Vous êtes sur la page 1sur 6

Analyse Linéaire n°5 « La chanson du mal aimé », Apollinaire

Introduction
Poème d'abord publié dans le Mercure de France en 1909. Paul Léontaud y travaille comme
secrétaire de rédaction et aidera à la publication du poème dans la revue.
Poème hermétique qui fait entendre une complainte. 3ème poème du recueil, composé de 59
quintils où s'intercalent trois intermèdes, « Aubade chantée à Laetere un an
passé », « Réponse des Cosaques Zaporogues au sultan de Constantinople » et « Les Sept
épées », métaphore du coeur percé du poète.

Reformulez la problématique et faites l’annonce de plan.

Strophe 1 :

v.1 Et je chantais cette romance


- « et » : conjonction de coordination qui donne l’idée de la continuité avec une structure de
coordination et exprimant une addition
- « je » : je lyrique,
- « chantais » : expression des sentiments personnels et ancrage dans le lyrisme avec le
polyptote qui reprend le titre et le subjectivise conjugué à la 1ère personne dans un imparfait
de commentaire
- « cette romance » : déterminant démonstratif, romance déjà connue, renforçant encore le
lyrisme avec l’idée de sentiments amoureux

v.2 En 1903 sans savoir

- Narration postérieure, 1903, année de la déconvenue amoureuse d’Apollinaire, pas date


d’écriture du poème. Juin 1904 seulement, début de la rédaction.
- inscription d’une date qui met à mal le lyrisme
- « sans savoir » : locution conjonctive avec « que » qui dit l’absence, le manque, ici de
connaissance. Dit l’ignorance du poète par l’exclusion.

v.3 Que mon amour à la semblance


- rejet du v.2 qui repousse physiquement la connaissance refusée au poète en 1903 et au
lecteur au vers précédent
- « mon amour » : déterminant possessif, sentiments personnels et lyrisme avec le substantif
« amour »
- « à la semblance » : « semblance », substantif qui subtilement ouvre la porte de l’irréel, « ce
qui a l’aspect, l’apparence », rapport avec « sembler » en opposition à « être », qui affirme ce
que quelqu'un ou quelque chose est, dans son essence, sa réalité.

v.4 Du beau Phénix s'il meurt un soir


- basculement dans l’irréel, dans la mythologie avec créature mythique
- sublimation du phénix avec adjectif mélioratif « beau » et majuscule à « Phénix » qui
devient allégorie de l’amour qui renaît, symbole de la renaissance
Apollinaire a ainsi vu son amour renaître avec Marie Laurencin et d’autres figures féminines
par la suite.
- « s’il meurt » : structure hypothétique qui renforce le caractère de l’irréel
- « un soir » : moment symbolique de la fin de la journée, d’un cycle, métaphore filée de la fin
de l’amour

v.5 Le matin voit sa renaissance.


- « le matin » : début symbolique de la journée, renouveau
- chiasme qui montre le retournement du soir, au matin, de la fin d’un amour au début d’un
autre
- « sa renaissance » : renaissance du Phénix et à travers lui de l’amour, cycle éternel avec la
formation du mot « re-naissance », préfixe de réitération
- Idée de cycle et à travers lui, idée du cheminement de l’amour et de celui, douloureux par
lequel passera Apollinaire pour voir s’effacer la peine de son amour contrarié avec Annie
Playden et renaître l’amour en la personne de Marie Laurencin d’où la strophe épigraphique
(Citation placée en tête d'un écrit pour en suggérer le sujet ou l'esprit, pour en élucider le
contenu et éclairer les intentions de l'auteur ) qu’il donna au poème quand il le publia en
1909.

Décalage syntaxique du passage de la 1ère à la 2ème strophe, décalage qui est également
temporel, la strophe 2 de même que les suivantes sont antérieures à la strophe 1, rajoutée a
posteriori. Fait apparaître une « couture syntaxique » qui montre l'évolution, le travail réalisé
sur le poème, son évolution et donc sa modernité comme en témoigne également l'absence de
ponctuation.

Strophe 2 :

v.6 Un soir de demi-brume à Londres


– un soir : avec CCT, création d'une atmosphère mystérieuse, de nouvelle fantastique
(typique du XIXème)
– de demi-brune : GN étendu avec CdN qui renforce cette atmosphère. Homophonie
avec « demi-lune » (loup garou, créatures en tout genre...) Brume induit l'incertitude,
la transformation, la légende. L'état gazeux est sujet à la métamorphose.
– Demi : brune rendu encore plus insaisissable avec adverbe demi qui dit la moitié
– à Londres : CCL, ville modernité, théâtre de l'intrigue à venir, espace citadin, moderne
mais aussi théâtre de la déconvenue d'Apollinaire de sa romance avec Annie Playden

v.7 Un voyou qui ressemblait à


- « un voyou » : personnage qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle, du roman avec les
habitants de la ville corrompue, homme aux mœurs douteuses
- « qui ressemblait à » : 2nd polyptote (« semblance » v.3), figure qui dit elle-même la
ressemblance avec une variation de la même racine... De nouveau, porte de l'irréel mais dit
aussi la fausseté de cet amour, de l'amour d'Annie qui n'était qu'une illusion.

v.8 Mon amour vint à ma rencontre


- « mon amour » : enjambement qui dramatise, déterminant possessif... Curieux
rapprochement entre amour et voyou, métamorphose de l'amour
- « vint » : passé simple
- « à ma rencontre » : déterminant possessif... et jeu sur le topos de la rencontre amoureuse
v.9 Et le regard qu'il me jeta
- « et le regard » : jeu sur le thème topique et traditionnel du regard et de l'innamoramento,
l'amour au 1er regard, fausseté de ce regard, (mépris du regard ?)
- « qu'il me jeta » : avoir des vues sur quelqu'un, vues moralement douteuses étant un voyou

v.10 Me fit baisser les yeux de honte


- « me » : 1ère personne en COD car subit l'action
- « baisser les yeux » : toujours thème du regard mais...
- « de honte » : pas de sentiment virginal pure mais sentiment de honte confirmant le caractère
licencieux de ce regard

Strophe 3 :

v.11 Je suivis ce mauvais garçon


- « je suivis » : je lyrique mais ici plus sentiment mais action, action paradoxale car honte
suscitée par le regard du voyou
- « ce mauvais garçon » : nouveau désignateur périphrastique pour désigner le voyou et
réaffirmer sa nature sujette à caution

v.12 Qui sifflotait mains dans les poches


- « sifflotait » : construction du mot siffler avec le suffixe diminutif (diminue la grandeur, la
valeur d'un mot mais ici de celui qui réalise l'action), impression de nonchalance (rabatteur
d'un tenancier pour une maison close ?).
- « mains dans les poches » : attitude désinvolte, impertinente

v.13 Nous semblions entre les maisons


- « nous semblions » : polyptote, réunion du « je » et du voyou, union grammaticale,
réouverture sur l'irréel mais toujours pied dans le réel avec « sembler », balancement
- « entre les maisons » : inscription de la ville et modernité

v.14 Onde ouverte de la Mer Rouge


- « onde » : synonyme précieux de l'eau et transfiguration de la rue, on bascule dans la
métamorphose et l'irréel
- « onde ouverte de la Mer Rouge » : référence biblique (Exode) engendrée par les maisons de
briques, (habitat anglais typique), évocation mystique qui transfigure le réel (rue encadrée par
des maisons de brique rouge = Mer Rouge fendue par Moïse). Métaphore qui nous plonge
complètement dans vision onirique. Les règles du monde ne s'appliquent plus (voyage
temporel, spatial et chimique : solide à liquide)

v.15 Lui les Hébreux moi Pharaon


- « lui les Hébreux » : le voyou ou l'amour, les deux deviennent les Hébreux, le peuple élu et
le poète pharaon qui poursuit les hébreux et l'amour. Pas de verbe donc métamorphose par
métaphore. Poursuite acharnée avec cette métaphore à Pharaon mais échec annoncé
- 4/4 séparation des hébreux et de pharaon dans la rythmique mais aussi grammaticalement
avec les pronoms toniques « lui » et « moi » qui s'excluent révélant le caractère impossible et
stérile de cette poursuite.

Strophe 4 :
v.16 Que tombent ces vagues de briques
- « que tombent » : phrase injonctive, imprécation du poète
- « ces vagues de brique » : mélange de la réalité et de l'irréel avec le CdN « brique », vision
de cauchemar (onirisme noir) presque du surréalisme (Attention, Apo pas surréaliste, être
capable de définir ce courant, question entretien)

v.17 Si tu ne fus pas bien aimée


- « tu » : Annie Playden
- « si tu ne fus pas » : structure hypothétique pour démontrer la vérité grâce au raisonnement par
l’absurde qui va donc réfuter la 2ème proposition au vers 18 et attester de la vérité : Annie Playden a
été bien aimée.
- « ne pas » : négation
- « bien aimée » : opposition au titre « mal-aimé » avec bien/mal, avec masculin é/ée féminin
et substantif/participe passé

v.18 Je suis le souverain d'Égypte


- « je suis » : que je sois,
- « suis » : verbe d'état qui identifie le poète au « souverain d’Égypte », attribut du sujet,
immersion complète dans la vision irréelle
- « le souverain d’Égypte » : périphrase du Pharaon
Apollinaire dit que son amour est vrai et bon, il est prêt à encourir une punition, se
condamnant à être Pharaon, figure négative du récit biblique.

v.19 Sa sœur-épouse son armée


- chiasme avec les vers 17.18 et même raisonnement par l'absurde donc sous-entendu « je suis
sa sœur-épouse, son armée »
- « sa sœur-épouse » : « je » devient femme, métamorphose multiple en genre et en nombre
néologisme par mariages consanguins des pharaons
v.20 Si tu n'es pas l'amour unique
De nouveau, Apollinaire déclare qu'Annie est son unique amour et appelle à être condamner si
cela est faux. (même condamnation que le pharaon et son armée, être englouti par les flots de
la Mer Rouge qui se referme sur eux, ces vagues de brique).
- « amour unique » : postposition de l'adjectif pour mettre en valeur « unique » qui ressort
d'autant plus qu'il ne rime pas avec « Égypte » du vers 18 mais simple assonance.
Amour sublimé par métaphore catholique

Strophe 5 : On a quitté la vision égyptienne biblique pour une vision d'une rue en flamme,
(décor qui change mais même tonalité présurréaliste donc pointe de la modernité)
v.21 Au tournant d'une rue brûlant
- « au tournant » : CCL, balancement entre immobilisme et mouvement à travers le nom
« tournant », ancien participe présent substantivé qui a conservé des propriétés verbales
comme le sous-entend le participe passé « brûlant »
- « une rue brûlant » : balancement qui fait écho avec celui du réel et de l'irréel avec l'espace
de la ville, rue et du fantasme, comme une exploration du rêve à travers le motif de la rue
(surréalisme possible) / ville pourvue de becs de gaz (ancêtre lampadaire électrique)

v.22 De tous les feux de ses façades


- « de tous les feux » : topos des feux de la passion avec hyperbole « tous » qui dit l'ampleur
de cette passion qui dévore tout
- « de ses façades » : passion qui a pour objet l’apparence, une apparence trompeuse / mais
aussi façades rouges dues aux briques et aux becs de gaz allumés (scène de nuit)

v.23 Plaies du brouillard sanguinolent


- « plaies de brouillard » : d'autant plus trompeuses avec la métaphore des plaies qui disent de
façon consécutive le résultat douloureux d'un amour fondé sur l'apparence.
- « plaies de brouillard » : métaphore des feux des façades, personnification de la rue qui brûle
et qui saigne, décor qui participe de la douleur du mal-aimé, décor presque allégorique du
mal-aimé
- « sanguinolent » : symbolisme du rouge autant ici de l'amour que du sang, un sang d'origine
malsaine, métaphore entre sublime et presque grotesque dans son caractère horrible

v.24 Où se lamentaient les façades


- « façades » : répétition à la rime, insistance sur l'idée de façade
- « se lamentaient » : personnification de ses façades, le décor prend vie, imaginaire et rêve de
pair
- « se lamentaient » : écho au genre littéraire de la « lamentation » qui chante le regret et le
deuil, celui de son amour mais qui chante aussi la destruction d'une ville. Écho donc au livre
des Lamentation, nouvelle référence biblique avec l'Ancien Testament qui évoque la
destruction de Jérusalem
v.25 Une femme lui ressemblant
- « une femme » : 2ème personnage ressemblant à son amour après le voyou, indétermination
de cette femme avec « une »
- « lui » : pronom qui désigne son amour, Annie Playden
- « ressemblant » : polyptote toujours jeu de l'irréel et du faux amour
Suite à la strophe suivante où la femme évoquerait une prostituée, nouvelle figure semblable à
l'amour dont l'apparence témoigne de sa corruption et annonçant le rejet final de ce faux
amour...

Conclusion

Faites une proposition.

Vous aimerez peut-être aussi