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Explication : Parcours « Spectacle et comédie ».

Marivaux, Les Fausses Confidences (1737)

Le XVIIIsiècle est marqué par le courant philosophique des Lumières qui se


réclament d'un nouvel Humanisme et refusent de se référer à la religion pour expliquer le
monde. Ces intellectuels luttent contre toutes formes d'obscurantisme, prônent la raison et
dénoncent les inégalités que sont l'esclavage ou les privilèges de naissance, un ordre
social injuste. Marivaux est un dramaturge, journaliste et romancier appartenant à ces
esprits éclairés (comme Beaumarchais ou Voltaire) qui s'efforceront de mettre en exergue
les inégalités entre les différentes classes sociales. Il traite par exemple de l'esclavage
dans L’Île des esclaves (1725). Sa comédie en prose et en 3 actes intitulée Les Fausses
Confidences parue en 1737 met en scène Dorante, un jeune noble désargenté qui s'
introduit en tant qu'intendant chez une jeune et riche veuve, Araminte. Son ancien valet
Dubois, invente un stratagème pour qu'il puisse la séduire: elle est à son goût et il pourrait
redevenir riche en l'épousant. L'extrait se situe à la scène 14 de l'acte I et constitue un
dialogue entre Dubois et Araminte. Celui-ci a précédemment prétendu vouloir
démissionner car il ne voulait pas voir ce fou de Dorante. Ici, dans une fausse confidence
il révèle à la jeune femme que son maître l'aime pour éveiller sa curiosité et son intérêt.

Lecture à voix haute

Problématique : Comment le personnage du valet utilise-t-il un stratagème pour


servir les intérêts de son ancien maître ?

Plan
Mouvement 1 : Semer le trouble chez Araminte : un démon (L 1 à 8).
Mouvement 2 : Description de la passion (L 9 à 24)
Mouvement 3 :La révélation : l'objet de l'amour (L 25 à la fin)

Mouvement 1 : Semer le trouble chez Araminte : un démon (L 1 à 8).

• S’ouvre sur une phrase avec présentatif soulignant la relation entre Araminte et
Dorante : « C’est Monsieur Remy qui me l’a envoyé pour intendant »(l1)= une
relation professionnelle garantie par M.Rémy.
+ « intendant »= Dorante est d’une classe sociale inférieure à celle d’Araminte,
c’est un bourgeois.
• Phrase exclamative avec répétition du terme « intendant » : « Lui, votre
intendant ! »(L2)= Dubois feint la surprise pour créer de l’inquiétude chez Araminte
+ pronom personnel « lui » =emphase, mime l’étonnement, suggère que Dorante
ne peut être l’intendant d’Araminte. Cela donne l’impression que Dorante n’est pas
respectable.
+ comique de situation : Dubois sait que Dorante est son intendant = il manipule sa
maîtresse.
• Interjection « hélas ! »(l2) = vocabulaire tragique, Dubois paraît désolé de la
situation, toujours une volonté d’inquiéter Araminte. + comique de caractère :
Dubois est un valet extravagant qui amplifie tout.
• Périphrase : « le bon homme »(l2-3) : désigne M. Rémy en soulignant sa naïveté,
cette dernière est renforcée par la négation « il ne sait pas qui il vous donne »(l3).
• Métaphore hyperbolique : « c’est un démon que ce garçon-là »(l3)= le terme tente
de souligner le caractère maléfique de Dorante = il s’agit d’une ruse pour inquiéter
A. et ainsi attirer l’attention sur le jeune homme.
• Antithèse « démon/ garçon »(l3)= suggère que sous son apparence
honnête, Dorante dissimule des défauts importants.
• Araminte répond par des phrases interrogatives qui soulignent son trouble
«Mais que signifient tes exclamations ? Explique-toi : est-ce que tu le connais ?
« (l4) + l’impératif « explique-toi »= elle se fait pressante, elle veut découvrir la
vérité, elle s’intéresse à Dorante, le stratagème fonctionne. Ce terme prouve aussi
qu’elle lui est socialement supérieure mais ce n’est pas elle qui domine dans ce
dialogue.
• Répétition du verbe « connaître »(L5) : « Si je le connais, Madame ! si je le
connais ! »= il fait durer le suspense, il dramatise.
• Réponse affirmative : « Ah vraiment oui ; et il me connaît bien aussi . »(L5)= le lien
entre les deux hommes est souligné par les 2 adverbes d’intensité et l’adverbe
d’affirmation.
• Interro-négation : « N’avez-vous pas vu comme il se détournait de peur que je ne
le visse ? »= permet d’apporter une preuve à son discours.
• Utilisation du verbe « surprendre : « Il est vrai ; et tu me surprends à mon
tour. »= si elle est surprise par les propos négatifs de Dubois, cela montre qu’elle
avait jusqu’à présent bonne opinion de Dorante.
• Antithèse : Serait-il capable de quelque mauvaise action, que tu saches ? Est-ce
que ce n’est pas un honnête homme ?= doute de la jeune femme qui ne sait plus
qui croire, elle a du mal à cacher son amour naissant.
Conclusion rapide mouvement 1= Le valet Dubois renverse la hiérarchie sociale, il domine
la conversation et tente de servir son maître en attirant l’attention d’Araminte sur Dorante
qu’il présente comme un être inquiétant. Le spectateur est également surpris car rien ne
laissait présager ce stratagème.
Mouvement 2 : Description de la passion (L 9 à 24)

• Hyperbole : « il n’y a point de plus brave homme dans toute la terre »(l9) =
commence l'éloge de Dorante/ décalage avec le mouvement 1 .
• Comparaison hyperbolique : « peut-être, plus d’honneur à lui tout seul que
cinquante honnêtes gens ensemble »(l10)= comique de mots.
• Champ lexical de la valeur morale : « « brave homme »(l9), « honneur »(l10)
« honnêtes gens »(l10), « probité merveilleuse » »(l10)= contraste avec les propos
négatifs précédents= effet de surprise= valet de comédie qui manie avec habileté
les changements de tons ( on passe du blâme à l’éloge).
• Exclamation + 2 interrogatives L12 « Eh ! de quoi peut-il donc être question ?
D’où vient que tu m’alarmes ? »= impatience et émotion d'Araminte renforcée par
les expressions relatives aux émotions « m'alarmes »+ « Toute émue »(l13) = on
comprend qu’elle est émue car elle aime Dorante.
• Emploi du singulier « son défaut » : Dorante n'a qu'un problème, contraste encore
avec le démon.
• Comique de geste dans la didascalie « Il se touche le front »= rappelle les valets
de Molière ou la commedia dell’arte.
• Comique de mots dans la façon d'annoncer le défaut « c'est à la tête que le mal le
tient »(l14) : familier .
• Le comique de mots s'accentue l 16 avec la répétition du terme « timbré » qui est
familier et peu précis.
• Araminte répond par une antithèse « de très bon sens »/ « sa folie »(l17)= cela
montre sa surprise et prouve qu'elle avait bonne opinion du jeune homme.
• Champ lexical du trouble mental : « fou »(l18), « extravague » (l18), « cervelle
brûlée »(l19) , « perdu »(l19 »Dubois révèle l'amour de Dorante à travers la
métaphore de la folie amoureuse.
• Nombreux parallélismes L19 à 21 : effet d’insistance, de répétition, accélération
du rythme qui conclut l’éloge.
• Abondance du pronom « je » à partir de la ligne 19 « je dois bien le savoir, car
j’étais à lui, je le servais ; et c’est ce qui m’a obligé de le quitter, et c’est ce qui me
force de m’en aller »(L20)= retour du stratagème, Dubois feint de vouloir
démissionner à cause de cet amour alors qu'il le sert...
• Négation lexicale : « incomparable» (L21)= paroxysme de l'éloge.
• Didascalie « un peu boudant »= Araminte est elle contrariée de devoir s'en
séparer ? Jalouse ? Ses gestes contredisent ses paroles « il fera ce qu’il voudra ;
mais je ne le garderai pas »(L22)= le futur montre sa résolution de le renvoyer.
• Termes péjoratifs pour désigner la femme aimée « quelque objet qui n'en vaut pas
la peine »(L24-23)= jalousie + façon discrète de se renseigner « je gage »(L23).

Conclusion rapide mouvement 2 : Éloge du maître, effet de surprise, décalage avec le


mouvement 1 qui révèle un valet rusé et extravagant, digne des comédies de Molière.

Mouvement 3 :La révélation : l'objet de l'amour (L 25 à la fin)

• Interjection : « Ah ! Vous m'excuserez » (L25) : Dubois s'exprime avec familiarité,


cela est renforcé par le terme « Malepeste »L25) = valet impertinent de parler ainsi
devant une dame de la haute société.
• Commence alors l'éloge de la femme aimée avec les termes mélioratifs « il n'y a
rien à dire »(L25), « sa folie est de bon goût »(L26).
• Araminte répond de façon contradictoire : le terme « n'importe »(L27) est contredit
par l'interrogation qui suit : « Est-ce que tu la connais, cette personne ? »(L27)
• Langage soutenu crée une rupture avec les expressions familières précédentes «
J’ai l’honneur de la voir tous les jours « (L28) : volonté de créer un effet renforcée
par le présentatif « c'est vous, madame »(L28) = il théâtralise la révélation.
• L'interrogation d'Araminte « Moi, dis-tu ? » marque sa stupéfaction.

Conclusion rapide mouvement 3 := La révélation marque la fin du stratagème de Dubois ,


la fausse confidence (vouloir démissionner ) lui a permis de révéler les sentiments de son
maître.

Conclusion : Dubois apparaît comme un valet de comédie, il domine dans ce dialogue


riche en effets comiques et rebondissements typiques du marivaudage. Ainsi sert-il les
intérêts de son maître en employant un stratagème. Ouvertures possibles : Toinette
déguisée en médecin ou la scène du sac dans Les Fourberies de Scapin de Molière.

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