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Dissertation : Les Fausses Confidences

I-Objet d’études : Théâtre et Stratagème

-Théâtre :Le théâtre désigne à la fois un texte, un lieu, et surtout leur rencontre : un spectacle.
-Stratagème :le stratègedésigne toute personne se distinguant par son aptitude et son habileté́ à concevoir
des plans qui vont lui permettre de maitriser une situation, et d’en tirer profit. Dans cette perspective, le
stratagème devient une ruse permettant à une personne de parvenir à ses fins.
⇒Le stratagème est un motif récurrent, il est l’un des rouages essentiels de la mécanique de la comédie et
assure incontestablement à l’intrigue une progression dramatique.

-Citation sur le théâtre :


⇒William Shakespeare, Hamlet : "Le théâtre a pour objet d'être le miroir de la nature, de montrer à la
vertu ses propres traits, à l'infamie sa propre image, et au temps même sa forme et ses traits dans la
personnification du passé."
⇒Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, extrait de la préface de Le Mariage de Figaro (1784):
"J'ai pensé, je pense encore, qu'on n'obtient ni grand pathétique, ni profonde moralié, ni bon et vrai
comique, au théâtre, sans des situations fortes et qui naissent toujours d'une disconvenance sociale dans
le sujet qu'on veut traiter".

II-Bilan Les Fausses Confidences


-Contexte d’écriture :
En effet, Marivaux en particulier se libère de la tradition de la comédie de Molière en élaborant une
formule nouvelle de théâtre comique : analyse nuancée de sentiments, dénonce la hiérarchie sociale,
L’enjeu de la pièce est par ailleurs de faire émerger la vérité…

-Cette pièce met en oeuvre divers procédés et stratagèmes, qui rendent le véritable sens de cette dernière
difficile à saisir. En réalité, le masque n’est jamais totalement levé sur le réel et toutes les pistes de
lecture restent ouvertes. En ce sens, on peut affirmer que caractère fuyant, sans cesse en mouvement, de
la pièce tient à son ambiguïté fondamentale entre l’être et le paraître, car peut-être est-ce l’essence-
même du marivaudage : un art du trompe-l’œil, où, dans un jeu infini de reflets entre le vrai et le faux, la
réalité n’est plus discernable du mensonge.

III-Théâtre et stratagème dans les FC


-Dubois, un génie manipulateur
⇒Dubois a recourt à la rhétorique : Il va pour cela employer le double discours, qui est une forme de
demi-vérité.Par exemple, dans la scène 13 de l’acte I, Dubois, à l’aide d’un discours critique, faire naître
l’intérêt qu’a Araminte pour Dorante. De plus, il va user des sous-entendus. Ce jeu de langage va permettre
à la pièce d’être riche en quiproquos.
⇒L'assurance de Dubois est irrésistible: il annonce à l'acte | scène 2 ce qui va se dérouler : « je sais votre
mérite et on vous aimera, toute raisonnable qu'on est ; on vous épousera, toute, je sais mes talents, je
vous conduis ». L’expression « je vous conduis » est celle d’un metteur en scène qui pilote ses personnages
et qui n'hésite pas à utiliser l'impératif comme un maître du jeu.
⇒Il perçoit la préciosité d'Araminte et sait que le stratagème du portrait — qui est un code amoureux de la
préciosité comme dans La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette — ne peut qu'être gagnant.
⇒ Dorante, à Dubois, I, 1 : « Tu m’as servi, je n’ai pu te garder (...) malgré cela, il t’est venu dans l’esprit de
faire ma fortune. »
-Conclusion

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L’intrigue de la Fausse Confidence tourne donc autour d’un stratagème mis en place par Dubois, un génie
manipulateur. Ce stratagème est mis en œuvre sous forme de fausses confidences, des demi-vérités qui
vont permettre au développement de l’histoire. Ils sont ainsi utilisés comme moyen pour dévoiler les
sentiments des personnages et aboutir au mariage d’Araminte et de Dorante. Ce thème est récurant chez
Marivaux comme dans sa pièce Le Jeu de l’amour et du hasard, où Sylvie et Dorante, destinés à se marier,
mettent en œuvre séparément un stratagème pour dévoiler la vrai nature des sentiments de l’autre
Mais En fin de compte, le vrai stratagème est celui qu'utilise Marivaux pour concevoir une pièce complexe
dans laquelle la vérité se dérobe tout le temps.
-Citations
⇒Alain René Lesage, Crispal rival de son maitre (1707), Scène 1
Le stratagème est que Crispin demande conger a son maitre, Valère, pour convoiter Angelique soit la
femme que Valère aime=vengeance.
⇒Edmond Restand, Cyrano de Bergerac (1897)
Christian et Cyrano sont amis mais l’un à l'éloquence et l'autre la beauté. Roxane est la cousine de Cyrano :
sa laideur l'empêche d'avouer ses sentiments. Cependant il aide Christian à se rapprocher d'elle d’où le
stratagème : il écrit ses lettres à sa place.
⇒Madame Argante, I, 10, à Dorante : « C’est moi qui suis sa mère, et qui vous ordonnede la tromper à son
avantage. »
⇒ Marton : « monsieur le Comte me fait présent de mille écus le jour de la signature du contrat. »

IV-Le Comique dans les FC


-Le stratagème est un ressort comique : crée des situations comiques (de mots, de caractère,
quiproquos, double énonciation…)
⇒Acte II, scène 9 : la boîte contenant le portraitd’Araminte: Marton pense que c'est son portrait.
« Eh bien madame, voilà bien du bruit ! C’est mon portrait »
⇒On pense à d’autres scènes dans lesquelles les stratagèmes s’entrecroisent chez Molière comme dans
L’Avare (V, 3) ; quiproquo qui provoque l’aveu de Valère et la colère d’Harpagon, ou celle de L’école des
femmes (II, 5) qui provoque la déception d’Agnès, réjouie à l’idée d’épouser Horace et non Arnolphe.

-Le spectateur en sait davantage


⇒Acte II, scène 13 : Araminte oblige Dorante a écrire la lettre au compte.
⇒Acte IV, scène 11 Lorenzaccio : le spectateur savait d’emblais que Lorenzo avait pour attention de tuer le
compte

V-Vérité et mensonge dans les FC


Le stratagème, qui repose initialement sur une forme de tromperie, permet l’émergence de la vérité des
sentiments. Dubois se comporte tel un metteur en scène : il orchestre les interactions entre les différents
protagonistes de l’histoire. Il incarne en effet le valet d’intrigue, un personnage classique de la Comedia
dell’arte (genre théâtral d’origine italienne né au XVIe siècle, reposant sur l’improvisation d’acteurs
souvent masqués. Ingéniosité, naïveté, ruses et travestissements en sont les principaux éléments), qui
utilise sa ruse et son intelligence pour servir la passion de son maître.
⇒ Dorante I, 1 : « Je l’aime avec passion, Dubois, et c’est ce qui fait que je tremble. »
Même affirmation III, 1 : « Songe que je l’aime, et que, si notre précipitationréussit mal, tu me
désespères.»
⇒Dubois à Araminte, I,14 parlant de Dorante : « Il y a six mois qu’il est tombé fou ; il y a six mois qu’il
extravague d’amour, qu’il en a la cervelle brûlée. »Ou, dans la mêmescène : « Hélas, Madame, ce fut un
jour que vous sortîtes de l’opéraqu’il perdit la raison ; c’était un vendredi, je m’en ressouviens, oui, un
vendredi. »

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V-Représentation de la société dans les FC
-Une société hiérarchisée
L’œuvre dresse le portrait d’une société hiérarchisée représentée à travers des personnages (au temps de
Marivaux, la société était divisée en 3 classes, le clergé, la noblesse, et la troisième classe à laquelle
appartenait la bourgeoisie).
En effet à travers les fausses confidences il dresse la satire d’une société obnubilée par l’argent et les rangs
sociaux, les personnages sont systématiquement considérés selon leur rang et leurs fortunes
⇒Madame Argante, I, 10 : « Je serai charmée moi-même d’être la mère de madame la
Comtesse Dorimont. (...) [Araminte] ne sent pas le désagrément qu’il y a à n’êtrequ’une bourgeoise. »
⇒Le Comte, II, 4 : « s’il ne faut que de l’argent pour le mettre dans nos intérêts, je nel’épargnerai pas. »
⇒Dorante (I ,2) précise qu’Araminte « a plus de cinquante mille livres de rente »
⇒Géronte, Les Fourberies de Scapin, III,2 : « Tu en seras récompensé, je t’assure ; et je te promet cet habit-
ci, quand je l’aurai un peu usé » = Un habit contre un service, tirer de sa peine

-Relation maitre-valet
Dans les Fausses Confidences de Marivaux, les valets ont une relation particulière avec leurs maîtres.
Malgré le fait qu’ils soient parfois remis à leur place, ils entretiennent une amitié avec leur employeur.
⇒Dorante dans l’acte 1 scène 2 « Je l'aime avec passion, et c'est ce qui fait que je tremble !»
⇒Le mariage de Figaro, Acte II, scène 1 : La comtesse « conte moi tout dans le plus grand détails »

Marton nous est présentée comme une femme fidèle àAraminte. Cette dernière s’adresse à elle comme à
une amie. Mais au final Marton se révèle comme étant un personnage relativement opportuniste. Elle aide
madame Argante à concrétiser le mariage d’Araminte avec le Conte Dorimont. Or une réelle amie aurait
plutôt pris le parti d’Araminte qui ne souhaite en aucun cas se marier avec le conte mais gagner ce procès.

Dubois est l'ancien valet de Dorante mais malgré le dézargantement de son ancien maître il reste fidèle à
lui Dorante et l’intendant d’Araminte nous pouvons donc considérer que ses deux personnage ont le
même statut social mais malgré cela Dubois continue d'utiliser du vocabulaire de respect envers son
ancien maître et on peut rajouter que Dubois continue de servirDorante malgré leur statut assez similaire
en l'aidant à conquérir le coeur d'Araminte mais nous pouvonssentire l'inversement maître valet (Acte I,
scène 2)

VI-L’image de l’homme et de la femme dans les FC


-L’image de la femme
Araminte est un personnage assez indépendant, tout d’abord juridiquement car à l’époque le veuvage
était sous l’ancien régime, le seul cas ou une femme , quelque soit son âge, était libre de disposer de ses
biens et de sa personne.Fortement attaché à son indépendance, cette dernière apparaît comme étant une
femme forte, une femme du monde calme tranquille, très raisonnable et semble solide et imperturbable.
En épousant Dorante, elle accepte un certain déclassement social, ce qui prouve la sincérité de son amour.
⇒Cependant cette pièce marque une nouvelle ère, c’est une pièce dans laquelle les femmes ont le pouvoir
de décision chose peu commune à l’époque.
Dans la scène 18 de l’acte III, Araminte annonce à Madame Argente et le Compte Dorimont sa décision
d’épouser Dorante. En prenant cette décision, elle s’oppose à la volonté de sa propre mère qui elle
souhaite qu’elle épouse le Compte pour intégrer la noblesse.

Ces dernières se sont faites manipuler a de nombreuses reprises. Prenons l'exemple de Marton. Celle-ci se
fait tromper dans un premier temps par Dorante qui lui a fait croire à un amour inexistant puis dans un
second temps manipuler par Madame Argente qui elle lui a promis une belle somme d’argent pour

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convaincre Araminte d’épouser le Compte. Ou encore l’exemple d'Araminte qui se fait manipuler tout au
long de la pièce par Dubois et Dorante.
⇒Monsieur Rémy, I,4 : « On ne prend pas garde à tout. Savez-vous ce qu'il me dit la première fois qu'il
vous vit ? Quelle est cette jolie fille-là ? (Marton sourit.) »

On constate également que durant cette pièce, presque tous les personnages usent de stratagème. Grand
nombre de ces stratagèmes ont échoués notamment ceux ayant à leurs tête une femme. Araminte ne
parvient pas à faire avouer Dorante ses sentiments en lui faisant écrire une lettre affirmant qu’elle allait
épouser le compte (Acte II, scène 13)ainsi que madame Argente qui quant à elle échoue dans son
stratagème ayant pour but de convaincre Araminte d’épouser le compte.

-L’image de l’homme
A cette époque, l’homme avait un statut social privilégié a la femme.Nous remarquons que cette pièce ne
reflète pas cette réalité et pouvons-nous appuyer sur le fait qu’Araminte soit plus ou moins une femme
d’affaires indépendante. On peut dire, alors, que les rôles sont inversés.

VII- L ’amour dans les FC


-Restriction social
Dans les fausses confidences, on peut voir des limitations sociales liées à l’amour.Le mariage est avant
tout un acte social auquel on doit se soumettre pour améliorer sa condition. Par exemple, on peut
prendre le projet de mariage de la mère d’Araminte avec le Comte pour l’intérêt d’obtenir les terres et le
titre de noblesse.Marivaux fait la satire d’une société obsédée par l’argent et le statut social. Il souligne
que le mérite n’est pas lié au statut social, en effet le valet Dubois est le seul qui ait une réelle influence
sur le sort des personnages de cette œuvre.
⇒Madame Argante, I, 10 : « Je serai charméemoi-même d’être la mère de madame la
Comtesse Dorimont. (...) [Araminte] ne sent pas le désagrément qu’il y a à n’êtrequ’une bourgeoise. »
⇒Le jeu de l’amour et du hasard, I,7 : « j’ai fait serment de n’aimer sérieusement qu’une fille de
condition »

-Un amour contrôlé


L’amour romantique est d’habitude un sentiment inattendu : il apparait spontanément, c’est quelque
chose dont on ne s’y attend pas vraiment et ça pour les 2 personnes concernés. Mais ceci n’est pas le cas
dans les fausses confidences ; en effet, l’amour est planifié et il représente le résultat d’un stratagème.
⇒Dubois, I, 1 : « Quand l’amour parle, il est le maître et il parlera (...). L’amour et moinous ferons le reste.
»

-Le marivaudage
Le marivaudageest alors l’alliance d’un thème – la naissance de l’amour – et d’un style : le mélange de
préciosité et de familiarité. Cette expression révèle aussi tous les obstacles qui se mettent en travers de
l’amour. On retrouve dans Les Fausses Confidences les formes traditionnelles du comique qui provoquent
chez le spectateur un rire franc, comme le comique de mots (sur le verbe « donner », mal compris par
Arlequin, I, 8) ou le comique de situation (Dorante se retrouve en un instant fiancé à Marton à cause de
Monsieur Remy.

VIII-La modernité dans les FC


-Une plume moderne
En effet, il renouvelle le genre de la comédie en explorant une nouvelle forme littéraire, oscillant entre la
farce et les situations galantes.Il injecte alors dans son œuvre cette expressivité via de nombreux
comiques de gestes tels qu’au dénouement où Dorante supplie Araminte en « se jetant à ses genoux » (III,
4
12) ou des jeux sur les mots « Votre bonne mine est un Pérou » (I,2). Les didascalies, comme « d’un air vif »
(II, 12) prennent plus d’importance, donnant davantage de vivacité au jeu des acteurs, loin des
représentations de la comédie classique qui se limitait à un jeu dogmatique.

Les dramaturges classiques à l’instar de Molière faisaient intervenir des personnages aux sentiments
déjà formés comme dans Les Fourberies de Scapin où Léandre est dès le départ amoureux de Hyacint, à
l’inverse des FC où Marivaux a développé l’idée novatrice que l’amour pouvait mûrir, mettre du temps à
éclore, et surprendre aussi bien le lecteur que le personnage.

-Une intrigue moderne


Il est possible de considérer que par la façon dont la pièce fait gagner l'amour, et par conséquent le
mensonge, sur la page du gain, l'intelligence sur l'ambition aveugle ; et la façon dont elle fait d'une
femme est la proie de tous les désirs en dépit de la sincérité amoureuse, elle annonce avec amusement
les grands traits du libertinage qui occupera la littérature de la seconde moitié du siècle. Ce qui se
distingue et s’éloigne des pièces de Molière du fait que Les Fausses confidences ne rentre pas dans le cadre
du castigatriendo mores(=on corrige les coutumes en se moquant d'eux).

Nous noterons ici que par le biais de madame Argante, Marivaux fait une mise en abîme de la querelle
entre anciens et modernes et retranscrit le contexte social de son époque. En effet, Marivaux s'en prend
à l'ambition nobiliaire d'une bourgeoisie qui se croit supérieure aux autres et dénigres Dorante à qui elle
attribue des "petites réflexions roturières" (I, 10). Elle représente la frange classique obsédée par les
réflexions archaïques et le mariage d’intérêt.
Marivaux scelle comiquement la défaite de la ridicule rigidité de la mère face à l'adaptabilité pétillante
et habile du valet qui a agi comme un père adoptif de Dorante, donnant au valet un rôle prédominant et
contrôlant. Marton a également une relation amicale avec Araminte, ce qui témoigne d’une relation
maître-valet renouvelée, par rapport à la supériorité des maîtres dans la comédie classique.

-Siècle des lumières


La modernité des Fausses Confidences se caractérise aussi par son influence du mouvement des Lumières
avec des idées plus révolutionnaires et innovantes. En effet, Marivaux s’oppose à l’idée que la richesse
puisse définir une personne, ce qui est symbolisé dans la scène d’exposition par Dubois qui refuse de
considérer que la rente très faible de son ancien maître puisse constituer un obstacle insurmontable à
leur union.

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