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1G2 Chapitre 3, LA n°1 – Marivaux, Fausses Confidences, I, 2 (la scène d’exposition)

Présentation de l’œuvre : Titre, date, auteur, genre, de quoi parle la pièce.


Situation du passage : Après une 1ère scène très courte où Arlequin introduit Dorante dans la
maison d’Araminte. Dialogue Dorante / Dubois au sujet de la maîtresse de maison. Scène
d’exposition qui présente les éléments nécessaires à la compréhension de la pièce et dévoile un
début d’intrigue : présentation du personnage qu’il faut séduire et des doutes qui accaparent
Dorante quant à la réalisation de ce projet ; Dubois se révèle quant à lui très confiant et véritable
meneur du jeu.
Problématique : Nous nous demanderons comment cette scène d’exposition nous présente
l’intrigue tout en faisant apparaître Dubois comme un véritable metteur en scène.
1er mvt : lignes 1 à 9, l’obstacle financier
2ème mvt : lignes 10 à 24, les hésitations de Dorante contrastent avec la légèreté de Dubois.
3ème mvt : lignes 25 à 33, Dubois apparaît comme un valet meneur de jeu.

1er mvt (l.1-9) : L’expression d’un obstacle financier

Deux premières répliques de l’extrait portent sur le fait que Dorante n’a pas pu garder
Dubois à son service par manque d’argent uniquement. Dubois rassure son ancien maître, lui
confirme qu’il n’a pas de rancœur, et qu’il comprend que Dorante ne lui offre rien en échange de
son aide. Il le rassure en faisant de lui un portrait très élogieux, voire trop élogieux (on a une
gradation dans la flatterie, jusqu’aux hyperboles « excellent » « j’aime »). On se demande si
Dubois est sincère (mystère sur les véritables intentions de Dubois dès le début de la pièce).
Subordonnée de condition pour imaginer un jour où Dubois serait plus riche : il donnerait son
argent à Dorante (un peu excessif donc un peu louche).
Dorante est touché des compliments de Dubois, et de l’offre imaginaire. Il regrette de ne
pas honorer cette loyauté dans 1 question rhétorique qui montre qu’il est impatient de
pouvoir le remercier. Lui aussi affirme qu’il rémunèrerait Dubois s’il le pouvait (l’argent n’existe
pas mais est évoqué là encore au conditionnel « serait »). Il ajoute n’avoir aucun espoir en leur
plan, et pense être renvoyé dès le lendemain. La négation en « ne...rien » est radicale et
accentue l’absence totale d’espoir chez Dorante.
Longue phrase de Dorante qui fait le portrait d’Araminte en présentant sa situation
sociale et financière, pour expliquer ses doutes è il énumère toutes les qualités sociales
qu’Araminte possède (hyperbole « tout ce qu’il y a de mieux »). Elle est présentée par Dorante
comme celle qui possède un « rang dans le monde », insistant sur sa haute position sociale
et la richesse de son mari qui avait lui-même une position sociale importante.
Avec la question rhétorique il exprime ses doutes sur la probabilité parvienne à la
séduire, doutes qui reposent bien sur la différence importante de richesses et de statut social
entre elle et lui.
Remarquons qu’Araminte n’est toujours nommée et ne le sera pas dans cette scène :
elle n’apparaît que d’un point de vue social, celui de la riche veuve qu’il faut conquérir.
Avec l’expression « moi qui ne suis rien, moi qui n’ai point de bien », Dorante se dévalue en
raison de son absence d’argent. La valeur d’un homme (ce qu’il « est ») dépendrait de ses
finances (ce qu’il « a ») ? C’est ce que semble dire la société française du 18e siècle, et que
regrette Marivaux...
è Dans ce mouvement, l’argent semble ainsi constituer un obstacle conséquent aux projets de
Dorante et de Dubois. Les qualités essentielles d’Araminte sont présentées : veuve, donc libre
d’épouser qui elle veut, et riche, donc un parti enviable, mais bien inaccessible à première vue...
2ème mvt (l.10-24): les hésitations de Dorante contrastent avec la légèreté de Dubois.

Dubois s’indigne des propos de son maître et transforme l’interrogation de Dorante en une
phrase exclamative très courte « point de bien ! ».
Il rebondit sur le terme de la réplique précédente pour faire un jeu de mot sur le mot
« mine » (jeu sur sa polysémie : mine d’or/mine pour visage). On est tout à fait dans le
marivaudage ici (conversation raffinée, spontanée et fine, avec jeux de mots). L’idée de son jeu
de mot est que la beauté de Dorante vaut de l’or : il l’observe avec le « tournez-vous un peu »
où l’on voit avec l’impératif que Dorante n’est plus qu’une marionnette entre les mains de
Dubois. On a aussi un fort effet comique à ce moment où Dubois envisage Dorante comme un
mannequin.
Il loue le physique de Dorante dans un portrait très élogieux: hyperboles « il n’y a point
de plus grand seigneur que vous à Paris » + « taille qui vaut toutes les dignités ».
Les atouts physiques de Dorante donnent à Dubois une assurance très forte quant à la
réussite de leur projet : répétition de l’adjectif très fort « infaillible » (qui ne peut échouer),
même renforcé par l’adverbe de degré « absolument ».
Avec la remarque « je vous vois déjà en déshabillé dans l’appartement de Madame », on
constate à nouveau à quel point l’assurance de Dubois est forte, et on remarque un nouvel effet
comique avec l’image proposée par le valet, de Dorante en tenue légère.
Dorante reste dubitatif face à cet éloge et les perspectives heureuses de Dubois, en
atteste l’exclamative « Quelle chimère ! ». (chimère = illusion)
Mais à chaque doute de Dorante, Dubois répond par une affirmation comme ici avec
l’affirmation redoublée même « Oui, je le soutiens » qui n’admet aucune contradiction. On a
une opposition très nette entre un maître hésitant et un valet très assuré, entre l’expression
du doute chez Dorante et de la certitude chez Dubois, de la crainte affligée chez Dorante et la
légèreté amusée chez Dubois.
Dubois reste dans un registre comique avec ses imaginations fantasmées au présent
de l’indicatif « vous êtes actuellement dans votre salle et vos équipages sont sous la remise ». Il
concrétise à l’oral les rêves de Dorante, avec l’emploi du déterminant possessif « votre salle »
ou « vos équipages ».
Dorante reste soucieux et rappelle la fortune d’Araminte, obstacle majeur et
insurmontable à ses yeux (« plus de cinquante mille livres de rente »), ce à quoi Dubois répond à
nouveau avec légèreté (« soixante (livres) pour le moins »), montrant à quel point pour le valet, la
question financière ne peut constituer un obstacle.
Dorante ajoute un nouvel argument pour justifier ses craintes (« Et » conjonction de
coordination pour effectuer un ajout). Puisque Dubois est sourd aux obstacles financiers, il énonce
le fait qu’Araminte serait quelqu’un qui ne fait pas de folie : « extrêmement raisonnable »,
l’adjectif est renforcé par un adverbe de degré hyperbolique, pour bien montrer qu’il est
impossible qu’Araminte s’intéresse à Dorante car cela ne conviendrait pas à son rang, ce serait
hors norme. Le « tu me dis » renforce l’argument : si c’est de Dubois que Dorante tient cette
information, le valet ne peut pas la réfuter.
On repère le début d’agacement de Dubois face à un ancien maître si craintif, grâce
aux « tant mieux » et « tant pis ». Pour Dubois, la raison n’est pas non plus un obstacle à partir du
moment où la séduction et les sentiments apparaissent : subordonnée de condition « si vous
lui plaisez » dont dépend la résolution heureuse de ce plan énoncée au futur ici
(« débattra », « deviendra » « pourra se soutenir qu’en vous épousant »). Accumulation
d’adverbes d’intensité « si » (x2), « tant », avec les adjectifs « honteuse », « faible » qui
peignent la violence de la passion que Dorante inspirera à Araminte grâce au stratagème de
Dubois. Il s’agit véritablement d’envisager Araminte comme une proie qui sera prise dans des
filets.
Le « qu’elle ne pourra se soutenir qu’en vous épousant » avec tournure restrictive
montre que la victime sera piégée sans recours possible autre que celui proposé par Dubois.
Néanmoins, Dorante, qui pouvait donner l’impression d’être le complice d’un stratagème fait
pour devenir riche, apparaît ici comme un amoureux sincèrement épris d’Araminte, « je
l’aime avec passion, et c’est ce qui fait que je tremble » où son amour apparaît comme la cause
de ses hésitations.
è Dans cet échange, le ton léger qu’emploie Dubois continue de contraster avec le sérieux
des interrogations de Dorante ce qui contribue à donner à la scène un ton enjoué de
comédie où le valet rusé se permet de tenir tête à son (ancien) maître. La relation maître/valet
qu’entretiennent Dorante et Dubois est paradoxale puisque c’est le valet qui donne des
instructions à son maître. Il s’agit toutefois là d’un schéma propre à la comédie classique.

3e mvt (l.25-33) : Dubois apparaît comme un valet meneur de jeu.


Si Dubois apparaît bien comme le valet de Dorante, en atteste le vouvoiement de l’un
auquel réponde le tutoiement de l’autre, c’est bien le valet qui mène le dialogue et définit la
marche à suivre. Il suffit de constater que la longueur des répliques et qui a le dernier mot.
Dubois exprime son désaccord et son impatience à son maitre (interjections
exclamatives) : il garde les traits du valet qui jure (« que diantre ») pour montrer son opposition
cependant que sa parole, au futur, se veut vérité : « vous réussirez, vous dis-je » on notera au
passage l’incise « vous dis-je » qui renforce le propos et son impatience.
L’antithèse « terreurs/confiance » illustre la différence d’attitude entre les 2 hommes.
Le rythme ternaire (3) de « Je m’en charge, je le veux ; je l’ai mis là » renforce encore le
ton péremptoire de Dubois. Omniprésence de la 1ère personne du singulier « je » qui montre
bien que c’est Dubois le maître des opérations.
Dubois insiste sur le fait qu’ils sont unis dans le stratagème et mis sur le même
plan avec « nous sommes convenus ». Il revient sur le fait que le plan a été préparé bien avant,
qu’il est prémédité, avec l’emploi du passé composé (« sommes convenus » ; « sont prises »),
Aussi, le plan est entièrement construit avec le mot « toutes », dans « toutes nos actions »,
« toutes nos mesures » ce qui confirme bien que rien n’est laissé au hasard, et qu’il ne faut pas
douter.
Dubois se flatte et construit un autoportrait où il est omniscient (énumération avec « je
connais » + « je sais » x2). C’est cette omniscience qui le rend parfaitement légitime à diriger les
actions de Dorante, « je vous conduis ». Il va jusqu’à employer le futur dans des formules très
assurées, qui se veulent presque prémonition « on vous aimera », « on vous épousera », « on
vous enrichira ».
Il répond terme à terme aux objections de Dorante (Araminte femme riche et raisonnable)
avec « toute raisonnable qu’on est », « tout ruiné que vous êtes », ou encore l’énumération
« fierté, raison et richesse ».
Remarquons que le pronom indéfini « on » ne donne toujours pas l’identité de cette
riche veuve décrite par Dorante : s’il est sincèrement amoureux d’elle, elle n’en reste pas moins
cantonnée, dans la bouche de Dubois, à sa position sociale de riche veuve à épouser, confirmée
par le « on vous enrichira ».
L’antithèse « enrichira » / « ruiné » relance l’opposition sociale entre elle et lui.
Dubois ajoute la sentence « Quand l’amour parle, il est le maître, et il parlera » : il
annonce ici le triomphe de l’amour. Mais cette sentence est surprenante ici puisque c’est le
valet qui se présente comme le maître des opérations. Dubois semble tenir un double
discours, annonçant que l’amour est toujours vainqueur, mais se considérant comme le véritable
maître de l’entreprise.
Dubois lance l’intrigue en quittant la scène et avec son « nous voilà embarqués, poursuivons » : il
a expliqué son plan, et dès la scène suivante, il sera mis à exécution sous nos yeux.
Dubois finit sa réplique en ordonnant à Dorante ce qu’il doit faire, en atteste l’impératif
« tâchez que ». Marton est nommée une première fois et se présente déjà comme la victime
collatérale de ce complot, révélant ainsi la noirceur du plan.
Avec sa dernière phrase « L’amour et moi, nous ferons le reste. », Dubois rappelle qu’il mène le
jeu et s’occupe de tout pour Dorante. Mais on peut aussi imaginer que l’idée est que c’est par
l’association de la ruse et des sentiments que le mariage de Dorante et Araminte peut se
réaliser (double triomphe donc : de l’amour et de la duperie, qui fonctionnent bien de pair).

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