Fiche de révision n°13 : Marivaux, Les Fausses Confidences, 1737

Acte II, Scène 13

Introduction :
L'auteur : voir fiche n°11
L’œuvre : voir fiche n°11
Le texte : scène 13 de l'Acte II
Suite à tous les stratagèmes de Dubois, Araminte dit à Dubois : « J’ai envie de lui tendre un piège »,
en parlant de Dorante. Ce piège a pour but de pousser Dorante à révéler ses sentiments à son
égard. Pour ce faire, elle lui ordonne de rédiger une fausse lettre en son nom à destination du
Comte Dorimont, un rival de Dorante, lui signifiant qu'elle désire se marier à celui-ci. Araminte, au
départ cible des stratagèmes, devient ici manipulatrice à son tour.
La double énonciation est essentielle dans cette scène : il y a 2 destinataires (le public et l’autre
personnage) => rôle des nombreux apartés. C’est une scène galante, de sentiments vifs sont
cachés sous le vernis d’un échange hiérarchisé, professionnel => effet comique.

Lecture expressive du texte : Souligner l’autorité d’Araminte et la détresse de Dorante ; ne pas lire
les didascalies mais en tenir compte dans l’intonation.

Projet de lecture : Quels sont les objectifs et les effets du stratagème d’Araminte dans cette
scène ?

Étapes du texte / Principaux Relevés significatifs. Interprétation.

arguments.

Première étape (lignes 1 à

13) : « ne vous embarrassez pas » Marivaux surprend les attentes du
« écrivez » spectateur par la mise en scène d'une
Araminte initie son Impératif relation hiérarchisée entre Dorante et
stratagème et débute la mise Araminte au lieu d'une galanterie
à l'épreuve de Dorante, amoureuse.
qu’elle traite ici comme son
intendant (relation « Hé! Pour qui, madame ? » L'attitude troublée de Dorante est une
hiérarchique). interjection de Dorante. fois de plus mise en avant. De plus le
question ouverte (interrogation spectateur est conscient qu'Araminte
partielle). lui a déjà expliqué que le destinataire
de la lettre est le Comte Dorimont, ce
qui ajoute un effet comique à la scène.

« Pour le comte, qui est sorti d'ici
extrêmement inquiet, et que je
vais surprendre bien
agréablement »
La citation prise au premier degré est
extrêmement défavorable et
attristante pour Dorante. Pourtant,
Araminte parle en réalité, à travers le
comte, de Dorante de façon implicite
et trop subtile pour que celui-ci s'en
rende compte.

« par le petit mot que vous allez lui La présence d'une litote atténuant le
 écrire en mon nom »
Petit : litote de la part d'Araminte. différence de points de vue des deux
Futur proche : valeur d’ordre
« Eh ! Vous n'allez pas à la table ! A Araminte décide de hausser le ton afin
quoi rêvez-vous ? »
Interjection
Interrogation ouverte et ironique
« toujours distrait. Oui, madame. » La réponse décalée de Dorante
Didascalie
« à part, pendant qu'il se place. Il
Apartés à l’origine du ne sait ce qu'il fait ; voyons si cela L'aparté d'Araminte rappelle sa mise à
comique (double continuera. »
énonciation)
« Ah ! Dubois m'a trompé. »
Aparté de Dorante.
« Êtes-vous prêt à écrire ? »
Question fermée à valeur d’ordre
« Madame, je ne trouve point de
papier. »
« Vous n'en trouvez point ! En
voilà devant vous. »
Ironie
Lignes 7-13
Stichomythies : ensemble de
plusieurs courtes répliques qui
s'enchaînent.
Deuxième étape (lignes 14 à « Écrivez »
32) : Formule impérative.
Épreuve amoureuse pour les « Hâtez-vous de venir, monsieur ;
deux personnages. votre mariage est sûr... »
Double énonciation.
Le texte de la lettre
propos accentue en réalité la
personnages sur la rédaction de la
lettre, celle-ci paraissant négligeable et
simple pour Araminte mais terrible
pour Dorante.
de forcer Dorante à accomplir la tâche
qui lui incombe.
associée à la didascalie traduit le
trouble persistant de celui-ci par la
double énonciation.
l'épreuve de Dorante.
Inversion soudaine de situation
rappelant que Dorante manipule
Araminte depuis le début de la pièce
alors que cette fois-ci, il se croit
trompé. Le spectateur connaissant la
vérité, sait que Dorante se trompe. De
plus, cette citation rappelle que
Dubois est le maître, le principal
stratège de cette pièce.
Araminte n'entend pas l'aparté de
Dorante et ne laisse aucune
échappatoire à la cible de son
stratagème en adoptant un rythme
effréné.
Dorante est humilié et donne l'image
d'un incapable.
Araminte adopte une attitude ironique
et moqueuse à travers son rôle de
supérieure.
La scène prend ainsi un rythme rapide
de comédie qui accentue la détresse
de Dorante.
La citation est à double sens. Au
premier degré, prise de façon explicite
(comme le fait Dorante), Araminte
s'adresse au comte à travers son
prétendument adressée au
comte est à double sens : en
réalité, Araminte cherche à
faire parler Dorante à propos
de ses sentiments pour elle.
Le stratagème entraîne la
souffrance de Dorante et
révèle une certaine cruauté
chez Araminte.
Dorante trahit ses sentiments « Douteux ! Il ne l'est point. »
sans toutefois se déclarer
clairement.
« Avez-vous écrit ? »
Question à valeur d'ordre.
« Comment, madame ? »
« Vous ne m'écoutez donc pas ? »
Question fermée, avec insistance
de la conjonction
« Votre mariage est sûr ; madame
veut que je vous l'écrive, et vous
attend pour vous le dire ».
Allitération en [v]
« Il souffre, mais il ne dit mot »
Aparté d'Araminte.
Mais : conjonction de coordination
à valeur d’opposition.
« est-ce qu'il ne parlera pas ? »
Aparté d'Araminte.
Question rhétorique.
« N'attribuez point cette résolution
à la crainte que madame pourrait
avoir des suites d'un procès
douteux. »
Impératif
Douteux : adjectif dépréciatif.
Exclamation associée à une
formulation emphatique (mettant
en évidence l'adjectif).
« N'importe, achevez. »
Mode impératif.
intendant en lui dictant le message
voulu. Mais de façon implicite,
Araminte parle en réalité à Dorante
lui-même et cherche à lui le pousser à
déclarer ses sentiments.
Araminte voit que Dorante ne
commence toujours pas à écrire et le
bouscule de façon volontaire afin de la
faire sortir de sa torpeur.
Dorante est perdu, paniqué, incapable
d'agir.
Dimension cruelle de la part
d'Araminte. Celle-ci insiste pour que
Dorante comprenne le message.
Araminte insiste un fois de plus pour
faire passer son message à double
sens.
La fausse confidence entraîne ici la
souffrance. De plus, la présence de la
conjonction « mais » met en évidence
le fait que le stratagème ne fonctionne
pas.
Les doutes commencent à faire surface
chez Araminte.
Araminte écarte ici l'hypothèse d'un
mariage d'affaire pour se tourner vers
le mariage d'amour. Le lien peut être
fait par le spectateur avec sa relation
envers Dorante, celui-ci étant
beaucoup plus bas qu'elle dans
l'échelle sociale et ne lui apportant par
conséquent rien sur le plan financier.
Dorante rejette les arguments
d'Araminte et conteste la décision de
cette dernière.
Araminte joue à nouveau un rôle
autoritaire, sûre d'elle. De plus la
citation est à double sens : le verbe
« achevez » signifiant de façon
explicite « continuez à écrire » mais
implicitement pouvant aussi vouloir

« La seule justice qu'elle rend à
votre mérite la détermine. »
« (A part) Ciel ! je suis perdu. »
Aparté de Dorante, ton tragique
« Mais, madame, vous n'aviez
aucune inclination pour lui. »
Conjonction de coordination à
valeur d’opposition
Verbe conjugué à l'imparfait de
l'indicatif.
« Achevez, vous dis-je. »
Mode impératif.
Présence d'une proposition incise
(inversion sujet-verbe).
« Je crois que la main vous
tremble ; vous paraissez changé. » l'état de Dorante et réalise sa
Didascalie interne.
« Vous trouvez-vous mal ? »
« Je ne me trouve pas bien,
madame. »
Litote
« Quoi ! Si subitement ! Cela est
singulier. »
Exclamations, phrases brèves.
« Pliez la lettre et mettez »
Mode impératif.
« Vous direz à Dubois qu'il la lui
porte. »
Futur à valeur d'ordre.
dire « parlez maintenant ».
Citation à double sens : d'une part,
Dorante doit rassurer le comte lui-
même au sujet d'Araminte, ce qui
amène une dimension cruelle et
comique à la scène ; d'autre part,
Araminte traduit subtilement sa
considération pour Dorante en tant
qu'intendant par amour.
Le mot « Ciel » fait directement
référence au registre tragique = fait de
prendre le ciel à témoin de son
infortune. Dorante pense ainsi qu'il ne
peut être sauvé, qu’il est condamné à
ne jamais obtenir le cœur d'Araminte.
Contestation de Dorante vis à vis des
propos d'Araminte. Cependant le
verbe « avoir » conjugué à l'imparfait
signifie que les sentiments d'Araminte
ont dû changer selon lui.
La volonté d'Araminte, à ne vouloir
laisser aucun temps de répit à
Dorante, subsiste.
Araminte reste cependant sensible à
souffrance. Pourtant, elle surjoue
volontairement la surprise,
l'inquiétude.
Implicitement, Araminte demande à
Dorante si celui-ci va enfin se décider à
parler.
Dans cette scène où le mensonge est
roi, Dorante dit enfin réellement la
vérité.
Araminte joue de nouveau la surprise
exagérée.
Araminte reprend son rôle de
supérieure hiérarchique.
Légère amertume vis à vis de Dubois
après ses initiatives (cf. ce qui se passe
avant, dans l’acte II).
Le stratagème d’Araminte se
retourne contre elle : non
seulement il s’avère
inefficace, mais il entraîne sa
propre souffrance, après celle
de Dorante.
« (A part) Le cœur me bat ! » Araminte subit les conséquences de
Aparté d'Araminte. son subterfuge, ses sentiments ont
évolué.
« Il n'y a pas encore là de quoi le Déception d'Araminte. Celle-ci se rend
convaincre. » compte que son plan n'a pas
Phrase négative fonctionné.

« Ne serait-ce point aussi pour Dorante vient de se ressaisir et

m'éprouver ? Dubois ne m'a averti regagne en lucidité. D'autre part
de rien. » Dubois est ici dépeint comme le
véritable stratège de cette pièce,
réussissant toujours ses stratagèmes
contrairement à Araminte qui vient de
s'y essayer et goûtant à la souffrance
occasionnée par son stratagème.
Enfin, Dorante met en évidence, par
cette citation, sa situation de
dépendance dans la stratégie de
Dubois, ayant été pris de court sans le
secours du valet rusé.

Synthèse :
− Dans cette scène, Araminte fait écrire une fausse lettre à Dorante afin que celui-ci se déclare
ouvertement. Elle lui fait croire qu’elle a décidé d’épouser le comte Dorimont.
− Cependant, Dorante, sans l’aide de Dubois, souffre mais ne révèle pas clairement son amour pour
Araminte.
− Au final, ce stratagème s’avère comique pour le spectateur, car la double énonciation fonctionne à
plein, mais il est cruel pour les deux personnages, qui souffrent chacun à cause de l’attitude de
l’autre.