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Lean Startup
Lean Startup
2013/3 n° 19 | pages 21 à 28
ISSN 2034-7634
ISBN 9782804184063
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Le mouvement Lean Startup connaît un retentissement important depuis le début des années 2010. Concrè-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.250.191.174 - 25/11/2017 20h44. © De Boeck Supérieur
tement, cette nouvelle approche de la préparation d’une jeune entreprise propose de collecter systématique-
ment, rapidement et par itération successive un maximum de connaissances sur ses clients et leurs besoins.
L’objectif est alors d’économiser ses rares ressources et l’aider à atteindre rapidement une bonne adéquation
entre son produit et le marché.
Face à un tel succès, il est nécessaire de faire le point et de tenter d’objectiver l’apport de Lean Startup en
interrogeant des entrepreneurs et des accompagnateurs aux profils variés. D’une part, l’étude met en avant
une série d’avantages, essentiellement liés à une meilleure gestion du risque des projets entrepreneuriaux.
D’autre part, elle identifie différents risques qui suggèrent une forme de prudence en cas d’adoption de la
méthodologie qui, de plus, ne convient pas à certains types de projet. Lean Startup se présente donc plus
comme un outil complémentaire que comme une révolution.
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Alexandre Terseleer, Olivier Witmeur
principes : construire, mesurer, apprendre Il arrive bien entendu que les hypothèses
et gérer ses ressources. Les trois premiers ne soient pas confirmées. Dans ce cas, il
principes forment un cycle d’apprentissage est nécessaire de revenir en arrière ou de
qui permet de tester une ou plusieurs hypo- changer de direction. On parle alors de
thèses, puis se répète continuellement. « pivot » pour décrire un changement de
trajectoire visant à tester une nouvelle
CONSTRUIRE. Le premier principe tient
hypothèse fondamentale. Un pivot corres-
au recours systématique à l’utilisation de
pond donc à un changement fondamental
prototypes, au départ très rudimentaires,
de l’offre, ou du moins de la façon dont
puis de sophistication croissante. Le proto-
elle était censée être introduite sur le
type est essentiel car il permet d’organiser
marché.
des interactions tangibles avec les clients
potentiels bien avant d’avoir développé le APPRENDRE. Le troisième principe tient à
produit final. Dans le jargon lean startup, l’adoption d’une dynamique d’apprentis-
on parle de « Minimum Viable Product » sage par itérations successives et rapides.
(MVP), en français « produit minimum Ce principe constitue la pierre angulaire
viable ». Ce terme souligne bien que le de la méthodologie. Afin d’acquérir une
prototype doit être aussi basique que pos- bonne connaissance du consommateur,
sible – afin d’éviter les coûts inutiles – tout Lean Startup met en place une succession
en restant néanmoins viable, c’est-à-dire de cycles d’interactions avec les clients-
que ses bénéfices supposés soient claire-
ment visibles pour l’utilisateur. 1 C’est ici qu’intervient la notion de « Comptabilité de
l’innovation » chère à Eric Ries, qui met l’accent sur le
Chaque MVP est spécifique à un cycle d’ap- choix de métriques appropriées à une startup pour rem-
prentissage. Il est donc conçu dans le but placer des mesures comptables classiques qui n’ont par-
fois aucun sens pour des entreprises si peu stables.
Ries.
Le travail de Ash Maurya mérite également
d’être mentionné puisque ce jeune entre-
preneur a contribué au mouvement en
développant un guide axé sur l’implémen-
tation pratique des concepts évoqués par
Ries, à travers son ouvrage « Running Lean :
Iterate from plan A to a plan that works »
GÉRER SES RESSOURCES. Enfin, le quatrième et dernier principe est plus général
GÉRER SES RESSOURCES. Enfin, le qua- dont la première édition date de 2011.
et trième
concerneetla dernier
minimisation des coûts
principe est irrécupérables
plus géné- ou « sunk costs ». Il doit être
ral etlors
présent concerne
de toutesla
lesminimisation des coûts d’uneŰ Űstartup.
phases du développement Les apports deparlalaLean Startup par
Il se traduit
irrécupérables ou « sunk costs ». Il doit rapport aux méthodes séquentielles
recherche systématique d’économies au niveau de la réalisation des MVP
être présent lors de toutes les phases du
L’apport principal de lean startup par rap-
développement
successifs, d’une peuvent
car ces derniers startup.être
Il se traduit comme perdus en cas de pivot
considérés
port à la traditionnelle élaboration d’un
par la recherche systématique d’écono-
de la société. plan d’affaires aussi complet que possible,
mies au niveau de la réalisation des MVP
est de minimiser le risque de faillite de la
successifs, car ces derniers peuvent être
Les auteurs et livres clés startup en combinant la maximisation de
considérés comme perdus en cas de pivot
la probabilité de ses revenus – en étant
de la société.
certain de développer l’offre qui plaît le
plus aux clients – avec 5 la minimisation de
Ű Ű Les auteurs et livres clés
Introduite par Steve Blank (voir interview 2 Steve Blank, The four steps to epiphany, K&S Ranch,
dans ce numéro) au début des années 2013
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Alexandre Terseleer, Olivier Witmeur
Enfin, plus fondamentalement, on re principes de lean startup, sur une échelle
proche à lean d’éluder une question de 0 à 3) pour chaque entrepreneur inter-
essentielle : comment trouver et définir le viewé. Cette mesure nous a permis de
premier groupe de clients ? constater que tous les entrepreneurs de
notre panel utilisent lean dans une cer-
Deuxieme partie : taine mesure, puisqu’aucun d’entre eux
Lean Startup a l’epreuve n’a obtenu un score de moins de 1 sur 3 et
ce indépendamment du fait que les entre-
du terrain prises revendiquent ou non l’utilisation de
Afin d’exploiter au maximum les principes lean startup.
de lean startup, nous avons questionné
Néanmoins, peu d’entrepreneurs adhèrent
des entrepreneurs et des coaches au sujet
totalement à lean, puisqu’aucune startup
des avantages et inconvénients qui vont
ne score plus de 2,5 sur 3, et la majorité
de pair avec cette méthode, ainsi que sur
d’entre elles se situe aux alentours de 2
le contexte dans lequel son utilisation
sur 3 (avec une médiane est de 1,8/3).
était appropriée.
Ces observations soulignent, d’une part
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Alexandre Terseleer, Olivier Witmeur
toucher tous les types de startups, ceux désillusions en testant leurs hypothèses ;
qui ne touchent que celles devant faire
La difficulté que beaucoup d’entrepre-
face à des concurrents directs, et ceux qui
neurs ont à véritablement comprendre les
touchent non pas un type de société mais
concepts de MVP et de pivot pour les appli-
un type d’entrepreneurs.
quer judicieusement (choisir le niveau
Risques généraux : de détail approprié pour les différentes
versions de prototypes et savoir quand
La perte de temps qui peut aller de
pivoter) ;
pair avec la conduite de plusieurs cycles
d’itérations ; La difficulté de convaincre certains
associés de produire un prototype qui
La difficulté de réaliser des itérations
ne met pas en valeur leurs compétences
et d’arriver, en parallèle, à répondre aux
(particulièrement dans un contexte de
critères plus séquentiels de certains pro-
recherche ou académique).
grammes d’aide aux startups (particulière-
ment dans le cas de certains programmes
Ű Ű Conditions de succès
de subsides) ;
Sur base des inconvénients énoncés ci-
La difficulté, pour certaines startups,
dessus et du contexte dans lequel ils
de collecter soit des métriques soit du
s’appliquent, il nous est possible de déga-
feedback qualitatif, selon le cas ;
ger certaines conditions auxquelles une
Le coût des prototypes et difficulté société doit répondre pour pouvoir pleine-
de bâtir des produits qui soient simulta- ment bénéficier des avantages de la Lean
nément minimaux et viables (limitant le startup.
Ces « conditions de succès » sont les sui- combiner avec d’autres outils plus tradi-
vantes : tionnels (études de marché, planification,
analyse de scénarios…) afin de compléter
Offrir un concept qui ne repose pas sur
leurs lacunes respectives. À ce propos,
une preuve de faisabilité préexistante ;
on peut utilement se référer au numéro
Choisir un segment de marché qui spécial de la revue « Entreprendre et Inno-
n’est que peu impacté par les concurrents ver » consacré au plan d’affaires5 ainsi
et substituts directs ; qu’à l’article sur les nouvelles approches
paru dans le numéro suivant6).
S’inscrire dans une industrie qui per-
met le développement de prototypes En définitive, entrepreneurs, professeurs,
viables (et leur mise à disposition des coaches et investisseurs devront s’atteler
clients) à un coût raisonnable et dans des à faire évoluer les pratiques entrepreneu-
délais raisonnables ; riales pour mettre en avant l’approche
lean dans la « boîte à outils » de l’entre-
Rester capable de collecter simultané-
preneur du 21e siècle. Mais ce, sans jamais
ment des métriques de succès objectives
tomber dans la frénésie d’une prétendue
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