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ANCIENS ELEVES
APRES 40 ANNEES
Hier, Enfants…
Cet article n’a pas pour prétention de relater au détail les faits vécus à
ce jour, mais, de ne citer que certaines dates particulières retenues tout
au long de mon parcours scolaire et pédagogique, et ce, à la demande
de quelques anciens élèves venus me rendre visite dans mon domicile.
En effet, j’ai constaté que c’est Octobre qui tient une place importante
dans la description chronologique des étapes, d’une portion de ma
vie.
La première date est celle du 1er octobre des années de ma scolarité
au primaire comme au secondaire (1946 à 1959) qui met fin à la
liberté accordée durant trois mois de vacances aux élèves. Celle qui va
permettre à ces derniers de retrouver l’école, lieu mis à leur
disposition pour un apprentissage intellectuel et humain.
La seconde arrive après une période de treize années de scolarité,
précisément le 12 octobre 1959, journée de la prise en mains d’une
petite communauté d’enfants destinés à représenter notre avenir.
Mission difficile confiée à un jeune enseignant sans aucune formation
initiale, qui avait pour objectif fondamental d’instruire, de contribuer à
l’éducation de ses élèves au sein d’un asile calme et d’amour, où l’on
cultive comme des fleurs, toutes les grâces de l’enfance.
Vingt années de pratique quotidienne dans une classe, où ont été
expérimentées des techniques modernes d’enseignement, contribuant
à l’épanouissement des potentialités de chacun de mes élèves. Il ne
s’agissait pas pour moi de rompre brutalement avec nos traditions, ni
de transporter automatiquement chez-nous telle idée même séduisante
qui chez le voisin a fait merveille, mais de l’étudier objectivement
pour l’adapter si possible à notre mentalité.
Le 2 octobre 1978, nomination au poste de conseiller pédagogique
chargé de la formation des enseignants stagiaires. Une opportunité qui
m’était offerte, celle d’apporter une aide précieuse aux maîtres et
maîtresses, d’intervenir en classe à leurs demandes et d’améliorer
progressivement leurs pratiques éducatives.
Cette année-là, comme chaque été, je suis retourné dans mon pays
passer des vacances au sein de ma famille, retrouver certains élèves
devenus aujourd’hui chefs de famille, fonctionnaires dans des
administrations ou en retraite.
C’est à partir de ces rencontres, qu’est née l’idée d’organiser des
retrouvailles avec mes anciens élèves après s’en être séparé depuis une
quarantaine d’années. J’ai fait part de cette initiative à cinq d’entre
eux qui ont accueilli avec joie cette nouvelle et se sont portés
volontaires pour informer leurs camarades, avec lesquels ils
entretiennent à ce jour des liens d’amitié.
Ma première intention était de les regrouper dans leur école, dans le
local qui leur avait servi de classe durant plusieurs années. Un premier
contact eut lieu avec le directeur de l’école Ibn-Rochd (ex Voltaire),
monsieur Bénali Mohamed, ancien instituteur que j’avais formé en
tant que conseiller pédagogique de 1985 à 1990. Il me réserva un
accueil chaleureux et se proposa de prendre en charge l’organisation et
les préparatifs de cet évènement.
Tout en m’engageant pleinement dans cette aventure, je songeais avec
inquiétude au temps qui m’était imparti, car je ne disposais que d’une
quinzaine de jours avant mon retour en France, programmé la fin du
mois d’octobre 2014.
Lors d’une seconde rencontre avec le directeur pour lui communiquer
la date et l’horaire retenus, un problème administratif surgit à la
dernière minute. Je me trouvais dans l’obligation d’adresser une
demande écrite à l’Inspectrice d’Académie, sous-couvert du directeur
de l’établissement et des inspecteurs administratif et pédagogique.
Je quittais le directeur qui semblait être gêné à la suite de cette
contrainte, en promettant de lui faire part de ma décision, et ce, dans
les plus brefs délais.
Contrarié, j’avançais tête baissée tout en me posant la question
suivante.
« Ces retrouvailles tant souhaitées, seront-elles remises à l’année
prochaine ? Les organiser chez-moi s’avère impossible car ma petite
demeure ne s’y prête pas. L’unique solution est de s’armer de patience
et ne décider qu’après avoir exploré une à une, toutes les pistes
possibles qui pourront se présenter, et cela, dans les plus brefs délais.
Le lendemain, le hasard fit que je fus interpellé sur un boulevard, par
Aït Omar, un ancien élève. Je n’eus aucun mal à le reconnaître, car, il
conservait encore à ce jour, les traits de son enfance, sauf qu’il avait
grossi. Il me serra fortement dans ses bras et m’exprima son immense
plaisir à me revoir après tant d’années. Lors de notre discussion, je lui
fis part du projet, mais également des difficultés rencontrées : temps,
lieu, etc. Il me rassura sur le champ et me supplia d’accepter que
l’évènement qu’il considérait comme exceptionnel, ait lieu dans son
hôtel « le Métropole », dont il était propriétaire. Après lui avoir donné
mon accord après un moment d’hésitation qui n’était que l’expression
d’une joie à moitié voilée, il me fixa un rendez-vous pour une visite de
l’hôtel, de la salle de réunion et d’une prise de décision en commun de
la date et de l’horaire à retenir.
La visite des lieux effectuée et le calendrier fixé, j’informai
rapidement mes élèves éclaireurs pour qu’ils puissent à leur tour,
transmettre le message.
Arriva le jour J qui allait marquer profondément ma vie au seuil de
mes soixante quinze années. Je jetai un dernier regard à la photo
souvenir de la dernière classe que je dirigeais il y a quatre décennies,
essayant d’identifier les élèves un à un, espérant leur présence en
grand nombre, car, les réunir après une longue période, dispersés dans
une ville de trois cent mille habitants environ, n’est pas chose aisée.
Au premier étage de l’hôtel, se trouvait une salle immense, richement
décorée et bien éclairée avec de nombreuses tables et des chaises
disposées le long des murs. Un endroit particulier m’était réservé
ainsi qu’à mes invités, deux directeurs d’école en retraite, un ancien
élève de l’école, président de l’Association des Cadres Universitaires,
deux étudiants venus pour la circonstance, en tant qu’observateurs.
Il est dix sept heures. Avant de prendre place, dans une tenue
impeccable, les voici, ces élèves adultes venant à moi, tout souriant, se
présentant et me saluant. Que de poignées de mains, d’accolades,
d’embrassades, de mercis prononcés avec douceur! Moment
exceptionnel très fort en émotions que je vivais en compagnie de mes
élèves adultes.
Le calme retrouvé, je me levais de mon siège, et tout en observant
durant un instant les visages de ces derniers, je devinais tout leur
empressement à entendre ma voix, lors du discours prévu à cette
occasion.
Chers amis.
Voici arrivé le moment de nous séparer. Ce jour 18 octobre 2014, j’ai
l’impression de vivre la fête de l’Aïd, évènement important qui offre
l’opportunité aux personnes de se revoir, de se rencontrer, d’exprimer
et de partager leurs joies communes, mais également de se pardonner.
Outre ma mission d’enseignant qui fut celle de vous instruire et de
participer à votre éducation, j’avais mis à votre disposition un cadre
agréable et formateur. Votre école était considérée comme votre
seconde maison, et votre classe, lieu d’apprentissage, était organisée
en commun comme vous le souhaitiez, en fonction du besoin né de
vos projets.
Dans chaque enfant que vous étiez, il a une quarante années, dormait
un capital qu’il s’agissait de mettre en valeur, car éveiller une
conscience, c’est donner un trésor à la patrie. Vous aviez des talents
extraordinaires et par chance, vous aviez rencontré quelqu’un qui vous
a porté dans son cœur, qui vous a aimé et qui vous aime encore.
Avec vous, j’avais entretenu et consolidé cette aptitude faite de
compréhension, de calme, de confiance, d’une certaine joie de vivre et
de se retrouver ensemble. Avec vos parents que j‘invitais très souvent
à nous rendre visite en classe, j’interprétais les rôles d’ambassadeur
et de négociateur entre le peuple Enfants et le peuple Parents.
Tout au long des années de votre scolarité dans ma classe, avec soin,
je vous ai pris par la main, j’ai fait un bout de chemin avec vous pour
vous conduire enfin, jusqu’à un carrefour, d’où vous deviez faire
preuve d’initiative et choisir la voix qui vous séduisait.
Soyez rassurés, je ne suis point déçu mais bien au contraire,
grandement fier de vous.
Tout au début de cette rencontre, vous vous étiez présentez à moi et
chacun, prononçait le mot « MERCI, monsieur ».
Sachez, mes chers amis, que je n’accomplissais mon devoir que
comme enseignant sans rien attendre en contrepartie de mon
administration de tutelle. Certes, j’ai aimé cette profession, faite de
grandeur et de noblesse, faisant abstraction de toute ambition
personnelle, sacrifiant de bon gré mon temps, mon budget, mes loisirs
et parfois même ma santé. N’est-ce pas cela « Servir son Pays !»
Le temps me manque pour développer ce sujet, néanmoins, sachez une
chose. Si ce métier était à refaire, croyez-moi, je le referais.
Il y a une année, j’ai commencé à écrire un livre « Mémoires d’un
Enseignant » dans lequel je décris en première partie mon enfance,
mon adolescence, ma jeunesse, etc. Quant à la seconde partie du livre,
elle sera consacrée à ma carrière d’enseignant avec ses hauts et ses bas
Si Allah nous prête vie, l’année prochaine, vous aurez l’occasion le
plaisir de le découvrir et de le lire, car de nombreux souvenirs vécus
ensemble y sont évoqués.
Si j’avais vexé ou m’étais conduit durement avec l’un de vous, qu’il
soit tolérant, car nous vivions vous et moi en cet instant, un jour de
petite fête, sœur de l’Aïd qui symbolise le pardon.
Le cadeau que je vous ai réservé n’est pas d’ordre matériel, mais une
citation d’un penseur de l’Islam, que je vous laisse méditer jusqu’à
notre prochaine rencontre Inchaallah ».
Deux jours avant mon retour, une dernière visite inattendue, celle de
Kadiri Mohamed, directeur du journal « La Voix de Sidi-Bel-Abbes,
et de deux journalistes professionnels, Ourrad Hamid et Adda
Boudjellal Tewfik, qui avaient assisté à la rencontre du 18 octobre.
Discussion longue et riche bâtie autour de sujets ayant trait à
l’enseignement dans le pays, comme la réforme du système scolaire,
la formation du personnel enseignant, des méthodes et techniques
nouvelles expérimentées, etc.
Un grand intérêt fut accordé à la consultation des documents
personnels et ceux réalisés avec mes élèves.
Avant de nous séparer, grande fut ma surprise au moment où me fut
remis un présent par mes invités que je remerciais vivement. Geste
symbolique, devenu une tradition chez l’équipe dirigeante du journal
« La Voix de Sidi-Bel Abbes », destiné à des personnalités locales et
résidant à l’étranger, ayant joué un rôle important dans notre ville.
REMERCIEMENTS