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CHAPITREIII Les chansons de geste Dans_les- derniéres_années_du_xi siécle_apparaissent a peu pres simultanément deux formes littéraires trés différentes, mais qui toutes deux rompent nettement av Jes-modeles- que pouvaient-offtir Tes lettres Tatines, et qui_toutes deux allaient_constituer pour un temps Tes manifestations essentielles_ de Ta littérature romane 7 Ta chanson de_geste en langue doi! et Ta poesie Iyrique des troubadours en langue d’oc. La plus ancienne ci ine la Chanson ae Roland dans la version du manuscrit xtord, date sans doute des alentours de 1098 et le Premier troubadour, le comte de Poitiers et duc d’ Aquitaine Guillaume 1X, a vécu de 1071 1127. Définition et nature du genre tes potmes wae le plus brouiller le jeu. Ce gue fs chantés — comme leu Han de haute Tt au pee UE nom EO L’épanouissement leur nom Mindique également. Le mot geste correspond en effet a un nominatif féminin singulier gesta qui s'est Substitu au neutre pluriel gesta, du participe passé de ero, « choses accomplies, hauts faits, exploits ». ‘Ces poémes se définissent par une forme et par-un contenu particuliers. D’abord par un i jis sont composés de /aisses (strophes de longueur irra re) homophones et _assonancées, Le metre employé est fe décasyllabe & césure mincure (476) ou, moins souvent, SE CA ees SOT, Palexandrin concurrencera syllabe, Mais au xviesie- ree decasyllabe est senti comme le miei Spique ar excellence, Sa a ee eae c'est Tar que choisit Ronsard pour BseiaeteOn note que |a Vie de saint Alerts ean écrite en décasyllabes homophones et assonancés, mais que ses strophes étaient réguliéres et bréves (5.vers) ; la Chanson de sainte Foy d’Agen, quant & elle, était composée de laisses homophones et assonancées, mais le métre en état Poctosyllabe, le vers usuel de la poésie médio-latine et qui deviendra celui du roman. Le mot_laisse a lui seul peut donner une premi de ce qu’est Pesthétique des chansons de geste. Ce dérivé du verbe /aissier, venant du bas latin /axare, signifie «oe qu’on laisse » et revét a partir de la des sens variés : celui de « legs, donation » aussi bien que celui d’« excrément ». ‘Dans Je domaine das ire il dési med ns furan sens aie. qui forme un ensemble, s’étend d'un seul tena le, ‘tenant, jan, sans interruption. La est recité ou chanté Wun seul ¢l composition ‘elans successifs, separés plus went 2 ache? fa pro} ne au bout d’un moment, n= sot nm ae nance, qui_mar ue Ja ru) te el vat Dg la cadence mi fique en Mn " aerrels eal lus court gui la termine. D'ol / - vers “temine. D’ varticuliers ue produ at do i re oa ff emir Pas_de-potsmreret n’était pas au Piel comme se passer ensuite AU TON cae el ay perpewuel mouvement &© yun Les chansons de geste mI SE ranons—de— pomt—te—wie OW ae CoH gracile Ges TSS PAPAL ere ncessanies de pomiles couvrant un hémistiche ou partoteunser erie, centier ; OS Te reteain COMME TE TET Fal Sant Toe la ‘Chanson de Roland ; étrie — toujours dans la Chanson de Roland, celle entre la désignation de Ganelon comme ambassadeur, puis de Roland comme chef de Parriére-garde ou celle née des refus successifs opposés par Charlemagne aux ambassadeurs qui se présentent. La chanson de geste fait zinsi appel & ce qu’on pourrait appeler les effets physiques du langage : la fascination et presque P'hypnose de la répitition ; le vertige de la méme assonance résonnant vers aprés vers tout_au I ase et celur ne d'une melodie tres simple, d'une mélopée Tépéiée, toujours identique, vers apres vers. A vrai dire, ces mélodies ne nous sont pas directement parvenues. Mais notre ignorance méme confirme leur simplicité et leur caractére stéréotypé : on jugeait inutile de les noter. Et Nous pouvons nous en faire une idée par des témoignages indirects : un vers d’une chanson de geste parodique noté dans le Jew de Robin et de Marion et les mélodies de certaines chansons de toile, dont on reparlera. Ces effets sont accrus par le style propre aux chanso1 ns de geste phrases courtes et frappé ees aux bi is nt, mais Produisent, du début chan aussi pour limpressi ion Puisque, d'aprés le té ‘dita prés le tém ssion affective qu’elles \oignage de deux romans on prenait plaisir a s’en faire 2 , : une laisse, par exemple — ‘abor cl ut le plus visibl ; leur “Les chansons sible et celui qui tls ge BE rant deat OPDE 7 EAMgienne, aye waite de se k Sitter Toujours ~SSHESONTIB oun paeutet sl emps de Chat 2 ttux. Les person le- anages quel personages qu"eligs , ee es ou dé [memes NENAESS et se GHiseat gas en, TOs rincipales : Ta geste du roi, don ; Fanson de Roland ; la geste des barons revoliés, poyanest je Roussillon, Ozier y Danois ifs geste de Garin de Monglane, dont le héros princi- pales: Guillaume Tine premiérechanson i Geveloppe un épisode frappant et un theme crucial — lz waillaume — on en se d’autres qui remontent vers le passé en racontant oe afances » et les premiers explonts du heros, Thistoi Eisies eemee poe eT ison grand-pere, efc., Ou qui poursuivent 2S ae r fent_de_so_vie “Moniage Guillaume, ou de ses descendants. ‘Toutes les chansons de geste placent donc leur action & + dpsgue sarolingienne. Sfais Ta plus ancienne qui nous ait dé conservee date, dans Tetat ou nous la ‘connaissons, de ment d’événements qui se sont produits — Ou qui it “Supposes S etre produits — trois ‘sidcles plus tor ? Ou faut- iLeroire que les chansons de geste remontent a I’époque sarolingienne, quel les soni contemporaimes ‘des evenements ‘u’elles relatent et que nous ne les saisissons qu’au moment hi, depuis plus d'un siecle des réponses contradictoires et un dabat souvent passionné. Avant de le résumer et de faire apparaitre ses implications et ses prolongements, au-delt de Is question traditionnelle et insoluble de Morigine du genre, on va tenter de l'approcher & travers un cas coneret, Je-pMlSs ancien, le plus illustre, le plus intéressant, celui de la Chanson de Roland. L’exemple de la Chanson de Roland La Chanson de Roland raconte comment, au too \ d'une expédition victorieuse de sept ans en Espisis. ‘ariére-garde de Parmée de Charlemagne, comma Les chansons de geste 3 gar son neven Roland entouré des doles pa, os stage Sarrasins & Roncevaux, 3 la slite de 1 eS Ganeion, le beau-pere de Roland. Le hear sonsoe Se compagnons trouvent la mort dans cette bataille. man Seront vengés par 'empereur. mais Ce posme, dont Ia gloire rend ce bref résumé superfte, nous a été conservé par six manuscrits, sans comprer cous TTOATERD Gans tous ces manuscriy, — - Spas deux vers Porte strictement identiques. Le metre ST tater le “Ilabe, tantor sxandrin — saris parler des cas ob Ton passe du premier au second dans le courant du pot RE Ta ee a La ae TE Ger s pres ae SOOT Gans un dee as fans un des plus Faoens (in du Nur Siscle). Ces variations fournissent des indices intéressants sur la transmission et l'évolution des chansons de geste. Mais elies justifient aussi que l'on considére en elle-méme, comme on I’a fait souvent, la version Ia plus ancienne, qui est aussi & nos yeux la plus saisisante, celle que livre le manuscrit Digby 23 de la Bibliothéque Bodléienne d’Oxford (0). C’est elle que l'on déigne quand on parle sans autre précision de iene qu Pi la Chanson Elle a probablement été composée aire aerartblement été composée aux alentours de 1100. dae, ait Sar un faisceau d’indices converge vers cette 3 lu poéme, certains détails qui semblent un é&ho de la premiére croisad et des chameaux dont I roisade, Ja mention des tambours Sa baal Ge Zant Lemploi avait effraye tes chrétiens — mais nen cuak I pas pla car la chanson 2 J Tsion_antérit a laire dés les intérieure ? L’épanouissement aerigure d'une vingtaine dannées ajoute qua retour ure Meaucoup de chefs francs furent tués dans une Jes Basques, qui pillérent les bagages q@ ies victimes n’est nommée. Vers fembuscade tendue par ‘Aucune d avant de s‘enfuir. i aeart e ita Karoli d'Eginhard rapporte, due dans la Hite pyrénées Vempereur « éprouva quelque pet travertfie des Basques » et ajoute que «dans cate bataille furent tués le sénéchal Eggihard, ‘Anselme, comte du palais, furgttand, duc de la Marche de Bretagne, entre beavcowP Ares », L’epitaphe d’Eggihard, qui nous 2 été conservée drautes wrt, précise qu'il est mort le 15 aot, ce qui nous Te re Gonnaltre le jour exact de la bataille, Dix ans Pee ward enfin, on lit, non sans frustration, dans la Vita Hludovic is de Vauteur désigné comme VAstronome jimousin : « Ceux qui marchaient a Varriére- garde de l'armée furent massacrés dans la montagne; sare Tears noms sont bien connus, je me dispense de les redire. » ‘Trois conclusions se dégagent de ces témoignages. yabord, loin que Yévénement s’efface peu a peu des mémoires, il est mentionné avec de plus en plus d’insistance 2 mesure que le temps passe, jusqu’au moment ou V’insis- tance devient inutile tant est connu. Ensuite, Eginhard Tatime bien Roland, mais en dernier — et pas dans tous sominnuserits, C'est & ses yeux le moins considérable des trois morts illustres de la bataille. C’est aussi le seul dont trols me savons rien, tandis que le sénéchal Eggihard et le comte palatin Anselme nous sont connus d’autre part. Enfin, tous s’accordent pour voir dans l’embuscade Poeuvre des Basques. Tout en confirmant la célébrité croissante = tr surprenante —- de la bataille de Roneovaux, Ia Chanson de Roland prendrait deux libertés fondamentales avec PHistoire, en donnant a Roland une importance qu’il n”3 jamais eue — A supposer méme que le personnage a réellement existé — et en substituant les Sarrasins aux Basques. Mais les hstoriens arabes donnent des faits une version assez différente. Selon Ibn Al-Athir (xu siécle), Charlema- ‘gne serait venu en Espagne la demande du gouvernev™ es Saragosse, Sulayman Ben Al-Arabi, révolté contre le calle omeyade de Cordowe. Mais, arrive sur Tes lieux: vw fermer les portes de Saragosse a la suite d'un Les chansons de geste 35, revirement de Ben Al-Arabi. ant as’ fe dernier, il serait vepart! vers la France on Peer Crgonnier, mais, lors du passage du col de la Ibaneta, Dist aedire A Roncevaux, les fils de Ben Al-Arabi au Taken Sans doute appuyés par les Basques, attaqué les France ei Saliveé leur pére. La bataille de Roncevaux n’aurait ‘donc liv un simple accrochage avec des montagnards avand a #eule ambition de pile les bagages, mats un combat Pow oes Sarrasins. Elle aurait été pour Charlemagne un Severs assez important. (ers ars recoupements rendent cette version plausible, Elle waomatte avec certains détails des Annales latines, qui Sraceortnent par exemple la capture de Ben Al-Arabi, mais || Reporlen plus du tout del ensuite, dans des circonstances reper otage aurait pourtant constitué un atout dans les ot cee Charlemagne. Si elle est vraie ou proche de la rains fig témoignages de P'historiographie latine en regoi- verité TS gnification nouvelle et la place croissante faite J Gafaite devient parfaitement explicable. Les Annales 3 rrcielles auront en effet tenté sur le moment de la passer sous silence, Mais elle ait si connue, elle avait tellement mmarqué les esprits, qu'il est devenu impossible, au fil des années, de ne pas ia mentionner du bout des lévres, quitte den minimiser importance, et cela au prix d’incohé as dtl! qui Tasent soupgonner In vérité. ‘Un raid de ‘sul i : plas sur ls bagages, vraiment ? Que faisaient alors au jeu des bagages des personnages aussi considé miu des bagages es aussi considérables que lesénéch sorte de chef d’état-major — lu palais — une sorte de Eee oman de Chante commandant de la garde ‘out cela reste une h: a pourt ypothése. Si it avé Far eat a longue mémoire qui, trois sisciee ius ee? contre (nate S@ Voix dans le pogme fi Sees goat Thioteoffcele "hu mreine es aural raison Felon walle, car tout Ie reste ‘est évi ree or tng Pexstence historique dun e Rejaemment de pure dang le5 autres personnages sore ond, demeure. une . font assurément légen- a OOP Rp eee * Chanson de Roland antérieure &la version d’Oxford ? On a observé fet vovpngiemp: que certains traits de la Chanson nous la connaissons sont trop archaiques pour Ta ES ‘ans ‘qui Temet solennel jement 2 Roland bataille en signe de délégation du omen; ant tes tmites que la Chanson fixe & la | GE er qui sont celles de la France carolingienne de Charles le Simple, non celles de la France des premiers Capédens. Au début du xr siécle — done aprés le Roland POxTord, ce qui enléve un peu de poids & son témoignage © (Thistorien Guillaume de Malmesbury affirme qu’a la julaille d’Hastings, en 1066, un jongleur avait entonné la | cantilena Rolandi pour exciter les Normands au combat. Des temoignages indirects laissent supposer existence d’une ‘activité epique en langue vulgaire 4 date ancienne : 4 la fin du 1x stele, le Moine de Saint-Gall fait allusion a des récits: de vieux soldais tandis que le Poeta Saxo mentionne pa u ynnages en langue vulgaire ; des , Eos! ee oa aE ‘t fragment ‘de La Haye » (entre 980 et 1030) et le Waltharius (1x ou x: siécle) semblent comme Lun écho anticipé des chansons de geste. Surtout, la Nota Emifionense, copiée vers 1065-1070 dans un manuscrit espa- gnol, livre, trente ou quarante ans avant Je poéme d’ ‘Oxford, un résumé de la Chanson de Roland qui mentionne, a coté de Roland, Olivier, l’évéque Turpin et Ogier, Guillaume elcorbitunas — « au nez courbe » avant d’étre « au nez court », le Guillaume d’Orange des futures chansons de geste. Enfin, durant tout le xr siécle, de Anjou au Béarn @ de "Auvergne 2 la Provence, on voit figurer dans les cchartes des couples de fréres nommeés Olivier et Roland. >> Detail énigmatique, pourtant, Olivier est toujours l’ainé et _ Roland le cadet. Les témoi ses sur_un_ Rolanc érieur a la Chanson sé Roland. cans Tespace qui sépare la bataille a Ronce- ‘WEUXGT poeme d’Oxford, existent donc. Mais comment faut-il les interpréter ? n_est_au_centre du ng te ERS _ Les chansons de geste 7 La question des origines Crest la premiére question que les médiévistes du siécle demier se sont posées, parce qu’ils étaient marqué par les idées du romantisme et en particulier par celles de Herder, puis des fréres Grimm, touchant !’ame collective et le génie national des peuples, qui se manifesteraient dans les débuts de leur histoire et de leur culture par des productions artistiques spontanées et anonymes. Mectre au jour les origins, des chansons de geste, c’était éclairer, semblait-l, Tidentité nati le Tran . Cet dans cer Spat -qle-Gasion- Pane bare dasa premier temps (1865) Ja théorie des cantilénes : aprés les grandes invasions, la conscience d'une nationalité nouvelle se serait fait jour peu & peu & travers une activité poétique, refer du sentiment national. Cette poésie, lyrique par sa forme, épique par ses sujets, se serait traduite par des cantilénes portant sur les événements historiques. C’était I'époque o& Ton pensait que les poémes homériques sont formés d’une collection de courtes piéces populaires tardivement réunies sous 'apparente cohérence d'une longue épopée. De la méme facon Gaston Paris is inait_que des cantilénes bréves avaient fini par étre cousues entre ell: Taance aux chansons de sais: Cos tahen Pio Rajna taisan i d'une part que les chansons de geste tront rien de Populaire, qu’elles exaltent ‘i contraire V'aristooraule suerte daute part que nee ‘Be_comnalssons aucune~cantiéne et qui wees oe rObablement jamais existe. En Tevanche Ge que SIE & coup sir_des l'époque carolingienne, west TG Semanique- Suppose existence de Getlises eoses upposer existence de cantilénes romanes West qu'un moyen de masquer ce que les chansons de Beste romanes lui doivent certainement. Gaston Paris devait Tonauier en 1888 aux vues de Pio Rajna. Mais pendant frastembs encore, & cette époque de rivalité et de conflits covallemands, le débat resta marqué par des arriére- Peie’s Politiques : faire remonter les chansons de geste Poque carolingienne, était leur reconnaitre une origine 8 L’épanouissemen: 3i ‘ germanique ; y voir ence me du xr siécle, c’était en i an ie Fe cc exconde atitude est par cxcclleace cele deve Bédier, Gui publie les quatre volumes de ses Légendes épiques entre 1908 et 1913. Pour Jui les chansons de geste sont fondées sur des thémes poétiques plus que sur des souvenirs historiques. Loin d’étre le produit dune créati continue et_le fruit une tradition, elles sont créées de toutes piéces par des poctes partan feur_art. Mais s’expri cement Conscient aspect le plus original de sa théorie @ dés les premiers mots de son Ouvrage : « Ay commencement était la route, jalonnée de sanctuaires, Avant la chanson de geste, la légende : légende locale, légende d’église. » Sur les routes des pélerinages, sanctuai- Tes et monastéres exposaient les Teliques de héros et de martyrs capables d’attirer les pélerins. La Chanson de Roland atteste elle-méme (laisse 267) que lon Pouvait voir Volifant de Roland a Saint-Seurin de Bordeaux, son tombeau a Blaye. Il a suffi d’un poéte génial pour donner vie 4 ces récits dispersés, collectés sur les chemins de Saint- Jacques ou, pour d'autres chansons de geste, de Rome, Philipp-August Becker avait déja émis cette idée en 1896, puis en 1907. Bédier, en l’étoffant et en en développant la démonstration, ajoute qu'il y a la de la part des clercs un effort délibéré de Propagande en faveur des différents sanctuaires. Les clercs ont lu, par exemple, le récit de la mort de Roland dans la Vita Karoli d’Eginhard. Ils ont inventé l’histoire des teliques rolandiennes pour les montrer aux pélerins et faire ainsi de la Publicité a leurs églises. Ils Ont soufflé cette histoire a un poéte, ils lui ont fourni les documents nécessaires pour l’exploiter. A partir de ce qu’ils lui ont raconté, il a écrit de toutes piéces la Chanson de Roland. De méme, dans leur rivalité avec les moines d’Aniane, ceux de Gellone — le-Désert i - E Voneraniowaicny aes 8 WORT BE CIMT AL AE SRG, CREAT ot Nee Paes Re tore at Fr ewUATEAE cle de Joseph Fat pedde IA Quatre Volumes de ses Leger © re PRN cx T8TT Bower Rai bes chansons de geste anes PANTIES PAS que SUT des Seacoigers Lol dhatre fe peeatait dune creation soe Me fret Deas uation, alles sont ctédes. de m paddy per dos PEves parfaitement conscients de deer az, Mg Paget ke phs cviginal de sa théorie “Seugeame doses promicrs mots de som ouvrage 2 « Au | qeemmcocemcat eat la route, jaloanée de sanctuaires, Avan Ib chamsdy de geste, la Kyende : Kgende locale, “Tepende Megise. +\Gur kes rowtes des pelerinages, sanctuai- : estiont es reliques de héros et de iret les pélerins. La Chanson de at et en en développant la de la part des cleres un faveur des différents ple, le récit de la aroK d’Eginhard. Ils ont invente histoire des reliques rolandientges pour les montrer gon péicriss et faire ainsi de la publicitl\a leurs églises. Is ont sowtfié cotte histoire & un potte, ils\ui ont fourni les documents ntcrssaires pour lexploiter. \A partir de ce yes la Chanson les moines # existé une CAdysor de Roland avant celle que nous connaissons, ce n't Qu'sac ebauche prossitre. Le Roland d'Oxford est 881, Leute Femportée sur tes Normands par Louis Il en 1. n'est pas le développement d’annales monastiques, ee ee oe Ler chansons de geste » par Turokl, son signataire éniginat . gue, trois sidctes Vevenement de Roncevaus, sans intermediaire pose entte-temps. De la méme facon, toutes les auties chansons dle geste sont nées de « Kegendes », & 9 “éplise ». Et Bedier « I ne faut plus parler davantage de chants épiques contempo: rains de Charlemagne ou de Clovis, a d'une focus popelee spontanée, anonyme, née des ¢vénements, jailhe de I"iae de tout un peuple; il est temps de substituer au mystique bertage des Grimm d'autres notions plus concretes, d'autres explications plus explicites, » (Légendes epiques, IV, p. 474.) La théorie de Joseph Bédier, soutenue par le talent hors da commun de son auteur, s'est largement imposée pendant plusieurs décennies. Mais elle avait éé élaborés a une Epoque od le « silence des siécles » n’avait pas encore parle et o8 V’on ignorait, par exemple, les couples de fréres Olivier et Roland ou la Nore Emilignense. Et elle frisait le paradoxe en minimisant l'extréme I’existence dune poésie orale antérieure aux textes conservés, invitant du méme coup des zélateurs moins habiles 3 la nier tout fait. Face a individualisme », comme on disait, Ferdinand Lot és les années vingt la position du « traditiona- lisme » en soutenant que le culte de héros épiques lig a des sanctuaires sur les routes de pélerinages est postérieur aux chansons de geste et en est la consequence, loin de leur étre antérieur et d’en étre Ia cause : « Jtadmets que toutes Ics chansoas du cycle de Guillaume S‘expliquent par la Voie Regordane, par Gellone... etc. — sauf une, la plus ancienne, la Chanson de Guillaume. J'admets que toutes les chansons qui placeat action en Espagne connaissent att tMimirablement — la voie qui mene 4 Compostelle, sauf tune, la plus ancienne, la Chanson de Roland, qui ne sait rien du chemin de Saint-Jacques. » (Romania $3, 1927.) Gormont ei tsembart, qui se rapporte & plutét adaptation d'une version normande passée le continent au 1X* ou au x: siécle, Girart de Vienne fectivement, comme le texte le prétend lui-méme, du ame d'un ‘certain Bertolai, combatant a la bataille d’Origny en 943. - © Mais la these traditionaliste devait surtout re soutenue vec une TipucuT iMlassable par Ramon Menendez Pidal a Chanson de Roland et la tradition épique dex Francs, 1959, trad. fr. 1960), En réaction contre Bédicr et ses “disciples qui affirment la « précelience » du Roland d’Ox- “ford et en tirent argument en faveur de la création originale ~ d'un pote unique et génial, Pidal se croit obligé a tort de ~dénigrer cette admirable version au profit des autres, en “particulier de V4 (premiére version de Venise). Mais, au- dela de ce détail polémique et des efforts un peu tatillons déployés pour étublir 1a valeus historique des chansons de | geste, sa pensée repose tout entiére sur une idée essenticlle dont on va voir bientt la fécondité. Cette idée est que le f parfait et intan, inspiration ; tous, dans le cas des chansons de geste, teflétent une performance. Tout en se situant encore dans Ja perspective un peu usée de la discussion sur les origines = mais Pidal avait plus de quatre-vingt-dix ans quand il ~ &crivait ouvrage cité plus haut ! —, cette approche permet de mettre au centre du débat fa relation complexe entre Voral et écrit signalée das notre premier chapitre. ‘Les. chansons de geste, on I'a vu, supposent une diffusion le par les jongleurs : les prologues, certaines Tere | j 4 tions du récitamt dans le cours du texte le fagow certain pant Pimportane telle que Pidal an S'accorde aver ce type ic diffusion. La réunion des deux observations POH rendre compre a ta fois de Lévolution des textes, de leurs divergences, de leur Mle_mise au_goat_du_jour Somme de ur ndamentale, de Ieur_permanens profonde au age oedema: de Iu saris srficielles, de Teur fois, en alfirmant que Ia chansom de geste «vit de ses variantes », Pidal veut seulement dire que Jey Ivers changements intioduits. par chaque interpréte la ATUEMTENT TAS UI ETRE TECTANOT- (Ta Chanson de geste. Essai sur art ¢pique des jongleurs, Genéve, 1955) et surtout comme l’Américain Joseph Dug- gan (The Song of Roland. Formulaic Style and Poetic Craft, Berkeley, 1973), qui applique a la chanson de geste les théories sur la potsic orale de ses compatriotes Milman Parry et Albert Lord (The Singer of Tales, Harvard, 1960), vont plus loin. Is congoivent chaque performance comme e nouvelle crea nd poeme sxisic. Das veaiment su facie sudercndlainment dele Pont eux en effe performance ne repose pas sur une mémorisation du poeme — mémorisation dont les variantes ne feralent que rel Je caractére imparfait. Se fondant sur exemple moderne des chanteurs épiques serbo-croates, Lord montre que le chanteur, au moyen de phrases formulaires dans lesquelles sont consignées les actions typiques de lintrigue épique, apprend a re-créer sur le vif, & chaque nouvelle interpréta- tion du poéme, les longues narrations en vers de la tradition orale. Ainsi le style formulaire, caractéristique des chansons de peste, révélerait le caractére oral de cette poésie, Duggan fefuse méme d'attribuer le Roland d’Oxford 4 un écrivain de génie qui aurait remanié une traditon orale antérieure, car i observe que les scénes cruciales et réputées « génia- les » de cette version — celle de l'ambassade, celle du cor = sont encore plus marquées par le style formulaire que les aulres. A ses yeux, s'il existe dans Ja France du Xit sigcle del chres narratifs distincts, la chanson de steel le roman, c'est tout simplement que Tun est_oral Srarew rs pour montrer que la chanion de gee Scrite tend vers le roman, i} fait observer que le style otc tend vers le roman, L'épanouissement Les chansons de geste IF Mt / _ devenait fictive. La présence particuli¢remen « _style formulaire dans certains morceau de bravour® 5 rg ci a ans la chanson de gest Serra Genet ie Rol Beuves de Commorehis (ata reralve i Sidge de Barbastre, plus ancien d’un sidele ef dont le poeme dAdenet est un remaniement, Mais en réalité le style formulaire se trouve Partout ef n'est hullement propre A la littérature orale, I Ne constitue pas en lui-méme une preuve d’oralité et la théorie de Lord comme Vapplication qu’en Duggan Paraissent trop rigides, On a vu dans notre premier chapitre que Vopposi- tion entre Poral et écrit, qui est rarement absolue, ne Pest jamais au Moyen Age. Au demeurant, le Poete est necessairement conscient de cette Opposition des lors qu'il ceés aux deux modes d’ expression et qu’il n’évolue pas ans un monde de l’oralité absolue, Le style qu’il adopte les effets et les procédés dont il joue sont done aa partie conscients cux-mémes, délibérés, « artificiels » et ne peuvent faire objet dune interprétation univoque. Aprés tout, ces chansons de geste qui ont bénéficié d'une diffusion et Mune circulation orales ne nous sont connues, bien entendu, qu’écrites. Les mz S théorii é orale, comme le style le texte écrit. Les mar au public, invitation a formulaire, ont été conservées dans ques de l’énonciation orale — appel faire silence, annonce que l’interpréte va s’interrompre pour faire la quéte, ou pour se reposer, ou pour aller boire — ont été soigneusement recopiées dans le silence du scriptorium. L’ artifice est patent. On peut certes ne voir dans cet artifice qu’un simple décalage di aux habitudes prises et au caractére conserva- teur des comportements, Méme si la forme et les caractéres stylistiques du poéme ont été concus en fonction S Voral, ils ont pu survivre longtemps méme sans ne fonctionnelle dans le poéme écrit, On les voit d Ce s’atténuer peu a peu, comme le Temarque uses est permis de supposer aussi que le sentiment de ce —<— a été inclus trés tot dans l’esthétique des ee este oft Dés lors qu’elles étaient écrites, les chansons pu tirer leur séduction de leur raideur, de leur « tylistiques i : A Jes effets sty! familier, de la distance introduite par e celle oralité et formels liés a V’oralité, alors méme qu alors moins la délibéré, dans les moments importants, a effet de style caractéristique du genre. C’est ainsi que l’on voit assez nettement, & une époque of l’assonance n’est plus qu’une survivance, certaines chansons de geste résister, non sans efforts mais avec obstination, la tentation de la rime. C’est ainsi, de fagon analogue, que les chansons de toile, dont on reparlera plus loin, cultivent l’archaisme raide de la forme épique. Evolution des chansons de geste L’intérét qu’éveillent a juste titre l’apparition et la préhistoire des chansons de geste ne doit pas dissimuler que le genre reste vivant pendant tout le Moyen Age et qu’il évolue, somme toute, assez peu. Les poémes devien- nent plus longs, les intrigues plus complexes. Surtout, elles font une place de plus en plus grande a |’amour et au merveilleux. Huon de Bordeaux est au xii siécle un bon exemple de cette évolution. Les chansons de geste se rapprochent ainsi des romans. La fin du x11 et le début du xive siécle voient apparaitre un certain nombre d’ceuvres hybrides qui se coulent dans le moule épique de la laisse homophone en alexandrins plus souvent qu’en décasyllabes —, mais qui par leur contenu tiennent de l'un et l'autre genre, et parfois surtout du genre romanesque (Berthe au grand pied d’Adenet le Roi, Florence de Rome, La Belle Héléne de Constantinople, Brun de la Montagne). — On verra plus loin qu’a la fin du Moyen Age le succés di la prose achévera de confondre les deux genres. Mais avant cela, au moment méme oi la chanson de geste connait son plus grand développement, a la fin xr siécle, on la voit se mettre au service d’une mati nouvelle et contemporaine, celle des croisades. Sur | modéle des chansons de geste traditionnelles a carolingiens apparait un cycle de la croisade (La C) d’Antioche, Les Captifs, La Prise de. q connaitra jusqu’d la fin du Moyen Age | ajouts par agglutination, des remanic L'épanouissement 1 este n'est done pas seulement lune des ia en lunclennes de notre litterature, Le: Moyen “Age a'a jamais cessé den le mode d’expression puta de Mexploit_ militaire et des combats de ta rétiente, CHAPITRE IV Troubadours et trouvéres Un surgissement paradoxal Depuis bien longtemps, dés avant la formation des langues romanes, des témoignages indirects signalaient que des chansons circulaient dans le peuple, en particulier des chansons d'amour chantées par des femmes et dont Eglise stinquiétait. Mais elle-méme ne s'inspirait-elle pas de ces sythmes populaires en accucillant une poésie liturgique dont ta métrique, abandonnant Valternance des syllabes longues et bréves qui fonde In versification du. latin Gassique, reposait sur le nombre des pieds et sur la rime ? j Pourtant, les premiers poémes lyriques en langue romane cn occurrence en langue d’oc — qui nous ont été regralement conservés n'ont rien de populaire, quel que pore, sens due l'on donne & ce mot, Ils sont complexes, | raffings, volontiers hermétiques. Ils sont éperdument aris- i Qaratiques et éltistes, affichant avec une arrogance prove. | fate leur mépris des rustres incapables de les golter et | prantibles 4 I'élégance des maniéres et de esprit. Et le i ~ Rfemier podte dont Meuvre nous soit purvenue était lun des princes les plus puissants alors, Guillaume 1X, comte i de Poitiers et duc d'Aquitaine (1071-1126). En quelques f ‘Snnées, Ses successeurs et ses émules en poésie, les troche:

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