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MAURICE BLANCHOT oaks jos L’ ESPACE ma CO - LITTERAIRE Tuomas L'onscur. Antnapan, Le Trés-naur. Récits Tuomas L'ouscur (nouvelle version). L’arrér pe Morr. AU MomENT vouLw. CELUI QUI NE M’ACCOMPAGNAIT Pas. Essais critiques Faux pas, La Part bu Fev. uf * Ches d'autres éditeurs Lavrréanont Ez Save (Editions de Minuit). Le nessassumyr Erervet, (Editions de Minuit) O5T% GALLIMARD 4 rue Sébastlen-Bottin, Paris Vir Ml a été tiré de Védition originale - riginale exemplaires sur vélin pur fid Lafua rotés de x & 20, et cing, de cet owvrage, vingt-cing ima-Navarre, dont vingt numé- hors commerce, marqués dé-A & E. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation rhserots ow tut lt poyny compris Rae © tp, Bains Cetimerd Un livre, méme fragmentaire, a un centre qui Vattire > centre non pas fixe, mais qui se déplace par la pression du livre et les cir- constances de sa composition. Centre fixe aussi, qui se déplace, s'il est véritable, en restant le méme et en devenant toujours plus | central, plus dérobé, plus incertain et plus impérieux, Celui qui écrit le livre Véerit par désir, par ignorance de ce centre, Le sentiment de Vavoir touché peut bien n'étre que Villusion de Vavoir atteint ; quand il s'agit d’un livre d’éclaircissements, il y a une sorte de loyauté méthodique 2 dire vers quel point il semble | que le liore se dirige : ici, vers les pages intitulées Le segard d'Orphée. I J LA SOLITUDE ESSENTIELLE Il semble que nous apprenions quelque chose sur I'art, quand nous éprouvons ce que voudrait désigner le mot solitude. De ce mot, on a fait un grand abus. Cependant, « ere seul », qu’estce que cela signifi ? Quand eston seul? Se poser cette question ne doit pas seulement nous ramener a des opinions pathétiques. La solitude au niveau du monde est une blessure sur laquelle il n'y a pas ici-A épiloguer. Nous ne visons pas davantage la solitude de I'artiste, celle qui, diton, lui serait nécessaire pour exercer son art. Quand Rilke écrit & la comtesse de SolmsLaubach (Je 3 aodt 1907) : « Depuis des semaines, sauf deux courtes interruptions, je n'ai pas prononoé une seule parole ; ma solitude se ferme enfin et je suis dans le travail comme le noyau dans le fruit », la solitude dont il parle "n'est pas essentiellement solitude : elle est recueillement. La solitude de Veuvre — leuvre | Lasourrupe pe vauvar d'art, Voeuvre littéraire — nous dé couvre une solitude plus essentielle. Elle exclut lisoiement complaisant de V'individualisme, elle ignore Ja recherche de la différence ; le fait de soutenir un rapport viril dans une tache qui couvre I’éendue maitrisée du jour ne la issipe pas. Celui qui écrit oeuvre est mis a part, celui qui I'a crite est congédié. Celui qui est congédié, en outre, ne le sait pas. Cette ignorance le préserve, le divertit en l’autorisant 3 vérer, L’écrivain ne sait jamais si Yeuvre est faite. Ce qu'il a terminé en un livre, il le recommence ou le détruit en un autre. Valéry, célébrant dans leuvre ce privilege de l'infini, n’en voit 2 LIESPACE LITTERAIRE encore que le été le plus facile : que Yceuvre soit infinie, cela veut dire (pour lui) que T'atiste, n’étant pas capable dy mettre fin, est cependant capable d’en faire le lieu fermé d’un travail sans fin dont Vinachévement développe la maitrise de V'esprit, exprime cette mattrise, I’exprime en la développant sous forme de pouvoir. A un certain moment, les circonstances, c'esta-dire Uhistoire, sous la figure de I'éditeur, des exigences financitres, ddes tiches sociales, prononcent cette fin qui manque, et Partiste, rendu libre par un dénouement de pure contrainte, poursuit ailleurs Vinachevé. Limfini de Veeuvre, dans une telle vue, n'est que Vinfini de Vesprit. L’esprit veut s'accomplir dans une seule euvre, au lieu de se réaliser dans Vinfini des ceuvres et le mouvement de V'his- ‘wire. Mais Valéry me fut nullement un héros. Il trouva: bon de parler de tout, d’écrire sur tout : ainsi le tout dispersé du monde He divertissaitil de la rigueur du tout unique de l'euvre dont ill s'€tait laissé détourner aimablement. L'etc, se dissimulait der- ridre la diversité des pensées, des sujets. Cependant, 'ceuvre — Veuvre dart, Peuvre littéraire — n'est ni achevée ni inachevée : elle est. Ce quelle dit, c'est exclu, Yement cela : qu'elle est — et rien de plus En dehors de cela, elle nest rien. Qui veut Iui faire exprimer davantage, ne trouve tien, trouve qu'elle n'exprime rien. Celui qui vit dans la dépen- dance de V'euvre, soit pour V'crire, soit pour la lire, appartient a la solitude de ce qui a’exprime que le mot étre : mot que le langage abrite en le dissimulant ou fait apparaitre en disparais sant dans le vide silencieux de Peuvre, La solitude de I'ceuvre a pour premier cadre cette absence d’exi- gence qui ne permet jamais de la dire achevée ni inachevée. Elle fst sans preuve, de méme qu'elle est sans usage. Elle ne se vérifie pas, la vérité peut la saisir, la renommée Péclaire + cette existence ne la concerne pas, cette Evidence ne la rend ni stire ni réelle, ne la rend pas manifeste. Lieeuvre est solitaire : cela ne signifie pas qu'elle reste incom- municable, que le lecteur lui manque. Mais, qui la lit entre dans cette affirmation de la solitude de l'euvre, comme celui qui Vécrit appartient au risque de cette solitude. LA SOLITUDE ESSENTIELLE B Si l'on veut regarder de plus prés & quoi nous invitent de telles affirmations, il faut peut-étre chercher d’od elles prennent Jeur origine. L’écrivain écrit un livre, mais le livre n’est pas encore Teeuvre, leuvre n'est ceuvre que lorsque se prononce par elle, dans Ja violence d'un commencement qui lui est propre, le mot étre, événement qui s'accomplit quand Yeuvre est I'intimité de quelqu'un qui lécrit et de quelqu’un qui la lit, On peut done se demander : la solitude, si elle est le risque de I’écrivain, n’ex- Primeraitelle pas ce fait qu'il est tourné, orienté vers la violence ouverte de Veeuvre dont il ne saisit jamais que le substitut, Yap- proche et l'llusion sous la forme du livre ? L'éerivain appartient A Veeuvre, mais ce qui lui appartient, c'est seulement un livre, un amas muet de mots stériles, ce qu'il y a de plus insignifiant "@UVRE, LE LIVRE "au monde. L’écrivain qui éprouve ce vide, croit seulement que i Veeuvre est inachevée, et il croit qu’un peu plus de travail, la chance d'instants favorables lui permettront, 4 lui seul, d’en finir. Il se remet done & Yeuvre. Mais ce qu’il veut terminer & Jui seul, reste Vinterminable, Vassocie & un travail illuoire. Et Peeuvre, a la fin, l'ignore, se referme sur son absence, dans I’affir- mation impersonnelle, anonyme qu'elle est — et rien de plus. Ce que Yon traduit en remarquant que V'artiste, ne terminant son euvre qu'au moment od il meurt, ne a cpnnatt jamais Remarque qu'il faut peut-étre retourner, car Iéerivain ne serait pia mont Gs que Yeauwre casi cocame fl ‘en a parfois lui-méme Je pressentiment dans lI'impression d’un déscuvrement des plus étranges? 1, Cette situation n'est pas celle de 'homme qui travaille, qui accomplit sa eS oe Ee & Dom gis aes ona eae ers = mentars ae ae eee ae ae a ae Ca ea ee oe iat ted a Eat Serta a ete ae Ac fe casi 2 2 oe cet Se a a oe Sr og ee Be Lenard Sy rece nen, & a ee er cerns 3 i ee Coa Be ieee pion pies 44 LIESPACE LITTERAIRE La méme situation peut encore se décrire Nott me tecere ainsi : Iécrivain ne lit jamais son ceuvre. Elle est, pour lui, Villsible, un secret, en face de quoi il ne demeure pas. Un secret, parce qu’il en est séparé. Cette impossibilité de lire n'est pas cependant un mouvement pure- ment négatif, elle est plutdt la seule approche réelle que l'auteur uisse avoir de ce que nous appelons cuvre. L'abrupt Noli me degre fait surgir, 13 oi il n'y a encore qu'un livre, déjA I’horizon d'une puissance autre, Expérience fuyante, quoique immédiate. Ce n'est pas la force d'un interdit, c'est, 2 travers le jeu et le sens des mots, I’affirmation insistante, rude et poignante que ce qui est 18, dans Ja présence globale d'un texte définitif, se refuse cependant, est Je vide rude et mordant du refus, ou bien exclut, avec 'autorité de V'indifférence, celui qui, l'ayant écrit, veut encore le ressaisir A neuf par la lecture. L'impossibilité de lire fst cette découverte que maintenant, dans V'espace ouvert par la création, il n'y a plus de place pour la création — et, pour Pécrivain, pas d’autre possibilité que d’écrire toujours cette ceuvre. Nal qui a écrit Veeuvre, ne peut vivre, demeurer auprés dele. Celleci est la décision méme qui le congédie, le retranche, qui fait de lui Je survivant, le déseeuvré, I'inoccupé, I'inerte dont Yart ne dépend pas. Liécrivain ne peut pas séjourner auprés de I'eeuvre : il ne peut que V'écrire, il peut, lorsqu’elle est écrite, seulement en discerner Papproche dans I'abrupt Noli me legere qui l'éloigne lui-méme, qui lécarte ou qui Voblige & faire retour & cet « écart » od il est entré d’abord pour devenir entente de ce qu'il lui fallait écrire. De sorte que maintenant il se retrouve 3 nouveau comme au début de sa tache et qu'il retrouve 3 nouveau le voisinage, T'inti- mité errante du dehors dont il n'a pu faire un séjour. Cette épreuve nous oriente peutétre vers ce que nous cher- chons. La solitude de V’écrivain, cette condition qui est son risque, viendrait alors de ce qu’ appartient, dans Y'euvre, & ce qui est toujours avant Veuvre. Par lui, l'ceuvre arrive, est la fermeté du commencement, mais lui-méme appartient & un temps ot rigne V'indécision du recommencement. L’obsession qui le lic A un théme privilégié, qui Yoblige & redire ce qu'il-a dé dit, parfois avec la puissance d'un talent enrichi, mais parfois LA SOLITUDE ESSENTIELLE 5 avec la prolixité d’une redite extraordinairement appauvrissante, vec toujours moins de force, avec toujours plus de monotonie, iMlustre cette nécessté od il est apparemment de revenir au méme point, de repasser par les mémes voies, de persévérer en recom- mengant ce qui pour Iui ne commence jamais, d'appartenir & Yombre des événements, non 3 leur réalité, A l'image, non & objet, & ce qui fait que les mots eux-mémes peuvent devenir images, apparences — et non pas signes, valeurs, pouvoir de vérité, Il arrive qu’un homme qui tient un crayon, méme s'il veut fortement le licher, sa main ne le liche pas cependant : au contraire; elle se resserre, loin de s‘ouvrit. L’autre main inter- vient avec plus de succts, mais l'on voit alors la main que 'on peut dire malade esquisser un lent mouvement et essayer de rattraper objet qui s'éloigne, Ce qui est étrange, c'est la lenteur de ce mouvement. La main se meut dans un temps peu humain, qui n'est pas celui de V'action viable, ni celui de l'espoir, mais plutét 'ombre du temps, elleméme ombre d'une main glissant irréellement vers un objet devenu son ombre. Cette main éprouve, A certains moments, un besoin ts grand de saisir : elle doit prendre le crayon, il le faut, c'est un ordre, une exigence impé- rieuse. Phénoméne connu sous le nom de « préhension persé- cutrice ». A L’écrivain semble maitre de sa plume, il peut devenir capable dune grande mattrise sur les mots, sur ce qu’il désire leur faire exprimer. Mais cette maftrise réussit seulement 3 le mettre, & le maintenir en contact avec la passivité foncidre ob le mot, n’éant plus que son apparence et VYombre d'un mot, ne peut jamais étre maitrisé ni méme saisi, reste Vinsaisissable, V'indé- saisissable, le moment indécis de la fascination, = La maitrise de I’écrivain n'est pas dans la main qui écrit cette main « malade » qui ne lache jamais le crayon, qui ne peut le licher, car ce qu’elle tient, elle ne le tient pas réellement, ce quielle tient appartient a I'ombre, et elleméme est une ombre. La.maftrise est toujours le fait de Fautre main, celle qui n'écrit pas, capable d’intervenir au moment ob il faut, de saisir le La PREHENSION EnsécuTRICE 16 L'ESPACE LITTERAIRE rayon et de I'écarter. La maitrise consist de cesser d’écrire, d'interrompre ce qui droits et son tranchant décisif & linstant. I nous faut recommencer 4 questionner. Nous avons dit : Veérivain appartient & Veeuvre, mais ce qui lui appartient, es qu'il termine & lui seul, c'est seulement un livre.’« ‘A lui seal & pour réponse la restriction du « seulement ». L’écrivain n'est jamais devant leeuvre, et I ob il y a euvre, il ne le sait pas, ou plus précisément son ignorance méme est ignorée, est stale. ment donnée, dans Vimpossibilité de lire, experience ambigué qui le remet & l'euvre. gcketivain se remet 4 Veeuvre. Pourquoi ne cessetil pas Géerite ? Pourquoi, s'il rompt avec Veuvze, comme Rimbacd, Sette rupture nous frappe-telle comme une impossbilté mysté. ricuse ? A-til sculement le désir d’un ouvrage parfait, et st ne cewse pas dy travailler, estce seulement, parce que la’ perfection nest jamais assez. parfaite ? Ecrit.il méme en vue d'une eeuvre ? S'en soucietil comme de ce qui mettrait fin A sa tiche, comme du but qui mérite tant defforts ? Nullement. Et Peuvre a’ese jamais ce en vue de quoi Von peut écrire (en vue de quoi Ton S Sipporterait 4 ce qui s'écrit comme 8 Vexercice d'un pouvoir): Que la tiche de Vécrivain prenne fin avec sa vie, cest ce Gui dissimule que, par cette tiche, sa vie glisse au malheur de te done dans le pouvoir ‘écrit, en rendant ses Yinfini. | i La solitude qui arrive 4 Pécrivain de par Linerensvante, l'euvre se révéle en ceci + éetite est maine, TINCESSANT nant interminable, l'incessant. Liécrivain R'appartient plus au domaine magistral ob S'exprimer signifi exprimer exactitude et la certitude des choses . «Il», Cest moi-méme devenu personne, autrui devenu l'autre, crest que, IA od je suis, je ne puisse plus m’adresser A moi et que celui qui s'adresse 3 moi, ne dise pas « Je », ne soit pas - lui-méme. Il est peutétre frappant qu’ partir du moment oli l'euvre devient recherche de Vart, devient literature, Vécrivain €prouve toujours davantage le besoin de garder un rapport avec soi. C'est qu'il éprouve une extréme répugnance 3 se dessaisir de luieméme au profit de cette puissance neutre, sans forme et sans destin, qui est derritre tout ce qui s'écrit, répugnance et appréhension que révéle Je souci, propre & tant d'auteurs, de rédiger ce qu’ils appellent leur Journal. Cela est trés éloigné des complaisances dites romantiques. Le Journal n'est pas essentielle- ment confession, récit de soi-méme. C’est un Mémorial. De quoi Pécrivain doitil se souvenir? De lui-méme, de celui quill est, quand il n’écrit pas, quand il vit la vie quotidienne, quand il fest vivant et vrai, et non pas mourant et sans vérité. Mais le moyen dont il se sert pour se rappeler a soi, c'est, fait étrange, _ Vélément méme de 'oubli : écrire. De 13 cependant que la vérité du Journal ne soit pas dans les remarques intéressantes, littéraires, qui s’y trouvent, mais dans les détails insignifiants qui le rat- tachent & la réalité quotidienne. Le Journal représente la suite des points de repére qu’un écrivain établit pour se reconnaitre, quand il pressent la métamorphose dangereuse 4 laquelle il est exposé. C'est un chemin encore viable, une sorte de chemin de ronde qui longe, surveille et parfois double l'autre voie, celle Recours AU « JOURNAL » 20 L'ESPACE LITTERAIRE ob errer est Ja tdche sans fin, Ici, il est encore parlé de choses véritables, Ici, qui parle garde un nom et parle en son nom, et {a date qu'on inscrit est celle d'un temps commun od ce qui arrive arrive vraiment. Le Journal — ce livre apparemment tout A fait solitaire — est souvent écrit par peur et angoisse de la solitude qui arrive & Pécrivain de par leeuvre Le recours au Journal indique que celui qui écrit ne veut pas rompre avec le bonheur, la convenance de jours qui soient vrai- ment des jours et qui se suivent vraiment. Le Journal enracine te mouvement d’écrire dans le temps, dans humilité du quoti- dien daté et préservé par sa date. Peutétre ce qui est écrit [A nvestil déja qu’insincérité, peut-ttre est-ce dit sans souci du vrai, mais cest dit sous la sauvegarde de 'événement, cela appatient aux affaires, aux incidents, au commerce du monde, 3 un présent actif, A une durée peutétre toute nulle et insignifiante, mais du moins sans retour, travail de ce qui se dépasse, va vers demain, y va définitivement. Le Journal marque que celui qui éerit n'est déja plus capable G'appartenir au temps par la fermeté ordinaire de !'action, par Ja communauté: du travail, du métier, par la simplicité de la Parole intime, la force de Virréflexion. Il n'est déji plus réelle- ment historique, mais il ne veut pas non plus perdre le temps, ct comme il ne sait plus qu’écrire, il écrit du moins a la demande de son histoire quotidienne et en accord avec la préoccupation des jours. 1] arrive que'les écrivains qui tiennent journal soient kes plus littéraires de tous les écrivains, mais peut-étre précisément parce qu’ils évitent ainsi l'extréme de la littécature, si celleci est bien le régne fascinant de l'absence de temps. Ecrire, c'est se livrer & la fascination de La PAscivarion, absence de temps. Nous approchons DE L'ABSENCE DE TEMPS sans doute ici de l'essence de la solitude. Liabsence de temps a'est pas un mode Purement négatif. C’est le temps oi rien ne commence, od l'ini- tiative n'est pas possible, ol, avant 1'affirmation, il ya déja le retour de affirmation. Plutét qu'un mode purement négatif, cest au contraire un temps sans négation, sans décision, quand ici est aussi bien nulle part, que chaque chose se retire en son LA SOLITUDE ESSENTIELLE ar image et que le « Je » que nous sommes se reconnait en s’abt- Fsier dane Ta coserlé Wun. « 6: ans figure. Le temps de absence de temps est sans présent, sans présence, Ce « sans présent » ne renvoie cependant pas & un passé. Autrefois a eu Ja dignité, la force agissante de maintenant ; de cette force agis sante, le souvenir témoigne encore, lui qui me libére de ce qui autrement me rappellerait, m'en libére en me donnant le moyen de T'appeler librement, d'en disposer selon mon intention pré- sente. Le souvenir est la liberté du passé. Mais ce qui est sans présent n'accepte pas non plus le présent d'un souvenir. Le sou- venir dit de I'événement : cela a éé une fois, et santa jamais plus, De ce qui est sans présent, de ce qui n’est méme [beryl ayant ee Te caractre irémédiable dit :eela n'a jamais eu lieu, jamais une premitre fois, et pourtant cela recom- mence, A nouveau, A nouveau, infiniment. C'est sans fin, sans commencement, C’est sans avenir. : Le temps de Vabsence de temps n'est pas dialectique. En lui ce qui apparait, c'est le fait que rien n’apparatt, Vtre qui est au fond de Vabsence d'etre, qui est quand il n'y a rien, qui n'est déji plus quand Jil y a quelque chose : comme s'il n'y avait des étres que par la perte de I"ére, quand V'étre manque. Le renversement qui, dans absence de temps, nous renvoie constamment & la présence de V'absence, mais A cette présence comme absence, & absence comme affirmation d’elleméme, affir- mation od rien ne s'affirme, ob rien ne cesse de s'affirmer, dans le harctlement de I'indéfini, ce mouvement n'est pas dialectique. Les contradictions ne s'y excluent pas, ne ay concent pat 1, le temps pour lequel 1a _négation devient notre pouvoir, pat tire « unit des invompatbles ». Dans l'absence de temps, ce qui est nouveau ne renouvelle rien ; ce qui est présent est inactuel ; ce qui est présent ne présente rien, se représente, appar- tient d'ores et dgji et de tout temps au retour. Cela n'est pas, mais revient, vient comme déja et toujours passé, de sorte que je ne le connais pas, mais le reconnais, et cette reconnaissance ruine en moi le pouvoir de connaitre, le droit de saisir, de Vin- saisissable fait aussi l'indéssaisissable, l'inaccessible que je ne puis cesser d’atteindre, ce que je ne puis prendre, mais seulement reprendre, — et jamais licher, 2 ESPACE LITTERAIRE Ce temps n'est pas l'immobilité idéale qu'on glori nom d'&ernel, Dans eete région que nous neayons drones ici s'est effondré dans nulle part, mais nulle part est coal ici, et le temps mort est un temps réel ob la mort est présente arrive, mais ne cesse pas d’arriver, comme si, en arrivent, elle rendait stéile le temps par lequel elle peut arriver. Le présent mort est Vimpossbilité de réaliser une présence, impossbilie qui est présente, qui est IA comme ce qui double tout présem Fombre du présent, que celuici porte et dissimule en lui. Quand ic suis seul, je ne suis pas seul, mais, dans ce présent, je reviens aga & moi sous Ja forme de Quelqu'un. Quelqu'un ost Th od ie suis seul. Le fait d’étre seul, c'est que j’appartiens & ce temps Mort qui n'est pas mon temps, ni le tien, ni le temps commun mais le temps de Quelqu'un. Quelqu'un est ce qui est encore Présent, quand il n'y a personne. Li oi je suis seu, je ne vue pas 18, il n'y @ personne, mais 'impersonnel est li: le dehon comme ce qui prévient, préctde, distout toute possibilité de ns Port personnel. Quelqu’un est le Il sane figure, le On dont co it partie, mais qui en fait partic? Jamais tel ou tel, jamute toi et moi. Personne ne fait partie du On. « On » iene a une région qu'on ne peut amener A la lumiare, neh guielle cacherait un secret étranger & toute révélatioa, ni teens Paroe qu'elle serait radicalement obscure, mais parce qu'elle tansforme tout ce qui a accés 3 elle, méme la lumiére, en Tine Gmanyme, impersonnel, le Non-wai, le Non-éel

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