allemande CLIMATIQUE.
de la Coopération économique
et du développement.
D’ailleurs, outre l’engagement de 38 mil-

C
ette annonce a été faite en
marge de la visite d’une impor-
tante délégation marocaine,
la semaine de 24 au 28 octobre
2022, en Allemagne dans le cadre des
sessions de négociations gouvernemen-
tales entre les deux pays dans plusieurs
domaines.
Suite à cette rencontre de négociations
sur la coopération au développement,
Berlin a annoncé l’exécution d’un nou-
veau programme d’appui au Royaume
d’un montant global de plus de 243 mil-
lions d’euros au titre de l’année 2023.
Le programme de coopération entre l’Al-
lemagne et le Maroc concerne plusieurs
domaines, en particulier ceux liés au
développement social et à l’économie
durable. Ainsi, selon un communiqué du
ministère allemand du développement,
Berlin réaffirme son soutien à la création
de valeur verte au Maroc, notamment
par le développement d’une économie
verte de l’hydrogène (dans le cadre de
l’«Alliance pour le développement du sec-
teur Power-to-X» conclue il y a deux ans).
Pour une coopération plus poussée
«La construction de cette unité de pro-
duction d’hydrogène vert sera un jalon
important pour la réalisation de notre
vision commune», s’est félicitée la mi-
nistre allemande de la Coopération éco-
nomique et du développement, Svenja
Schulze, alors qu’elle participait à la 2è
édition du Sommet «World Power-to-X
Summit» (PTX22), organisée du 22 au 24
juin 2021 au Maroc.
La ministre avait d’ailleurs appelé
d’autres pays à suivre l’exemple du Ma-
roc, qui «a adopté une politique vision-
naire audacieuse dans le domaine de la
transition énergétique». Dans ce sens,
la responsable allemande a relevé que
les technologies liées au Power-to-X,
parmi lesquelles l’hydrogène vert, se
lions d’euros pour la construction de la
première usine industrielle de cette tech-
nologie d’avenir en Afrique, l’Allemagne
accompagnera le Maroc dans son adap-
tation au changement climatique à tra-
vers d’autres projets d’un volume d’inves-
tissement d’environ 69 millions d’euros.
Dans le secteur de l’eau, par exemple,
la gestion de l’eau dans les zones ru-
rales sera rendue plus efficace après
la sécheresse qui frappe actuellement
le Royaume. Dans le domaine de la mi-
gration également, un projet accom-
pagnera les migrants légaux dans leur
intégration économique au Maroc. De
plus, l’Allemagne soutiendra les petites
et moyennes entreprises et l’Adminis-
tration dans la numérisation. A ceux-là,
s’ajoute l’octroi d’un prêt de 122 millions
d’euros de la Banque de développement
allemande au «chantier du siècle» de la
protection sociale dans le Royaume, se-
lon la même source l
H.C

1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 41

COUVERTURE
LE GROUPE OCP FORTEMENT ENGAGÉ POUR
LA PRÉSERVATION DES RESSOURCES HYDRIQUES
Tout un programme pour
une autonomie en eau en 2026
Ses investissements, ses réalisations époustouflantes
et son défi majeur d’utiliser uniquement les eaux
non-conventionnelles pour satisfaire l’intégralité de ses
besoins font du groupe OCP un modèle à suivre en matière
de développement durable. Une grande entreprise dont
la croissance et la performance vont de pair avec la préserva-
tion des ressources naturelles, notamment hydriques.
42
L
e leader mondial sur le marché
du phosphate et des engrais est
conscient de sa part de responsa-
bilité dans la préservation des res-
sources hydriques, étant engagé
pour l’accélération des Objectifs de
Développement Durable (ODD) fixés par l’Organi-
sation des Nations Unies (ONU). Pour le Groupe
OCP, c’est même un objectif placé au cœur de sa
démarche de développement durable.
Durant cette année 2022, marquée par une
sécheresse d’une gravité jamais connue
depuis les années 1980, il a décidé d’ac-
célérer son ambitieux programme «Eau»,
qui vise à satisfaire l’intégralité de ses
besoins en eau à partir de ressources en
eaux non-conventionnelles dès 2026, en
déployant des mesures exceptionnelles.
Ainsi, le Groupe a décidé de recourir à de
nouvelles unités mobiles de dessalement
permettant d’augmenter ses capacités et
de couvrir, ainsi, la totalité des besoins en
eau de ses sites de production d’engrais à
Jorf Lasfar et à Safi.
Aussi, OCP a cessé d’avoir recours aux
ressources naturelles en eau douce dans
ses sites de production d’engrais. Les do-
tations en eau libérées pourront être réo-
EN 2010, LE TAUX D’UTILISATION DES EAUX NON-
CONVENTIONNELLES ÉTAIT DE 3%. IL EST PASSÉ À
30% DEPUIS 2018 ET ATTEINDRA 100% EN 2026.
La laverie Merah
Lahrach est la
première au monde
à utiliser, pour
l’enrichissement
du phosphate, des
eaux usées épurées.
rientées au renforcement de l’usage local
en eau potable du bassin Oum Er-Rbia.
Et, au-delà des besoins des sites de produc-
tion, les nouvelles solutions déployées par
le Groupe permettront également d’ali-
menter en eau potable les villes d’El Jadida
et de Safi.
Salutaire, l’engagement du groupe en
matière de gestion durable des ressources
hydriques ne date pas d’aujourd’hui. Il a
seulement pris davantage d’ampleur de-
puis la mise en place en 2008 d’une «stra-
tégie Eau» reposant sur la rationalisation
de la consommation de l’eau dans tout le
processus de production et la priorisation
de la mobilisation des ressources en eaux
non-conventionnelles. Pour le groupe, le
défi mêle croissance industrielle durable
-qui répond à l’enjeu de sécurité alimen-
taire mondiale et préservation de l’envi-
ronnement- et des ressources hydriques.
La «stratégie Eau» innovante et intégrée
de l’OCP repose sur trois piliers majeurs: La
rationalisation de l’utilisation de l’eau sur
l’ensemble de la chaîne de valeur, la mobili-
sation des ressources en eaux non-conven-
tionnelles (eaux usées urbaines épurées et
eaux de mer dessalées) et l’innovation, la
recherche et le développement.
Faisant recourt à la mobilisation des res-
sources en eau non-conventionnelles,
dont en priorité la réutilisation des eaux
usées épurées des villes avoisinant ses
sites miniers. Cet engagement permet non
seulement de préserver les ressources na-
turelles en eau douce mais aussi de contri-
buer à la protection de l’environnement.
En 2010, le taux d’utilisation des eaux
non-conventionnelles était de 3%. Il est
passé à 30% depuis 2018 et atteindra
100% en 2026. Un objectif très ambitieux,
qui, pour être atteint, a nécessité l’adop-
tion d’un mode de gestion de projets en
Fast Track, s’appuyant sur l’expertise de
JESA, partenaire de choix d’OCP dans la
réalisation de son programme de déve-
loppement industriel vert ainsi que sur le
savoir-faire de l’écosystème industriel local
et international.
Le programme Eau a mobilisé jusqu’à
maintenant près de 3,5 milliards de di-
rhams et nécessitera un investissement
d’environ 7 milliards supplémentaires pour
atteindre l’objectif d’autonomie en eau du
Groupe OCP.
OCP poursuit également ces efforts de ra-
tionalisation de l’utilisation de l’eau sur
toute la chaîne de valeur, dès la phase de
conception de toutes les installations, par
le biais de projets innovants tels que la
récupération d’un maximum d’eau à par-
tir des boues de lavage, le traitement des
pistes de camions et la recherche continue
de procédés moins consommateurs d’eau
au niveau de la transformation indus-
trielle, dans le but de réduire la consom-
mation spécifique en eau de 15% dès 2024
(relativement à la consommation de 2019).
Efficacité hydrique
Les performances en efficacité hydrique
sont ensuite maximisées grâce à l’excel-
lence opérationnelle (recyclage, moni-
toring des indicateurs de performance,
développement et adoption de nouvelles
solutions technologiques...).
Cette stratégie lui a permis de recycler
plus de 80% des volumes d’eau utilisés
dans les installations d’enrichissement du
phosphate, appelées laveries. Une perfor-
mance qui sera améliorée grâce aux nou-
velles technologies de filtration des boues
de lavage.
La laverie Merah Lahrach est la première
au monde à utiliser, pour l’enrichissement
du phosphate, des eaux usées épurées,
provenant de la station d’épuration des
eaux usées (STEP) de la ville de Khouribga.
Opérationnelle depuis 2010, elle est dotée
d’une capacité de 5Mm3/an. Deux autres
STEP lui ont succédé dans les sites miniers
s
de Benguerir et Youssoufia, portant ainsi
la réutilisation industrielle des eaux épu-
rées par OCP à plus de 10 millions de m3
par an. Une partie des eaux en sortie de la
43
COUVERTURE

STEP de Benguerir sert aussi à l’arrosage La station de dessalement de l’eau

des espaces verts de la Ville Verte Moham- de mer de Jorf Lasfar.
med VI.
OCP poursuit l’élargissement de son pro-
gramme de réutilisation des eaux usées
urbaines. En plus des extensions prévues
des STEP existantes de Khouribga et de
s

Benguerir, les eaux usées de 6 autres villes

se verront également réutilisées par le
Groupe, à savoir: Kasbat Tadla, Fquih Ben
Saleh, Beni Mellal, Safi, Marrakech et Mar-
sa.
En outre, le Slurry Pipeline reliant Khou-
ribga à Jorf Lasfar, véritable prouesse d’in-
génierie réalisée par le groupe OCP, est
un mode de transport du phosphate lavé
sous forme de pulpe qui permet une éco-
nomie de 3 millions de m3 d’eau par an en
pleine capacité de fonctionnement. Le fait
d’éviter l’étape de séchage, requise pour le
transport par train, permet de garder l’hu-
midité naturelle du phosphate. De plus,
l’intégralité de l’eau servant au transport
est réutilisée au niveau des installations
de transformation industrielle.
Ce n’est pas tout. Dans les sites de trans-
formation industrielle, les efforts sont
déployés en continu, pour réduire les
consommations spécifiques en eau douce.
A titre d’exemple, l’adoption des technolo-
gies les plus récentes a permis de réduire
la consommation des nouvelles unités de
près de 25%, avec l’objectif d’en atteindre
le fonctionnement en circuit fermé.
En créant le programme «Économie Cir-
culaire», en 2017, l’ambition du Groupe a
été revue à la hausse. Il s’est fixé, dès lors,
pour objectif de satisfaire l’intégralité de
ses besoins en eau à partir de ressources
en eaux non-conventionnelles dès 2026
alors que l’échéance initiale projetée était
l’année 2030.
Dessalement, un choix stratégique
Une autre action stratégique, renforcée au
fil des années, permet à l’OCP de rendre ré-
alisable cet objectif final. Le groupe fait de
plus en plus appel au dessalement d’eau
de mer pour couvrir la totalité des besoins
additionnels requis par son programme
de développement industriel, sans au-
cune demande complémentaire en eaux
conventionnelles. Le complexe Jorf Lasfar
est, ainsi, alimenté depuis 2016 par une
usine de dessalement d’une capacité an-
nuelle de 25 millions de mètres cubes. Une
extension de la station, prévue pour 2022,
portera sa capacité à 40 millions de mètres
cubes par an. Les travaux d’une usine
supplémentaire de 50 millions de mètres
cubes viennent également d’être lancés.
Pour Safi, le dessalement de près de 30
millions de mètres cubes est également
prévu pour satisfaire les besoins futurs du
programme de développement industriel.
Une partie de l’eau dessalée dans ces
usines desservira également les sites mi-
niers, via la réalisation de conduites de
transfert d’eau.
A Laâyoune, une station d’une capacité de
8 millions de mètres cubes est prévue pour
répondre aux besoins en eau de Phosbou-
craa, s’ajoutant à une station actuelle de
1,4 million de mètres cubes (utilisant le
procédé d’osmose inverse, depuis son dé-
marrage en 2006).
Toutes ces réalisations sont le fruit d’un
travail inlassable et continu d’innovation,
de recherche et de développement, qui
trouve sa place au cœur même de la stra-
tégie de croissance du Groupe OCP. Grâce
à ses différents partenaires, dont l’Univer-
sité Mohammed VI Polytechnique (UM6P),
le Groupe a lancé plusieurs projets inno-
vants afin de développer des solutions dis-
ruptives d’optimisation d’eau et de recou-
rir aux technologies de traitement d’eau
les plus durables. A titre d’exemple, l’adop-
tion du procédé d’hydrolyse thermique,
pour l’hygiénisation des boues issues des
stations d’épuration du Groupe permettra
désormais leur valorisation sûre dans la
fertilisation des sols.
Ces efforts conjugués et ces réalisations
époustouflantes et magistrales font du
groupe OCP un modèle à suivre pour les
grands groupes internationaux de sa taille
en matière de développement durable.
Mais aussi un exemple inédit d’engage-
ment d’une grande entreprise marocaine
évoluant dans un domaine stratégique
comme celui des phosphates et des en-
grais, dont la croissance, le développe-
ment et la performance vont de pair avec
la préservation des ressources naturelles
et notamment de l’eau. C’est un message
clair selon lequel l’avenir se prépare et se
dessine au présent l
Marouane KABBAJ

44
 STATIONS D’ÉPURATION DES EAUX USÉES ET DE DESSALEMENT DE L’EAU DE MER
Quand le Maroc mise sur deux alternatives vitales
Le Royaume a multiplié, ces dernières
années, la construction de stations
d’épuration des eaux usées et celles
de dessalement de l’eau de mer. Une
stratégie qui commence à porter ses
fruits dans ce contexte d’épuisement
des ressources hydriques.
F
ace à la raréfaction plus qu’inquié-
tante de l’eau, le Maroc développe
plusieurs alternatives telle que la
réutilisation des eaux usées pour ju-
guler cette pénurie. Une stratégie qui s’est
traduite par la construction de 153 stations
d’épuration des eaux usées urbaines depuis le
lancement du Plan national d’assainissement
liquide (PNA) en 2006, dont la majeure partie
est l’œuvre de l’Office national de l’Électrici-
té et de l’Eau (ONEE). Des sites qui disposent
d’une capacité de traitement de 3,4 millions
de mètres cubes/jour incluant les émissaires
en mer. A côté du PNA, le gouvernement a
mis en place le Programme national d’assai-
nissement mutualisé (PNAM) pour promou-
voir la réutilisation de ces eaux épurées, par-
ticulièrement en milieu rural. Aujourd’hui, 46
projets de réutilisation des eaux usées, orga-
Usine de dessalement d’eau d’Agadir.
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
nisées et contrôlées ont été réalisés ou sont
en cours de réalisation au niveau national.
Parallèlement à ces programmes, le Royaume
s’est penché sur une autre alternative encore
plus ambitieuse: le dessalement de l’eau de
mer. Les projets dans ce domaine font florès
ces dernières années. Neuf stations sont déjà
opérationnelles. Dernière en date, celle de
Laâyoune, réalisée par l’ONEE et qui entrée
en service en octobre 2022. D’une capacité
de traitement de 26.000 m3/jour, ce site, d’un
coût de 450 millions de dirhams, permettra
de satisfaire les besoins en eau potable des
habitants de la région. Cinq autres stations
sont en cours de réalisation.
De l’eau dessalée pour l’agriculture
L’une des plus remarquables, c’est sans
conteste la station de dessalement d’eau
de mer de Casablanca, dont le démarrage
des travaux est prévu durant le premier se-
mestre 2023, pour une mise en service de la
première phase pour juin 2026 et à partir de
2030 pour la seconde phase. Une usine qui
aura une capacité de traitement de 548.000
m3 par jour, soit 200 millions de m3 par an,
qui pourrait même atteindre 822.000 m3 par
jour après son extension. Un grand projet
UNE FOIS ACHEVÉE, L’USINE DE
DESSALEMENT DE L’EAU DE MER DE
CASABLANCA SERA L’UNE DES PLUS
GRANDES STATIONS EN AFRIQUE.
qui permettra de fournir de l’eau dessalée
destinée à l’irrigation de 5.000 ha couvrant
le Grand Casablanca, Berrechid-Settat et El
Jadida-Azemmour, localités où résidaient en-
viron 6,7 millions d’habitants en 2020. Une
fois achevée, cette infrastructure devrait être
l’une des plus grandes stations du genre en
Afrique.
Que dire de la station de Dakhla, dont le fi-
nancement est estimé à environ 2 milliards
de dirhams, et qui sera alimentée exclusive-
ment en énergie renouvelable par un parc
éolien? Les volumes traités, estimés à 37
millions de m3 par an, seront dédiés à l’irri-
gation de 5.000 ha et l’approvisionnement
en eau potable de la ville, de la localité de
Bir Anzarane et du nouveau port Atlantique
de Dakhla, et surtout, à l’agriculture en plein
désert. Un sacré défi qui avance doucement
mais sûrement. En juin 2022, un mémoran-
dum d’entente et des conventions de parte-
nariat entre secteurs public et privé ont été
signés pour la construction de ce complexe
intégré. La station et le parc devraient être
opérationnels trente mois après la signature
de ces conventions. D’autres stations seront
également construites à Sidi Ifni (8.640 m3/j),
à Tarfaya (1.300 m3/j), au village de pêche Sidi
El Ghazi (100 m3/j) et au du village de pêche
d’Amegrew (430 m3/j) d’ici 2030, d’après le
ministre de l’Equipement et de l’Eau Nizar
Baraka. Des projets qui entrent dans le cadre
du Programme national pour l’approvision-
nement en eau potable et l’irrigation (2020-
2027) et qui permettront de produire environ
36.500 mètres cubes par jour avant cette
échéance l
Elimane SEMBENE
45
COUVERTURE
LE CRÉDIT AGRICOLE DU MAROC FORTEMENT ENGAGÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT
Une banque citoyenne, solidaire du monde
Sécheresse, raréfaction des ressources hydriques, mauvaise saison agricole
2021-2022… Dans les pires moments auxquels fait face le monde rural, le
Crédit Agricole du Maroc est appelé à la rescousse. Une mission qui fait partie
de l’ADN d’une banque solidaire avec les agriculteurs et le monde rural.
B
ras financier de l’État pour la
stratégie sectorielle «Génération
Green», banque citoyenne, en-
gagée et solidaire résolument
inscrite dans la voie du dévelop-
pement durable, partenaire historique du
monde rural concerné par les préoccupations
environnementales telles que la lutte contre
la raréfaction des ressources naturelles, la di-
minution de coûts de l’énergie… Oui, c’est du
groupe Crédit Agricole du Maroc qu’il s’agit.
Lorsque la saison 2021-2022 s’est annoncée
difficile dès son commencement, la banque
verte s’est jointe, le 17 février 2022, aux ef-
forts du gouvernement, conformément aux
hautes instructions royales, pour accompa-
gner le programme gouvernemental de lutte
contre les effets de la sécheresse et fournir
l’aide aux agriculteurs et éleveurs concernés.
Le CAM avait annoncé la mobilisation 6 mil-
liards de DH. La banque et ses filiales (Tamwil
El Fellah) ont élaboré un dispositif d’atténua-
tion des effets de la sécheresse et leurs im-
pacts sur les agriculteurs, qui s’articule au-
tour de 3 axes. Le premier axe porte sur la
mise en place d’une enveloppe additionnelle
de 6 milliards de DH, destinée, notamment,
au financement des cultures printanières à
travers le Produit «Filaha Ribiiya». La banque
accorde ainsi aux agriculteurs des périmètres
adaptés, des financements adéquats pour
l’installation et l’entretien des cultures prin-
tanières, (maraîchage, maïs, tournesol, me-
lon, pastèque…). L’enveloppe est également
consacrée au financement et l’entretien de
l’arboriculture via le Produit «Al Ghars». Le
Crédit Agricole du Maroc accorde aux arbo-
riculteurs, dans le cadre du même dispositif,
46
des financements pour continuer à assurer
l’entretien nécessaire de leurs vergers, no-
tamment l’irrigation, l’acquisition de fertili-
sants, les traitements phytosanitaires…. En
vue de réduire l’impact du déficit pluviomé-
trique sur les activités arboricoles et sauve-
garder les futures productions.
Le soutien du CAM consiste, en outre, à
contribuer au financement de la sauvegarde
du cheptel via le Produit Laksiba. Le but étant
d’aider les éleveurs à sauvegarder leur chep-
tel.
Report des échéances
L’enveloppe budgétaire est destinée égale-
ment à financer la reconstitution du cheptel
laitier à travers le Produit «Génisses» et le
comblement des besoins du marché national
en céréales et en aliments de bétail.
Le deuxième axe du dispositif est relatif au
traitement de l’endettement des agriculteurs
pour leurs échéances à venir, une démarche
qui marque l’intervention de la banque
chaque fois que la sécheresse s’abat sur le
monde rural. Le Crédit Agricole du Maroc a,
ainsi, mis en place, dans un premier temps,
un moratoire. C’est un report avec décalage
d’une année des échéances des crédits échus
et une suspension des actions en justice an-
ciennement intentées au profit des petits
agriculteurs. Pour les autres fellahs, la situa-
tion de leur endettement est examinée, au
cas par cas, et des facilités de paiement leur
ont été accordées selon leur capacité de rem-
boursement.
Le CAM a pensé aussi à l’accompagnement
financier des investissements innovants en
matière d’eau d’irrigation. En accord avec le
ministère de l’Agriculture, de la Pêche Mari-
time, du Développement Rural et des Eaux
et Forêts, il a lancé des solutions innovantes
pour financer des investissements, privés
ou dans le cadre de partenariat public-privé
(PPP), visant à améliorer l’accès à l’eau d’irri-
gation et à en réduire le coût.
Risques climatiques
Sans oublier le produit «Tasbiq FDA», fruit
d’une concertation approfondie entre le
ministère de l’Agriculture, de la Pêche Mari-
time, du Développement Rural et des Eaux et
Forêts et qui consiste en une avance sur déci-
sion de subvention FDA (Fonds de Développe-
ment Agricole) qui permet aux agriculteurs
bénéficiaires des subventions du FDA de dis-
poser d’une trésorerie immédiate en atten-
dant le déblocage effectif de leur subvention.
En matière de maîtrise de risques environne-
mentaux et climatiques, la banque affûte ses
dispositifs de financement avec l’aide de la
BEI (Banque européenne d’investissement) à
la suite d’un accord d’assistance technique
signé le 12 septembre 2022 qui s’inscrit dans
le cadre du partenariat signé entre les deux
institutions en septembre 2020, portant sur
un financement de 200 millions d’euros au
profit des entreprises marocaines dans le sec-
teur de l’agriculture et de la bio-économie.
Le président du directoire du Crédit Agricole
du Maroc, Noureddine Boutayeb, a déclaré à
cette occasion que la dérive climatique est
déjà en cours au Maroc, qui connaît cette
année une sécheresse historique et que le
secteur agricole est directement impacté par
cette rareté de la ressource hydrique dont
il est le principal utilisateur. «En tant que
leader dans le financement de l’agriculture,
fortement engagé dans le développement
durable, il en va de notre responsabilité
d’accompagner au mieux nos clients dans
l’adaptation au changement climatique tout
en renforçant les moyens de gestion et d’atté-
nuation de ce risque», a-t-il conclu.

DURABLE
rural
L’échange de bonnes pratiques sur la ges-
tion des risques climatiques constitue une
nouvelle étape dans le partenariat entre la
BEI et le CAM. Le premier partenariat avec
le CAM, leader historique du financement
du secteur agricole au Maroc, a permis d’ap-
puyer et d’accompagner les investissements
productifs et générateurs d’emplois dans le
cadre de la stratégie agricole marocaine «Gé-
nération Green 2020-2030». Il a permis, aussi,
d’appuyer les PME agricoles afin de soutenir
la résilience du secteur et les agriculteurs en
milieu rural.
Par ailleurs, le Crédit Agricole du Maroc dis-
pose de produits bancaires verts destinés
à faire respecter l’écologie, des processus
d’éco-conception, des leviers efficaces pour
réduire les coûts et générer des économies.
Elle incite ses clients à adopter du matériel
moins énergivore et moins polluant, à la
mise en place d’une gestion rigoureuse de
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
la consommation d’énergie, d’eau ou de ma-
tières premières.
Dans le même objectif visant à soutenir les
agriculteurs, le Crédit Agricole du Maroc
a lancé, le 10 juin 2022, dans le cadre du
soutien et l’accompagnement de la mise en
place du Registre National de l’Agriculture
(RNA) et du programme de généralisation
de la couverture sociale au profit des agri-
culteurs, une nouvelle approche qui permet
désormais à l’agriculteur de disposer de deux
comptes distincts et étanches: un compte
professionnel «Hssab Al Ard», lié à son ex-
ploitation agricole et son activité profession-
nelle, et un autre compte personnel «Hssab
Dar» pour gérer ses besoins personnels et
familiaux.
Couverture sociale pour agriculteurs
Concernant le compte professionnel Hssab
Al Ard, l’agriculteur bénéficie d’un compte
courant permettant, en opération au crédit
du compte, les déblocages des crédits, les
recettes de l’exploitation, les subventions
FDA, les autres incitations financières de
l’État, les indemnisations issues des produits
d’assurances MAMDA (Assurance Multirisque
Climatique, Assurance Arboricole et Assu-
rance Mortalité de bétail...). Au débit de ce
compte, seront portées les dépenses diverses
de l’exploitation, les redevances d’eau d’irri-
gation, le remboursement des crédits ainsi
que les cotisations de l’AMO en faveur de la
CNSS.
Pour ce qui est du compte personnel Hs-
sab Dar, l’agriculteur dispose d’un compte
chèque lui permettant de gérer ses revenus
et dépenses personnels et familiaux et il
comptera comme opérations au crédit son
épargne, le produit de sa retraite, les vire-
ments divers à son bénéfice, les recettes hors
exploitation agricole. Au débit, figureront les
dépenses personnelles, les remboursements
crédits personnels (hors exploitation), les
souscriptions aux produits de bancassurance
optionnels (épargne, retraite, santé…).
L’expérience du Crédit Agricole du Maroc, son
dispositif unique de financement et d’appui
au secteur agricole et au monde rural et les
outils de gestion du risque en général et celui
climatique en font une banque de référence
et de son modèle un exemple demandé par
des partenaires, notamment africains l
Marouane KABBAJ
Noureddine
Boutayeb.
47
COUVERTURE
IMPACT DES CULTURES HYDROVORES
SUR LE STRESS HYDRIQUE AU MAROC
Et si le Maroc s’inspirait
de l’expérience négative du Chili?
Pastèques, tomates, oranges, fraises et avocats, des culture
hydrovores qui continuent d’être produites et exportées
par les agriculteurs marocains, dans un contexte de raréfaction du liquide
précieux dans le Royaume. Paradoxe.
L
e saviez-vous? Le Maroc, confronté
à un stress hydrique sans précé-
dent, exporte d’importantes quan-
tités d’eau via des cultures hydri-
vores comme les tomates, pastèques, fraises
et oranges. Un sacré paradoxe pourtant
dénoncé ces dernières années par de nom-
breuses associations, militants écologiques
et scientifiques marocains, notamment le
collectif marocain «Maroc environnement
2050» qui a demandé, en août dernier, l’ar-
rêt immédiat de la culture des pastèques et
des avocats. Des députés avaient également
alerté sur l’impact de ces cultures sur les
réserves en eaux des nappes phréatiques.
Un concert de dénonciations qui n’est pas
resté inaudible. Le 22 septembre 2022, le
gouvernement décide de suspendre les sub-
ventions pour les cultures d’agrumes, de
pastèques et d’avocats, à travers une note
conjointe signée par Mohamed Sadiki, mi-
nistre de l’Agriculture, de la pêche, du Déve-
loppement rural, des eaux et forêts, et Fouzi
48
Lekjaâ, ministre délégué chargé du budget.
Une mesure qui, selon eux, s’inscrit dans le
cadre de la mise en œuvre de la «décision
fixant les modalités d’octroi de la subven-
tion financière de l’État pour l’aménage-
ment hydro-agricole dans les exploitations
agricoles».
Hausse des exportations
En clair, on coupe les robinets d’aides dé-
diés aux investissements dans l’irrigation,
notamment le creusement de puits, le pom-
page, ou l’équipement de goutte-à-goutte.
Selon le ministère de l’Agriculture, cette
mesure vise à stopper l’extension des su-
perficies irriguées de ces cultures qui ont
«atteint, voire dépassé, les objectifs fixés»,
LE MAROC A EXPORTÉ ENVIRON 735.400 TONNES D’AGRUMES,
DU 1ER SEPTEMBRE 2021 AU 13 JUIN 2022, SOIT UNE HAUSSE
DE 42% PAR RAPPORT À LA CAMPAGNE PRÉCÉDENTE.
pour favoriser d’autres cultures «moins
consommatrices en eau, notamment le ca-
roubier, le cactus, l’amandier, le câprier, le
figuier».
D’après les deux ministères concernés, le
suivi de l’application de l’arrêt des subven-
tions est confié aux services relevant des
ministères des Finances et de l’Agriculture.
Mais pour le «Maroc environnement 2050»,
le gouvernement ne doit pas se limiter à
cette mesure, puisque certains investisseurs
qui n’ont pas besoin de subventions conti-
nueront à miser sur ses cultures hydrovores
qui, à la longue, peuvent accentuer cette
crise hydrique. Le Chili a d’ailleurs vécu
cette triste expérience avec la culture de
l’avocat, dont les superficies ont augmen-
té de 800% entre 1989 et 2019, passant de
2.000 ha à plus de 16.000 ha, sachant que
chaque hectare cultivé nécessite une irriga-
tion par plus de 100.000 litres d’eau par jour,
l’équivalent de la consommation d’eau de
1.000 habitants. Un kg d’avocat, équivalant
à cinq fruits, nécessite 1.000 litres d’eau. Ré-
sultat: le fruit vert a asséché les cours d’eau.
L’«or bleu» est devenu quasiment introu-
vable. Dans la province de Petorca, région
située au centre du pays, un large fleuve
s’est transformé en un mince filet d’eau,
les poissons remplacés par les déchets plas-
tiques, poussant la population à quitter la
zone pour rechercher le liquide précieux. Un
cas d’école qui devrait inspirer le Maroc l
Elimane SEMBENE
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022 49
COUVERTURE

ENTRETIEN AVEC SAÏD MOULINE, directeur général de

l’Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique (AMEE)

“Le Maroc est bien armé pour passer

d’un importateur d’énergie grise
à un exportateur d’énergie verte”
Impact des énergies
renouvelables sur la
préservation de l’eau et
la facture énergétique du
Maroc, les avantages de
l’efficacité énergétique,
l’industrie et l’agriculture
verte… Autant d’aspects
abordés dans cet entretien
avec Saïd Mouline, directeur
général de l’Agence
marocaine de l’Efficacité
énergétique (AMEE).
Propos recueillis par
Elimane SEMBENE
Dans son discours prononcé le 14
octobre 2022 lors de la rentrée parle-
mentaire, le roi Mohammed VI a insis-
té sur la préservation de l’eau dans ce
contexte de stress hydrique. Comment
les énergies renouvelables peuvent-
elles contribuer à l’atteinte de cet ob-
jectif?
L’AMEE a intégré l’économie dans ses
projets depuis quelques années, un sec-
teur qui englobe l’économie de l’eau, de
l’énergie, la gestion des déchets et l’éco-
nomie de tous les intrants industriels. Au-
jourd’hui, il est très important de ne pas
gaspiller l’eau. Il existe un lien très fort
entre l’eau et l’énergie, puisque le trans-
port, le dessalement et le traitement des
eaux usées nécessitent l’utilisation de
l’énergie. Les énergies renouvelables,
dont les coûts ont beaucoup baissé, pour-
raient permettre une baisse des prix de
l’eau dessalée et celle traitée à partir des
eaux usées. Elles peuvent également per-
mettre de produire de l’hydrogène vert, qui
est le résultat de l’électrolyse de l’eau par
des énergies vertes.
Nous avons un cluster Hydrogène vert qui
regroupe tous les partenaires ministériels,
les agences dédiées ainsi que les opé-
rateurs. Ce groupe travaille sur l’aspect
réglementaire dans la mise en place des
projets, destiné aux nombreux investis-
seurs étrangers qui sont de plus en plus
intéressés par la production d’hydrogène
vert au Maroc dans plusieurs filières. Au
niveau national, de grandes entreprises
marocaines s’activent aussi dans ce do-
maine, notamment le groupe OCP, qui
vise la neutralité carbone en 2040 et qui
souhaite produire de l’ammoniac vert au
Maroc via l’hydrogène.
Aujourd’hui, plusieurs pays prévoient d’im-
porter l’hydrogène vert de pays à faibles
coûts de production. Notre pays est donc
bien armé pour passer d’un importateur
d’énergie grise, dont la facture pourrait
passer de 80 milliards à 150 milliards de
dirhams à cause de la conjoncture mon-
diale, à un exportateur d’énergie verte, vu
son énorme potentiel dans ce domaine.
Votre structure a lancé, le 26 janvier
2021, le programme “Tatwir croissance
verte” en partenariat avec le ministère

“D’ÉNERGIE
TOUTES CES ACTIONS D’ÉCONOMIE
SONT PLUS QU’URGENTES
ET TRÈS RENTABLES DANS CE CONTEXTE
D’INFLATION DES PRIX DE L’ÉNERGIE À
L’INTERNATIONAL.
”
50

de l’Industrie et de l’Economie verte et
Maroc PME. Où en êtes-vous?
Ce programme vise à encourager les
Petites et moyennes entreprises (PME)
à intégrer les énergies vertes dans leurs
activités. Nous avons d’ailleurs signé des
conventions avec toutes les banques qui
proposent des lignes de financement vert,
souvent avec 10-15% de subventions,
pour faciliter l’accès aux fonds pour les
entrepreneurs qui souhaitent investir dans
ce domaine. L’AMEE a également mis en
place un guide sur la décarbonation desti-
né aux industriels, en partenariat avec le
cluster solaire. Nous avons récemment
signé une convention avec la Société
marocaine d’ingénierie touristique (SMIT)
pour intégrer l’efficacité énergétique et les
énergies renouvelables dans les hôtels
dans le Fonds de rénovation de ces éta-
blissements.
Des résultats notoires ont été enregistrés
puisque 80% des projets déposés pour bé-
néficier de ce fonds contiennent ce volet.
L’agence développe aussi des projets de
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
pompage solaire dans l’agriculture pour in-
citer les agriculteurs à utiliser les énergies
renouvelables dans leurs activités, ce qui
leur permettra d’économiser de l’eau dans
ce contexte de stress hydrique, et des ini-
tiatives dans la mobilité durable dans nos
villes pour favoriser l’éco-conduite, les
pistes cyclables et l’usage des voitures
électriques. Toutes ces actions d’écono-
mie d’énergie sont plus qu’urgentes et très
rentables dans ce contexte d’inflation des
prix de l’énergie à l’international provo-
quée par cette crise géopolitique.
Justement, cette augmentation des prix
de l’énergie à l’international, notam-
ment ceux du gaz à cause de la guerre
russo-ukrainienne, est-ce une preuve
supplémentaire que le renouvelable est
l’énergie du futur?
La flambée des prix de l’énergie sur le
marché mondial a accéléré la transition
énergétique. On parle de plus en plus de
souveraineté énergétique. Le Maroc a
très tôt pris les devants grâce à l’initiative
“DES
LA FLAMBÉE
PRIX DE
L’ÉNERGIE SUR
LE MARCHÉ
MONDIAL A
ACCÉLÉRÉ LA
TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE.
”
royale de développement des énergies
renouvelables et l’efficacité énergétique
lancée en 2009. Un programme qui a
permis au Royaume de disposer actuel-
lement de nombreuses centrales solaires
et éoliennes qui permettent de gérer une
grande partie de la consommation locale.
Il est heureux de constater que tous les
gros consommateurs industriels maro-
cains, notamment dans la sidérurgie, la
cimenterie, l’Office national des chemins
de fer (ONCF), utilisent de l’électricité
verte moins chère, parce que cette transi-
tion écologique a un impact positif sur leur
croissance.
L’AMEE travaille aussi avec les adminis-
trations dans le volet efficacité énergétique
et sur l’équipement de leurs locaux en toits
solaires afin de réduire leur facture éner-
gétique. Elle a mis à leur disposition des
standards minimum énergétiques pour les
appareils pour permettre aux industriels
de connaitre leur niveau de consomma-
tion afin de choisir celui qui consomme le
moins et l’acheter à prix moins cher l
51
COUVERTURE

L’AGENCE MAROCAINE POUR L’ÉNERGIE DURABLE SUR TOUS LES FRONTS

Le vaisseau amiral du défi vert

du Royaume
Centrales solaires, parcs éoliens, infrastructures hydrauliques… Autant de grands projets
pilotés par l’Agence marocaine pour l’énergie durable (MASEN) pour faire du Maroc un
des plus grands producteurs d’énergies vertes au monde.

L
a véritable locomotive de l’am-
bitieux programme de dévelop-
pement des énergies renouve-
lables au Maroc, c’est bien la
Masen. Créée en 2010, l’Agence
marocaine pour l’énergie durable a piloté
la mise en place de plusieurs projets so-
laires, éoliens et hydrauliques. Son premier
chef d’œuvre, c’est bien évidemment le
gigantesque complexe solaire Noor Ouar-
zazate, d’une puissance solaire installée
de 582 mégawatts (MW). Ce site, construit
sur une superficie de 3.000 ha, regroupe
quatre centrales solaires qui fourniront de
l’électricité verte à environ 2 millions de
Marocains. Après le pilote à succès de cette
méga-centrale solaire, considérée comme
l’un des plus grands complexes solaires au
monde après celui de Solar Star, en Califor-
nie, l’agence s’est tournée, depuis 2018,
vers un autre challenge, encore plus pha-
raonique: Noor Midelt.

Un appétit vert insatiable

Une infrastructure solaire en plein désert,
construite sur un plateau de la Haute Mou-
louya à environ 20 km au nord-est de la
ville éponyme. Ce projet, dont la première
phase a été lancée en 2018, a nécessité un
investissement total estimé à 20 milliards
de dirhams émanant de bailleurs interna-
tionaux, disposera, à terme, d’une capacité riat avec l’Office national de l’électricité et Meknès. Et la Masen ne s’arrête pas là. Son
globale de 1.600 MW, faisant de lui le plus de l’eau potable (ONEE). appétit vert semble insatiable. Le 4 juillet
grand complexe solaire multi-techniques Un projet solaire de 120 MW finalisé en 2022, elle lance un appel d’offres pour la ré-
au monde. Parallèlement à ces deux 2021, et matérialisé par la construction alisation, l’exploitation et la maintenance
grands projets, elle fut le maître d’ouvrage des centrales de Zagora, d’Erfoud et celle des centrales solaires photovoltaïques du
du programme Noor Tafilalet, en partena- de Missour, située dans la région de Fès- programme solaire Noor Atlas, d’une ca-

52
pacité d’environ 360 mégawatts (MW). Un
programme qui prévoit la construction de
sept centrales solaires photovoltaiques
dans des localités situées à l’Est et au Sud
du Maroc. Le lot 1 regroupe cinq centrales
prévues à Aïn Beni Mathar pour une capaci-
té de 42 MW, à Enjil (42 MW), à Boudnib (36
MW), à Outat el Haj (36 MW), et à Bouanane
(30 MW). Quant au lot 2, il concerne deux
centrales de 36 MW chacune à Tantan et
à Tata. L’ouverture des offres est d’ailleurs
prévue ce 30 octobre 2022.
Après le solaire, cap sur l’éolien. Une autre
source d’énergie verte exploitée par la
Masen, à travers le Programme éolien in-
tégré Nassim, qui regroupe plusieurs parcs
éoliens d’une capacité globale de 850 MW.
Parmi eux, celui de Midelt I (120 MW) ache-
vé en janvier 2021, en attendant les trois
autres, d’une puissance de 90 MW. Le parc
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
éolien Nassim Koudia al Baida, situé près
de Tétouan, figure aussi dans ce lot.
L’agence a annoncé, le 18 juillet 2022, la
signature d’un partenariat avec EDF Re-
nouvelables, pour doubler sa capacité de
production, qui passera de 50 MW, initia-
lement installés en 2000, à 100 MW. «Dès
sa mise en exploitation, prévue au 2ème
trimestre 2024, la production électrique an-
nuelle de Nassim Koudia al Baida permet-
tra de répondre aux besoins de consom-
mation d’environ 420.000 habitants et
permettra d’éviter l’émission de l’équiva-
lent de 308.000 tonnes de CO2 par an»,
indique-t-elle.
LE MAROC COMPTAIT, FIN
2021, UNE CINQUANTAINE
DE PROJETS
D’ÉNERGIES VERTES EN
EXPLOITATION, D’UNE
CAPACITÉ TOTALE DE
4.109 MW
Après avoir initié des projets verts sur terre,
la Masen souhaitent les déployer en mer.
Elle a signé, en septembre 2022, un accord
de coopération avec la Banque européenne
d’investissement (BEI) pour développer l’éo-
lien en mer. La BEI va lui octroyer une sub-
vention de 2 millions d’euros pour financer
l’étude de faisabilité de ce projet, en col-
laboration avec cette banque. Une phase
qui permettra d’analyser les études prépa-
ratoires nécessaires au projet sur le plan
technique, économique, environnemental
et social, ainsi que l’évaluation détaillée
des risques et enjeux du projet. D’après les
spécialistes, les parcs éoliens en mer per-
mettent de bénéficier de meilleures condi-
tions de vent et d’un espace sans obstacle
et permettent d’obtenir un rendement plus
élevé que ceux terrestres. Toutefois, leur
installation et leur entretien s’avèrent plus
complexes et coûteux.
Un challenge à portée de main
Restons toujours en milieu marin, histoire
de plonger notre regard sur les projets hy-
drauliques développés à côté du solaire et
de l’éolien. On peut citer, par exemple, la
station de transfert d’énergie par pompage
(STEP) de Abdelmoumen, située à environ
70 km au nord-est d’Agadir, dans la province
de Taroudant. Ce site, dont le taux de réali-
sation des travaux était de 70% mi-octobre
2021, fournira 350 MW d’hydro-électricité.
A cela, il faut ajouter la STEP d’Afourar (460
MW), dans la région Béni Mellal-Khénifra.
De lourds investissements qui ont porté
leurs fruits.
Le Royaume comptait, fin 2021, une cin-
quantaine de projets d’énergies vertes en
exploitation, d’une capacité totale de 4.109
MW. «Masen contribue significativement à
la transition énergétique du Royaume à
travers le pilotage de projets électriques
de source renouvelable tant éoliens que
solaires. En effet, 2.500 MW sont engagés
sur le solaire tandis que 1.320 MW sont en-
gagés sur l’éolien et 360 MW sur l’hydroé-
lectrique», explique l’agence. Selon elle,
tous ces programmes visent, notamment,
à développer une puissance de production
électrique propre additionnelle de 3.000
MW à l’horizon 2020 et de 6.000 MW à
l’horizon 2030. Objectif: permettre au pays
d’atteindre son objectif de consacrer plus
de 52% de part d’énergie renouvelable
dans le mix électrique au Maroc à l’horizon
2030. Un challenge plus que jamais à por-
tée de main l
Elimane SEMBENE
53
COUVERTURE

A L’INITIATIVE DU CCME ET DE L’UM6P, RÉUNION À BENGUÉRIR D’UN COMITÉ

D’EXPERTS INDÉPENDANTS POUR DISCUTER DE LA GOUVERNANCE DE L’EAU
La pénurie d’eau, une réalité
Une prise de conscience collective doit s’opérer entre acteurs publics, opérateurs économiques et représentants de la société
civile sur la nécessité d’adopter une approche concertée en matière de gestion des ressources hydriques.

P
our s’attaquer à la question lancinante
du stress hydrique au Maroc, un collec-
tif d’experts à 100% marocains menée
par le Conseil de la Communauté des
Marocains à l’Étranger (CCME) en partenariat
avec l’Université Mohammed VI Polytechnique
(UM6P), autour de la gouvernance de l’eau et la
gestion de la rareté. «Cette rencontre fait suite
aux deux discours royaux, le premier sur la ges-
tion de la rareté de l’eau et le second, celui du 20
août 2022, autour de l’implication de la diaspo-
ra dans le développement du Maroc, à travers
notamment, la consolidation du réseau d’ex-
perts marocain dans les quatre coin du globe»,
a expliqué Abdellah Boussouf, secrétaire général
du CCME. Pour l’UM6P, l’organisation de cette
table ronde prend tout son sens, puisqu’en l’état
actuel, 70% du corps professoral de l’Université
sont issus de la diaspora.
Parmi les sujets de préoccupation qui ont été
largement débattus figure la disponibilité de la
ressource, accentuée par les perspectives des
changements climatiques, l’approvisionnement
en eau potable, l’utilisation de l’eau à des fins
agricoles ainsi que la pollution des cours et
plans d’eau douce. La crise hydrique a révélé de
prime abord l’absence d’articulation entre les
différentes politiques publiques. La conjonction
entre le politique et la recherche scientifique
est un point à mettre dans l’actif de cette ren-
contre, puisqu’elle permet de mieux saisir divers
dossiers posés sur la table, à la fois, sous l’angle
théorique et pratique. D’ailleurs, les experts
s’accordent à dire que la gouvernance actuelle
et future devrait conditionner, en principe, la
réussite ou l’échec des politiques sectorielles.
Toutefois, pour l’ex-ministre en Charge de l’Eau,
Madame Charafat Afilal, «l’attention accordée
aux ressources hydriques incite à revoir les
politiques publiques, notamment l’investisse-
ment».
Promouvoir une intelligence collective
La réunion a également permis de révéler cer-
taines pratiques largement répandues, qui éma-
nent d’un certain laxisme. Grâce aux progrès
technologiques réalisés dans le forage des puits,
la pression sur les eaux souterraines augmente.
D’où la nécessité de revoir non seulement ces
pratiques mais aussi la politique d’extension des
périmètres irrigués, qui ne tient pas compte des
capacités hydriques réelles. Bien que coûteuse,
la nécessité du recours au dessalement de l’eau
de mer, s’impose plus que jamais. D’autres
pistes inexplorées, comme la réutilisation des
eaux usées ou les rejets polluants, ont eu une
part importante des échanges.
Au final, la réunion a permis d’aboutir à une
série de recommandations très attendues par
les différentes parties prenantes, à la tête des-
quelles figure la création d’une agence natio-
nale dédiée à gouvernance de l’eau, le renfor-
cement des moyens et périmètre d’actions des
Agences du Bassin Hydraulique (ABH), l’accélé-
ration de la mise en œuvre de contrats sur les
nappes phréatiques, l’adoption d’une stratégie
pour la réutilisation des eaux usées, ou encore
la suppression des subventions accordées à des
projets visant à augmenter la surface agricole
irriguée à partir des eaux souterraines. Une
chaire universitaire dont la mission sera de pro-
mouvoir une intelligence collective autour des
enjeux liés à cette ressource vitale a aussi été
recommandée l
Seddik MOUAFFAK

LA CRISE
HYDRIQUE A
RÉVÉLÉ L’ABSENCE
D’ARTICULATION
ENTRE LES
DIFFÉRENTES
POLITIQUES
PUBLIQUES.

54

L’énergie est un facteur majeur dans le
développement de tout pays. Pouvez-vous
nous en dire plus sur la structure de la
consommation de l’énergie au Maroc?
Certes, la consommation énergétique est un
indice sur la prospérité et l’industrialisation
de chaque pays. Celle du Maroc demeure
très faible et se répartit en deux catégories:
des énergies secondaires, telles que l’électri-
cité; et des énergies primaires, telles que le
charbon, le gaz et les produits pétroliers. Notre
consommation se distribue principalement
sur la consommation des produits pétroliers
74,1%, l’électricité 17,3%, biocarburants et
déchet 8,1%, gaz 0,1% charbon 0,1%. Cette
consommation est dominée par le secteur du
transport, le secteur des ménages/utilisation
domestique, la consommation des industries,
les services publics et pour l’agriculture 7,6%.
Pourquoi cette consommation est-elle
jugée faible?
La faible consommation du Maroc est due
au faible taux d’industrialisation ainsi que le
rapport entre le prix de l’énergie et le niveau
des revenus des ménages.
D’ailleurs, malgré les efforts fournis pour élec-
trifier le territoire national, le coût de l’électricité
reste très élevé par rapport au pouvoir d’achat
de la majorité des Marocains, ce qui explique
l’utilisation d’autres sources d’énergie. Dans la
plupart des zones froides, par exemple, l’uti-
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
ENTRETIEN AVEC YOUNESS LEBTAR,
chercheur en économie des énergies.
“La consommation énergétique
est un indice sur la prospérité
et l’industrialisation de chaque pays”
La politique énergétique au Maroc vise principalement à assurer l’approvisionnement
stable et adéquat du marché en produits énergétiques.
lisation du bois de chauffage est une pratique
courante pour combler l’absence de réseau
de distribution de gaz naturel et la cherté de
l’électricité.
Dans ce contexte de crise énergétique,
comment pouvez-vous décrire la politique
marocaine dans ce secteur?
La politique énergétique au Maroc vise princi-
palement à assurer l’approvisionnement stable
et adéquat du marché en produits énergé-
tiques, en plus de stabiliser les prix et consoli-
der la compétitivité de notre tissu économique.
C’est ainsi que les différents gouvernements,
depuis la fin des années 90, ont pu assurer
un approvisionnement stable et suffisant pour
répondre à la demande nationale.
Cependant, cet objectif n’est atteint princi-
palement que grâce aux importations, ce qui
présente un très lourd fardeau sur la balance
commerciale et aussi la balance des paie-
ments.
Pourquoi nous n’avons pas encore atteint
une indépendance énergétique?
Dans le segment du raffinage, la décision de
privatiser notre seule raffinerie a produit des
conséquences catastrophiques sur le marché
des carburants et sur les finances publiques.
Dans le segment des énergies renouvelables,
le programme Nour mené par MASEN, souffre
d’un retard accumulé dans la réalisation de ses
projets et un surcoût dû aux choix des techno-
logies utilisées et au business model adopté.
Quant au secteur du gaz naturel, nous avons
reporté plusieurs fois le plan «gaz to power»,
un plan qui était à l’époque très ambitieux avec
des objectifs bien définis mais qui a peiné à se
réaliser. On a prévu plusieurs terminaux ga-
ziers depuis 2007 avec un investissement total
de plusieurs milliards de dollars mais après 15
ans rien n’est encore réalisé et le Maroc est
obligé de passer par les terminaux espagnols
pour importer ses besoins en gaz naturel après
le refus de l’Algérie de continuer de nous ap-
provisionner via le gazoduc Maghreb-Espagne.
Malgré les efforts et les réalisations dans
ce secteur, quelles sont les raisons qui ont
mené à ces échecs?
Je dirais que c’est principalement la multitude
d’intervenants avec des prérogatives dis-
persées. D’ailleurs, l’adoption d’une logique
conjoncturelle à court terme dans les choix
des solutions et des projets à financer, en plus
des contraintes économiques et géopolitiques
actuelles, aggravent la situation.
Quelles sont les contraintes du secteur
industriel national en relation avec l’énergie
Dans l’industrie, le coût de l’énergie sanctionne
la compétitivité des entreprises industrielles et
rend l’investissement dans certains segments
impossible, tel que dans la sidérurgie ou la
métallurgie ainsi que les industries méca-
niques. Pourtant, ces activités sont vitales pour
l’amélioration du taux d’intégration industrielle
et la réduction des importations. Le secteur
industriel est désormais face à un défi d’ordre
technique économique et juridique l
Propos recueillis par
Hiba CHAKER
55
COUVERTURE

LES VENTES DES MOTORISATIONS ALTERNATIVES ONT DOUBLÉ EN 2 ANS,

MAIS RESTENT LOIN DERRIÈRE LE GAS-OIL ET L’ESSENCE

Au Maroc, la dure transition

vers la mobilité hybride et électrique
Au Maroc, le parc de voitures hybrides et électriques évolue à un rythme effréné, mais sans pour autant amorcer une
véritable transition vers les motorisations dites“alternatives” comme c’est déjà le cas en Europe. Malgré des efforts consi-
dérables, la faiblesse de l’infrastructure dédiée et les obstacles culturels posent encore problème.

D
es citadines, des com- torisation confondus) n’ont progressé que temps mais restent nettement moins at-
pactes et même des SUV de 4% entre 2019 et 2021. trayantes que l’hybride. D’après des ac-
et autres segments su- Pour ce qui est de l’hybride rechargeable, teurs du secteur, cela s’explique par le fait
périeurs. Sur les routes 421 véhicules ont été écoulés en 2021, que le 100% électrique et l’hybride rechar-
du Maroc, voir rouler des contre 89 en 2019, alors que le purement geable proposent presque exclusivement
voitures hybrides ou électriques n’est électrique a vendu 267 voitures l’année des voitures premium avec une fourchette
plus un événement exceptionnel. Depuis dernière. Ces deux catégories progressent de prix à partir de 500.000 dirhams, sauf
quelques années, ces véhicules censés ré- donc dans le marché marocain au fil du quelques exceptions. Tandis que l’hybride
volutionner un mode de transport vieux
de plus d’un siècle, et surtout répondre
aux pressantes questions écologique et
énergétique qui s’imposent de plus en
plus sur l’échelle planétaire, commencent
à constituer une niche intéressante dans
le marché automobile marocain. Au
point que certaines concessionnaires,
notamment asiatiques, proposent une
importante partie de leurs modèles -voire
presque l’intégralité dans le cas de Toyo-
ta- avec des motorisations hybrides alliant
l’électrique à l’essence, selon le mode de
conduite, écartant complètement le die-
sel, jugé encore plus polluant.

Des gammes plus variées

Et les derniers chiffres du marché natio-
nal confirment cette évolution. En 2021,
environ 4.196 véhicules hybrides ont été
écoulés, contre seulement 1.886 en 2019,
soit une augmentation d’un peu plus de
224% en l’espace de deux années, malgré
l’impact de la pandémie du covid-19 sur
le pouvoir d’achat et sur l’évolution du
marché automobile marocain. À titre de
comparaison, les ventes globales dans le
Royaume (tous segments et types de mo-

56
simple offre des gammes plus variées avec
des tarifs plus accessibles au grand public.
Au total, le parc automobile hybride et
électrique compte, en 2022, 44 modèles
appartenant à 14 marques différentes,
contre 21 modèles de 7 marques en 2020.
“Les gens sont de plus en plus conscients
des enjeux écologiques. Certains n’ont
tout simplement plus envie d’être respon-
sables de la pollution et de la dégradation
du monde dans lequel ils vivent”, nous
explique Ali Lakrakbi, directeur technique
au sein de Kilowatt Morocco. Cette jeune
entreprise marocaine spécialisée dans la
mobilité électrique commercialise des vé-
hicules électriques de plusieurs marques,
notamment européennes ou encore de la
célèbre Tesla américaine. “Et puis les gens
en ont marre de payer le carburant au prix
actuel qui est juste trop élevé”, martèle
Ali Lakrakbi. La hausse vertigineuse des
prix à la pompe pourrait en effet donner
un important coup de pouce aux ventes
des véhicules dotés de motorisations al-
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
SEULS 2,7% DES 175.360 VOITURES ÉCOULÉES DANS LE
MARCHÉ MAROCAIN ÉTAIENT ÉLECTRIQUES OU HYBRIDES,
CE QUI MONTRE QUE LA MOBILITÉ DITE “VERTE” A ENCORE
DU CHEMIN À FAIRE AU MAROC.
ternatives. D’après les estimations des
utilisateurs, le coût de 100 km en voiture
électrique ne dépasse pas les 20 dirhams,
contre environ 100 dirhams pour les voi-
tures à énergie fossile si l’on prend en
considération les prix actuels du gas-oil et
de l’essence au Maroc.
Malgré cela, la part des motorisations
alternatives reste encore faible pour l’ins-
tant. Seuls 2,7% des 175.360 voitures
écoulées dans le marché marocain étaient
électriques ou hybrides, ce qui montre que
la mobilité dite “verte” a encore du che-
min à faire au Maroc.
C’est encore loin derrière l’Europe, par
exemple, où le diesel et l’essence réunis
ne constituaient que 43,8% de parts de
marché durant les six premiers mois de
2022, alors que les reste, soit 56,2%, est
partagé entre les énergies restantes, no-
tamment l’hybride (23,6%), l’électrique
(11,6%) et l’hybride rechargeable (8,3%)
ainsi que
“Ça peut paraître bizarre, mais, au-delà
des considérations logistiques et tech-
niques, il y a un blocage psychologique
et culturel. Certains n’osent pas franchir
le pas par peur de paraître trop différent
en conduisant une voiture électrique. C’est
une question d’image et de comment ton
entourage te voit”, explique Ali Lakrakbi.
Problèmes de recharge
Si ce détail peut jouer un certain rôle à
dissuader les gens d’opter pour les mo-
torisations alternatives, il n’en demeure
pas moins que les plus grands obstacles
résident dans le manque d’infrastructures
dédiées à ce genre de véhicules et la sen-
sibilisation quasi absente, pourtant indis-
pensable dans toute tentative de transi-
tion écologique.
En effet, les réticents évoquent souvent le
nombre insuffisant de bornes de recharge
et leur concentration dans les grandes
villes, notamment sur l’axe Tanger-Casa-
blanca. Plusieurs opérateurs du secteur
parlent de 80 bornes, alors que d’autres
indiquent que ce chiffre dépasse les 200
à travers tout le territoire national, dont
une partie ne sont pas réellement opéra-
tionnelles.
Plusieurs projets privés et publics, voire
étrangers, ont été initiés pour combler
ce vide. Le constructeur Porsche avait an-
noncé, en 2021, l’installation de 33 points
de recharge gratuits, notamment dans
plusieurs hôtels au Maroc, dans le cadre
d’un programme qui vise la mise en place
de plus de 3.000 bornes dans 20 différents
pays dans le monde. Même le leader mon-
dial de la voiture électrique, Tesla, s’est
aventuré dans le Royaume en installant
en 2021, trois de ses “superchargeurs” à
Casablanca, Rabat et Tanger, avant d’en
déployer deux autres à Marrakech et
Agadir l’année suivante. Les bornes de la
firme d’Elon Musk proposent la recharge
gratuite jusqu’à 400 kWh, soit 1.600 km.
Au-delà de ce seuil, le service devient
payant mais à un tarif “peu élevé” compa-
ré au plein d’essence ou de gas-oil.
Mais pour Ali Lakrakbi, dont l’entreprise,
Kilowatt Morocco, dispose de 53 bornes
à travers le Maroc, le conducteur peut re-
charger sa voiture électrique même sans
bornes, du moment qu’il possède le câble
nécessaire. Une prise électrique simple
suffit alors à la recharger en la laissant
branchée durant la nuit par exemple. “En
vrai, ça peut être plus avantageux que
les véhicules diesel et essence vu qu’il y
a infiniment beaucoup plus de prises élec-
triques que de stations service. Et puis
la majorité des voitures électriques sont
compatibles avec ce genre de prises”, in-
siste-t-il l
Louay KERDOUSS
57
COUVERTURE

Dans un contexte de crise

ENTRETIEN AVEC RAJAE CHAFIL, directrice du Centre 4C Maroc,
membre de la Commission Spéciale pour le Nouveau Modèle de Développement
énergétique et géopolitique,
Mme Rajae Chafil, directrice du
Centre C4, revient pour Maroc
Hebdo sur les perspectives du
Maroc en matière d’énergie.
Dans ce contexte de crise énergétique et
climatique mondiale, comment le Maroc
pourrait-il faire face aux effets du change-
ment climatique?
La crise énergétique que connaît le Royaume
du Maroc, et par ailleurs le reste du monde,
est le fait d’une crise géopolitique qui dépasse
nos frontières. Parallèlement, l’autre crise sur
laquelle nous nous devons d’agir en tant que
pays est la situation de stress hydrique struc-
turel que nous traversons.
S. M. le Roi, a livré un message on ne peut
plus clair à cet égard lors du discours d’ou-
verture de la session parlementaire d’octobre
2022, en rappelant que la question de l’eau est
«une composante essentielle du processus
de développement et une ressource indispen-
sable à la viabilité des projets et activités pro-
ductives, dans leur ensemble». Il va sans dire
que les besoins élémentaires des Marocains,
notamment leur droit à l’eau et à la sécurité
alimentaire et à l’énergie, sont le fondement
même de la société solidaire et durable que
nous nous devons de construire pour les gé-
nérations actuelles et futures, tel que souligné
par le Nouveau Modèle de Développement.
Pour revenir à l’énergie, le Maroc a entamé,
depuis plusieurs années, une dynamique de
transition énergétique le propulsant, grâce à
la vision royale, au rang de champion mondial

“Pour soutenir la compétitivité de

l’industrie marocaine, nous sommes
amenés à notre transition énergétique”
58
dans le domaine des énergies renouvelables.
Même si notre pays est faiblement émetteur de
gaz à effet de serre, la problématique aujourd’hui
est d’accélérer la transition des secteurs produc-
tifs du Royaume, notamment en s’assurant que
les produits marocains soient décarbonés gra-
duellement, mais le plus tôt possible. Cela nous
permettra de faire face aux nouveaux enjeux de
compétitivité à l’export, notamment face au Mé-
canisme d’Ajustement Carbone aux Frontières
(MACF) de l’Union Européenne, notre premier
partenaire commercial, et même face aux nou-
velles barrières non tarifaires, en l’occurrence
les taxes carbone qui seront mises en place
progressivement par les principaux importateurs
mondiaux.
Dans ce cadre, le renforcement des poli-
tiques de développement sobres en carbone
et résilientes au climat est plus que jamais
une urgence. Où en est le Maroc?
Le développement de stratégies pour atteindre
la sobriété carbone prend une importance
croissante dans notre pays. Pour soutenir la
compétitivité de l’industrie marocaine, nous
sommes amenés à pousser encore plus loin
notre transition énergétique, d’autant plus que
nous ne sommes qu’à quelques mois de l’en-
trée en vigueur du Green Deal européen. Ce
sont des défis qu’il incombe essentiellement au
secteur privé marocain de relever, à l’heure où la
nouvelle Charte de l’Investissement ambitionne
de porter la part des capitaux privés aux deux
tiers du total des investissements dans le pays
à l’horizon 2035. Ce sont des opportunités qui,
si elles sont bien appréhendées et mises à pro-
fit, permettraient au Royaume de se positionner
comme une base industrielle décarbonée et
circulaire.
Comment le 4C accompagne-t-il la décarbo-
nation du secteur privé?
Le 4C Maroc appuie les politiques climatiques
à travers de nombreux projets d’implémentation
de la Contribution Déterminée au niveau Natio-
nal (CDN) du Maroc, notamment par la facilita-
tion de l’accès des acteurs publics et privés à la
finance climatique. Mais plus particulièrement,
nous accompagnons la trajectoire de décarbo-
nation des entreprises à travers des sessions
d’information et de sensibilisation, notamment
sur l’état des négociations internationales sur
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
“ LE MAROC DISPOSE D’UNE LONGUE
TRADITION DE DIPLOMATIE CLIMATIQUE QUI
”
EST SALUÉE À L’ÉCHELLE MONDIALE.
ces thématiques et sur les questions émer-
gentes dans ce cadre, ainsi qu’à travers l’éla-
boration de notes d’analyses et l’organisation
d’ateliers-débats conjointement avec la CGEM
et les professions concernés.
Les énergies renouvelables peuvent-elles
être la clé de résolution des problèmes
énergétiques au Maroc?
Il est vrai que le marché international de l’éner-
gie vit une période très compliquée, mais il faut
dire que le Maroc s’en sort plutôt bien comparé
à d’autres pays.
Le développement des énergies renouvelables
est l’un des chantiers essentiels dans ce cadre.
Il s’agit d’une ressource qui, en plus d’être du-
rable et propre, coûte moins cher sur le plan
économique et écologique que l’exploitation
des énergies fossiles. Comme l’a démontré le
dernier rapport du Groupe intergouvernemen-
tal sur l’Evolution du Climat (GIEC), l’investisse-
ment dans les énergies renouvelables comme
l’éolien, le solaire et l’hydraulique présente de
nombreux avantages en termes de coût, et
de performance, tout en contribuant à l’effort
mondial de lutte contre les changements cli-
matiques. Et même en termes de retombées
sociales, les énergies renouvelables dans le
monde emploient désormais plus de 50% de
l’ensemble des emplois du secteur de l’énergie,
selon un rapport publié en septembre 2022 par
l’Agence internationale pour les énergies re-
nouvelables (IRENA).
Depuis la COP22 de Marrakech en 2016,
le Maroc a su se démarquer au niveau des
actions pour le climat et l’énergie au niveau
régional et mondial. Peut-on parler d’une
diplomatie climatique?
Effectivement, la COP22 de Marrakech en
2016 a marqué l’expansion de la diplomatie
climatique du Royaume. Mais, ne l’oublions
pas, le Royaume a accueilli la COP22 en 2016
mais auparavant, il avait également accueilli la
COP7 à Marrakech en 2001. Le Maroc dispose
donc d’une longue tradition de diplomatie cli-
matique qui est saluée à l’échelle continentale
et mondiale depuis des décennies. Le Centre
4C Maroc est aujourd’hui la seule institution à
l’échelle mondiale à avoir appuyé la création
de deux Fonds d’Investissement Climatiques
en Afrique, à savoir «Le Fonds Bleu du Bassin
du Congo» et «Le Mécanisme Financier du
Sahel». La diplomatie climatique du Royaume
lui permet donc non seulement de rayonner à
l’échelle continentale et mondiale, mais aussi
et surtout d’avoir un impact positif sur la vie
des populations de plus de 30 pays africains.
Selon vous, quelles sont les perspectives
pour le Maroc en matière d’énergie, d’envi-
ronnement et de changement climatique?
S’agissant des énergies propres, les pers-
pectives sont très prometteuses au regard
de l’énorme potentiel dont dispose le Maroc,
et qui lui offre la possibilité de doter son mix
électrique de sources éoliennes et solaires
compétitives, dont on devrait exploiter l’entière
capacité. En plus de ces deux segments, le
Royaume pourrait renforcer le développe-
ment des infrastructures pour la production
de l’électricité géothermique, de l’hydrogène
vert, et de l’énergie marine. La combinaison
de tous ces facteurs pourrait même faire du
Royaume un exportateur d’énergie propre ca-
pable d’accompagner les processus de tran-
sition énergétique et de décarbonatation des
économies des pays partenaires.
Cependant, et en tant que pays africain extrê-
mement vulnérable face aux effets adverses
des changements climatiques, comme en té-
moigne la crise de l‘eau actuelle, notre pays
pourrait renforcer davantage ses politiques
d’adaptation en les incluant de manière trans-
versale dans les politiques nationales et terri-
toriales, et à tous les niveaux de la prise de
décision. Le dernier discours de Sa Majesté
le Roi au Parlement est, en ce sens, un appel
ferme à toutes les forces vives de notre pays
pour prendre cette problématique à bras le
corps et d’en faire une priorité nationale l
Propos recueillis par Hiba CHAKER
59
ECO & Finance
LE GROUPE OCP VIENT D’ÊTRE AUTORISÉ PAR
LE GOUVERNEMENT À CRÉER DEUX NOUVELLES FILIALES
CAP SUR LA DÉCARBONATION
L
a création des nouvelles
filiales n’a d’autre objectif que
de satisfaire les besoins de
l’OCP en eaux non conventionnelles
ainsi qu’une partie de ses besoins en
énergie électrique.
C’est un nouveau cap que franchit
le groupe OCP pour mener à bien sa
politique de décarbonation. Le 19
octobre 2022, le groupe OCP a été
HIGH-TECH
MEDIACASH OUVRE UN NOUVEAU MAGASIN À DAR BOUAZZA
L’
enseigne multi-spécialiste des
produits high-tech et culturels
Mediacash annonce l’ouverture
d’un nouveau magasin à Dar Bouazza du-
rant ce mois d’octobre 2022. Un deuxième
point de vente après celui ouvert en février
2020 sur le boulevard Ziraoui, à Casablan-
ca. Dans un communiqué, l’entreprise in-
dique que ce nouveau showroom proposera
des articles reconditionnés ou d’occasion
premium comme les Smartphones,
tablettes, objets connectés, accessoires,
produits dérivés, collections rétro, avec
une garantie allant de six à douze mois,
un service de réparation et de dépannage
sur place de tous les produits multimédias
par des techniciens professionnels avec
des pièces d’origine, ainsi qu’un service
de reprise et rachat en cash. «L’inaugura-
tion de ce nouveau showroom sera aussi
l’occasion de profiter d’une «expérience
client» unique, basée sur l’écoute et le
conseil et qui donne accès à de nombreux
60
autorisé par le gouvernement afin de
créer deux nouvelles filiales.
L’une de ces deux nouvelles filiales,
selon le décret publié au Bulletin
officiel du 20 octobre, dénommée
OCP Green Water, est une société en
participation, dirigée par un conseil
d’administration, dont le capital a
été défini à plus de 3,8 milliards de
dirhams.
services gratuits comme le transfert et la
sauvegarde des données, la mise en marche
des produits, la livraison, l’estimation
gratuite des produits, le diagnostic gratuit»,
explique-t-elle.
Pour donner plus de visibilité à cette nou-
velle adresse, Mediacash prévoit d’orga-
niser, dans ses deux points de vente, des
Selon les objectifs qui lui sont
assignés, OCP Green Water devrait
produire des eaux non convention-
nelles, à raison de 85 millions de
m3 en 2023, et 110 millions de m3
en 2026. Les eaux produites seront
destinées aux industries, mais aussi à
alimenter en eau potable les régions
de Safi et d’El Jadida.
Quant à la deuxième nouvelle filiale,
du nom d’OCP Green Energy, son
capital social a été défini à plus de
1,4 milliard de dirhams.
Selon les estimations, cette filiale
devrait produire à Benguérir, dès le
dernier trimestre de 2023, 30 MW
pour OCP Green Water.
Et 202 autres MW seront produits
à Khouribga et Benguérir, pour les
mines de Khouribga et El Kantour.
Une autre partie de cette production
permettra d’alimenter le complexe
chimique de Safi l S. M.
concours de gaming, des événements liés
à l’actualité geek et pop et des promo-
tions, et d’octroyer des invitations aux
avant-premières produit, et de nombreuses
surprises en exclusivité. «Le nouveau ma-
gasin Mediacash constitue une nouvelle
étape dans le développement de la marque
au Maroc qui se veut plus proche de sa
clientèle. Un engagement matérialisé,
en parallèle, par le lancement de son site
d’e-commerce pour servir un public encore
plus large à travers le Royaume», souligne
l’entreprise l

L’HUILE D’OLIVE MAROCAINE TOUCHÉE PAR LA SÉCHERESSE
Un produit qui sera rare cette année
La sécheresse que connaît le Maroc n’épargne pas non plus l’olivier, un arbre implanté depuis des siècles
dans des régions chaudes et arides. L’absence de pluie et les fortes chaleurs auront certainement
des répercussions sur les futures récoltes des oléiculteurs insulaires.
D
ans les moulins d’El Kelâa des
Sraghna, située dans la région
de Marrakech-Safi, elle coule
déjà, avec un mois d’avance.
Cette année 2022, l’huile d’olive marocaine
sera un produit très recherché dans les
rayons, car la récolte est beaucoup moins im-
portante. «On est en train de regarder un oli-
vier qui est chargé et juste à côté 3 à 5 arbres
qui sont complètement nus», c’est ce que
nous a confirmé Mohammed, oliveron dans
le village d’El Attaouia.
Sous un soleil radieux qui s’installe au milieu
d’un ciel bleu sans nuages, Mohammed es-
time avoir perdu 70% de sa production, en
raison de la canicule de l’été dernier. Dans
le moulin, chaque olive compte. Il n’y a pas
beaucoup de quantité, mais la qualité est
au rendez-vous. Amine Benzous, responsable
du moulin, espère donc remplir plus de bou-
teilles que prévu.
Considéré comme un pilier de l’économie ma-
rocaine, l’olivier souffre d’un manque criant
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
cédente, ce qui signifie que même le prix de
l’huile d’olive va enregistrer une augmenta-
tion entre 75 et 80 dirhams le litre, en produi-
sant environ 10 litres pour 100 kilogrammes
d’olives.
Peut-on dire alors que le cours moyen de
l’huile se positionnera entre 60 et 65 DH,
contre une moyenne de 45 DH l’an dernier?
Source d’emplois
Si les agriculteurs de la région des Sraghna
vont bénéficier du programme «Génération
verte», qui vise à atténuer les effets de la sé-
cheresse mais aussi qui va aider à sauver une
partie très importante de la production à tra-
vers l’installation de l’irrigation, le problème
va se poser chez les proprié-
LA FILIÈRE taires de petites surfaces de
moins d’un hectare.
d’eau, vu que ce dernier a be-
OLÉICOLE Selon les données du minis-
soin d’environ 3.000 m3 d’eau REPRÉSENTE 13% tère de l’Agriculture, le vo-
par hectare et par an. Or, dans DU NOMBRE TOTAL lume des exportations d’huile
la région de Marrakech-Safi la DE JOURNÉES DE d’olive au cours des huit pre-
culture de l’olivier ne reçoit
que 600 à 800 litres d’eau par
TRAVAIL FOURNIES miers mois de 2022 s’est éle-
vé à environ 13.200 tonnes,
mètre carré par an. Ce qui ex- PAR LE SECTEUR soit le double du volume de
plique bien la difficulté que vit AGRICOLE. 2021 au cours de la même
cette culture dans cette région période, avec une valeur de
ces dernières années. 456 millions de dirhams, représentant une
Même si les oliviers peuvent survivre dans augmentation de 47%. Il convient de noter
un climat chaud et sec, il leur faut tout de que la production nationale d’olives pour la
même un minimum d’eau pour la production saison 2021-2022 s’est élevée à environ 1,96
des olives. Qui dit baisse de la production, million de tonnes, soit une augmentation de
dit augmentation du prix, donc au cours de 21% par rapport à la saison précédente.
cette saison et vu l’augmentation de la de- La filière oléicole est une importante source
mande mondiale qui s’annonce à cause de la d’emplois, fournissant plus de 51 millions
sécheresse que connaît le monde entier, les de journées de travail par an, soit 13% du
prix vont grimper aux rayons de l’huile sous nombre total de journées de travail fournies
toutes ses formes. par le secteur agricole. Enfin, il est en me-
Par exemple, le prix d’un kilogramme d’oli- sure de répondre à 19% des besoins totaux
ves, dans la région des Sraghna, varie entre 8 en huiles alimentaires du pays l
et 9 dirhams, contre 6 dirhams la saison pré- Ibtihal BASSIR
61
SOCIÉTÉ & Santé
Jamal Belahrach.
LA MAISON DE LA DIASPORA MAROCAINE VOIT LE JOUR
Que faire pour mobiliser la diaspora
marocaine à l’étranger?
Une nouvelle structure dont le projet a pour vocation d’inspirer notre
diaspora et de lui donner envie de vivre cette nouvelle page que s’apprête à
écrire notre pays avec le Nouveau modèle de développement.
E
n réponse à l’appel du discours
royal du 20 août 2022 pour la
création d’un mécanisme d’ac-
compagnement en faveur de la
diaspora marocaine, une Maison de la
diaspora marocaine vient de voir le jour.
Comme le souligne Jamal Belahrach, pré-
sident de la Maison de la diaspora maro-
caine, «depuis l’avènement de son règne,
Sa Majesté ne cesse de mettre en exergue
le fait que la diaspora est dans la nation
marocaine et non en dehors. Il souhaite
qu’elle puisse s’exprimer pour contribuer
pleinement à construire ce nouveau Ma-
roc prospère et équitable. En parallèle,
la diaspora marocaine a toujours été au
rendez-vous de Sa Majesté, le principal
indicateur aujourd’hui étant le volume des
transferts, qui ont atteint plus de 93 mil-
liards de dirhams en 2021».
Concrètement, la Maison de la diaspora
prendra la forme d’un espace de rencontres
et d’accompagnement des membres de la
diaspora marocaine qui souhaitent rentrer
au Maroc, ou qui y sont déjà installés, pour
les aider à bien s’intégrer et/ou à investir
en les orientant de manière efficace. A
62
LA MAISON DE LA DIASPORA
ENTEND ÊTRE UNE FORCE DE
PROPOSITION POUR GUIDER OU
INFLUER SUR LES POLITIQUES DES
GOUVERNEMENTS D’ACCUEIL
OU DU MAROC.
ne nécessitent pas de retour au Maroc.
La sensibilisation de cette communauté à
la stratégie de développement économique
du Maroc, mais aussi le respect d’un esprit
de co-construction qui se nourrit de la di-
versité des identités, représentent la pierre
angulaire de ce projet, avec, à la clé, le
fait de pouvoir influer sur la capacité de la
diaspora à mobiliser des investisseurs ou à
investir elle-même.
C’est dans ce sens que la fédération des
forces vives, des talents, des compétences
par leur mise en réseau, est l’étape princi-
pale d’un projet qui s’inscrit dans une dyna-
mique permanente, intégrant les membres
moyen terme, elle pourra devenir un gui- de la diaspora comme autant d’acteurs du
chet et un lieu de passage pour ceux qui développement de secteurs stratégiques
aspirent à investir au Maroc ou être acteurs du Maroc.
d’un nouvel élan culturel, associatif, éco- En parallèle, la Maison de la diaspora en-
nomique et, cela, sans se substituer aux tend être une force de proposition pour la
opérateurs locaux. mise en place d’actions pouvant guider
ou influer sur les politiques des gouverne-
Faciliter l’intégration socio-économique ments d’accueil ou du Maroc mais aussi,
A travers cette structure et les services qui agir au sein de la société civile pour initier,
y seront déployés, il s’agira ainsi en premier développer et accompagner des projets
lieu de faciliter l’intégration économique et porteurs d’une valeur ajoutée ou béné-
sociale au Maroc des membres de la dias- fiques pour la communauté, le Maroc et le
pora ayant fait le choix d’un retour tempo- pays d’accueil l
raire ou permanent et, en même temps, Seddik MOUAFFAK
d’offrir des opportunités de contribution qui
CARNET ROSE
Bienvenue au monde à la petite Salma
L e foyer de notre collègue Aissa Amourag s’est égayé de la
naissance, samedi 22 octobre 2022, d’une jolie et radieuse
fille, prénommée Salma. A l’occasion de cet heureux évène-
ment, toute l’équipe de Maroc Hebdo présente ses sincères
félicitations à la famille et souhaite un prompt rétablissement
à la maman.

CONFÉRENCE ANIMÉE PAR MEHDI BENSAÏD AUTOUR DU THÈME : “JEUNESSE,
CULTURE ET DÉVELOPPEMENT”, À LA FONDATION UNIVERSITAIRE LINKS
L’éducation à la culture, un investissement au profit des jeunes
Le ministère de la jeunesse va travailler selon une nouvelle approche: former des compétences pour
accompagner les autres ministères afin de promouvoir l’emploi des jeunes.
“S i on arrive à valoriser notre patri-
moine culturel, à le faire animer,
nous créerons des emplois pour
les jeunes”. C’est ce qui ressort
en substance de l’intervention du ministre de la
jeunesse, de la culture et de la communication,
Mehdi Bensaïd, lors de la conférence-débat or-
ganisée par la Fondation universitaire Links, le
21 octobre 2022, au siège de la Faculté de droit
de Casablanca. Conférence-débat animée avec
talent par le journaliste Rachid Hallaouy devant
un parterre de professeurs universitaires, d’étu-
diants et de diverses personnalités de la société
civile. Pour M. Bensaïd, le théâtre, les musées,
les festivals, le cinéma, les jeux vidéo et toutes
ces créations qui font travailler notre imaginaire
ne sont pas incompatibles avec l’économie. Car,
outre sa contribution directe à la production de
richesses (contribuant modestement à hauteur
de 1 % du produit intérieur brut), la culture a
de nombreux effets indirects, comme sur le tou-
risme par exemple.
La culture représente, de ce fait, l’une des solu-
MEHDI BENSAÏD N’A PAS MANQUÉ DE
SE FOCALISER SUR LA CRÉATION DE NOUVEAUX
MÉTIERS LIÉS AU DOMAINE CULTUREL.
tions pour l’emploi des jeunes. «Je suis convain-
cu qu’en adoptant une approche de l’industrie
culturelle, on pourra apporter des solutions à
la question de l’emploi des jeunes», note le mi-
nistre.
Nouveaux métiers
C’est dans cet esprit que le ministre Mehdi
Bensaïd n’a pas manqué de se focaliser sur
la création de nouveaux métiers liés au do-
maine culturel. Il révéla, d’ailleurs, dans ce
sens que «des négociations sont en cours pour
convaincre des investisseurs dans le domaine
du gaming de venir s’installer au Maroc».
«3 à 4 millions de jeunes Marocains utilisent
le gaming au Maroc. On ne doit plus être de
simples consommateurs, nous devons passer à
la phase production», souligne-t-il avec force.
Aussi, cette industrie nécessitera plus que ja-
mais de développer des métiers comme le co-
ding, l’intelligence artificielle, le design… d’où
la stratégie du ministère de renforcer la forma-
tion autour de ces nouveaux métiers au sein
même des maisons de jeunes. «200 maisons de
jeunes prennent en charge aujourd’hui ce type
de formations en partenariat avec l’école 1337
de coding et le ministère de la Transition numé-
rique», a expliqué le ministre.
Ceci étant dit, il reste que le secteur culturel,
aussi essentiel soit-il pour l’épanouissement de
la personne et l’amélioration de la productivi-
té du travail, comme l’a si bien dit Mohamed
Berrada, l’ex-ministre et président de la Fonda-
tion Links, ne fait pas vivre tout le monde de
la même manière. Si certains travailleurs dans
Mehdi Bensaïd,
ministre de la jeunesse,
de la culture et de
la communication.
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
des sous-secteurs culturels comme l’audiovi-
suel se portent relativement bien, ceux qui
travaillent dans le secteur de la presse papier
font face, eux, à une baisse vertigineuse des
dépenses de journaux et magazines.
Pour le secteur de la presse et des médias, M.
Bensaïd n’a pas manqué d’expliquer que sa
stratégie vise à professionnaliser le champ de
la presse pour l’exporter vers l’international.
«Pour ce faire, nous travaillons sur une stra-
tégie pour renforcer l’investissement dans le
secteur des médias avec l’objectif de créer des
champions nationaux de la presse qui vont
porter la voix du Maroc». Il a par ailleurs an-
noncé que «dans les semaines à venir, nous
allons dévoiler un investissement spécial des-
tiné à l’investissement dans le secteur de la
presse. C’est un effort en plus des subventions
classiques». Il a ainsi expliqué que pour lui, la
petite entreprise doit continuer à exister, mais
dans le cadre d’un groupement pour renforcer
sa position. «Nous luttons pour porter les sub-
ventions destinées à la presse à 250 millions de
dirhams au lieu de 65 millions de dirhams ac-
tuellement», a-t-il lancé l
Seddik MOUAFFAK
63
ART & Culture
ENTRETIEN AVEC NABIL AYOUCH,
réalisateur du film Ali Zaoua.
“Les enfants de la rue
sont la cause de personne, mais
la responsabilité de tous”
Le film culte de Nabil Ayouch, “Ali Zaoua”, est de nouveau dans les salles
de cinéma nationales en version remastérisée. Le réalisateur
nous a raconté, lors de l’avant-première, le 25 octobre 2022 au Mégarama
de Casablanca, l’histoire et la renaissance de ce film.
20 ans après sa première sortie en
salles, Ali Zaoua, l’un des tout premiers
films que vous avez réalisés, et qui a
eu plus de 44 prix dans les plus grands
festivals de cinéma au niveau national
et international, ressort dans une ver-
sion restaurée. Pourquoi?
J’ai décidé de ressortir le film Ali Zaoua
deux décennies plus tard non seulement
pour faire de l’actualité culturelle, mais
aussi comme acte de militantisme continu.
En effet,le sujet des enfants de la rue est
toujours interpellant. Ils étaient là il y a 2 à
ans et ils sont toujours là, dans les mêmes
conditions difficiles, précaires et souffrant
toujours de la vulnérabilité. Cette nouvelle
sortie de Ali Zaoua émane de ma croyance
que ce film pourrait éventuellement chan-
ger quelque chose et permettre d’attirer
l’attention sur cette catégorie de la popula-
tion et sur le travail effectué par les acteurs
associatifs. C’est également l’occasion de
partager le film avec la nouvelle génération
et permettre au public qui l’a déjà regardé
de le voir dans de nouvelles conditions
techniques.
Quelles nouveautés apporte cette ver-
sion remastérisée au public?
Quoique le montage du film est le même,
cette version propose une nouvelle ex-
périence aux spectateurs. Le film est aux
normes numériques récentes. Nous avons
transféré le film original de supports son
64
dans quelques autres séries comme «Lalla
Fatima», ou Abdelhak Zhayra, qui a joué
le rôle de «Ali Zaoua», qui est devenu
menuisier et a travaillé sur le décor de
certains de mes films, d’autres malheu-
reusement n’ont pas réussi à s’éloigner
de la vie des rues et ont été emportés par
le monde des crimes. Certains font même
des allers-retours à la prison, ce qui est
vraiment dommage. Ainsi, la reprogram-
mation du film est l’occasion de soutenir
ces acteurs, qui recevront la moitié de la
recette des films, mais aussi les enfants
qui sont toujours dans la rue vu que l’autre
moitié de la recette des projections sera
reversée à l’association Bayti qui lutte
pour la réinsertion sociale des enfants en
situation difficile l
et image analogiques vers des supports
numériques pour offrir au public une Propos recueillis par
meilleure expérience en salles de ciné- Hiba CHAKER
ma. Ainsi, l’image est 4K, le son HDR…
D’ailleurs, cette version remasterisée d’Ali
Zaoua sera également disponible sur la
plateforme du cinéma marocain et indé-
pendant Aflamin (aflamin.com), en plus
des principales salles de cinéma à travers
le Royaume.
Comment avez-vous vécu cette expé-
rience de relance du film et de ren-
contre avec l’ancienne équipe du film?
C’était très émouvant, certes. Ce film
est particulier pour moi, il a marqué une
étape très importante de ma carrière
UNE MOITIÉ DE LA RECETTE
DES PROJECTIONS SERA REVERSÉE
À L’ASSOCIATION BAYTI, QUI LUTTE
POUR LA RÉINSERTION SOCIALE DES
ENFANTS EN SITUATION DIFFICILE.
artistique et le revoir sur les cinéma est
particulièrement touchant. D’ailleurs, cela
nous a permis de nous rencontrer avec les
différents acteurs et staff du film, qui, après
20 ans, ont choisi chacun son parcours.
Si quelques acteurs ont fait leur chemin
tels que Hicham Moussoune, qui a joué

D
ans sa préface à cette nouvelle
édition du livre Michel Rousset.
Une vie marocaine, (1963-2013)
que l’on doit à la REMALD -il faut
saluer cette initiative- mon collège Moha-
med Amine Benabdallah se demande s’il est
«besoin de présenter le professeur Michel
Rousset au Maroc». Il invoque à bon droit le
parcours de ce grand universitaire. Une vie.
Une œuvre: d’autres que moi ne vont pas
manquer d’en relever les séquences, les pro-
blématiques qu’elle a soulevées, les pistes
qu’elle a ouvertes ou les éléments de réponse
qui y ont été apportés. Voilà pourquoi, je vais
aborder autre chose, raconter, témoigner à
l’occasion de ce que je pourrais appeler la
marque Rousset - un label... Du narratif per-
sonnel.
Huit ans d’enseignement à Rabat; cela
compte assurément. Mais il faut les intégrer
et les mettre en perspective même dans un
demi-siècle de «présence intellectuelle et (ou)
physique ininterrompue», comme il note dès
le départ. Un investissement durable, donc.
Un actif exceptionnel. Une accumulation de
connaissances; elle nourrit l’estime et force le
respect. Il ne faut pas s’y tromper: c’était aussi
un choix de vie. Et de cœur. Il y a là, à n’en pas
douter, de l’affect pour le Maroc. Michel Rous-
1459 - Du 28 octobre au 03 novembre 2022
UN NUMÉRO HORS-SÉRIE DE LA REMALD
La vie marocaine de Michel Rousset...
A l’occasion de ses trente ans, REMALD (Revue Marocaine
d’Administration Locale et de Développement) a organisé, jeudi 27
octobre 2022, une rencontre-hommage au Professeur Michel Rousset,
grand spécialiste du droit administratif et constitutionaliste.
set est plutôt dans la retenue, j’allais dire la clinée autour d’objectifs et de feuilles de route.
pudeur- pas le genre des «tape-dans-le-dos» L’État n’est pas, à ses yeux, un «monstre»
ni des accolades prétendument chaleureuses sans cœur; l’Administration, non plus, qui en
de la rive Sud de le Méditerranée. Soit. est l’instrument privilégié: elle doit avoir pour
Mais alors, comment le présenter aujourd’hui finalité le bien des administrés et des citoyens.
sans que ce soit une redite? Je propose cer- Aujourd’hui, l’on parle volontiers d’un «État so-
tains éléments peut-être utiles. Le premier cial» comme grand chantier de règne, par-delà
d’entre eux regarde son sens profond de les législatures et les cabinets. Il y avait chez
l’amitié: il met du temps à l’accorder; mais Michel Rousset cette préoccupation-là depuis
si vous y êtes éligible, elle est solide. A ce des décennies.
titre, elle est assumée. Les promotions et les Michel Rousset? Il a été, durant un demi-siècle,
disgrâces n’y feront rien: elle reste un acquis une sorte de DRH au service des compé-
autonome par rapport à l’infortune et aux tences. Pas de clientélisme, pas de passe-
vicissitudes de la vie publique ou politique. droits: mais une juste évaluation du mérite. Il
Voilà bien une éthique qui donne souvent a toujours placé la bonne parole pour recom-
mauvaise conscience, ici ou là, à tant de pro- mander des étudiants qu’il avait eus à l’ENAP
fils qu’il a vu évoluer dans tel ou tel espace ou ailleurs. Il a dirigé des dizaines et des di-
public. En son for intérieur -je ne peux pas le zaines de thèses de doctorat, à Grenoble ou
prouver mais j’en suis sûr- il en ressent (en- au Maroc. De la disponibilité, il en avait tou-
core?) de la déception, de l’amertume aussi, jours; de l’écoute aussi; mais, en même temps,
peut-être... une rigueur sourcilleuse.
Mais il y a plus. Référence MICHEL Un état d’esprit lié à son
est faite au socle de ses tra- éthique de la responsabilité,
vaux scientifiques, en droit ROUSSET A à ses valeurs. Deux géné-
administratif, bien sûr, mais rations, cela laisse une forte
aussi au-delà. L’État de droit, TOUJOURS empreinte chez ses an-
il y est attaché. Avec ce corol- VEILLÉ AU ciens étudiants, aujourd’hui
laire: le respect de la légalité. au haut de l’échelle sociale
Pas seulement: il était tout RENFORCEMENT et qui lui vouent toujours la
aussi soucieux du statut du DE L’AUTORITÉ même gratitude et la même
citoyen, de celui de l’admi- considération.
nistré. Une problématique qui DE L’ETAT Michel Rousset? C’est
garde toute son actualité. Elle aussi un savoir-faire et une
ravive cette équation historique des droits for- expertise reconnus et consacrés du côté
mels et des droits réels: celle de la mission du Méchouar. Le Maroc comme première
régalienne de l’Etat- sécurité, sûreté, garantie grille de lecture; les Marocains comme
des droits et libertés et de la protection de la deuxième entrée; le Maroc historique et
communauté nationale. Au fond, dans son mémoriel. Merci à toi, Michel Rousset . Pour
noyau doctrinal, Michel Rousset a toujours ce que tu as fait et pour ce que tu es !...l
veillé au renforcement de l’autorité de l’État Mustapha SEHIMI
mais en lui assignant une vision d’avenir dé- Professeur de droit
Politologue
65
CHRONIQUE

31 ANS
ENSEMBLE

TOUS ÉGAUX DEVANT L’IMPÔT ?

POUR UNE ÉTHIQUE FISCALE

PARTAGÉE PAR TOUS.

Par Seddik MOUAFFAK

T ous égaux devant l’impôt, sauf les grandes entreprises et les très riches,
tel semble être le principe régissant les systèmes fiscaux aujourd’hui dans
le monde. Le Maroc ne fait pas l’exception. Or, rétablir une véritable égalité
devant l’impôt est aujourd’hui nécessaire tant pour s’attaquer à la crise des
finances publiques que pour répondre au malaise social qui traverse notre société.
Plutôt que de s’attaquer à une réforme fiscale tant attendue, le gouvernement a préféré
retoucher à la marge l’imposition des revenus. Ce faisant, le gouvernement s’est dis-
pensé d’un débat certes risqué, mais nécessaire sur ses priorités et sur la manière de
répartir les efforts. Du coup, le système fiscal marocain continue de peser exagérément
sur les salariés et très peu aussi bien sur les entreprises que sur les professions in-
dépendantes (médecins, avocats, notaires, architectes, expert-comptables, etc.) sans
parler des atteintes à l’environnement, contribuant ainsi au chômage des jeunes tout
en retardant l’indispensable transition écologique. Une occasion manquée.
Tous les spécialistes de la fiscalité le savent: au Maroc, les impôts progressifs- c’est-
à-dire ceux dont le taux augmente avec la valeur de ce qui est taxé- représentent une
faible part des recettes fiscales. Il s’agit principalement de l’impôt sur le revenu qui
pèse surtout sur les salariés, à travers la retenue à la source. Quant à l’impôt sur les
superprofits des entreprises ou l’impôt sur la fortune, le ministère des finances ne veut
rien entendre, puisque par la voix du ministre en charge du Budget, il est indiqué qu’«on
ne peut pas instaurer la taxe sur les superprofits, notamment [sur] les hydrocarbures,
parce qu’on ne peut pas suivre le chiffre d’affaires d’une entreprise dans un secteur
donné d’une année à l’autre. Si elle gagne cette année, [elle sera taxée] à 35% et si
l’année prochaine [ce n’est pas le cas]? Que faire? Nous suivons le profit, le résultat
net comme ce qui se fait à l’international, peu importe le secteur d’activité». Selon
le ministre, «la révision des taux actuels d’IS en vue d’atteindre, dans quatre ans, 35%
pour les sociétés ayant un bénéfice net égal ou supérieur à 100 millions de dirhams et
40% pour les établissements de crédit et organismes assimilés, Bank Al Maghrib, la
Caisse de dépôt et de gestion et les entreprises d’assurances et de réassurance sont
déjà des mesures qui visent à cibler le superprofit». Quant à la possibilité d’instaurer un
impôt sur la fortune, le ministre délégué a estimé que «la définition de la fortune était
celle du profit», écartant, ainsi, l’éventualité de taxer directement le patrimoine.
Si les impôts progressifs représentent une faible part des recettes, les impôts dits «pro-
portionnels», c’est-à-dire ceux dont le taux est le même pour tous, pèsent bien plus
lourd. C’est notamment le cas de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), qui pèse uni-
formément sur les consommateurs indépendamment de leur niveau de revenu. Mais,
bien entendu, ces impôts proportionnels ne jouent pas le même rôle redistributif l

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