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Pièce de théâtre de Marivaux, représentée pour la première fois en 1737 à la Comédie Italienne, Les
Fausses Confidences mettent en scène Dorante, un jeune homme sans bien, ruiné qui devient l’intendant
d’Araminte, une femme fortunée, dont il est éperdument épris. Dubois, son ancien valet et
complice, désormais au service d’Araminte, intrigue, orchestre stratagème sur stratagème afin qu’Araminte
devienne sensible à Dorante et qu’ainsi Amour triomphe. Araminte sait la passion de Dorante à son égard
depuis la confidence de Dubois à l’acte I, scène 14 et dans la scène 13 de l’acte II sous couvert auprès de
Dubois d’avoir un prétexte pour le renvoyer cherche à lui faire déclarer sa flamme en lui tendant un piège.
Lui faisant croire qu’elle va épouser le comte, elle lui dicte une lettre afin d’observer ses réactions qui ne
peuvent manquer selon elle de le trahir. Comment Araminte s’essaie-t-elle à l’art de la fausse confidence
dans ce stratagème pour éprouver un Dorante troublé ? Nous observerons dans un premier temps la mise en
place du stratagème d’Araminte (l.1.18) puis nous nous concentrerons sur l’écriture de la lettre et ses
répercussions sur Dorante (l.19 à 35).
ARAMINTE. − […] car toute réflexion faite, je suis déterminée à épouser le Comte.
Araminte comme instigatrice du stratagème. Piège annoncé à Dubois qui se réalise.
Résolution affichée : « toute réflexion faite » participe passé dit l’aspect accompli et état résultant comme
conséquence, décision réfléchie et irrévocable « déterminée ».
ARAMINTE. − Oui, tout à fait résolue. Le Comte croira que vous y avez contribué ; je le lui dirai même, et
je vous garantis que vous resterez ici ; je vous le promets. (À part.) Il change de couleur.
Champ lexical de la détermination : « oui » confirmation + redoublement avec « tout à fait » locution
adverbiale qui marque le renforcement « résolue » + usage du futur qui pose comme certain
verbe « croira » : rappel du faux stratagème adressé au Comte alors qu’il vise en fait Dorante, c’est Dorante
qui croit ici. Mise en avant du Dorante pour accentuer son rôle dans la réalisation du mariage : cruauté,
instrument de son propre malheur. Véritable préoccupation d’Araminte dans l’aparté, « Il change de
couleur » efficacité du stratagème.
ARAMINTE, d’un air délibéré. − Il n’y en aura aucune, ne vous embarrassez pas, et écrivez le billet que je
vais vous dicter ; il y a tout ce qu’il faut sur cette table.
Jeu d’Araminte qui se dévoile dans la didascalie, air comme masque, rôle, elle feint, sa posture est étudiée,
suit son plan. Mise à l’épreuve de Dorante. Verbes à l’impératif qui rappellent implicitement son statut et la
relation qui les unit, hiérarchique et professionnelle. Fossé social infranchissable. Elle est la maîtresse,
ascendant social. Négation totale qui exclue Dorante de toute autre préoccupation que matériel, qui ne le
regarde pas et inscription des objets soit le champ d’action de Dorante. Défense de l’émotionnel donc
exclusion et ramené avec ordre du matériel.
ARAMINTE, à part, pendant qu’il se place. − Il ne sait ce qu’il fait ; voyons si cela continuera.
Aparté révèle l’observation de Dorante avec l’emploi du pronom « il », plus dialogue et la perception du
trouble de celui-ci, dit aussi la volonté d’Araminte de pousser le stratagème avec la valeur projective du
futur et l’hypothétique « si »
ARAMINTE, allant elle−même. − Vous n’en trouvez point ! En voilà devant vous.
Reprise de la phrase de Dorante qui marque l’incrédulité, jeu d’Araminte avec exclamatif. Phrase averbale
avec caractère de présentatif, désigne, montre l’instrument du désespoir de Dodo.
ARAMINTE. − Écrivez. Hâtez-vous de venir, Monsieur ; votre mariage est sûr… Avez-vous écrit ?
Impératif, ordre « écrivez ». Possible double sens ici avec 2ème impératif « hâtez-vous » qui peut donc
s’adresser aussi bien au compte qu’à Dorante lui demandant ainsi de confesser son amour. Distinction
trouble car aucun référentiel. Réalité extra linguistique qui permet de voir Dorante comme le destinataire de
ce message (déictique et cataphorique). Plus double énonciation (faire une fiche sur la double énonciation au
théâtre) mais triple ! Point de suspension en une aposiopèse qui dise le trouble d’Araminte elle-même, doute
du procédé. Question cruelle pour titiller Dorante !
ARAMINTE. − Vous ne m’écoutez donc pas ? Votre mariage est sûr ; Madame veut que je vous l’écrive, et
vous attend pour vous le dire. (À part.) Il souffre, mais il ne dit mot ; est-ce qu’il ne parlera pas ? N’attribuez
point cette résolution à la crainte que Madame pourrait avoir des suites d’un procès douteux.
Réprimande avec le type interrogatif négatif. Fausse interrogation, Dorante trop intéressé par le sujet pour ne
pas écouter. Répétition qui renforce la souffrance de Dorante et son trouble ce que recherche Araminte pour
le pousser à se déclarer. Verbe de volonté « veut » détermination d’Araminte qui participe à ancrer le
trouble. 3 occurrences de « vous », souffrance exacerbée, parallélisme entre les 2 propositions coordonnées
qui doublent l’énonciation du message et la douleur de Dorante.
Aparté : décalage car double jeu, aparté trahit les vrais sentiments d’Araminte, le doute avec interrogative
négative presque question rhétorique (savoir énoncif et énonciatif au plus fort). Scène qui se déroule selon 3
perspectives (visibles particulièrement grâce aux apartés), chacune offre une interprétation différente :
dialogue entre les personnages et chacun avec lui-même (et le spectateur) où la vérité se dévoile.
Justification de ce choix en excluant l’idée de mariage intéressé, mariage d’affaire avec la négation totale et
et le conditionnel + l’adjectif péjoratif « procès douteux »
DORANTE. − Je vous ai assuré que vous le gagneriez, Madame : douteux, il ne l’est point.
Dorante regimbe. Changement de posture avec verbe de certitude et de victoire. Contestation avec
antéposition de « douteux » pour le mettre en valeur puis le nier avec négation totale.
ARAMINTE. − N’importe, achevez. Non, Monsieur, je suis chargé de sa part de vous assurer que la seule
justice qu’elle rend à votre mérite la détermine.
Locution « n’importe » qui dit le caractère indifférent du propos de Dorante, balayé par ce simple mot. Ne
fait pas cas de son expertise, participe de la dureté d’Araminte à l’égard de Dorante. « achevez », même
possible double interprétation, pourrait demander à Dorante de finir la lettre ou d’enfin se déclarer.
Polysémie de « achevez », elle le tue... Renforcement du rejet du mariage d’intérêt avec l’adverbe « non »
qui récuse de nouveau avec cette autre négation. « la seule justice », adjectif qui singularise et met en
exergue la justice d’Araminte et le mérite du comte (ironie et critique sous-jacente d’une société qui n’est
pas fondée sur le mérite d’où la nécessité de stratagème).
DORANTE, à part. − Ciel ! je suis perdu. (Haut.) Mais, Madame, vous n’aviez aucune inclination pour lui.
Interjection avec exclamatif « Ciel » dit le désespoir absolu, en appelle à une autorité supérieure. Passé
composé comme action faite, sonne le glas.
Opposition avec la conjonction de coordination « mais ». Déterminant négatif, quantification nulle
« aucune ».
ARAMINTE. − Achevez, vous dis-je… Qu’elle rend à votre mérite la détermine… Je crois que la main
vous tremble ! vous paraissez changé. Qu’est−ce que cela signifie ? Vous trouvez-vous mal ?
Répétition du « achevez », caractère implacable d’Araminte, nouvel impératif. Répétition des qualités du
comte et de sa détermination, souffrance de Dorante à travers sa réaction. Verbes modaux « je crois »,
« vous paraissez ».
ARAMINTE. − Quoi ! si subitement ! cela est singulier. Pliez la lettre et mettez : À Monsieur le Comte
Dorimont. Vous direz à Dubois qu’il la lui porte. (À part.) Le cœur me bat ! (À Dorante.) Voilà qui est écrit
tout de travers ! Cette adresse-là n’est presque pas lisible. (À part.) Il n’y a pas encore là de quoi le
convaincre.
Le cœur me bat ! : signe du trouble, de l'émoi en aparté qui révèle ses véritables sentiments
Voilà qui est écrit tout de travers ! Cette adresse-là n’est presque pas lisible. : critique de Dorante avec mise
en avant avec présentatif et syntagme adverbiale de manière qui décrit la faute, renforcé par « tout ».
Exclamation qui renforce cette réprimande de la maladresse de Dorante, image du valet empoté qui remplit
mal ses fonctions. Effet comique de cette réprimande pour le lecteur.
Trouble de Dorante à travers la manifestation physique de l’écriture
DORANTE, à part. − Ne serait-ce point aussi pour m’éprouver ? Dubois ne m’a averti de rien.