Vous êtes sur la page 1sur 44
=] 0) 1iCnes pour aborder la gestion strategique I of Yale F a | ale NES FESSOUFCES NUMAINES CLASSES PREPARATOIRES AUX GRANDES ECOLES COMMERCIALES 1 CYCLE UNIVERSITAIRE 50 FICHES POUR COMPRENDRE LA GESTION STRATEGIQUE DES RESSOURCES HUMAINES Sous la coordination de Jean-Louis MAGAKIAN par Christoph BARMEYER Maitre de conférences en sciences de gestion 4 I'ECS Strasbourg - Université Robert Schuman Xavier BOUZIAT Professeur de management et gestion des ressources humaines 4 Audencia-Nantes Albéric HOUNOUNOU Enseignant-chercheur en organisation et en sociologie 4 Puniversité Paris IX-Dauphine et é Ecole centrale Paris Séverine LELOARNE Chargée d'enseignement en management aAE Lyon 3 Jean-Louis MAGAKIAN Chargé denseignement en management stratégique 4 rEM-Lyon This one ee 1, rue de Rome - 93561 ROSNY Cedex © Bréal, 2003 Toute reproduction méme partielle interdite ISBN 978 2 84291914 6 Tous drots de traduction, d adaptation et de reproduction por tous procedes reserves pou ous pays DANGER 1a boi du 11 mors 1957 wautowsanl, aux termes des clinécs 2 et 3 de Vatice 41, d'une pam, que les «copies ou productions stictement rservées & I sage privé du copiste et non destinées 6 une utlisation collectives, et d'aute part, que les analyses et les coutes citations dans un but d exemple et d'ilusrotion, ‘oue reptésentation os reproduction intégrale, ov pore, faite sans le consentement de l'auleur ov de ‘ses ayanis droit ou ayents cause, est ilicte» (alinga 1~ de lrticle 40), PHOTOCOPILLAG! Cetie représeniation ov reproduction, par quelque procédé que ce soit, constiverait donc une conttelacon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pend Les droits d'auteur d'usage sont d'ores et déjé réservés en notre comptabllié cux cuteuis des ceuvtes publiées dans cet ouvrage, ui nalgé nos elfots, n‘aurcient pu ére joints + Le logo ciconke matie une explication, Son obje! est deter le lecer sur la menace que représenle pou lavenir de Ver, tout poriculérement dons le domaine des ouwages d enseignemenr, le dévelogpement mossi du photocopillage. le code de fo proprisé inllectuele du 1 jullet 1992 interdi en effet expressément la photocopie @ usage collect sons ‘autcrisation des ayanls droit. Cr, cele pratique s'est généralisée dans los lycies ef les établissements d'ensoignement supéiur, provoquant une beisse brute des ochals delves, av point que la possibilté méme pou les auteus de créer des cewres nowelles de es fare éditercorectemert est aujoud hui menacée "Nous rappelons donc que loute reproduction, parelle ou totcle, du présen onvrage es! inteite sans autorisoton de louleu, de son éditeur ov du Cente frongais d’explozation du droit de copie (CFC, 3, rue d’Houtefeville, 75006 Paris) » SOMMAIRE PARTIE | - LA GESTION DU COMPORTEMENT DANS LES ORGANISATIONS Les comportements individuels ... Les comportements de groupe..... La communication interpersonnelle Pouvoir et comportements politiques Motivation-implication....... Leadership et comportements d’ influence... Comportements d’encadrement et styles de management. Gestion des conflits et négociation .. La gestion du changement Pathologies du comportement dans les organisation: Seer aveyyn PARTIE II — INFORMATION ET CONTROLE DES ACTIONS COLLECTIVES ET INDIVIDUELLES Il. Définition des outils de gestion 12. Les aides au pilotage de activité 13. Gestion, normalisation et structuration de I’ organisation 14. L’exploration du nouveau .. 15. Les indicateurs de gestion et le management par objectifs..... 16. L’ERP: partage de l'information ou outil de contréle ?... 17. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) 18. La classification des métiers.... 19. La formation du personnel 20. Les référentiels de compétence: PARTIE III - SOCIOLOGIE ET RESSOURCES HUMAINES 21. Le comportement stratégique des ressources humaine: 22. L’organisation: autonomie ou contrainte ? 23. L’agir communicationnel : argumenter, c’est faire 24. Les formes d’autorité... 25. Ressources humaines et gestion du changement... 26. Management des ressources humaines et régles du jeu... 27. Ressources humaines et logiques de conventions ... 28. La sociologie de l’ innovation ou de la traduction. 29. Logiques d’action, logiques d’acteur et incertitud 30. L’approche de l’identité au travail... PARTIE IV — GESTION DES ACTIONS COMPETITIVES 31. Les étapes de la pensée stratégique .. 32. RH et gestion des actions collectives. 33. Communiquer le changement stratégique .. 34. Lacréativité organisationnelle... 35. L’action construite ... 36. Problématique du sens en mi 37. La gestion du stress et des c1 38. Mondialisation et compétitivité des RH .. 39. Psychologie de I’ attention... 40. Philosophies du management stratégique....... PARTIE V —- MANAGEMENT INTERCULTUREL, CULTURES D’ENTREPRISE ET MANAGEMENT INTERNATIONAL DES RESSOURCES HUMAINES Al. Laculture d’entreprise 42. Les composantes de la culture d’entreprise 43. Le développement du management interculturel. 44. Les niveaux d’analyse du systéme culturel .... 45. Les spécificités culturelles. ainiconsiie 46. Contextualiser les dimensions culturelles: 47, Lacommunication interculturelle..... 48. Le leadership interculturel . 49. La gestion des équipes internationales 50, Développement des compétences interculturelles LES COMPORTEMENTS DE GROUPE Lentreprise est en soi un groupe humain, composé d’une multitude de sous- groupes (ateliers, services, agences...) qui interagissent. Par ailleurs, le travail s'y fait en équipe. Il est donc fondamental pour l’entreprise de rechercher I’efficacité dans la gestion et la coordination de ses différents groupes afin d’obtenir la meilleure synergie possible entre eux et la plus grande efficience des ressources utilisées. 1 LES DIFFERENTS TYPES DE GROUPES A tes groupes de relations D Nous pouvons distinguer deux types de groupes a partir des relations interindivi- duelles: des groupes primaires 4 l'intérieur desquels les relations sont directes, fréquentes, intimes (la famille, les amis) et des groupes secondaires dans les- quels les relations sont formelles, distantes, rationnelles (I"entreprise, l’équipe de travail). B tes groupes de comparaison D De méme, il est possible d’appartenir A des groupes dans lesquels on joue un réle (groupes d’appartenance) comme on peut se référer, implicitement ou explici- tement, a d'autres (groupes de référence). Ces groupes de référence ont une fonction normative en permettant les comparaisons et les évaluations (Kelley). Enfin, on fera une distinction entre les groupes formels, les structures de Porga- nisation, et les groupes informels, les réseaux d’anciens, clans, amitiés de tra- vail qui donnent de la souplesse et de la flexibilité dans les relations humain: @ Les FACTEURS D’EFFICACITE DES GROUPES Les recherches des critéres d’eff ité des groupes de travail, nombreuses, s’accordent & conclure que quatre critéres sont essentiels, A Lataille D Le nombre de personnes qui composent un groupe détermine les activités pos- les de celui-ci. Plus la dimension du groupe est réduite, plus cela favorise la participation, la cohésion, la communication et le sentiment d'appartenance. Ainsi, pour Berelson ct Steiner (1964), au-deld de 12 personnes, le groupe perd de son efficacité si l'on veut que chacun puisse s’exprimer (dimension habituelle des groupes de formation continue) ; selon Gulick (1937) ou Likert (1967), un responsable ne devrait pas avoir plus de 5 ou 6 personnes immédiatement sous ses ordres et une réunion de travail décisionnelle devrait se limiter 4 une dizaine de personnes et toujours en nombre impair pour éviter les blocages. De méme, Porter et Lawler (1965) insistent sur le fait que les gens qui travaillent dans des petites Equipes sont plus satisfaits de leur travail que les autres du fait de l’atten- tion plus soutenue qu'on leur por 10 Les différentes attitudes vont induire plus ou moins de résistance chez l’autre. Seule, I’attitude de compréhension, qui consiste a reformuler de maniére neutre sur le fond et chaleureuse sur la forme, sans jugement, permet a l’autre d’aller jusqu’au bout dans l’expression de sa pensée pour aboutir A sa propre solution. C’est donc par son « écoute active » (Gordon, 1980) que le manager développe la confiance et crée des liens avec ses collaborateurs, en leur permettant de s’exprimer sans appréhension (exemple: si je comprends bien vous pensez que... en d'autres termes...). D Diautre part, c’est par un message « je » que le responsable d'une équipe peut décrire le comportement qu'il veut voir modifier chez l’autre tout en s’affirmant sans créer de conflit (exemple: quand vous... description du comportement, des faits... je suis... j'ai... description des effets concrets... je me sens, je ressens... description des sentiments personnels). C Les cing styles de Polsky D Polsky (1971) deéfinit cing styles de communication interpersonnelle a partir de deux éléments, ouverture aux autres (la révélation de notre propre personne aux autres) et la rétroaction (la capacilé a dire aux autres ce que l’on pense d’eux): ~ l’autorefus, qui concerne lindividu qui cherche a s’isoler des autres, & s*éloi- gner d’autrui; ~lautoprotection de celui qui ne cherche qu’a découvrir les autres ou a porter des jugements sur autrui; — l'autoexposition, qui concerne l’individu qui incite les autres a s’intéresser lui en leur demandant de réagir constamment a son propre comportement ; ~ 'autonégociation, qui est l'attitude d’une personne qui veut bien s’ouvrir aux autres a partir du moment od elle constate une réciprocité; — 'autoaccomplissement, qui est le style du communiquant, & savoir celui qui fournit spontanément toutes les informations a propos de lui-méme et obtient une rétroaction dans un esprit constructif sans arridre-pensées, D Les cadres ayant naturellement le style d’autoaccomplissement sont généralement des leaders par le climat de confiance et d’authenticité qu’ils instaurent autour deux. 3 La COMMUNICATION INTERPERSONNELLE DANS L'ORGANISATION La communication entre les personnes ne peut s'analyser totalement en dehors du contexte dans lequel elle se déroule. Le climat relationnel, la culture de Pentreprise, les enjeux de pouvoir, vont faire que certaines organisations rendent plus ou moins faciles les échanges entre les personnes. A Les interactions La communication et organisation fonctionne comme un systéme en interaction. D L’architecture des locaux (lour & étages ou différentes ailes affectées a un service ou A une ligne de produits...), 'agencement de l’espace de travail (bureaux indivi- duels ou plateaux paysagers sans cloisons...), la répartition des bureaux (étage direction, agencement différent selon les rangs hiérarchiques ou non...), les horaires de travail (variables ou non, flexibles, en équipe, de nuit ou non....), lexis tence ou non de coins cafétéria, de repos, dun restaurant d’entreprise...., vont créer un environnement physique facilitant ou non les échanges entre les personnes. d'un groupe de référence possédant un crédit aux yeux des personnes modifie les jugements individuels. C'est l’effet de conformisme. D Dans les entreprises a culture forte, cet effet de conformisme, du respect de la norme du groupe dominant, renforce emprise de organisation et fa soumission a l'autorité chez les salariés en modelant leur comportement. C Les zones d'incertitude D Dans une étude célébre, « Le cas du monopole industriel » (1964), Michel Crozier montre que méme dans une entreprise d’Etat fortement bureaucratique et taylorienne, dans laquelle rien n’est laissé au hasard, od tout est codifié, orga- nisé selon des régles impersonnelles, il est impossible de tout prévoir et de tout contréler. Il existe donc, toujours, des zones d’incertitude, qui sont autant d'espaces de liberté pour les individus. D Par ailleurs, pour qu’une organisation ou un service fonctionne bien, il faut, au- deli du respect strict des consignes données, un « petit plus » reposant sur la bonne volonté et l’implication de chacun dans son travail. Par exemple, si le réglement de Matelier prévoit que le réglage des machines doit étre effectué par un technicien ct qu’au moindre petit déréglement occasionné par le fonctionne- ment de la machine, ouvrier cesse le travail pour faire appel au technicien, la productivité s’en ressentira fortement. Il faut done pouvoir compter sur la bonne volonté de l’ouvrier, qui, s'il est mécontent par exemple de son responsable chef. d’atelier, peut perturber le fonctionnement du systéme en refusant de procéder lui-méme aux ajustements nécessaires. II peut en éire de méme dans certaines corporations (douane, police...) qui, par un respect strict des consignes, peuvent bloquer complétement le systéme (gréve du zéle). D Chaque acteur se réapproprie ainsi un peu de pouvoir face au systéme (Crozier et Friedberg, 1977), il négocie sa participation de facon 2 en retirer des avantages s‘efforce plus ou moins de biaiser avec les fonctions qui lui sont attribuges pour échapper a la pression. Il se soumet aux régles de fonctionnement mais en strate Il développe ainsi des « jeux de pouvoir » ou « comportements politiques ». D Ainsi, dans l'usine observée par Michel Crozier (la Seita), les ouvriers d°entu tien, seuls capables de maitriser et de contréler la source d’ incertitude que consti tuent les pannes des machines et seuls aptes a décider de la durée des réparations, détenaient effectivement le pouvoir au détriment des chefs d’atelier. Pour conser- ver ce pouvoir, ils avaient fait disparaitre toutes les notices d’entretien afin que personne ne puisse intervenir A leur place et développaient une attitude agressive afin de tenir sous leur dépendance psychologique 2 la fois la hiérarchie et les ouvriers de production. 3 Les Jeux DE POUVOIR A- Les situations favorisant les jeux de pouvoir D Michel Crozier a repéré un certain nombre de situations types dans lesquelles domine l’incertitude, créatrices de pouvoir pour tous ceux qui en ont la maitris a) avoir accés & certaines informations nécessaires pour la prise des décisions; b) détenir un savoir ou une compétence propre indispensable au bon fonctionne- ment de organisation ; c) maitriser parfaitement des régles ou rglements com- plexes ou imprécis (par exemple en matiére d’avancement ou de grilles de salaires); d) étre le « marginal-sécant » a la frontidre précise entre Porganis tion et son environnement (le chef d’agence) ou encore, d’une maniére générale, toutes les situations dans lesquelles régne le flou (par exemple, sur les critéres 'évaluation) c) la valence: c’est la valeur attribuée par l’individu a la récompense selon son propre systéme de valeurs. C’est la réponse a la question: « Est-ce que ga vaut bien la peine? » Exemple: suis-je capable de suivre cette formation? (expectation), va-t-elle me permettre d’obtenir la promotion que je désire? (instrumentalité), mais cette promotion a-t-elle suffisamment de valeur & mes yeux pour sacrifier une grande partie de mes loisirs & celle-ci ? (valence). D Toute personne, avant d’entreprendre une action, passe done d’abord par I’éva- luation de ces trois facteurs mais la valeur, c’est-a-dire le prix accordé a la récompense, reste tout de méme le facteur déterminant. D Ona résumé cette théorie par l’équation « V.LE, »: Valence x Instrumentalité x Expectation afin de souligner son effet multiplicateur. Il suffit qu'un des termes soit nul (par exemple, l'expectation) pour que le produit (la motivation) soit nul. B Les compléments 4 la théorie des attentes D Adams (1963), avec sa théorie de Il’équité, démontrera, lui, que le niveau de satisfaction et de motivation des salariés est lié essentiellement a la comparaison qu’ils font entre ce qu’ils estiment apporter & entreprise et ce qu’ils en retirent par rapport & leurs attentes, ainsi qu’entre ce qu’ils regoivent, eux, et ce que les autres recoivent. L’inéquité est ainsi un des facteurs essentiels de démotivation et de désimplication. > Campbell et Pritchard (1976) introduiront la prise en compte du facteur temps et de histoire du sujet dans la théorie des attentes par: a) la boucle de la contingence:: le fait d’ avoir vécu tel succés ou tel échec donne une vision des possibilités ou non de réussir, elle agit sur l’'expectation. Etre dans une spirale de réussite ou d’échec influence la réponse apportée sur l"ins- tant la question « Suis-je capable de ? » ; b) la boucle de Phistoire de la valeur : le développement du systéme de valeurs est propre 4 chaque individu et la valeur associée & la récompense se modifie avec I’ge, nous ne sommes donc pas tous motivés par les mémes récom- penses. Des arbitrages se feront ainsi entre plus d’argent ou plus de temps, plus de sécurité ou plus de liberté, par exemple. D Ces approches théoriques de la motivation par la recherche de Ia satisfaction de: besoins et des attentes tiennent peu compte de I’environnement et du contexte cul- turel du travail. Aussi, 4 l'heure actuelle, les théories interactionnistes (Nuttin, 1985) présentent comme source essentielle de motivation le plaisir d’agir pour réaliser son projet personnel et professionnel. De méme, avec le développement des activités de service, le terme « implication » a, peu A peu, remplacé celui de « motivation », le concept de « motivation » se rapportant plus & une organisation taylorienne et industrielle du travail. L’implication se définit alors par un attache- ment A son travail, une ident n du salarié 4 son emploi, une adhésion a la culture et aux objectifs de Pentreprise, permettant une mobilisation personnelle de son énergie psychique sans stimuli direct (récompenses). 3 Le MODELE INTEGRE DES THEORIES DE LA MOTIVATION A La satisfaction professionnelle ion professionnelle se définit comme le sentiment positif ou né; ividu éprouve a l’égard de son emploi et de son milieu de travail. Dans les deux cas, il s'agit d'une attitude, d'une réaction affective de l'individu par rap- port au travail lui-méme (les tiches & accomplir) mais aussi par rapport aux condi tions matérielles, sociales et psychologiques dans lesquelles il travaille 3 Le LEADERSHIP TRANSFORMATEUR En s’appuyant sur les travaux de House, Bass (1985) établit une distinction entre le leader transactionnel et le leader transformateur, ce dernier obtenant de la part du personnel une plus grande motivation pour atteindre les objectifs généraux de lorganisation en allant au-dela du travail quotidien attendu. D Le leadership transactionnel repose sur la communication nécessaire pour obte- nir de la part du personnel le travail a faire au jour le jour. C’est le comportement du cadre technicien, bon gestionnaire, qui fixe des objectifs et attribue les récom- penses attendues quand ceux-ci sont atteints. Il intervient par exception, en cher- chant a détecter les écarts par rapport aux régles ou aux normes habituelles dans son secteur d’activité et met en place les mesures correctrices, si nécessaire. Il est efficace sans plus. C’est un bon manager. D Le leadership transformateur est en cuvre lorsque le dirigeant est aussi capable d’amener le personnel & comprendre les objectifs généraux et les mis- sions de organisation, a se les approprier et & voir au-dela de son quotidien, de son poste de travail. II repose sur quatre dimensions : le charisme, inspiration, la stimulation intellectuelle et la reconnaissance individuelle. a) le charisme:: le dirigeant transmet au personnel la fierté et la conviction d’accomplir par son travail une mission importante. Par exemple, Steve Jobs, le fondateur d’Apple, a su transmettre la nécessité de faire de Macintosh un ordinateur trés différent de tous les autres ; b) Pinspiration: le leader insuffle des attentes élevées, recourt a des symboles, des images, pour renforcer et focaliser les efforts de tous vers des objectifs importants exprimés en termes simples, ce que d'autres auteurs ont appelé la « vision » ; c) la stimulation intellectuelle:: le dirigeant fait appel 4 l’intelligence, & la raison et a la rigueur dans la résolution des problémes mais aussi a la créativité, a Ja recherche de solutions nouvelles, a l’innovation, a faire différemment des autres ; d) la reconnaissance individuelle : le leader accorde & chacun une attention par- ticuliére, le traite comme un étre unique, s’intéresse 4 son moral, suit ses efforts et valorise sa réussite. D Bass considére que, si le leadership transformateur est plus visible chez les cadres dirigeants dans les spheres de la direction générale des grandes organisations, il n’y est pas restreint. On le retrouve & tous les échelons des entreprises. Ainsi, la réussite des cadres dans leur carriére repose souvent sur leur capacité & ajouter leur dimension de leadership traditionnel et transactionnel, celle d'un leadership transformateur, motivant et charismatique pour étre capable d’obtenir de leur équipe au mieux adhésion, enthousiasme et envie de se dépasser, au moins com- préhension de la stratégie et de la politique générale de l'entreprise. 4. Les ASPECTS PSYCHIQUES DU LEADERSHIP D Les attitudes, comportements, fagons d’ agir des dirigeants, ce que l'on va appeler leur style, vont dépendre de leur personnalité, elle-méme produit de leur histoire personnelle et de la maniére dont ils ont su, ou pu, résoudre leurs conflits, leurs crises psychiques & tous les stades de leur développement. La construction de leur moi, leurs fantasmes, leurs modes de défense et de protection, leurs peurs aussi, vont ainsi influencer leur style de leadership. D J. Stora (1987) approfondit cette question des liens entre le style personnel du leader et la fagon dont son identité psychique s’est constituée pour mettre au jour « la force intérieure qui l’habite ». Cette approche psychanalytique lui per- met de distinguer différents styles de leaders selon le critére de la relation a Vautre et & soi-méme. Il identifie ainsi quatre types de leaders: narcissique, séducteur, possessif et a) Le leader narcissique: il est orienté avant tout vers la glorification de lui- méme. L'amour qu'il se porte lui permet de réaliser de grands projets et de s'imposer aux autres, par exemple en créant sa propre entreprise. II se sent placé au centre du monde, les autres sont 12 pour le servir et servir ses projets. b) Le leader séducteur: aimer et surtout étre aimé est pour lui ce qui est le plus important. La plus grande partie de son énergie psychique est tournée vers la vie affective et ses émotions. Ce type de dirigeant exerce une fascination sur son entourage, qu’il séduit par la parole. Il a une stratégie de domination par la séduction: c) Le leader possessif: ce qui le caractérise, "est « avoir », avoir des per- sonnes aussi bien que des objets. Les autres ne sont, pour lui, que des objets anonymes, interchangeables et manipulables. II ne tolére aucune contradiction, résistance, opposition a son pouvoir, d) Le leader bienveillant: c’est un adulte accompli qui respecte la personnalité des autres, S'il a de l'autorité, il n'est pas craint, s'il est agréable dans les rap- ports humains, il n'est pas faible. Sachant dominer ses pulsions, il a un bon fonctionnement psychique harmonicux qui lui permet d’étre a ta fois bien- veillant, sévére et juste, D Kets de Vries (1999), & partir de ses travaux sur les éléments psychanalytiques du leadership, développera toute une catégorisation des comportements patholo- giques a travers ce qu'il appellera les « leaders fous et imposteurs », notamment dans les cas de leaders alexithymique, c’est-i-dire totalement froids et incapables de la moindre émotion, ou encore d’imposteurs qui arrivent a faire partager aux autres leur mythomanie et leur mensonge. Ces travaux sont importants pour com- prendre comment une organisation peut étre quelquefois & la merci d’un dirigeant névrosé et séducteur qui I’entraine dans des aventures stratégiques désastreuses. Sans diminuer l'intérét de toutes ces études sur le leadership, il faut étre conscient qu’elles reposent toutes sur le postulat que ses principaux effets peuvent étre déterminés et mesurés objectivement. Or ce n’est pas toujours le cas. Par ailleurs, chacun se fait une idée personnelle des qualités du « bon dirigeant », on a tous une représentation meniale du « leader idéal », qui, de plus, différe d’un groupe culturel 4 un autre. Aussi plus le comportement du leader est conforme 4 celui qui est attendu, plus ses relations avec le groupe seront fructueuses, et meilleurs seront les résultats. Le leadership comporte donc une importante dimension symbolique et on a tendance @ lui attribuer, notamment en ces périodes d’incertitudes, une importance démesurée. Cette exagération de I'influence réelle des dirigeants accentue ce « mirage actuel du leadership » qui consiste 4 croire quiil suffit de changer le ou les dirigeants pour résoudte les problémes. L’histoire des orga- nisations montre que cela est insutiisant, méme si c’est un acte stratégique important. Pour aller plus loin Bennis W. et Nanus B.. Diriger, les secrets des meilleurs leaders (trad. tr) Paris, Inter-Editions, 1985. Fiedler F., « Comment devient-on leader ? », Psychologie, n° 26, mars 1972, Mucchielli R., Psychologie de la relation d'autorité, Paris, ESF, 1982. COMPORTEMENTS D’ENCADREMENT ET STYLES DE MANAGEMENT Si le leadership est I’« art d’amener des personnes 4 accomplir une tache volon- tairement » (Karp, 1981), l'encadrement d'une équipe est une fonction opérationnelle aux multiples aspects, qui correspond 4 la mise en ceuvre au quotidien du leadership. Cette responsabilité s‘exerce avec des styles différents qui ont des effets certains sur la productivité, le moral, la motivation des personnes que l'on encadre. En effet, pour l’employé, son responsable de proximité incarne I’organisation. Aussi, c'est dans cette relation avec son cadre, que se crée, jour aprés jour, une ambiance de travail, favo- rable ou non 4 la mise en ceuvre de toutes ses compétences et 4 son adhésion aux objectifs de I’entreprise. D'oti importance des comportements d’encadrement. 1 Les DEUX DIMENSIONS DE L'ENCADREMENT Les recherches en psychologie sociale dans le domaine du leadership et du mana- gement d’équipe metient toutes en évidence l’existence de deux dimensions dans Ie métier de cadre: une fonction d’animation des actions collectives et une fone tion de production de valeur a partir des ressources qui sont mises a sa disposition. A Les deux fonctions de Bales D Bales (1958), a la suite de travaux menés a I’ université de Harvard, sur les fonc- tions exercées par un leader au sein d’un groupe, parle de « fonction socio-émo- tionnelle » qui recouvre tous les comportements du responsable pour créer un esprit d’équipe, une ambiance agréable, résoudre les conflits, améliorer les rela- tions, maintenir la cohésion... et de « fonetion tache » qui correspond a un ensemble de comportements ayant pour but d’établir des objectifs, d’ organiser le travail, d’évaluer les performances, de développer les compétences... I] montre que, s’il s’agit bien de fon: les sont, toutes les deux, d’une grande importance et doivent donc étre exercées obligatoirement par le respon- sable d’ une équipe. B ta théorie X et ¥ de Mac Gregor D Selon Mac Gregor (1960), les comportements des managers dépendent tres large- ment de leur propre vision de la nature humaine, de leur opinion optimiste ou pes- simiste sur les hommes. Les cadres X (ou pessimistes) supposent que 1’étre humain moyen déteste en général le travail, ne fournit pas d'emblée tous les atteindre ses objectifs, préfere éviter les responsabilités et désire la sécurité avant tout. Aussi les cadres X met- tront en ceuvre un management autoritaire reposant sur le contréle et l’argent. A linverse, les cadres Y (ou optimistes) considérent que l’effort dans le travail est aussi naturel & "homme que le jeu ou le repos, qu’indépendamment des contdles et des sanctions tout individu est capable de se motiver pour des objectif's dont il se sent responsable, que prendre des responsabilités s’apprend et que l'homme est tout a fait capable d’imagination, d’ingéniosité et de créativité. Aussi les cadres Y mettront en ceuvre un management participatif reposant sur I’autocontrdle et Vinitiative, et n’utiliseront les méthodes autoritaires qu’en tout dernier ressort. 28 C tes quatre systémes de Likert D Les hypotheses de Mac Gregor ont stimulé les recherches sur les comportements des dirigeants. L’un de ses chercheurs, Rensis Likert (1967), de l'université du Michigan, a notamment analysé plusieurs cas de grandes entreprises en les com- parant et a développé un modéle idéal d’ organisation appelé « systéme 4 » (les systémes |, 2, 3 étant moins parfaits). Dans ce dernier, nettement orienté vers Vindividu et la participation, les responsables établissent des relations de confiance amicales et chaleureuses avec le personnel, cherchent a obtenir et a utiliser les idées et les opinions de leurs employés, accordent une grande impor- tance au travail en équipe, connaissent et comprennent tres bien les problémes des subalternes, @ Les STYLES DE MANAGEMENT La prise en compte de ces deux dimensions de la responsabilité d’encadrement permet de repérer différents styles chez les managers dans l'animation des équipes de travail Ala grille de Blake et Mouton D La grille de Blake et Mouton (1969) est l'une des applications les plus connues des mod2les comportementaux du leadership. Elle permet de repérer cing grands styles de management chez les cadres. Cette grille a pour axes les deux dimen- sions majeures, |’« intérét pour I’élément humain » en abscisse et |’« intérét pour la production » en ordonnée. Chacun des axes comporte neuf degrés. La grille comprend donc 81 cases et autant de combinaisons possibles. Mais Blake et Mouton se sont limités a la description détaillée de cing de ces combinaisons : a) le style « anémique » (1,1) ou de « laisser-faire » qui est celui du cadre qui tente d’€viter les décisions et les confrontations, et ne s’occupe de rien; b) le style « social » (1,9) ou « participatif », celui du cadre qui se désintéresse de production et de la productivité pour se centrer uniquement sur le maintien de relations harmonicuses 4 l’intérieur de I’équipe ; c) le style « intermédiaire » (5,5) ou de « compromis » entre les besoins de l’employé et les besoins de Vorganisation; d) le style « centré sur la tache » (9,1) ou « autoritaire » qui concemne le cadre qui organise le travail de fagon précise et controle par les normes, les procédures et sanctionne 4 l’occasion ; e) le style « intégrateur » (9,9) ou « idéal » de celui qui accorde a la fois beaucoup d’importance au travail et aux individus en réalisant un véritable travail en équipe. Il est le plus effic car intégrant bien au quotidien les deux dimensions du métier de cadre. B La Grille de Reddin D J. Reddin (1966), de l'université du Nouveau-Brunswick, a congu a partir de la grille de Blake et Mouton, une grille a trois dimensions afin de pouvoir mettre en valeur quatre stratégies possibles de gestion de l’équipe en plus des cing styles d'encadrement: 1) Pisolement, qui consiste a se réfugier derriére les régles, les pro- cédures et les politiques ; 2) la relation, qui correspond a une stratégie oriemtée vers individu ; 3) la dévotion, qui correspond a une stratégie orientée vers la tache et les résultats ; 4) Pintégration, qui combine les deux orientations précédentes, D Selon que ces stratégies sont utilisées 4 bon ou A mauvais escient par le cadre, celui-ci aura un degré plus ou moins grand d’efficacité dans la conduite de son équipe. Ainsi, si le cadre a su adapter son style a la situation, il aura un leader- ship positif et aura une bonne influence sur la productivité de son personnel (style bureaucrate, formateur, autocrate bienveillant, et administrateur). Dans le cas contraire (déserteur, missionnaire, autocrate et homme de com- promis), son style d'encadrement aura un effet négatif. D Done, selon Reddin, le cadre doit adapter son comportement aux exigences de la situation en éant capable non seulement d’analyser celle-ci mais en étant suffi- samment souple pour exercer son autorité suivant le style de leadership le plus approprié. C La théorie de la contingence de Fiedler D Apres avoir étudié des centaines de groupes divers, des membres d'un orchestre un équipage de bombardier, Fiedler (1980) compare ceux qui sont parvenus a atteindre leur objectif par rapport & ceux qui ont échoué et arrive 3 la conclusion que les raisons du succés résident aussi bien dans la personnalité du responsable que dans sa capacité a maitriser et s’adapter aux situations. D Celles-ci doivent étre analysées par le responsable selon trois aspects: 1) est-ce que en tant que cadre je peux exercer un pouvoir faible ou fort sur les membres de I’équipe du fait de ma position higrarchique ? 2) Est-ce que les taches a accomplir par I'équipe sont peu ou trés structurées ? Cet aspect est important, car 's Liches sont trés structurées et si chacun sait ce qu’il a a faire, il n’y a pas besoin d'un responsable d’équipe avec un pouvoir trés élevé sur le personnel. En revanche, dans le cas contraire, il y a nécessité d’avoir un encadrement d’un niveau hiérarchique plus important du fait de la capacité d’initiative et de créati- vité des employés. 3) Enfin, est-ce que les relations entre le responsable et les membres de I’équipe sont bonnes ou mauvaises ? DA partir de cet examen de la situation, Fiedler définit des situations favorables, défavorables et intermédiaires pour l’exercice du leadership et considére que le style directif génére les meilleurs résultats lorsque le responsable a un pouvoir fort et entretient de bonnes relations avec les membres de I’équipe qui ont des taches structurées 4 accomplir. De méme, ce style est nécessaire dans le cas contraire (pouvoir faible, taches non structurées et mauvaises relations avec les personnes) car dans ce cas le groupe risque d’étre déstabilisé s"il n'y a pas quelqu’un pour exercer un commandement ferme en prenant les choses en main et en décidant (dans les situations d’ urgence, par exemple). Dans toutes les situa tions intermédiaires, le style & adopter est celui des relations interpersonnelles avec un cadre cherchant a convaincre et faire participer. D Le modéle Hersey et Blanchard » A l'inverse de Blake et Mouton, le modéle élaboré par Hersey et Blanchard (1977) repose sur 'hypothése qu'il n’existe pas de style idéal en matigre d’enca- drement et qu’il faut, suivant le degré de maturité des employés, avoir soit un comportement orienté vers la tache (conseil), soil orienté vers la personne (sou- tien) selon la situation. C’est pourquoi il est appelé « leadership situationnel ». iste deux types de maturité: la maturité professionnelle, qui dénote la com- pétence et la motivation, et la maturité psychologique, qui correspond a la confiance en soi ct au désir de bien faire. Le cadre adaptera son style d’animation de l’équipe en fonction du degré de maturité de celle-ci. D Hersey et Blanchard repérent quatre degrés de maturité qui induiront quatre styles: a) le style autoritaire, qui convient mieux aux employés dont la maturité est faible, a savoir: peu compétents, non motivés et peu siirs d’eux; b) le style de motivation, qu’il convient d’avoir avec des employés dont la maturité va de faible 4 moyenne — ce style offre du soutien aux employés qui veulent assumer des responsabilités sans avoir les aptitudes nécessaires pour le faire. Afin de main- tcnir enthousiasme, il faut ajouter des explications et des encouragements aux LA GESTION DU CHANGEMENT Les organisations, comme les individus, préférent la stabilité et un horizon prévi- sible, et de ce fait développent une forte résistance aux changements. Pourtant, ne pou- vant €chapper aux évolutions de leur environnement, elles doivent nécessairement s‘adapter pour survivre. Les progrés des connaissances et de la technologie, la mondia- lisation de I’économie, la concurrence des marchés, les obligent 4 innover sans cesse. Elles doivent donc apprendre a gérer les processus de changement afin de réussir a convaincre leur personnel a accepter les évolutions nécessaires et a s‘adapter. 1 Les RESISTANCES AU CHANGEMENT L’expression « résistance au changement » désigne tout comportement ou toute attitude indiquant un refus de soutenir ou d’opérer un changement proposé. Cette résistance du personnel a souvent plusieurs causes 2 la fois, aussi les agents du changement, le plus souvent les cadres, doivent-ils adapter leurs méthodes a la nature méme du changement. A Les raisons de la résistance au changement Elles peuvent étre psychologiques, économiques et sociologiques: ~ Les raisons psychologiques:: la toute premiére raison de refuser un changement réside dans « la peur de Pinconnu » (ex.: la peur de ne pas savoir faire fonction- ner de nouveaux outils technologiques), ensuite « la crainte de perdre ce que Von posstde déja » (statut, autorité, emploi). De fait, plus les personnes sont impliquées dans le systéme exisiant, plus elles vont s’ opposer au changement (par exemple, les employés plus 4gés ou ayant une certaine ancienneté) car elles ont plus perdre qu’a gagner en s’adaptant a la nouvelle organisation: leurs habi- tudes, leur sécurité, leur routine. Changer de taches 4 accomplir et de collégues ainsi que de normes de fonctionnement est toujours source d’anxité et de stress. Les personnes exposées au changement peuvent également le vivre comme une remise en cause de leurs compétences et de leur identité professionnelle. Cette résistance pourra alors se traduire par une crispation sur la défense de leur statut. = Les raisons économiques: si les personnes refusent les changements & venir, c'est souvent parce qu’elles ne percoivent pas d’emblée leur intérét écono- mique. Au contraire, elles les ressentent comme une remise en cause de leur sécurité d'emploi (flexibilité et précarité du travail), une menace réelle contre l'évolution de leur rémunération (déclassification et blocage des salaires) et une fagon d’imposer de fait un transfert économique de la valeur ajoutée du travail vers le capital technique. ~ Les raisons sociologiques: Crozier et Friedberg (1977) ont montré que les individus font obstacle 4 tout ce qui peut diminuer leur autonomie et tentent @orienter tout changement de facon A maintenir, sinon renforcer, la zone d’incertitude qu'ils contrélent (¢f. fiche 5 sur le pouvoir). La résistance au changement peut alors s’analyser comme un jeu de pouvoir et d’influence col- lectif (par exemple entre un sitge social et un réseau d’agences) qui dépasse les attitudes personnelles. 36 exclure un salarié agé. P Le harcélement peut prendre des formes diverses: refus systématique d’adresser la parole & la victime, absence de consignes de travail, tiches dépourvues de sens, « mise au placard », conditions de travail dégradantes, sarcasmes répétés, brimades, humiliations, calomnik B sources D Le harcdlement moral peut éire le fait de collégues de méme entre supérieur et employé, mais également de subordonné iveau hiérarchique, supérieur hiérar- chique. II arrive ainsi qu'un groupe a V'intérieur de organisation isole un col- legue et en fasse « son bouc émissaire ». I n'y a donc pas forcément de Ii higrarchique obligatoire entre le harceleur et ment une personne fragile. sa Vietime qui, elle, n'est pas fore D Le harcélement est souvent la conséquence d'une situation de conflit entre les personnes ou d'un désir de se débarrasser d'une personne génante. Le harveleur, bien intégré dans l'entreprise, a toujours de « bonnes raisons » & invoquer pour justifier son comportement et cherche souvent l’appui des autres membres de organisation. L’individualisme et le manque de solidarité des salariés, accen- tués par la faiblesse des structures de défense collective, vont lui laisser « champ re » pour ses agissements pervers Cc Conséquences D Pour la victime: le harcelement provogue dans un premier temps des symptomes de stress intense, d'anxiété, de troubles du sommeil qui au bout de quelque temps se transforment en troubles psychiques évidents : soit une hyperagre: vité de type paranofaque, soit une dépression par une baisse de estime de soi D Pour organisation: absentéisme et dégradation du climat de travail. Un sala- rié harcelé, stressé, aura des difficultés 4 réaliser correctement son travail et & terme devra s’arréier de travailler pour se soigner. Par ailleurs les « spectateurs » du harcélement, ses collgues, culpabilisent, ressentent une géne morale, qui les démotive et les met en position de doute par rapport 2 Porganisation dont le fonctionnement devrait empécher de tels agissements, importance des ventes des antidépresseurs et des tranquillisants, le succés des ouvrages sur le bien-étre psychologique et le développement personnel, la mise en place de formations 4 la gestion du stress et de ses émotions, la reconversion des psy- chiatres et des psychanalystes en consultants ou coachs d'entreprise, sont les révélateurs d'une montée du stress et de la pression dans les organisations depuis les années 80. Les cadres sont en premiére ligne pour assumer l'individualisation du management, les conséquences des fusions-acquisitions, les nouvelles technologies de contréle, Vaccé- Iération de la compétition mondiale et les plans sociaux massifs comme variable d’ajustement a court terme... Et, de fait, sont les plus touchés par cette « pychologisa- tion » du travail qui va jusqu’a considérer que I’« intelligence émotionnelle » (Goleman, 1995) est devenue une compétence a part entiére que l’on se doit désor- mais d’exiger de tout dirigeant. Pour aller plus loi Dejours C., Travail, usure mentale, Paris, Bayard Editions, 1993 (nouvelle édition), Goleman D., Boyatzis R., McKee A., L’ Intelligence émotionnelle au travail, Village mondial, 2002. 43 @ VERS EVOLUTION CONJOINTE DES OUTILS ET DES ORGANISATIONS A Laccélération du cycle de vie des outils A instar de ce que constatent Moisdon er al. (1997), si certains outils comme les indicateurs de gestion ou les matrices stralégiques perdurent encore apres plus d’une vingtaine d’années d’existence, le rythme de renouvellement de: outils s’accélére. Certains auteurs considérent méme indirectement que le renou- vellement des outils serait un vecteur de dé-bureaucratisation de l’organisation (Moisdon ¢7 al, Crozier...). Ainsi, les acteurs parviendraient & se « débarrasser » de outil lorsque celui-ci ne serait plus utile, malgré son fort pouvoir de normali- sation dans I’ organisation. Afin de limiter les coiits dans les hépitaux, certains groupements cherchent a réaliser un suivi plus affiné des dépenses. Les anciens outils sont donc délaissés au profit d'autres, a T'instar du PMSI, jugés plus adaptés au nouveau conteate. Cluze (1999) estime que ces outils sont alors contingents. B vers lapprentissage organisationnel ? En modifiant les outils, en en délaissant certains et en en adoptant de nouveaux, les modes de fonctionnement de organisation évoluent, Les acteurs, au sein de cette demiére, modifient leur comportement en fonction du mode de fonctionne- ment du nouvel outil, développent de nouvelles connaissances et de nouveaux savoir-faire, les diffusent dans l'organisation. Un véritable apprentissage organi- sationnel s‘instaure. L’ organisation metiant en place ce processus est appel « organisation apprenante ». Cette derniére se caractérise principalement par sa capacité a s‘auto-corriger en fonction de ses erreurs et des évolutions de lenvi- ronnement. En modifiant ses outils en fonction des contingences du moment, les orga tions évoluent. Toutefois, les tendances de ces évolutions suscitent nombre de débats chez les chercheurs. Certains y voient une plus grande décentralisation des processus (comme les équipes du CRG, Zarifian...). Ainsi, le cas précédem- ment évoqué de introduction d'un systéme automatisé de régulation des lignes de bus 4 la RATP semble témoigner d'un plus grand partage informations au sein de l’organisation et d’un « bouleversement des relations entre acteurs et leurs niveaux hiérarchiques ». D’autres chercheurs, au contraire, considérent que les outils tendent 4 davantage centraliser les organisations et 4 contraindre les actions de certains acteurs, a instar des chefs de projets (Courpasson, 2000). Toute introduction d’un nouvel outil de gestion représente une innovation mana- §€riale 4 deux titres: non seulement son adoption par les acteurs constitue une inno- vation mais surtout son utilisation occasionne de nouvelles pratiques. Le recours régulier 4 de multiples outils de gestion est un facteur de transtormation des organisa- tions, permettant une évolution des pratiques, donc des missions et des structures. LES INDICATEURS DE GESTION __ ET LE MANAGEMENT ~ PAR OBJECTIFS Chifire d’afiaires, retour sur investissement ou encore taux de productivité: ces indi- cateurs clés appartiennent la catégorie des outils du contréle de gestion. Les managers ‘ont recours a eux pour suivre leurs activités d’une maniére quantitative. Ils les instaurent généralement dans leurs services pour orienter les actions de leurs subordonnés. Pourtant, leur « suivi » peut générer la mise en place d’obstacles a la bonne marche de I'entreprise, d’actions non envisagées par les managers. En ce sens, ces indicateurs doivent étre indi- rectement considérés comme des outils pour autant sous 'influence et en relation avec la politique de management des ressources humaines. 1 REPERAGES HISTORIQUES ET FINALITE PRINCIPALE DE LINDICATEUR A Lanaissance des principaux indicateurs de gestion La nais é gers de suivre quanti citer que les principaux exemples: D En 1903, le besoin de déterminer le nombre de quantité mi: d locaux et en matigres premieres soit rentabilisé donne naissance au point mort. D En 1910, le calcul du point mort implique la détermination des coats des di rents « inputs » utilisés pour le déroulement de l'activité et conduit a la distine- tion entre fixes et coils variables. D Le suivi des cofits combiné avec le suivi des évolutions du chiffre d'affaires de l’activité entraine, en 1912, la création chez Du Pont-Saint-Gobain du ROL (Return On Investment). D Enfin, entre 1923 et 1924, la direction de General Motors décide d’évaluer les dépenses prévues par mois et par service, en particulier dans les services com- merciaux. Le processus de diffusion des indicateurs financiers pour contrdler les dépenses et revenus des différentes acti dans les entreprises est entamé, $ mana- B Le suivi de activité et des actions des collaborateurs La création des indicateurs de gestion pallie la nécessité de suivre l’activité de Ventreprise. Pourtant, comme Merchant (1982, 1997) le met en évidence, l'indi- cateur favorise également le suivi des résultats d'un acteur de organisation. Le responsable d’une chaine de production évalue louvrier en fonction de 'indica- teur de productivité, Le directeur marketing fait de méme avec le chef de produit a Paide du rapport entre la contribution des dépenses allouées aux actions marke- ting et le chiffre d'affaires réalisé par la vente de tel produit. Le commercial est évalué par le responsable des ventes en fonction du chiffre d'affaires réalisé. L’indicateur devient un outil au service de 'évaluation de l'acteur dans organisation. LES REFERENTIELS DE COMPETENCES Dans un contexte de recherche trés prolixe sur la gestion des compétences, nombre d’auteurs travaillent sur les principaux outils, dont celui du référentiel de compétences (Zarifian, 2001 ; Berthe, 2000...). Cette pratique est censée introduire un nouveau rapport entre le salarié et le supérieur hiérarchique et est, de ce fait, considé- rée comme objective et jouant pleinement son réle d’outil normatif (Oiry, 2001). Néanmoins, elle présente de nombreuses limites, entre autres, celle de ne pouvoir permettre 4 I’entreprise d’évaluer pleinement les compétences de ses salariés. 1 La COMPETENCE: UN ELEMENT CLE DE La GPEC Aw compétence: au service de I’évaluation ou de la coopération ? Si le référentiel de métiers existe depuis longtemps, en revanche, celui de compé- ences a une consistance encore floue et prend encore des formes tres différentes, Oiry et Sulzer (2002) constatent deux grands types de référentiels: un concer- nant les tdches a réaliser, I’autre les compétences A développer par le salarié. Les deux notions sont souvent confondues. cet outil est de servir de base pour réaliser les entretiens annuels d’évaluation de maniére objective. Das lors que toute évaluation subjective de la part du supérieur hiérarchique est écartée, une véritable coopéra- tion peut s*instaurer entre le salarié et son supérieur. Sulzer (2002) qualifie ces deux personnes de « co-contractants d’ engagements réciproques ». Le référentiel de compétences trouve son fondement dans une perception de la transformation des modes de gestion de l’entreprise. Zarifian (1993, puis 2001) estime que les organisations de production européennes redeviennent per- formantes car elles introduisent une notion de coopération entre les salariés. Développant le cas de l’informatisation dans une usine, il estime que lintroduc- tion de cet outil permet de faire émerger la coopération entre les différentes com- pétences détenues par chaque salarié, supérieur hiérarchique comme subordonné Ce qui était applicable au début des années 90 dans une usine tendrait a se géné- raliser actuellement au sein de l'ensemble de l’entreprise. Ds lors, les outils de gestion sont de véritables vecteurs de coopération. Parmi eux, le référentiel de compétences permet de reconnaitre le potentiel individuel du salarié et de se substituer ainsi a la gestion des postes de travail ou des mé B une diversité des modes de construction et des pratiques Le caractére objectif de loutil peut étre mis 4 mal dans la mesure ot il n’est pas construit avec l'ensemble des utilisateurs, évaluateurs comme évalués. De ce que Oiry et Sulzer appellent la « chaine de traduction » dépend le caractére objecti- vable de Moutil. Cette chaine de traduction est constituée par l'ensemble des acteurs qui sont partie prenante dans la construction de l’outil. Ces derniers ont, en fonction de leur place dans organisation, une représentation du métier et des compétences et vont traduire les taches qu’ils exercent ou observent en compé- tences. Toutefois, dans cette construction du référentiel, le poids des représenta- 78 tions de tous les acteurs n'est pas identique. Les membres de la DRH définis les réles des autres acteurs dans la construction de l’outil et jouent le réle de prescripteur. Aux autres acteurs, agents de maitrise, responsables de services, délégués syndicaux, de faire valoir leur traduction. Oiry (2001) constate que le référentiel varie beaucoup en fonction des caractéris- tiques et du statut des personnes concernées. Un méme supérieur hiérarchique s’attache a évaluer beaucoup plus consciencieusement les compétences techniques du débutant, aux dépens des compétences managériales qui, selon lui, «ne concernent » pas la personne alors que ces derniéres sont contenues dans son référentiel De méme, les pratiques "utilisation du référentiel dépendent de la manigre avec laquelle les utilisateurs interprétent une tache réalisée comme compétence. Ainsi, tel évaluateur estimera que la réalisation de telle tache montrera que le salarié posséde la compétence requise, ce qui ne sera pas le cas avec un autre évaluateur. 2 UN OUTIL INDISPENSABLE MAIS LIMITE A Laremise en cause du caractére objectif de l'outil Le caractére objectif de l’outil repose donc sur Vintersubjectivité des repré- sentations des différents acteurs du processus, les prescripteurs comme les autres acteurs. De ce fait, la construction de loutil souléve un débat épistémolo- gique, c’est-d-dire portant sur le statut méme de lobjectivité. Si l'on considére que Mobjectivité est la conformité a la réalité, indépendamment des acteurs de Vorganisation, la question est alors de savoir comment déterminer ceite réalité. En revanche, si l'on considére que la réalité n’existe pas en dehors des acteurs, cette dernigre ne pourra alors éire déterminge que par la confrontation de Vensemble des points de vue des acteurs. Dés lor: important que celui des représentations des autres acteurs, le référentiel construit n’est pas objectif. L’objectif initial de l’outil, permettant, ai meilleure relation entre l'évalué et |’evaluateur lors des bilans, ne semblerait pas atteint. le poids d’une représentation des prescripteurs étant de nature plus B vévatuation des compétences globales de Il’entreprise Compte tenu des différentes pratiques d’utilisation de Moutil, qui dépendent a la fois de la manigre avec laquelle on évalue la competence et de la relation évalué- évaluateur, le référentiel ne permet pas de répondre a la seconde finalité de la GPEC (¢f. fiche 17). Le référentiel sert de base & I’évaluation de ensemble des salariés mais ne peut prétendre aider Ventreprise & avoir une image claire et fid@le de l'ensemble des compéiences dont elle peut disposer, Le référentiel de compétences, s'il permet d’instaurer une norme au sein de Vorganisation et de structurer les métiers, ne permet pas encore une bonne gestion stratégique des ressources humaines. Tout au plus peut-il tre un outil de contréle de la réalisation des actions des salariés — ce qui n’est déja pas si mal... PARTIE Ill SOCIOLOGIE ET RESSOURCES HUMAINES 2 ARGUMENTER, C'EST FAIRE DANS UENTREPRISE A Activité communicationnelle et activité stratégique D D’aprés Habermas, l'accord et "influence sont des mécanismes de coordination de action qui s’excluent, Il est impossible d’ engager des processus d’intercom- préhension dans intention d’aboutir a un accord avec un participant a l'inter tion et cn méme temps dans le but de Vinfluencer, ¢’est-d-dire d’exercer sur lui une action causale D En d'autres termes, accord et influence (ce demier terme étant entendu comme une action qui vise au succés stratégique) sont des modes d’ interaction qui, s‘ils s’excluent du point de vue des acteurs, sont des objets dont la cohabitation, dans la complexité des interactions d'une situation, reste possible; l'analyste se doit de les identifier et de recourir pour cela tantot A un modéle, tant6t a un autre. D Selon Habermas, toujours, il existe plusieurs modes de gestion possibles de la rela- tion entre acteurs : par intercompréhension ou par influence. Autrement dit, pour clarifier le mode de gestion dominant utilisé au sein d’une entreprise, il faudra recourir 8 la figure théorique la plus & méme d’élucider les logiques en présence. D L’agir communicationnel considére activité communicationnelle et lactivité stratégique comme deux types d’activité sociale qui constituent des alternatives dans la perspective des acteurs eux-mémes. B vacteur, rentreprise et l'agir communicationnel D L’acteur est non seulement stratégique, identitaire et culturel, mais il est aussi historique et social. L’une des formes les plus classiques, et ts concrete, que peut revétir, dans l'entreprise, la dimension sociale et historique de Macteur sur- git au travers du parcours professionnel individuel et de l'expérience de travail. D Parcours et expérience renvoient A l’activité antéricure des individus en tant que somme d’apprentissages qui sont autant d’éléments de structuration des maniéres d’étre, de faire, d’analyser, d’investir les situations de travail. Ces modes de connaissance particuliers, qui résultent des apprentissages, constituent pour l'acteur autant de schémes souples d’appréhension des objets, des relations, de soi-méme, en bref, de l'ensemble du dispositif dune situation. Parcours et expérience sont des éléments de Videntité professionnelle. La notion d’identité sociale et historique inhérente A l'acteur permet de glisser vers le comportement stratégique. D De maniére générale, l'intérét bien compris de l’acteur peut le conduire A « calculer » en fonction de la représentation qu’il se fait de la situation et des chances qu’il estime tre les siennes. Par exemple, la fagon dont un acteur envisage de construire sa car- riére illustre sa rationalité, ses projets, son interprétation des regles avec lesquelles il Joue, Tenant compte de ce qu'il estime étre les contraintes de la situat se développe sans jamais étre en déconnexion avec lensemble des apprenti antérieurs qui sont les siens. L’acteur est omniprésent méme s'il n’est pas omnipo- tent. Ses choix demeurent aléatoires et, de ce fait, restent done stratégiques. Lattitude intercompréhensive (communication, accord...) et la recherche du suc- cés correspondent a des modes de coordination de I’action qui vont tantot privilégier l'accord, tantot le calcul stratégique. L’agir communicationnel se trouve donc consti- tué d’instances multiples dont chacune fournit une base de développement des logiques « calculatrices » de l’acteur. Pour aller plus loin Habermas J., Théorie de l'agir communicationnel, Fayard, coll. « L’espace politique », tome 1, par- tie 1, 1981. yy LES FORMES D’AUTORITE La direction dans l’organisation a donné lieu 4 de nombreuses recherches entrant dans le cadre de la psychologie, de la sociologie et du management. Elle implique a la fois des hommes, des relations de dépendance et des relations de pouvoir. Le socio- logue cherche, en étudiant les mécanismes de direction, les liens qui existent entre lorganisation, les hommes et les structures. 1 Les ELEMENTS FONDAMENTAUX DE LA DIRECTION > LE POUVOIR ET LE LEADERSHIP A Max Weber et le fondement de lautorité » Max Weber (1864-1920), en définissant les trois modes de domination, a proposé une distinction fondamentale entre pouvoir et autorité. D’aprés lui, le pouvoir, c'est la capacité a forcer l’obéissance aux ordres. L’autorité, c'est la capacité & faire observer volontairement les ordres. Une autorité sans pouvoir n'est pas stable dans le temps. Un pouvoir sans autorité n'est généralement pas efficient car lexercice de la contrainte pour faire exécuter les tiches conduit 4 un fonctionne- ment plus lent, plus complexe, que I’acceptation spontanée des instructions. D La direction d’une entreprise ou de toute entité sociale doit donc s’assurer qu'elle dispose d’ une autorité pour exercer son pouvoir. D’aprés Max Weber, le pouvoir doit reposer sur une autorité pour que la domination soit acceptée. D La légitimité de cette domination a trois fondements : a) Pautorité charisma- tique: les ordres sont respectés en raison de la personnalité du leader. Ce sont des qualités particuligres (réelles ou supposées) de la personne méme de celui-ci qui le font respecter. Cette autorité est fondée sur un dévouement hors du com- mun et justifié par le caractére sacré ou la force héroique du leader et de ordre révélé ou créé par lui. Une organisation reposant sur un tel systéme d’autorité est par nature instable car trop liée a la personnalité du leader; b) autorité tradi- tionnelle: sa légitimité est fondée sur les coutumes que I"homme respecte, sur lhistoire, sur les habitudes, en raison d'un statut lié 4 la fonction ou a I"hérédité. Cette forme d’autorité, certes stable, n'est pas rationnelle car elle ne garantit pas forcément la « compétence », ni la « qualité » du leader; c) Pautorité ration- nelle légale: c’est la croyance en la validité d’un statut légal et d’ une compé- tence fondée sur des régles établies rationnellement. La hiérarchie est investie a chaque échelon de Mautorité que lui conferent des textes, élaborés et révisés par l'échelon supérieur. Chaque détenteur d’autorité est recruté sur la base de ses compétences, reconnues par un dipléme ou un concours. Selon Weber, cette forme d’autorité est la plus efficace, car elle est impersonnelle et experte. En effet, autorité est lige 4 la fonction exercée, reconnue dans des textes (pouvoir statutaire) et non a la personne qui exerce la fonction. L’autorité du « fonction- naire » est acceptée car en fait les individus sont libres; ils ne doivent obéissance qu’aux textes objectifs décrivant les attributs et prérogatives de chaque fonction, que celle-ci s*inscrive ou pas dans le cadre d’un leadership. jt B Le leadership dans l’entreprise D Le leadership, c’est ce qui confére A une organisation sa vision et son aptitude & traduire cette vision en réalité. Le leader est ainsi celui qui est le plus 4 méme, quelles que soient les circonstances, de percevoir 'objectif fondamental de lorga- nisation. Plusieurs spécialistes en management distinguent trois composantes constitutives du leadership. La premiere est relative 4 l'influence interpersonnelle résultant de la personnalité méme du leader. Dans ce cas, les styles de comporte ment identifiés qu’ utilisent divers chefs se situent typiquement sur un axe qui va dautoritaire icipatif, voire laisser-faire, avec, entre les deux, paternaliste et consultatif. La deuxigme composante concerne la position du leader lige son sta tut ef & son réle dans organisation. Et enfin la dernigre composante se rapporte & la capacité objective du leader & résoudre les problémes liés aux conditions phy- siques de production, & la qualité de information et aux objectifs a atteindre. D Les toutes premieres recherches sur les comportements des leaders et leurs liens avec l'efficacité du travail du groupe ont été effectuées en 1927 par trois cher cheurs américains, 4 savoir Lewin, Lipitt et White. En effet, & partir de recherches expérimentales réalisées sur des groupes d’enfants, Lewin distingue trois formes de leadership ou de mode d’exercice du commandement ; le I dership autoritaire, qui se tient 4 distance du groupe et use des ordres pour dir ger les activités du groupe. En deuxiéme lieu, le leadership démocratique, qui S’appuie sur des méthodes semi-directives visant a encourager les membres du groupe a faire des suggestions, a participer & des discussions ou encore A faire preuve de créativité. Enfin, le leadership du laisser-faire, qui ne s’implique pas dans la vie du groupe et qui participe au strict minimum aux différentes activités. D Les résultats de cette expérience sont intéressants a plus d'un titre. Au niveau de la production, les résultats obtenus par le régime autoritaire sont légérement supérieurs & ceux des autres groupes. En revanche, les enfants font preuve de plus d'originalité et de créativité sous le régime démocratique. Par ailleurs, au niveau du fonctionnement interne et du climat social, les enfants soumis au régime autoritaire témoignent a la fois d’une plus grande dépendance vis-d-vis du leader et d’une attitude plus passive et soumise que dans les autres régimes La pression portée sur le groupe fait qu'il n’y a pas de véritable relation de confiance, ce qui se traduit parfois par des actes de rébellion et de défiance, voire une attitude agressive de certains enfants au sein du groupe entrainant des consé- quences négatives sur le climat social et l'ambiance de travail. Le laisser-faire semble constituer la pire des méthodes. Le groupe soumis a ce régime n’obtient pas de résultats satisfaisants, reste paradoxalement trés dépendant d’un leader peu impliqué et demeure constamment en quéte d’informations et de consignes. D Cette premiere recherche (meme si elle montrait un peu vite la supériorité du mode de management démocratique) met en évidence que le style de leadership appliqué influe directement sur deux dimensions: celle de la productivité et celle du climat social du groupe. Ces deux dimensions doivent done étre prises en compte par toute direction pour l’efficacité de son action. C te principe des relations intégrées D Professcur de psychologic industrielle & 'université du Michigan aux Etats-Unis, c’est Rensis Likert (1903-1981) qui, conduisant des recherches sur les attitudes et les comportements humains au travail, développe ce principe dans Le Gouvernement participatif de l’entreprise, publié en 1961. D Likert constate que les managers peu performants présentent les traits de compor- tement suivants (plutot tayloriens): a) leur attention est centrée sur la tache a accomplir; b) ils voient organisation classique du avail comme suffisante pour obtenir les performance requises des subordonnés ; c) ils jugent leur travail I> jt comme un travail essentiellement de contréle exercé a l'aide d’une autorité stricte. > Au contraire, les managers performants, bien qu’utilisant autant les compétences du taylorisme, pensent que celles-ci ne sont pas suffisantes et qu’ils doivent cher- cher 4 motiver leurs subordonnés, en intégrant leurs valeurs personnelles. Likert développe alors le principe des relations intégrées comme principe majeur organisation. D Ce principe veut que toutes les relations entre les membres d’une organisation int@grent les valeurs personnelles de chacun. Personne ne peut travailler efficac ment s'il n’a pas conscience qu’il est utile. D Ce principe ne peut étre appliqué que par I’établissement d'un groupe de travail. Likert oppose la forme d’organisation homme-contre-homme (man to man) ala forme nouvelle par groupe. D L’organisation homme-contre-homme comporte des grands désavantages: ~ elle ne permet pas d’inclure toutes les personnes intéressées a une décision; elle limite la communication du haut vers le bas et du bas vers le haut a ce qui est favorable aux personnes en cause; elle suscite des réactions négatives de chaque responsable pour protéger son domaine ; elle renforce le contréle hiérar- chique et plus ce controle est fort, plus il y a d’hostilité entre les subordonnés. D Au contraire, la forme d’ organisation par groupe permet des relations intégrées : = le groupe ouvert & tous les problem s’exprimer; les responsables se sentent davantage engagés devant un groupe surtout aprés une discussion en son sein. La forme d'organisation par groupe doit étre appliquée partout dans Ventreprise. Il est méme important que chaque responsable soit membre de deux groupes: d’un groupe oi i est subordonné et d'un autre oi il est supérieur. D Likert établit ainsi une nouvelle théorie du management fondée sur la nature des interactions entre responsables et subordonnés en distinguant quatre systéme de management: a) le systéme 1, ou systéme autoritaire exploiteur: les dirigeants utilisent surtout la crainte, la menace et les sanctions. Les communications peu nombreuses vont uniquement du haut vers le bas avec de grandes déformations ; les décisions sont prises au sommet sans aucune consultation des subordonnés avec une grande centralisation; b) le systeme 2, ou systéme autoritaire patert liste: les managers utilisent les récompenses et les sanctions; les subordonnés ont une attitude soumise avec une faible conscience de leurs responsabilités, fil- trant les informations montantes conformément a ce que le chef souhaite entendre. Quelques décisions peu importantes sont prises aux niveaux inférieurs. Il y a une organisation informelle partiellement hostile & la poursuite des objec- tifs de organisation officielle; c) le systéme 3, ou systéme consultatif: les managers cherchent & impliquer les subordonnés dans les décisions sans que ceux-ci aient une véritable influence. Les communications sont a la fois ascen- dantes et descendantes et transmises avec fidélité. Les employés ont une certaine motivation et le travail d’équipe est encourage ; d) le systéme 4, ou systéme par- licipatif par groupe: le management utilise réguligrement les groupes pour prendre les décisions, pour régler les conflits. La communication se fait réelle- ment dans les deux sens. Les contréles sont largement décentralisés. D Cependant, le principe des relations intégrées et le systéme participatif par groupe de Likert ne sont pas faciles a appliquer, comme il le reconnait lui-méme, car les valeurs personnelles des membres d’une organisation parfois antagoniques et changeantes sont souvent difficiles & cerner. s de son niveau permet & chacun de 2 VAcTION DE LA DIRECTION D Issue des conceptions militaires, la vision réduite de la fonction de direction a celle de commandement est aujourd'hui dépassée. L’approche normative ration- nelle, a la suite des travaux de Fayol, ne correspond plus de nos jours a un envi- ronnement turbulent, dans lequel la prévision ou la planification n’ont plus le méme pouvoir prédictif. P Crest pourquoi l’approche contemporaine de la fonction de direction s"attache plus 4 définir de grandes missions dans un cadre systémique flou que des tiches rigide. Enfin, fa vision de a ses o exéouter ans: un cae administra exéeutdes, les oullg Uillsés;'ne peuvent étre les mémes dans la mileio: organisation de quelques salariés travaillant dans un secteur de haute technologie ou, au contraire, dans un secteur artisanal traditionnel, ou bien encore dans une grande entreprise de construction automobile avec des centaines de salariés. D Ainsi, trois types de missions semblent émerger: une mission économique (c'est le projet productif de la direction car la production est la raison d’étre de Pentre- prise); une mission humaine (c’est le projet social de la direction car elle doit obtenir de tous les intervenants la confiance et la collaboration au projet produc- tif) et enfin une mission intégratrice (c’est le projet organisationnel de la diree- tion qui doit assurer la compatibilité de la mission économique et de la mission sociale. Le questionnement sur les formes d’autorité ne peut se poser indépendamment de I’analyse de I’évolution des formes siructurelles. Les deux mouvements sont intime- ment liés et les fagons de diriger changeront en fonction de I’évolution des structures dans une interaction toujours permanente. Pour aller plus loin Charron J. L., Sépari S., Organisation et gestion de l'entreprise, Patis, Dunod, 2001. Weber M., Economie et société, 1922, Pocket, coll. « Agora », tome 1, chapitre 3, 199: 3 Le CHANGEMENT EST UN APPRENTISSAGE DE NOUVELLES FORMES D’ACTION COLLECTIVE Alte changement entre conservatisme et nouveauté D La problématique du changement est toujours en tension entre plusieurs poles. Il y adabord l'opposition entre le permanent, lexistant, celui dont on part et dont il restera forcément des traces méme si un changement s’accomplit, et le nou- veau, les maniéres de faire encore inconnues mais vers lesquelles on s’achemine. Il y a ensuite opposition entre lexogéne, celui qui vient de l’extérieur, et Vendogéne, oi l’évolution nait de lintérieur, des mouvements propres @ une entreprise comme & une socié! D Le péle de la permanence est toujours présent dans tout changement, car il se produit dans un systéme déja existant. Une maniére de faire n’est jamais entidre- ment nouvelle. De plus, ceux qui mettent en route une nouvelle machine ou un nouveau procédé ont un passé, des connaissances, ce qu’on appelle souvent des habitudes et qu'il vaudrait mieux nommer des régles ou des systémes de régle des représentations, des modéles relationnels, finalement des logiques qui influent sur leurs comportements face a la novation. B te changement, l’'apprentissage, la découverte et l’'acquisition de nouvelles capacités par les acteurs concernés D Le changement réussi ne peut étre la conséquence du remplacement d’un modéle ancien par un modéle nouveau qui aurait été concu d’avance par des « sages » quelconques. Il est le résultat d’un processus collectif a travers lequel sont mobilisées, voire créées, les ressources et capacités des participants néces- saires pour la constitution de nouveaux jeux; nouveaux jeux dont la mise en ceuvre libre permet au systéme de s’orienter ou de se réorienter comme un ensemble humain et non comme une machine. D Dans cette perspective, le changement dirigé a toujours deux faces. I] est change- ment d’une activité, d’une fonction, d’un mode opératoire, d’une technique dans un but économique, social ou financier. Mais il est en méme temps aussi et tou- jours transformation des caractéristiques et modes de régulation d'un systéme, et il peut étre, enfin, a la limite, transformation des mécanismes de changement eux-mémes. D Une telle redéfinition des problémes du changement dirigé nous permet de mettre en évidence une dimension qui nous parait fondamentale dans tout processus de changement, qu’il soit dirigé ou « naturel »: A savoir apprentissage, c’est-a-dire la découverte, voire la création et l’acquisition par les acteurs concernés, de nou- veaux modéles relationnels, de nouveaux modes de raisonnement, bref, de nou- velles capacités collectives. D Aucun changement, aucun apprentissage collectif, ne peut avoir licu sans rupture. Mais il nous parait, tout compte fait, que les rapports de force ne changent que quand une capacité nouvelle de résoudre les problémes d’organisation col- lective s'est affirmée. Les rapports de force se transforment quand une meilleure capacité commence 2 faire ses preuves a travers une forme d’organisation nou- velle. Mais un changement de rapports de force n’entraine pas nécessairement le développement d'une capacité nouvelle et un changement de la nature et des régles du jeu: il pourra s’agir d’un simple renversement d’élites. C Apprentissage, changement et crise » Tout apprentissage requiert rupture, tout changement véritable signifie crise pour ceux qui le vivent. Aucun apprentissage ne peut s’effectuer dans le cadre dune évolution graduelle harmonieus D Si Fajustement mutuel n'est pas suffisant pour faire émerger un modéle nouveau, c'est que des initiatives et un leadership humain sont indispensables. Le modéle sous-jacent au changement positif, & l'apprentissage collectif, est alors celui de la crise non régressive, c’est-a-dire surmontée par apprentissage. Toute rupture risque d’entrainer régression. D Pour qu’une rupture puisse entrainer, au contraire, des phénoménes positifs dapprentissage, il faut qu’a un moment ou 2 un autre il y ait intervention d°une responsabilité humaine individuelle. Si Pon veut vraiment le changement, il faut accepter l’inévitabilité des crises. Mais il faut, en méme temps, accepter le caractére tout aussi indispensable du choix et de l’arbitraire humains sans lesquels on ne peut maitriser et surmonter ces crises. & La CONDUITE DE L'ACTION DE CHANGEMENT A Vaction sur les hommes D Appliquée toute seule ou sans lien avec une action sur les structures, l'action sur les hommes est risquée. Elle se préte en effet 2 toutes les manipulations et méme si ceux qui l'animent sont respectueux de la liberté d’autrui, ils soulévent tout naturellement Pinquiétude et eréent le soupgon. D Tout recours A une action de cet ordre peut étre ressentie a priori comme une « action psychologique > el, par conséquent, comme une opération de manipula- tion, ce qui veut dire non seulement qu’elle est condamnée 2 échouer, mais qu'elle a un impact négatit. B vaction sur les structures D Quand elle est menée sans réflexion sur les problémes humains qu’entraine tout changement, elle est aussi « illisible ». L’utilisation des connaissances sur la réalité du systéme humain concerné n’est pas suffisante pour bien guider des réformes de structure. Elle doit se doubler d’un pari sur les actions des hommes, sur I’état de leurs capacités individuelles et collectives actuelles et sur les possibilités de développement de ces capacités. D Le comportement des hommes, en effet, ne se limite pas heurcusement aux prévi- sions que on peut ravers une analyse statique du présent. Dans ce présent existent chez eux des capacités formées tout A fait mobilisables. Des virtualités existent aussi sur le développement desquelles on peut et on doit parier. D Si action sur les structures est calculée comme une action de développement qui offre aux hommes les possibilités de transformation qu’ils sont capables de sai- sir, on utilise les moyens dont on dispose pour améliorer leurs capacités, pour les aider a se servir des opportunités qu'on leur offre ire C te pilotage du changement D Le pilotage d'un changement nécessite la maitrise de savoir-faire. Mais de quels types de savoir-fai 2 Si nous examinons les différentes catégories de savoir-faire existants, nous pouvons dresser la liste suivante : a) la recette empi- rique : elle provient de l'expérience. est orientée vers la production d’un résulta MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET REGLES DU JEU D apres la théorie de la régulation, la structuration des jeux d’acteurs se congoit mieux 4 partir de la construction des régles dans ‘organisation. Dans cette approche, le réle de construction du groupe de travail par |’élaboration de régles semble primor- dial. En effet, si les régles du jeu servent a construire !’action collective, elles sont aussi le signe de I’existence du groupe et ont comme fonction de le deéfinir et de le faire exister. 1 Les FONDEMENTS DE LA THEORIE DES « REGLES DU JEU » D D’aprés Jean-Daniel Reynaud (sociologue frangais), la sociologie des organisa tions distingue traditionnellement, dans l'ensemble de la régulation qui applique aux comportements des membres de l’organisation, des régles exp! cites ou officielles et des régles implicite D Les premiéres, et tout particuligrement celles qui ont forme et valeur juridiques, sont celles qui apparaissent d’abord a I’ observateur, alors que les secondes ne se révélent qu’aprés un examen direct des pratiques. D Les régles officiclles fixent les responsabilités en cas de faute ct déterminent |; sanction app elles doivent ins rer les décisions des autorités responsables. Complémentairement, les régles implicites guident les procédur ctives de travail, de collaboration et de décision, elles assurent le fonctionnement quotidien de l’organisation. D Les deux groupes de régles peuvent étre plus ou moins éloignés l'un de lautre (parfois jusqu’d la contradiction). Sauf périodes exceptionnelles, ils ne sont pas identiques et le second ne peut se réduire au premier. Les distinguer, ce n'est donc pas seulement dire que les régles officielles ne s'appliquent qu’imparfaitement, qu'il y a une sorte de dégradation du droit dans les pratiques, que la mauvaise intelligence des régles, les oppositions entre hommes et entre groupes, lirruption des intéréts individuels, viennent en fausser ou en détourner l’application. C'est dire qu'il y a plusieurs types de régles et plusieurs sources de régulation. P Bien que ces différentes sources ne soient ni a égalité de légitimité ni a égalité de pouvoir, une analyse réaliste de la vie d’une organisation doit tenir compte de cette pluralité et comprendre les rapports entre les éléments qui la constituent. 2 LE DEBAT, ORGANISATION FORMELLE ET ORGANISATION INFORMELLE P Le point de départ obligé d’une telle analyse se situe évidemment dans les études dirigées par Elton Mayo 2 la Western Electric et plus précisément le compte- rendu classique qu’en ont fait Roethlisberg et Dickson. D On se rappelle qu’ la fin du livre les auteurs résument leurs conclusions théo- riques en distinguant, intérieur de organisation, une organisation formelle 10% 4 DEUX REGULATIONS DANS UNE LOGIQUE DE CONCURRENCE > Pour autant, régulation autonome et régulation de contrdle, puisqu’elles peuvent toutes deux obéir A une logique d’efficacité, se conjuguent-elles facilement? La aussi, d’aprés Reynaud, il est important de remettre au centre du probléme la relation de subordination et les oppositions qu'elle engendre. Faut-il rappeler sur ce point la démonstration classique de Joan Woodward ? D La technique ne commande pas l’organisation ; elle pose des problémes face aux- quels la direction construit des moyens de maitriser l’aléa, I’incertitude, et C’est bien pourquoi les expressions « organisation officielle » (ou formelle) et « organisation officicuse » (ou informelle) paraissent finalement mal adaptées. La régulation des subordonnés ne se trouve pas étre différente de celle de la direction parce qu’elle a un objet différent mais parce qu’elle essaie d’affirmer une autonomie, D La régulation qui vient d’en haut ne bouscule pas la premigre parce que les impé- ratifs d’efficacité bousculent les équilibres sociaux. C'est, au contraire, son objet meme que de peser sur la régulation des salariés, de chereher 2 controler le: zones Ue liberté et d’autonomie qu’ils s'octroient. C'est pourquoi Jean-Daniel Reynaud propose de I’appeler « régulation de contrdle ». 5 REGLES DU JEU ET RELATIONS PARTICULIERES DE POUVOIR » a) La régulation autonome n’est pas officieuse ou informelle en ce sens qu’elle serait spontanée ou Il’expression simple des convictions communes @un groupe. Comme l’ont montré toutes les études de terrain (& commencer par celles ’Elton Mayo et de ses associés), c’est une régulation souvent ues élabo- ceux qui youdraient sen écarter. Elle peut étre imposée A un groupe par une minorité économiquement ou culturellement stratégique. Elle est done bien la construction, avec ce que cela comporte de contrainte et d’apprentissage, d’un ensemble de normes sociales. b) Les valeurs affectives trés fortes que les exécutants attachent 4 leur régu- lation autonome (mais aussi celles, souvent tout aussi fortes, que les « contro- leurs » attachent a la leur) s’expliquent non par existence d’un domaine affectif séparé de celui de l'organisation rationnelle mais par les enjeux de pouvoir qui sont liés & la rencontre de ces deux régulations. Elles sont mme un moyen de mettre au jour ces enjeux de pouvoir. » La distinction des deux régulations ne s‘applique pas & n’importe quelle relation de pouvoir. Cette distinction désigne une relation qui s’établit entre un groupe et ceux qui veulent le régler de extérieur. Fée, qui est enseignée aux nouveaux venus et en partie 105 106 D Tres généralement, cette confrontation existera toutes les fois qu’un individu ou un groupe a une capacité d'initiative concemant les objectifs, les procédures (les technologies) d’un autre groupe. Il est peine nécessaire de souligner que cet événement, loin d’étre exceptionnel, est de régle dans la vie économique puisqu’il est propre & tout acte d'entreprise, de direction et méme A toute initia- tive qui ne concerne pas seulement un individu isolé LES RESSOURCES HUMAINES ET LES MECANISMES DES « REGLES DU JEU » D Pour la commodité, Jean-Daniel Reynaud raisonne comme si les acteurs de la régulation étaient bien définis et définis a priori: exécutants et encadrement ou salariés et direction. Mais si importantes que soient ces oppositions, qui peut croire aujourd’ hui que le partage est fait une fois pour toutes entre ceux qui pen- sent et ceux qui exécutent et que le « rapport salarial » ne change pas? En consi- dérant rigoureusement les termes « autonomie » et « contrdle », ils doivent étre rapportés a des acteurs réels et singuliers, qui se constituent et se transforment, notamment dans leurs relations mutuelle: > En effet, dans une organisation, I’activité de régulation peut avoir beaucoup objets: elle porte sur les méthodes de travail (comment aboutir au produit recherché, quels crittres de qualité accepter, quelles précautions prendre) mai aussi sur l'aceés aux postes, la promotion, les salaires, ou encore sur l'adoption d’une technique nouvelle et le partage des responsabilités qu'elle entraine. D Ces différents domaines de régulation peuvent étre étroitement interdépendants : la production est déterminée par le métier, le marché du travail organisé selon ses exi- gences, les technologies mises en aeuvre en fonction de la division du travail que le métier exige. Mais, méme dans ce cas, le total ne forme pas un ensemble totale- ment cohérent, ne serait-ce que par l’effet des contraintes extérieures (de nouveaux matériaux ou de nouveaux produits, l'état du marché, des technologies nouvelles). UN EXEMPLE DES REGLES DU JEU DANS LA GESTION PUBLIQUE FRANCAISE DES RESSOURCES HUMAINES: Les UFR A L'UNIVERSITE > Reynaud, dans son ouvrage, montre qu’ intérieur de I'administration, et tout particuligrement dans les grandes administrations, I’extréme centralisation a sou- vent aussi une contrepartie inattendue: une autonomie assez grande, bien que semi-clandestine, des unités locales. Il illustre son propos en décrivant les régles du jeu de fonctionnement des UFR (unités de formation et de recherches) au sein des universités. D En effet, selon Reynaud, un professeur d’université n’est maitre ni de ses horaires, ni de ses programmes, ni des formes d’examen, II ne peut sélectionner ses éléves (saul pour le troisigme cycle). Quand, avec quelques collégues, il batit un dipléme d'études approfondies, il doit respecter la lettre une circulaire ministérielle qui lui prescrit le nombre d’heures de cours théoriques, de travaux de recherche qu’il doit comporter. Son projet achevé est soumis & une commi sion @habilitation qui donne un avis circonstancié avant que les autorités ne délivrent un visa. II dispose rarement de crédits, ne serait-ce que pour inviter des intervenants extérieurs, encore moins de locaux, ou de moyens de documenta- nécessaire, pour assurer la cohésion d’un groupe, de trouver des accords fondés sur des compromis. D Ainsi, le conflit potentiel entre la légitimité industrielle (celle de l"efficacité) et la Iégitimité civique (celle de l'intérét des salariés défendu par les syndicats) peut se résoudre a travers des dispositifs écrits comme les accords d’entrepris conventions collectives, la négociation contractuelle, les concessions, la pol sociale, les réunions paritaires, etc. LA PLACE « CENTRALE » DE LA CONVENTION D La convention occupe une grande place dans cette théorie au point de lui avoir donné son nom. « Une convention, c’est un ensemble d’éléments qui, a tout ins- tant pour les participants & la convention, vont ensemble et sur lesquels, par conséquent, ils partagent un commun accord. Une convention est un systéme attentes réciproques sur les compétences et les comportements, congus comme allant de soi et pour aller de soi. C’est par la méme qu'une convention est eft cace » (Luc Boltanski, Laurent Thévenot, André Orléan, Robert Salais). D « Les comportements attendus n’ont pas besoin d’étre congus a Mavance, écrits, puis ordonnés pour étre obtenus. » Cette définition de la convention est proche de celle des rdles dans les termes classiques de la sociologie. Il s‘agit bien de comportements attendus auxquels se conforment les individus. D Le terme « convention » vient de « convenir », venir ensemble, étre d’accord; le terme « contrat », de « contrahere », resserrer, borner et mettre 2 leur place. « La convention permet de coordonner des intéréts contradictoires qui relévent de logiques opposées, mais qui ont besoin d’étre ensemble pour pouvoir étre satis- faits. » La vie sociale repose sur des accords implicites de ce type. CONVENTIONS TACITES ET GESTION DES RESSOURCES HUMAINES Une application des « formes de coordination » et des « mondes » 4 la gestion du personnel D Ces formes de coordination peuvent relever d'un principe commun dominant ou, plus souvent, d'une combinaison de plusieurs principes. Cette approche a été uti- lisée pour élaborer des typologies de « gestion de la main-d’auvre », selon le mode dominant de coordination. DA titre d’exemple, on peut citer l'analyse, faite par Bessy, du recours aux licen- ciements économiques en fonction des caractéristiques structurelles des entre- prises (secteurs, types d’activité...), qui distingue cing types de gestion de la main-d’euvre: —le type industriel (importance des équipements, planification des activités et gestion & long terme de la main-d’@uvre; exemples: pétrole, construction aéronautique); — l’industriel-domestique (importance des équipements et forte ancienneté du personnel); — V'industriel-marchand (recours au marché externe du travail, influence du marché : imprimerie, biens d’équipement) ; — le marchand-domestique (PME en milicu rural, ancienneté du personnel) ; 109 HO ~ le type marchand (activités de services, environnement urbain, faible qualifi- cation du personnel ; par exemple, commerce et distribution). L’auteur y montre quelle forme de coordination est 1a plus compatible avec le recours structurel au licenciement pour motif économique : par exemple, le mode marchand, ne reposant pas sur une relation de travail durable, trouve d’autres formes d’ ajustement de ses effectifs, alors que le taux de recours au licenciement économique est beaucoup plus fort dans les entreprises du type « indusiriel- domestique » (od la mobilité de la main-d’euvre n’est plus suffisante pour répondre aux exigences du marché) et « marchand-domestique » (oi les défaillances d'entreprises sont les plus nombreuses).. De méme, B. Reynaud et V. Najman s’inspirent des « mondes » pour élaborer une typologie des formules salariales actuelles et voir en quoi il y a rupture nette par rapport au passé ou bien plutat « bricolage ». B Application au contrat de travail Dans lentreprise, il existe de nombreuses conventions. Un cas intéressant est celui de la relation de travail. Selon la définition classique de l’intérét, I’entre- prise réunit deux intéréts, celui de l’entrepreneur, intéressé par le produit, et celui des travailleurs, intéressés par le salaire. La situation est donc indissolublement conflictuclle et coopérative. Ces deux intéréts ne pouvant étre considérés autrement que pris en compte en méme temps, sont done susceptibles d’étre analysés comme des conventions. « Le principe de la relation de travail échappe au paradigme du marché parce que la relation se déroule dans le temps et parce que objet véritable de l’échange (le produit), n’existant pas encore, n'est pas présent au moment oii I’échange doit se faire. Mais, en méme temps, la relation de travail se déroule dans un cadre géné- ral marchand ; le produit du travail verra sa valeur prévue validée ou non par son prix global lors de la vente des produits ». Il y a done contradiction (autre que celle de l'entrepreneur et du travailleur) au moment de l’échange créant l'accord de travail : le produit n’existe pas, il est a venir; ce qui fait équivalent pour le futur, dans la convention de travail, est le salaire que l’entrepreneur s’engage 4 verser quel que soit le résultat de la vente du produit. La construction d’une équivalence entre le temps et le salaire sera nommée la convention de productivité, Au moment de Ia vente du produit, on trouve une évaluation ex post de la validité de la convention de productivité. La résolution de la contradiction est du domaine de l'ajustement prévisions-réali- sations. Cet ajustement est correct si l’entrepreneur a trouvé son intérét. Il y a done une incertitude. On peut Pappeler la convention de chémage. On est pris entre deux principes d’ équivalence, travail (produit et travail) et salai La convention de productivité assure un compromis entre ces deux principes d’équivalence. « Un échange marchand pour étre viable doit reposer sur un principe d’équiva- lence commun. » Or la relation de travail se crée & partir de deux opérations su cessives dans le temps: la passation des contrats de travail lors de l’embauche, la mise en ceuvre de la force de travail dans la production. Dans le premier cas, il y a équivalence, temps de travail futur-salaire: pas dans le deuxigme, temps de tra- vail effectué-produit. La premiére équivalence est d’essence marchande, pas la seconde. On est dans un ordre différent. II n'y a incertitude que sur la seconde, qui reléve de ordre de la productivité. L’entrepreneur s’engage au moment de la conclusion du contrat de travail sur la premiére équivalence, temps de travail futur-salaire. L'incertitude régne sur la seconde, la productivité. Comment réduire cette incertitude? ses conditions d’existence environnementales. L’étude des performances obte- nues se finalise par une analyse micro-économique normative du secteur permet- tant de comparer les résultats obtenus par les firmes compétitrices: le taux de la profitabilité, le niveau de prix, les quantités produites. D La théorie des jeux apporte une étape intermédiaire entre une stratégie essentiel- lement prescrite par l'environnement et une approche concurrentielle fondée sur la constitution d’un avantage compétitif. Celle-ci introduit la recherche d’accords de stabilité entre les entreprises d’un secteur notamment au tra- vers de l’utilité de la diffusion de menaces 4 destination des concurrents, la crédibilité de ces menaces, la désinformation, les situations asymétriques entre les joueurs. DA la fin des années 70, |"approche par la concurrence de Michael Porter tente de sortir du caractére aléatoire de la théorie des jeux pour conjuguer a la fois les cri- téres descriptifs d’une structure d’industrie et le systéme de répartition du pou- voir entre les firmes. Le pouvoir d’action d’une entreprise sur une industrie est déterminé par ses options d’action et sa capacité A se positioner selon un ordre préférable suivant les variables d’état du jeu concurrentiel (Ia structure), restrei- gnant ainsi les choix de ses rivales et les conditions de prix en bénéficiant de sources d’ économie liées avec ses autres activit 3 LE MODELE EVOLUTIONNISTE DE LA STRATEGIE A Les fondations du paradigme évolutionniste > Adam Smith et la division du travail avec: le premier chapitre de La Richesse des nations, Adam Smith pose les premigres hypothéses économiques d’ une spé- alisation du travail sur les performances de production. 11 met en avant la part importante que tiennent Phabileté, la dextérité et les jugements lorsque ces compétences ne se dispersent plus, mais, au contraire, sont dirigées et s’appli- quent ainsi plus précisément. II ne s'agit pas d’interpréter les propos de Smith sur la seule division interne du travail ('incontournable exemple de la manufac- ture d’épingles), mais aussi sur la déconcentration horizontale et verticale en faveur d’un processus unique de production, et « se concentrer 3 un travail parti- culier, et A cultiver et perfectionner le talent ou le génie [que l'homme] peut avoir pour ce genre particulier de travail ». D L’acuité & comprendre et mettre en cuvre des dispositifs de production selon Vacti- vité est un des développements les plus prometteurs de l'économie de Smith. Il identifie trois voies dans ce sens: a) la premidre se concentre sur importance de la compréhension du travail a faire pour effectivement réaliser une innovation; b) la deuxigme est axée sur la compétence & exploiter les principes mécaniques pour réaliser des machines de production; c) la troisigme identifie la faculté & concevoir de nouvelles combinaisons a partir des systémes précédents. > En se fondant sur les travaux de Smith, la théorie évolutionniste s*appuie sur la compatibilité avec I’économie classique, dominante en gestion. Elle postule expressément que environnement conditionne les formes d’innovations internes de la firme sans pour autant les déterminer. B Le courant Ressource-Based View (RBV) D La théorie classique met en avant l’efficience d’allocation des facteurs et l’évolu- tionnisme remplace celle-ci par lefficience des comportements d’exploitation des ressources. La démarche glisse de la notion de « facteurs de production » & celle de « routines et ressources » pour expliquer les différences de croissance entre les firmes et les conditions concurtentielles.

Vous aimerez peut-être aussi