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52
carnets d’aventures #52
EXPEMAG.COM CARNETS D’AVENTURES
matériel
17 Légers Matelas
e 2018
juillet-aout-septembr
voyagertour
san s dat e d e r e
AUTOUR du monde
Pieds Libres Nomade depuis 7 ans 7 ans à pied Tout En Marchant
VTT kayak
Cévennes
Traversée entre amis
groenland
Au milieu des glaces
L 11948 - 52 - F: 6,50 € - RD
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Voyager sans
date de retour
L
Par Johanna
arguer les amarres et partir sans date de retour, pourquoi, comment ?...
Morceaux choisis des témoignages de ce numéro.
Notre vision de la vie avait changé. Il était temps de se libérer des mo-
dèles imposés par la société, de se saisir de notre liberté et de vivre nos
Notre ligne éditoriale passions à fond.
Avant le départ, nous avions estimé la durée de notre aventure à deux
Nous publions des récits et des dossiers
ou trois ans. Comme nous l’avions prévu, rien ne se passe comme prévu.
techniques sur le thème du voyage non
Après dix-huit mois sur la route, nous avons trouvé un rythme qui nous
motorisé dans la nature : à pied, à vélo, convient, beaucoup plus lent que nous l’imaginions. Il nous faudra donc
en kayak, à ski, à cheval, à la voile, en travailler l’année prochaine pour financer la suite. Une aventure dans
parapente… et avec bivouac, d’une durée l’aventure.
allant de quelques jours à plusieurs La différence avec un voyage dont on connait d’avance la durée repose
années. Nous pratiquons nous-mêmes certainement sur la perception et la valeur que l’on accorde au temps.
fréquemment l’itinérance sans moteur, et Nous sommes libres de rentrer demain ou de continuer pendant 10 ans.
œuvrons, à travers Carnets d’Aventures, Finalement notre vraie liberté est celle de pouvoir imaginer notre vie telle
à promouvoir ce type de voyage plus qu’elle nous convient. Nos contraintes de temps se rapprochent de celles
respectueux de l’environnement. Dans de la nature.
cette optique, nous imprimons le Noémie et Adam Looker-Anselme
magazine en France et sur du papier
100 % recyclé pour économiser du bois, Une des questions qui m’ont poussé à entreprendre ce voyage est
de l’énergie et de l’eau. « qu’est ce qui te rend heureux ? ». La première chose qui me venait à
À propos des tests de matériels que nous l’esprit était mes voyages.
publions, nous pensons que la presse, Je n’ai pas tout de suite réalisé que je partais pour un voyage de durée
pour faire un travail de qualité, doit encore incertaine. Il m’a fallu quelques semaines pour m’apercevoir que
être complètement indépendante des le retour n’est pas pour tout de suite et que ma vie est en train de chan-
fabricants. Les seuls matériels dont nous ger du tout au tout.
parlons ont été testés par la rédaction, Je suis désormais pris dans cette inertie où le temps prend une tout autre
nous n’avons pas de rubrique shopping. dimension. Il est devenu une sorte de luxe, que je recherche comme fina-
lité. Je n’ai désormais plus de « délai alloué à mon voyage », il prendra le
Le rédactionnel est complètement
temps qu’il faudra, en fonction des opportunités qui s’offrent à moi.
indépendant des publicités qui sont
Romain Auclair
publiées dans le magazine. C’est à vous
que nous devons cette indépendance,
La vie nomade est devenue pour moi l’incarnation d’une forme de liberté,
vous lecteurs, qui nous permettez
peut-être plus viscérale car elle ferait écho à nos origines.
d’exister en achetant le magazine.
On devient nomade quand on se libère de cette myriade de contraintes
quotidiennes qui se dissimulent dans la sédentarité. Quand on rend enfin
nos clefs… J’ai déconstruit ma sédentarité sans effort, avec empresse-
ment même. Sans clef on est plus ouvert.
Killian Blais ●
03 ÉDITO
DOSSIER
06 BRÈVES
Tout En Marchant
12 AGENDA Les sentiers de la vie nomade
16
14 DOSSIER
16 VOYAGER SANS DATE DE RETOUR
60 KAYAK GROENLAND
70 VTT CÉVENNES
76 TEST MATELAS
90 CHRONIQUE DE L’OURS DES BOIS
14
94 COIN DES BOUQUINS
95 COURRIER DES LECTEURS Small World On A Bike
96 L’EXTRATERRESTRE Cyclo-grimpeurs
97 MESSAGES DE LA RÉDACTION
98 PROCHAIN NUMÉRO
26
Pieds Libres
Nomade depuis 7 ans
voyager
sans date 38
de retour Physio On Hand
À vélo vers la Nouvelle-Zélande
AUTOUR du monde
48
4 - Carnets d'aventures - #52
Groenland sauvage
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Traversée des Cévennes comfort.
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avant une expé un gonflant de 900 cuin, ce sac de
couchage très complet est étudié pour
les environnements alpins en offrant un
rapport poids/chaleur exceptionnel.
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brèves
Cyclo migrateurs
Ouvrir nos yeux chaque matin devant un nouveau paysage, parfois idyllique,
parfois moins, mais toujours différent, ne pas avoir de contraintes de temps
hormis le passage des saisons. Ne pas avoir de « choses à faire » si ce n’est
trouver un bel endroit pour notre bivouac du soir, se sentir libres, ne plus rien
posséder hormis nos vélos et nos sacoches, se détacher de notre monde de
consommation. C’est notre vie de cyclo nomades choisie depuis quatre ans
avec toujours l’envie de continuer même si parfois les côtes nous font souffrir.
On s’adapte à chaque culture, à chaque saison, au climat, aux us et coutumes
et finalement c’est tellement simple. Chaque jour de nouveaux sourires.
Pourtant, avant de partir nous ne faisions guère de vélo et n’avions jamais
voyagé hors de l’Europe. En 2013 nous avons choisi de laisser tomber le
boulot pour aller courir le monde, sans attendre la retraite et surtout de ris-
quer d’avoir un truc qui se déglingue côté santé.
L’espérance de vie en bonne santé étant de 64 ans pour une femme et 62
pour un homme, le calcul est vite fait : on commence sa vie jusqu’à 6 ans
par une période d’innocence, puis vient celle éducative qui va, selon les cas,
jusqu’à 25 ans, puis la période active, le boulot qui nous emmène au-delà de
60 ans… Et puis ?!
Alors on fait les comptes, nous vendons la voiture, louons la maison, ache-
tons des vélos, une tente et tout ce qui va avec, et c’est parti ! Voyager
à vélo ne coûtant pas plus cher que rester chez soi, la vie au grand air et
l’exercice physique nous permettant d’avoir toujours la pêche, c’était sans
aucun doute la décision la plus folle et la plus sage qui soit.
Irène et Joël Connault Lavigne
cyclomigrateurs.fr ● FB : lescyclomigrateurs
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au lieu
de 78€
#29
Les nouveaux nomades
Test poches à eau
#30
L’aventure à plusieurs
Test tentes 4 saisons
#31
Ces pays qui ont
mauvaise presse
6€
jusqu’à #47 et HSVV3
dont 0,50€ de participation aux frais de port
#43 #44
à vélo avec ses marmots
#45 version numérique
Imprévus en voyage Voyages multi-activités
Livetracking Test tentes familiales Test sacs à dos légers
“C’EST
L’AVENTURE
Un colibri à vélo
Partir, prendre le temps, vivre autrement, avec plus de sim-
D’UNE VIE”
plicité… Je rêve de faire un grand tour à vélo depuis long-
temps. Mais où aller et dans quel but ? L’Union Européenne
est une institution qui facilite les voyages, l’ouverture et la
paix. Cependant, elle est fragile et parfois menacée. C’est
pour rappeler l’importance de sa diversité et de son histoire
que j’ai créé le projet Un colibri à vélo : je pars en août pour
un tour d’Europe seule à vélo. Pendant 12 mois, je roulerai à
travers une trentaine de pays. Historienne de formation, je
rencontrerai les habitants et les associations afin de valori-
ser l’histoire, le folklore et la culture des régions traversées.
Je partagerai sur mon blog des savoir-faire, coutumes, anec-
Crédit Photos : Paul Villecourt
Expemag.com/article/suivi-voyageurs
10 - Carnets d'aventures - #52
Je choisisbles
rèves
tentes Hilleberg.
SANS DATE DE RETOUR
Seule sur Te Araroa “ LA GRIMPE EST UNE GRANDE partie de ma vie, que ce soit pour
mon travail ou pour moi-même. Grâce à mon métier de guide dans
Ivresse, liberté, harmonie, découverte, rencontre, sur- ma propre entreprise, j’ai l’opportunité de beaucoup voyager et
prise, contemplation… tant de mots décrivent la magie de grimper énormément. Je passe entre 10 à 12 semaines par an
d’un voyage à pied au long cours. Le mien sera porté
dans une tente. Lors de mon dernier voyage en Patagonie, j’ai pris
par le thème de la découverte, celle de soi-même et
celle du monde qui nous entoure. Il a tant à donner à une Jannu avec moi. Pendant de nombreuses journées et nuits
ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs sens. Guidée par tempétueuses, pluvieuses, elle nous a gardé au sec. La Jannu est
mon intuition, sur un tracé certes balisé, je reste ouverte un abri confortable et paisible. Nous n’avons jamais craint qu’elle
à tout. Après avoir marché l’entièreté du chemin de
St-Jacques-de-Compostelle en 2016, c’est la Nouvelle-
ne cède. C’est juste une tente géniale et facile à utiliser. ”
Zélande, « terre du long nuage blanc » en maori, qui va
accueillir mes pas pendant un an – avec 8 mois pour
parcourir Te Araroa dans son ensemble, soit 3000 km.
Un cadeau pour ma trentaine naissante, la concréti-
sation de mon rêve d’enfance : vivre une aventure en
milieu sauvage.
Départ début juin.
En savoir plus sur
Mélanie Foulon ● zestesdeliberte.com
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#52 - Carnets d'aventures - 11
a g e n da
Tout au long de l’année se tiennent des festivals de films d’aventure, de voyage, de montagne… La plupart du temps, les films projetés
concourent pour des prix remis en fin de festival. Les projections se font souvent en présence de certains protagonistes de l’aventure
avec qui le public peut échanger. Ces festivals sont donc aussi des moments de rencontres, de partage et de convivialité. On y trouve
en général des expos photo, espaces librairie (dédicaces), conférences, spectacles, concerts, animations, ateliers, séances pour les
scolaires…
Certains de ces festivals existent depuis plus de 30 ans, d’autres ont vu le jour récemment. Nous nous réjouissons de voir fleurir ce type
d’évènement autour du voyage d’aventure. Plutôt que de copier-coller le même type d’information pour chacun, nous prenons le parti de
mentionner simplement les infos-clés plus d’éventuelles spécificités, le reste se trouvant aisément sur internet.
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dossier
d oss i e r
voyager sans date de retour
voyager sans date de retour
TOUT
MARCHANT
EN
Irrémédiablement épris de
liberté, Killian décide d’écouter sa
boussole intérieure. Il part alors
sur les sentiers de la vie nomade
et entame un voyage à pied autour
du monde, sans date de retour. Sept
années plus tard, il évoque son
cheminement au travers de cette
riche tranche de vie.
À droite.
Épine dorsale rocheuse coupant une
vaste plaine en deux. Le sommet
s’avère être un ermitage pour un
petit groupe de moines, nous y
passerons la nuit. Phu Pha Daeng
Forest Park, nord de la Thaïlande.
C ‘est lire les lignes du récit des autres qui m’a conduit
à déchiffrer celles cachées dans le paysage. Cette recherche
sans cesse renouvelée d’une promesse de passage. Avec
toujours ce sentiment ambigu quand on devine enfin un
sentier. Comme si la certitude nous prenait quelque chose.
La vie nomade est devenue pour moi l’incarnation d’une
forme de liberté peut-être plus viscérale car elle ferait écho
à nos origines ? Une chose est certaine, toute forme de li-
berté nous attire, aussi sûrement que le magnétisme attire
l’aiguille de la boussole. Elle offre à la fois une direction et
un sens.
Mais la boussole fonctionnera uniquement si son aiguille
est dénuée de toutes résistances. De la même manière c’est
quand l’esprit se détend, qu’il baisse sa garde, quand on est
sous la douche, dans la lune, dans les nuages, qu’il est impor-
tant de considérer avec beaucoup de sérieux la direction des
pensées qui nous traversent l’esprit.
En bas à gauche.
Ma première paire de Meindl
Himalaya après 25 mois d’utilisation
quotidienne et 5200 km parcourus
sans ressemelage ni vraiment
de nourrissage du cuir.
Voyager avec le sérieux d’un enfant qui joue Conforté dans ma nouvelle direction de voir que je n’étais
Avec cette philosophie comme substrat, la crise financière pas le seul à envisager des azimuts de vie aussi extrava-
de 2008 précipita mes réflexions qui firent émerger une gants. Au moins 10 personnes étaient activement derrière
nouvelle une règle du jeu d’une simplicité et d’une force ce projet fou : réaliser la tour de la planète en marchant. Je
dogmatique : maintenir un équilibre entre plaisir et effica- m’engageai tout de suite dans l’aventure. Tout semblait avoir
cité dans la conversion de sa richesse matérielle en richesse été pensé, les visas, l’équipement, les timings, le budget, et
d’expérience. Dès lors peu importe le jeu, si l’équilibre vient quel budget ! 2 € par jour ! Un budget si bas que je ne le
à rompre, j’en change. Punit-on un enfant parce qu’il manque pensais même pas possible. Ah ça pour sûr mon facteur de
de constance dans ses jeux ? « conversion de richesses » allait être avantageux.
Le jour où je lus un post de Thierry sur un forum de voyage, Agité par cette énergie grisante et aveuglante, connue des
sa vision du voyage a agi sur moi comme le second jeu de communautés animées par une utopie partagée, je partais
lentilles sur les lunettes d’ophtalmo. Un seul jeu nous permet donc pour 5 ans avec 8 inconnus. Tout en sachant au fond
uniquement de voir l’ébauche des choses mais ajoutez un de moi que le seul engagement que j’avais était envers moi-
second jeu qui s’accorde au premier et tout devient limpide. même. À n’importe quel moment si l’équilibre de conversion
n’était plus respecté, je pourrais toujours faire un pas de côté. veau. Mais il est une chose de randonner dans un parc natu-
Il y avait bien quelques investissements à faire en matériel rel bien connu, suivant un itinéraire soigneusement étudié,
commun, mais même si je perdais cet argent, je pressentais avec des barres énergétiques dans le sac et un groupe de
que cela vaudrait les enseignements que je tirerais de l’expé- copains. C’en est une autre de traverser un massif dont le
rience. nom est aussi frais dans la mémoire que celui de vos coéqui-
Depuis tout petit j’avais été habitué aux changements ; ayant piers. En ayant, en guise d’indication pour passer le col, les
déménagé 5 fois rien que dans ma scolarité, j’avais appris, dires d’un berger albanais qu’une connaissance balbutiante
sinon à les apprécier, du moins à ne pas les craindre. Leur en la matière fait davantage ressembler à une charade qu’à
amplitude et leur fréquence allaient désormais prendre une une explication.
tout autre envergure. Cela fouettait mon impatience à mettre Je me rappelle du premier changement que j’ai internalisé,
ma nouvelle philosophie à l’essai. J’ai donc déconstruit ma ma première leçon en somme : une envie inassouvie est la
sédentarité sans effort, avec empressement même. Il faut promesse d’un plaisir futur. C’est la faim qui m’a conduit à
dire que j’avais toujours été léger avec mes possessions ma- cette réflexion. On peut avoir faim sans en souffrir. La faim
térielles. Pas d’appart, pas de voiture, mon bien le plus cher est pendulaire, si on ne s’en préoccupe plus, elle s’estompe ;
était mon appareil photo que pour sûr je prenais avec moi. elle n’ira jamais bien loin certes mais elle n’occupera plus
Avec un CDD qui touchait à sa fin, il restait juste quelques tant d’espace dans la conscience. Il y a un immense laps de
formalités administratives que j’attaquais avec la jouissance temps entre l’envie de manger et le besoin. On a tendance
de quelqu’un qui s’est autorisé à tout casser pour refaire à à l’oublier dans nos sociétés où tant d’entreprises se font la
neuf. course pour combler nos envies.
J’ai aussi vite appris que le corps s’adapte à tout. Qu’un tapis
La richesse des premières fois de sol en mousse n’est trop dur que les 4 ou 5 premières nuits.
Puis la marche commença avec la richesse des premières Que son sac est toujours trop lourd. Même si on l’allège de
fois. J’avais déjà randonné. Choisir l’emplacement de sa 3 ou 4 kilos, la sensation de légèreté ne dure guère plus de 2
tente, cuisiner sur le feu, lire une carte, n’étaient pas nou- semaines. Un temps qui paraît bizarrement plus long quand
“
case ont abandonné le paysage à la steppe. Apprécier l’uni-
cité de chaque bouteille de Grappa, de Rakia ou de Tchatcha
habillant de noms différents cette même chaleur qui certains
soirs vous gifle jusqu’à l’âme.
On traverse un paysage comme on passe la nuit. Des rêves J’ai donc déconstruit ma
et des paysages, on ne se rappelle que d’une infime partie
mais tous laissent une trace en nous. sédentarité sans effort,
Devenir nomade
avec empressement même.
”
Être nomade c’est se construire sur des traces. Après avoir
replié la tente des centaines de fois, chaque geste est impri-
mé dans la mémoire du corps, et s’accorde avec ceux de son On devient nomade quand on se libère de cette myriade de
partenaire en une chorégraphie parfaitement optimisée. Être contraintes quotidiennes qui se dissimulent dans la séden-
nomade c’est tourner la répétition en rituel. Au fil des cam- tarité. Quand on rend enfin nos clefs, il n’y a plus de loyer,
pements et des saisons, chacun trouve sa place, la répétition plus d’abonnements, plus de factures, plus de meetings, plus
nous spécialise. L’autre reconnaît bientôt votre maîtrise des de rendez-vous. Il y a bien l’assurance à renouveler une fois
arcanes d’un domaine dont il proclame votre ordination. Je par an, des visas à payer, une date et un point de ralliement
suis ainsi devenu gardien du feu. Pouvant faire démarrer un avec un couchsurfer quand on passe dans une grande ville.
feu quelques heures à peine après le passage d’un orage. Mais la grande majorité du temps on est laissé tranquille
Connaissant les spécificités que réclame un foyer sur une avec nos besoins primaires. Où va-t-on dormir ? Que va-t-on
dune, un feu de racines, de crottes de chameau chargées de manger ? Les distractions réduites ainsi au minimum, on est
sel ou de bouses de yak humides. plus à même d’apprécier les expériences que le mouvement
Thierry, lui, était passé scribe, gardien des cartes et du nom induit par le voyage amène naturellement à nous. Sans clef
des choses. Il n’avait pas son égal pour planifier les itiné- on est plus ouvert.
raires et lire la trace d’un chemin sur une image satellite. Sa Enfin, être nomade, c’est apprécier la chance d’être de l’exté-
minutieuse méthodologie était le creuset même de la seule rieur. Cela excite la curiosité, d’autant plus deux barbus cau-
clef qui importe au nomade, celle de la langue du pays. Son casiens débarquant par le chemin des champs. Mais surtout
lexique construit avec patience et stratégie nous permet- cela nous place en marge des conflits, des conventions et
tait d’ouvrir les portes du savoir et de la culture locale en des traditions. On sera autorisé à photographier comment les
quelques semaines. On apprenait vite le mot « asphalte » femmes d’un village géorgien célèbrent de leur côté la fin
pour mieux l’éviter. On maîtrisait aussi rapidement les subti- des vendanges, on écoutera la même semaine le récit d’une
lités lexicales entre « route », « chemin » et « sentier » qu’on victime et la confession d’un bourreau dans la guerre de Bos-
était lents à apprendre la grammaire et la conjugaison, et qui nie. On sera invité à se joindre à la séance de spa d’un riche
même après des mois passés dans un pays laissaient forte- entrepreneur chinois pour le lendemain partager la cabane
ment à désirer. de mineurs de houille. Avec à chaque fois la liberté de poser
À droite.
Le désert du Taklamakan laisse
réapparaître d’anciens troncs
d’arbres, du temps où la rivière
Tamrin coulait par ici. Elle se trouve
maintenant à plusieurs kilomètres
à l’ouest. Nord-ouest de la Chine.
En bas.
Un python adulte et d’une taille
respectable se blottissait sous cette
souche, quasiment entre les jambes
de Thierry, après quelques photos on
décide de le taquiner un peu pour qu’il
nous montre toute son envergure. État
de Kedah au nord-ouest de la Malaisie.
”
De haut en bas.
Remontée de la rivière Emba. Aux
heures les plus chaudes de la
journée, nous arrêtons la marche et
en profitons pour nous approvisionner
dans cette rivière très poissonneuse,
qui devient très vite notre unique
source de nourriture. Région
d’Aktobe à l’ouest du Kazakhstan.
”
des questions taboues ou dérangeantes et que notre faible L’une fut notre arrivée sous les tropiques. Car ni les mois
maîtrise de la langue habille de candeur. passés dans les steppes arides du Kazakhstan où si le soleil
atteint son zénith avant vous votre abri, vous sentez votre
Quand la dynamique s’essouffle conscience fondre comme de la neige sous votre crâne ; ni
J’écris ces lignes depuis Jakarta en Indonésie, à une centaine la morsure interminable de l’hiver continental où l’hospita-
de kilomètres à peine d’où, il y a bientôt 2 ans maintenant, lité est la seule échappatoire aux températures négatives ;
j’avais mis en pause ce voyage fait de dizaines de passages ni la désolation des hautes altitudes où l’on s’essouffle rien
de frontières, de centaines de passages de cols, de milliers de qu’en dormant dans une mauvaise position ; ni les semaines
passages à gué et de millions de pas sages et patients. à traverser des mers de sable qui vampirisent l’énergie de
J’y avais été forcé à l’époque pour des raisons financières. chacun de vos pas, rien de tout cela n’est aussi terrible que
Car même avec un budget quotidien aussi extrême que la jungle. Sur des kilomètres, chaque pas se paie par deux
2 €/j et être passé maître dans l’art de la nécromancie de ou trois coups d’une machette approchant du kilo, et l’on
chaussures et sac à dos, après 7 ans sur les chemins, en 2015, doit régulièrement mettre un genou à terre pour faire passer
j’étais finalement fauché. J’ai donc pris le premier avion de ses 25 kilos d’autonomie sous un tronc. Les dépenses d’éner-
ligne de ma vie pour aller bosser en Australie dans, le comble gie sont littéralement colossales. Ajouter une visibilité quasi
pour un marcheur, une station essence. nulle en permanence, qui rend l’orientation très difficile et
Mais même si c’était la force impérieuse de la nécessité qui induit comme un sentiment d’oppression après plusieurs
m’avait contraint à abandonner un nomadisme que j’avais jours. Sans oublier l’humidité qui vous ronge les pieds si vous
pleinement embrassé après 7 ans passés sur les chemins, passez quelques jours sans faire de feu. Avec notre arrivée en
cette rupture n’a pas été aussi douloureuse que si elle avait Asie du Sud-Est, l’accès à ce sanctuaire que représentaient
eu lieu 2 ans plus tôt. Et ce pour deux raisons. nos longues traversées en autonomie des espaces sauvages
Qui/quand/où, en bref
- 7 mai 2008 : départ à 8 de Valence.
- 29 octobre 2008 : dernière rotation d’équipes. Deux groupes se forment : « Les couples »
(Julia & Wilfrid, Caroline & Mathieu et « les célibataires » (Thierry, Sylvain, Killian). Les chemins
divergent graduellement.
- 10 juillet 2009 : départ de Sylvain
- Mai 2010 : traversée de la mer Caspienne marquant le début de la grande traversée des
steppes kazakhes.
- Août 2011 : 16j en autonomie pour traverser la chaine de montagne Tian Shan, en Chine.
- Novembre 2011 : traversée du désert du Taklamakan, 13j d’autonomie.
- Juin 2012 : traversée des hauts plateaux tibétains, 28j d’autonomie (notre record).
- 16 décembre 2012 : entrée en Asie du Sud-Est avec notre arrivée au Vietnam.
- Décembre 2013 : première grande traversée de jungle, parc national de Nam Nao, Thaï-
lande, 8j d’autonomie.
- 27 novembre 2014 : départ de Thierry.
- 31 décembre 2014 : fin du continent eurasiatique avec la traversée du détroit de Malacca.
- 17 août 2015 : fin de la grande marche après 7 ans, 3 mois et 11 jours de voyage.
était devenu très exigeant. Trop sans doute. Ainsi les durées Qui d’Ulysse ou d’Icare
se sont allongées entre chacun de nos séjours en jungle. Dès Après avoir passé un an en Australie à surfer non pas les va-
lors, trop souvent confinés au monde des hommes, la dyna- gues mais l’énorme déferlante de chocs culturels et philoso-
mique n’était plus à l’équilibre. phiques produite par un retour soudain en Occident, j’ai cu-
L’autre coup porté au voyage fut l’isolement. La face sombre mulé les emplois, dépassant parfois les 4000 € par mois avec
de l’exotisme, que le départ de Thierry en 2014 avait révélé. la fièvre du chasseur-cueilleur en pleine saison. Ne voyant
Par notre soif d’authenticité et des grands espaces sauvages, pas tant une richesse s’accumuler, mais un temps à l’abri du
nous avions naturellement développé une aversion pour besoin s’allonger de manière d’autant plus formidable que
l’urbain et les sites d’intérêt touristique. Or, se tenir à l’écart ces besoins avaient été taillés au plus court par mes années
de ces deux choses, c’est créer une isolation hermétique à nomades. Puis à l’issue de mon visa « vacances-travail », la
l’Occident. Après le départ de Thierry, lors de ma traversée dynamique du voyage, qui n’était déjà plus à l’équilibre, avait
de Sumatra j’avais par exemple passé plus de 5 mois sans été totalement brisée par cette immersion prolongée en Oc-
échanger un seul mot avec un Occidental. L’Occident, une cident. Un occidentalisme qui dans le cas de l’Outback aus-
culture, un mode de vie que l’on critique avec ardeur mais tralien n’est pas forcément des plus reluisants. Sans fermer
dont la fuite, bien souvent, ressemble moins à un désir assu- la porte à ma longue marche, je décidai alors que le prochain
mé de scission qu’à celui d’une émancipation d’adolescent. Noël se passerait en famille et non sur Skype. Un retour à la
On cherche à prendre la tangente qui n’est en fait qu’un maison qui fut aussi temporaire que nécessaire et à bien des
détour. Ne pouvant échapper au système de pensée infusé égards aussi riche que les années passées à s’en éloigner.
par sa culture, on est toujours en demande de quelqu’un Des réflexions qu’une mesure du temps de marcheur promet
qui partage nos codes, nos références, et avec qui compa- à une maturation lente. Une maturation qui n’est pas encore
rer, confronter, co-construire ses réflexions. S’en priver c’est aboutie mais qui portera ses fruits sur les pages d’un livre à
s’appauvrir. L’interlocuteur est la bonde qui retient la matière venir...
à réflexion.
Progression la plus rapide : 2 mois à 40 km/j, timing de visa nous poussant à quitter la Chine.
Progression la plus lente : 6 jours à 6 km/j, traversée de la jungle de Nam Nao, Thaïlande.
Altitude la plus élevée : 5140 m, plateau tibétain, Chine.
Altitude la plus basse : -33 m, région de Mangystau, Kazakhstan.
Période d’autonomie la plus longue : 28 jours.
Pause la plus chaude : +47°C, région d’Aktobe, Kazakhstan.
Nuit en tente la plus froide : -28°C, région de Jambyl, Kazakhstan.
Pause la plus longue : 127 jours, galère des visas chinois, Almaty, Kazakhstan.
Mise en joue : 3.
Affaires volées : 0.
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nous fabriquons des pantalons depuis près indémodables ont été développés sur quasiment toute
de 50 ans et, s’ils sont conçus pour un large éventail la durée d’une existence en plein air. À nos yeux, le
d’activités de plein air, tous ont cependant un point pantalon idéal doit non seulement répondre à vos
commun : ils sont faits pour durer. Ils sont confec- attentes, mais aussi à celles de cet autre amoureux
tionnés dans des matières durables et leurs designs de la nature auquel vous le léguerez.
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on a bike
Les 20 km de no man’s land entre
les postes frontières du Tadjikistan
et du Kirghizstan zigzaguent non
loin des plus hauts sommets des
Pamirs. Un endroit hors du temps.
Photo de Constantino Vendra, un
cyclo allemand de 20 ans parti lui
aussi sans date de retour avec qui
nous avons pédalé pendant 45 jours.
L
orsque nous nous sommes rencontrés en octobre 2014, nos
À gauche.
Piste rouge le long du Mekong au Laos. vies respectives avaient déjà pris un tournant inattendu.
Adam avait quitté Londres et son travail chez un produc-
teur de musique renommé pour se consacrer à l’escalade. Je
m’étais pour ma part expatriée au Canada pour apprendre
Au milieu. l’anglais et grimper à Squamish. Pendant qu’Adam réalisait
Campement kirghiz surplombant
la rivière Naryn sur la route son rêve vertical sur El Capitan au Yosemite, j’avais enfour-
entre Osh et Bichkek. ché mon vélo en direction du Mexique. Notre vision de la
vie avait déjà changé. Ni Adam ni moi ne voulions retour-
ner dans un bureau, ni consacrer notre vie à travailler. Nous
En haut à droite. avions abandonné l’idée d’une carrière et d’une quelconque
Une des nombreuses tortues ascension sociale. Il était temps de se libérer des modèles
rescapées du bord de route en Turquie. imposés par la société, de se saisir de notre liberté et de vivre
nos passions à fond.
En bas à droite.
Pas toujours facile de trouver des
campements « sauvages » dans les Comment l’idée a germé dans nos esprits
régions très peuplées de Corée du Sud. Nos aventures respectives terminées, nous nous étions re-
trouvés à Chamonix. Installés dans un camion, nous avions
trouvé des contrats saisonniers et démarré notre vie com-
mune « hors des clous ». Ni chauffage, ni toilettes, ni douche.
Un mètre carré d’espace à partager avec nos skis, nos cas-
seroles, nos quatre couettes, notre matériel d’alpinisme, nos
”
Nous ne comptons plus le nombre de bancs en rondin que
l’on a aménagés, le nombre de bâtiments abandonnés que
l’on a nettoyés, le nombre de toilettes publiques où l’on a
pris une douche discrètement. Le fait que chaque campe-
ment soit un nouveau chez nous signifie que choisir un em-
placement peut facilement être source de tensions voire de
conflits. Prises de décision et compromis quotidiens vont de
pair avec le nomadisme.
Ce voyage est désormais notre mode de vie et une grande
partie de notre indépendance repose sur notre matériel. Si
notre tente casse, nous n’avons plus de maison. Si notre ré-
chaud cesse de fonctionner, nous ne pouvons plus manger
convenablement. Si nos vélos ont trop de problèmes méca-
niques, nous ne pouvons plus avancer. Cela signifie que cer-
tains aspects de notre vie sont très proches d’une existence
classique. Pas de loyer ni de factures mais une obligation
d’entretien régulier, de réparation voire même de remplace-
ment de notre équipement (voir encart budget).
En haut.
Pendant quelques mois, nous avons
remplacé notre corde d’escalade par
un jeu d’échecs. Parfait pour briser
la glace dans le désert ouzbèque.
Au milieu.
Premier jour sur les routes
goudronnées du Kirghizstan
après un mois de pistes au
Tadjikistan. Beaucoup plus facile
de lâcher les deux mains !
À droite.
Sylvain, le frère de Noémie, en
pleine réflexion quelques jours
avant d’arriver à Athènes. Après
deux mois à pédaler avec nous,
son voyage touchait à sa fin.
et fait plutôt que d’essayer de justifier le fait d’avoir « raté » Vivre dehors 24h/24 est bien différent. Nous étions épuisés,
quelque chose. Nous sommes libres de rentrer demain ou stressés, amaigris, incapables de manger suffisamment pour
de continuer pendant 10 ans. En même temps notre liberté couvrir nos dépenses énergétiques quotidiennes. Alors que
s’arrêtera dès que notre compte en banque sera vide (voir nous pensions fêter le nouvel an 2017 en Grèce, nous avions
encart budget). Finalement notre vraie liberté est celle de tout juste atteint la Croatie. Mon frère nous ayant rejoints
pouvoir imaginer notre vie telle qu’elle nous convient. Nos à ce moment, nous avons fini par nous adapter à trois au
contraintes de temps se rapprochent de celles de la nature. climat hivernal. Pas d’objectif de distance, des semaines de
Les saisons, la durée d’une journée, les conditions météo. quatre jours de vélo pour trois jours de repos, la recherche
quotidienne de bâtiments abandonnés ou d’abris de fortune
Vivre au rythme du soleil, des saisons et de pour camper sous un toit. La seule règle que nous nous im-
nos envies posions était de nous arrêter pour la nuit au premier endroit
Lors de notre départ en octobre 2016, nous avions tout cal- qui nous tapait dans l’œil. Ces deux mois et demi à prendre
culé en pensant pédaler 90 km par jour en moyenne avec un notre temps à trois nous ont convaincus qu’aller douce-
jour de repos tous les cinq jours. Quelques semaines plus ment était pour nous la clé du bonheur. Malgré tout, nous
tard, nous avions dû nous rendre à l’évidence. Nous n’avions avions été obligés d’abandonner la plupart de nos projets
pas pensé à tout. Au mois de novembre en Allemagne le so- de grimpe sur cette partie du trajet à cause des conditions
leil se lève à 8 heures et se couche à 16h30. Les nuits sont météo. Mon frère reparti, nous avions débarqué sur Kalym-
tellement froides que démonter la tente gelée le matin est nos pour un mois d’escalade avec le soleil. Enfin. Installés
une torture pour les mains. Dans ces conditions, lever le pendant deux semaines dans une boite de nuit désaffectée
camp prend au minimum 2 heures et il ne reste que peu de avant de déménager sur une plage abandonnée. Nous avions
temps pour pédaler. Nous pensions être bien préparés après tissé des liens d’amitié avec le barman du coin et le berger
avoir vécu dans un camion sans chauffage en montagne. de l’île mais il était l’heure de reprendre la route. Arrivés en
”
À droite.
Au sommet de la première d’une
longue série de grandes voies
d’escalade à Kalymnos.
Budget : la réalité
financière du voyage au
long cours
Épargner sans se priver
Avant notre départ, nous avons réussi à économiser À droite.
environ 15.000 euros en 2 ans, auxquels nous avons Les 20 km de no man’s land entre
ajouté nos économies et l’argent de la revente du van, les postes frontières du Tadjikistan
et du Kirghizstan zigzaguent non
démarrant l’aventure avec un total de 30.000 euros. loin des plus hauts sommets des
Nos contrats saisonniers et notre choix d’habiter dans Pamirs. Un endroit hors du temps.
un camion nous ont permis de ne pas vivre cette
période comme un sacrifice en vue d’un futur meil-
leur. Nous nous sommes privés de quelques soirées En bas.
mais nous avons passé l’essentiel de notre temps Malgré le froid, pause photo
libre dans les montagnes et toutes les intersaisons à obligatoire de la vue sur le lac
voyager en van ou à vélo. Karakul au Tadjikistan.
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#52 - Carnets d'aventures - 37
dossier
d oss i e r
voyager sans date de retour
voyager sans date de retour
Pieds
Libres
F
aire de mon voyage un mode de vie s’est germer, jusqu’à ce matin de début août 2010 où je me suis
naturellement imposé à moi quand, durant la réveillée plus heureuse que jamais, la décision était prise, moi
préparation de mon projet, je me suis rendu aussi j’irais autour du monde à pied.
compte qu’il me prendrait au minimum 10 Dès lors c’est un bouleversement d’émotions qui avait enva-
ans… hi mon corps, ma tête et mon cœur. Ne connaissant rien au
Ingénieur qualité dans l’aéronautique, j’avais monde du bivouac, de la randonnée, du voyage... j’avais bien
30 ans quand un beau matin je me suis réveillée en me disant des choses à préparer. Cela m’a pris 9 mois pour accoucher
« Eh bien moi aussi je pars faire le tour du monde à pied ! » de ce projet qui devenait ma nouvelle vie, 9 mois pour être
J’étais, quelques années auparavant, tombée par « hasard » plus prête que jamais à VIVRE.
sur le site de Français qui se préparaient à faire un tour du C’est donc sereine que je suis partie le 1er juin 2011, de Lons-
monde à pied : « Tout en Marchant » (ndlr : cf. article dans Le-Saunier, ma ville natale, place de la Liberté.
ce numéro !). J’avais trouvé le projet renversant, comment
pouvait-on avoir une telle idée ?! J’avais suivi de loin leur L’envie d’ailleurs
préparation, qui me semblait très complexe, puis avais gen- Voyager était probablement quelque chose que j’avais en
timent poursuivi mon voyage en Australie, et j’avais ensuite moi depuis toujours. L’envie de voir ailleurs, de découvrir
repris ma vie d’ingénieur. comment les gens vivent, quel est leur quotidien. Au-delà du
Deux ans plus tard, je me mis à repenser à ces gars, où en folklore culturel, ce qui m’intéresse c’est la vie de madame
étaient-ils ? Partis à 8, combien en restait-il en route ? J’avais et monsieur tout le monde, observer ces petits détails aux-
donc contacté Killian, l’un des instigateurs, qui m’apprit quels on ne fait plus attention. La manière de vivre, de parler,
qu’ils n’étaient plus que 3 et qu’un reportage tourné sur leur de manger, de se laver, les toilettes, les prises de courant,
voyage allait bientôt être diffusé. À la suite de cette émission les rideaux de douche et j’en passe, sont tous ces détails
qui relatait des choix de vie plus « barrés » les uns que les que j’aime découvrir ; je suis comme une enfant, chaque
autres, la graine en moi n’a mis que quelques semaines à jour est un cocktail d’émerveillement et d’apprentissage. La
ce qu’on appelle le passage intérieur afin de rapporter le vélo les autres, et là, c’était elle qui me reprochait de les aban-
que j’avais emprunté. Étant littéralement tombée amoureuse donner ! C’est probablement ce qui a été le plus difficile à
de l’Alaska je me faisais une joie d’y retourner. De plus cela vivre pour moi : partir sans le consentement des gens que
m’offrait l’occasion de faire une pause dans mon chemine- j’aime, me sentir incomprise, prise au piège dans un ouragan
ment et de voyager autrement. En fait, mon voyage n’étant émotionnel, tel un oiseau à qui on a donné des ailes mais que
pas simplement un voyage mais mon mode de vie, faire une finalement on essaie de retenir dans une cage.
« pause » revient en quelque sorte à prendre des vacances
comme tout le monde ; d’ailleurs je m’amuse souvent à dire Voyage ou fuite ?
aux gens que je suis en vacances lorsque je ne suis ni à pied Ce voyage n’est pas le premier. Quelques années aupara-
ni à vélo, la plupart ne comprennent pas ce que je veux dire… vant, j’étais partie un an en Australie avec un PVT*. Mon état
Pour moi, la vie est un voyage, une aventure à vivre. J’ai eu la d’esprit à l’époque était tout autre. Cruel besoin de respirer,
chance d’avoir une très bonne éducation, avec des valeurs, de vivre à nouveau après le décès de mon papa. Ce voyage
un sens pratique, un respect de la vie… Élevée par une ma- a changé ma vie ; cela faisait plusieurs années que j’avais
man fataliste et ouverte d’esprit, j’ai été responsabilisée très sombré dans le néant de l’existence sans n’avoir plus goût à
jeune ; rien ne nous était interdit ou presque mais elle s’ar- la vie ; je survivais, donnais l’illusion d’avoir une vie heureuse
rangeait toujours pour nous faire réfléchir aux conséquences et bien remplie qui n’était au final que du vent…
de nos choix. Résultat, 30 ans après, je prenais la décision Durant ce voyage, et plus précisément lors d’une soirée en
de vivre autrement. Mais cette décision ne fut pas très bien Nouvelle-Zélande, tout a changé ; quelques mots prononcés
acceptée par cette même maman qui m’avait toujours en- par une amie fraichement rencontrée, allaient me faire ac-
couragée à suivre mon chemin et mon cœur sans écouter cepter l’inacceptable et me redonner le sourire à tout jamais.
En bas.
Préparation du dîner, Canada, 2016.
Seule ?
J’ai la plupart du temps voyagé avec différents coéqui-
piers ; partie à 6, puis 3, puis 2, puis de temps à autre 3 ou
4… À partir de la Corée j’ai décidé qu’il était temps d’être
seule. En route j’ai rencontré d’autres voyageurs qui ont fait
un bout de chemin avec moi. La chose la plus dure à gérer
pour moi en voyage, ce sont les coéquipiers. Vivre 24h/24
avec une personne est loin d’être évident surtout quand il y
a un manque de communication de part et d’autre.
Dans un mois, je reprendrai ma marche à pied, du sud du
À gauche.
Temps humide en Colombie
Britannique, Canada, 2016.
En bas.
Sur la route après Ensenada,
Basse-Californie, décembre 2016.
“
c’est la première fois que quelqu’un de ma famille vient me
voir, je suis plus que contente et cela arrive au « bon » mo-
ment. Je suis retournée 2 fois en France depuis mon départ :
2 ans et demi après être partie, puis l’année suivante, cela
va faire 3 ans. Maintenant que je suis sur le continent amé-
S’il y a bien deux choses que ricain, je ne prévois pas de revenir en France avant d’avoir
atteint le Chili à pied – probablement encore 3 ans.
j’ai constatées à travers tous Je communique avec mes proches via Skype et Messenger,
je n’imagine même pas comment faisaient les voyageurs
ces pays déjà traversés, c’est avant sans internet. Être loin n’a jamais été pesant pour moi
tant que je sais que tout le monde va bien et que je peux
que seuls l’amour et l’eau sont « voir » mes proches même si c’est via un écran. Cependant
ne pas voir grandir les enfants de ma sœur restera à jamais
indispensables à l’être humain mon plus grand sacrifice, qu’un écran ne peut pas combler.
En ce qui concerne l’amour, ma définition change avec le
”
temps, mais cela reste à mon avis la chose la plus belle
au monde, dont tout le monde a besoin. S’il y a bien deux
choses que j’ai constatées à travers tous ces pays déjà tra-
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#52 - Carnets d'aventures - 45
dossier voyager sans date de retour
En haut.
Bivouac dans les montagnes
du Kirghizstan, 2013.
Au milieu.
Sur les sentiers de Corée du Sud
(tout à l’est, non loin de la frontière
avec la Corée du Nord), 2015.
À droite.
Dans les montagnes au
Tadjikistan, 2013.
versés, c’est que seuls l’amour et l’eau sont indispensables à boucle à boucler, afin de ne pas entrer dans l’errance et ne
l’être humain, et que peu importe d’où l’on vient, l’important plus savoir rentrer. En fait, le retour, j’y pense souvent sans
c’est où l’on va. trop y penser… J’essaie fréquemment d’imaginer ce que je
ferai après. J’ai déjà mille et un projets en tête qui évoluent au
Pas si difficile que ça fil des rencontres ; parfois j’essaie de me rappeler mes idées
Il n’est jamais simple de faire le premier pas – dans quelque initiales car dès le début de mon voyage, j’avais des plans
domaine que ce soit d’ailleurs – mais une fois lancé, un pour la suite. Je pense que c’est important de toujours avoir
nombre incalculable d’opportunités s’offre à vous. En route des idées pour ne pas sombrer dans l’ennui ou la dépression,
on rencontre des personnes toutes plus intéressantes les surtout après un long voyage, ne pas savoir quoi faire au re-
unes que les autres, qui nous font rencontrer d’autres per- tour peut être dramatique. La vie est un cadeau précieux, qui
sonnes et ainsi de suite… nous offre un nombre incalculable d’opportunités, à chacun
Je n’ai jamais pensé que j’avais fait une erreur ; cela fait de les saisir, nous sommes tous responsables de nos propres
maintenant 6 ans que je suis en route, j’ai dépensé en choix. Alors je pense que si vous n’êtes pas heureux dans
moyenne 4 euros par jour, ce qui était mon budget. Je n’ai votre vie changez-en, car personne d’autre que vous-même
pas vraiment travaillé en chemin, juste de temps à autre, du ne pourra vous rendre vraiment heureux. Apprenez à suivre
volontariat contre le gite et le couvert quand je devais rester votre cœur ! J
à un endroit. Je trouve que la vie nomade est par bien des
aspects beaucoup plus simple et économique qu’une exis-
tence sédentaire, sans compter qu’elle est nettement plus
enrichissante. * PVT : « Programme Vacances Travail » : s’adresse aux 18-30 ans et
désireux de s’expatrier, pour un an maximum, dans un des pays par-
tenaires du programme, en ayant la possibilité de travailler sur place.
Et après
Bien sûr, souvent je pense au retour ; je me suis donné envi-
ron 10 ans pour ce tour du monde, une sorte d’objectif, de
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La gamme de sacs à dos de randonnée
Thule Versant offre l’équilibre parfait
entre légèreté et fonctionnalité.
Physio
on hand
48 - Carnets d'aventures - #52
Un kiné à vélo
en route pour la
Nouvelle-Zélande
C
haque histoire a un début. J’ai découvert le voyage à vélo
lors de conférences sur les bancs de l’université, me pro-
mettant qu’un jour je réaliserai un voyage de telle enver-
gure. Mais le mode de vie contemporain m’a vite rattrapé
à la sortie de mes études, me plongeant dans une vie rou-
tinière durant laquelle ce rêve semblait s’éloigner. Dans un
concours de circonstances, j’achète un vélo de voyage en
2014. Les voyageurs à vélo disent souvent qu’ils sont partis
inexpérimentés et sur un coup de tête, je n’ai pas échappé à
la règle. Néophyte dans le voyage, encore plus dans la méca-
nique du vélo, je pars m’aventurer en solitaire sur les routes
de la Patagonie du nord. Fort satisfait de ma première expé-
rience, je décide d’adopter ce moyen de locomotion pour
mes voyages. Le suivant sera en Asie du Sud-Est. Apéritif
Le départ
Quitter les contraintes administratives est le début de
Vol en parapente au-dessus du lac de l’aventure, d’autant plus lorsque l’on est travailleur indépen-
Salda (Salda Gölü) en Turquie. Aussi dant. J’ai fait le choix de m’en dégager pour mon voyage afin
surnommé les Maldives turques. de retrouver une certaine liberté. Une notion que j’ai décou-
verte lors des premiers coups de pédale à mes débuts de
voyageur. Perdu au milieu de terres encore inconnues, sans
vraiment de plan ni de destination, il m’est alors apparu que
j’étais le seul décideur de mon futur proche et que je pouvais
aller où bon me semblait. Un sentiment de liberté totale et
indescriptible que je n’ai jamais retrouvé ailleurs. Je ne l’ai
pas même ressenti au moment de mon départ. Ce départ
avec un grand D qui me semblait presque irréel tellement
j’avais de choses en tête. Je n’ai pas tout de suite réalisé
que je partais pour un voyage de durée encore incertaine.
Un tel projet sous-entend préparation et organisation, et au
jour du commencement de mon aventure je suis encore per-
du dans mes démarches administratives. Je ne prends pas
conscience de la réalité et des changements radicaux qu’elle
implique. Il me faudra quelques semaines pour m’apercevoir
que le retour n’est pas pour tout de suite et que ma vie est
en train de changer du tout au tout.
Je reste persuadé que le plus dur a été le départ. Perdre la
stabilité de la vie moderne pour une situation incertaine
avec son vélo comme unique compagnon de voyage. Mais
dès lors c’est comme un poids qui se libère et qui laisse
place à la liberté de circuler et de décider de quoi sera fait le
lendemain, mais surtout le jour même. Car désormais c’est
une vie au jour le jour qui se profile, vivre l’instant présent
et profiter des choses simples de ce mode de voyage. Il me
semble important cependant de garder des objectifs à court,
moyen et long termes, ce qui facilite la progression et permet
de garder un cadre.
Philosophie de voyage
Chacun a sa propre vision du voyage et ses priorités. Cer-
tains voyageurs enchaînent les kilomètres, ils trouvent leur
plaisir dans le fait de pédaler. Il m’a fallu apprendre à me
détacher de la comparaison, ne pas chercher à se mesurer,
car chacun a ses propres perspectives et les distances quo-
tidiennes parcourues ne sont pas toujours liées aux capaci-
tés physiques. Je trouve mon plaisir dans les rencontres. Je
ne peux me soustraire à l’invitation cordiale d’une famille
même si le quota théorique de kilomètres journaliers n’est
pas rempli. Près d’Aksehir en Turquie, j’ai par exemple croi-
sé un jeune cycliste au sommet d’un col et cela m’a permis
de rencontrer le club de montagne locale après seulement
20 kilomètres parcourus. Pour moi pédaler n’est pas une fin
en soi, ce n’est qu’un moyen pour profiter pleinement d’un
voyage à vitesse réduite.
En me lançant dans ce projet je n’avais pas de velléité à
« me mettre dans le rouge ». On perçoit souvent le voyage
à vélo comme éprouvant et exclusif. Mais chacun reste libre
de donner les priorités qu’il veut à son voyage. Après quatre
mois sur la route, il me fallait une pause, faire autre chose,
c’est pourquoi j’ai décidé de voyager en Iran principalement
avec mon sac à dos. En Géorgie une semaine de ski a fait
son apparition au programme. En Asie Centrale j’ai décidé
de renoncer à la fameuse route du Pamir (une décision diffi-
cile pour cet « incontournable » du monde du cyclotourisme)
pour prendre plus de temps à randonner et voler dans ces
terres naturelles. Plus tard, en Océanie, nul doute que le surf
viendra s’inviter au programme. Je n’ai pas de durée déter-
minée, mais pas non plus de compte à rendre. Je suis de ceux
qui défendent l’idée que le voyage à vélo peut rester simple,
accessible, peu engagé et de difficulté tout à fait modérée. Il
n’en est pas moins pourvoyeur de belles aventures !
Le rapport à l’autre
Dans le voyage solitaire – mais sans doute aussi en groupe
– on apprend à se connaître soi-même. Prétendre repousser
ses limites est une chose, je préfère déjà dire que j’apprends
à connaître les miennes. Se mettre dans des positions diffi-
ciles est récurrent et apprendre à s’en sortir fait partie du jeu.
Découvrir qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision
mais simplement des choix dont va dépendre la suite des
événements.
On se sent généralement bien à la maison, avec sa langue
maternelle et sa propre culture, mais on apprend au fil des
mois à s’adapter au nomadisme. Pour ma part, lorsque je suis
chez moi bien au chaud, j’ai du mal à m’imaginer camper
dans le froid et l’humidité. Mais lorsque l’on est vraiment
dedans, cela devient plus aisé et le bonheur de la simplicité
reprend le dessus. Je suis persuadé que n’importe qui avec
de la volonté est capable de s’adapter à une vie au confort
réduit. Et la capacité d’adaptation grandissante permet de
En haut.
Le plaisir de cuisiner au réchaud à
bois. Bosnie, col de Makljen, 1123 m.
À droite.
Neige dans le désert de Varzaneh,
entre Ispahan et Yazd en Iran. Je suis
obligé de pousser le vélo sur 20 km.
“
Ce qui change par rapport à un voyage
plus « classique »
À la différence d’un voyage aux contraintes de temps, le
« sans retour » permet une marge de manœuvre plus impor-
Dans un voyage où le tante. J’ai rencontré beaucoup de voyageurs qui avaient pla-
nifié leur voyage à l’avance, avec leurs billets et leurs visas
temps n’est plus un tous prêts. Mais dans certains pays, ils se sont sentis bien
et ont trouvé le temps alloué trop court. Au contraire, ils ne
problème, il suffit de pouvaient écourter un séjour dans un pays qui leur plaisait
moins. Dans un voyage où le temps n’est plus un problème, il
vivre au rythme de ses suffit de vivre au rythme de ses envies et de ses désirs.
Il ne faut cependant pas croire que les contraintes tempo-
envies et de ses désirs. relles n’existent pas ! Elles prennent d’autres aspects. J’évo-
”
lue surtout en fonction des saisons et de la durée de mes
visas. Mais libre à chacun de subir ces contraintes à sa ma-
nière. J’ai rencontré une Espagnole à vélo qui a passé 9 mois
au Pakistan en attendant que la frontière ouvre de nouveau,
là où la plupart des voyageurs auraient abdiqué en se tour-
nant vers un transport aérien. Je n’oublierai jamais les lignes
de Lionel Daudet qui décrit ce sentiment presque de culpa-
bilité de pouvoir prendre 5 semaines de repos durant son trip doit décider de son niveau d’engagement et de difficulté.
autour de la France, alors que c’est la durée annuelle légale Parfois quelques journées de repos très banales et loin d’être
des congés d’un salarié. Je suis désormais pris dans cette productives s’invitent. Il y a certainement autant de philoso-
inertie où le temps prend une tout autre dimension. Il est phies que de voyageurs. Mon voyage n’est pas l’exemplarité
devenu une sorte de luxe, que je recherche comme finalité. Je de la scission avec nos sociétés modernes, car je ne pense
n’ai désormais plus de « délai alloué à mon voyage », il pren- pas avoir cherché à la fuir, pour l’instant tout du moins.
dra le temps qu’il faudra, en fonction des opportunités qui
s’offrent à moi. Je ne me refuse pas un retour en France pour Le retour
voir mes proches, mais je cherche désormais à prolonger au Il paraît que toute histoire a une fin. Concernant la mienne,
maximum ce voyage. C’est sans nul doute un des avantages elle devrait venir le plus tard possible. Comme un thriller aux
incontestables que de ne pas avoir de date de retour, c’est le maintes intrigues dont on essaie de retarder le dénouement.
choix que j’ai fait afin d’avoir une flexibilité totale dans mon Viendra le temps où je serai probablement lassé de cette
voyage. existence nomade, de ce mode de vie qui me paraît facile
Bien sûr il faut assumer ce mode de vie qui n’est pas facile actuellement mais qui pourrait à terme devenir exigeant. Je
tous les jours. La solitude parfois et les conditions climatiques songerai alors probablement à reprendre racine. Il m’est dif-
qui rendent la progression difficile. Il n’est toutefois pas désa- ficile de me projeter dans le futur et dans « ma vie d’après ».
gréable de retrouver un peu de confort pour quelques jours. J’y pense parfois sans pouvoir élucider aucune perspective
Si le nomadisme est devenu mon mode de vie, j’essaie de concrète. Cela insinue sans doute qu’il y aura des choses qui
favoriser les nuits sous un toit grâce à l’accueil des locaux. changeront : une vision différente du monde, de la société et
Une façon de s’économiser, car il me paraît aussi important de moi-même sans aucun doute. Mais pour l’heure, le temps
que mon voyage reste un plaisir. Sinon, les intempéries cou- est à l’appréciation et à la découverte du monde. Je suis à
plées aux longues journées à pédaler me deviendraient à la près d’un an de mon départ et je ne me pose actuellement
longue trop éprouvantes et m’enlèveraient un certain bien- pas la question du retour. Je cherche au contraire les possibi-
être. Il me semble qu’il faut mettre le niveau de l’aventure lités d’enrichir au maximum ce voyage aux mille rencontres
à son échelle afin que le voyage reste un plaisir. Enchaîner et aux mille paysages.
des repas frugaux, des nuits en bivouac, des longues jour-
nées d’effort, tout cela me convient, mais sur le court terme. * Référence tirée du livre de Raphaëlle Giordano qui a contribué à
J’ai besoin d’une alternance. Je reste un épicurien qui aime mon changement de vie : « Ta deuxième vie commence quand tu
à profiter des plaisirs de la vie. C’est ma façon d’aller plus comprends que tu n’en as qu’une ».
loin. On voit le voyage à vélo comme difficile mais chacun
Plateau arménien
surplombant Goris.
Groenland
SAUVAGE
60 - Carnets d'aventures - #52
L’un des objectifs de Cyril et Natacha, pour cette itinérance
kayak, était d’aller voir de près un glacier, on peut dire qu’ils
ont été servis ! On embarque avec eux pour quelques-unes des
émotions et des aventures qu’ils ont vécues au sein d’une nature
indomptable et aux côtés d’une glace omniprésente.
Page précédente.
Décor parfait pour des premiers
Premières émotions coups de pagaie irréels.
Derrière nous, la minuscule aérogare de Kulusuk, dernier
lien avec la civilisation agitée. Devant nous, le calme des
montagnes encore blanches et de la mer couverte de glace.
En bas.
Malgré nos embarcations surchargées, les trois premières Pause rafraichissante. Comme
heures de navigation sont un pur régal dans des conditions les nuages, les glaçons ont toutes
de navigation idéales : soleil radieux et pas un souffle de les formes imaginables. Sur
vent. celui-ci, parfaitement adapté à
la morphologie humaine, j’étais
Après une première nuit bercée par le bruit d’un torrent,
vraiment bien calé ! (À part le
nous partons randonner. Là aussi de nouvelles découvertes : froid qui finissait par passer J).
la progression est rude et lente sur les pentes escarpées et
accidentées. Mais l’effort en vaut la peine : il suffit d’un peu
d’élévation pour avoir un panorama à couper le souffle.
Avant le départ, les glaces étaient une de nos principales
sources d’inquiétude, les dernières cartes vues les mon-
traient en grande quantité. Notre première navigation nous a
rassurés : il est possible d’avancer malgré leur nombre. Mais
dès la seconde, nous nous frottons aux dangers de la navi-
gation polaire : grande densité de glaçons plats, passages
fermés et côte inaccessible à cause de l’accumulation de
ces plaques poussées par le vent. Il faut alors s’écarter du
bord ou le raser, slalomer serré, s’engager dans des passes
qui peuvent se refermer aussitôt, ne pas hésiter à faire demi-
tour. Patience, calme et anticipation… Et surtout ne pas être
regardant sur le kilométrage et le temps passé !
Ça passe… ou pas !
En ce troisième jour, nous passons d’un fjord large à un
très étroit et escarpé. Nous avions repéré sur la carte et les
vues satellites qu’il se resserrait jusqu’à une petite passe
de quelques mètres à peine. Mais une fois sur place, point
de passe ! En fait, elle existe bien, mais seulement à marée
haute. Nous patientons donc, allongés sur un tapis de mousse
et emballés dans le tarp qui nous protège autant du froid que
des moustiques. Après plus de deux heures d’attente, nous
franchissons à pied la passe à peine en eau. Nous trouvons
un bivouac un peu plus loin. Mais il faudra encore patienter,
jusqu’à minuit, pour enfin dîner : une bonne heure passée à
démonter et réparer le réchaud, pourtant tout neuf…
Fantomatique
Après des heures d’une terrible lutte contre un fort vent de
face, nous installons notre bivouac au pied d’une incroyable
incongruité : une ancienne base américaine datant de la
Seconde Guerre mondiale, laissée en l’état. C’est un véri-
table choc auquel nous n’étions pas préparés… La base
est immense et nous déambulons au milieu d’innombrables
restes. Un Pompéi des temps modernes, une ode à l’absurdi-
té de l’être humain. Des bidons par milliers, éparpillés ou en
tas, parfois au milieu de ruisseaux qui en prennent la teinte
brune. Des carcasses de véhicules. Un hangar effondré telle
une araignée géante. Des chaudières éventrées aux chemi-
nées bravant le ciel gris. Des pylônes couchés à terre. Des
restes de bâtiments en bois. Des conduites d’eau ou d’autres
fluides. Incroyable vision que cette rouille salissant les eaux
translucides, les montagnes enneigées et les icebergs écla-
tants en arrière-plan. L’ambiance clairement lugubre est
renforcée par le ciel couleur de plomb, les nuages qui des-
cendent des sommets et la pluie qui commence à pleurer
sur ce lieu maudit.
En haut à gauche.
Notre petit déjeuner fut grandement
apprécié par notre visiteur du matin.
À droite.
Dans ces rudes contrées, on retrouve
les plaisirs simples mais essentiels de
la vie : un peu de bois flotté, un bon
feu, un peu de chaleur, un sourire.
À gauche.
Un peu d’eau libre avant d’attaquer
une nouvelle partie de slalom.
L’équipe
Natacha Bredon, 34 ans, informaticienne. Génétiquement
pas adaptée au froid (enfance africaine et syndrome de Ray-
naud), mais prête à relever tous les défis idiots (marathon du
Médoc, semi-marathon « nuit polaire » en janvier à Tromsø en
Norvège, demi-tour de Corse en kayak de mer en plein hiver,
Dordogne intégrale...).
Cyril Petipas, 41 ans, ancien pilote dans l’armée de l’air,
ingénieur en environnement. Fasciné par les espaces
arctiques et leurs grands explorateurs. Bien plus à l’aise à
-10°C qu’à 30°C.
Cyril s’est récemment lancé dans le métier de photographe
professionnel, pour en savoir plus, rendez-vous sur son site !
cyanphotographie.com
Itinéraire
Matériel et logistique
50 kg de nourriture envoyés en fret.
Location au Groenland (à Tasiilaq mais amenés à Kulusuk) de 2
vieux kayaks monoplaces (dont un se révèlera percé…), du télé-
phone satellite et du fusil (antique et rouillé !).
60 kg de vêtements (dont les combinaisons étanches) et matériel.
Réchaud à essence Primus avec un set de rechange. Et heureu-
sement car un joint a lâché au bout de quelques jours. Et sans le
nouveau joint…
Une canne à pêche repliable. Qui fera mouche au premier lancer !
Une carte au 1/250.000 couvrant presque toute la zone parcourue.
De vieilles cartes américaines des années 50. Les îles n’ont pas
bougé, mais les glaciers ont franchement reculé… Du 15 juin au 7 juillet
Une enceinte Bluetooth pour la fête de la musique. 216 km de kayak
Un thermomètre-baromètre. 80 km de randonnée (altitude max atteinte : 554 m)
Le trajet réalisé fut (miraculeusement ?) celui prévu. L’un des
Météo buts du voyage était d’aller voir de près un glacier. Au départ de
Kulusuk, nous avons choisi d’aller vers l’est.
Entre -2 et 12°C. Les points possibles de bivouac ont été « repérés » grâce à Google
Presque toutes les saisons : pluie, vent, brouillard, soleil... Earth et « confirmés » par les courbes de niveau des cartes
À notre point le plus au nord (66°06’), le GPS donnait seulement papier…
8 minutes de « nuit ». En pratique, nous avions quelques heures de
crépuscule.
Beaucoup de glace, principalement des morceaux de banquise à
peine fondue et fracturée, ramenés dans les fjords par le vent.
bifurqué à l’opposé, nous traversons enfin le carrefour. Mais temps arrête alors de s’écouler, les heures passent au ralenti.
nous sommes encore du mauvais côté du fjord caractérisé À midi, la pluie s’invite. Le baromètre dégringole. La tente
par de hautes falaises de roches inhospitalières. Les glaces danse de toute part. Un miracle qu’elle ne s’envole ou ne se
se resserrent à nouveau mais nous trouvons la parade en déchire. Les arceaux plient dangereusement, prenant parfois
frôlant ces murailles, dans le maigre espace entre ces der- une courbure inverse ! Nous devons les soutenir en perma-
nières et les glaces qui ne peuvent s’y échouer. Poussées par nence.
le vent, elles viennent y rebondir, et nous passons entre les Dehors, la vision est peu réjouissante : ciel bas et gris, pluie
rebonds ! Puis nous tentons de traverser. La nouvelle diffi- horizontale, mer déchaînée, écume et vagues rageuses. Les
culté est désormais le vent qui rend les plaques très mobiles, glaces ont fui notre rive, un mur blanc s’est construit sur
refermant trop vite les passages. l’autre. À 23 heures, il fait sombre pour la première fois. Le
Tant bien que mal, et plutôt mal que bien, nous arrivons du baromètre a cessé sa chute. À 4 heures le lendemain ma-
bon côté et cherchons un lieu de bivouac, 9 heures après les tin, le vent semble se calmer, mais épuisés, nous sombrons.
premiers coups de pagaie. Malheureusement, les rares bouts Nous apprendrons par la suite que le vent a soufflé jusqu’à
de plat sont impraticables ou inaccessibles, cette côte est 130 km/h…
très escarpée et rocailleuse. Nous poursuivons donc avec – Quelques heures plus tard, nous émergeons dans une tente
évidemment – un vent fort de face qui siffle et glace les par- qui est toujours debout. Mais il faut partir, notre vol retour est
ties exposées du corps et les doigts malgré les gants. demain. Heureusement, il n’y a que 5 kilomètres à parcourir
Virage à droite, nous quittons ce grand fjord pour un plus et, hier du haut de notre colline, nous avons vu que le fjord
petit. Et la magie des lieux opère une nouvelle fois : en était peu encombré. Mais ça, c’était avant… La tempête a
quelques secondes, le vent devient nul et l’eau lisse comme fait entrer des glaçons en quantité et les a compactés dans
un miroir. Mais les glaces sont toujours omniprésentes, c’est le fjord. Nous tentons le passage le long d’une rive. C’est
le thème de la journée ! Une fois n’est pas coutume, c’est dangereux, nous risquons d’être écrasés entre les rochers et
par le bord que vient le salut. Zigzags entre les rochers et les les glaçons poussés par le vent arrière. Demi-tour et essai
glaces échouées. Après 11 heures d’efforts, nous apercevons au milieu du fjord : bloqués également. Il reste l’autre rive.
enfin une plage, surplombée d’une grève bien plane, au bord Nous progressons lentement en rasant la falaise, mais il ar-
rigoureusement horizontal, à peine 2 ou 3 mètres au-dessus rive un moment où cela ne suffit pas. Il faut donc descendre
de l’eau. Ironie du sort, à 10 mètres du but, nous sommes des kayaks, s’accrocher aux rochers, patauger de longues
irrémédiablement bloqués. C’est donc à pied que nous rejoi- minutes dans l’eau glaciale, et même monter sur les plaques
gnons ce havre accueillant comme la plus belle plage des de banquise, dans toutes les positions possibles pour pous-
Seychelles. Près de 30 kilomètres parcourus, le triple du tracé ser les glaces, arranger le puzzle, et tirer, traîner ou porter les
direct… kayaks. Il faut se donner à fond pour progresser centimètre
par centimètre, mètre par mètre. C’est dur, physiquement et
Décoiffant mentalement. Les 5 kilomètres ont une nouvelle fois triplé…
Voulant profiter tranquillement des derniers jours, nous nous Enfin, les kayaks touchent terre à notre point de départ, il
installons à 5 kilomètres de Kulusuk, sur la rive opposée, au y a 3 semaines. C’était hier, c’était il y a une éternité. C’est
pied d’une colline « escaladable » culminant à seulement 550 terminé, la boucle est bouclée. Beaucoup d’émotions, peu
mètres mais offrant une vue à 360°. de mots. Beaucoup de sentiments, parfois contradictoires :
À 4 heures du matin, le vent soufflant en fortes rafales nous soulagement, fierté, bonheur, épuisement… Voyage extraor-
réveille. La tente est secouée violemment. Impossible de se dinaire, à tous les sens du terme.
rendormir. Alors que nous sommes cloîtrés dans la tente, le
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Traversée des
Cévenn à VTT
En haut.
Vue sur l’éprouvant chemin de
crête de la haute vallée Borgne.
À droite.
Nos destriers et leur barda sur la
draille bordée de monolithes lors
de l’ascension du mont Lozère.
Page précédente.
A
Dans la descente du mont Lozère.
près une première tentative en 2015, stoppée par lune trompeur quant à l’heure du réveil. Nous découvrons
un violent épisode cévenol (vous souvenez-vous des kaya- par l’expérience que la lune, à l’instar du soleil le jour, anime
kistes naviguant dans les rues de Montpellier ?), nous repar- les nuits.
tons pour cet itinéraire tracé avec la volonté de ne pas suivre Nous reprenons l’ancienne ligne de chemin de fer qui nous
un parcours balisé de bout en bout mais plutôt de picorer hissera tranquillement sur les hauteurs du Velay grâce à ses
certains circuits tels que le GR Stevenson, des chemins fo- ouvrages de tunnels et d’aqueducs, un brin surdimensionnés
restiers et divers sentiers dans un esprit d’exploration. pour nos simples vélos. Ces lignes droites toutes ferroviaires
me cassent le moral et je n’arrive pas à suivre mes coéqui-
Entrée en matière piers, « vélotafeurs » réguliers sur Paris. À cet instant je doute
Tout commence, en plein mois d’août, dans un wagon désert de mes capacités à finir le trip. Heureusement, à l’arrivée des
du TER reliant St-Étienne au Puy-en-Velay. On se retrouve, premiers reliefs, mes mollets répondent positivement au défi
on compare nos montures et on se chamaille sur la réparti- et mon corps, même sans entraînement, va se révéler au fil
tion des chargements, l’excitation est à son comble. Une fois des kilomètres.
dehors, ça y est, c’est enfin parti ! La pression retombe avec
nos premiers coups de pédale, nos sens sont en éveil, nous Dans la pampa
apprécions la fraîche brise créée par notre vitesse, et traver- Après une journée à suer sur nos vélos, nous profitons d’un
sons la ville sans un mot, dans la lueur de nos frontales. Une bain rafraîchissant dans le réservoir de Naussac avant de
dizaine de kilomètres plus loin, il est 1h du mat, nous cher- poursuivre, les sacoches pleines de victuailles, dans le pays
chons notre premier bivouac. Nous sommes des animaux de la « Bête du Gévaudan ». Ici commence la navigation, l’iti-
sociables et cette dimension se révèle dans cette recherche néraire prévu est notre cap et nous louvoyons à vue, entre di-
du campement, nous discutons, examinons la carte et c’est vers chemins et sentiers en fonction de leur cyclabilité. Dans
ensemble que nous trouvons le spot agréable pour la nuit. une descente, c’est le « drame », le porte-bagages de Chris se
Il fait doux, il est tard et je suis fatigué, alors je lance « pour casse en deux (voir encart). Pris de court, nous trouvons un
moi, ce sera à la belle étoile ». Mes collègues sont dubitatifs, spot de bivouac dans un des nombreux prés fermés par des
les bébêtes, les moustiques, la rosée… Rapidement convain- barbelés. On a beau juste avoir planté notre tente au milieu
cus par cet éloge de la fainéantise, chacun s’allonge sur son de la « pampa », nous avons quand même un sentiment de
matelas et, entre deux eaux, nous en profitons pour réviser culpabilité ; du coup, au moment où l’on entend deux pro-
nos constellations. meneurs s’approcher, nous nous tapissons dans les herbes
« Alors bien dormi Djé ? » « Moyennement sur la fin. Il fai- hautes telles des proies apeurées. « Ouf ils ne nous ont pas
sait super jour vers 3h du mat’, non ? » Effectivement nos vus ! » pensons-nous en nous sentant un peu ridicules ; en
sens sont perturbés. Nous avons eu le droit à un lever de effet, ils nous auraient sûrement salués, au pire, ignorés.
”
#52 - Carnets d'aventures - 73
récit cévennes à vtt
nie à 360°. Nos hôtes nous avaient prévenus : par temps clair En route vers Montpellier
on peut voir la Méditerranée et le mont Blanc ; nous n’avons Quatrième jour, on a pris du retard, il nous faut parcourir au
pas cette chance, le ciel est clair mais l’horizon brumeux. moins 80 km pour espérer atteindre Montpellier le lende-
main. Avant le départ, nous analysons l’itinéraire pour éviter
Au cœur des Cévennes de nous retrouver sur un sentier non cyclable. Le constat est
Ce soir le bivouac prend des airs de savane africaine. Ça clair : ici, il est impossible de contourner un de ces fameux
souffle alors on plante le tarp dans la bonne orientation, mais, « chemins de crête » à moins de faire un détour par la route,
comme souvent, le vent change radicalement de sens une ce qui abimerait l’esprit du trip. Je ne sais pas si c’est le senti-
fois le soleil couché. Quitter la chaleur du duvet à moitié nu ment d’avoir la responsabilité de l’itinéraire mais je m’efforce
pour remonter la toile, c’est donc ça le contact privilégié avec d’être en tête, malgré les nombreux portages et les descentes
la nature qu’offre le tarp ? J cassantes qui nous imposent de multiples réajustements de
Aujourd’hui on entre dans les Cévennes. Passé le Pont-de- nos bardages. À la nuit tombée nous rejoignons les gorges de
Montvert, une piste forestière nous emmène rapidement en l’Hérault où de nombreux feux de camp nous incitent à poser
direction de la vallée Française. Le sentier se rétrécit et on notre campement au bord de l’eau.
assiste à un « bug » de prise de décision collective. Qu’est- Pour finir, nouveau bug, après s’être dit « ça passe » et avoir
ce qui nous a poussés à choisir un sentier non praticable et joué aux sangliers durant 2h dans la garrigue, la raison nous
à porter nos vélos à flanc de falaise, alors que le GPS nous ramène aux chemins bitumés et nous roulons tranquillement
indique un chemin carrossable à quelques centaines de jusqu’à Montpellier. Nous concluons ce trip avec 6 crevai-
mètres ? Tenter, oser, se dire que « ça passe », n’est-ce pas ce sons, d’où le nom de notre équipe : « la rechape », les pros du
que l’on appelle l’aventure ? rechapage de chambre à air !
Un peu plus loin, nous tombons sous le charme du village
authentique et paisible de Sainte-Croix-Vallée-Française. À
la vue du bistro, l’appel de la boisson fraîche a raison de notre
envie de pédaler.
TEST
MATELAS Légers
17
Depuis plusieurs années, l’offre de matelas gonflables s’étoffe, surtout sous
la barre des 600 grammes. Dormir confortablement pour un poids si réduit ?
Morphée ne manque pas d’air !
D
on trouve donc aujourd’hui une
belle panoplie de matelas.
Confort
Vaste sujet ! Ce critère est le plus subjectif, puisqu’il dépend
en grande partie des goûts du dormeur. Quand certaines per-
sonnes se contentent de deux maigres centimètres d’épaisseur
pour dormir comme un loir, d’autres misent sur plus de cinq
généreux centimètres pour s’affranchir de douleurs dorsales le
En bas. En haut.
Les valves tétines sont plus Les épaisseurs de matelas
proéminentes que les valves anti- sont très variables : c’est bien
retour. Pour le pliage, certains la même main qui tient 2
proposent une valve de dégonflage matelas de ce test. lendemain. Nous ne sommes pas tous égaux dans les bras de
rapide. Pour d’autres, il faut Morphée ! La position de sommeil a aussi son influence : ceux
« coincer » la valve anti-retour, qui dorment sur le dos ou sur le ventre sont avantagés, puisque
avec un système bien pensé.
la répartition de charge se fera sur une plus grande surface, mini-
misant les points de compression. Toujours est-il que, comme
à la maison, le confort est le premier critère qui vient à l’esprit
pour s’équiper. Le doux bercement de la nature environnante
ne supprimera pas ce caillou mal placé qui vient chatouiller les
omoplates à travers le matelas.
La note de confort que nous attribuons aux matelas de ce
test est donc subjective, à prendre avec des pincettes, et dépen-
dante de tous les paramètres évoqués dans cette section.
Un matelas assez épais est souvent gage de confort, bien
que cette théorie ne fasse pas l’unanimité ! Indépendamment de
la nature du sol (on n’a parfois pas le choix !), un matelas épais
est plus apte à en gommer les éventuelles aspérités. Toutefois, il
ne suffit pas de regarder l’épaisseur annoncée pour s’assurer du
confort : en ayant testé chacun des 17 matelas présentés ici, on
remarque que la construction interne et le cloisonnement jouent
un rôle prépondérant dans le ressenti du confort, notamment
lorsque la pression n’est pas également répartie sur le mate-
las. Ainsi, en position assise, un matelas autogonflant de 2,5 cm
d’épaisseur peut s’avérer plus moelleux que certains matelas
gonflables. En cas d’intempéries, ce critère peut faire la diffé-
rence pour être confortablement assis à l’intérieur de la tente. À
noter que certains matelas gonflables atteignent désormais des
épaisseurs impressionnantes, garantissant un confort en toutes
circonstances, et réglable selon ses préférences de fermeté.
Le bruit du matelas (frottements, mouvements) est un élé-
ment à considérer dans la sensation de confort. Cet aspect peut
sembler anodin, mais dès que l’on dort à deux (ou plus) sous la
même tente, dans un environnement parfaitement calme, il n’est
pas toujours agréable, au moindre mouvement, de réveiller son
voisin à coups de bruit de paquet de chips ! Les matelas auto-
gonflants ont l’avantage d’être silencieux, tandis qu’on observe
R-value et isolation
L’isolation d’un matelas est une caractéristique primor-
diale, malheureusement trop souvent négligée. Déjà, tordons le
cou à une idée reçue : l’isolation d’un matelas n’a rien à voir avec
son épaisseur ! Plus un matelas est épais, moins il est mince. Et
c’est tout ce qu’on peut conclure J. Seule la structure interne
joue un rôle prépondérant dans l’isolation.
Physiquement, comment se matérialise l’isolation d’un
matelas ? Vous y êtes habitués à force de lire nos tests et notre
IRELAND
NeoAir® XTherm™
Le meilleur rapport chaleur
au gramme, tous modèles de
matelas à air confondus.
thermarest.com
©2018 Cascade Designs Ltd
Photo Ben Matthews
rubrique « Décrypter » : c’est encore (principalement) un pro- Pour les gabarits plus grands, les fabricants proposent sys-
blème de conduction ici. Vous, bivouaqueur, êtes un corps tématiquement une version agrandie. Certains ne déclinent
chaud, plus chaud que le sol. L’univers ne supportant pas les qu’une version « large » (la longueur et la largeur sont augmen-
déséquilibres, un transfert thermique s’installe naturellement tées), tandis que d’autres proposent 2 à 3 tailles différentes (en
entre les deux : votre chaleur est conduite vers le sol. Mais le sol, ne faisant varier que la longueur, que la largeur, ou les deux).
c’est la Terre entière, tant et si bien que cette perte thermique ne Pour les gabarits plus petits, le choix est malheureuse-
s’atténuera pas tant que vous ne placerez pas un élément isolant ment moins étoffé. Seuls quelques modèles proposent une taille
entre les deux : le vénérable matelas ! Et selon sa construction, « femme », soit environ 168 cm de longueur. Dommage car le
il isolera plus ou moins, c’est-à-dire qu’il réduira plus ou moins gain de poids serait significatif (50g pour l’Ultralight Insulated
cette perte thermique. de SeaToSummit). On note aussi la très bonne idée de Therm-
La R-value est une mesure de l’isolation d’un matelas. a-Rest : la version femme, plus courte, pèse le même poids pour
C’est un affichage plus simple d’une autre grandeur : la conduc- fournir une meilleure isolation que la version « regular ».
tivité thermique, qui représente la quantité de chaleur transférée Pour les enfants, ou pour les adeptes de l’ultraléger,
par conduction par un matériau. La R-value donne une idée pré- certains matelas proposent également une taille très petite :
cise de la plage d’utilisation d’un matelas : autour de 125 cm. C’est une option que j’ai longtemps prati-
• R < 2 : matelas plutôt estival. quée, même avec mon mètre 76 : le matelas prend en charge
• R entre 2 et 5 : matelas plutôt « 3 saisons ». une grande partie du corps (des épaules jusqu’à mi-cuisse pour
• R > 5 : matelas plutôt hivernal. moi) où les déperditions thermiques sont les plus importantes
Bien que cette mesure ait ses limites, il est dommage que cer- (et où le besoin de confort se fait le plus sentir aussi !). Pour la
tains fabricants ne la communiquent pas, et préfèrent ne donner tête et le reste du corps, on utilise tout ce qu’on a à disposition
qu’une plage de températures d’utilisation (cf. encart). D’autant (vêtements, sac, chaussures…) pour apporter un minimum de
“
plus que la température de l’air et celle du sol n’ont parfois rien confort et d’isolation. Une solution intéressante lorsque chaque
à voir ! gramme compte ; à essayer sur
En superposant des mate- le terrain pour s’assurer que les
las, leurs R-value s’additionnent. nuits restent réparatrices ! À noter
C’est une technique utilisée pour
étendre la plage d’utilisation d’un
utiliser un sac de que, dans ce cas, plus le matelas
¾ est épais, plus il est difficile de
matelas gonflable, en le dou-
blant d’un matelas mousse par
couchage « chaud » avec combler l’espace avec les affaires
restantes.
exemple.
Dégonfler un matelas réduit
un matelas peu isolant Revenons sur la taille, qui
nous a réservé une surprise de
son isolation ! Il est important revient à monter le taille justement ! En effet, nous
de le préciser : les valeurs de R- avons pu observer un comporte-
value annoncées sont valables chauffage chez soi en ment imprévu : certains matelas
pour un gonflage parfait. Or, s’allongent jusqu’à 5 cm quand
avec l’épaisseur importante des hiver tout en laissant les on s’installe dessus, tandis que
matelas gonflables actuels, nous d’autres ne grandissent pas d’un
sommes nombreux à les dégon- fenêtres ouvertes ! iota. Une différence anecdotique
”
fler légèrement pour les ajuster à sur le papier, et pourtant, ces
notre souhait. Si vous avez un peu quelques centimètres grappil-
froid, gonflez-le à bloc ! lés apportent un gain de confort
Pour ne pas avoir froid la nuit, un matelas isolant est donc notable si la taille du dormeur est proche de celle du matelas.
aussi important qu’un bon sac de couchage. D’ailleurs, un bon Ce phénomène d’allongement s’explique par la structure du
sac de couchage n’est rien sans un bon matelas. Pour l’analogie, matelas : seuls les boudins transversaux (comme sur les matelas
on pourrait dire qu’utiliser un sac de couchage « chaud » avec Therm-a-rest) s’allongent, tandis que les boudins longitudinaux
un matelas peu isolant revient à monter le chauffage chez soi en (Exped par exemple) ne varient pas. Pour chaque matelas, nous
hiver tout en laissant les fenêtres ouvertes ! avons donc spécifié une mesure avec le même dormeur placé
dessus.
Formats et tailles
Deux principaux formats existent : rectangulaire ou momie. Encombrement et poids
Ce dernier grappille les coins du matelas, à la tête et aux pieds : Le volume plié est assez variable d’un matelas à l’autre.
en réduisant intelligemment la surface (qui correspond naturel- Alors que le poids va du simple au double, le volume compacté
lement à un sac de couchage), on réduit la quantité de maté- va du simple au quadruple. Les matelas autogonflants sont les
riaux, donc le poids. Le format momie est variable d’un matelas à plus désavantagés : à performances thermiques égales, ils sont
l’autre, certains grignotant davantage que d’autres. On observe bien plus volumineux. Et plus lourds également. Concernant les
d’ailleurs quelques formats hybrides, comme des rectangles à gonflables, deux éléments font varier le volume :
bords arrondis. Entre ces deux formats, c’est donc une affaire • La structure interne : plus ou moins complexe, les cloisons
de goûts, selon les préférences de sommeil de chacun. Un seul nécessitent ainsi des quantités variables de tissus.
facteur objectif peut donner l’avantage à la forme momie : le gain • L’éventuel isolant : par exemple, une couche de Primaloft
d’espace au sol, si la tente est plutôt étroite au niveau des pieds prendra nécessairement plus de place, même compressée.
par exemple.
En matière de taille, quel que soit le format, une sorte de Fiabilité et entretien
« standard » s’est établi : à quelques exceptions près, la taille La fiabilité des matelas gonflables est au cœur des préoc-
« regular » correspond à une longueur de 183 cm et une largeur cupations, puisqu’ils sont exposés à 2 risques : les crevaisons et
de 51 cm. Seuls quelques constructeurs proposent des tailles les hernies. Pour le voyageur au long cours, ou en milieu difficile
« regular » un peu différentes, mais très proches de ces valeurs. (froid), le matelas fait partie des éléments sur lesquels on doit
4. En enregistrant l’évolution de la
température toutes les 10 secondes,
on remarque que les matelas ne
réagissent pas de la même manière !
À gauche.
La hernie, véritable « hantise »
des matelas gonflables.
Rassurez-vous, ce n’est pas un
des 17 matelas testés ici !
À droite.
Potiron, le chat de la rédaction, réalise
un test de percement. Aucun matelas
ni félin n’a été maltraité pendant
ce test. Cette figure a été réalisée
par des professionnels, n’essayez
pas de la reproduire chez vous.
pouvoir compter durablement. En théorie, la fiabilité des matelas conseillerais de ne pas partir avec un matelas absolument neuf :
gonflables ne pourra en effet jamais atteindre celle des matelas utilisez-le quelques nuits dans les mois qui précèdent le départ,
mousse, mais force est de constater que l’énorme gain de confort pour vous assurer qu’il ne présente pas de défaut. La suite n’est
compense désormais largement le risque très réduit de fuite ou qu’affaire de probabilités infimes J.
de hernie. Pour se prémunir de ces désagréments, quelques bonnes
Le risque de crevaison n’est pas contraignant à mon sens. habitudes sont à prendre :
Même avec les tissus les plus légers, il devient difficile de per- • ne jamais utiliser son matelas à même le sol : toujours placer
cer son matelas si l’on est un tant soit peu précautionneux (j’y un tapis de sol par exemple. Y compris sur un sol herbeux : des
reviens dans le paragraphe suivant). Et surtout, la grande majo- pièges s’y cachent souvent !
rité des crevaisons se répare facilement (cf. encart), même sur le • Si le sol est douteux, éviter de s’asseoir sur son matelas : la
terrain : j’ai déjà réparé 3 trous avec du duct tape qui n’a jamais zone d’appui concentre une pression importante, et augmente
bougé depuis des lustres ! Dans ce dossier, malgré quelques ten- considérablement les risques de perforation. En revanche,
tatives, nous n’avons pas testé le percement pour chaque mate- couché, la charge est bien plus répartie : j’ai déjà dormi à
las : soit il fallait littéralement crever chaque matelas plusieurs même les cailloux, avec seulement un tapis de sol en Tyvek
fois, soit nous nous placions sur la bordure. Mais cette dernière en guise de protection.
solution souffre de deux problèmes : • En journée, lorsque l’on ne l’utilise pas, ne jamais laisser
• Elle est sujette à variations selon la méthode d’assemblage son matelas gonflé à bloc ! Sinon, si la température am-
choisie (thermocollage ?). biante augmente, celle de l’air contenu dans le matelas aussi.
• Parfois les tissus ne sont pas les mêmes au-dessus et en des- Qui dit réchauffement dit dilatation, les cloisons internes sont
sous du matelas. soumises à rude épreuve jusqu’au point de non-retour : et paf,
Les kits de réparation fournis sont variables d’un fabricant à c’est la hernie assurée ! Et celle-ci n’est pas couverte par la
l’autre : de pas du tout au kit complet, comprenant des patchs garantie…
autocollants, différents bouts de tissus, de la colle… Ils sont très • Pour le stockage des matelas autogonflants, il est préférable
pratiques mais ne doivent pas conditionner un achat je pense : de ne pas les conserver compressés, au risque d’affaiblir les
la grande majorité des réparations se fait avec du duct tape, ou capacités de la mousse à l’intérieur.
même avec un kit colle+rustine acheté au premier rayon vélo • Globalement, il est toujours bon de faire attention aux tissus et
venu ! de les laver à l’eau claire si besoin.
La hernie est la hantise du matelas gonflable, ainsi que du • Pour les valves anti-retour, penser à vérifier l’état du clapet, et
dormeur ! Il est évidemment impossible d’évaluer ce risque, bien qu’il n’y a pas de poussière qui s’y glisse par exemple.
qu’il soit, de ma propre expérience, très limité. En échangeant • Si vous voyagez avec un chien, griffes et matelas ne font pas
avec des professionnels, tous semblent confirmer ce ressenti. La bon ménage évidemment ! Avec un chat, on a essayé, mais
seule fois où ça m’est arrivé, c’est sur un matelas qui avait un mieux vaut s’abstenir aussi…
sacré nombre de bivouacs au compteur. Bien que cet aléa soit Enfin, mentionnons que certains fabricants ont la bonne idée
imprévisible, il ne devrait pas être considéré comme rédhibitoire de spécifier… que les matelas ne sont pas homologués par les
à mon sens : il serait dommage de se priver d’un tel confort pour garde-côtes américains. Vous voilà prévenus !
une si faible probabilité ! De plus, certains fabricants garan-
tissent leurs matelas à vie, et la hernie fait partie des problèmes
pris en charge. Et si on est loin de tout ? Pour un voyage long je *BUL : Bivouac Ultra Léger.
+ Retrouvez les compléments de ce dossier sur notre site : fiche de test complète de chaque
matelas, photos, accessoires de gonflage, détails du protocole de test, avis de Potiron...
Expemag.com/GO/MATELAS
HORIZONTAUX
&
OREILLER INTEGRÉ
5. Déposer de la colle sur toute 6. Laisser un peu sécher la colle
la zone où sera posé le bout (mais pas trop !) et appliquer le
de tissu. Ne pas avoir peur de patch.
dépasser. Utiliser les doigts pour
répartir la colle si besoin, on ne
reste pas collé !
9. Dormir serein.
Astro 20R - 405 g (51 x 183 cm)
Il existe d’autres techniques qui, selon la taille de la fuite et le
kit de réparation dont on dispose, peuvent être à essayer si l’on
est en voyage... Rdv sur expemag.com !
C’est le matelas le plus épais de ce Le matelas le plus léger de ce test, Matelas 4 saisons pour un poids et Le matelas le moins cher de ce test.
test (10 cm !), lui conférant un petit et le plus compact aussi, sans un volume si réduits ! Une très belle La construction est très simple :
air de matelas de piscine. Ce n’est sacrifier le confort pour autant ! Les réalisation de la part d’Exped. Encore plusieurs boudins longitudinaux,
pas le plus léger, mais il reste sous boudins latéraux, à peine plus épais, plus épais que le Airmat, son format avec une jonction thermocollée entre
la barre des 500g et propose un procurent un effet « berceau » plutôt est identique et l’effet berceau plus chaque boudin. Une telle structure
confort excellent : je n’ai pas hésité à agréable. Dommage que le tissu prononcé. Résultat, on y passe de ne fournit pas beaucoup d’isolation,
le prendre pour passer des bivouacs supérieur ne soit pas « antiglisse » bonnes nuits. Existe aussi en format mais le confort reste honorable. Pas
5 étoiles J. Dommage que le sac comme sur le Synmat. Ce matelas rectangulaire. Le tissu antiglisse sur de sac de gonflage (il n’en existe
de gonflage ne soit pas inclus, étant existe aussi en version rectangulaire la face supérieure est agréable. L’iso- pas pour cette valve) ni de kit de
donné l’important volume d’air, le (compter quelques grammes de lation synthétique est très bonne, on réparation. Le gonflage est facile et
gonflage réveille les poumons. La plus). La mini-pompe fournie, malgré aurait volontiers testé le « Downmat » rapide tout de même. Attention au
valve est pratique et le dégonflage son apparence très petite, est très qui propose une isolation en duvet. nom trompeur, la taille L correspond
facile. L’isolation est bonne. Le tissu efficace : à peine plus d’une minute Le sac de gonflage fourni est idéal : bien à une taille regular, voire à
utilisé, un peu glissant, dégage une suffit à gonfler le matelas, facilement. léger, polyvalent, et très pratique. peine plus petite (178cm). Des petits
bonne sensation de solidité. Grand Le tissu inférieur demeure léger, la Le tissu inférieur demeure léger, la patchs antiglisse sont présents, en
choix de tailles proposé. Un très bon précaution est de mise. L’isolation précaution est de mise. Avec un tel face supérieure. Peu volumineux, il se
matelas innovant donc ! est un peu en retrait, mais c’est le ratio poids/isolation, c’est un très glisse facilement dans un sac.
compagnon idéal des trips en mode bon matelas polyvalent qu’on peut
léger ! emmener partout !
Le matelas ultraléger et ultra-com- Le confort du Tensor, l’isolation syn- Le seul matelas de ce test qui a eu Les matelas autogonflants ne sont
pact de chez Nemo, une très belle thétique en plus, pour un poids assez la bonne idée de placer des « patchs pas les plus compacts, ni les plus
réussite. Sous les 400g, le confort contenu. En format rectangulaire, la antiglisse » sous le matelas ! Parmi légers. Nordisk le sait, et propose ce
est très bon car la forme momie n’est valve tétine est moins gênante (existe les autogonflants, il fait partie des format inédit, qui n’est pas sans rap-
pas trop prononcée (existe en version aussi en format momie). Une fois plus légers, en utilisant des tissus peler une silhouette dessinée après
rectangulaire). Il fait partie de ces dessus, le matelas s’allonge pour à faible denier. Rien à redire de une scène de crime J. Ce « shape »
matelas qui s’allongent une fois des- proposer 186 généreux centimètres. manière générale, un matelas qui fait convient parfaitement, quelle que
sus : on peut compter sur 188cm au L’isolation fournie est très bonne, un le taf ! Son isolation est similaire au soit sa position pour dormir. Nordisk
lieu des 183cm annoncés, pratique ! vrai 4 saisons. On regrette qu’un sac Grip 2.5 de chez Nordisk. Forcément, fait le choix de tissus très légers et ce
L’isolation est déjà très bonne (même de gonflage ne soit pas inclus. La comme c’est un autogonflant, il ne matelas reste donc sous la barre des
s’il n’est pas stipulé « insulated » !). nouvelle version (sortie récemment) fait pas partie des plus compacts. 400g : un bon choix pour ceux qui
Trouvons-lui un petit défaut : la valve a été allégée, en remplaçant le tissu préfèrent les autogonflants aux gon-
tétine, un peu trop proche de la tête. de la face inférieure : annoncée flables, sans se retrouver trop péna-
Ce serait mieux si elle était placée à 425g seulement, il rejoint les mate- lisés par le poids. La valve située au
sur la tranche par exemple. Et un sac las 4 saisons les plus légers, belle pied demande une bonne souplesse
de gonflage inclus ne serait pas de réalisation ! Il faudra toutefois rester le matin pour dégonfler le matelas
refus. On apprécie la garantie à vie et précautionneux avec ce tissu léger. quand on est encore dessus J.
le vaste choix de tailles disponibles.
*la gamme a été rebaptisée en
*la gamme a été rebaptisée en 2018, c’est désormais le Tensor
2018, c’est désormais le Tensor Insulated Regular
Mummy Regular
Comme son nom l’indique, c’est Une construction très originale, à Un excellent rapport entre poids, La référence des matelas 4 saisons !
le même concept que le Grip 2.5, alvéoles. Poids et volume dans la volume et isolation, tout en procurant À peine plus volumineux et plus
en plus épais. Confort et isolation moyenne, avec des tissus un peu un très bon confort. La valve est bien lourd que le X-Lite, l’isolation est
sont donc nettement améliorés. En plus résistants que la moyenne. Le placée. Ces matelas s’allongent une excellente, tout en proposant un tissu
revanche, comme c’est un autogon- confort est bon lorsqu’on est couché, fois dessus : 189cm pour la taille très résistant pour la face inférieure
flant, le volume compacté devient par contre il est un peu moins bon regular (au lieu de 183 annoncés) (70D !). Belle prouesse ! Le confort
assez important. Pour ce matelas, quand on est assis : on a un peu et 170cm pour la taille femme (au est tout aussi bon (l’épaisseur est
Nordisk a la bonne idée de prendre l’impression d’être assis par terre ! lieu de 168). Le seul « point noir » inchangée par rapport au X-Lite,
un tissu plus durable pour la face Cette structure s’allonge aussi quand des NeoAir, depuis la première seule la construction interne apporte
inférieure. La valve, identique au Grip on s’installe dessus : on a mesuré génération : le bruit quand on bouge un gain d’isolation, Therm-a-rest
2.5, demande la même souplesse 7cm de plus qu’annoncés. La valve (plus ou moins gênant selon les n’utilise pas d’isolant synthétique), et
donc ! Attention à la taille toutefois, est très pratique, et le sac qui personnes). Therm-a-Rest a la très le matelas s’allonge jusqu’à 191cm
nous avons mesuré 175cm (au lieu combine le rangement et le gonflage bonne idée de faire une version une fois dessus, au lieu des 183cm
des 178cm annoncés) : c’est donc est particulièrement bien pensé. femme un peu plus petite avec une annoncés ! Quand on bouge, le bruit
un « petit regular ». L’isolation annoncée est bonne mais meilleure isolation, pour le même est par contre tout aussi marqué.
notre protocole (avec ses limites, cf. poids. Un choix très cohérent ! Pour ce modèle, un sac de gonflage
encart) n’a pas montré les résultats Dommage qu’un sac de gonflage ne polyvalent est fourni, c’est agréable,
escomptés. soit pas fourni. tout comme la garantie à vie.
Mentionnons aussi que – et c’est
*nous n’avons pu tester que la taille
valable pour tous les matelas Therm-
Large, mais les valeurs affichées ici
a-Rest présentés ici – c’est la seule
sont celles de la taille Regular (en
marque à fabriquer ses matelas en
ayant pris le soin de vérifier si les
Europe. Et cerise sur le gâteau, ces
valeurs annoncées étaient fiables
matelas sont garantis à vie.
bien entendu)
Une version plus lourde et plus Ce n’est pas le matelas autogonflant Entre le rectangle et la momie, voici Il ressemble comme deux gouttes
volumineuse du X-Lite, et en format le plus léger, ni le plus compact. le format rectangle arrondi. Un bon d’eau à son voisin, mais ce n’est pas
rectangulaire. L’isolation est annon- Therm-a-Rest a préféré miser sur un compromis, ce matelas offre un très le même ! Aussi en format rectangle
cée un peu en deçà, mais nous choix de matériaux très résistants, bon confort. En revanche, le ratio arrondi, la version 4 saisons ne
n’avons pas constaté de différence quitte à offrir moins d’isolation que poids/isolation est plus proche de diffère que par son garnissage, plus
(au contraire, nous l’avons plutôt la concurrence au même poids. En celui d’un matelas autogonflant, conséquent. Il en résulte une meil-
trouvée très bonne !). Les tissus revanche, cela confère au Prolite un bien que les matériaux utilisés leure isolation, bien que nous n’ayons
utilisés procurent une impression aspect indestructible qui n’est pas soient plutôt très légers. Ceci est dû, pas réussi à mettre en évidence une
de plus grande solidité. À conseiller usurpé : mon Prolite d’il y a 10 ans semble-t-il, au fait que l’isolation est R-Value si élevée sur notre protocole
pour ceux qui craignent de ne pas est encore en service, alors que je davantage assurée par du garnissage (limité, cf. encart)… Sinon, même
être assez soigneux J. Le confort est n’ai pas toujours été tendre avec synthétique que par la structure confort, mêmes remarques J. Pas de
de mise, on retrouve le phénomène lui ! Une version femme existe, sur le interne : un choix plus coûteux sac de gonflage non plus. Le poids et
d’allongement : 190cm au lieu des même principe que la version Women en poids. La valve est pratique, le le volume sont plus importants, et le
183cm annoncés ! Le bruit reste du NeoAir X-Lite : poids identique système de dégonflage bien pensé, tissu 20D devra tout de même être
inchangé par rapport au X-Lite ! Pas et meilleure isolation. On peut aussi dommage que le sac de gonflage ne manipulé avec précaution.
de sac de gonflage inclus. La garantie compter sur la garantie à vie. À noter soit pas inclus.
à vie est aussi de mise. qu’une nouvelle version est récem-
ment sortie, annoncée à 510g.
435 g
Vaude 184 cm 50,5 cm 7 cm
M (410-450 g) 13 g Rectangle 1,3 L 2,7
Performance 7 (183) (51) (7)
(3)
577 g
Vaude 184 cm 50,5 cm 7 cm
M (555-600 g) 20 g Rectangle 2,8 L 4,6
Performance 7 Winter (183) (51) (7)
(3)
(1) : il s’agit de la longueur mesurée avec une personne sur le matelas, car certains s’allongent sous l’effet du poids.
(2) : volume mesuré et vérifié après plusieurs pliages/dépliages
(3) : sur l’emballage, Vaude est le seul fabricant à indiquer une fourchette de poids. En effet on remarque chez d’autres marques que le poids
n’est pas toujours exactement celui annoncé : parfois moins (bonne surprise !), parfois plus... Les variations de la production ?
Sac de gonflage
Non 200 € (63g) + kit de Taiwan
réparation
Non 40 € -- Chine
Kit de réparation +
Non 140 € Taiwan
scratch (5g)
Kit de réparation +
Non 160 € Taiwan
scratch (5g)
Kit de réparation +
Oui 90 € Taiwan
scratch (6g)
Kit de réparation +
Oui 80 € Taiwan
sangle (9g)
Kit de réparation +
Oui 90 € Taiwan
sangle (9g)
Kit de réparation
Non 114 € + sac pompe & Taiwan
rangement (43g)
Kit de réparation +
Non 180 € Irlande
sac pompe (54g)
Préparer
son corps
avant une expé
Bon, ok, ok. J’étais mauvais en sport à l’école, et ça m’a super vexé, et depuis je
compense. Soit. En attendant, à force d’opiniâtreté, de documentation, de travail
acharné et de méthodes innovantes, à 43 ans j’ai une meilleure condition physique
générale que pas mal de jeunes, et certainement que la majorité des hommes de mon
âge. Donc ouais, j’en suis plutôt fier. Je me la pète un peu dans mon intro, avant que les
années ne me rattrapent et que mes bourrelets ne reprennent le dessus J.
Ce que je vous propose ici, plus sérieusement, c’est de partager avec vous mes
conclusions et mes méthodes pour la préparation physique générale, dans une optique
« nature ». Vivre dehors, faire une expé, un trek, un truc « by fair means ». Parce que
justement, le « by fair means » implique une bonne grosse dose de mécanique animale,
et j’ai envie que vous puissiez faire ce que vous souhaitez. Que votre corps soit un outil,
un moteur, une ressource. Un allié.
Et oui, ça se prépare, ça. Parfois longtemps avant, selon le cas.
- de la puissance de l’influx nerveux qui commande le muscle voir les mouvements et vous faire une idée. Le « turkish get-
(et de l’interface entre les nerfs et le muscle, chose qui se tra- up » est un mouvement particulièrement complexe qu’il est
vaille facilement et qui progresse très très vite) ; utile de bien maîtriser avant de « charger », mais le « swing »,
- de la solidité des tendons et des insertions musculaires malgré son apparente simplicité, cache aussi tout un tas de
(chose qui se travaille assez vite aussi si on s’en donne la secrets et de subtilités. Bref, observez, formez-vous correcte-
peine). ment, et envoyez la sauce. Vous m’en direz des nouvelles J.
Pour travailler sa force, pas de miracle. Il faut une résistance Et l’endurance, dans tout ça ?
mécanique, peu importe comment on la produit, et des mou- L’endurance, outre la force, c’est surtout une capacité à four-
vements impliquant plusieurs articulations : squats (accrou- nir aux muscles du carburant et de l’oxygène.
pissements avec charge), soulevés de terre (soulever une Pour développer l’apport en oxygène, il faut surtout muscler
barre depuis le sol jusqu’à avoir le dos droit), tractions, tout le cœur. Et le cœur, comme tout muscle, se développe surtout
ça. Je vous conseille vivement, avant de vous y mettre, de dans des phases d’effort intense. Donc on va plutôt privilé-
prendre un temps pour bien apprendre et intégrer ces mou- gier, pour augmenter sa capacité de transport d’oxygène, des
vements auprès d’un coach compétent. Non seulement ça séances de haute voire très haute intensité (d’où l’impor-
vous permettra de progresser plus vite, mais surtout vous tance de demander à votre médecin de vous examiner avant
préviendrez les blessures qui viennent avec une mauvaise de vous y mettre sérieusement). Typiquement, pour amélio-
technique. rer ma « VO2Max », je fais des séances de sprint, selon une
Pour travailler la force maximale, des séries courtes (1 à 5 ré- méthodologie simple :
pétitions) avec des charges très lourdes sont idéales. Ce type
de travail vous fera gagner en force sans vous faire prendre • Je m’échauffe en courant un peu, puis un peu plus vite,
beaucoup de masse musculaire, voire pas du tout. Si vous jusqu’à me sentir « chaud ».
voulez prendre de la masse, en revanche, il faut plutôt dépas- • Je récupère aussi longtemps que j’en ai envie.
ser les 5 répétitions. Pavel Tsatsouline dit d’ailleurs avec un • Je cours comme si j’avais un tyrannosaure au cul, et je
ton un peu ironique que « n’importe quoi en séries de plus de m’arrête quand je sens que je n’en peux vraiment plus.
5, c’est du bodybuilding ». • Je marche pendant un moment, le temps de récupérer.
Ainsi, pour marcher ou courir plus vite, on pourra travailler • Je cours comme si un mec, là-bas à 300 ou 400 m, venait
la force maximale des jambes, avec des squats lourds et des de me voler mon dernier steak (soit encore plus vite que si
fentes lestées également. Certains coachs recommandent j’avais un t-rex derrière moi).
ainsi à leurs marathoniens des exercices qui ressemblent • Je récupère encore.
étonnamment à ceux pratiqués par les haltérophiles et les • Etc.
powerlifters : du squat lourd, du soulevé de terre lourd, etc.
Une fois qu’ils arrivent à soulever deux fois leur poids au sou- Typiquement, selon ma forme du moment, je fais ça entre
levé de terre et au squat, leurs temps sur une même course 4 et 8 fois, et je considère que ça suffit largement. Et je fais
ont généralement fondu de parfois 10 ou 20%. ça généralement une fois par semaine maximum. Et PAS un
Si vous ne savez pas quoi faire et que vous cherchez un pro- jour où je fais un autre entraînement musculaire.
tocole d’entraînement super efficace en peu de temps, je C’est très ludique, surtout avec des visualisations extrêmes
vous conseille vivement le programme « simple and sinister » (je varie évidemment les plaisirs, parfois je cours pour sauver
de Pavel Tsatsouline, qui porte bien son nom et qui tient ses une jolie fille, parfois je cours pour attraper quelqu’un qui m’a
promesses. Il développe globalement la force, le gainage, et gonflé dans la journée, peu importe au final, tant que ça me
le cardio en séances de 15-20 minutes par jour. Ça implique fait courir pour une raison qui me motive vraiment).
trois exercices avec une kettlebell : des « swings », des « tur-
kish get-ups », et pour l’échauffement des « goblet squats ». L’autre aspect de l’endurance, c’est le carburant. Et là, sur-
Vous pouvez déjà rechercher le nom de ces trois exercices tout dans un contexte de voyage nature au long cours, rien
dans YouTube, avec « RKC » et/ou « strongfirst » devant pour ne remplace le gras. Il est selon moi indispensable de réé-
+ Retrouvez d’autres chroniques sur notre site : « La révolte des premiers de la classe », « Le
dernier ermite », « Golden Globe », divers topos kayak de mer, de rivière, parapente vol rando...
Expemag.com, rubrique Test > Livres et DVD
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Envoyez-nous vos textes et vos photos à redaction@expemag.com
TransEuropAsia
> Je connais Carnets d’Aventures
depuis 10 ans et j’en suis devenue une
fidèle lectrice. Un grand merci pour
votre magazine exceptionnel qui m’a
toujours inspirée !
Je pratique la rando itinérante ou à
Et pourquoi pas ?
> Bonjour à toute l’équipe de Carnets
vélo et le bivouac hivernal depuis
d’Aventures !
2006. Je vis depuis 5 ans en caravane
Je voulais vous dire un grand MERCI
sans électricité ni eau courante dans
pour votre magazine qui m’a motivée
la région du Vigan (30). Je n’ai jamais
à faire une plus grande place à ma
eu de voiture. Je me sens donc en
D’une certaine façon, le voyage nature nous extrait du monde. Ces itinérances lentes poussent à la réflexion et changent notre
regard sur les choses, d’où cette chronique un peu décalée.
D
avant le concept de « totale autonomie ». une émanation de la pensée ultra individualiste ?
Une étiquette dont l’objectif serait de Ultra individualisme pour une espèce ultra sociale ?
rajouter de la valeur, de l’intérêt au voyage. Est-ce la bonne route pour sapiens ?
Cela peut être interprété comme : sans Les humains ont tous besoin des autres, besoin de
assistance externe (opérateur de voyage, relations, d’échanges, de marques d’attention… Be-
suivi par un team logistique…). Mais peut-être que le soin des services et des biens produits par d’autres
terme « autonomie » seul serait suffisant pour véhiculer (nourriture, santé, éducation, eau, énergie, transports,
cette idée. Une autonomie « totale » impliquerait culture…). Tout au long de la vie, ces connexions
davantage : pas de ravitaillement, voire se nourrir de récurrentes et permanentes se manifestent. Dans le
ce que fournit la nature ; bien entendu la plupart des règne animal, le petit d’homme est un cas extrême
voyages estampillés “en totale autonomie” sont bien de fragilité et de dépendance dans la durée. Dès la
loin de cela. En transportant sa nourriture sur son dos naissance, le bébé est pris complètement en charge
ou à vélo, le voyageur parvient à avoir quelques jours/ par ses parents, souvent après que d’autres personnes
semaines d’autonomie, quelques semaines/mois à spécialisées les ont aidés à l’accouchement, suivis
ski pulka ou en kayak de mer, quelques mois/années pendant la grossesse… Ensuite, l’enfant est pris en
en voilier. Cette autonomie est le résultat d’une charge pour une bonne part de son éducation par le
optimisation importante de ce que l’on transporte et milieu scolaire, qui est une collaboration entre un en-
est réservée à une très petite minorité de voyageurs semble d’humains que les parents ne connaissent la
nature. Bien souvent, ils se ravitaillent dans des plupart du temps pas au préalable.
villages, peut-on alors vraiment parler d’autonomie ? Les relations avec la famille, les amis et des milliers
Et surtout, est-ce une valeur positive ? d’autres interactions entre humains structurent notre
Une vision extrême de la « totale autonomie » pourrait vie d’être social en permanence. La liste est longue…
même impliquer que le matériel utilisé lors du voyage Regardons autour de nous, les marques laissées par
(et ses composants) ait été fabriqué par le voyageur d’autres humains sont légions. La nature offre un
lui-même, et là, ça devient quasiment impossible. break, pourtant nous empruntons souvent une route,
L’équipement employé, la nourriture consommée, une piste, un sentier créés par autrui… sur un vélo,
le savoir acquis proviennent la plupart du temps avec des chaussures ou un kayak produits par autrui.
d’autres personnes, de très nombreux autres homo Bref, se penser autonome est une chimère et tant
sapiens agissant conjointement dans une multitude mieux ! La nature profonde d’homo sapiens est so-
de domaines et qui rendent possible la petite aven- ciale, sa dépendance n’est pas une faiblesse mais sa
ture de notre sapiens voyageur, non pas grâce à une plus grande force ! La société humaine est plurielle et
autonomie imaginaire mais plutôt au résultat d’une constellée de myriades de formes d’interactions. Valo-
interdépendance constructive. Est-ce mal ? riser cela, donner du sens et une perception positive
Est-ce qu’une volonté d’autonomie totale ou d’autar- à l’interdépendance de l’espèce humaine, permet de
cie est souhaitable ? Faire un maximum de choses par prendre conscience que l’humanité fonctionnant en-
soi-même a beaucoup d’avantages (potager, artisa- semble est un joyau. L’autre perçu comme un élément
nat…) : savoir ce que l’on mange, stimuler son intellect constructif plutôt que comme une menace (comme les
pour apprendre à fabriquer des objets variés, sortir du médias se plaisent malheureusement à le présenter)
schéma exclusif de société de consommation… Mais fait voir le monde sous un angle bien plus heureux. Un
poussée à l’extrême, cette volonté de ne pas dépendre petit changement de point de vue (d’extraterrestre)
d’autres personnes est sans doute un problème car qui remplit de joie et d’espoir. Peut-être qu’on pourra
elle nous éloigne de notre nature profonde, elle est lire de temps en temps, sur un résumé de voyage, à la
alors sans doute une réponse inadaptée à certaines place de « totale autonomie » un : « grâce à ma joyeuse
peurs. L’autre ne serait-il pas la solution plutôt que le dépendance aux autres. Merci à vous ! » J
problème ?
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