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Quel traitement antihypertenseur privilégier
en première intention ?
Which antihypertensive treatment should be favored as first line therapy?
IP A. Oblak*, C. Vesin*, M. Safar*, J. Blacher*

 poInTS ForTS L’effet bénéfique cardiovasculaire semble provenir essentielle-


ment de la baisse de la pression artérielle, le choix de la classe
thérapeutique semblant moins important (6). Cependant, il existe
 Le bénéfice cardiovasculaire dans l’hypertension arté- des indications préférentielles dans certaines conditions.
rielle est plus lié à la baisse tensionnelle elle-même qu’au
traitement antihypertenseur utilisé.
 Tous les experts internationaux sont d’accord pour pri- LeS dIFFérenTeS CLASSeS d’AnTIhyperTenSeUrS
vilégier certaines drogues dans certaines indications, no-
tamment le patient hypertendu âgé, le patient hypertendu Il existe sept grandes classes de médicaments antihypertenseurs.
avec une autre pathologie cardiovasculaire, ou encore le ✓ Les antagonistes calciques agissent par vasodilatation arté-
patient hypertendu diabétique. riolaire, entraînant une baisse des résistances périphériques. S’y
ajoute un effet inotrope négatif pour les antagonistes calciques
 En dehors de ces indications préférentielles, certains non dihydropyridiniques.
experts (notamment les Français) laissent le choix au pres- ✓ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angioten-
cripteur, d’autres (les experts nord-américains) privilégient sine (IEC) réduisent les taux plasmatiques d’angiotensine II
les diurétiques thiazidiques, alors que les experts britanni- (vasoconstrictrice) et augmentent la demi-vie de la bradykinine
ques recommandent d’utiliser en première intention des (vasodilatateur postglomérulaire).
IEC chez l’hypertendu jeune ou des thiazidiques, ou des ✓ Les antagonistes des récepteurs AT1 de l’angiotensine II
antagonistes calciques chez l’hypertendu âgé ou chez l’hy- (ARA II) inhibent le système rénine-angiotensine-aldostérone
pertendu noir. (SRAA) en bloquant les récepteurs de l’angiotensine II.
✓ Le mécanisme d’action des diurétiques est mal élucidé.
mots-clés : Traitement antihypertenseur - Classes anti- Une action sur la paroi artérielle, avec baisse des résistances
hypertensives - Recommandations - Indications préférentielles - périphériques, se surajoute probablement à l’effet de déplétion
Bénéfice cardiovasculaire. volémique initial. Les diurétiques thiazidiques sont les plus
Keywords: Antihypertensive treatment - Antihypertensive étudiés dans l’HTA. L’adjonction d’un diurétique épargneur
classes - Guidelines - Compelling indications - Cardiovascular de potassium à un traitement par thiazidique permet d’éviter
benefit. l’hypokaliémie et potentialise l’effet de ce dernier.
✓ Les bêtabloquants inhibent la synthèse de la rénine, et ont
des effets chronotropes et inotropes négatifs.

E
n France, selon le Haut Comité de santé publique, ✓ Les antihypertenseurs centraux agissent par stimulation
l’hypertension artérielle (HTA) touche environ sept des récepteurs alpha 2 bulbaires, et de récepteurs spécifiques
millions de personnes, avec une prescription d’antihy- aux imidazolines.
pertenseurs équivalant à un coût de quatre milliards d’euros ✓ Les alphabloquants agissent en bloquant sélectivement les récep-
par an en moyenne. teurs alpha 1 adrénergiques postsynaptiques périphériques.
L’HTA reste l’un des facteurs de risque majeurs des maladies D’autres antihypertenseurs existent, qui sont très peu utilisés
cardiovasculaires, lesquelles représentent la première cause de (minoxidil, dihydralazine, réserpine, etc.) et réservés à certains
décès en France (1). cas particuliers (HTA résistante, notamment).
Le traitement antihypertenseur améliore le pronostic quelle Les objectifs tensionnels sont rappelés dans le tableau I.
que soit la sévérité de l’HTA : maligne (2), sévère (3), ou légère
Tableau I. objectifs tensionnels.
à modérée (4). Le bénéfice en termes d’événements cardiovas-
culaires est proportionnel à la baisse tensionnelle (5). HTA essentielle PAS < 140 mmHg et PAD < 90 mmHg
HTA et diabète PAS < 130 mmHg et PAD < 80 mmHg
HTA et insuffisance rénale PAS < 130 mmHg, PAD < 80 mmHg et protéinurie
* Unité d’hypertension artérielle, prévention et thérapeutique cardiovasculaires, centre de
diagnostic et de thérapeutique, hôpital Hôtel-Dieu, AP-HP, Paris.
< 0,5 g/24 h

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Concernant la réduction des chiffres tensionnels, l’efficacité de Par ailleurs, les différentes recommandations font état de façon
ces sept classes médicamenteuses est voisine. assez consensuelle d’indications préférentielles des différentes
En revanche, seules cinq classes ont un effet démontré sur la molécules antihypertensives en fonction des types d’HTA et
réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire : les diurétiques, des comorbidités (tableau II).
les IEC, les ARA II, les inhibiteurs calciques et les bêtabloquants.
Il paraît donc licite de débuter un traitement en choisissant une
molécule appartenant à l’une de ces cinq classes (figure 1). CAS pArTICULIerS gUIdAnT Le ChoIx
de LA premIÈre ThérApeUTIqUe
Bêtabloquant ARA II IEC
AnTIhyperTenSIve

HTA du sujet âgé


Chez la personne âgée de plus de 65 ans, l’HTA systolique isolée
est la forme la plus fréquente (8).
Il existe une moindre activité du système rénine-angiotensine
et du tonus sympathique ; les inhibiteurs du SRAA et les bêta-
Diurétique thiazidique Inhibiteur calcique bloquants pourraient donc être moins efficaces que dans la
population générale.
Traits : effet additif sur la baisse tensionnelle L’ensemble des études met en évidence un effet bénéfique de
la réduction des chiffres tensionnels, au moins jusqu’à l’âge de
Figure 1. Association des classes thérapeutiques favorisant la 80 ans : réduction des décès par accident vasculaire cérébral
baisse tensionnelle.
(AVC) de 36 % (p < 0,001), du nombre total d’AVC de 35 %
(p < 0,001) et des événements coronaires de 15 % (p = 0,036)
Cependant, les bêtabloquants constituent un cas à part. En [9].
effet, leur efficacité en termes de prévention des événements Le traitement antihypertenseur pourrait aussi prévenir le risque
cardiovasculaires a été récemment remise en cause, notamment de démence. L’étude SYST-EUR a souligné que le traitement
en ce qui concerne les accidents vasculaires cérébraux (7). Ils anti-HTA versus placebo instauré chez des hypertendus âgés de
pourraient également favoriser le développement d’un diabète, plus de 60 ans, sur un suivi de deux ans, permettait de réduire
et aggraver le profil métabolique, en association avec des diuré- de 50 % l’incidence de survenue d’une démence (10).
tiques. Leur place dans le traitement de première intention de Pour ce qui est du choix du type d’antihypertenseur, la méta-
l’HTA est donc actuellement controversée. analyse de F.H. Messerli tend à prouver que les diurétiques
sont plus efficaces que les bêtabloquants. Celle-ci a regroupé
Tableau II. résumé des indications préférentielles. dix essais, totalisant 16 164 hypertendus traités en première
Indications spécifiques Classes thérapeutiques préférentielles
intention par diurétiques et/ou bêtabloquant sur plus de cinq
ans. Le traitement par diurétique permet un contrôle tensionnel
Afro-Américains Diurétiques dans deux tiers des cas (contre un tiers pour le bêtabloquant), et
Inhibiteurs calciques diminue de 39 % le risque relatif de survenue d’un AVC, mortel
Sujet âgé, HTA systolique Thiazidiques ou non, de 26 % celui d’événements coronaires, et de 14 % la
Inhibiteur calcique dihydropyridine de longue mortalité globale (11).
durée d’action Concernant les ARA II, l’étude SCOPE, randomisée en double
Néphropathie (diabétique ou non) IEC ou ARA II aveugle, a étudié l’effet d’un traitement par candésartan versus
Thiazidiques placebo chez 4 964 patients âgés de 70 à 89 ans et ayant une PA
Diurétique de l’anse (si insuffisance rénale de 160-179/90-99 mmHg (suivi de 3,7 ans). L’incidence des AVC
sévère) non fatals a été réduite de 27,8 % dans le groupe candésartan
(p = 0,04) [12].
Maladie coronaire Bêtabloquant L’effet sur la prévention de la mortalité cardiovasculaire dépen-
Inhibiteurs calciques de longue durée d’action drait davantage de la baisse tensionnelle induite que du moyen
Insuffisance cardiaque systolique Diurétiques (de l’anse ou thiazidiques) thérapeutique utilisé.
IEC ou ARA II (AMM) Il semble que le bénéfice ne soit pas totalement identique chez
Bêtabloquant les patients très âgés : même si la baisse tensionnelle entraîne
Antialdostérone (stades III et IV de la NYHA) une réduction des AVC, il existerait une surmortalité au-delà
Hypertrophie ventriculaire gauche ARA II de l’âge de 80 voire 90 ans (13, 14).
Thiazidique Les recommandations actuelles soulignent l’intérêt qu’il y a à
instaurer un traitement par diurétique thiazidique et/ou par
Antécédents d’AVC Thiazidique inhibiteur calcique dihydropyridinique de longue durée d’action
Thiazidique et IEC (grade A), sans dépasser plus de trois molécules antihyperten-
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2 La Lettre du Cardiologue - n° 406 - juin 2007
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sives. Au-delà de 80 ans, l’instauration du traitement doit se la masse VG, malgré une baisse tensionnelle équivalente dans
faire par une monothérapie, et l’objectif est d’atteindre une PAS les deux groupes. La méta-analyse de R.E. Schmieder (22) a
inférieure à 150 mmHg (grade B). suggéré qu’inhibiteur calcique à longue durée d’action et IEC
avaient un effet comparable sur la régression de la masse VG.
HTA systolique isolée L’étude LIFE (23), comparant un ARA II (losartan) à un bêta-
La problématique est proche ici de celle du sujet âgé. bloquant (aténolol), s’est attachée à rechercher un bénéfice
De façon globale, le bénéfice, notamment en termes de réduction cardiovasculaire plus important de l’ARA II chez 9 193 patients
du risque d’AVC, est clairement défini par de grands essais qui hypertendus âgés de 55 à 80 ans et ayant une HVG électrocar-
utilisent surtout des diurétiques thiazidiques, des inhibiteurs diographique. La stratégie avec l’ARA II a été plus efficace sur
calciques ou des ARA II (15). le critère d’évaluation principal, avec notamment une réduction
Dans l’étude SHEP (16), un traitement antihypertenseur instauré de l’incidence des AVC de 25 % (p < 0,001).
chez 4 736 hypertendus avec un suivi de plus de quatre ans Cependant, l’étude LIVE a également montré que la diminution
(chlortalidone associée ou non à de l’aténolol ou à de la réserpine de la masse VG n’était pas corrélée à la réduction de la PA.
versus placebo) a permis une diminution de 36 % (p = 0,003) La régression de la masse VG sous traitement antihypertenseur
du risque relatif d’AVC. Dans l’étude SYST-EUR, un traitement paraît donc en partie indépendante de l’effet sur les chiffres
antihypertenseur par nitrendipine associée ou non à de l’énala- tensionnels.
pril et à de l’hydrochlorothiazide versus placebo a permis, sur En pratique, on privilégiera un traitement par ARA II ou diuré-
un suivi de deux ans, une diminution de 42 % (p = 0,003) du tique thiazidique, qui ont démontré leur supériorité en termes
nombre d’AVC mortels. de réduction de la masse VG.

HTA du coronarien HTA du diabétique


Il n’y a pas de recommandations précises sur l’antihypertenseur Les objectifs tensionnels du sujet diabétique sont plus sévères
à préférer en première intention chez le sujet coronarien, qui que ceux de la population générale : la pression artérielle doit
est déjà souvent sous bêtabloquant ou inhibiteur calcique de être inférieure à 130/80 mmHg (JNC VII, ESC-ESH, 2003).
longue durée d’action, IEC ou ARA II. Le bénéfice des IEC en termes de néphroprotection chez le
L’étude EUROPA, prospective, randomisée et en double aveugle, diabétique de type 1 a depuis longtemps été démontré (24).
a montré l’efficacité d’un IEC (périndopril 8 mg) versus placebo Les ARA II retardent l’apparition d’une néphropathie et ralen-
sur le pronostic cardiovasculaire des patients avec un angor tissent son évolution indépendamment de toute action sur la
stable, hypertendus ou non (17). L’étude HOPE a établi le béné- PA. Dans l’étude RENAAL (25), l’administration de losartan
fice d’un traitement par IEC (ramipril 10 mg) versus placebo 50-100 mg versus placebo induit une réduction de 16 %
chez 9 297 patients à haut risque coronaire, hypertendus ou (p = 0,02) sur le critère principal, qui associait doublement
non (18). de la créatininémie, insuffisance rénale terminale et décès ;
Il est possible que des IEC à fortes doses soient responsables elle a en outre permis de réduire de 28 % (p = 0,002) le risque
d’une protection cardiovasculaire spécifique, mais cela doit de progression vers une insuffisance rénale terminale, et de
être confirmé. 35 % (p = 0,0001) le taux de la protéinurie. Le valsartan 80 mg/j
Chez le patient hypertendu coronarien stable, les bêtabloquants versus amlodipine 5 mg/j a entraîné une diminution signifi-
et les inhibiteurs calciques de longue durée d’action sont à pres- cative de la microalbuminurie, les deux thérapeutiques ayant
crire en première intention (grade B). eu un effet similaire sur la tension artérielle (26). L’ibersartan
Chez l’hypertendu en postinfarctus, il est recommandé d’utiliser 300 mg/j administré en plus du traitement conventionnel chez
en première intention un IEC ou un bêtabloquant (grade B). des diabétiques hypertendus avec néphropathie a induit une
En cas d’altération de la fonction systolique, les IEC ou les ARA II réduction de 20 % versus placebo (p = 0,02), et de 23 % versus
disposant de l’AMM pour cette indication (grade A), les bêta- amlodipine 10 mg/j (p = 0,006), du critère principal associant
bloquants (grade A) et les diurétiques (de l’anse ou thiazidiques) doublement de la créatininémie, insuffisance rénale terminale
[grade B] se sont avérés efficaces. et décès toutes causes (27).
L’étude DETAIL (28) a comparé IEC et ARA II chez les diabé-
HTA compliquée d’hypertrophie ventriculaire tiques de type 2 hypertendus microalbuminuriques avec une
gauche créatininémie inférieure à 141 µmol/l. Elle a permis la mise
L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) constitue un facteur en évidence d’une non-infériorité des ARA II par rapport aux
de risque cardiovasculaire indépendant (19). Les différentes IEC en termes de néphroprotection.
classes semblent avoir un effet variable sur la régression de Selon le JNC VII, les cinq classes médicamenteuses peuvent
la masse ventriculaire gauche (VG) : dans la méta-analyse de être utilisées en première intention dans le diabète de type 2
B. Dalhof (20), les IEC paraissaient davantage réduire la masse (grade B). En revanche, au stade de la microalbuminurie, les
VG que les autres classes. L’étude LIVE (21), menée chez IEC chez les diabétiques de type 1 et les ARA II chez les diabé-
411 hypertendus, a montré que l’indapamide LP 1,5 mg était tiques de type 2 ont montré un effet néphroprotecteur. Il faut
plus efficace que l’énalapril 20 mg/j en termes de réduction de donc privilégier ces classes.

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HTA du sujet insuffisant rénal


Chez le patient insuffisant rénal, le traitement antihypertenseur
a deux objectifs parallèles : faire passer les chiffres de la pression Abréviations : Patients de plus de
artérielle en dessous de 130/80 mmHg et réduire la protéinurie A = inhibiteurs de l’enzyme de Patients de moins
conversion (IEC), et antagonistes 55 ans ou patients
à moins de 0,5 g/24 h. de 55 ans
des récepteurs à l’angiotensine africains/antillais
(ARA II) en cas d’intolérance
Peu d’études comparent le niveau de pression artérielle ou l’effet C = inhibiteur calcique
des différentes classes antihypertensives sur la baisse du risque D = diurétique thiazidique Niveau 1 A C ou D
cardiovasculaire chez les insuffisants rénaux chroniques.
Niveau 2 A + C ou A + D A + C ou A + D
L’étude ALLHAT (29), incluant 7 110 patients ayant une clairance
de créatinine inférieure à 60 ml/mn, constate une similarité des Niveau 3 A+C+D A+C+D
Les bêtabloquants ne sont pas
résultats obtenus avec des diurétiques thiazidiques, des IEC préférés en première intention
(losartan) et des inhibiteurs calciques (amlodipine). En cas de comme antihypertenseur, mais Niveau 4 Ajouter : Ajouter :
clairance inférieure à 30 ml/mn, il faut préférer les diurétiques représentent une alternative diurétique ou diurétique ou
aux IEC en cas de patients jeunes
de l’anse, moins efficaces en cas de fonction rénale normale, du âgés de moins de 55 ans chez qui
alphabloquant ou alphabloquant ou
fait de leur courte durée d’action. les IEC ne sont pas bien tolérés bêtabloquant bêtabloquant
et/ou contre-indiqués Avis spécialisé Avis spécialisé
Des études expérimentales ont montré que de très fortes doses
d’IEC ou d’ARA II sont capables d’induire une régression de la Figure 2. Résumé des recommandations britanniques de 2006 (NICE).
fibrose rénale, facteur déterminant de la progression de l’insuffi-
sance rénale. Outre les bénéfices attendus dans le postinfarctus
ou chez le sujet insuffisant cardiaque, les IEC et les ARA II ralen- Les recommandations de l’OMS, européennes et françaises, préco-
tissent l’altération de la fonction rénale chez les diabétiques et nisent d’utiliser l’une des cinq grandes classes d’antihypertenseur
chez les non-diabétiques protéinuriques. en première intention, les critères de choix étant (en l’absence de
Concernant les inhibiteurs calciques, le diltiazem et le vérapamil comorbidité ou d’atteinte des organes cibles précédemment cités)
diminuent la protéinurie chez les insuffisants rénaux diabétiques, le coût du traitement, les interactions possibles et les réponses
de même que les dihydropyridines. Ils ont également l’avantage individuelles préalables aux différentes classes thérapeutiques. À
de ne pas nécessiter d’adaptation de dose en fonction de la l’heure actuelle, les recommandations pour la pratique tendent à
clairance de créatinine. conseiller une monothérapie lors de la mise en place initiale d’un
En pratique, on privilégiera donc un traitement par IEC ou traitement antihypertenseur. Il n’existe donc pas une seule stratégie
ARA II en première intention, l’un comme l’autre pouvant ensuite médicamenteuse en matière de premier traitement antihyperten-
être associé à un diurétique thiazidique ou de l’anse (ce dernier seur. De plus, le produit optimal devrait être efficace 24 heures
en cas de clairance inférieure à 30 ml/mn) [grade A]. avec une seule prise journalière, et assurer la persistance d’une
concentration sérique au moins égale à la moitié du pic sérique
HTA en prévention secondaire d’un accident à l’issue des 24 heures (rapport vallée/pic > 50 %).
vasculaire cérébral En deuxième intention, une bithérapie sera instaurée après un délai
Il n’y a pas actuellement de données suffisantes permettant de d’au moins quatre semaines. Elle peut être mise en place dans un
comparer les bénéfices respectifs des différentes classes pour délai plus court si la pression artérielle sous traitement reste supé-
la prévention secondaire des AVC. Cependant, dans une méta- rieure à 180/110 mmHg, ou supérieure à 140-179/90-109 mmHg
analyse récente, l’association diurétique-IEC semblait plus effi- chez un patient à risque cardiovasculaire élevé. Des associations
cace qu’un traitement bêtabloquant (30). préférentielles sont actuellement recommandées (figure 2).
En pratique clinique, rares sont les sujets équilibrés avec une
seule molécule antihypertensive. La question du choix du
CondUITe ThérApeUTIqUe premier traitement antihypertenseur cesse donc rapidement de
prATIqUe se poser. Les études comparant des polythérapies antihyperten-
sives représentent très probablement l’avenir de l’évaluation des
Dans la majorité des cas, il n’existe pas de comorbidité permet- bénéfices respectifs des différents traitements antihypertenseurs.
tant de préférer de manière consensuelle un traitement ou un L’étude ASCOT a été l’une des premières études allant dans ce
autre en première intention. sens, en comparant une stratégie antagoniste calcique plus IEC
Les recommandations nord-américaines insistent sur l’utilisation à une stratégie bêtabloquant plus diurétique.
en première intention des diurétiques thiazidiques dans l’HTA
non compliquée (JNC VII). En effet, de nombreuses molécules
antihypertensives ont été comparées aux diurétiques sans jamais ConCLUSIon
les dépasser. L’étude ALLHAT, en particulier, a montré la supé-
riorité globale d’un traitement à base de chlortalidone (diurétique Finalement, le choix de la meilleure première drogue antihyper-
thiazidique), en comparaison d’un traitement par amlodipine tensive n’est pas encore arrêté, puisque les recommandations
(inhibiteur calcique), lisinopril (IEC) ou doxazosine. sont contradictoires sur ce sujet.

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– Les experts français, en dehors des indications préférentielles 12. Lithell H, Hansson L, Skoog I et al., for the SCOPE study group. The Study on
discutées tout au long de cet article, laissent le choix aux pres- Cognition and Prognosis in the Elderly (SCOPE): principal results of a randomi-
zed double-blind intervention trial. J Hypertens 2003;21:875-86.
cripteurs entre les cinq grandes classes d’antihypertenseurs
13. Gueyffier F, Bulpitt C, Boissel JP et al., and INDANA group. Antihyperten-
ayant un effet démontré sur la réduction de la morbi-mortalité sive drugs in very old people: a subgroup meta-analysis of randomized controlled
cardiovasculaire chez le patient hypertendu. trials. Lancet 1999;353:793-6.
– Les experts européens proposent des recommandations 14. Satish S, Zhang DD, Goodwin JS. Clinical significance of failing blood pres-
proches de celles des experts français. sure among older adults. J Clin Epidemiol 2001;54:961-7.
– Les experts nord-américains recommandent la prescription 15. Wang JG, Staessen JA, Gong L, Liu L, for the Systolic Hypertension in China
d’un thiazidique chez la majorité des patients hypertendus, collaborative group. Chinese trial on isolated systolic hypertension on the elder-
ly. Arch Intern Med 2000;160:211-20.
arguant du fait qu’aucun antihypertenseur ayant été comparé 1. SHEP cooperative research group. Prevention of stroke by antihypertensive
au diurétique thiazidique n’a jamais montré de supériorité vis- drug treatment in older persons with isolated systolic hypertension. Final re-
à-vis de ce dernier. sults of the Systolic Hypertension in the Elderly Program (SHEP). JAMA 1991;
– Enfin, les experts britanniques viennent de publier leurs 265:3255-64.
dernières recommandations, et ils proposent une stratégie en 1. Fox KM et al. Efficacy of perindopril in reduction of cardiovascular events
fonction – notamment – de l’âge du sujet : chez l’hypertendu among patients with stable coronary artery disease: randomized, double-blind, pla-
cebo-controlled, multicentre trial (the EUROPA study). Lancet 2003;362:782-8.
âgé, ou chez le Noir hypertendu, ils proposent de débuter le 18. Ysuf L et al. Effects of an angiotensin-converting-enzyme inhibitor, ramipril,
traitement par un antagoniste calcique ou un diurétique, alors on cardiovascular events in high-risk patients. The Heart Outcomes Prevention
que, chez l’hypertendu jeune, ils suggèrent de débuter le traite- Evaluation study investigators. N Engl J Med 2000;342:145-53.
ment par un IEC. Trois classes thérapeutiques antihypertensives 19. Levy D, Garrison RJ, Savage DD, Kannel WB, Castelli WP. Prognostic impli-
trouvent donc grâce à leurs yeux en matière de traitement de cations of echocardiographically determined left ventricular mass in the Framin-
première intension (figure 2). gham Heart Study. N Engl J Med 1990;322:1561.
Gageons que les prochaines recommandations des différentes 20. Dahlof B, Pennert K, Hansson L. Reversal of left ventricular hypertrophy in
hypertensive patients. A meta-analysis of 109 treatment studies. Am J Hypertens
sociétés savantes seront encore différentes des recommandations 1992;5:95-110.
existantes ! ■ 21. Gosse P, Sheridan DJ, Zannad F et al., on behalf of the LIVE investigators.
Regression of left ventricular hypertrophy in hypertensive patients treated with
indapamide SR 1.5mg versus enalapril 20mg: the LIVE study. J Hypertens
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Systolic Hypertension in Europe (SYST-EUR) trial. Lancet 1998;352:1347-51. JAMA 2000;283:1967-75.
11. Messerli FH, Grossman E, Goldbourt U. Are beta-blockers efficacious as 30. Rashid P, Leonardi-Bee Jo, Bath P. Blood pressure reduction and seconda-
first-line therapy for hypertension in the elderly? A systematic review. JAMA ry prevention of stroke and other vascular events: a systematic review. Stroke
1998;279:1903-7. 2003;34:2741-8.

La Lettre du Cardiologue - n° 406 - juin 2007 31


m ise au point
mise au point

 AUTo-évALUATIon

 1. Les objectifs tensionnels sont les mêmes chez ciation IEC, diurétiques thiazidiques et antagonistes
tous les hypertendus, c’est-à-dire une PAS inférieure calciques.
à 140 mmHg et une PAD inférieure à 90 mmHg. a. oui b. non
a. oui b. non  4. Des données de la littérature internationale
 2. Le sujet diabétique est hypertendu dès que sa prêtent aux bêtabloquants des effets bénéfiques
PAS est supérieure ou égale à 130 mmHg, et/ou que inférieurs aux autres classes antihypertensives.
a. oui b. non
sa PAD est supérieure ou égale à 80 mmHg.
a. oui b. non  5. En cas de néphropathie, quelle qu’en soit la
cause, il est recommandé d’introduire un traitement
 3. Les experts anglais (NICE) proposent comme antihypertenseur à base d’IEC ou d’ARA 2.
troisième étape chez tous les hypertendus une asso- a. oui b. non
Réponses : 1b, 2b, 3a, 4a, 5a.

n o u ve l l e s d e l ’i n d u s t r i e p h a r m a ce u t i q u e
Communiqués publicitaires des conférences de presse, symposiums, manifestations, organisés par l’industrie pharmaceutique

eSC vienne 200 : deux à quatre fois plus élevé que chez les non- Bipreterax® par le George Institute for Interna-
des résultats attendus diabétiques. Au total, 11 140 diabétiques tional Health, coordinateur principal de l’essai
pour l’étude AdvAnCe (20 pays) ont été randomisés dans l’étude ADVANCE, a été guidé – notamment – par
Le principal objectif de l’étude ADVANCE, ADVANCE, et ce quels que soient leurs les propriétés vasculaires étendues de cette
la plus grande étude jamais réalisée chez les niveaux de pression artérielle ou d’hémo- plurithérapie, démontrées tant au niveau des
diabétiques de type 2, est d’évaluer les effets globine glyquée à l’inclusion. Deux critères gros troncs artériels que de la microcirculation
conjoints et séparés d’un contrôle intensif de principaux sont évalués : un critère combiné et qui lui confèrent une plus grande efficacité
la pression artérielle par la stratégie périn- macrovasculaire (IDM, AVC, décès cardiovas- sur la pression artérielle systolique, associée à
dopril/indapamide (Preterax® ) et de celui culaire) et un critère combiné microvasculaire une amélioration de la perfusion des organes
de la glycémie (gliclazide, Diamicron®) sur (apparition ou aggravation d’une néphropa- essentiels. L’étude ADVANCE devrait ainsi
la prévention des complications macro- et thie ou d’une rétinopathie). En plus des traite- permettre d’approfondir les connaissances
microvasculaires des diabétiques de type 2. ments conventionnels à visée cardiovasculaire actuelles sur la prise en charge des patients
Cette étude intervient dans un contexte où (incluant antihypertenseurs et statines), les diabétiques de type 2, et les résultats – avec
la prévention des complications cardiovas- patients diabétiques inclus dans ADVANCE un suivi moyen de 5,5 ans – concernant le
culaires et rénales des diabétiques constitue ont reçu un comprimé de Preterax® par jour, bras “pression artérielle” seront présentés à
un enjeu essentiel en termes de santé publique, ajouté à un comprimé de Bipreterax® par jour l’ESC de Vienne en septembre 2007.
avec un risque d’événement cardiovasculaire après trois mois, ou un placebo. Le choix de J.P. Madiou

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