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CHAPITRE V Pour une sociologie des conflits REALITES ET INTERPRETATIONS Les gréves dans l'industrie, les détournements d’avions, Ja contestation des femmes, les désaccords politiques entre parlementaircs... ne cessent d’alimenter le contenu de nos journaux d'information, imprimés ou télévisés, a tel point qu'il semble n’étre d’actualité que conflictuelle, jusque dans le fait divers : crime passionnel ou suicide anomique, qui signifie des drames sociaux. Certes, les mass media agissent comme facteurs d’amplification de l’angoisse et de la vio- lence ; néanmoins, quelle que soit notre sensibilisation au phénoméne, nul ce contestera que les conflits et contradic tions se multiplient objectivement a l’intérieur de nos sociétés occidentales aussi bien qu’entre les nations elles-mémes, comme le révélent les guerres de Libération nationale et les dénonciations des dominations extérieures. Ce développement quasi général des conflits doit-il s’interpréter comme [exaspération temporaire d’un conflit éternel dit par Darwin ct que I’histoire égréne dans ses chroniques de batailles qui exaltent les grands carnassiers- batisseurs ? Ou bien révéle-t-il un destin neuf qu'il nous appartient de transformer en défi par une analyse des cons- tellations idéelles dominantes et une action projetée vers Vharmonie future > POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 123 La premiére alternative se situerait assez bien dans une ontologie de I’étre-contre. Avec Sartre, qui pense sur ce mode I’essence des rapports entre consciences, se retrouve- raient des politologues moins pessimistes constatant la paix indésirable ou jugeant l’inimitié inhérente au politique’. La polémologie et la staséologie, sous des couleurs positivistes, proposeraient bien des traitements de |’énergétique conflic- tuelle, mais si scientifiques que leur transparence n’aurait point deffet sur les gens d’Orestie. Pour quand donc le passage de la saison des guerres A celle des rivalités ? Lorsque la violence aura opéré la seule transmutation tadicale : extinction de la société de classes, proposent quelques partisans de la seconde alternative | L’escha- tologie bat ici son plein. Mais comment la lutte sociale, visant la suppression des antagonismes de classes et de Valiénation économique du capital, pourrait-elle et devrait- elle cesser, aprés tant d’acharnement a faire éclater les contra- dictions dans des conflits ? Suppose-t-on que Paction poli- tique puisse se nier un jour dans son réle essentiel de dévoilement incessant des contradictions ? Peut-étre! Mais alors, par un curieux revirement de l'histoire, le fonction- nalisme, comme doctrine d’unc politique essenticlle d’agré- gation des intéréts et de réponse adéquate aux besoins, devrait se substituer comme seule pertinente, au courant qui Ja critique, et qui s’épuiserait, dans son acharnement & radicaliser les conflits, par annihilation de son adversaire : le capitalisme. Vanité d’un discours sur l’utopie ! Remar- quons seulement pour Pinstant avec les ethnologues, les accents mythiques que prend dans le Tiers Monde le culte de la révolution et le ton sacralisé de l’appel prométhéen a la guerre sociale dans le Vieux Monde sensible au choc des media, angoissé par un futur déja pollué, craintif devant la puissance du savoir et criant & la dépossession de homme par ’homme. x. J. K. Gatarartn (6dit.), La paix indésirable, Calmann-Lévy, 1968 5 J. FREUND, L'essence du politigue, Sirey, 1965. 124 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE Les cris forcent I’écoute mais le probléme n’est pas neuf. L’étude des conflits peut se prévaloir d’une longue et hono- rable histoire faite d’hypothéses, de schémes conceptuels, de généralisations induites de Pempirie, qui forment un legs cumulatif. Dans la sociologie de K. Marx, le conflit de classes apporait comme un théme central. Mais cette intui- tion devra attendre bien longtemps pour obtenir les déve- loppements qu'elle mérite. L’année 1908 de parution de deux ouvrages de G. Sorel : La décomposition du marxisme et Réflexions sur la violence, est aussi celle de la publication a Leipzig du Der Streit (Le confit) de G, Simmel. Parmi les premiers, Simmel a le mérite d’insister sur le fait que le conflit, sous la forme de compétition ou de discorde, est inhérent a toute société au méme titre que Ies processus harmonic et d’association. Le conflit, pense-t-il, existe toujours 4 Pétat latent, bien que I’histoire-science l’atteigne surtout dans sa phase explosive’. Dans les vingt premiéres années du siecle, les pionniers de la sociologie américaine tels L. Ward, E. Ross, A. Small, C. Cooley, n’omettent pas, 4 propos des Social Processes, de traiter incidemment du conflit qu’ils voient comme cons- tructif et inhérent & toute organisation. Mais le courant fonctionnaliste, qui par Ja suite s’élabore aussi bien dans les expériences de E. Mayo et de F. J. Rothlisberger sur le fonctionnement des entreprises que dans les recherches de W. L. Warner sur les stratifications sociales ou dans les constructions théoriques de T. Parsons, prend lintégration comme axe essentiel d’interprétation du social et envisage le conflit sous son aspect disruptif, dysfonctionnel, comme une sorte de maladie sociale. L’idéologie sous-jacente 4 l’analyse se révéle assez bien dans les métaphores médicales souvent utilisées ; tension, strain, psychological malfunctionning, disi- quilibrium, desintegration. Durant les années quarante & soixante, le paradigme fonctionnaliste se consolide avec Parsons, Merton, Davis, Moore, Gouldner, Lipset. 1. G, SIMMEL, Conflict and the Web of Group-Afiiliation, Glencoe, 1955. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 125 Dans une lignée théorique proche de la précédente se situe Lewis Coser que The Functions of Social Conflict montrent attentif a l’abréaction collective et au rééquili- brage des pouvoirs, Mais simultanément, les affrontements idéologiques entre blocs, les mouvements d’émancipation nationale, les confrontations raciales, etc., conduisent les sociologues & s'interroger sur les dysfonctionnements des sociétés. Si Pouvrage de R. Dahrendorf fait date cn 1959, est parce qu'il témoigne dun renouveau d’intérét pour la pensée de Marx et propose l'un des premicrs essais solides de théorisation des conflits industricls’. A la méme époque fleurissent d’autres recherches synthétiques de C. Brinton, R. Aron, C. Kerr, M. Gluckman, sur les révolutions, les guerres, les conflits de travail et Ja résolution des tensions dans les sociétés archaiques, qui précisent les cadres d’ana- lyse, les typologies, les modéles d’explication selon les situations : causes, déroulement, acteurs et issues du conflit. A toutes ces analyses qualitatives disant importance de la prise en compte des conflits pour dessincr les frontiéres des groupes comme pour comprendre leur dynamique, s’ajou- tent des recherches expérimentales sur la dynamique des petits groupes, des contributions quantitatives au moyen d'indicateurs et de modéles, comme celles de Ted F. Gurt* qui met en rapport ies conflits avec les inégalités sociales et certaines caractéristiques structurelles des sociétés, Un autre courant s’inspire de Ia théorie des jeux de hasard* et propose des stratégies de prise de décision qui tiennent compte de la tactique des opposants tout en visant a maximiser les chances de réussite et minimiser les pertes. L’applicabilité de ces derniéres recherches, si elle ne se limite pas au plan psychosocial, demeure souvent trop mathé- 1. L. Coser, The Functions of Social Gonflict, Glencoe, 1956. 2, R. DAMRENDORF, Classes et eat de classes dans 1a société indus- trie Mouton, 19725 éd. orig., t: .T. R, Gurr, The Gai OF Social Contr, Journal of Sociat Levies 97m 28 1 PP 27-4 A’ Rarorort, Fight, Games and Debates; Ann Arbor, 1960 (irad. fr, Dunod), 126 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE matique et formelle. L’optimisation des chances spécule exagérément sur la rationalité des choix alors que le conflit revét aussi un caractére passionnel. Elle suppose une réduc- tion analytique des paramétres alors qu’une multitude de facteurs sont en jeu dans une situation complexe, Tandis que I. L. Horowitz et H. M. Hodges reprennent la problématique fonctionnaliste, J. Galtung développe une théorie de Vimpérialisme pour expliquer les conilits du Tiers Monde ; A. Stinchombe propose le concept de conflit institutionnel ; J. G. March et H. Simon cernent les conflits a Pintérieur des organisations ; A. Kriegel prend pour guide d@analyse d’une crise comme celle de mai 1968 : le trauma- tisme ponctuel, l’effondrement de la structure antéricure, les processus de sélection conduisant a la reconstruction d'un nouvel arrangement". Parmi cette floraison de recherches que nous avons 4 peine échantillonnées, deux thémes sont particuligrement privilégiés dans les investigations : les conflits industriels et les conflits violents intersociétaux, notamment la guerre*. Ces deux orientations de la recherche suggérent une nécessaire distinction, au moins initiale, entre conflits endo-~ génes s’exprimant a V’intérieur d’une société globale et conflits exogénes ou internationaux. Les conflits internatio- naux n’ont ni les mémes causes, ni les mémes enjeux, ni les mémes armes, ni les mémes déroulements que les conflits entre organisations. Le conflit politique ne se calque pas comme simple extension sur des situations de dialogue 1. LL. Horow:rz, Consensus, Conflict and Cooperation, Social Forces, décembre 1962, 41, pp. 177-188; H. M. Hopces, Conflict and Consensus, an Introduction to Sociology, New York, 1971; J. GALTUNG, A structural Theory of Imperialism; Journal of Peace Research, 1971, XII, 2, pp. 81-118 j J. G. Marcu et H. SIMON, Organizations, New York, 1958, chap. V (trad, fr., Dunod) ; A. KrecrL, Du bon usage de In crise, Revue frangaise de sociologie, 1972, 13, 4, PP. 459-471. 2. A, Kornuavsmr, R. Dubin, A. Ross, Industrial Conflict, New York, 19543 CG. Dunanp, P. Dunois, La gréve, A. Colin, 1975 i A. TOURAINE Girecteur), Sociologie du travail, 1973, n° 4 spécial sur les gréves ; R. ARON, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1962 ; A. BUCHAN, War in Modern Society, an Introduction, Londres, 1966. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 127 interpersonnel et la décharge en insultes, ironie et bagarres des oppositions entre groupes concurrents n’est pas parti- culiérement éclairée par la théorie de la lutte des classes. Qu’elle se fonde sur des critéres d’extension du champ social concerné, sur des diversités de causes ou sur des degrés @intensité, toute typologie pose le probléme essentiel de la distinction des systémes d’explication et des niveaux d’ana- lyse : plan microsocial, moyen ou macrosocial. La typologie et analyse des variables jointes a des analyses empiriques de la genése, de I’expression et du déve- loppement des conflits dans différents contextes sociaux constituent les premiers pas pour une recherche des corré- lations. R. M. Williams! dégage par exemple comme condi- tions minimales du conflit entre groupes : Ja visibilité, le contact et la rivalité; comme facteurs de probabilité du conflit : le renforcement de la différenciation des groupes quant a leur nombre et a leur systéme de valeurs, la rapidité du changement social, la généralisation des tensions et la non-canalisation de V’agressivité. La propension au conflit croit avec la différenciation culturelle et la diminution des interactions et des communications, La multiplicité des conflits mineurs réduit la probabilité d’apparition de conflits importants. Par contre, « la violence de masse (ex : émeutes raciales) est la plus probable dans les conditions suivantes + a) frustration prolongée créant un haut degré de tension ; b) présence dans la population d’éléments masculins appar- tenant aux classes inférieures dans les régions socialement perturbées ; c) modification éminemment visible et rapide des relations entre les groupes ; d) incident accélérateur du conflit ». 1] reste & vérifier ces concomitances et régularités par une accumulation d’informations historiques et quan- titatives non fragmentaires. Or, il faut bien reconnaitre que la mesure s’applique difficilement 4 Yanalyse du conflit, Elle suppose un certain 1. R. M. Wittiams, The Reduction of Intergroup Tensions, New York, 1947. 128 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE arbitraire dans la sélection des faits et des variables, ainsi que dans la réduction du qualitatif au quantitatif. C’est surtout & propos des guerres et des conflits industricls qu’ont été effectuées des comparaisons quantitatives. Chez P. Sorokin’, les instruments de mesure demeurent encore grossicrs ; mais quelques années plus tard, en pleine seconde guerre mondiale, Quincy Wright assemble dans The Study of War? de nombreuses informations quantitatives. En 1960, les Statistics of Deadly Ouarrels? portant sur la période 1820- 1949, autorisent L. F. Richardson, son auteur, a mettre en évidence des données significatives quant aux causes des guerres et quant aux conditions de paix. L’occurrence des guerres est notamment mise en rclation, comme chez le polémologue G, Bouthoul, avec le facteur démographique. Avec Vouvrage de R. Aron, Paix et guerre entre les nations*, Panalyse comparative est encore affinée et la théoric consolidéc. Le méme souci de recherche des corrélations sc révéle dans plusicurs études statistiques sur les conflits industriels qui permettent des comparaisons de leur fréquence sclon les pays, selon les industries et selon Pépoque. Tandis que K. G. Knowles dans Strikes, a Study of Industrial Confiict® prend pour objet les gréves en Grande-Bretagne de 1911 a 1945, C. Kerr et A. Siegel®, A. M. Ross et P. T. Hartman’ fournissent des données portant sur diverses nations et diverses formes de gréve. On peut se demander si leur perception d’une diminution des gréves qui changent de forme, laissant place & la négociation entrecoupée de pro- ¥. B Sonoxi, Social and Culural Donamics, Cincinnai, 1937. 2. Q. Wricur, The Study of War, Chicago, § BLL: Fe Ricuannson, Staustis of Deadly Quarrels, Pittsburgh, 1960. ‘4. R. Anon, op. cit. 5. K. G, KNowLes, Strikes, a Srudy of Industrial Conflics, New York, 1952. 6. C. Kann et A. SisGet, in KORNHAUSER, DvBtN et ROSS, op. cit. 7. A.M. Ross et P. T. HARTMAN, Chanemg Patterns & edurrial Conflict, New York, 1960. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 129 testations sporadiques, ne correspond pas a des fluctuations de court terme. Malgré les travaux de mesure accomplis, on se demande toujours comment mesurer I’extension ou la diminution des Juttes de classes dans une société et comment déterminer le poids respectif des forces de cohésion et des forces de division 4 Vintérieur d’une nation donnée. Tout au plus saisit-on par des mesures indirectes, trés empiriques, des gradations : progrés de la violence, plus grande apreté des conflits idéologiques, croissance des débrayages, manifes- tations, affrontements qui ont trait au revenu, aux conditions de travail, & la sécurité de l’emploi, a lautorité de 1’Etat. En dehors du marxisme, on se montre généralement allergique 4 une explication unitaire des conflits. La réduc- tion de tout conflit international, familial ou psychologique 4 un conflit de classes, de méme que la réduction des conflits sociaux importants actuellement aux seuls facteurs de la situation salariale (extorsion d’une plus-value) semblent manquer de pertinence et s’appuyet seulement sur une profession de foi : en la détermination de Péconomique en derniére instance ainsi qu’en un mouvement nécessaire et unilinéaire de histoire aboutissant 4 une société sans classes et clouant son point final dans cette utopie. Du point de vue sociologique, ce réductivisme stérilise la recherche comme on s’en rend compte dans la sociologie sovié- tique, Qu’il soit aventureux de réduire tous les principaux conflits sociaux 4 des luttes de classes ne signifie pas que, dans notre société francaise contemporaine, la lutte des classes n’occupe pas le devant de la scene. A. Touraine! par exemple voit les conflits présents dominés par le heurt des utopies et des idéologies. L’utopie de la classe dirigeante est d’affirmer que la croissance économique assure d’elle~ méme la résolution des problémes sociaux ; l’utopie de la classe dominée est d’identifier le développement & la satis 1, A. Touramse, Pour la sociologie, Seuil, 1975. ANALYSE, 5 130 LANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE faction des besoins de la collectivité. Utopies et idéologies manifestent des antagonismes de classes, Au vrai, la théorie des classcs méne tout naturellement, par léquivalence affirmée du rapport exploitcur-exploité ct du rapport dominant-dominé, a identifier les luttes de classes a des conflits de pouvoir. Mais jusqu’a quel point peut-on pousser le raisonnement ? Le fait de considérer le pouvoir comme source des anta- gonismes risque de conduire par voie de conséquence, ou bien a une attitude morale de condamnation de tout systéme de pouvoir, c’est-a-dire lanarchisme, jusqu’a présent inviable socialement pour des sociétés de la dimension des nétres, ou bien A une attitude de borgne portant son regard aigre sur les seuls détenteurs du pouvoir dans les sociétés capitalistes ¢t proposant comme panacée le changement de ces détenteurs accompagné d’un transfert de la propriété des moyens et biens de production. On peut se demander si ce transfert de pouvoir écono- mique d’un groupe de capitalistes privés 4 un groupe de technocrates d’Etat modifie substantiellement les racines des conflits observables dans les sociétés industrielles, si Pon veut bien ne pas confondre Ja résolution des conflits avec Jeur négation par une oppression de type totalitaire. Dans Ja recherche causale intervient aussi la distinction entre pouvoir économique et pouvoir politique, bien que nulle part au monde elle ne se présente comme radicale dans les faits. Les rapports entre Péconomique et le poli- tique, aux frontiéres non stables, se posent autant au niveau de explication qu’a celui de la résolution des conflits. Le méme systéme philosophique qui pose économique comme principe de tout confiit affirme que la solution des conflits passe par le politique et par la conquéte du pouvoir. L’asser- tion selon laquelle « tout est politique » n’éclaire rien, mais au contraire ajoute a [a confusion. Il s’agit de cerner préci- sément les modalités de superposition des deux formes de pouvoir. En gros, on peut affirmer que le conflit suppose l’exercice POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 131 d'un pouvoir, c’est-a-dire 1a capacité de modifier le compor- tement d’autrui par un processus de communication et/ou par intervention de sanctions prémiales ou punitives. Méme les conflits d’intéréts entre deux groupes réclament une allocation de pouvoir pour trouver une solution. Deux orga- nisations par exemple, n’ayant pas entre elles de rapport hiérarchique, visent cependant & majorer leur part de gra- tification, c’est-a-dire 4 opérer une redistribution de leurs parts respectives de pouvoir économique, politique ou culturel. Dans les conflits non organisationnels, I’autorité, le revenu, I’éducation sont aussi parmi les enjeux essentiels et interdépendants dont Ja répartition inégalitaire est plus ou moins institutionnalisée par des rapports de forces entre dominants et dominés (eux et nous, selon C. W. Mills, Pélite et la masse pour Pareto et Mosca). Quand bien méme on distinguerait entre plusieurs types de pouvoir, avance-t-on réellement dans l’explication si on substitue au dénominateur commun : lutte de classes, un autre dénominateur tout aussi général : lutte de pouvoirs ? La découverte d’une nature du conflit met Pesprit en repos, mais pas plus qu’on ne connait Hugo, Lamartine ou Musset en les sachant romantiques, on ne comprend les conflits en disant leur rapport au pouvoir, dans la mesure od les structures du pouvoir expliquent aussi bien P'intégration sociale que le conflit social. Pour discutable que soit la suggestion de R. Dahrendorf quant a linterprétation des conflits par la diversité des intéréts, elle nous semble bien plus heuristique que l’essai de réduction des conflits planétaires, des crises de généra- tions, des dissensions au sein de I’Eglise et des revendica- tions féminines 4 un facteur unique. I] convient donc d’affiner Ja recherche causale en saisissant le conflit 4 différents plans, méme psychosocial, et dans diverses conjonctures histo- riques. A travers les moments de l’histoire jouent différem- ment les facteurs de conflits et varie Vintensité de leur manifestation. 132 LANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE CAUSES PROFONDES ET CAUSES CONJONCTURELLES Deux théories centrées sur l’agression comme instinct primaire ou comme conséquence de la frustration ont éé invoquées pour rendre compte de VPorigine des conflits. La Ppremitre hypothése dcfendue par des éthologues comme K. Lorenz! se fonde sur un instinct primitif dont l’expres- sion serait dirigée dans les conditions naturelles contre des individus de méme espéce. Cet instinct se manifeste dans la défense du territoire, conduit & !’établissement d’une hierarchic sociale, contribue 4 la protection des femmes et des jeunes, de méme qu’a la conservation de Iespéce. K. Lorenz souligne comme trés distinctes dans leur fonc- tion et leur expression, d’une part, l’agressivité intraspéci- fique, visible dans Pattaque d’un congénére et liée A des relations que V’on pourrait dire personnelles et affectives au sein d’une structure de groupe et, d’autre part, Pagressivité interspécifique qui consiste par exemple @ tuer un animal d’une autre espéce pour le manger. Selon la seconde hypothése soutenue par Barker et Lewin a partir d’expériences menées sur des enfants d’école maternelle, D’agression, au lieu d’étre primaire, naitrait de la frustration, si bien que pour éviter le confit, il suffirait de réduire et, si possible, de supprimer la frustration, tandis que dans P’hypothése de Lorenz, la solution optimale consis- terait seulement A canaliser Pagressivité en Ini proposant des décharges non destructives. Certes les deux hypothéses peuvent se concilier puisque nous les trouvons toutes deux présentes dans la pensée freudienne et qu'il serait par ailleurs difficile d’expliquer pourquoi Pagression répond 4 Ja frustration si ’on n’admet pas comme force au moins latente un instinct agressif. Néanmoins la question de Porigine du conflit demeure non 1. K, Lorenz, L’agression, une histoire naturelle du Mal, Flammarion, 1968; éd. orig. 1963. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 133 résolue si l’on veut bien observer que, selon les théories classiques, en méme temps qu’un instinct d’agression, existe un instinct grégaire aux effets plutét contraires, que Ja frustration ne conduit pas toujours 4 un conflit, ’agression pouvant étre refoulée par des comportements de retrait ou de fuite, ou dérivée vers des soupapes de sdreté par le moyen de la sublimation ou d’une idéologie de résignation. L’approche psychosociologique fondée sur Vagression doit étre relativisée lorsqu’on veut Pappliquer aux conflits politiques puisqu’elle en sous-estime l’aspect rationnel et conscient. Si le mécontentement et Vinsatisfaction sont continuellement présents dans toute société, comment se fait-il que les conflits n’éclatent que de temps a autre ? L’agressivité expliquerait-elle aussi absence de conflit ouvert ? Méme dans le cas type d’agressivité que représente la guerre, est-il sir que les conduites répondent nécessai- rement A des motivations d’agressivité, le conflit pouvant étre vécu par conformisme social ? Le modéle frustration- agression perd donc de sa valeur explicative lorsque l’on passe du milieu naturel au milieu culturel et 4 mesure que s’accroit la rationalité politique dans les sociétés modernes. Dans ce dernier contexte, des tactiques de négociation qui font l’économie des conflits jouent comme réponses efficaces pour supprimer la source des frustrations. Les tactiques conflictuelles, d’intensité variable, ne sont alors que des potentialités 4 utiliser selon les probabilités de succés dans tel cas particulier. Il convient certes de considérer comme cause lointaine du conflit la propension psychologique a s’engager dans une conduite agressive, mais il faut encore déterminer dans chaque cas précis quelles sont les causes plus immédiatcs @un confiit toujours spécifique. En plus des causes que Yon pourrait dire constantes du conflit, li¢es a la structure des pouvoirs politique et économique ou a Ja structure de 1. Cf. G, Manus et R. Tava, A Conflict Mode! for Strategist and Managers, American Behavioral Scientist, 1972, 15, 6, pp. 805-837. 134 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE la personnalité, des sources plus conjoncturelles agissent A notre Epoque et dans nos sociétés, que je schématiserai! sans prétention a Pexhaustivité. La premiére, trés sensible en milieu éducatif, est 'absence de projet collectif denvergure. Les banques, les églises, les universités, les entreprises et la police apparaissent comme un bloc de pouvoir et de répression, captif d’une idéologie libérale éculée. Aussi est-ce dans les campements d’une anticulture nomade et théAtralisée, tendre et agressive, que Ja jeunesse s¢ pose en s’opposant, suscitant souvent par son action corrosive, un mouvement contraire de réaffirmation conservatrice des normes morales parmi les sédentaires d’un précédent demi-siécle. Fossé des générations ! La seconde tient & une mythologie du simple et du naturel qui révéle V’épuisement du réve technologique. Face une société du machinisme robotiseur et de l’injustice, dont L’homme unidimensionnel de Marcuse fait le procés, se mani- festent des réactions de retour & la nature, un engouement pour l’écologie, des campagnes contre la pollution, des critiques de la consommation de masse. Crise de saturation dindividus gavés ! La troisiéme source tient a Pusure du modeéle institutionnel de démocratie représentative. Elections = trahison ! La loi de la majorité est celle de la manipulation ! En conséquence, le militantisme minoritaire tente d’instaurer une démocratie directe par des revendications sauvages, par l’autogestion, par les tribunaux populaires court-circuitant les procé- dures juridiques. La encore la réplique des héritiers des normes traditionnelles peut devenir redoutable. Péril des démocraties | La quatriéme raison des conflits, qui peut résumer les précédentes et dont M. Crozier a cerné quelques Aspects, renvoie a la sciérose institutionnelle dont Pimage inversée 1. Daprés P. Riceur, Le confit Jn Contradlesions et conflits + maisonce France, 1971. ¢ de contradiction ou d’unité, société, Chronique sociale de POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 135 nous est fournie par les tentations de la dissidence dans une liberté sans institution, désaliénée du poids de la bureau- cratic, de la technocratie et des mass media. Face aux reven- dications de ’informe par un arbitraire farouche et dévas- tateur, Pimagination a peine a définir des sens et a créer des synthéses entre pulsion des libertés et pouvoir de décision. Probléme de Sens et puissance. Impuissance du sens ou non- sens de Ia puissance ? Ainsi peut-on attribuer les conflits de nos sociétés smodernes principalement aux décalages entre, par exemple, forces en mouvement et rapports institutionalisés, entre égalité idéologique et inégalités réelles, entre espoir de succés et absence d’opportunité pour y parvenir. Av lieu de favoriser I’établissement d’un consensus, il semble que les innovations techniques provoquent plutét une multi- plication ct une exaspération des conflits, et que la commu- nication de masse ait pour effet de réduire la communication entre individus. Méme la diffusion des connaissances, parce quelle affine la liberté, pousse 4 une affirmation de soi en discordance avec affirmation d@’autrui. Toutes ces causes profondes ou conjoncturelles sont encore, 4 clles seules, insuffisantes 4 rendre compte des conflits si l’on ne fait intervenir directement le facteur humain comme cause immédiatement déclenchante. Ce sont les hommes, acteurs et supports d’opinion, qui portent Ja charge affective de leur situation, qui ouvrent les conflits et les poussent A devenir des sources de transformation. Dans le théftre de la vie sociale, 4 base dramatique, dit J. Duvignaud, il y a les auteurs ct les acteurs ; 4 la pointe : les idéologues et les avant-gardes qui proposent les systemes de décision et les stratégics. De tout temps, des actes de subversion, des stratégies d’opposition violente ont été ourdis dans le but d’imposer un autre modéle politique, de faire aboutir telle revendication, par Ja révolution au besoin. Ceux qui appellent a Ja lutte prétendent bien savoir derriére quelles institutions se cachent les responsables. Leur réle individuel ou collectif dans le démarrage et la conduite 136 ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE d’un conflit social mérite une attention particuliére et permet @articuler le probléme des causes immédiates et déclen- chantes celui des mécanismes de développement des confits par Paction de catalyseurs, de mobilisateurs et de manipulatcurs. DEROULEMENT ET ISSUES Il serait vain de vouloir présenter en quelques lignes des schémas types de déroulement des conflits. De simples constats empiriques suffisent a nous convaincre de la variété des modes d'action possibles. La plupart de ces actions sont ala fois des procédés d’expression et de pression, mais entre le déroulement des gréves fréquemment analysé (gréve perlée, gréve tournante, gréve du zéle...), les actions de sabotage d’une organisation clandestine, les émeutes raciales, les antagonismes de clocher entre villes voisines et les conflits de génération, il n’est point d’unité de style. Tout au plus peut-on signaler quelques processus généraux rela- tivement fréquents. La mobilisation des groupes concernés et de leurs sup- porters importe énormément. Pour la soutenir sont organisés des distributions de tracts, des manifestations publiques, des piquets de gréve a effet dissuasif, des occupations d’entre- prise. De toute maniére, le développement du conflit dépend beaucoup de Ia situation de départ, des premieres actions et réactions. La cristallisation ou 1a catalyse de situation tend a faire prendre parti, a I’égard de objet d’un conflit, des personnes qui n’étaient pas précédemment concernées. Cette adhésion suit généralement les lignes de force des regroupements habituels dans les secteurs politiques, économiques, domes- tiques, raciaux, d’expression des conflits. La manipulation consiste en une récupération de la force libérée par ceux qui font, a leur profit, dévier les conflits de leurs buts initiaux. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 137 L’agrégation des antagonismes initialement divers reléve parfois de 'amalgame comme tactique d’amplification. Quant au schéma séquentiel dans l’opposition de groupes d’intérét économique, il se présente souvent comme suit : affrontement de deux groupes — essai de l'un d’eux de transformer ses revendications en position de droit, ’autre s'y opposant — dépassement des incompatibilités dintéréts par la négociation en vue d’un compromis et par ’arbitrage d’un groupe de force. Dans d'autres cas, s’exprime une violence qui ne réduit pas toujours Pagressivité ultérieure. L’escalade de la vio- lence s’effectue selon des méthodes connues. Par exemple : interdiction d’une manifestation pacifique désapprouvée par le gouvernement ; tentative des manifestants de passer outre ; action de la police pour les disperser ; appel a des moyens plus offensifs : grenades fumigénes, lances d’arro- sage, etc. en cas de résistance ; réponse de manifestants par des dégradations, bris de vitrines, barricades ; emploi par la police de moyens plus violents, etc. Selon des méthodes différentes des manifestations de rue, l’escalade se produit dans les guerres internationales. De méme dans ]’entreprise existe unc gradation des moyens d’expression des conflits entre employeurs et salariés. Désormais le monde agricole ou les commergants dans leurs relations avec les pouvoirs publics procédent de fagon assez semblable : distribution de tacts, barrages sur les routes, gréves de l’impét, sac- cage de bureaux de perception, séquestration de fonction- naires, ou bien gréve du zéle pour certaines catégories pro- fessionnelles, Le fait de situer les moycns employés a tel niveau d’intensité et de violence est le signe de la gravité de Venjeu dans l'intention des acteurs. Intensité et violence sont des critéres d’évolution du conflit que R. Dahrendorf différencie et dont il analyse les variations. L’intensité renvoie a la somme d’énergie engagée par les adversaires, 1a violence aux moyens employés : débats verbaux, gréves, coups d’Etat, guerres civiles... « On peut dire @’un confit particulier qu’il est de haute intensité si le 138 VANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE cofit de Ja victoire ou de la défaite est élevé pour les parties en cause »!, L’intensité d’un conflit du type conflit de classe croft corrélativement a : r) la difficulté qu’a un groupe de se faire admettre comme organisation légitime et de faire valoir ses revendications ; 2) la superposition des contextes et types de confiit ; 3) 1a surimposition et la coalition des groupes d'intérét en un front commun ; 4) la coincidence de la distribution de l’autorité avec la distribution des autres avantages économiques et sociaux entrainant la difficile accessibilité de la richesse, du prestige et de la culture pour ceux qui n’exercent pas [’autorité... Des conditions par- tiellement analogues sont en corrélation avec l’accroissement de la violence. Ce sont : 1) Vopposition éventucllement coercitive d’un groupe 4 Porganisation d’un groupe d’intérét adverse ; 2) la croissance de la privation des avantages éco- nomiques et sociaux liés 4 Pantorité ; 3) la non-régulation des conflits en raison de ’inacceptation de régles communes entre les parties opposées. On observe des covariances, d’une part entre Ja radicalité du changement de structure et P’inten- sité du conflit de classes, d’autre part entre la soudaineté du changement de structure et la violence du conflit de classes. C'est dans les conflits que les catégories sociales et leurs relations se définissent le micux. Les plus Apres mettent généralement en jeu un couple de forces antagonistes (reli- gions concurrentes, ou patronat-salariat). Mais en dehors des situations d’exception et de crise ot les forces sont duelles, Pordinaire de la vie sociale ne présente-t-il pas un champ de forces plurales ? En France par exemple, il serait incongru de ne déceler que deux forces : d’une part, la grande bour- geoisie d'affaires, les technocrates privés et la haute admi- nistration, aux nombreux intéréts communs (expansion économique par la modernisation et la concentration indus- trielle, normalisation des rapports sociaux), et, d’autre part, le mouvement ouvrier résistant au capitalisme, alors qu’une 1. R. DAHRENDORY, op. cit., p. 213. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 139 troisiéme force, celle des victimes de la modernisation : paysans, artisans, petits commercants, PME, professions libé- rales..., a des représentants et un support nombreux ct actif. Entre ces catégories comme a Vintérieur d’elles, les intéréts divergent et les demandes respectives créent des incompatibilités de solution satisfaisante pour tous. Les agriculteurs veulent vendre plus cher leurs produits, les ouvriers acheter 4 meilleur marché Ja nourriture et les com- mercants accroitre leurs bénéfices. La satisfaction des demandes des agriculteurs et des commercants mécontentera évidemment les ouvriers. Quant A la stabilité des prix du pain, elle n’est compatible avec augmentation du prix du blé qu’a la condition d’une réduction des bénéfices commer- ciaux. Les alliances entre couches sociales sont ainsi loin d’étre permanentes. Lors de la remise en cause des principes de la propriété privée s'opérent des conjonctions entre capitalisme industriel et petit capitalisme rural et commer- cial, tandis qu’au nom de opposition aux « gros », a I’Etat centralisateur, au fisc, le CID-UNATI est bien prés de s’allier aux ouvriers revendicatifs. Contradiction entre V'individua- lisme profond et la nécessité de I’action collective et contra- diction entre un malthusianisme de classe privilégiée en milieu rural et la concurrence qu’elle doit subir. Méme Marx qui affirme la polarisation tendancielle de classe ne cesse d’analyser, a différents moments de I’histoire et dans divers pays, des situations od les alliances se font et se défont entre trois ou cing classes. Eu égard a la complexité dialectique des rapports de domination-sujétion dans les sociétés occidentales, il n’y a pas toujours dualiré des opposants. Quel que soit le nombre des parties en cause ou des partis engagés dans le jeu conflictuel, celui-ci varie d’intensité et évolue vers des solutions au moins transitoires, De quelle maniére se résout-il ? Voila ce que nous allons maintenant examiner en considérant plus particuligrement Ie champ politique. 140 VANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE 1 / Les nouveaux Etats comme les régimes dictatoriaux nous présentent des solutions d’élimination coercitive des opposants au. gouvernement cn place, Dans Ie cas de parti unique, l’étouffement des voix adverses se produit souvent par incarcération. Lorsque Vune des forces détruit l'autre, elle élimine au moins temporaircment ses demandes. A long terme, I’épuration produit des effets bien différents de ceux souhaités. 2 / Lorsque Pune des forces en conflit dontine Pautre en subjuguant par exemple Popinion publique qui lui est favorable ou en créant des alliances fortes, alors elle peut imposer de maniére coercitive que les demandes de la partie adverse soient insatisfaites. I] y a souvent résorption du confiit par lassitude ou par accommodation, quelquefois déplacement de l’objet et révision des stratégies. 3 / Sur la scéne politique, quant deux forces s*équilibrent, il se peut que chacune empéche l’autre d’obtenir satisfaction. Les frustrations demeurant, le conflit n’est qu’ajourné. 4/ L’insatisfaction peut aussi résulter d’un affaiblisse- ‘ment mutuel par des concessions qui laissent tous les groupes insatisfaits. L’insatisfacrion ou la satisfaction purement sym- bolique renforcent généralement le clan des extrémistes. 5 | L’opposition des forces en conflit peut aussi étre surmontée par des solutions innovatrices qui modifient les demandes ou fournissent des ressources tout en intégrant des idées opposées. Parmi les procédures habituelles de réglement des conflits, aprés que les parties en présence ont confronté leurs revendications et mesuré leurs forces respectives, les plus fréquentes sont l’arbitrage, le compromis et la compétition institutionnalisée : 1) dans Parbitrage d’un tiers, une juri- diction est reconnue apte a trancher les différends sur la base de régles impersonnelles admises par les deux parties ; 2) le compromis est le résultat ou d'une zégociation qui tend A ajuster les positions en fonction de la puissance respective des acteurs, ou d’une concertation dans laquelle se trans- POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 141 mettent de part et d’autre des informations, éventuellement par l’intermédiaire d’un consultant détenteur d’un pouvoir ; 3) la compétition organisée entre concurrents (institution nalisation du conflit) adopte dans d’autres cas des régles du jeu institutionnalisées comme les mécanismes électoraux de représentation et les procédures d’expression des partis au Parlement, Les parlementaires ont cette fonction vica~ riante de se substituer a leurs mandants pour apporter des solutions. La valeur de I’un ou J’autre de ces mécanismes dépend évidemment des croyances qui soutiennent leur efficacité et de la légitimité de institution qui leur donne un sens’. L'institution quant a elle, comme ensemble de normes de base et de régles du jeu, n’a de pouvoir qu’en raison du consensus qui la vitalise. Elle ne saurait traiter par elle-méme les conflits qui portent sur ses propres fondements. Pour quiellc soit en mesure d’accomplir correctement ses fonc- tions d’assomption des conflits, il faut qu’elle présente comme caractéristique d’étre d@abord complexe et d’offrir des possibilités de stratégie suffisamment sophistiquées et flexibles pour éviter qu’un blocage n’aboutisse a une violence. Par institution, nous entendons un corps d’usages, de normes sociales ou de régles imposant des sanctions et régissant un groupe : ethnie, cité, Etat. C’est dire que les mécanismes institutionnalisés de résolution des conflits dépendent des habitudes culturelles. Ici un combat singulier a coutume de trancher les différends ; 14 on recourt & Poracle. Chez les Nuer, Phomme & peau de Iéopard qui n’appartient pas au lignage noble est l’instance d’arbitrage. Pour les Rundi, F. Rodegem a finement analysé « le poker verbal » ov le plus hableur gagne*. Chez les Swazi d'Afrique du Sud, des rituels de rébellion étudiés par M. Gluckman? 1. Cf. P. Seznicx, Leadership in Administration, New York, 19575 P. 15. 2. F, Roosaem, Le poker verbal, Cultures et développement, 1975, VII, 2, p. 373. '3. M. GLUCEMAN, Order and Rebellion in Tribal Africa, Londres, 1963. 142 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE servent de décharge festive aux tensions de la vie quotidienne, par une inversion temporaire des attitudes, Dans la Guinée moderne, nous avons nous-mémes montré comment s’effec- tue au niveau politique une ritualisation de la vie collective, libératrice des ranceeurs créées par un régime de pénurie économique!. Il arrive que les mécanismes habitucls soient inadaptés 4 Pimportance du conflit 4 résoudre, qu’ils ne s'attaquent pas aux racines des désaccords, La culture ne se modifiant pas au méme rythme que la société, il se peut aussi que les mécanismes habitucls soient anachroniques ou déphasés : Vordalie cesse d’étre efficace lorsque les hommes cessent de croire en l’intervention directe des dieux dans le réglement des situations épineuses. Pour parvenir a gérer les conflits, une certaine marge de consensus est indispensable. Or, dans les démocraties occi- dentales, les mécanismes et institutions destinés & maitriser les conflits semblent saturés. Méme le recours ultime au sentiment national, trés vivant de 1870 4 1950, na plus @efficacité cohésive comme le montre le succés des parti- cularismes séparatistes. Peut-étre qu’un jour, face a un sur- plus de conflits non résolus par les procédures contractuelles, les conventions collectives ct les rencontres au sommet entre patronat et syndicats, des sociétés occidentales deman- deront au socialisme intégral Vidéologic de rechange au nationalisme moribond, capable d’absorber les différends en transmuant le régime. Que Ie passage soit violent ou non, il s’agira d’une véritable révolution et non de simples réformes, pour Pinstant, Cest affaire de stratégie que le choix entre la négociation et agitation, que Palternance entre la concertation et Ia rupture. Sil n’est pas de véritable moyen de résoudre les conflits, du moins peut-on tendre a les rendre supportables sinon . C, Ravine, Musarions sociales en Guinée, M. Rivitre, 1971, pp. 402- 4033 1B., Dynamiaue de fa sranification sociale en Gunde, H. Champion, 1975, ch. IX. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 143 créateurs, c’est-a-dire respectueux de "homme qui en serait Pacteur et non point l’enjeu. Une pareille attitude s’appuie évidemment sur une philosophic sociale qui propose un consensus égalitaire comme finalité. De toute maniére, cest A partir de choix philosophiques initiaux que la socio- logie attribue A Pacte conflictuel son sens. SIGNIFICATION DES CONFLITS Deux conceptions de la sociologie s’affrontent tradition- nellement a propos de la dynamique des systémes sociaux en général, Pune insistant sur le caractére intégré des ensembles sociaux et sur les processus qui concourrent & cette intégration des parties ct du tout, autre qui s’attache 4 mettre en rclief les phénoméncs de déséquilibre et les conflits provocateurs de changements de structure plus ou moins brusques et violents. Schématiquement, ordre et progrés constituent les deux aspects fondamentaux de toute société, Quiconque pose ce couple de variables sur le mode de Palternative ou de l’antinomie, plutét que sur celui de la complémentarité, risque de s’interdire toute pénétration compréhensive a Vintérieur d’un social essentiellement relationnel. Et pourtant, nombreuses et fermes ont été les options privilégiant Pun des aspects aux dépens de Pautre et qui se lisent jusque dans les conflits sur Ja signification des conflits!. Le conflit pose en effet le probléme suivant & la dyna- mique sociale : ou bien celle-ci s’explique uniquement par cclui-la (comme certains voudraient le faire dire 4 Marx), alors on peut se demander pourquoi la société se mainticnt malgré tout dans un moyen terme, ou bicn le conflit est nié dans son réle de moteur du changement social et pergu, par un certain fonctionnalisme, seulement comme une dysfonction nuisible au systéme et en voie d’étre réduite. 1. Cf. G. BALANDIER, Sens et puissance, PUF, 1971, pp. 31-35. 144 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE Pour échapper A ce dilemme, on peut soit considérer le conflit comme I’un des facteurs parmi d’autres néces- sairement associé toute existence sociale, soit dédoubler la dynamique pour distinguer les réles divers du conflit comme facteur de transformation adaptative ou de rupture structurale, soit poser le probléme de Pinterrelation des facteurs sociaux en cherchant a circonscrire Pimportance de leurs déterminations réciproques. Dans Ie courant d’obédience marxiste, I’étude des conflits se lie directement a l’analyse concréte des systémes sociaux, notamment du capitalisme, mais elle s’exprime alors au travers des deux notions de contradiction interne et de crise. On peut lire par exemple chez E. Balibar! la distinction entre deux interprétations du conflit par dédou- blement de la dynamique. Dans la dynamique de ladap- tation sans hiatus, le conflit a un rdle de mise en évidence des imperfections du systéme qui n’est que momentané- ment négatif, quoique pergu comme tel. Dans la dynamique de la transformation du systéme, le conflit est élément moteur fondamental de la rupture structurelle. Cette expli- cation découle directement de la théorie de Marx. Dans celle-ci, en effet, se pose initialement le probléme de la détermination réciproque des facteurs sociaux par le jeu des antithéses et des synthéses, disons concrétement du conflit et de lintégration sociale. Détachons-nous de Marx pour tirer d’autres lecons, En soi, le conflit n’a rien d’anormal et ponctue chacune de nos existences. Par contre, s’il devient une norme, c’est alors que paradoxalement on pourrait l’estimer anormal. Une multiplicité de conflits ou leur trop grande intensité risque de provoquer des désorganisations sociales, mais leur absence A inverse peut conduire a une vie sans dynamisme et quasi végétative. L’absence de conflit cependant ne saurait étre considérée comme indicateur de stabilité des relations 1. L, ALTiussen et E, BALIBAR, Lire le Capital, Maspero, 1968, t. 2, chap. IV, pp. 178-226. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 145 sociales, car ce critére se réfere seulement au manifeste et non au latent. En bref, le conflit a une double signification selon qu'il mene 4 la restructuration ou a la destruction de la société. Il peut devenir un rouage d’intégration aussi bien qu’expri- mer une rupture, une mise en question du systéme poli- tique. Gumplowicz soutient méme que la lutte sociale est un fondement du droit, une force créatrice de la loi. Qu’elle aboutisse & des réformes ou a des révolutions, elle rend acceptable et légal ce qui était ou hors la loi ou déja existant officicusement. Dés lors se renforcent les structures, soit par confirmation d’une interprétation contestée, soit au contraire en donnant satisfaction au groupe revendicatif. En somme, les conflits débouchent sur un nouvel équilibre social aprés avoir tendu a perturber l’ordre existant ct cons- tituent ainsi des épisodes entre deux phases d’intégration plus ou moins marquéc. C'est cette utilité du conflit comme signal d’alerte sociale, comme procés de réajustement des valeurs et des influences que L. Coser a particuliérement mis en relief dans The Functions of Social Conflict et dans Varticle célébre « Social Conflict and Social Change »!, Sans présenter son argumen- tation, je résumerai en quelques propositions ses théses les plus importantes, dont on retrouve l’écho dans toute la littérature sur le conflit : 1 / Toute société est plurale et développe de ce fait des conflits internes 4 propos des valeurs fondamentales qui ne font pas Pobjet d’un parfait consensus. Jusqu’a un certain point, elle tolére les conflits et les institutionnalise (partis politiques, syndicats...} 2 / Tout systéme social a besoin du conflit pour éviter sa sclérose et renouveler ses énergies. Le conflit exerce une pression favorable 4 l’innovation et 4 la créativité. Il pro- voque un changement des choses et des situations. Sont L. Coser, op. cit. Ip., Sociat Conflict and Social Change, in A. ec Eraiont, Social Change, New York, 1964. 146 L’ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE facteurs de vitalité : le heurt des valeurs et des intéréts, la tension entre ce qui existe et ce que certains groupes veulent réaliser, la confrontation entre establishment et les nouvelles couches sociales qui réclament leur part de pouvoir, de richesse et de prestige. 3 / Le conflit facilite la cohésion a Vintérieur des groupes et peut étre bénéfique 4 l'ensemble de la structure sociale, surtout s’i] se référe a des objectifs et valeurs qui ont besoin dérre précisés. Il peut favoriser la formation d’associations et de coalitions qui provoquent un réajustement de Péqui- libre des forces. 4/ Les conflits avec l’extérieur ont pour effet de réduire les conflits 4 l’intérieur d’une société. 5 / La multiplicité des conflits est inversement propor- tionnelle 4 leur intensité, mais cette intensité, quoi qu’on pense, nest pas nécessairement proportionnelle & la rigidité du systéme. Des systémes élastiques permettent au contraire Vexpression de conflits ouverts et directs, 6 / Dans les groupes peu intégrés, le conflit a fonction intégrative, il apporte une revitalisation en suscitant des normes nouvelles ; mais les groupes peu intégrés n’ont pas coutume quant & eux de provoquer des ruptures. 7 / Les groupes qui entretiennent des relations étroites tendent a éviter les conflits, mais lorsque ceux-ci explosent, ils le font généralement avec bien plus de violence. 8 / Plus sont rigides les structures, plus sont nécessaires les soupapes de stireté. Par contre, plus le systéme est flexible, plus il peut s’ajuster 4 de nouvelles situations conflictuelles et plus sont possibles les changements a Vintérieur du systéme sans changement de systéme. 9 / Une société bien intégrée tolérera et méme acceptera des groupes conflictuels. Seule une société peu intégrée les craindra. Mais accumulation des tensions et une progres- sive perte de cohésion pourront conduire 4 la menace dis- ruptive d’un systtme par ceux qui ne participent pas A ses valeurs essentielles. POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 147 De pareilles hypothéses font certes surgir d’intéressantes pistes de recherches, mais la plupart sont insuffisamment étayées empiriquement et survalorisent V'issue intégrative du confit. Elles ont besoin d’étre affinées en raison de leur trop grande généralité. La relation par exemple entre flexibilité du systéme et possibilité de changement non disruptif renvoie a la définition du systme et au probleme des emboitements de sous-systémes, lesquels peuvent ne pas présenter le méme degré de flexibilité. L’assertion selon laquelle l’intensité des conflits est en raison inverse de leur multiplicité ne se justifie pas dans le cas d’exaspération de la lutte des classes par une surimposition des conflits. Affirmer que les groupes peu intégrés n’ont pas coutume de provoquer des ruptures, c’est aussi contredire en un certain sens l’autre Proposition sclon laquelle les menaces disruptives provien- nent de ceux qui ne participent pas aux valeurs essentielles dun systéme. Le probléme est ici celui des seuils de mar- ginalité et du degré d’intégration et d’agressivité des sous- groupes par rapport 4 la société globale. Comment joue le processus intégratif de la société globale par tapport aux Processus intégratifs de chaque partie de la société : groupe ou classe ? Le schéma de proportionnalité inverse des inté- grations groupale et globale ne vaut pas dans le cas ov les rapports entre parties de la société ne sont pas pensés sur le mode de I’antagonisme, mais sur celui de la complémentarité qui n’est pas exclusive de conflit. Toutes ces réflexions sur la signification du conflit se situent en fait dans une zone idéologique médiane par rapport & deux grands péles opposés et plus ou moins uto- piques d’opinions orientatrices de l’action sociale dans le monde occidental moderne? Une premitre attitude de minoration du conflit se mani- feste sous trois formes et dans trois contextes différents : 1] La foturologie des technocrates suppose naivement que Pextension de Ia prévision et du calcul dans une société 1. Cf. P. Ricae, loc. ait., pp. 189-204. 148 L'ANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE de Pantihasard doit supprimer les conflits, alors que rien ne prouve @abord que le bien collectif puisse étre congu et projeté 4 long terme par des « compétents » ct qu’ensuite cet intérét collectif coincide avec les désirs 4 courte vue et 4 courte vie des individus. 2/ L'eschatologic marxiste fonde 1a justification de Paction révolutionnaire dans J’assurance d’un dépassement des luttes de classes, alors que Panalyse de la dynamique des communismes actucls montre seulement un déplacement du lieu du conflit, de ses formes, et des stratégies appropriées pour les résoudre. 3 / La confession de l’amour chrétien tend 4 nier prati- quement la fécondité du conflit en rejetant celui-ci du cété du mai et en privilégiant dans tous les cas la conciliation et la réconciliation, Une attitude inverse de majoration du conflit consiste : 1 / Soit 4 vouloir a tout prix le provoquer pour obtenir une catharsis sociale ; mais c’est méconnaitre que des pro- cédures de conciliation, des législations du type Sécurité sociale et des stratégies de concertation réduisent sans doute mieux les situations de frustration, ct que la suppression des guerres par la dissuasion atomique produit un meilleur équilibrage des forces que celui d’une terreur totalitaire de droite ou de gauche ; 2 | Soit & miser sur la pathologie sociale par désespoir de solution. Deux conséquences sont alors possibles : @) la provocation des terroristes clandestins et des chefs au petit pied crée, par son traumatisme méme, un effet répulsif sur opinion qui ouvre la voie 2 Pautoritarisme, le cycle contestation-répression jouant au détriment des libertés et au bénéfice du pouvoir; b) la théatralisation, comme action fantasmée soustraite aux conditions de l’action efficace, méne 4 un retranchement des dissidents et tue les semences de changement dans une hostilité 4 Virrationnel symbolisé par les marginaux qui jouent la politique-fiction sans communication avec les acteurs réalistes. Elle méne 2 POUR UNE SOCIOLOGIE DES CONFLITS 149 l'impuissance autant qu’a la marginalisation. Les illusions de la dissidence chez les uns réactivent 14 encore chez les autres les tentations de l’ordre. La premiére attitude de minoration du conflit, comme la seconde de majoration, imposent une schématisation exces- sive des faits et en masquent la réalité par une conception- écran. Elles suggérent néanmoins, par leur excés méme, les poles extrémes vers lesquels tendent les comportements individuels et collectifs. Sur un large éventail allant de la simple complémentarité par différenciation @ la mutation explosive se distribuent tous les degrés de la dynamique conflictuelle. Entre la dia- lectique du dialogue qui se traduit par le compromis et la coopération, et la dialectique de Vantagonisme manifestée par des ruptures révolutionnaires, se situe analytiquement la dialectique du conflit, au cour méme de Panalyse du changement!. De la différence objective manifestée dans le clivage, jusqu’a la tension et au conflit ouvert, existe une gradation qui correspond 4 un mouvement de perception de la différence, d’expression de cette différence dans un lan- gage, de contestation de cette différence par Vaction collec- tive. Les conflits les plus graves mettant en cause la répar- tition des biens, des pouvoirs et des valeurs, s’inscrivent dans une série d’interactions politiques et s’accompagnent dune mobilisation psychologique qui permet un haut degré engagement. Les interrelations qui s’établissent entre les déterminants des conflits (agents, enjeux, moyens utilisés) esquissent dé le mode d’évolution et de résolution des conflits. Si certains deviennent des rouages d’intégration, d’autres, plus intenses ct violents, expriment une mise en question du systéme économique, ou politique, ou culturel, et peuvent aboutir une rupture. La sociologie des conflits a encore beaucoup 2 puiser dans les apports de la polémologie et de la staséologie. Peut- 1, H. Janna, Le sysedme social, Bruxelles, 1968, p. 128. 150 VANALYSE DYNAMIQUE EN SOCIOLOGIE étre le gain le plus évident de toutes les entreprises d’inter- prétation est-il le changement opéré dans nos conceptions de la nature du systéme social. Il n’est plus question d’en adopter une vision statique, ni de parler de dynamique en référence aux seuls processus d’équilibre et d’intégration. Ce que le fonctionnalisme désignait par les mots « déviance » et «anomie » en les appliquant a des individus ou 4 des petits groupes, doit étre extrapolé 4 un niveau plus glotal et interprété comme désaccord, tension, conflit ou rébellion. Dans nos sociétés & changement rapide, ce sont des groupes entiers : jeunes, femmes, ouvriers..., qui rejettent les normes de la société des gérontes, des miles et des bourgeois. De temps 4 autre, les conflits éclatent, mettant en évidence les carences de Pordre social, soulignant Ta caducité de certaines institutions et présentant ainsi l’occasion d’engager parfois violemment des forces contre les groupes hostiles a I’évo- lution. De plus en plus J’attention est sollicitée vers les conflits d’idéologie et vers le rdle de la violence dans la restructuration sociale. S*il appartient au pouvoir politique de ’Etat, au niveau de la société globale, d’agir comme ins- tance intégrative, on peut se demander quelles solutions il est possible et souhaitable d’adopter pour cimenter les Pierres disjointes de l’édifice social.

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