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voyage Et bivouac ● à PIED, à vélo, EN kayak, à ski, à vtt, en parapente...

52
carnets d’aventures #52
EXPEMAG.COM CARNETS D’AVENTURES
matériel

17 Légers Matelas

sur le banc de test

e 2018
juillet-aout-septembr

voyagertour
san s dat e d e r e
AUTOUR du monde
Pieds Libres Nomade depuis 7 ans 7 ans à pied Tout En Marchant

Physio On Hand À vélo vers la Nouvelle-Zélande Cyclo-grimpeurs Small World On A Bike


juillet-aout-septembre 2018

VTT kayak

Cévennes
Traversée entre amis
groenland
Au milieu des glaces

BEL/LUX : 6,90 € - DOM : 6,90 € - CH : 11,20 FS


CAN : 11,50 $ cad - NCAL/S : 850 CFP – POL/S : 850 CFP

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OURS DES BOIS préparer son corps avant une expé


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En tant qu’aventurier, vous ne restez jamais


longtemps au même endroit. Un souci
d’enregistrement ou de transit peut arriver à tout
moment. Le Kulu possède une technologie unique
qui vous permet de fixer la ceinture de hanches sur
les côtés et d’attacher toutes les sangles lorsque
vous voyagez en avion, en train, en autobus ou
à dos de yak. Concentrez-vous sur l’aventure et
minimisez les tracas en optant pour le Kulu.

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é d i to

Voyager sans
date de retour

L
Par Johanna

arguer les amarres et partir sans date de retour, pourquoi, comment ?...
Morceaux choisis des témoignages de ce numéro.

Faire de mon voyage un mode de vie s’est naturellement imposé à moi


quand, durant la préparation de mon projet, je me suis rendu compte qu’il
me prendrait au minimum 10 ans…
La décision était prise, moi aussi j’irais autour du monde à pied. Cela m’a
pris neuf mois pour accoucher de ce projet qui devenait ma nouvelle vie,
neuf mois pour être plus prête que jamais à VIVRE.
Caroline Moireaux

Notre vision de la vie avait changé. Il était temps de se libérer des mo-
dèles imposés par la société, de se saisir de notre liberté et de vivre nos
Notre ligne éditoriale passions à fond.
Avant le départ, nous avions estimé la durée de notre aventure à deux
Nous publions des récits et des dossiers
ou trois ans. Comme nous l’avions prévu, rien ne se passe comme prévu.
techniques sur le thème du voyage non
Après dix-huit mois sur la route, nous avons trouvé un rythme qui nous
motorisé dans la nature : à pied, à vélo, convient, beaucoup plus lent que nous l’imaginions. Il nous faudra donc
en kayak, à ski, à cheval, à la voile, en travailler l’année prochaine pour financer la suite. Une aventure dans
parapente… et avec bivouac, d’une durée l’aventure.
allant de quelques jours à plusieurs La différence avec un voyage dont on connait d’avance la durée repose
années. Nous pratiquons nous-mêmes certainement sur la perception et la valeur que l’on accorde au temps.
fréquemment l’itinérance sans moteur, et Nous sommes libres de rentrer demain ou de continuer pendant 10 ans.
œuvrons, à travers Carnets d’Aventures, Finalement notre vraie liberté est celle de pouvoir imaginer notre vie telle
à promouvoir ce type de voyage plus qu’elle nous convient. Nos contraintes de temps se rapprochent de celles
respectueux de l’environnement. Dans de la nature.
cette optique, nous imprimons le Noémie et Adam Looker-Anselme
magazine en France et sur du papier
100 % recyclé pour économiser du bois, Une des questions qui m’ont poussé à entreprendre ce voyage est
de l’énergie et de l’eau. « qu’est ce qui te rend heureux ? ». La première chose qui me venait à
À propos des tests de matériels que nous l’esprit était mes voyages.
publions, nous pensons que la presse, Je n’ai pas tout de suite réalisé que je partais pour un voyage de durée
pour faire un travail de qualité, doit encore incertaine. Il m’a fallu quelques semaines pour m’apercevoir que
être complètement indépendante des le retour n’est pas pour tout de suite et que ma vie est en train de chan-
fabricants. Les seuls matériels dont nous ger du tout au tout.
parlons ont été testés par la rédaction, Je suis désormais pris dans cette inertie où le temps prend une tout autre
nous n’avons pas de rubrique shopping. dimension. Il est devenu une sorte de luxe, que je recherche comme fina-
lité. Je n’ai désormais plus de « délai alloué à mon voyage », il prendra le
Le rédactionnel est complètement
temps qu’il faudra, en fonction des opportunités qui s’offrent à moi.
indépendant des publicités qui sont
Romain Auclair
publiées dans le magazine. C’est à vous
que nous devons cette indépendance,
La vie nomade est devenue pour moi l’incarnation d’une forme de liberté,
vous lecteurs, qui nous permettez
peut-être plus viscérale car elle ferait écho à nos origines.
d’exister en achetant le magazine.
On devient nomade quand on se libère de cette myriade de contraintes
quotidiennes qui se dissimulent dans la sédentarité. Quand on rend enfin
nos clefs… J’ai déconstruit ma sédentarité sans effort, avec empresse-
ment même. Sans clef on est plus ouvert.
Killian Blais ●

#52 - Carnets d'aventures - 3


sommaire

03 ÉDITO
DOSSIER
06 BRÈVES
Tout En Marchant
12 AGENDA Les sentiers de la vie nomade
16
14 DOSSIER
16 VOYAGER SANS DATE DE RETOUR
60 KAYAK GROENLAND
70 VTT CÉVENNES
76 TEST MATELAS
90 CHRONIQUE DE L’OURS DES BOIS
14
94 COIN DES BOUQUINS
95 COURRIER DES LECTEURS Small World On A Bike
96 L’EXTRATERRESTRE Cyclo-grimpeurs

97 MESSAGES DE LA RÉDACTION
98 PROCHAIN NUMÉRO

26
Pieds Libres
Nomade depuis 7 ans

voyager
sans date 38
de retour Physio On Hand
À vélo vers la Nouvelle-Zélande
AUTOUR du monde

48
4 - Carnets d'aventures - #52
Groenland sauvage

We are
crafters
60 of *
Traversée des Cévennes comfort.

70
Test matériel
17 matelas légers

* Nous sommes les artisans du confort.

76 Mythic Sleeping Bag.


Le nec plus ultra de nos connaissances
et de notre savoir-faire, la Mythic
Chronique de l’ours des bois repousse les limites du techniquement

Préparer son corps possible. Garni à la main de duvet

90
hydrophobe d’origine éthique avec
avant une expé un gonflant de 900 cuin, ce sac de
couchage très complet est étudié pour
les environnements alpins en offrant un
rapport poids/chaleur exceptionnel.

W W W.R AB.EQUIPMENT
brèves

Cyclo migrateurs
Ouvrir nos yeux chaque matin devant un nouveau paysage, parfois idyllique,
parfois moins, mais toujours différent, ne pas avoir de contraintes de temps
hormis le passage des saisons. Ne pas avoir de « choses à faire » si ce n’est
trouver un bel endroit pour notre bivouac du soir, se sentir libres, ne plus rien
posséder hormis nos vélos et nos sacoches, se détacher de notre monde de
consommation. C’est notre vie de cyclo nomades choisie depuis quatre ans
avec toujours l’envie de continuer même si parfois les côtes nous font souffrir.
On s’adapte à chaque culture, à chaque saison, au climat, aux us et coutumes
et finalement c’est tellement simple. Chaque jour de nouveaux sourires.
Pourtant, avant de partir nous ne faisions guère de vélo et n’avions jamais
voyagé hors de l’Europe. En 2013 nous avons choisi de laisser tomber le
boulot pour aller courir le monde, sans attendre la retraite et surtout de ris-
quer d’avoir un truc qui se déglingue côté santé.
L’espérance de vie en bonne santé étant de 64 ans pour une femme et 62
pour un homme, le calcul est vite fait : on commence sa vie jusqu’à 6 ans
par une période d’innocence, puis vient celle éducative qui va, selon les cas,
jusqu’à 25 ans, puis la période active, le boulot qui nous emmène au-delà de
60 ans… Et puis ?!
Alors on fait les comptes, nous vendons la voiture, louons la maison, ache-
tons des vélos, une tente et tout ce qui va avec, et c’est parti ! Voyager
à vélo ne coûtant pas plus cher que rester chez soi, la vie au grand air et
l’exercice physique nous permettant d’avoir toujours la pêche, c’était sans
aucun doute la décision la plus folle et la plus sage qui soit.
Irène et Joël Connault Lavigne
cyclomigrateurs.fr ● FB : lescyclomigrateurs

SANS DATE DE RETOUR 1000 vies dans une…


Le témoignage d’Ima, parti sans retour prévu, aurait très bien pu trouver
sa place dans ce numéro ! Comme Carnets d’Av. n’a « que » 100 pages,
à défaut d’un article complet dans l’immédiat, voici quelques-unes des
réflexions d’Ima sur la vie et le voyage…
1000 vies dans une, ça vous branche ? Pour ce faire, je pense bien qu’il
nous faudra découvrir notre ego (ce n’est pas uniquement « péter plus haut
que ses fesses »…). Également mettre en lumière les pressions sociales
conscientes et inconscientes qui nous empêchent d’être réellement nous-
mêmes. Redéfinir la notion du possible, du bien et du mal, de notre rapport à
l’argent et de sa place. Aussi bien à titre global que personnel. Réfléchir sur
la « possession ». Essayer de faire apparaître ses peurs puis les comprendre.
Prendre du recul sur nos automatismes, nos croyances, notre « normalité »
et celle de notre entourage proche et plus lointain (étatique, mondial…).
Il y a de quoi faire n’est ce pas ? Et tout ça, sans se mentir (ou pas trop long-
temps) ! Sans se trouver d’excuse. Sans se juger ni être dominé par l’affect.
Être conscient, réfléchi, posé, indulgent avec soi-même tout en « allant au
charbon ». Sans se comparer inutilement. Chacun ses complexités et ses
avantages. Chacun est son propre référent.
Personnellement, je m’y applique. Je suis parti « cap vers l’est » avec mon
petit vélo et mon matériel de bivouac. Sans retour prévu.
Alors c’est parti pour vivre en faisant connaissance avec moi-même ! Le but
étant de « m’accompagner », de devenir mon meilleur pote . Sans oublier
que c’est « là, maintenant tout de suite » qui compte plus que tout. Non
seulement on se rencontre, mais on découvre l’humanité. Elle est bien là.
Oui oui… Mais il ne faut pas le dire trop fort, car la fameuse « croissance »,
basée sur des centaines de peurs, en prendrait un sacré coup !
Si ça vous dit d’en savoir davantage, et surtout qu’on échange ensemble,
c’est en ligne que ça se passe…
Ima ● FB : a pressed man
Carnet sur Mytrip avec le module de commentaires pour discuter :
expemag.com/carnet/a-pressed-man-cap-vers-l-est-sans-retour-prevu/0

6 - Carnets d'aventures - #52


brèves

SANS DATE DE RETOUR The Great Bike Adventure


Le 4 mars dernier, entouré de ma famille, mes amis, quelques curieux et ma
petite amie Charlotte (qui me rejoindra en Asie), j’ai fébrilement donné les pre-
miers coups de pédale de ce qui s’annonce une sacrée balade à bicyclette…
En 2013, un ami me fait découvrir la randonnée itinérante, c’est l’électro-
choc : cette semaine en pleine nature en Écosse, dépouillé de tout confort et
de biens matériels superficiels, m’a fait me sentir plus vivant que jamais ! Je
découvre ensuite le voyage à vélo ; nouvel électrochoc : tout en restant dans
une optique de slow-travel, je parcours plus de distance, ma liberté est dé-
cuplée, l’effort physique intense et ma joie immense. À chaque voyage, je me
rends compte que le temps me manque pour agrandir mon champ d’action
et explorer d’autres horizons.
C’est ainsi qu’en 2018, je m’élance pour un voyage sans date de retour.
Avec 10 €/jour, je pars pour au moins 3 ans à travers les 5 continents et
100.000 km devant mes roues.
Rémi Baccout ● thegreatbikeadventure.com

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brèves
SANS DATE DE RETOUR La planète à vélo
En route depuis presque 2 mois, je découvre des petits bouts de France que
je ne soupçonnais pas ; plus j’avance et plus je me plais à vivre au rythme
de mon vélo pendant ce tour de préparation !
6 mois avant mon départ, je vivais une période vide sans envies, sans moti-
vations, jonchée de petites difficultés que je n’avais même plus envie de
surmonter… Depuis longtemps trottait cette idée d’un voyage au long cours
sans en définir les contours. Après un point sur mes envies, diverses lectures
et discussions passionnantes en tous genres, est née dans ma tête une syn-
thèse de tout cela : voyager mais de manière simple, rencontrer pour assou-
vir ma soif de connaissances, photographier et filmer pour partager avec qui
voudra me suivre… et le lien dans tout cela sera le vélo (sachant que je ne
suis pas cycliste du tout au départ).
2300 km plus tard, je commence à réviser mon matériel pour le grand saut à
la découverte de l’Amérique du Sud qui démarre en juin ; départ du Pérou
pour traverser la Bolivie, le Chili et l’Argentine puis remonter jusqu’au Ca-
nada. Un changement de vie radical, passant de l’informatique à vagabond
cycliste, je suis parti discrètement, sur la pointe des pieds, j’ai pris confiance
en mon projet pas trop étudié au fil du temps et des kilomètres, sans date
réelle de retour ni d’itinéraire précis… mais qu’est-ce que je suis bien de-
puis que l’aventure a commencé !
Jonathan Flouret ● laplaneteenvelo.com ● FB : laplaneteenvelo

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Test réchauds à bois
Test gants et volcans

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Voyager en solo
Test sacs à dos légers Dossier hiver et froid
au féminin / Alaska

  #29
Les nouveaux nomades
Test poches à eau
  #30
L’aventure à plusieurs
Test tentes 4 saisons
  #31
Ces pays qui ont
mauvaise presse
6€  
jusqu’à #47 et HSVV3
dont 0,50€ de participation aux frais de port

  #32   #33   #34


Spécial France
Test panneaux solaires
Voyages multiactivité
Test sacs de couchage
L’autonomie
longue durée 7€  
à partir de #48
dont 0,50€ de participation aux frais de port
  #35   #36   #38
L’Islande Amérique du Sud Tarifs valables en France métropolitaine et dans la limite des stocks
La sagesse des anciens
Sacs de couchage légers La randonnée avec enfants L’hygiène dans la nature disponibles. Voir site Internet pour l’outre-mer et l’étranger.

  #39   #40   #42


TOUS LES N° EN
Aventures singulières Into the jungle Voyager en couple
Tentes conditions extrêmes Test vestes 3 couches Balises de détresse

  #43   #44
à vélo avec ses marmots
  #45 version numérique
Imprévus en voyage Voyages multi-activités
Livetracking Test tentes familiales Test sacs à dos légers

  #46   #47   #48


Voyager avec des
adolescents
Résilience : le voyage
comme remède
Un été au frais
Test tentes 2 places
TOUS LES SOMMAIRES
  #49   #50   #51
COMPLETS
Voyager entre amis Ouest américain Au bout du monde
Vélos en bambou Travailler en voyageant Monter son vélo de voyage

Pour préparer un voyage à vélo


 EXPEMAG.COM
  #HSVV3 : hors-série voyager à vélo

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Seis Ruedas Cinco Pies
Vincent, Damien et Nico : 77 ans à nous trois. Amis d’école
ou collègues, nous avons le voyage dans la peau et le goût
du challenge. En automne 2017 est né un projet commun :
le tour de l’Amérique du Sud à vélo ! Départ en septembre
2018 sous le nom de « SRCP » : Seis Ruedas Cinco Pies.
Petit clin d’œil pour les non bilingues : 3 vélos + 3 gars
(Damien étant amputé d’une jambe), on vous laisse faire
le calcul ! La création de l’association Fair Foot était pour
nous un complément logique à l’aventure. Ses objectifs ?
Développer des prothèses pour membres inférieurs à très
bas coûts grâce à l’impression 3D et la formation à la tech-
nologie pour une indépendance totale de la personne.
Fidèles lecteurs de Carnets d’Aventures (le hors-série sur le
voyage à vélo ne fait désormais plus qu’un avec nos tables
de chevet), il nous semblait évident de partager cette aven-
ture avec l’équipe du magazine et ses lecteurs qui nous
font tant rêver !
Vincent Baudard, Nicolas Martin, Damien Ronchetti
srcp-bike.com

“C’EST
L’AVENTURE
Un colibri à vélo
Partir, prendre le temps, vivre autrement, avec plus de sim-
D’UNE VIE”
plicité… Je rêve de faire un grand tour à vélo depuis long-
temps. Mais où aller et dans quel but ? L’Union Européenne
est une institution qui facilite les voyages, l’ouverture et la
paix. Cependant, elle est fragile et parfois menacée. C’est
pour rappeler l’importance de sa diversité et de son histoire
que j’ai créé le projet Un colibri à vélo : je pars en août pour
un tour d’Europe seule à vélo. Pendant 12 mois, je roulerai à
travers une trentaine de pays. Historienne de formation, je
rencontrerai les habitants et les associations afin de valori-
ser l’histoire, le folklore et la culture des régions traversées.
Je partagerai sur mon blog des savoir-faire, coutumes, anec-
Crédit Photos : Paul Villecourt

dotes, recettes et traditions. Je souhaite mettre en valeur la


tolérance, la solidarité et l’optimisme afin de rappeler que
nos différences sont une richesse. J’espère aussi, en obser-
vant et en apprenant des autres, aller vers une meilleure
connaissance de moi-même.
Larissa Dauve Flor ● uncolibriavelo.wordpress.com
ROTOMOD SAS
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www.novacraft-france.com - contact@novacraft-france.com
brèves

SANS DATE DE RETOUR Run Your Destiny


ON LES SUIT ! Voilà plus de 6 mois que notre aventure a commencé à Ushuaia. Nous
sommes à présent en Équateur, après avoir parcouru presque 9000 km
sur nos VTT, participé à 2 épreuves sportives en Argentine et au Pérou, et
accompli une mission d’éco-volontariat.
Le Canada est encore loin et le retour à la maison encore plus… Voyager
sans date de retour, c’est pour nous un grand sentiment de liberté, de « lâ-
cher-prise » avec les obligations et les devoirs d’un quotidien dit « normal »,
c’est avoir 1001 possibilités de modifier son parcours, ses envies : « Tiens,
et si on restait quelques mois au Canada pour parfaire notre anglais ? Et
si on faisait un petit tour de France avant de rentrer à la maison ? ». Mais
c’est aussi accepter le manque des siens sans savoir quand on les retrou-
vera, manquer des évènements importants de la vie de ses proches, n’avoir
aucune idée de ce dont le futur sera fait. C’est vivre pleinement le présent,
même si bien souvent, pendant nos longues heures en selle, nous discutons
de nouveaux projets, nous imaginons « l’après-voyage », mais rien n’est
fixé, rien n’est daté… La vraie contrainte pour nous, et pour beaucoup sûre-
ment, est financière. Jusqu’à quand pourrons-nous subvenir aux besoins
du voyage ? À ce jour, nous n’avons pas obtenu le tant espéré PVT (Permis
Vacances Travail) au Canada, qui pourrait nous permettre de continuer de
voyager tout en travaillant. Affaire à suivre…
Sophie Castillo et Vincent Sobecki
runyourdestiny.com ● FB : Run Your Destiny

Seule à vélo du Caire au Cap


Inspirée par de nombreux bouquins, je me lance dans la traversée de
l’Afrique du Caire au Cap seule à vélo, une aventure ambitieuse pour moi qui
monte pour la première fois sur un vélo chargé de sacoches !
En organisant ce périple, en deux semaines seulement, je laisse beaucoup de
questions sans réponses… La veille du départ, je suis nerveuse mais enthou-
siaste et optimiste, je saurai bien me débrouiller ! Pas de pression pour arri-
ver au Cap cependant, je pédale à mon rythme ! Je me sens libre et tout est
beaucoup plus facile une fois sur place. L’hospitalité des habitants, surtout
dans les zones reculées ou désertiques, comme au Soudan ou dans certaines
tribus, est touchante. Même s’il y a des moments très difficiles : la solitude,
la chaleur, le manque d’eau, l’effort physique et les mouches qui collent à la
peau en sueur, le voyage à vélo permet une approche authentique avec les
habitants, parfois amusante tant ils sont surpris de voir pédaler une femme
blanche seule ! Et puis, il y a cette connexion avec la nature, qui me fait
apprécier sa beauté : l’étendue du désert, les animaux sauvages, une nuit
étoilée, un orage…
Quand, à mon retour, les gens me demandent si je n’ai pas eu peur, j’aime
leur répondre en souriant « peur de quoi ? ». L’unique danger du voyage à
vélo, c’est l’addiction qu’il provoque ! Mon vélo et moi sommes vite devenus
inséparables et nous avons déjà des idées de voyages plein la tête…
Émilie Poudroux
emiaroundtheworld.com ● FB : emi around the world

+ Suivi voyageurs en ligne


Prendre des nouvelles de voyageurs en partance, en route ou de retour. Donner des vôtres. Poser des questions.
Partager pensées, anecdotes, réflexions, photos ou vidéos…
Rendez-vous sur Expemag.com, rubrique « Suivi Voyageurs » !

 Expemag.com/article/suivi-voyageurs
10 - Carnets d'aventures - #52
Je choisisbles
rèves
tentes Hilleberg.
SANS DATE DE RETOUR

En selle avec elle


Je suis partie de France pour un tour d’Europe à vélo
avec pour premier objectif rejoindre la Norvège. Ce
voyage, je l’ai pensé depuis cinq ans, cinq années où il
m’a fallu mûrir ce projet et avoir le déclic du départ. Et
puis, un trop-plein de choses, une famille qui part dans
tous les sens et me voilà à ne plus simplement le rêver
mais le vivre. À 32 ans, j’ai plus que besoin d’aller au
bout de moi-même, de créer du lien avec les personnes
rencontrées en route, et de vivre pleinement cette aven-
ture enrichissante. J’ai, également, besoin de trouver
des réponses à mes questions.
Afin de donner véritablement « du temps au temps »,
j’ai décidé de ne pas me fixer de date de retour. J’ai
commencé mon périple en mai, je suis actuellement
aux Pays-Bas. Les journées se suivent mais ne se res-
Krister Jonsson
semblent absolument pas, si les paysages restent pour Grimpeur. Aventurier.
l’instant assez similaires, les rencontres faites en che- Grimpe et guide partout
min sont très enrichissantes ; je vais avoir le temps de dans le monde. Guide
les approfondir et de parfaire mon apprentissage de vie UIAGM depuis 2003.
nomade, l’aventure ne fait que commencer ! Premier suédois à avoir
grimpé les six faces nord
Coline Devergnies ● enselleavecelle.com
des Alpes. Utilise la Jannu
Pour plus d’informations sur Krister, parmi d’autres tentes
allez sur alpinemadness.blogspot.com Hilleberg.
(en suédois)

Seule sur Te Araroa “ LA GRIMPE EST UNE GRANDE partie de ma vie, que ce soit pour
mon travail ou pour moi-même. Grâce à mon métier de guide dans
Ivresse, liberté, harmonie, découverte, rencontre, sur- ma propre entreprise, j’ai l’opportunité de beaucoup voyager et
prise, contemplation… tant de mots décrivent la magie de grimper énormément. Je passe entre 10 à 12 semaines par an
d’un voyage à pied au long cours. Le mien sera porté
dans une tente. Lors de mon dernier voyage en Patagonie, j’ai pris
par le thème de la découverte, celle de soi-même et
celle du monde qui nous entoure. Il a tant à donner à une Jannu avec moi. Pendant de nombreuses journées et nuits
ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs sens. Guidée par tempétueuses, pluvieuses, elle nous a gardé au sec. La Jannu est
mon intuition, sur un tracé certes balisé, je reste ouverte un abri confortable et paisible. Nous n’avons jamais craint qu’elle
à tout. Après avoir marché l’entièreté du chemin de
St-Jacques-de-Compostelle en 2016, c’est la Nouvelle-
ne cède. C’est juste une tente géniale et facile à utiliser. ”
Zélande, « terre du long nuage blanc » en maori, qui va
accueillir mes pas pendant un an – avec 8 mois pour
parcourir Te Araroa dans son ensemble, soit 3000 km.
Un cadeau pour ma trentaine naissante, la concréti-
sation de mon rêve d’enfance : vivre une aventure en
milieu sauvage.
Départ début juin.
En savoir plus sur
Mélanie Foulon ● zestesdeliberte.com
HILLEBERG.COM
+ 46 (0)63 57 15 50
Suivez-nous sur facebook.com/HillebergTheTentmaker
#52 - Carnets d'aventures - 11
a g e n da

Tout au long de l’année se tiennent des festivals de films d’aventure, de voyage, de montagne… La plupart du temps, les films projetés
concourent pour des prix remis en fin de festival. Les projections se font souvent en présence de certains protagonistes de l’aventure
avec qui le public peut échanger. Ces festivals sont donc aussi des moments de rencontres, de partage et de convivialité. On y trouve
en général des expos photo, espaces librairie (dédicaces), conférences, spectacles, concerts, animations, ateliers, séances pour les
scolaires…
Certains de ces festivals existent depuis plus de 30 ans, d’autres ont vu le jour récemment. Nous nous réjouissons de voir fleurir ce type
d’évènement autour du voyage d’aventure. Plutôt que de copier-coller le même type d’information pour chacun, nous prenons le parti de
mentionner simplement les infos-clés plus d’éventuelles spécificités, le reste se trouvant aisément sur internet.

Le Châlon (26) Saint Hilaire du Touvet (38) CONCOURS


EuroVéloDrôme Coupe Icare Changer d’approche
Bivouacs, échanges, 20-23 septembre 2018 Jusqu’au 30 septembre 2018
Le grand rendez-vous du vol La 10e édition de ce concours
balades libre (pratiquants ou curieux). organisé par Mountain Wilderness est
6-8 juillet 2018 Démonstrations acrobatiques, prolongée jusqu’à septembre 2018.
Vous connaissiez EuroVéloGex, concours de déguisements Le principe : aller en montagne, à la
voici la première édition de son aériens, films de vol et de voyages, journée ou plus longuement, sans
remplaçant : EuroVéloDrôme ! concerts, animations variées, voiture, et donc en transports en
Récits de voyageurs, films, stands… Ambiance festive ! commun ou sans moyen motorisé,
bivouacs, balades, exposition, coupe-icare.org et raconter son expérience sous la
rencontres... et quelques jours de
balade à vélo pour les motivés
------------------ forme de récit, photos, vidéos…
Nouveauté pour cette édition : la
après. Inscription nécessaire. Pays Diois - Drôme création d’une nouvelle catégorie
eurovelodrome.org Provençale (26) « bivouac » en partenariat
------------------ SO BUL : Rando VTT avec Carnets d’Aventures
qui sera membre du jury.
Caylar en Larzac (34) en mode Bivouac Venez recenser vos sorties sur l’un
Festival du Roc Castel Ultra Léger des sites appropriés (par exemple
Éloge du voyage lent 21-23 septembre 2018 Mytrip, expemag.com/mytrip) afin de
26-31 juillet 2018 Après le succès de la 1e édition, participer au concours mais surtout
festival-roc-castel.eu voici la 2e ! Chacun est autonome pour partager vos sorties nature,
mobilité douce, et bivouac ! 
------------------ et porte son matériel pour manger
et dormir. Pour le repas du samedi changerdapproche.org
Le Vigan (30) soir, l’organisation fournit une liste ------------------
Là-bas, Vu d’ici d’aliments que chaque participant
CONCOURS
doit porter en vue d’une élaboration
Festival des voyages collective d’un grand plat commun Le Yéti
et des lointains convivial au bivouac ! Pas de « Racontez votre
horizons en Cévennes chrono, pas de balisage sur le terrain
Expérience Outdoor »
(traces GPS fournies), itinéraire typé
24-26 août 2018 Jusqu’au 15 octobre 2018
single tracks. L’organisation amène
Thème 2018 : Argentine-Chili, Comme précédemment, Carnets
à vélo de quoi festoyer le samedi
aux détours de la Patagonie d’Aventures est partenaire de
soir : projection d’un film avec un
labasvudici.jimdo.com ce concours qui récompensera
vidéo projecteur alimenté par un
pédaleur, concert(s) acoustique(s)… avec de nombreux lots les
so-bul.fr meilleurs roadbooks d’aventure
------------------ outdoor. Un beau récit d’une
itinérance sans moyen motorisé
Massy (91) et avec bivouac sera ensuite
Festival des publié dans un numéro de CA.
blog.le-yeti.net/8-eme-
Globe-trotters edition-experience-outdoor
28-30 septembre 2018
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12 - Carnets d'aventures - #52


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TOUT
MARCHANT
EN

Les sentiers de la vie nomade

14 - Carnets d'aventures - #52


7 ans à pied
autour du monde

Irrémédiablement épris de
liberté, Killian décide d’écouter sa
boussole intérieure. Il part alors
sur les sentiers de la vie nomade
et entame un voyage à pied autour
du monde, sans date de retour. Sept
années plus tard, il évoque son
cheminement au travers de cette
riche tranche de vie.

Texte et photos : Killian Blais, Thierry Montaner


Toutenmarchant.com
facebook.com/toutenmarchant

Dans quelques kilomètres l’unique


piste s’arrêtera et commencera notre
plus longue période d’autonomie
en jungle. 6 jours de machette,
un groupe de braconniers et un
troupeau d’éléphants plus tard,
nous ressortirons de l’autre côté, à
seulement 35 km à vol d’oiseau d’où
nous étions entrés. Parc national de
Nam Nao au nord de la Thaïlande.

#52 - Carnets d'aventures - 15


dossier voyager sans date de retour

À droite.
Épine dorsale rocheuse coupant une
vaste plaine en deux. Le sommet
s’avère être un ermitage pour un
petit groupe de moines, nous y
passerons la nuit. Phu Pha Daeng
Forest Park, nord de la Thaïlande.

C ‘est lire les lignes du récit des autres qui m’a conduit
à déchiffrer celles cachées dans le paysage. Cette recherche
sans cesse renouvelée d’une promesse de passage. Avec
toujours ce sentiment ambigu quand on devine enfin un
sentier. Comme si la certitude nous prenait quelque chose.
La vie nomade est devenue pour moi l’incarnation d’une
forme de liberté peut-être plus viscérale car elle ferait écho
à nos origines  ? Une chose est certaine, toute forme de li-
berté nous attire, aussi sûrement que le magnétisme attire
l’aiguille de la boussole. Elle offre à la fois une direction et
un sens.
Mais la boussole fonctionnera uniquement si son aiguille
est dénuée de toutes résistances. De la même manière c’est
quand l’esprit se détend, qu’il baisse sa garde, quand on est
sous la douche, dans la lune, dans les nuages, qu’il est impor-
tant de considérer avec beaucoup de sérieux la direction des
pensées qui nous traversent l’esprit.

Apprivoiser sa liberté : un jeu d’enfant


S’accorder la liberté de suivre ses pensées vagabondes  ?
Malheureusement et contrairement à l’adage, je ne pense
pas que la liberté « s’accorde ». Elle s’apprivoise plutôt. Et
qui d’autre est plus doué dans l’art d’amadouer que l’en-
fant ?
J’ai pour ma part toujours eu l’impression que grandir était
l’art de me construire un costume assez convaincant pour
paraître adulte. La vie m’avait quand même enseigné depuis
quelques leçons. J’avais fini par réaliser que le monde ne
gravitait pas autour de moi et n’était jamais certain de tour-
ner en ma faveur.
Dès lors, laisser aux manettes son gamin intérieur avec son
optimisme candide en l’avenir peut apparaître comme une
folie schizophrénique. Mais la folie peut parfois révéler une
forme de sagesse. Dans mon cas : rationaliser la peur. La son-
der pour voir ce qu’elle contient de tangible. Et pour la majo-
rité d’entre nous, ici en Occident, il n’y a pas grand-chose
de terrible qui se cache en l’avenir. Si demain tout tourne
mal, n’a-t-on pas toujours quelqu’un sur qui se reposer un
temps  ? Au pire un système de santé pour nous remettre
d’aplomb et nous donner le temps de définir un nouveau
cap  ? La philosophie du «  le pire n’est pas si pire  » aide à
retracer les frontières de son contentement un peu plus près
de soi. On retrouve alors une plus grande confiance en soi,
en ses capacités de rebondir. On se sent plus léger, plus agile
pour suivre les tournants atypiques voire extrêmes que notre
boussole intérieure nous suggère.

16 - Carnets d'aventures - #52


En haut.
Évoluant sur les anciens rivages de
la mer d’Aral, nous découvrons les
restes d’un cheval dont il ne demeure
que les os blanchis par le soleil,
et, par un étrange phénomène, sa
langue momifiée par le sel. Proche
de la ville d’Aralsk, Kazakhstan.

En bas à gauche.
Ma première paire de Meindl
Himalaya après 25 mois d’utilisation
quotidienne et 5200 km parcourus
sans ressemelage ni vraiment
de nourrissage du cuir.

Voyager avec le sérieux d’un enfant qui joue Conforté dans ma nouvelle direction de voir que je n’étais
Avec cette philosophie comme substrat, la crise financière pas le seul à envisager des azimuts de vie aussi extrava-
de 2008 précipita mes réflexions qui firent émerger une gants. Au moins 10 personnes étaient activement derrière
nouvelle une règle du jeu d’une simplicité et d’une force ce projet fou : réaliser la tour de la planète en marchant. Je
dogmatique  : maintenir un équilibre entre plaisir et effica- m’engageai tout de suite dans l’aventure. Tout semblait avoir
cité dans la conversion de sa richesse matérielle en richesse été pensé, les visas, l’équipement, les timings, le budget, et
d’expérience. Dès lors peu importe le jeu, si l’équilibre vient quel budget  ! 2  € par jour  ! Un budget si bas que je ne le
à rompre, j’en change. Punit-on un enfant parce qu’il manque pensais même pas possible. Ah ça pour sûr mon facteur de
de constance dans ses jeux ? « conversion de richesses » allait être avantageux.
Le jour où je lus un post de Thierry sur un forum de voyage, Agité par cette énergie grisante et aveuglante, connue des
sa vision du voyage a agi sur moi comme le second jeu de communautés animées par une utopie partagée, je partais
lentilles sur les lunettes d’ophtalmo. Un seul jeu nous permet donc pour 5 ans avec 8 inconnus. Tout en sachant au fond
uniquement de voir l’ébauche des choses mais ajoutez un de moi que le seul engagement que j’avais était envers moi-
second jeu qui s’accorde au premier et tout devient limpide. même. À n’importe quel moment si l’équilibre de conversion

#52 - Carnets d'aventures - 17


dossier voyager sans date de retour

n’était plus respecté, je pourrais toujours faire un pas de côté. veau. Mais il est une chose de randonner dans un parc natu-
Il y avait bien quelques investissements à faire en matériel rel bien connu, suivant un itinéraire soigneusement étudié,
commun, mais même si je perdais cet argent, je pressentais avec des barres énergétiques dans le sac et un groupe de
que cela vaudrait les enseignements que je tirerais de l’expé- copains. C’en est une autre de traverser un massif dont le
rience. nom est aussi frais dans la mémoire que celui de vos coéqui-
Depuis tout petit j’avais été habitué aux changements ; ayant piers. En ayant, en guise d’indication pour passer le col, les
déménagé 5 fois rien que dans ma scolarité, j’avais appris, dires d’un berger albanais qu’une connaissance balbutiante
sinon à les apprécier, du moins à ne pas les craindre. Leur en la matière fait davantage ressembler à une charade qu’à
amplitude et leur fréquence allaient désormais prendre une une explication.
tout autre envergure. Cela fouettait mon impatience à mettre Je me rappelle du premier changement que j’ai internalisé,
ma nouvelle philosophie à l’essai. J’ai donc déconstruit ma ma première leçon en somme : une envie inassouvie est la
sédentarité sans effort, avec empressement même. Il faut promesse d’un plaisir futur. C’est la faim qui m’a conduit à
dire que j’avais toujours été léger avec mes possessions ma- cette réflexion. On peut avoir faim sans en souffrir. La faim
térielles. Pas d’appart, pas de voiture, mon bien le plus cher est pendulaire, si on ne s’en préoccupe plus, elle s’estompe ;
était mon appareil photo que pour sûr je prenais avec moi. elle n’ira jamais bien loin certes mais elle n’occupera plus
Avec un CDD qui touchait à sa fin, il restait juste quelques tant d’espace dans la conscience. Il y a un immense laps de
formalités administratives que j’attaquais avec la jouissance temps entre l’envie de manger et le besoin. On a tendance
de quelqu’un qui s’est autorisé à tout casser pour refaire à à l’oublier dans nos sociétés où tant d’entreprises se font la
neuf. course pour combler nos envies.
J’ai aussi vite appris que le corps s’adapte à tout. Qu’un tapis
La richesse des premières fois de sol en mousse n’est trop dur que les 4 ou 5 premières nuits.
Puis la marche commença avec la richesse des premières Que son sac est toujours trop lourd. Même si on l’allège de
fois. J’avais déjà randonné. Choisir l’emplacement de sa 3 ou 4 kilos, la sensation de légèreté ne dure guère plus de 2
tente, cuisiner sur le feu, lire une carte, n’étaient pas nou- semaines. Un temps qui paraît bizarrement plus long quand

18 - Carnets d'aventures - #52


Tout à gauche. À droite.
Au fur et à mesure de notre avancée Champ de marijuana que l’on pensait
vers l’est, le sable et la poussière des sauvage, quand un local monté à
steppes laissent apparaître des roches cheval nous charge en brandissant son
immémoriales où il n’est pas rare fouet. Après quelques explications,
de voir apparaître des pétroglyphes il nous invite à prendre le thé au
de l’âge de bronze. Région de sommet de la colline avec ses amis.
Kyzylorda à l’est du Kazakhstan. L’ambiance est un peu bizarre et
quand il commence à blaguer en nous
disant que dans ce paysage, il serait
Au milieu. très facile de nous atteindre avec son
Ces buissons rasants sont les seules fusil et de récupérer nos sacs, nous
on les ajoute ces 3 ou 4 kilos... Et qu’il est aussi agréable de les remercions de leur hospitalité et
choses qui s’opposent aux vents des
rentrer dans une tente à +35°C que de sortir d’un duvet par steppes. Emprisonnant les poussières prenons cordialement congé. Parc
-25°C mais qu’au final la nuit repose aussi bien. qu’ils charrient, après plusieurs national de Ile-Alatau sur le contrefort
Petit à petit la différence entre la réalité du voyage et la générations, ils transforment le du Tian-Shan à l’est du Kazakhstan.
conception que je m’en faisais s’est nivelée. D’un torrent paysage en cette multitude de petits
bouillonnant de changements a émergé une dynamique monticules ébouriffés. Région de
Mangystau, à l’ouest Kazakhstan.
plus calme. On commence à voir les changements comme
des variations. Si la force du voyage est bien le changement,
celle du voyage au long cours est de voir au travers. Identi-
fier des points communs, des règles sous-jacentes. Appré-
cier les déclinaisons, les gradients que la continuité de ce
genre de voyage permet et que la lenteur révèle. Chercher
sans le trouver le souvenir du moment où les forêts du Cau-


case ont abandonné le paysage à la steppe. Apprécier l’uni-
cité de chaque bouteille de Grappa, de Rakia ou de Tchatcha
habillant de noms différents cette même chaleur qui certains
soirs vous gifle jusqu’à l’âme.
On traverse un paysage comme on passe la nuit. Des rêves J’ai donc déconstruit ma
et des paysages, on ne se rappelle que d’une infime partie
mais tous laissent une trace en nous. sédentarité sans effort,
Devenir nomade
avec empressement même.


Être nomade c’est se construire sur des traces. Après avoir
replié la tente des centaines de fois, chaque geste est impri-

#52 - Carnets d'aventures - 19


dossier voyager sans date de retour

mé dans la mémoire du corps, et s’accorde avec ceux de son On devient nomade quand on se libère de cette myriade de
partenaire en une chorégraphie parfaitement optimisée. Être contraintes quotidiennes qui se dissimulent dans la séden-
nomade c’est tourner la répétition en rituel. Au fil des cam- tarité. Quand on rend enfin nos clefs, il n’y a plus de loyer,
pements et des saisons, chacun trouve sa place, la répétition plus d’abonnements, plus de factures, plus de meetings, plus
nous spécialise. L’autre reconnaît bientôt votre maîtrise des de rendez-vous. Il y a bien l’assurance à renouveler une fois
arcanes d’un domaine dont il proclame votre ordination. Je par an, des visas à payer, une date et un point de ralliement
suis ainsi devenu gardien du feu. Pouvant faire démarrer un avec un couchsurfer quand on passe dans une grande ville.
feu quelques heures à peine après le passage d’un orage. Mais la grande majorité du temps on est laissé tranquille
Connaissant les spécificités que réclame un foyer sur une avec nos besoins primaires. Où va-t-on dormir ? Que va-t-on
dune, un feu de racines, de crottes de chameau chargées de manger ? Les distractions réduites ainsi au minimum, on est
sel ou de bouses de yak humides. plus à même d’apprécier les expériences que le mouvement
Thierry, lui, était passé scribe, gardien des cartes et du nom induit par le voyage amène naturellement à nous. Sans clef
des choses. Il n’avait pas son égal pour planifier les itiné- on est plus ouvert.
raires et lire la trace d’un chemin sur une image satellite. Sa Enfin, être nomade, c’est apprécier la chance d’être de l’exté-
minutieuse méthodologie était le creuset même de la seule rieur. Cela excite la curiosité, d’autant plus deux barbus cau-
clef qui importe au nomade, celle de la langue du pays. Son casiens débarquant par le chemin des champs. Mais surtout
lexique construit avec patience et stratégie nous permet- cela nous place en marge des conflits, des conventions et
tait d’ouvrir les portes du savoir et de la culture locale en des traditions. On sera autorisé à photographier comment les
quelques semaines. On apprenait vite le mot «  asphalte  » femmes d’un village géorgien célèbrent de leur côté la fin
pour mieux l’éviter. On maîtrisait aussi rapidement les subti- des vendanges, on écoutera la même semaine le récit d’une
lités lexicales entre « route », « chemin » et « sentier » qu’on victime et la confession d’un bourreau dans la guerre de Bos-
était lents à apprendre la grammaire et la conjugaison, et qui nie. On sera invité à se joindre à la séance de spa d’un riche
même après des mois passés dans un pays laissaient forte- entrepreneur chinois pour le lendemain partager la cabane
ment à désirer. de mineurs de houille. Avec à chaque fois la liberté de poser

À droite.
Le désert du Taklamakan laisse
réapparaître d’anciens troncs
d’arbres, du temps où la rivière
Tamrin coulait par ici. Elle se trouve
maintenant à plusieurs kilomètres
à l’ouest. Nord-ouest de la Chine.

En bas.
Un python adulte et d’une taille
respectable se blottissait sous cette
souche, quasiment entre les jambes
de Thierry, après quelques photos on
décide de le taquiner un peu pour qu’il
nous montre toute son envergure. État
de Kedah au nord-ouest de la Malaisie.

20 - Carnets d'aventures - #52


“ Sans clef on est
plus ouvert.


De haut en bas.
Remontée de la rivière Emba. Aux
heures les plus chaudes de la
journée, nous arrêtons la marche et
en profitons pour nous approvisionner
dans cette rivière très poissonneuse,
qui devient très vite notre unique
source de nourriture. Région
d’Aktobe à l’ouest du Kazakhstan.

Cette enfant thaï nous montre


son animal de compagnie, un
jeune alligator de quelques
semaines. Région de Nakhon
Sawan au nord de la Thaïlande.

Nous passons la nuit chez cette


famille d’éleveurs de chèvres et Thierry
s’essaye à la Dombra, un instrument
à cordes traditionnel kazakh. Province
de Jambi à l’est du Kazakhstan.

#52 - Carnets d'aventures - 21


dossier voyager sans date de retour

“ On cherche à prendre la tangente


qui n’est en fait qu’un détour.


des questions taboues ou dérangeantes et que notre faible L’une fut notre arrivée sous les tropiques. Car ni les mois
maîtrise de la langue habille de candeur. passés dans les steppes arides du Kazakhstan où si le soleil
atteint son zénith avant vous votre abri, vous sentez votre
Quand la dynamique s’essouffle conscience fondre comme de la neige sous votre crâne ; ni
J’écris ces lignes depuis Jakarta en Indonésie, à une centaine la morsure interminable de l’hiver continental où l’hospita-
de kilomètres à peine d’où, il y a bientôt 2 ans maintenant, lité est la seule échappatoire aux températures négatives  ;
j’avais mis en pause ce voyage fait de dizaines de passages ni la désolation des hautes altitudes où l’on s’essouffle rien
de frontières, de centaines de passages de cols, de milliers de qu’en dormant dans une mauvaise position ; ni les semaines
passages à gué et de millions de pas sages et patients. à traverser des mers de sable qui vampirisent l’énergie de
J’y avais été forcé à l’époque pour des raisons financières. chacun de vos pas, rien de tout cela n’est aussi terrible que
Car même avec un budget quotidien aussi extrême que la jungle. Sur des kilomètres, chaque pas se paie par deux
2 €/j et être passé maître dans l’art de la nécromancie de ou trois coups d’une machette approchant du kilo, et l’on
chaussures et sac à dos, après 7 ans sur les chemins, en 2015, doit régulièrement mettre un genou à terre pour faire passer
j’étais finalement fauché. J’ai donc pris le premier avion de ses 25 kilos d’autonomie sous un tronc. Les dépenses d’éner-
ligne de ma vie pour aller bosser en Australie dans, le comble gie sont littéralement colossales. Ajouter une visibilité quasi
pour un marcheur, une station essence. nulle en permanence, qui rend l’orientation très difficile et
Mais même si c’était la force impérieuse de la nécessité qui induit comme un sentiment d’oppression après plusieurs
m’avait contraint à abandonner un nomadisme que j’avais jours. Sans oublier l’humidité qui vous ronge les pieds si vous
pleinement embrassé après 7 ans passés sur les chemins, passez quelques jours sans faire de feu. Avec notre arrivée en
cette rupture n’a pas été aussi douloureuse que si elle avait Asie du Sud-Est, l’accès à ce sanctuaire que représentaient
eu lieu 2 ans plus tôt. Et ce pour deux raisons. nos longues traversées en autonomie des espaces sauvages

22 - Carnets d'aventures - #52


2008 : de France en Turquie - 2009 : de Turquie en Géorgie - 2010 : de Géorgie au Kazakhstan - 2011 : du Kazakhstan à la Chine -
2012 : Chine - 2013 : du Vietnam en Thaïlande - 2014 : de Thaïlande en Malaisie - 2015 : de Malaisie en Indonésie

Qui/quand/où, en bref
- 7 mai 2008 : départ à 8 de Valence.
- 29 octobre 2008 : dernière rotation d’équipes. Deux groupes se forment : « Les couples »
(Julia & Wilfrid, Caroline & Mathieu et « les célibataires » (Thierry, Sylvain, Killian). Les chemins
divergent graduellement.
- 10 juillet 2009 : départ de Sylvain
- Mai 2010 : traversée de la mer Caspienne marquant le début de la grande traversée des
steppes kazakhes.
- Août 2011 : 16j en autonomie pour traverser la chaine de montagne Tian Shan, en Chine.
- Novembre 2011 : traversée du désert du Taklamakan, 13j d’autonomie.
- Juin 2012 : traversée des hauts plateaux tibétains, 28j d’autonomie (notre record).
- 16 décembre 2012 : entrée en Asie du Sud-Est avec notre arrivée au Vietnam.
- Décembre 2013 : première grande traversée de jungle, parc national de Nam Nao, Thaï-
lande, 8j d’autonomie.
- 27 novembre 2014 : départ de Thierry.
- 31 décembre 2014 : fin du continent eurasiatique avec la traversée du détroit de Malacca.
- 17 août 2015 : fin de la grande marche après 7 ans, 3 mois et 11 jours de voyage.

Approchant du sommet du volcan


Kerinci, le plus haut d’Indonésie
(3805 m) et l’un des rares habitats
restants pour le tigre et rhinocéros de
Sumatra. Détail que je n’ai pas été
forcément mécontent d’ignorer lors
de mon ascension. Région de Jambi,
au centre de Sumatra, Indonésie.

#52 - Carnets d'aventures - 23


dossier voyager sans date de retour

était devenu très exigeant. Trop sans doute. Ainsi les durées Qui d’Ulysse ou d’Icare
se sont allongées entre chacun de nos séjours en jungle. Dès Après avoir passé un an en Australie à surfer non pas les va-
lors, trop souvent confinés au monde des hommes, la dyna- gues mais l’énorme déferlante de chocs culturels et philoso-
mique n’était plus à l’équilibre. phiques produite par un retour soudain en Occident, j’ai cu-
L’autre coup porté au voyage fut l’isolement. La face sombre mulé les emplois, dépassant parfois les 4000 € par mois avec
de l’exotisme, que le départ de Thierry en 2014 avait révélé. la fièvre du chasseur-cueilleur en pleine saison. Ne voyant
Par notre soif d’authenticité et des grands espaces sauvages, pas tant une richesse s’accumuler, mais un temps à l’abri du
nous avions naturellement développé une aversion pour besoin s’allonger de manière d’autant plus formidable que
l’urbain et les sites d’intérêt touristique. Or, se tenir à l’écart ces besoins avaient été taillés au plus court par mes années
de ces deux choses, c’est créer une isolation hermétique à nomades. Puis à l’issue de mon visa « vacances-travail », la
l’Occident. Après le départ de Thierry, lors de ma traversée dynamique du voyage, qui n’était déjà plus à l’équilibre, avait
de Sumatra j’avais par exemple passé plus de 5 mois sans été totalement brisée par cette immersion prolongée en Oc-
échanger un seul mot avec un Occidental. L’Occident, une cident. Un occidentalisme qui dans le cas de l’Outback aus-
culture, un mode de vie que l’on critique avec ardeur mais tralien n’est pas forcément des plus reluisants. Sans fermer
dont la fuite, bien souvent, ressemble moins à un désir assu- la porte à ma longue marche, je décidai alors que le prochain
mé de scission qu’à celui d’une émancipation d’adolescent. Noël se passerait en famille et non sur Skype. Un retour à la
On cherche à prendre la tangente qui n’est en fait qu’un maison qui fut aussi temporaire que nécessaire et à bien des
détour. Ne pouvant échapper au système de pensée infusé égards aussi riche que les années passées à s’en éloigner.
par sa culture, on est toujours en demande de quelqu’un Des réflexions qu’une mesure du temps de marcheur promet
qui partage nos codes, nos références, et avec qui compa- à une maturation lente. Une maturation qui n’est pas encore
rer, confronter, co-construire ses réflexions. S’en priver c’est aboutie mais qui portera ses fruits sur les pages d’un livre à
s’appauvrir. L’interlocuteur est la bonde qui retient la matière venir... 
à réflexion.

Thierry finissant l’ascension du énième


col de la journée. Après les mois de
platitude des steppes, notre approche
de la chaîne de montagnes Tian-Shan
se fait sentir dans les jambes. Région
d’Almaty à l’est du Kazakhstan.

Distance parcourue : 18.265 km.


Quelques chiffres

Progression la plus rapide : 2 mois à 40 km/j, timing de visa nous poussant à quitter la Chine.
Progression la plus lente : 6 jours à 6 km/j, traversée de la jungle de Nam Nao, Thaïlande.
Altitude la plus élevée : 5140 m, plateau tibétain, Chine.
Altitude la plus basse : -33 m, région de Mangystau, Kazakhstan.
Période d’autonomie la plus longue : 28 jours.
Pause la plus chaude : +47°C, région d’Aktobe, Kazakhstan.
Nuit en tente la plus froide : -28°C, région de Jambyl, Kazakhstan.
Pause la plus longue : 127 jours, galère des visas chinois, Almaty, Kazakhstan.
Mise en joue : 3.
Affaires volées : 0.

24 - Carnets d'aventures - #52


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commun : ils sont faits pour durer. Ils sont confec- attentes, mais aussi à celles de cet autre amoureux
tionnés dans des matières durables et leurs designs de la nature auquel vous le léguerez.
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#52 - Carnets d'aventures - 25


d oss i e r voyager sans date de retour

Small
world
on a bike
Les 20 km de no man’s land entre
les postes frontières du Tadjikistan
et du Kirghizstan zigzaguent non
loin des plus hauts sommets des
Pamirs. Un endroit hors du temps.
Photo de Constantino Vendra, un
cyclo allemand de 20 ans parti lui
aussi sans date de retour avec qui
nous avons pédalé pendant 45 jours.

26 - Carnets d'aventures - #52


Cyclo-grimpeurs
autour du monde
Quand Noémie et Adam se sont
rencontrés, leur vision de la vie était
déjà en train de changer. Il était
temps pour eux de se libérer des
modèles imposés par la société, de
se saisir de leur liberté et de vivre
leurs passions à fond. Deux années
de vie commune leur permettent
d’élaborer un projet et de le mettre
en œuvre. Fin 2016, ils partent à
vélo à la découverte du monde et de
ses falaises. Un voyage sans date de
retour, ou plutôt une nouvelle vie
nomade.
Toujours sur la route aujourd’hui, ils
ont pris le temps de témoigner.

Texte et photos : Noémie et Adam Looker-Anselme


smallworldonabike.fr

#52 - Carnets d'aventures - 27


dossier voyager sans date de retour

L
orsque nous nous sommes rencontrés en octobre 2014, nos
À gauche.
Piste rouge le long du Mekong au Laos. vies respectives avaient déjà pris un tournant inattendu.
Adam avait quitté Londres et son travail chez un produc-
teur de musique renommé pour se consacrer à l’escalade. Je
m’étais pour ma part expatriée au Canada pour apprendre
Au milieu. l’anglais et grimper à Squamish. Pendant qu’Adam réalisait
Campement kirghiz surplombant
la rivière Naryn sur la route son rêve vertical sur El Capitan au Yosemite, j’avais enfour-
entre Osh et Bichkek. ché mon vélo en direction du Mexique. Notre vision de la
vie avait déjà changé. Ni Adam ni moi ne voulions retour-
ner dans un bureau, ni consacrer notre vie à travailler. Nous
En haut à droite. avions abandonné l’idée d’une carrière et d’une quelconque
Une des nombreuses tortues ascension sociale. Il était temps de se libérer des modèles
rescapées du bord de route en Turquie. imposés par la société, de se saisir de notre liberté et de vivre
nos passions à fond.
En bas à droite.
Pas toujours facile de trouver des
campements « sauvages » dans les Comment l’idée a germé dans nos esprits
régions très peuplées de Corée du Sud. Nos aventures respectives terminées, nous nous étions re-
trouvés à Chamonix. Installés dans un camion, nous avions
trouvé des contrats saisonniers et démarré notre vie com-
mune « hors des clous ». Ni chauffage, ni toilettes, ni douche.
Un mètre carré d’espace à partager avec nos skis, nos cas-
seroles, nos quatre couettes, notre matériel d’alpinisme, nos

28 - Carnets d'aventures - #52


topos et une carte du monde accrochée au plafond. Adam porelle. Nous avions une idée d’itinéraire tout en sachant
voulait retourner au Yosemite. J’étais partante pour y aller à que les plans sont faits pour être changés. Nous prévoyions
vélo. L’idée était lancée. de partir d’Europe vers l’est jusqu’à la Chine, d’embarquer
Nous avions la chance d’avoir quatre mois de vacances d’in- sur un bateau pour l’Amérique du Nord avant de pédaler
tersaison par an. Cela nous a permis de tester à deux reprises jusqu’au sud de l’Argentine pour enfin traverser jusqu’en
le nomadisme en mode cyclo-grimpeurs. Depuis Albertville, Afrique et remonter en Europe. Le tout en profitant des plus
nous avions traversé les Alpes jusqu’aux Dolomites chargés beaux spots d’escalade sur la route. Avant le départ, nous
de tout notre équipement. Un peu plus tard, nous étions par- avions estimé la durée de notre aventure à deux ou trois
tis de Bourgoin-Jallieu pour descendre dans les Calanques ans. Comme nous l’avions prévu, rien ne se passe comme
en s’arrêtant à chaque falaise sur la route. En ayant choisi prévu. Après dix-huit mois sur la route, nous avons trouvé
une vie minimaliste, nous avions réussi à réduire nos besoins un rythme qui nous convient, beaucoup plus lent que nous
au minimum pour pouvoir bien vivre sans trop travailler tout l’imaginions. Il nous faudra donc travailler l’année prochaine
en économisant pour notre grand voyage. Nous consacrions pour financer la suite. Une aventure dans l’aventure.
tout notre temps libre à nos passions. Finalement, ce qui
nous retenait à Chamonix n’était que l’amour du lieu et des Une vie nomade : quand la route devient
personnes que l’on côtoyait. Si ce n’est une stabilité sociale la maison
et la possibilité de voir nos familles et nos amis relativement Avoir la capacité de se sentir chez soi partout, c’est un
régulièrement, nous n’avions que peu d’attaches. Pas de sentiment incroyable. Intense et rassurant. Une cabane de
maison, des contrats que nous pouvions ne pas renouveler la pêcheur en Autriche, les plaines verdoyantes de l’Anatolie
saison suivante. Notre départ n’était en fait que le prolonge- turque, l’étendue sableuse du désert d’Ouzbékistan, une
ment de cette vie simple. caserne militaire abandonnée à la frontière avec l’Afghanis-
Vivre l’aventure au quotidien. Concilier le voyage à vélo à tan, le jardin d’une auberge de jeunesse thaïlandaise… Peu
l’escalade. Voir le monde. À notre rythme, sans pression tem- importe où l’on plante la tente, ce lieu devient notre maison.

#52 - Carnets d'aventures - 29


dossier voyager sans date de retour

30 - Carnets d'aventures - #52


“ Avoir la capacité
de se sentir chez
soi partout, c’est un
sentiment incroyable.


Nous ne comptons plus le nombre de bancs en rondin que
l’on a aménagés, le nombre de bâtiments abandonnés que
l’on a nettoyés, le nombre de toilettes publiques où l’on a
pris une douche discrètement. Le fait que chaque campe-
ment soit un nouveau chez nous signifie que choisir un em-
placement peut facilement être source de tensions voire de
conflits. Prises de décision et compromis quotidiens vont de
pair avec le nomadisme.
Ce voyage est désormais notre mode de vie et une grande
partie de notre indépendance repose sur notre matériel. Si
notre tente casse, nous n’avons plus de maison. Si notre ré-
chaud cesse de fonctionner, nous ne pouvons plus manger
convenablement. Si nos vélos ont trop de problèmes méca-
niques, nous ne pouvons plus avancer. Cela signifie que cer-
tains aspects de notre vie sont très proches d’une existence
classique. Pas de loyer ni de factures mais une obligation
d’entretien régulier, de réparation voire même de remplace-
ment de notre équipement (voir encart budget).

Une vie sociale riche et éprouvante à la


fois
Être nomade à l’autre bout du monde signifie que nous ne
voyons pas nos proches régulièrement. Le manque de nos
familles n’est pas toujours facile à gérer mais nous appre-
nons à trouver des solutions pour rester en contact et se
retrouver. Ce besoin de contact familial nous mène droit
vers nos contradictions. Nous achetons une carte sim avec
internet dans presque tous les pays que nous traversons,
même si cela signifie que nous sommes parfois davantage
connectés que ce que nous aimerions. Partis avec l’envie de
En haut. prendre notre temps et de limiter au maximum les trajets
Dans le Parc National du Zorkul au Tadjikistan, en avion, en bus, en train, nous sommes bien contents que
nous avons passé sept jours à pousser autant nos proches puissent venir nous voir grâce à ces moyens
qu’à pédaler. Ici à 4000 m d’altitude face aux
montagnes afghanes. Photo de Constantino Vendra.
de transport que nous évitons, même si nos efforts pour
réduire au maximum notre empreinte carbone et pédaler
chaque kilomètre de notre trajet s’en voient anéantis. Le
temps qui nous sépare de nos proches est en fait notre seule
À gauche.
limite temporelle. En dix-huit mois sur la route, nous avons
Dernier adieu à la guitalélé d’Adam. Après
avoir survécu à tous nos raccourcis pourris, des réussi à cumuler quatre mois de visite familiale. Mon frère
températures extrêmes de -10 en Allemagne Sylvain a passé deux mois et demi à pédaler avec nous de
à 60°C en Ouzbékistan, la haute altitude des Trieste à Athènes. Ma maman est venue en Turquie pour une
Pamirs, 16 mois sur un vélo à travers 20 pays... visite éclair de cinq jours. Ma petite sœur Floriane qui n’a
Elle a fini écrasée sous le poids d’une vache
rien d’une grande sportive a fêté son bac sur la selle entre
laotienne venue dévorer nos provisions.
la Géorgie et l’Azerbaïdjan. Les parents d’Adam nous ont
rejoints au Kirghizstan pour dix jours d’itinérance motorisée
en camping sauvage. Enfin, nos quatre parents sont venus
À droite. en Thaïlande en mars pour un voyage en transport en com-
Notre petit déjeuner habituel pendant
nos deux mois de grimpe à Crazy mun. Nous espérons pouvoir un jour partager un bout de
Horse Buttress en Thaïlande. route tous ensemble à vélo.

#52 - Carnets d'aventures - 31


dossier voyager sans date de retour

Malgré notre éloignement familial et amical, notre vie sociale


est incroyablement riche. Dans l’ensemble des pays que
nous traversons, les locaux nous accueillent toujours à bras
ouverts et le sourire aux lèvres. Une fois dépassée la bar-
rière de la langue, la générosité et l’intérêt des populations
réchauffent le cœur. Au-delà de ces brefs contacts, nous
avons également eu la chance de rencontrer de nombreux
voyageurs au long cours avec qui nous avons parfois pédalé
ou grimpé pendant plusieurs mois. Partager des expériences
fortes et des moments simples à refaire le monde crée des
liens d’amitié solides et renforce ce sentiment de se sentir
à la maison n’importe où. La route de la soie en Asie Cen-
trale attire tellement d’aventuriers à deux roues qu’une vraie
communauté se crée. Nous nous connaissons tous par l’in-
termédiaire de ceux que nous croisons, nous prenons des
nouvelles les uns des autres et nous avons même réussi à
revoir tous nos compagnons d’aventure au moins une fois
quelque part sur notre trajet.

Notre perception du temps : un


éloignement progressif de la course
perpétuelle contre la montre
La différence avec un voyage dont on connait d’avance la
durée repose certainement sur la perception et la valeur que
l’on accorde au temps. Selon notre propre expérience, com-
paré à des voyages limités dans le temps, n’avoir aucune
idée de la durée signifie qu’il n’y a pas ou beaucoup moins
de pression concernant un « usage efficace » du temps. On
se rapproche de nos envies et on s’éloigne des listes de
choses à faire absolument, des monuments à visiter à tout
prix. On s’offre le luxe de passer des journées à ne rien faire
si ce n’est de vivre ici et maintenant. La tente posée dans un
endroit magnifique, on en profite pour observer, écouter, dis-
cuter, lire, écrire, cuisiner, chercher de l’eau, prendre des pho-
tos, faire de l’escalade. On se ressource loin de toute autre
contrainte que celle d’être. On se détache de tout sentiment
d’obligation. On apprend à se satisfaire de ce que l’on a vu

En haut.
Pendant quelques mois, nous avons
remplacé notre corde d’escalade par
un jeu d’échecs. Parfait pour briser
la glace dans le désert ouzbèque.

Au milieu.
Premier jour sur les routes
goudronnées du Kirghizstan
après un mois de pistes au
Tadjikistan. Beaucoup plus facile
de lâcher les deux mains !

À droite.
Sylvain, le frère de Noémie, en
pleine réflexion quelques jours
avant d’arriver à Athènes. Après
deux mois à pédaler avec nous,
son voyage touchait à sa fin.

32 - Carnets d'aventures - #52


Frontières : une liberté relative
Notre liberté dans le temps est parfois limitée par des contraintes mis nos passeports dans un vol pour la France en juillet 2017.
administratives. Quand nous avons commencé à imaginer ce Verdict : le visa chinois nous était refusé à cause de nos deux
voyage, le support de toutes nos discussions était une carte du mois et demi en Turquie. À ce moment-là, il ne nous restait plus
monde. Naïvement, nous imaginions notre route en fonction de qu’une option possible pour rejoindre l’Asie du Sud-Est : passer
nos envies. Dès le début de nos recherches, nous nous sommes par la Russie. L’hiver à vélo n’étant pas notre meilleur souvenir,
rapidement rendu compte qu’en dehors de l’Europe, notre liberté traverser la Sibérie en octobre n’était pas raisonnable. Après des
ne serait que limitée. Bien décidés à ne jamais prendre d’avion, mois de discussions et de réflexion, nous avons fini par réserver
nous avons commencé à lister les frontières problématiques. un vol pour Bangkok pour pouvoir passer l’hiver à grimper en Asie
Impossible de passer du Maroc à l’Algérie, de la Chine à l’Inde, du Sud-Est et à pédaler sur un bout de la Thaïlande, du Laos, du
de l’Inde à la Birmanie… En plus de cela, certains pays ont des Cambodge et du Vietnam. La Chine nous ayant à nouveau refusé
visas restrictifs ou compliqués à obtenir : Adam, britannique, le visa en mars 2018, nous avons choisi de nous envoler vers
n’est pas le bienvenu en Iran sans guide, la Chine ne délivre plus la Corée, un paradis de pistes cyclables et de falaises de granit.
aucun visa aux voyageurs en Asie Centrale, l’Ouzbékistan oblige D’ici, nous prendrons sûrement le ferry pour le Japon d’où nous
les touristes à s’enregistrer dans un hôtel tous les jours. Comble espérons pouvoir voguer vers les États-Unis. Mais vu que rien ne
des contradictions : pour éviter de prendre un avion, nous avons se passe jamais comme prévu, affaire à suivre…

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Ces sacoches multi-fonctions garantissent sécurité et
protection, grâce à leurs éléments réfléchissants et une
conception imperméable avec fermeture par enroulement

#52 - Carnets d'aventures - 33


dossier voyager sans date de retour

et fait plutôt que d’essayer de justifier le fait d’avoir « raté » Vivre dehors 24h/24 est bien différent. Nous étions épuisés,
quelque chose. Nous sommes libres de rentrer demain ou stressés, amaigris, incapables de manger suffisamment pour
de continuer pendant 10 ans. En même temps notre liberté couvrir nos dépenses énergétiques quotidiennes. Alors que
s’arrêtera dès que notre compte en banque sera vide (voir nous pensions fêter le nouvel an 2017 en Grèce, nous avions
encart budget). Finalement notre vraie liberté est celle de tout juste atteint la Croatie. Mon frère nous ayant rejoints
pouvoir imaginer notre vie telle qu’elle nous convient. Nos à ce moment, nous avons fini par nous adapter à trois au
contraintes de temps se rapprochent de celles de la nature. climat hivernal. Pas d’objectif de distance, des semaines de
Les saisons, la durée d’une journée, les conditions météo. quatre jours de vélo pour trois jours de repos, la recherche
quotidienne de bâtiments abandonnés ou d’abris de fortune
Vivre au rythme du soleil, des saisons et de pour camper sous un toit. La seule règle que nous nous im-
nos envies posions était de nous arrêter pour la nuit au premier endroit
Lors de notre départ en octobre 2016, nous avions tout cal- qui nous tapait dans l’œil. Ces deux mois et demi à prendre
culé en pensant pédaler 90 km par jour en moyenne avec un notre temps à trois nous ont convaincus qu’aller douce-
jour de repos tous les cinq jours. Quelques semaines plus ment était pour nous la clé du bonheur. Malgré tout, nous
tard, nous avions dû nous rendre à l’évidence. Nous n’avions avions été obligés d’abandonner la plupart de nos projets
pas pensé à tout. Au mois de novembre en Allemagne le so- de grimpe sur cette partie du trajet à cause des conditions
leil se lève à 8 heures et se couche à 16h30. Les nuits sont météo. Mon frère reparti, nous avions débarqué sur Kalym-
tellement froides que démonter la tente gelée le matin est nos pour un mois d’escalade avec le soleil. Enfin. Installés
une torture pour les mains. Dans ces conditions, lever le pendant deux semaines dans une boite de nuit désaffectée
camp prend au minimum 2 heures et il ne reste que peu de avant de déménager sur une plage abandonnée. Nous avions
temps pour pédaler. Nous pensions être bien préparés après tissé des liens d’amitié avec le barman du coin et le berger
avoir vécu dans un camion sans chauffage en montagne. de l’île mais il était l’heure de reprendre la route. Arrivés en

34 - Carnets d'aventures - #52


“ Finalement notre vraie liberté est celle de pouvoir
imaginer notre vie telle qu’elle nous convient.


À droite.
Au sommet de la première d’une
longue série de grandes voies
d’escalade à Kalymnos.

En bas, de gauche à droite.


Inventaire du matériel de grimpe.
3 sacoches et 16 kilos.

Dans les montagnes d’Aladaglar


en Turquie, le canyon de Kazıklı
Ali est un paradis de la grimpe.

Escalade 3D à Crazy Horse


Buttress en Thaïlande.

À Thakhek au Laos où l’on a passé


deux mois à grimper. Dernier
effort avant la chute sur cette
nouvelle voie pas encore cotée.

#52 - Carnets d'aventures - 35


dossier voyager sans date de retour

Budget : la réalité
financière du voyage au
long cours
Épargner sans se priver
Avant notre départ, nous avons réussi à économiser À droite.
environ 15.000 euros en 2 ans, auxquels nous avons Les 20 km de no man’s land entre
ajouté nos économies et l’argent de la revente du van, les postes frontières du Tadjikistan
et du Kirghizstan zigzaguent non
démarrant l’aventure avec un total de 30.000 euros. loin des plus hauts sommets des
Nos contrats saisonniers et notre choix d’habiter dans Pamirs. Un endroit hors du temps.
un camion nous ont permis de ne pas vivre cette
période comme un sacrifice en vue d’un futur meil-
leur. Nous nous sommes privés de quelques soirées En bas.
mais nous avons passé l’essentiel de notre temps Malgré le froid, pause photo
libre dans les montagnes et toutes les intersaisons à obligatoire de la vue sur le lac
voyager en van ou à vélo. Karakul au Tadjikistan.

Estimer un budget mensuel


Par rapport à notre train de vie à Chamonix, nous
pensions pouvoir vivre avec 600 euros par mois
pour deux. Seulement voilà, en plus de manger, nous
devons aussi nous assurer, payer les visas et les frais
bancaires, entretenir, réparer, remplacer voire com-
pléter notre équipement (vêtements, pneus, chaines,
corde et chaussons d’escalade, envoi de matériel
sous garantie pour échange, achat d’un portaledge).
Des conditions climatiques difficiles ont aussi été
sources de dépenses imprévues. L’hiver 2016 en
Europe, bien plus froid que ce nous avions envisagé,
nous a contraints à payer pour un toit plus souvent
que prévu. Suite à des problèmes de santé liés à la
chaleur insoutenable dans le désert kazakh en juillet
2017, Noémie a fait des analyses médicales non
remboursées par l’assurance et nous avons été forcés
de faire un bout de chemin en train. Nous avons
également acheté un billet d’avion pour que la sœur
de Noémie, fêtant ses 18 ans, puisse venir pédaler
avec nous pendant 10 jours. Finalement, après 18
mois sur la route, il semblerait que notre budget se Turquie, le printemps était au rendez-vous. Le parfum des
stabilise en moyenne aux alentours de 1000 euros fleurs, les ruches débordant de miel, les invitations à boire
mensuels tout compris pour nous deux. le çay, les dizaines de sites historiques à visiter, les mon-
tagnes d’Aladaglar couvertes de voies d’escalade, tout nous
Travailler pour continuer incitait à la flânerie. Nous étions bien partis pour continuer
Si nous poursuivons à ce rythme, il nous reste un peu lentement. Seulement voilà. Nous voulions pédaler dans les
moins d’un an d’autonomie financière. Cela ne veut hautes montagnes du Tadjikistan avant que l’hiver nous rat-
pas dire que le voyage se terminera quand le compte trape. Nous ne voulions prendre ni train ni bus. Nous devions
sera vide. Nous prévoyons de travailler au Canada, aller plus vite. Nous avons sorti la calculatrice et commencé
en Nouvelle-Zélande ou au Mexique en 2019 (en à planifier. Grâce aux statistiques de nos mois précédents,
fonction des visas que nous réussirons à obtenir) nous savions que notre vitesse moyenne en terrain vallonné
pour financer la suite. Nous aimerions aussi finaliser était d’environ 12 km/h. Pour atteindre Douchanbé à temps,
un film sur la Pamir Highway et imprimer des cartes nous avions un plan béton. De la Turquie à l’Ouzbékistan,
nous devions pédaler 6 heures par jour avec un jour de repos
postales à vendre. Nous essayons également de trou-
pour 3 jours à rouler. Tenir ce rythme soutenu mais agréable
ver des partenaires pour réduire nos coûts en matériel
nous a permis d’atteindre la Pamir Highway le 22 août et
mais cela s’avère très difficile.
de reprendre nos habitudes préférées. Aller doucement.
42 jours au Tadjikistan pour 1379  km dans des paysages
plus sauvages et majestueux les uns que les autres. Des
routes qui se transforment en piste, des campements face
à quelques-unes des plus hautes montagnes du monde, de
magnifiques amitiés renforcées à chaque kilomètre partagé.

Notre place dans la société en question


« Rabota ? » (travail en russe). Même au fin fond de la vallée
du Wakhan à la frontière avec l’Afghanistan, tout le monde

36 - Carnets d'aventures - #52


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nous pose cette question. Qu’est ce que l’on fait dans Créée en 2011, la Bourse AVI
la vie ? Quel est notre métier ? Parfois on explique ce International soutient chaque année
que l’on faisait avant et parfois on reste juste bloqués là,
à ne pas savoir par où commencer. Non, nous n’avons 3 projets de solidarité internationale.
pas un travail qui définit qui nous sommes. Cela signi- AVI accompagne la réalisation de
fie-t-il pour autant que nous ne sommes rien ? Que nous chaque projet par une aide financière,
n’avons pas notre place dans la société ? La plupart des
formulaires de passage de frontière ont une case « oc- et offre l’assurance voyage aux lauréats
cupation  ». Nous prenons maintenant plaisir à écrire pendant leur voyage à l’étranger.
« adventurer » ou « cyclo-climber ». Une autre question
qui revient régulièrement est celle des enfants. Où sont
nos enfants ? Un policier ouzbek, tellement perturbé à
l’idée qu’un couple de notre âge n’ait pas encore de
descendance, a trouvé approprié de mimer l’acte sexuel
à Adam pour lui expliquer comment faire. Oui nous
avons tous les deux la trentaine dans quelques mois,
non nous n’avons ni travail, ni maison, ni enfant, et oui
nous allons bien ! 
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#52 - Carnets d'aventures - 37
dossier
d oss i e r
voyager sans date de retour
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Pieds
Libres

38 - Carnets d'aventures - #52


Nomade autour
du monde
depuis 7 ans

« Faire de mon voyage


un mode de vie s’est
naturellement imposé
à moi quand, durant la
préparation de mon projet,
je me suis rendu compte
qu’il me prendrait au
minimum 10 ans. »
Caroline est partie en
2011 à la découverte
du monde, à pied et à
vélo. Depuis l’Amérique
Centrale où elle se trouve
actuellement, elle nous
parle de son parcours de
vie.

Texte et photos : Caroline Moireaux


Facebook : Pieds Libres
piedslibres.com

#52 - Carnets d'aventures - 39


dossier voyager sans date de retour

F
aire de mon voyage un mode de vie s’est germer, jusqu’à ce matin de début août 2010 où je me suis
naturellement imposé à moi quand, durant la réveillée plus heureuse que jamais, la décision était prise, moi
préparation de mon projet, je me suis rendu aussi j’irais autour du monde à pied.
compte qu’il me prendrait au minimum 10 Dès lors c’est un bouleversement d’émotions qui avait enva-
ans… hi mon corps, ma tête et mon cœur. Ne connaissant rien au
Ingénieur qualité dans l’aéronautique, j’avais monde du bivouac, de la randonnée, du voyage... j’avais bien
30 ans quand un beau matin je me suis réveillée en me disant des choses à préparer. Cela m’a pris 9 mois pour accoucher
« Eh bien moi aussi je pars faire le tour du monde à pied ! » de ce projet qui devenait ma nouvelle vie, 9 mois pour être
J’étais, quelques années auparavant, tombée par « hasard » plus prête que jamais à VIVRE.
sur le site de Français qui se préparaient à faire un tour du C’est donc sereine que je suis partie le 1er juin 2011, de Lons-
monde à pied : « Tout en Marchant » (ndlr : cf. article dans Le-Saunier, ma ville natale, place de la Liberté.
ce numéro  !). J’avais trouvé le projet renversant, comment
pouvait-on avoir une telle idée  ?! J’avais suivi de loin leur L’envie d’ailleurs
préparation, qui me semblait très complexe, puis avais gen- Voyager était probablement quelque chose que j’avais en
timent poursuivi mon voyage en Australie, et j’avais ensuite moi depuis toujours. L’envie de voir ailleurs, de découvrir
repris ma vie d’ingénieur. comment les gens vivent, quel est leur quotidien. Au-delà du
Deux ans plus tard, je me mis à repenser à ces gars, où en folklore culturel, ce qui m’intéresse c’est la vie de madame
étaient-ils ? Partis à 8, combien en restait-il en route ? J’avais et monsieur tout le monde, observer ces petits détails aux-
donc contacté Killian, l’un des instigateurs, qui m’apprit quels on ne fait plus attention. La manière de vivre, de parler,
qu’ils n’étaient plus que 3 et qu’un reportage tourné sur leur de manger, de se laver, les toilettes, les prises de courant,
voyage allait bientôt être diffusé. À la suite de cette émission les rideaux de douche et j’en passe, sont tous ces détails
qui relatait des choix de vie plus « barrés » les uns que les que j’aime découvrir  ; je suis comme une enfant, chaque
autres, la graine en moi n’a mis que quelques semaines à jour est un cocktail d’émerveillement et d’apprentissage. La

40 - Carnets d'aventures - #52


nature joue aussi un rôle très important dans mon voyage,
À gauche.
je ne peux m’en passer. J’ai besoin d’un équilibre entre les Autoroute de fourmis en Turquie, 2012.
rencontres et les moments seule dans la nature. Quand j’ai
pris la décision de voyager au long cours, cela a été une évi-
dence que ce serait à pied. Lent, économique et écologique,
ce mode de déplacement était parfait. Mais après plusieurs Au milieu.
années, des parties à vélo, en canoë, bateau, transports, se La vue porte loin, Kazakhstan, 2014.
sont greffées, pour des raisons de durée de visa, d’océan à
traverser, de sécurité ou tout simplement parfois par envie
de changement.
En haut à droite.
Choix pas toujours facile Texte retrouvé en rangeant mes
Fin 2017 à l’heure où j’écris ces lignes, je me trouve en Basse- affaires avant mon départ parmi
mes cahiers de primaire, 1988.
Californie (Mexique), pour la deuxième fois, cela fait 10 mois
que je suis en «  pause  » dans mon parcours. Je suis arri-
vée ici en décembre 2016, avec un vélo que j’avais emprun-
té à la sortie de l’Alaska pour pouvoir traverser le Canada En bas à droite.
avant l’hiver, et de fil en aiguille, j’ai décidé d’aller jusqu’au Au milieu du désert en Mongolie.
Mexique avec, afin de rejoindre le capitaine du bateau avec
qui j’avais traversé le Pacifique, du Japon à l’Alaska. Celui-
ci avait besoin d’aide sur le bateau pour quelques mois sur
la mer de Cortez avant de remonter en Alaska. C’était par-
fait pour moi, j’avais l’opportunité à la fois de découvrir en
bateau un lieu paradisiaque, et de remonter en Alaska par

#52 - Carnets d'aventures - 41


dossier voyager sans date de retour

ce qu’on appelle le passage intérieur afin de rapporter le vélo les autres, et là, c’était elle qui me reprochait de les aban-
que j’avais emprunté. Étant littéralement tombée amoureuse donner  ! C’est probablement ce qui a été le plus difficile à
de l’Alaska je me faisais une joie d’y retourner. De plus cela vivre pour moi  : partir sans le consentement des gens que
m’offrait l’occasion de faire une pause dans mon chemine- j’aime, me sentir incomprise, prise au piège dans un ouragan
ment et de voyager autrement. En fait, mon voyage n’étant émotionnel, tel un oiseau à qui on a donné des ailes mais que
pas simplement un voyage mais mon mode de vie, faire une finalement on essaie de retenir dans une cage.
« pause » revient en quelque sorte à prendre des vacances
comme tout le monde ; d’ailleurs je m’amuse souvent à dire Voyage ou fuite ?
aux gens que je suis en vacances lorsque je ne suis ni à pied Ce voyage n’est pas le premier. Quelques années aupara-
ni à vélo, la plupart ne comprennent pas ce que je veux dire… vant, j’étais partie un an en Australie avec un PVT*. Mon état
Pour moi, la vie est un voyage, une aventure à vivre. J’ai eu la d’esprit à l’époque était tout autre. Cruel besoin de respirer,
chance d’avoir une très bonne éducation, avec des valeurs, de vivre à nouveau après le décès de mon papa. Ce voyage
un sens pratique, un respect de la vie… Élevée par une ma- a changé ma vie  ; cela faisait plusieurs années que j’avais
man fataliste et ouverte d’esprit, j’ai été responsabilisée très sombré dans le néant de l’existence sans n’avoir plus goût à
jeune ; rien ne nous était interdit ou presque mais elle s’ar- la vie ; je survivais, donnais l’illusion d’avoir une vie heureuse
rangeait toujours pour nous faire réfléchir aux conséquences et bien remplie qui n’était au final que du vent…
de nos choix. Résultat, 30 ans après, je prenais la décision Durant ce voyage, et plus précisément lors d’une soirée en
de vivre autrement. Mais cette décision ne fut pas très bien Nouvelle-Zélande, tout a changé ; quelques mots prononcés
acceptée par cette même maman qui m’avait toujours en- par une amie fraichement rencontrée, allaient me faire ac-
couragée à suivre mon chemin et mon cœur sans écouter cepter l’inacceptable et me redonner le sourire à tout jamais.

“ Ce mode de vie que j’ai choisi


n’est en aucun cas une fuite,
un défi ou un ras-le-bol

Samuel Glacier entre Canada



et Alaska, 2017.

42 - Carnets d'aventures - #52


À droite.
Ile de Kyushu, Japon, 2015.

En bas.
Préparation du dîner, Canada, 2016.

J’ai arrêté de pleurer ce jour-là, j’étais libérée. Dès lors


mes yeux se sont ouverts, tout a pris une autre dimension,
toutes les paroles et la sagesse de mon éducation mater-
nelle prenaient un sens plus profond. Vis ta vie ma fille !
J’espère qu’en lisant cet article, ma maman ne regrettera
rien, car moi je suis très fière de la façon dont elle m’a édu-
quée et de qui je suis devenue grâce à elle et à la vie. Ce
mode de vie que j’ai choisi n’est en aucun cas une fuite,
un défi ou un ras-le-bol, mais juste une suite logique après
un réveil, du bonheur à l’état pur, une joie de vivre tout
simplement.
Aujourd’hui je pleure beaucoup et je dirais même de plus
en plus, mais de joie, de gratitude, d’émerveillement, de
plaisir !

Seule ?
J’ai la plupart du temps voyagé avec différents coéqui-
piers ; partie à 6, puis 3, puis 2, puis de temps à autre 3 ou
4… À partir de la Corée j’ai décidé qu’il était temps d’être
seule. En route j’ai rencontré d’autres voyageurs qui ont fait
un bout de chemin avec moi. La chose la plus dure à gérer
pour moi en voyage, ce sont les coéquipiers. Vivre 24h/24
avec une personne est loin d’être évident surtout quand il y
a un manque de communication de part et d’autre.
Dans un mois, je reprendrai ma marche à pied, du sud du

#52 - Carnets d'aventures - 43


dossier voyager sans date de retour

À gauche.
Temps humide en Colombie
Britannique, Canada, 2016.

En bas.
Sur la route après Ensenada,
Basse-Californie, décembre 2016.

Mexique jusqu’au Chili, seule. C’est un choix, un besoin aus-


si, après toutes ces années sur la route, j’ai besoin d’aller plus
profond en moi, de grandir… Chacun évolue à son propre
rythme et chaque chose arrive au bon moment. Parfois, je
regrette de ne pas être partie toute seule, et d’avoir accepté
des personnes en sachant qu’on n’était pas sur la même lon-
gueur d’onde ; puis je me rappelle qu’on est maitre de nos
propres choix, que personne ne m’a forcée, et que donc si j’ai
accepté c’est probablement que j’en avais besoin aussi. J’ai
eu la chance de ne voyager qu’avec de belles personnes  ;
que cela se soit ou non bien passé.
Pour les fêtes de fin d’année, mon cousin va me rejoindre ;


c’est la première fois que quelqu’un de ma famille vient me
voir, je suis plus que contente et cela arrive au « bon » mo-
ment. Je suis retournée 2 fois en France depuis mon départ :
2 ans et demi après être partie, puis l’année suivante, cela
va faire 3 ans. Maintenant que je suis sur le continent amé-
S’il y a bien deux choses que ricain, je ne prévois pas de revenir en France avant d’avoir
atteint le Chili à pied – probablement encore 3 ans.
j’ai constatées à travers tous Je communique avec mes proches via Skype et Messenger,
je n’imagine même pas comment faisaient les voyageurs
ces pays déjà traversés, c’est avant sans internet. Être loin n’a jamais été pesant pour moi
tant que je sais que tout le monde va bien et que je peux
que seuls l’amour et l’eau sont « voir » mes proches même si c’est via un écran. Cependant
ne pas voir grandir les enfants de ma sœur restera à jamais
indispensables à l’être humain mon plus grand sacrifice, qu’un écran ne peut pas combler.
En ce qui concerne l’amour, ma définition change avec le


temps, mais cela reste à mon avis la chose la plus belle
au monde, dont tout le monde a besoin. S’il y a bien deux
choses que j’ai constatées à travers tous ces pays déjà tra-

44 - Carnets d'aventures - #52


Erreur de parcours
C’était en Iran, je voyageais à l’époque éclair d’angoisse m’a traversée : « et si
avec Cédrick. J’avais repéré, comme ce n’était pas le sommet !? » La nuit
toujours, notre chemin sur Google Earth. commençait à tomber, il ne restait plus
Celui-ci passait dans un canyon qui me
semblait accessible jusqu’à un village,
que quelques mètres, il n’était plus
l’heure de se poser la question, il fallait Matériel de
la présence de photos m’avait confortée arriver en haut. Nous étions épuisés
dans ce choix. Seulement voilà, après
plusieurs kilomètres et déjà quelques
par l’effort qu’il avait fallu fournir pour
gravir seulement ces quelques mètres de Randonnée
passages compliqués, nous nous pente, l’énervement était à son comble.
sommes retrouvés face à une cascade
d’environ 5 mètres à descendre. Après
En haut, le verdict nous est tombé des-
sus comme une faux, nous étions dans Cyclo-rando
avoir longuement hésité, nous avons opté une combe menant nulle part, impos-
pour la voie de la sagesse et avons pour
la première fois décidé de faire demi-
sible de rejoindre le plateau… Cette
nuit-là, nous n’avons pas dit un mot. Un
Et voyage
tour ; inutile de préciser qu’on n’en était orage a éclaté au loin, il a fallu monter
pas à notre coup d’essai sur des erreurs la tente sur la crête telle une banane ;
de parcours… Bref, la fierté du sentiment cela a été la nuit la plus angoissante de
d’avoir pris la bonne décision ne l’a pas mon voyage, je ne voyais pas comment
emporté longtemps sur celui de l’aga- on pouvait redescendre par là où on était
cement de devoir faire demi-tour. Nous montés. Nous avons dormi en chien de
avons donc tenté de trouver un passage fusil sans vraiment fermer l’œil de peur
pour escalader le canyon et rejoindre le de glisser, je n’ai jamais osé allumer mon
village par le haut. Après deux tentatives téléphone pour vérifier si on captait un
infructueuses et plus que dangereuses, réseau, je me voyais déjà devoir appeler
nous nous engageons, sûrs de nous, sur les secours (ironie du sort, nous avions
une pente qui nous paraissait franchis- dormi chez un pompier la veille). Au final,
sable. Je n’avais pas encore fait 5 mètres le lendemain matin, je sors de la tente,
que j’étais déjà bloquée. La pente était m’écarte quelque peu, et là, de l’autre
bien trop raide et mon sac bien trop côté, s’ouvrait à nous un passage dont
lourd ; je glissais. Je demande alors à la pente était moindre et parsemée de
Ced, pas très convaincue, si on ne devrait gros rochers, nous étions sauvés. Inutile
pas renoncer. Encore plus têtu que moi, de dire qu’après cela, nous avons fait
il me dit que c’est trop tard, on grimpe ! demi-tour jusqu’à l’entrée du canyon et
Après une progression laborieuse, pas avons trouvé un autre itinéraire ; nous ne
par pas, aidée par Ced qui plaçait ses sommes finalement jamais passés par le
pieds pour me faire des cales, nous village visé.
étions presque au sommet quand un

L’équipe Rayonrando
vous conseille
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#52 - Carnets d'aventures - 45
dossier voyager sans date de retour

En haut.
Bivouac dans les montagnes
du Kirghizstan, 2013.

Au milieu.
Sur les sentiers de Corée du Sud
(tout à l’est, non loin de la frontière
avec la Corée du Nord), 2015.

À droite.
Dans les montagnes au
Tadjikistan, 2013.

versés, c’est que seuls l’amour et l’eau sont indispensables à boucle à boucler, afin de ne pas entrer dans l’errance et ne
l’être humain, et que peu importe d’où l’on vient, l’important plus savoir rentrer. En fait, le retour, j’y pense souvent sans
c’est où l’on va. trop y penser… J’essaie fréquemment d’imaginer ce que je
ferai après. J’ai déjà mille et un projets en tête qui évoluent au
Pas si difficile que ça fil des rencontres ; parfois j’essaie de me rappeler mes idées
Il n’est jamais simple de faire le premier pas – dans quelque initiales car dès le début de mon voyage, j’avais des plans
domaine que ce soit d’ailleurs – mais une fois lancé, un pour la suite. Je pense que c’est important de toujours avoir
nombre incalculable d’opportunités s’offre à vous. En route des idées pour ne pas sombrer dans l’ennui ou la dépression,
on rencontre des personnes toutes plus intéressantes les surtout après un long voyage, ne pas savoir quoi faire au re-
unes que les autres, qui nous font rencontrer d’autres per- tour peut être dramatique. La vie est un cadeau précieux, qui
sonnes et ainsi de suite… nous offre un nombre incalculable d’opportunités, à chacun
Je n’ai jamais pensé que j’avais fait une erreur  ; cela fait de les saisir, nous sommes tous responsables de nos propres
maintenant 6 ans que je suis en route, j’ai dépensé en choix. Alors je pense que si vous n’êtes pas heureux dans
moyenne 4 euros par jour, ce qui était mon budget. Je n’ai votre vie changez-en, car personne d’autre que vous-même
pas vraiment travaillé en chemin, juste de temps à autre, du ne pourra vous rendre vraiment heureux. Apprenez à suivre
volontariat contre le gite et le couvert quand je devais rester votre cœur ! J 
à un endroit. Je trouve que la vie nomade est par bien des
aspects beaucoup plus simple et économique qu’une exis-
tence sédentaire, sans compter qu’elle est nettement plus
enrichissante. * PVT : « Programme Vacances Travail » : s’adresse aux 18-30 ans et
désireux de s’expatrier, pour un an maximum, dans un des pays par-
tenaires du programme, en ayant la possibilité de travailler sur place.
Et après
Bien sûr, souvent je pense au retour ; je me suis donné envi-
ron 10 ans pour ce tour du monde, une sorte d’objectif, de

46 - Carnets d'aventures - #52


Des nouvelles de Caroline ce printemps !
Je suis actuellement au bord du lac Atitlán au Guatemala. Après avoir repris la route début
décembre depuis Mazunte au Mexique, il m’a fallu 3 mois de marche pour arriver ici. En
mars, j’ai intégré le programme « moon course » de Las Piramidas, qui comprend des cours
de yoga, métaphysique et méditation. Enchantée par ce cours, j’ai décidé de poursuivre
sur le programme suivant, « sun course », de 3 mois, où je suis actuellement. Ce voyage
intérieur est un appel auquel il me fallait répondre. Au moment où ces lignes paraîtront, je
serai probablement encore en retraite silencieuse. Nul ne sait où me mènera cette retraite,
j’ai pour le moment toujours en tête de poursuivre ce voyage à pied, mais si un autre appel
ou besoin se fait ressentir, j’y répondrai, la voix du cœur étant pour moi le chemin...

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entre légèreté et fonctionnalité.

#52 - Carnets d'aventures - 47


d oss i e r voyager sans date de retour

Physio
on hand
48 - Carnets d'aventures - #52
Un kiné à vélo
en route pour la
Nouvelle-Zélande

Romain est kinésithérapeute originaire de


Briançon (Hautes-Alpes). Il s’est lancé en
été 2017 dans une aventure à vélo mêlant
voyage, kinésithérapie et parapente, avec
comme destination la Nouvelle-Zélande,
et la particularité de ne pas avoir de
durée définie. La raison ? Une probable
« routinite » aiguë. Cette affection qui
touche de plus en plus de gens dans
le monde : « traîner la désagréable
impression d’avoir tout pour être heureux,
mais pas la clé pour en profiter »*.
Il nous livre ses pensées dans cet article
finalisé depuis Samarcande, avant
d’enfourcher à nouveau son vélo vers l’est !

Texte et photos : Romain Auclair (saUF mention contraire)


physio-on-hand.com ● FB : physio on hand

Désert de Varzaneh, Iran.

#52 - Carnets d'aventures - 49


dossier voyager sans date de retour

C
haque histoire a un début. J’ai découvert le voyage à vélo
lors de conférences sur les bancs de l’université, me pro-
mettant qu’un jour je réaliserai un voyage de telle enver-
gure. Mais le mode de vie contemporain m’a vite rattrapé
à la sortie de mes études, me plongeant dans une vie rou-
tinière durant laquelle ce rêve semblait s’éloigner. Dans un
concours de circonstances, j’achète un vélo de voyage en
2014. Les voyageurs à vélo disent souvent qu’ils sont partis
inexpérimentés et sur un coup de tête, je n’ai pas échappé à
la règle. Néophyte dans le voyage, encore plus dans la méca-
nique du vélo, je pars m’aventurer en solitaire sur les routes
de la Patagonie du nord. Fort satisfait de ma première expé-
rience, je décide d’adopter ce moyen de locomotion pour
mes voyages. Le suivant sera en Asie du Sud-Est. Apéritif

50 - Carnets d'aventures - #52


Au pied du mont Ararat,
frontière entre la Turquie et
l’Arménie, juste avant l’Iran.

désormais à rejoindre par tous les moyens. J’ai vu dans cette


rencontre un signe qui me permettra plus tard de prendre la
décision d’entreprendre mon voyage.

La décision de partir sans date de retour


À mon retour en France, cette idée ne me quitte plus. La
graine a germé dans mon esprit et les racines occupent
mes pensées. Je commence à faire part de mon projet à mes
proches, sans qu’ils ne me prennent vraiment au sérieux. Je
mûris cependant l’idée par la lecture de récits de voyage.
J’entrevois peu à peu ce monde de nomadisme et d’aven-
ture. La fin de mon voyage en Asie sera couplée avec le
retour d’Olivier Peyre et ses 7 ans autour du monde « zéro
carbone ». Je décide de prendre contact avec lui et l’occa-
sion fera qu’avec sa compagne Nadège ils feront le choix de
s’installer sur les hauteurs du Briançonnais. Cela nous per-
mettra d’échanger longuement sur le voyage. Il me semble
important de confronter mon programme avec une personne
un peu plus chevronnée en la matière. Ses liens avec l’équipe
des Solidream (ndlr : Cf. CA49) me permettront même d’élar-
gir les conseils entre deux vols en parapente. Le projet prend
forme et la question de la durée du voyage commence à
se poser. Un an et demi me parait un bon compromis pour
atteindre ma destination. Additionné avec mon séjour sur
place, cela porte à deux ans la durée du périple. La décision
de ne pas prévoir de retour se profile petit à petit.
Une des questions qui m’ont poussé à entreprendre ce
voyage est « qu’est-ce qui te rend heureux ? ». La première
chose qui me venait à l’esprit était mes voyages. Bien sûr
je n’étais pas malheureux  : une situation confortable dans
un cadre de vie idéal dans les montagnes. Un cercle d’amis
proches et ma famille à proximité. Mais ce n’était pas suffi-
sant, j’avais besoin de cette pointe d’incertitude et d’aven-
ture qui, pour moi, remplit la vie de ce qui manque dans
nos sociétés modernes. Dans un sens, je ne me retrouvais
que dans mes voyages. Il m’est d’ores et déjà demandé de
répondre à une autre question fatidique : pourquoi ? La ré-
ponse je ne l’ai pas. Tout simplement car je ne m’interroge
improvisé au coucher de soleil sur les bords du Mékong  : pas (encore) véritablement sur le sujet. Je perçois le voyage
bière locale (pour maintenir l’hydratation) et fromage fran- comme un mode de vie à part entière et non comme une
çais ramené par une amie venue me rejoindre pour une existence hors normes.
partie du voyage. J’évoque pour la première fois l’idée d’un
voyage au long cours. J’ai toujours rêvé de la Nouvelle-Zé- L’organisation
lande, l’idée serait de m’y rendre à vélo. Un projet qui me J’ai donc décidé de quitter mon emploi, vendre la plupart de
parait irréalisable dans un sens, incontournable dans un mes biens afin de me libérer de toutes attaches administra-
autre. Comme par hasard… Nous rencontrons le lendemain tives et matérielles qui pourraient m’obliger à revenir. Petit à
un couple de Hongrois partis de leur terre natale eux aussi au petit, je me libère de l’accumulation à laquelle nous sommes
moyen de leurs bicyclettes, pour se rendre au pays des Kiwis. bien souvent confrontés. Parallèlement je décide d’incorpo-
Nous passerons le reste de la journée à pédaler ensemble au rer à mon voyage un projet autour de la kinésithérapie. Une
rythme du flot incessant de mes questions. C’est la première façon pour moi dans un premier temps de légitimer l’entre-
fois que j’ai l’occasion de converser proprement avec ces prise d’une telle aventure. Je reste cependant tout autant
êtres venus d’un autre monde. Ce monde que je chercherai passionné par mon métier que par le voyage et, finalement,

#52 - Carnets d'aventures - 51


dossier voyager sans date de retour

“ Une des questions qui m’ONT poussé à entreprendre


ce voyage est « qu’est-ce qui te rend heureux ? »

le fait d’intégrer ce projet finit par devenir indispensable à


mes yeux.

Heureusement j’ai déjà la plupart du matériel nécessaire
grâce à mes expériences passées. Je décide de changer de
vélo pour un modèle fait sur-mesure. Le concept est d’en
créer un par étude posturale afin qu’il soit parfaitement
adapté à ma morphologie. Un autre avantage est de choi-
sir chacun de ses composants. J’ai notamment opté pour le
système Rohloff (ndlr : moyeu à 14 vitesses qui permet de se
passer de dérailleurs avant et arrière) en espérant minimiser
les problèmes mécaniques. Je suis conscient des inconvé-
nients qu’un tel système apporte, notamment l’impossi-
bilité de le réparer seul. Si je dois me trouver bloqué dans
un pays un mois supplémentaire en attendant un moyeu de
rechange, cela reste pour moi une occasion de prolonger le
voyage et de profiter autrement du pays.
Je ne suis pas très expert en mécanique vélo malgré mes
voyages. J’ai finalement eu la chance de n’avoir aucun pro-
blème (pas même une crevaison) tous voyages confondus !
Par ailleurs, je décide d’embarquer avec moi une aile de
parapente light, largement influencé par Olivier sans aucun
doute. Prendre un parapente au risque de s’alourdir est un
choix difficile. Mais au-delà du projet « physio on hand » au-
tour de la kinésithérapie, je ressens aussi le besoin de pou-
voir passer du temps à m’adonner à une autre activité que le
vélo. Reste à prévoir le parcours…

52 - Carnets d'aventures - #52


Contemplation en Cappadoce,
Turquie. Bivouac près de Göreme.

Le départ
Quitter les contraintes administratives est le début de
Vol en parapente au-dessus du lac de l’aventure, d’autant plus lorsque l’on est travailleur indépen-
Salda (Salda Gölü) en Turquie. Aussi dant. J’ai fait le choix de m’en dégager pour mon voyage afin
surnommé les Maldives turques. de retrouver une certaine liberté. Une notion que j’ai décou-
verte lors des premiers coups de pédale à mes débuts de
voyageur. Perdu au milieu de terres encore inconnues, sans
vraiment de plan ni de destination, il m’est alors apparu que
j’étais le seul décideur de mon futur proche et que je pouvais
aller où bon me semblait. Un sentiment de liberté totale et
indescriptible que je n’ai jamais retrouvé ailleurs. Je ne l’ai
pas même ressenti au moment de mon départ. Ce départ
avec un grand D qui me semblait presque irréel tellement
j’avais de choses en tête. Je n’ai pas tout de suite réalisé
que je partais pour un voyage de durée encore incertaine.
Un tel projet sous-entend préparation et organisation, et au
jour du commencement de mon aventure je suis encore per-
du dans mes démarches administratives. Je ne prends pas
conscience de la réalité et des changements radicaux qu’elle
implique. Il me faudra quelques semaines pour m’apercevoir
que le retour n’est pas pour tout de suite et que ma vie est
en train de changer du tout au tout.
Je reste persuadé que le plus dur a été le départ. Perdre la
stabilité de la vie moderne pour une situation incertaine
avec son vélo comme unique compagnon de voyage. Mais
dès lors c’est comme un poids qui se libère et qui laisse
place à la liberté de circuler et de décider de quoi sera fait le
lendemain, mais surtout le jour même. Car désormais c’est
une vie au jour le jour qui se profile, vivre l’instant présent
et profiter des choses simples de ce mode de voyage. Il me
semble important cependant de garder des objectifs à court,
moyen et long termes, ce qui facilite la progression et permet
de garder un cadre.

#52 - Carnets d'aventures - 53


dossier voyager sans date de retour

Bivouac en Anatolie centrale, Turquie.

Philosophie de voyage
Chacun a sa propre vision du voyage et ses priorités. Cer-
tains voyageurs enchaînent les kilomètres, ils trouvent leur
plaisir dans le fait de pédaler. Il m’a fallu apprendre à me
détacher de la comparaison, ne pas chercher à se mesurer,
car chacun a ses propres perspectives et les distances quo-
tidiennes parcourues ne sont pas toujours liées aux capaci-
tés physiques. Je trouve mon plaisir dans les rencontres. Je
ne peux me soustraire à l’invitation cordiale d’une famille
même si le quota théorique de kilomètres journaliers n’est
pas rempli. Près d’Aksehir en Turquie, j’ai par exemple croi-
sé un jeune cycliste au sommet d’un col et cela m’a permis
de rencontrer le club de montagne locale après seulement
20 kilomètres parcourus. Pour moi pédaler n’est pas une fin
en soi, ce n’est qu’un moyen pour profiter pleinement d’un
voyage à vitesse réduite.
En me lançant dans ce projet je n’avais pas de velléité à
« me mettre dans le rouge ». On perçoit souvent le voyage
à vélo comme éprouvant et exclusif. Mais chacun reste libre
de donner les priorités qu’il veut à son voyage. Après quatre
mois sur la route, il me fallait une pause, faire autre chose,
c’est pourquoi j’ai décidé de voyager en Iran principalement
avec mon sac à dos. En Géorgie une semaine de ski a fait
son apparition au programme. En Asie Centrale j’ai décidé
de renoncer à la fameuse route du Pamir (une décision diffi-
cile pour cet « incontournable » du monde du cyclotourisme)
pour prendre plus de temps à randonner et voler dans ces
terres naturelles. Plus tard, en Océanie, nul doute que le surf
viendra s’inviter au programme. Je n’ai pas de durée déter-
minée, mais pas non plus de compte à rendre. Je suis de ceux
qui défendent l’idée que le voyage à vélo peut rester simple,
accessible, peu engagé et de difficulté tout à fait modérée. Il
n’en est pas moins pourvoyeur de belles aventures !

Le rapport à l’autre
Dans le voyage solitaire – mais sans doute aussi en groupe
– on apprend à se connaître soi-même. Prétendre repousser
ses limites est une chose, je préfère déjà dire que j’apprends
à connaître les miennes. Se mettre dans des positions diffi-
ciles est récurrent et apprendre à s’en sortir fait partie du jeu.
Découvrir qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise décision
mais simplement des choix dont va dépendre la suite des
événements.
On se sent généralement bien à la maison, avec sa langue
maternelle et sa propre culture, mais on apprend au fil des
mois à s’adapter au nomadisme. Pour ma part, lorsque je suis
chez moi bien au chaud, j’ai du mal à m’imaginer camper
dans le froid et l’humidité. Mais lorsque l’on est vraiment
dedans, cela devient plus aisé et le bonheur de la simplicité
reprend le dessus. Je suis persuadé que n’importe qui avec
de la volonté est capable de s’adapter à une vie au confort
réduit. Et la capacité d’adaptation grandissante permet de

54 - Carnets d'aventures - #52


#52 - Carnets d'aventures - 55
dossier voyager sans date de retour

En haut.
Le plaisir de cuisiner au réchaud à
bois. Bosnie, col de Makljen, 1123 m.

À droite.
Neige dans le désert de Varzaneh,
entre Ispahan et Yazd en Iran. Je suis
obligé de pousser le vélo sur 20 km.

s’accommoder à bien des situations. Aussi, la barrière de la


langue et de la culture ne devient plus un obstacle même si
Physio on hand : l’impossibilité de pouvoir partager et s’exprimer convena-
blement peut à terme s’avérer usant. Ces contrées traver-
le projet côté kinésithérapie sées sans avoir la possibilité d’échanger convenablement
ont revêtu un caractère frustrant : ne pas pouvoir s’abreuver
Le concept du projet est de rencontrer des acteurs de la pleinement de ce que nous offrent les rencontres inopinées.
kinésithérapie et plus généralement de la rééducation dans les La distance avec la famille et les amis (messages qui s’es-
différents pays traversés. Une façon de voir si la perception du pacent peu à peu dans le temps) m’éloigne subrepticement
métier ressemble à celle que l’on a en France. Une entrevue qui de mes proches. Nos contacts restent réguliers et certains,
reste de l’ordre théorique : connaître comment il est possible mais forcément réduits. C’est cependant compensé par les
d’étudier, de pratiquer, si les thérapeutes sont soumis aux rencontres uniques qui s’enchaînent tout au long de mon
mêmes obligations… J’ai réussi à obtenir une rencontre dans avancée. Des rencontres éphémères dont il faut souvent se
pratiquement chaque pays avec une interview filmée. Je prends contenter même si on sent un contact facile et une amitié
contact en avance via internet afin de sonder les praticiens naître. Cela laisse souvent place à un lien solide rendu pos-
avec qui je peux converser en anglais, ce qui n’est pas toujours sible par les réseaux sociaux actuels. Je suis persuadé que
évident. Une autre difficulté réside dans les contacts avec des le voyage est devenu bien plus facile de nos jours grâce à
institutions officielles (hôpitaux, universités…) car elles sont ces moyens de communication. Bien que laissant moins de
très souvent soumises à des autorisations officielles strictes. Il place à la spontanéité, ils favorisent cependant les échanges
faut parfois faire preuve de patience et de persévérance. Mes et les rencontres. La plupart des voyageurs, même des plus
expériences les plus inédites restent en Iran avec un accueil rétrogrades, font l’acquisition d’un smartphone. Et ceux
particulier de la part de l’université de kinésithérapie de Téhé- qui ont connu le voyage avant l’apparition de ces facilités
ran et une intervention sur une zone sinistrée par un violent trouvent cela bien plus aisé désormais. Cependant, force est
séisme, en dehors de toute organisation officielle. d’admettre que l’on perd évidemment un peu d’authenticité

56 - Carnets d'aventures - #52


Parapente à Gudauri,
en Géorgie.
(Aurel photography)

notamment au niveau culturel. Cette authenticité qu’il faut


aller chercher dans les lieux isolés qui disparaissent peu à
peu.


Ce qui change par rapport à un voyage
plus « classique »
À la différence d’un voyage aux contraintes de temps, le
« sans retour » permet une marge de manœuvre plus impor-
Dans un voyage où le tante. J’ai rencontré beaucoup de voyageurs qui avaient pla-
nifié leur voyage à l’avance, avec leurs billets et leurs visas
temps n’est plus un tous prêts. Mais dans certains pays, ils se sont sentis bien
et ont trouvé le temps alloué trop court. Au contraire, ils ne
problème, il suffit de pouvaient écourter un séjour dans un pays qui leur plaisait
moins. Dans un voyage où le temps n’est plus un problème, il
vivre au rythme de ses suffit de vivre au rythme de ses envies et de ses désirs.
Il ne faut cependant pas croire que les contraintes tempo-
envies et de ses désirs. relles n’existent pas ! Elles prennent d’autres aspects. J’évo-


lue surtout en fonction des saisons et de la durée de mes
visas. Mais libre à chacun de subir ces contraintes à sa ma-
nière. J’ai rencontré une Espagnole à vélo qui a passé 9 mois
au Pakistan en attendant que la frontière ouvre de nouveau,
là où la plupart des voyageurs auraient abdiqué en se tour-
nant vers un transport aérien. Je n’oublierai jamais les lignes
de Lionel Daudet qui décrit ce sentiment presque de culpa-

#52 - Carnets d'aventures - 57


dossier voyager sans date de retour

bilité de pouvoir prendre 5 semaines de repos durant son trip doit décider de son niveau d’engagement et de difficulté.
autour de la France, alors que c’est la durée annuelle légale Parfois quelques journées de repos très banales et loin d’être
des congés d’un salarié. Je suis désormais pris dans cette productives s’invitent. Il y a certainement autant de philoso-
inertie où le temps prend une tout autre dimension. Il est phies que de voyageurs. Mon voyage n’est pas l’exemplarité
devenu une sorte de luxe, que je recherche comme finalité. Je de la scission avec nos sociétés modernes, car je ne pense
n’ai désormais plus de « délai alloué à mon voyage », il pren- pas avoir cherché à la fuir, pour l’instant tout du moins.
dra le temps qu’il faudra, en fonction des opportunités qui
s’offrent à moi. Je ne me refuse pas un retour en France pour Le retour
voir mes proches, mais je cherche désormais à prolonger au Il paraît que toute histoire a une fin. Concernant la mienne,
maximum ce voyage. C’est sans nul doute un des avantages elle devrait venir le plus tard possible. Comme un thriller aux
incontestables que de ne pas avoir de date de retour, c’est le maintes intrigues dont on essaie de retarder le dénouement.
choix que j’ai fait afin d’avoir une flexibilité totale dans mon Viendra le temps où je serai probablement lassé de cette
voyage. existence nomade, de ce mode de vie qui me paraît facile
Bien sûr il faut assumer ce mode de vie qui n’est pas facile actuellement mais qui pourrait à terme devenir exigeant. Je
tous les jours. La solitude parfois et les conditions climatiques songerai alors probablement à reprendre racine. Il m’est dif-
qui rendent la progression difficile. Il n’est toutefois pas désa- ficile de me projeter dans le futur et dans « ma vie d’après ».
gréable de retrouver un peu de confort pour quelques jours. J’y pense parfois sans pouvoir élucider aucune perspective
Si le nomadisme est devenu mon mode de vie, j’essaie de concrète. Cela insinue sans doute qu’il y aura des choses qui
favoriser les nuits sous un toit grâce à l’accueil des locaux. changeront : une vision différente du monde, de la société et
Une façon de s’économiser, car il me paraît aussi important de moi-même sans aucun doute. Mais pour l’heure, le temps
que mon voyage reste un plaisir. Sinon, les intempéries cou- est à l’appréciation et à la découverte du monde. Je suis à
plées aux longues journées à pédaler me deviendraient à la près d’un an de mon départ et je ne me pose actuellement
longue trop éprouvantes et m’enlèveraient un certain bien- pas la question du retour. Je cherche au contraire les possibi-
être. Il me semble qu’il faut mettre le niveau de l’aventure lités d’enrichir au maximum ce voyage aux mille rencontres
à son échelle afin que le voyage reste un plaisir. Enchaîner et aux mille paysages. 
des repas frugaux, des nuits en bivouac, des longues jour-
nées d’effort, tout cela me convient, mais sur le court terme. * Référence tirée du livre de Raphaëlle Giordano qui a contribué à
J’ai besoin d’une alternance. Je reste un épicurien qui aime mon changement de vie : «  Ta deuxième vie commence quand tu
à profiter des plaisirs de la vie. C’est ma façon d’aller plus comprends que tu n’en as qu’une ».
loin. On voit le voyage à vélo comme difficile mais chacun

Plateau arménien
surplombant Goris.

58 - Carnets d'aventures - #52


#52 - Carnets d'aventures - 59
récit kayak au groenland

Groenland
SAUVAGE
60 - Carnets d'aventures - #52
L’un des objectifs de Cyril et Natacha, pour cette itinérance
kayak, était d’aller voir de près un glacier, on peut dire qu’ils
ont été servis ! On embarque avec eux pour quelques-unes des
émotions et des aventures qu’ils ont vécues au sein d’une nature
indomptable et aux côtés d’une glace omniprésente.

Texte et photos : Cyril Petipas ● Participants : Natacha Bredon et Cyril Petipas


cphotosaventures.cyanphotographie.com

#52 - Carnets d'aventures - 61


récit kayak au groenland

Page précédente.
Décor parfait pour des premiers
Premières émotions coups de pagaie irréels.
Derrière nous, la minuscule aérogare de Kulusuk, dernier
lien avec la civilisation agitée. Devant nous, le calme des
montagnes encore blanches et de la mer couverte de glace.
En bas.
Malgré nos embarcations surchargées, les trois premières Pause rafraichissante. Comme
heures de navigation sont un pur régal dans des conditions les nuages, les glaçons ont toutes
de navigation idéales  : soleil radieux et pas un souffle de les formes imaginables. Sur
vent. celui-ci, parfaitement adapté à
la morphologie humaine, j’étais
Après une première nuit bercée par le bruit d’un torrent,
vraiment bien calé ! (À part le
nous partons randonner. Là aussi de nouvelles découvertes : froid qui finissait par passer J).
la progression est rude et lente sur les pentes escarpées et
accidentées. Mais l’effort en vaut la peine : il suffit d’un peu
d’élévation pour avoir un panorama à couper le souffle.
Avant le départ, les glaces étaient une de nos principales
sources d’inquiétude, les dernières cartes vues les mon-
traient en grande quantité. Notre première navigation nous a
rassurés : il est possible d’avancer malgré leur nombre. Mais
dès la seconde, nous nous frottons aux dangers de la navi-
gation polaire  : grande densité de glaçons plats, passages
fermés et côte inaccessible à cause de l’accumulation de
ces plaques poussées par le vent. Il faut alors s’écarter du
bord ou le raser, slalomer serré, s’engager dans des passes
qui peuvent se refermer aussitôt, ne pas hésiter à faire demi-
tour. Patience, calme et anticipation… Et surtout ne pas être
regardant sur le kilométrage et le temps passé !

Ça passe… ou pas !
En ce troisième jour, nous passons d’un fjord large à un
très étroit et escarpé. Nous avions repéré sur la carte et les
vues satellites qu’il se resserrait jusqu’à une petite passe
de quelques mètres à peine. Mais une fois sur place, point
de passe ! En fait, elle existe bien, mais seulement à marée
haute. Nous patientons donc, allongés sur un tapis de mousse
et emballés dans le tarp qui nous protège autant du froid que
des moustiques. Après plus de deux heures d’attente, nous
franchissons à pied la passe à peine en eau. Nous trouvons
un bivouac un peu plus loin. Mais il faudra encore patienter,
jusqu’à minuit, pour enfin dîner : une bonne heure passée à
démonter et réparer le réchaud, pourtant tout neuf…

Fantomatique
Après des heures d’une terrible lutte contre un fort vent de
face, nous installons notre bivouac au pied d’une incroyable
incongruité  : une ancienne base américaine datant de la
Seconde Guerre mondiale, laissée en l’état. C’est un véri-
table choc auquel nous n’étions pas préparés… La base
est immense et nous déambulons au milieu d’innombrables
restes. Un Pompéi des temps modernes, une ode à l’absurdi-
té de l’être humain. Des bidons par milliers, éparpillés ou en
tas, parfois au milieu de ruisseaux qui en prennent la teinte
brune. Des carcasses de véhicules. Un hangar effondré telle
une araignée géante. Des chaudières éventrées aux chemi-
nées bravant le ciel gris. Des pylônes couchés à terre. Des
restes de bâtiments en bois. Des conduites d’eau ou d’autres
fluides. Incroyable vision que cette rouille salissant les eaux
translucides, les montagnes enneigées et les icebergs écla-
tants en arrière-plan. L’ambiance clairement lugubre est
renforcée par le ciel couleur de plomb, les nuages qui des-
cendent des sommets et la pluie qui commence à pleurer
sur ce lieu maudit.

62 - Carnets d'aventures - #52



Avant le départ, les
glaces étaient une
de nos principales
sources d’inquiétude

En haut à gauche.
Notre petit déjeuner fut grandement
apprécié par notre visiteur du matin.

À droite.
Dans ces rudes contrées, on retrouve
les plaisirs simples mais essentiels de
la vie : un peu de bois flotté, un bon
feu, un peu de chaleur, un sourire.

À gauche.
Un peu d’eau libre avant d’attaquer
une nouvelle partie de slalom.

#52 - Carnets d'aventures - 63


récit kayak au groenland

L’équipe
Natacha Bredon, 34 ans, informaticienne. Génétiquement
pas adaptée au froid (enfance africaine et syndrome de Ray-
naud), mais prête à relever tous les défis idiots (marathon du
Médoc, semi-marathon « nuit polaire » en janvier à Tromsø en
Norvège, demi-tour de Corse en kayak de mer en plein hiver,
Dordogne intégrale...).
Cyril Petipas, 41 ans, ancien pilote dans l’armée de l’air,
ingénieur en environnement. Fasciné par les espaces
arctiques et leurs grands explorateurs. Bien plus à l’aise à
-10°C qu’à 30°C.
Cyril s’est récemment lancé dans le métier de photographe
professionnel, pour en savoir plus, rendez-vous sur son site !
cyanphotographie.com

Itinéraire

Matériel et logistique
50 kg de nourriture envoyés en fret.
Location au Groenland (à Tasiilaq mais amenés à Kulusuk) de 2
vieux kayaks monoplaces (dont un se révèlera percé…), du télé-
phone satellite et du fusil (antique et rouillé !).
60 kg de vêtements (dont les combinaisons étanches) et matériel.
Réchaud à essence Primus avec un set de rechange. Et heureu-
sement car un joint a lâché au bout de quelques jours. Et sans le
nouveau joint…
Une canne à pêche repliable. Qui fera mouche au premier lancer !
Une carte au 1/250.000 couvrant presque toute la zone parcourue.
De vieilles cartes américaines des années 50. Les îles n’ont pas
bougé, mais les glaciers ont franchement reculé… Du 15 juin au 7 juillet
Une enceinte Bluetooth pour la fête de la musique. 216 km de kayak
Un thermomètre-baromètre. 80 km de randonnée (altitude max atteinte : 554 m)
Le trajet réalisé fut (miraculeusement ?) celui prévu. L’un des
Météo buts du voyage était d’aller voir de près un glacier. Au départ de
Kulusuk, nous avons choisi d’aller vers l’est.
Entre -2 et 12°C. Les points possibles de bivouac ont été « repérés » grâce à Google
Presque toutes les saisons : pluie, vent, brouillard, soleil... Earth et « confirmés » par les courbes de niveau des cartes
À notre point le plus au nord (66°06’), le GPS donnait seulement papier…
8 minutes de « nuit ». En pratique, nous avions quelques heures de
crépuscule.
Beaucoup de glace, principalement des morceaux de banquise à
peine fondue et fracturée, ramenés dans les fjords par le vent.

64 - Carnets d'aventures - #52


Cap au nord ! à battre en retraite à chaque instant. Il nous semble petit et
Nous passons plusieurs jours extraordinaires à proximité de maigrichon. Grand seigneur, je lui abandonne la fin de ma
glaciers. Et des heures à les admirer, tout simplement assis, gamelle. Repu, il se lèche les babines et va fureter à côté
comme dans un théâtre perpétuel, ou lors de randonnées de la tente que nous sommes en train de vider. Pour nous
mémorables. remercier, il défèque sur la pierre qui nous servait de douche.
Pendant l’une d’elles, alors que je m’accorde une pause au Nous avons compris, c’est chez lui ici ! En cette saison qui
pied de l’un de ces géants pas complètement endormis, je ressemble à la fin de l’hiver, la végétation peine à émerger de
vois et entends un gros morceau de muraille commencer la neige encore bien présente.
à s’incliner. L’appareil photo chauffe jusqu’à ce que je me Nous attendions le calme en cette région déserte. Nouvelle
rende compte qu’une vague plus haute que moi arrive à surprise, car sur terre nous ne l’avons que peu trouvé. En ef-
grande vitesse. Courageusement, je tourne les talons et fuis fet, la fonte des neiges crée de (trop !) nombreux torrents qui
aussi vite que mes jambes me le permettent sur ces rochers dévalent (trop !) bruyamment des sommets. En reculant, les
humides. Quelques instants après, lorsque je me sens en glaciers laissent place à des amas de cailloux et de rochers
sécurité, je me retourne et vois un énorme rouleau glacé qui eux aussi dévalent bruyamment les pentes. Et puis bien
(liquide et solide !) déferler sur le rocher où je me trouvais… sûr il y a la glace qui craque, les séracs qui tombent, les gla-
çons qui se retournent. Parfois dans un fracas digne d’un
Faune, flore et bruits coup de canon.
La faune est LA déception du voyage. Alors que cette région
est présentée comme préservée et sauvage, nous espérions Pousse-pousse
voir un certain nombre d’animaux caractéristiques de l’Arc- Après avoir quitté les glaciers, sur le chemin du retour, les
tique. Voire même quelques bonnes surprises comme des glaces sont notre préoccupation principale. Leur densité
baleines ou des narvals. Éventuellement des ours, mais de augmente sensiblement à mesure que nous nous rappro-
très loin ! Mais au final, la faune s’est révélée quasi inexis- chons de l’océan. À plusieurs reprises, depuis des points
tante. hauts, nous avons l’impression que le fjord est complètement
Lors d’un petit-déjeuner, un petit renard approche à quelques fermé par une barre blanche de glaces, ce qui provoque chez
mètres, curieux et craintif, constamment aux aguets et prêt nous une certaine inquiétude et l’élaboration de multiples

#52 - Carnets d'aventures - 65


récit kayak au groenland

plans de replis et d’itinéraires bis. Une journée de navigation


dans la brume, dans une ambiance clairement lugubre, feu-
trée et oppressante, fait encore monter le stress d’un cran.
Tous ces glaçons nous posent aussi des difficultés pour
accoster ou reprendre la mer, lorsque le vent les a accumu-
lés sur la rive. Un matin, au moment de partir d’une petite
baie étroite, nous découvrons que celle-ci est complètement
obstruée par des glaçons qui se sont encastrés les uns dans
les autres. Notre première idée géniale est de les bombarder Les glaciers nous ont offert des
de rochers depuis les quelques mètres de hauteur du bord. perspectives extraordinaires,
Mais même les plus lourds n’ont absolument aucun effet, des paysages somptueux d’un
autre monde, magnifiés par les
ils rebondissent sur la surface glacée. Notre seconde idée lumières des hautes latitudes.
géniale est tout aussi intellectuelle : je pose l’avant de mon
kayak sur le glaçon et je rame aussi fort que je suis bête pour
le faire reculer. C’est épuisant, peu productif (sauf en termes
d’eau remuée !), mais heureusement cela fonctionne sur les
plus petits. Cette méthode nous sera utile plusieurs fois par
la suite.

Le chemin le plus court entre deux points…


Décidément tout va mal ce jour-là. Une fois libérés des glaces,
nous nous heurtons à un fort vent de face. La progression
se fait plus lente. Le fjord suivant est presque uniformément
blanc. Nous tentons malgré tout notre chance. De gros ice-
bergs sont échoués, des moyens se sont encastrés dans les
intervalles, et des petits ont comblé tous les espaces dispo-
nibles. Ou presque. Nous slalomons donc à la recherche de
ces « presque ». Et ils sont peu nombreux. Nous trouvons un
passage le long de la côte. Mais c’est bientôt marée basse
et nous nous retrouvons bloqués. Demi-tour et retour loin
en arrière. Petite avancée par une minuscule brèche. Gros
efforts pour de bien maigres résultats  : le GPS indique 3,3
kilomètres parcourus pour une avancée réelle de 500 mètres.
Nous avons beau longer toute cette muraille blanche et es-
sayer chaque petit espace libre, la voie est fermée. Il reste
la dernière possibilité  : l’autre rive, un peu moins exposée
au vent. Le fjord est tellement bouché que le courant est
fort dans le moindre espace laissé par les glaces. L’eau est
comme nous, à la recherche de passages pour circuler. De
l’autre côté, nous pouvons reprendre une vague marche en
avant. Pour cela il faut parfois pousser de minces plaques
avec le kayak ou mettre pied à glace pour tirer son kayak
sur la plaque et rejoindre l’étroite mare d’eau libre suivante.
Mais ces longs efforts ne sont pas totalement infructueux,
nous avançons.
Au bout du fjord se trouvent quelques îles au milieu d’un
grand carrefour de vallées. En préparant le trajet, nous pen-
sions que ces îles auraient un petit côté bucolique. Elles
ont en réalité un fort côté «  bouchonnique  ». Les plaques
de banquise poussées par le vent venant du large viennent
s’écraser entre elles et sur les îles. Et au milieu, quelques
icebergs de bonne taille ajoutent un peu de verticalité, mais
certainement pas de fluidité…
À l’approche de ce grand carrefour, nous tentons de rejoindre
une île, espérant trouver une situation meilleure de l’autre
côté. Mais impossible d’approcher et de se faufiler, le caram-
bolage est bien hermétique, ce qui peut expliquer l’immobili-
té de tous les grands icebergs. Les demi-tours s’enchaînent.
Alors que les bivouacs possibles que nous visons se trouvent
plutôt sur notre avant droit, nous devons aller vers la gauche
pour trouver un peu d’eau libre, en espérant pouvoir traver-
ser plus tard. Après de longs efforts en ayant franchement

66 - Carnets d'aventures - #52



L’eau est comme nous,
à la recherche de
passages pour circuler.

#52 - Carnets d'aventures - 67


récit kayak au groenland

Un peu de désordre coloré au


milieu d’une nature grandiose.

bifurqué à l’opposé, nous traversons enfin le carrefour. Mais temps arrête alors de s’écouler, les heures passent au ralenti.
nous sommes encore du mauvais côté du fjord caractérisé À midi, la pluie s’invite. Le baromètre dégringole. La tente
par de hautes falaises de roches inhospitalières. Les glaces danse de toute part. Un miracle qu’elle ne s’envole ou ne se
se resserrent à nouveau mais nous trouvons la parade en déchire. Les arceaux plient dangereusement, prenant parfois
frôlant ces murailles, dans le maigre espace entre ces der- une courbure inverse ! Nous devons les soutenir en perma-
nières et les glaces qui ne peuvent s’y échouer. Poussées par nence.
le vent, elles viennent y rebondir, et nous passons entre les Dehors, la vision est peu réjouissante : ciel bas et gris, pluie
rebonds  ! Puis nous tentons de traverser. La nouvelle diffi- horizontale, mer déchaînée, écume et vagues rageuses. Les
culté est désormais le vent qui rend les plaques très mobiles, glaces ont fui notre rive, un mur blanc s’est construit sur
refermant trop vite les passages. l’autre. À 23 heures, il fait sombre pour la première fois. Le
Tant bien que mal, et plutôt mal que bien, nous arrivons du baromètre a cessé sa chute. À 4 heures le lendemain ma-
bon côté et cherchons un lieu de bivouac, 9 heures après les tin, le vent semble se calmer, mais épuisés, nous sombrons.
premiers coups de pagaie. Malheureusement, les rares bouts Nous apprendrons par la suite que le vent a soufflé jusqu’à
de plat sont impraticables ou inaccessibles, cette côte est 130 km/h…
très escarpée et rocailleuse. Nous poursuivons donc avec – Quelques heures plus tard, nous émergeons dans une tente
évidemment – un vent fort de face qui siffle et glace les par- qui est toujours debout. Mais il faut partir, notre vol retour est
ties exposées du corps et les doigts malgré les gants. demain. Heureusement, il n’y a que 5 kilomètres à parcourir
Virage à droite, nous quittons ce grand fjord pour un plus et, hier du haut de notre colline, nous avons vu que le fjord
petit. Et la magie des lieux opère une nouvelle fois  : en était peu encombré. Mais ça, c’était avant… La tempête a
quelques secondes, le vent devient nul et l’eau lisse comme fait entrer des glaçons en quantité et les a compactés dans
un miroir. Mais les glaces sont toujours omniprésentes, c’est le fjord. Nous tentons le passage le long d’une rive. C’est
le thème de la journée  ! Une fois n’est pas coutume, c’est dangereux, nous risquons d’être écrasés entre les rochers et
par le bord que vient le salut. Zigzags entre les rochers et les les glaçons poussés par le vent arrière. Demi-tour et essai
glaces échouées. Après 11 heures d’efforts, nous apercevons au milieu du fjord  : bloqués également. Il reste l’autre rive.
enfin une plage, surplombée d’une grève bien plane, au bord Nous progressons lentement en rasant la falaise, mais il ar-
rigoureusement horizontal, à peine 2 ou 3 mètres au-dessus rive un moment où cela ne suffit pas. Il faut donc descendre
de l’eau. Ironie du sort, à 10 mètres du but, nous sommes des kayaks, s’accrocher aux rochers, patauger de longues
irrémédiablement bloqués. C’est donc à pied que nous rejoi- minutes dans l’eau glaciale, et même monter sur les plaques
gnons ce havre accueillant comme la plus belle plage des de banquise, dans toutes les positions possibles pour pous-
Seychelles. Près de 30 kilomètres parcourus, le triple du tracé ser les glaces, arranger le puzzle, et tirer, traîner ou porter les
direct… kayaks. Il faut se donner à fond pour progresser centimètre
par centimètre, mètre par mètre. C’est dur, physiquement et
Décoiffant mentalement. Les 5 kilomètres ont une nouvelle fois triplé…
Voulant profiter tranquillement des derniers jours, nous nous Enfin, les kayaks touchent terre à notre point de départ, il
installons à 5 kilomètres de Kulusuk, sur la rive opposée, au y a 3 semaines. C’était hier, c’était il y a une éternité. C’est
pied d’une colline « escaladable » culminant à seulement 550 terminé, la boucle est bouclée. Beaucoup d’émotions, peu
mètres mais offrant une vue à 360°. de mots. Beaucoup de sentiments, parfois contradictoires  :
À 4 heures du matin, le vent soufflant en fortes rafales nous soulagement, fierté, bonheur, épuisement… Voyage extraor-
réveille. La tente est secouée violemment. Impossible de se dinaire, à tous les sens du terme. 
rendormir. Alors que nous sommes cloîtrés dans la tente, le

68 - Carnets d'aventures - #52


© crédit photos : Vincent Ortega

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@destinationh2o #52 - Carnets d'aventures - 69


récit cévennes à vtt

Traversée des

Cévenn à VTT

Cévennes, Gévaudan, Lozère, évoquent des régions peu


peuplées aux paysages sauvages et aux petits villages
authentiques. Stéph, Chris et Djé ont enfourché leurs VTT pour
une itinérance de 5 jours, du Puy-en-Velay à Montpellier, en
mode exploratoire.

Texte : Stéphane Berthaud (instagram @canasugar)


Photos et participants : Jérémy Pivolot « Djé », Christophe Berthaud « Chris », et Stéph
Itinéraire complet sur Mytrip : expemag.com/go/cevennes

70 - Carnets d'aventures - #52


es

#52 - Carnets d'aventures - 71


récit cévennes à vtt

En haut.
Vue sur l’éprouvant chemin de
crête de la haute vallée Borgne.

À droite.
Nos destriers et leur barda sur la
draille bordée de monolithes lors
de l’ascension du mont Lozère.

Page précédente.

A
Dans la descente du mont Lozère.

près une première tentative en 2015, stoppée par lune trompeur quant à l’heure du réveil. Nous découvrons
un violent épisode cévenol (vous souvenez-vous des kaya- par l’expérience que la lune, à l’instar du soleil le jour, anime
kistes naviguant dans les rues de Montpellier ?), nous repar- les nuits.
tons pour cet itinéraire tracé avec la volonté de ne pas suivre Nous reprenons l’ancienne ligne de chemin de fer qui nous
un parcours balisé de bout en bout mais plutôt de picorer hissera tranquillement sur les hauteurs du Velay grâce à ses
certains circuits tels que le GR Stevenson, des chemins fo- ouvrages de tunnels et d’aqueducs, un brin surdimensionnés
restiers et divers sentiers dans un esprit d’exploration. pour nos simples vélos. Ces lignes droites toutes ferroviaires
me cassent le moral et je n’arrive pas à suivre mes coéqui-
Entrée en matière piers, « vélotafeurs » réguliers sur Paris. À cet instant je doute
Tout commence, en plein mois d’août, dans un wagon désert de mes capacités à finir le trip. Heureusement, à l’arrivée des
du TER reliant St-Étienne au Puy-en-Velay. On se retrouve, premiers reliefs, mes mollets répondent positivement au défi
on compare nos montures et on se chamaille sur la réparti- et mon corps, même sans entraînement, va se révéler au fil
tion des chargements, l’excitation est à son comble. Une fois des kilomètres.
dehors, ça y est, c’est enfin parti ! La pression retombe avec
nos premiers coups de pédale, nos sens sont en éveil, nous Dans la pampa
apprécions la fraîche brise créée par notre vitesse, et traver- Après une journée à suer sur nos vélos, nous profitons d’un
sons la ville sans un mot, dans la lueur de nos frontales. Une bain rafraîchissant dans le réservoir de Naussac avant de
dizaine de kilomètres plus loin, il est 1h du mat, nous cher- poursuivre, les sacoches pleines de victuailles, dans le pays
chons notre premier bivouac. Nous sommes des animaux de la « Bête du Gévaudan ». Ici commence la navigation, l’iti-
sociables et cette dimension se révèle dans cette recherche néraire prévu est notre cap et nous louvoyons à vue, entre di-
du campement, nous discutons, examinons la carte et c’est vers chemins et sentiers en fonction de leur cyclabilité. Dans
ensemble que nous trouvons le spot agréable pour la nuit. une descente, c’est le « drame », le porte-bagages de Chris se
Il fait doux, il est tard et je suis fatigué, alors je lance « pour casse en deux (voir encart). Pris de court, nous trouvons un
moi, ce sera à la belle étoile ». Mes collègues sont dubitatifs, spot de bivouac dans un des nombreux prés fermés par des
les bébêtes, les moustiques, la rosée… Rapidement convain- barbelés. On a beau juste avoir planté notre tente au milieu
cus par cet éloge de la fainéantise, chacun s’allonge sur son de la « pampa », nous avons quand même un sentiment de
matelas et, entre deux eaux, nous en profitons pour réviser culpabilité ; du coup, au moment où l’on entend deux pro-
nos constellations. meneurs s’approcher, nous nous tapissons dans les herbes
« Alors bien dormi Djé ? » « Moyennement sur la fin. Il fai- hautes telles des proies apeurées. « Ouf ils ne nous ont pas
sait super jour vers 3h du mat’, non  ?  » Effectivement nos vus ! » pensons-nous en nous sentant un peu ridicules ; en
sens sont perturbés. Nous avons eu le droit à un lever de effet, ils nous auraient sûrement salués, au pire, ignorés.

72 - Carnets d'aventures - #52


La nuit porte conseil, avec tendeurs et ficelles, nous brico-
lons un sac de selle pour Chris, ça lui tape un peu dans les Focus nourriture by Djé
cuisses mais il s’en accommodera.
Nous sommes partis avec peu de nourriture, le but était de nous immer-
ger dans la culture culinaire locale dégotée sur le chemin, à l’exception
Traquenard lozérien
L’objectif du jour est le point culminant de la traversée : le du « ti punch », spécialité de Chris. Pâté, saucisson, fromages sont
mont Lozère. Nos facultés à l’atteindre sont diminuées après légion dans la région, les déguster sur le pouce le midi avec du bon
être tombés dans un traquenard de la joyeuse équipe du pain est un réel plaisir simple.
comité des fêtes du Bleymard qui nous accueille à l’occasion Le soir nous prenons notre temps pour cuisiner, et comme je me
d’un banquet. Le clou du repas est un fromage atypique local, trimballe une grille de barbecue sur le dos, je construis un foyer avec
mélange de croûtes de fromage macérées dans du whisky. quelques pierres et l’on fait de délicieuses grillades. J’ai aussi pu cuisi-
Impossible de savoir la recette exacte, le producteur n’étant ner des lentilles du Puy au feu de bois après les avoir fait tremper toute
pas très loquace sur la fabrication. Les sensations en bouche la journée dans une bouteille d’eau fixée sur ma fourche.
sont étranges mais facilement descriptibles car identiques à Pour l’eau potable, dans les Cévennes on rencontre souvent un ancien
une anesthésie locale chez le dentiste, on perd toute sensa- pour discuter (vélo ou itinéraire), toujours heureux de pouvoir nous
tion de ses gencives pendant au moins 20 minutes ! ravitailler. En pleine canicule, malgré nos 3L d’eau chacun, il fallait tout
Arrivés au sommet sur les rotules après seulement «  deux de même se mettre en mode chameau, se rationner pour ne pas se
petits coups de cul », dixit les locaux, on profite de la vue infi- retrouver à sec au milieu d’une côte.

“ l’itinéraire prévu est notre cap et nous


louvoyons à vue, entre divers chemins et
sentiers en fonction de leur cyclabilité


#52 - Carnets d'aventures - 73
récit cévennes à vtt

nie à 360°. Nos hôtes nous avaient prévenus : par temps clair En route vers Montpellier
on peut voir la Méditerranée et le mont Blanc ; nous n’avons Quatrième jour, on a pris du retard, il nous faut parcourir au
pas cette chance, le ciel est clair mais l’horizon brumeux. moins 80  km pour espérer atteindre Montpellier le lende-
main. Avant le départ, nous analysons l’itinéraire pour éviter
Au cœur des Cévennes de nous retrouver sur un sentier non cyclable. Le constat est
Ce soir le bivouac prend des airs de savane africaine. Ça clair : ici, il est impossible de contourner un de ces fameux
souffle alors on plante le tarp dans la bonne orientation, mais, « chemins de crête » à moins de faire un détour par la route,
comme souvent, le vent change radicalement de sens une ce qui abimerait l’esprit du trip. Je ne sais pas si c’est le senti-
fois le soleil couché. Quitter la chaleur du duvet à moitié nu ment d’avoir la responsabilité de l’itinéraire mais je m’efforce
pour remonter la toile, c’est donc ça le contact privilégié avec d’être en tête, malgré les nombreux portages et les descentes
la nature qu’offre le tarp ? J cassantes qui nous imposent de multiples réajustements de
Aujourd’hui on entre dans les Cévennes. Passé le Pont-de- nos bardages. À la nuit tombée nous rejoignons les gorges de
Montvert, une piste forestière nous emmène rapidement en l’Hérault où de nombreux feux de camp nous incitent à poser
direction de la vallée Française. Le sentier se rétrécit et on notre campement au bord de l’eau.
assiste à un « bug » de prise de décision collective. Qu’est- Pour finir, nouveau bug, après s’être dit « ça passe » et avoir
ce qui nous a poussés à choisir un sentier non praticable et joué aux sangliers durant 2h dans la garrigue, la raison nous
à porter nos vélos à flanc de falaise, alors que le GPS nous ramène aux chemins bitumés et nous roulons tranquillement
indique un chemin carrossable à quelques centaines de jusqu’à Montpellier. Nous concluons ce trip avec 6 crevai-
mètres ? Tenter, oser, se dire que « ça passe », n’est-ce pas ce sons, d’où le nom de notre équipe : « la rechape », les pros du
que l’on appelle l’aventure ? rechapage de chambre à air ! 
Un peu plus loin, nous tombons sous le charme du village
authentique et paisible de Sainte-Croix-Vallée-Française. À
la vue du bistro, l’appel de la boisson fraîche a raison de notre
envie de pédaler.

Historique des principaux trips de l’équipe


2006 : tricotage au puy de Sancy.
2007 : traversée des Vosges.
2015 : traversée du Pilat suivi de la traversée des Cévennes. Avortée au Bleymard suite à un épisode cévenol.
2016 : traversée des Cévennes.
2017 : traversée du sud de l’Arménie (cf. carnet sur Mytrip : expemag.com/carnet/traversee-du-sud-de-l-armenie-en-vtt-1).
2018 : mini-trip hivernal sur « Les sentiers de la vallée de l’Homme » (Périgord Noir Lascaux Dordogne).

Montage expérimental du tarp dans


un cadre aux faux airs de savane.

74 - Carnets d'aventures - #52


Au bivouac nous testons les pauses
longues de l’appareil photo avant
une partie de light-painting.

« Promis je ne recommencerai pas » by Chris


MUL, BUL, un concept qui m’était très éloigné. Je pencherais plus pour Machine Ultra
LOURDE ! Ma devise de l’époque « Rien ne sert de courir, il faut… juste partir, même chargé à
bloc ! ».
Les Cévennes sont pourtant des contrées où les mets de premier choix ne manquent pas. Bali-
vernes ! Victuailles superflues (barres énergétiques à profusion, bonbons pour la gorge, plats
lyophilisés), sans parler des changes en triple et du système de couchage qui viennent parfaire
le dispositif – 4 paires de chaussettes au total tout de même, des collants, une vraie tente
de 3,5 kg… au « cas où ». Et pour finir de plomber le vélo, la logistique de geek (batteries de
secours, perche, système de captation vidéo en double), la caravane est fin prête !
C’est au bout des 40 premiers km du trip que mon corps – mais surtout mon porte-bagages
– m’a subitement ramené à la raison. Trop c’est trop ! Une microfissure sur le support en
aluminium m’indique l’irréparable…
J’en appelle donc à la solidarité de la « rechape », qui, fidèle à ses valeurs, a partagé mon
fardeau. Djé la tente et Steph la nourriture. Pour le reste, j’ai bricolé une sacoche de selle qui
a tout de même tenu tout le trip !
De cette expérience j’en ai tiré quelques leçons utiles :
- Vérifier au préalable le bon fonctionnement du matériel. J’avais emprunté un vieux VTT avec
une transmission au fonctionnement aléatoire.
- Respecter les notices : il y avait écrit « max 9 kg » sur le porte-bagages, pas 18 !!
- Mais surtout résister à la peur de manquer... Dans ce genre de trip il faut savoir s’appuyer sur
le collectif et sur l’expérience de chacun. Pas besoin de tente dans ces contrées, de changes
inutiles ni de bouffe de survie ! Juste profiter de ce que nous offre le terroir et simplifier à
l’extrême le superflu permet de ménager sa monture et affûte l’esprit d’aventure.

#52 - Carnets d'aventures - 75


T e s t M at é r i e l matelas légers

TEST
MATELAS Légers
17
Depuis plusieurs années, l’offre de matelas gonflables s’étoffe, surtout sous
la barre des 600 grammes. Dormir confortablement pour un poids si réduit ?
Morphée ne manque pas d’air !

Texte ET PHOTOS : Anthony

76 - Carnets d'aventures - #52


“ Sous les 600 grammes,

D
on trouve donc aujourd’hui une
belle panoplie de matelas.

ans un voyage en itinérance, un élément perturbateur peut jouer


les trouble-fête  : un sommeil peu réparateur. Quel que soit le
toute la diversité de la gamme légère : formats, isolations, soli-
dité, gonflage… Le choix est vaste !

moyen de locomotion, on paye vite les conséquences de mau-
vaises nuits  : petites douleurs, fatigue généralisée, difficultés à De l’air !
gérer son effort… On attache beaucoup d’importance à bien L’air est l’outil idéal pour améliorer le confort d’un ma-
dormir chez soi, il n’y a pas de raison de ne pas en faire autant en telas et, moyennant une construction élaborée, son isolation
pleine nature, où l’on peut s’offrir la plus belle des chambres ! Je également. Pratique, puisque de l’air, on en trouve partout ! Des
ne parle pas ici de votre voisin qui ronfle ni de l’idée saugrenue matelas en adéquation avec le principe du BUL*  : ce qui est
de dormir à proximité d’un étang infesté de crapauds : ce dossier léger, c’est ce qu’on ne porte pas. Néanmoins, utiliser l’air crée
ne s’intéressera pas aux meilleurs bouchons d’oreilles. des contraintes sous-jacentes, comme le risque de crevaison. Un
aspect qui refroidit bon nombre de pratiquants à utiliser ces ma-
Au premier rang des raisons de mal dormir, on recense l’indé- telas à air, qui sont d’ailleurs plus onéreux. À juste titre ? En 10
trônable « j’ai eu froid ». Le sac de couchage et/ou la tente sont ans de bivouacs, je compte sur les doigts d’une main le nombre
rapidement incriminés (parfois à tort, nous y reviendrons). En- de nuits où j’ai été dérangé par un souci de matelas à air. Plus
suite viennent les raisons plus ou moins subjectives de confort : loin dans l’article, nous verrons d’ailleurs comment se prémunir
sol en pente, matelas trop dur ou trop mou… En voyage, bien contre ces rares désagréments.
choisir son emplacement de bivouac – quand on le peut ! – n’est
pas une question à prendre à la légère : la qualité du sommeil Gonflage et rangement
en dépend. Mais avant le voyage, bien choisir son matelas est Deux types de gonflage définissent les deux grandes caté-
primordial. Ça tombe bien, c’est le but de ce dossier. gories de ce dossier  : les matelas autogonflants et les
gonflables.
Qu’attend-on d’un bon matelas ? Les autogonflants : lorsqu’on ouvre la valve, la mousse se di-
• une bonne isolation, facteur mesurable objectivement ; late et l’air rentre naturellement. Pas de miracle toutefois : il fau-
• un bon confort, aspect plus subjectif, propre à chacun ; dra toujours compter sur une ou deux insufflations supplémen-
• plié, un poids et un volume contenus, pour apporter du confort taires pour les gonfler parfaitement. Voire davantage si vous êtes
en journée aussi J ; pressés, la mousse prenant son temps pour se décompresser…
• une bonne fiabilité. Les gonflables sont quant à eux à gonfler soi-même, intégra-
Partons à la recherche de ce matelas de rêve ! lement. Et comme leur épaisseur est plus importante, le volume
d’air nécessaire va de pair.
Plongeon dans le monde du matelas Deux types de valve existent parmi les matelas gonflables : la
Tout le monde connaît le matelas en mousse que l’on valve « tétine » (la même qui est sur tous les autogonflants), et
enroule, un grand classique  ! Peu cher, indestructible et assez la valve « anti-retour » qui dispose d’un petit clapet empêchant
léger, c’est une valeur sûre pour le bivouac. Cependant, il souffre l’air de ressortir sans action volontaire. Bien que j’aie une grande
de deux principaux défauts : habitude des valves tétine, j’ai été séduit par la praticité des anti-
• Très volumineux, il doit quasi systématiquement être rangé retour qui rendent le gonflage plus agréable, notamment dans
en dehors du sac. les dernières insufflations.
• Le confort est limité : épaisseur très réduite et, selon les mo- La position de la valve peut être un élément à considérer.
dèles, isolation très moyenne. Les anti-retour sont rarement gênantes, puisque plates. En re-
Les matelas autogonflants sont ensuite apparus, un bon- vanche, les tétines placées proche de la tête le sont un peu plus.
heur pour nos nuits et nos sacs  ! Avec l’arrivée de matériaux L’idéal étant lorsqu’elles sont placées sur le bord du matelas.
légers, leur poids a progressivement diminué pour venir titiller Pour ajuster la dureté du matelas à son goût (ce qui ne
les matelas mousse : à poids identique, on bénéficie d’un confort concerne que les gonflables, les autogonflants sont à gonfler
nettement supérieur, voire aussi d’une bien meilleure isolation. au maximum), les deux types de valve permettent de réduire le
Et évidemment, une fois compressés, ces matelas occupent volume d’air aisément, y compris lorsqu’on est installé dessus.
un volume incroyablement petit en comparaison des matelas Les anti-retour peuvent être manipulées à une seule main, ce
mousse ancestraux. qui facilite l’ajustement. Mais quelle que soit la valve, il faudra
Depuis une dizaine d’années, c’est au tour des matelas de toute façon agir avec précaution pour ne pas trop vider d’air
gonflables d’apporter leur lot de nouveautés. Une révolution d’un coup !
sur bien des aspects : à isolation équivalente, ils sont plus légers Des accessoires de gonflage sont proposés pour quasiment
que les autogonflants, et bien plus épais. J’en connais qui, grâce tous les matelas gonflables (cf. encart), pour le plus grand bon-
à ces matelas, ont retrouvé du confort 5 étoiles en bivouac ! Et heur de nos alvéoles pulmonaires. Sauf si le léger étourdisse-
cerise sur le gâteau, une fois rangés, ils sont aussi les plus com- ment d’hyperventilation – vite arrivé en gonflant ces matelas
pacts. Gagner en confort tout en réduisant le poids et le volume, rapidement – vous plait  ! Peut-être faut-il songer à consulter
un duo gagnant-gagnant pour les voyages en itinérance, en un addictologue dans ce cas J. En plus de faciliter le gonflage,
mode BUL ou non. ils permettent d’éviter de faire pénétrer de l’humidité (naturel-
Sous les 600 grammes, on trouve donc aujourd’hui une belle lement expulsée de nos poumons) dans le matelas. Humidité
panoplie de matelas. D’ailleurs, pourquoi avoir fixé 600 grammes qui, au fil du temps, peut se transformer en moisissure ! Autre
comme limite ? Les matelas les plus légers flirtent avec les 300 détail : l’air que nous expirons est chaud. Ainsi, quand on gonfle
grammes, mais la barre doit être fixée plus haut pour représenter intégralement un matelas avec ses poumons, l’air «  emprison-

#52 - Carnets d'aventures - 77


T e s t M at é r i e l matelas légers

né » se refroidit progressivement, donc se comprime : on a alors


l’impression que le matelas s’est dégonflé. Il faut fournir une
dernière insufflation pour que ça tienne la nuit. Enfin, notons
que les accessoires de gonflage sont souvent polyvalents : sac
étanche de rangement pour certains, oreiller pour d’autres… Le
poids de ces « gadgets » est donc pleinement rentabilisé !
Pour dégonfler et ranger le matelas, les autogonflants, par
définition, souffrent d’un petit désavantage puisqu’ils veulent
naturellement se gonfler  ! Pour ceux-ci, il est souvent néces-
saire de rouler deux fois le matelas pour parvenir au pliage le
plus compact : une première fois pour expulser le gros de l’air,
puis on ferme la valve, puis on le roule une seconde fois en n’ou-
vrant la valve que sur la fin de l’enroulage. Le faire en une fois
est possible, mais demande beaucoup d’application. Quel que
soit le type de matelas, l’idéal est souvent d’ouvrir la valve et
mettre tout son corps sur le matelas, afin de chasser le plus d’air
en un minimum de temps. Après cette opération, les matelas
gonflables se plient efficacement dès le premier enroulage. À
noter que certaines valves anti-retour ont un système d’extrac-
tion d’air très simple, tandis que d’autres demandent une petite
astuce pour « coincer » le clapet.

Confort
Vaste sujet ! Ce critère est le plus subjectif, puisqu’il dépend
en grande partie des goûts du dormeur. Quand certaines per-
sonnes se contentent de deux maigres centimètres d’épaisseur
pour dormir comme un loir, d’autres misent sur plus de cinq
généreux centimètres pour s’affranchir de douleurs dorsales le

En bas. En haut.
Les valves tétines sont plus Les épaisseurs de matelas
proéminentes que les valves anti- sont très variables : c’est bien
retour. Pour le pliage, certains la même main qui tient 2
proposent une valve de dégonflage matelas de ce test. lendemain. Nous ne sommes pas tous égaux dans les bras de
rapide. Pour d’autres, il faut Morphée ! La position de sommeil a aussi son influence : ceux
« coincer » la valve anti-retour, qui dorment sur le dos ou sur le ventre sont avantagés, puisque
avec un système bien pensé.
la répartition de charge se fera sur une plus grande surface, mini-
misant les points de compression. Toujours est-il que, comme
à la maison, le confort est le premier critère qui vient à l’esprit
pour s’équiper. Le doux bercement de la nature environnante
ne supprimera pas ce caillou mal placé qui vient chatouiller les
omoplates à travers le matelas.
La note de confort que nous attribuons aux matelas de ce
test est donc subjective, à prendre avec des pincettes, et dépen-
dante de tous les paramètres évoqués dans cette section.
Un matelas assez épais est souvent gage de confort, bien
que cette théorie ne fasse pas l’unanimité ! Indépendamment de
la nature du sol (on n’a parfois pas le choix !), un matelas épais
est plus apte à en gommer les éventuelles aspérités. Toutefois, il
ne suffit pas de regarder l’épaisseur annoncée pour s’assurer du
confort : en ayant testé chacun des 17 matelas présentés ici, on
remarque que la construction interne et le cloisonnement jouent
un rôle prépondérant dans le ressenti du confort, notamment
lorsque la pression n’est pas également répartie sur le mate-
las. Ainsi, en position assise, un matelas autogonflant de 2,5 cm
d’épaisseur peut s’avérer plus moelleux que certains matelas
gonflables. En cas d’intempéries, ce critère peut faire la diffé-
rence pour être confortablement assis à l’intérieur de la tente. À
noter que certains matelas gonflables atteignent désormais des
épaisseurs impressionnantes, garantissant un confort en toutes
circonstances, et réglable selon ses préférences de fermeté.
Le bruit du matelas (frottements, mouvements) est un élé-
ment à considérer dans la sensation de confort. Cet aspect peut
sembler anodin, mais dès que l’on dort à deux (ou plus) sous la
même tente, dans un environnement parfaitement calme, il n’est
pas toujours agréable, au moindre mouvement, de réveiller son
voisin à coups de bruit de paquet de chips ! Les matelas auto-
gonflants ont l’avantage d’être silencieux, tandis qu’on observe

78 - Carnets d'aventures - #52


ACCESSOIRES DE GONFLAGE
Presque tous les fabricants
proposent des accessoires de
gonflage qui ont l’avantage d’être
polyvalents : certains font sac de
de grandes variations sonores parmi les matelas gonflables. rangement, d’autres font oreiller,
Les tissus utilisés peuvent avoir un léger impact sur le confort. et même siège ! Rdv sur notre
Déjà, selon ses habitudes nocturnes, le contact avec la peau dossier web pour en savoir plus :
n’est pas le même  : certains tissus produisent une sensation
expemag.com/go/matelas
un peu plus collante que d’autres. Mais ceci ne concerne que
ceux qui dorment dévêtus et en quilt ou sans sac de couchage,
soit très peu de monde j’imagine. En revanche, l’aspect plus ou
moins glissant des tissus est quant à lui bien perceptible quelles
que soient les habitudes. Il n’est jamais très confortable de se
réveiller 30 centimètres plus bas que prévu, collé contre la tente
intérieure, elle-même plaquée contre le double toit humide, le
sac de couchage se transformant en éponge (ça sent le vécu
non ?). Pourquoi en 2018, alors que les tentes intérieures sont le
plus souvent confectionnées en Silnylon assez glissant, les fabri-
cants de matelas ne proposent pas ne serait-ce que des petits
patchs à coller sous le matelas pour les rendre moins glissants ?
Sur 17 matelas, un seul présente des micro-patchs dessous ! Il
reste toujours des solutions DIY pour pallier ce problème (cf.
dossier sur expemag.com)…

R-value et isolation
L’isolation d’un matelas est une caractéristique primor-
diale, malheureusement trop souvent négligée. Déjà, tordons le
cou à une idée reçue : l’isolation d’un matelas n’a rien à voir avec
son épaisseur ! Plus un matelas est épais, moins il est mince. Et
c’est tout ce qu’on peut conclure J. Seule la structure interne
joue un rôle prépondérant dans l’isolation.
Physiquement, comment se matérialise l’isolation d’un
matelas ? Vous y êtes habitués à force de lire nos tests et notre

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#52 - Carnets d'aventures - 79


T e s t M at é r i e l matelas légers

rubrique «  Décrypter  »  : c’est encore (principalement) un pro- Pour les gabarits plus grands, les fabricants proposent sys-
blème de conduction ici. Vous, bivouaqueur, êtes un corps tématiquement une version agrandie. Certains ne déclinent
chaud, plus chaud que le sol. L’univers ne supportant pas les qu’une version « large » (la longueur et la largeur sont augmen-
déséquilibres, un transfert thermique s’installe naturellement tées), tandis que d’autres proposent 2 à 3 tailles différentes (en
entre les deux : votre chaleur est conduite vers le sol. Mais le sol, ne faisant varier que la longueur, que la largeur, ou les deux).
c’est la Terre entière, tant et si bien que cette perte thermique ne Pour les gabarits plus petits, le choix est malheureuse-
s’atténuera pas tant que vous ne placerez pas un élément isolant ment moins étoffé. Seuls quelques modèles proposent une taille
entre les deux : le vénérable matelas ! Et selon sa construction, «  femme  », soit environ 168  cm de longueur. Dommage car le
il isolera plus ou moins, c’est-à-dire qu’il réduira plus ou moins gain de poids serait significatif (50g pour l’Ultralight Insulated
cette perte thermique. de SeaToSummit). On note aussi la très bonne idée de Therm-
La R-value est une mesure de l’isolation d’un matelas. a-Rest : la version femme, plus courte, pèse le même poids pour
C’est un affichage plus simple d’une autre grandeur : la conduc- fournir une meilleure isolation que la version « regular ».
tivité thermique, qui représente la quantité de chaleur transférée Pour les enfants, ou pour les adeptes de l’ultraléger,
par conduction par un matériau. La R-value donne une idée pré- certains matelas proposent également une taille très petite  :
cise de la plage d’utilisation d’un matelas : autour de 125 cm. C’est une option que j’ai longtemps prati-
• R < 2 : matelas plutôt estival. quée, même avec mon mètre 76  : le matelas prend en charge
• R entre 2 et 5 : matelas plutôt « 3 saisons ». une grande partie du corps (des épaules jusqu’à mi-cuisse pour
• R > 5 : matelas plutôt hivernal. moi) où les déperditions thermiques sont les plus importantes
Bien que cette mesure ait ses limites, il est dommage que cer- (et où le besoin de confort se fait le plus sentir aussi !). Pour la
tains fabricants ne la communiquent pas, et préfèrent ne donner tête et le reste du corps, on utilise tout ce qu’on a à disposition
qu’une plage de températures d’utilisation (cf. encart). D’autant (vêtements, sac, chaussures…) pour apporter un minimum de


plus que la température de l’air et celle du sol n’ont parfois rien confort et d’isolation. Une solution intéressante lorsque chaque
à voir ! gramme compte  ; à essayer sur
En superposant des mate- le terrain pour s’assurer que les
las, leurs R-value s’additionnent. nuits restent réparatrices ! À noter
C’est une technique utilisée pour
étendre la plage d’utilisation d’un
utiliser un sac de que, dans ce cas, plus le matelas
¾ est épais, plus il est difficile de
matelas gonflable, en le dou-
blant d’un matelas mousse par
couchage « chaud » avec combler l’espace avec les affaires
restantes.
exemple.
Dégonfler un matelas réduit
un matelas peu isolant Revenons sur la taille, qui
nous a réservé une surprise de
son isolation  ! Il est important revient à monter le taille justement  ! En effet, nous
de le préciser  : les valeurs de R- avons pu observer un comporte-
value annoncées sont valables chauffage chez soi en ment imprévu  : certains matelas
pour un gonflage parfait. Or, s’allongent jusqu’à 5  cm quand
avec l’épaisseur importante des hiver tout en laissant les on s’installe dessus, tandis que
matelas gonflables actuels, nous d’autres ne grandissent pas d’un
sommes nombreux à les dégon- fenêtres ouvertes ! iota. Une différence anecdotique


fler légèrement pour les ajuster à sur le papier, et pourtant, ces
notre souhait. Si vous avez un peu quelques centimètres grappil-
froid, gonflez-le à bloc ! lés apportent un gain de confort
Pour ne pas avoir froid la nuit, un matelas isolant est donc notable si la taille du dormeur est proche de celle du matelas.
aussi important qu’un bon sac de couchage. D’ailleurs, un bon Ce phénomène d’allongement s’explique par la structure du
sac de couchage n’est rien sans un bon matelas. Pour l’analogie, matelas : seuls les boudins transversaux (comme sur les matelas
on pourrait dire qu’utiliser un sac de couchage « chaud » avec Therm-a-rest) s’allongent, tandis que les boudins longitudinaux
un matelas peu isolant revient à monter le chauffage chez soi en (Exped par exemple) ne varient pas. Pour chaque matelas, nous
hiver tout en laissant les fenêtres ouvertes ! avons donc spécifié une mesure avec le même dormeur placé
dessus.
Formats et tailles
Deux principaux formats existent : rectangulaire ou momie. Encombrement et poids
Ce dernier grappille les coins du matelas, à la tête et aux pieds : Le volume plié est assez variable d’un matelas à l’autre.
en réduisant intelligemment la surface (qui correspond naturel- Alors que le poids va du simple au double, le volume compacté
lement à un sac de couchage), on réduit la quantité de maté- va du simple au quadruple. Les matelas autogonflants sont les
riaux, donc le poids. Le format momie est variable d’un matelas à plus désavantagés : à performances thermiques égales, ils sont
l’autre, certains grignotant davantage que d’autres. On observe bien plus volumineux. Et plus lourds également. Concernant les
d’ailleurs quelques formats hybrides, comme des rectangles à gonflables, deux éléments font varier le volume :
bords arrondis. Entre ces deux formats, c’est donc une affaire • La structure interne  : plus ou moins complexe, les cloisons
de goûts, selon les préférences de sommeil de chacun. Un seul nécessitent ainsi des quantités variables de tissus.
facteur objectif peut donner l’avantage à la forme momie : le gain • L’éventuel isolant  : par exemple, une couche de Primaloft
d’espace au sol, si la tente est plutôt étroite au niveau des pieds prendra nécessairement plus de place, même compressée.
par exemple.
En matière de taille, quel que soit le format, une sorte de Fiabilité et entretien
«  standard  » s’est établi  : à quelques exceptions près, la taille La fiabilité des matelas gonflables est au cœur des préoc-
« regular » correspond à une longueur de 183 cm et une largeur cupations, puisqu’ils sont exposés à 2 risques : les crevaisons et
de 51 cm. Seuls quelques constructeurs proposent des tailles les hernies. Pour le voyageur au long cours, ou en milieu difficile
« regular » un peu différentes, mais très proches de ces valeurs. (froid), le matelas fait partie des éléments sur lesquels on doit

80 - Carnets d'aventures - #52


R-value ? Un vrai casse-tête !
Vous l’avez compris, pour passer une bonne nuit, l’isolation du même résultat, avec une marge d’erreur raisonnable).
matelas est autant à considérer que celle du sac de couchage. Pour N’y allons pas par quatre chemins : même avec les matelas dont les
ces derniers une norme a été définie depuis bien des années (elle R-value étaient connues, certains résultats étaient cohérents, tandis
évolue même petit à petit), et est appliquée par la grande majorité que d’autres étaient clairement surprenants ! La douche froide après
des fabricants, qui confient la plupart du temps leurs produits à des toutes ces heures de test ! Mais nous n’avons pas baissé les bras :
laboratoires indépendants pour effectuer cette mesure. Il est ainsi il s’agissait de comprendre ces résultats. Nous avons donc contacté
plus facile de comparer différents sacs du marché, sans avoir besoin les différents fabricants de matelas pour lesquels la R-value était
d’un Bac+8. fournie : Exped, Nordisk, Therm-a-Rest, Sea to Summit et Vaude. Tous
Malheureusement, les matelas ne sont pas logés à la même ont répondu (sauf Vaude mais ils ont été contactés très tardivement),
enseigne. Pourtant, des protocoles et des normes existent déjà pour nous les en remercions vivement.
mesurer la R-value d’un élément. Et des laboratoires indépendants Voici quelques conclusions rapides, issues de nos réflexions et de nos
proposent aussi leurs services pour effectuer cette mesure. Malgré échanges avec les marques suscitées. Au passage, mention spéciale
tout, les fabricants de matelas s’accordent à dire que cette norme est pour Exped : nous avons longuement discuté avec un ingénieur de
encore imparfaite, qu’elle reflète mal la réalité du terrain, et que les l’équipe, qui a fourni de nombreux éléments de compréhension. C’est
résultats peuvent varier d’un protocole à l’autre… Soit. Mais soyons toujours agréable de pouvoir s’affranchir du langage commercial avec
honnêtes, un chiffre, aussi imparfait soit-il, n’est-il pas déjà une des ingénieurs produit ! N’hésitez pas à aller consulter notre dossier
bonne indication pour guider l’acheteur prêt à débourser parfois plus web (expemag.com/go/matelas) pour en savoir plus.
de 100€ ? • Notre protocole est très limité par rapport à un banc de test normé.
Face à ce constat, les fabricants ont plusieurs stratégies : Par exemple, les pertes latérales sont difficilement contrôlables
• Ne pas donner de R-value, et indiquer une plage de température et la structure des matelas est tellement variable qu’il est délicat
d’utilisation. Cependant, cette définition reste très vague, et la de comparer certains résultats entre eux. Notre banc de test est
température du sol n’a parfois rien à voir avec la température en revanche très précis avec les matelas autogonflants dont la
ambiante… structure est quasi-identique.
• Donner une R-value, mesurée par un laboratoire indépendant. • Tout le monde s’accorde à dire qu’il est dommage de ne pas avoir
• Donner une R-value, mesurée en interne. une norme internationalement appliquée. Un travail est toujours en
Pour y voir plus clair, nous avons – comme à notre habitude ! – voulu cours pour en établir une, mais on ne sait pas du tout quand elle
réaliser quelques tests nous-mêmes. Cependant, donner une estima- verra le jour… Croisons les doigts !
tion précise de la R-value est compliqué avec les moyens du bord. Si • Il n’y a pas lieu de blâmer tel ou tel fabricant : face à ce manque
le test des bidons d’eau chaude donne des résultats très intéressants de norme, chacun essaye de guider le consommateur comme il le
pour évaluer des sacs de couchage, c’est une autre paire de manches peut, avec les outils disponibles actuellement.
pour des matelas. Établir un protocole « DIY » a donc été une longue • On ne peut regretter qu’une chose (et cela concerne aussi les
épopée, ponctuée de faux-espoirs, de tentatives, d’échecs, de me- sacs de couchage) : pourquoi est-il impossible d’avoir accès aux
sures incompréhensibles, de questionnements… Quelques centaines rapports de test des matelas à R-value connue et communiquée ?
d’heures de tests plus tard, nous avons abouti à un protocole dont Nous sommes en 2018, un petit effort de transparence sur le
les résultats semblaient exploitables : nous mesurions de véritables sujet ne serait pas malvenu… Il s’agit tout de même d’une donnée
différences de températures entre les matelas, et la reproductibilité importante, voire cruciale, pour les pratiquants que nous sommes !
était très bonne (pour un matelas donné, chaque essai donnait le

Notre protocole de test fait maison


1 2 1. On place une bouteille de 5L
d’eau chaude (70°C) en l’isolant
au maximum : ainsi, le transfert de
chaleur se produit majoritairement
via le matelas qui sera posé dessus.

2. Pour obtenir une valeur moyenne,


deux sondes de températures
sont placées dans une petite
plaque d’aluminium. Celle-ci
sera placée sur le matelas, à
l’aplomb de la bouteille d’eau.

3 4 3. On empile le matelas testé, la


sonde, un autre matelas, et du
poids afin de reproduire la pression
naturellement exercée lorsqu’on dort.
L’autre sonde de température permet
de s’assurer que la température
de la pièce est constante.

4. En enregistrant l’évolution de la
température toutes les 10 secondes,
on remarque que les matelas ne
réagissent pas de la même manière !

#52 - Carnets d'aventures - 81


T e s t M at é r i e l matelas légers

À gauche.
La hernie, véritable « hantise »
des matelas gonflables.
Rassurez-vous, ce n’est pas un
des 17 matelas testés ici !

À droite.
Potiron, le chat de la rédaction, réalise
un test de percement. Aucun matelas
ni félin n’a été maltraité pendant
ce test. Cette figure a été réalisée
par des professionnels, n’essayez
pas de la reproduire chez vous.

pouvoir compter durablement. En théorie, la fiabilité des matelas conseillerais de ne pas partir avec un matelas absolument neuf :
gonflables ne pourra en effet jamais atteindre celle des matelas utilisez-le quelques nuits dans les mois qui précèdent le départ,
mousse, mais force est de constater que l’énorme gain de confort pour vous assurer qu’il ne présente pas de défaut. La suite n’est
compense désormais largement le risque très réduit de fuite ou qu’affaire de probabilités infimes J.
de hernie. Pour se prémunir de ces désagréments, quelques bonnes
Le risque de crevaison n’est pas contraignant à mon sens. habitudes sont à prendre :
Même avec les tissus les plus légers, il devient difficile de per- • ne jamais utiliser son matelas à même le sol : toujours placer
cer son matelas si l’on est un tant soit peu précautionneux (j’y un tapis de sol par exemple. Y compris sur un sol herbeux : des
reviens dans le paragraphe suivant). Et surtout, la grande majo- pièges s’y cachent souvent !
rité des crevaisons se répare facilement (cf. encart), même sur le • Si le sol est douteux, éviter de s’asseoir sur son matelas  : la
terrain : j’ai déjà réparé 3 trous avec du duct tape qui n’a jamais zone d’appui concentre une pression importante, et augmente
bougé depuis des lustres ! Dans ce dossier, malgré quelques ten- considérablement les risques de perforation. En revanche,
tatives, nous n’avons pas testé le percement pour chaque mate- couché, la charge est bien plus répartie  : j’ai déjà dormi à
las : soit il fallait littéralement crever chaque matelas plusieurs même les cailloux, avec seulement un tapis de sol en Tyvek
fois, soit nous nous placions sur la bordure. Mais cette dernière en guise de protection.
solution souffre de deux problèmes : • En journée, lorsque l’on ne l’utilise pas, ne jamais laisser
• Elle est sujette à variations selon la méthode d’assemblage son matelas gonflé à bloc  ! Sinon, si la température am-
choisie (thermocollage ?). biante augmente, celle de l’air contenu dans le matelas aussi.
• Parfois les tissus ne sont pas les mêmes au-dessus et en des- Qui dit réchauffement dit dilatation, les cloisons internes sont
sous du matelas. soumises à rude épreuve jusqu’au point de non-retour : et paf,
Les kits de réparation fournis sont variables d’un fabricant à c’est la hernie assurée ! Et celle-ci n’est pas couverte par la
l’autre : de pas du tout au kit complet, comprenant des patchs garantie…
autocollants, différents bouts de tissus, de la colle… Ils sont très • Pour le stockage des matelas autogonflants, il est préférable
pratiques mais ne doivent pas conditionner un achat je pense : de ne pas les conserver compressés, au risque d’affaiblir les
la grande majorité des réparations se fait avec du duct tape, ou capacités de la mousse à l’intérieur.
même avec un kit colle+rustine acheté au premier rayon vélo • Globalement, il est toujours bon de faire attention aux tissus et
venu ! de les laver à l’eau claire si besoin.
La hernie est la hantise du matelas gonflable, ainsi que du • Pour les valves anti-retour, penser à vérifier l’état du clapet, et
dormeur ! Il est évidemment impossible d’évaluer ce risque, bien qu’il n’y a pas de poussière qui s’y glisse par exemple.
qu’il soit, de ma propre expérience, très limité. En échangeant • Si vous voyagez avec un chien, griffes et matelas ne font pas
avec des professionnels, tous semblent confirmer ce ressenti. La bon ménage évidemment  ! Avec un chat, on a essayé, mais
seule fois où ça m’est arrivé, c’est sur un matelas qui avait un mieux vaut s’abstenir aussi…
sacré nombre de bivouacs au compteur. Bien que cet aléa soit Enfin, mentionnons que certains fabricants ont la bonne idée
imprévisible, il ne devrait pas être considéré comme rédhibitoire de spécifier… que les matelas ne sont pas homologués par les
à mon sens : il serait dommage de se priver d’un tel confort pour garde-côtes américains. Vous voilà prévenus ! 
une si faible probabilité  ! De plus, certains fabricants garan-
tissent leurs matelas à vie, et la hernie fait partie des problèmes
pris en charge. Et si on est loin de tout ? Pour un voyage long je *BUL : Bivouac Ultra Léger.

+ Retrouvez les compléments de ce dossier sur notre site : fiche de test complète de chaque
matelas, photos, accessoires de gonflage, détails du protocole de test, avis de Potiron...

 Expemag.com/GO/MATELAS

82 - Carnets d'aventures - #52


Réparation D’une FUITE ASTRO™ LITE
Pour réparer une fuite, le plus dur, c’est de la localiser. Surtout
lorsqu’il s’agit d’une micro fuite : la tâche la plus compliquée
consiste à trouver un récipient dans lequel il est possible de Un matelas de randonnée ultra-léger
rentrer le matelas gonflé, bout par bout. Chez soi, si on a une
baignoire, c’est idéal. En voyage, une fontaine peut faire l’affaire
parfois ! En revanche, plus le trou est petit, plus il sera néces-
pour un confort optimal
saire de bien gonfler le matelas, voire d’appuyer dessus en
même temps qu’on plonge une partie dans l’eau. Quatre bras
sont parfois préférables pour faciliter l’opération !

1. Localiser la fuite. Les bulles 2. Si besoin, un peu de savon


doivent sortir en continu, il est permet aussi de localiser
normal de voir plein de petites précisément la fuite.
bulles en surface du matelas
lorsqu’il est plongé dans l’eau.

3. Marquer l’emplacement de 4. Laisser sécher, et préparer


la fuite. Feutre, stylo, craie... un patch qui convient à
L’essentiel est de garder une l’emplacement du trou. Ici, proche
petite trace ! du bord, je n’ai utilisé que la
moitié d’un bout de tissu rond. COMPARTIMENTS

HORIZONTAUX

&

OREILLER INTEGRÉ
5. Déposer de la colle sur toute 6. Laisser un peu sécher la colle
la zone où sera posé le bout (mais pas trop !) et appliquer le
de tissu. Ne pas avoir peur de patch.
dépasser. Utiliser les doigts pour
répartir la colle si besoin, on ne
reste pas collé !

7. Là, c’est l’étape facile : appuyer 8. Pour être tranquille, on peut


comme un gros bourrin. utiliser un serre-joint avec un
objet plat (ici un forfait de ski !)
pour laisser sécher 24h.

9. Dormir serein.
Astro 20R - 405 g (51 x 183 cm)
Il existe d’autres techniques qui, selon la taille de la fuite et le
kit de réparation dont on dispose, peuvent être à essayer si l’on
est en voyage... Rdv sur expemag.com !

#52 - Carnets d'aventures - 83


T e s t M at é r i e l matelas légers

Gonflable Gonflable Gonflable Gonflable

Big Agnes Exped Exped Forclaz (DECATHLON)


Insulated Q-Core SLX Airmat HL Synmat HL Winter 700 Air
492 g 314 g 428 g 510 g
160 € 95 € 200 € 40 €
1,5 L 0,7 L 2,0 L 1,0 L

Volume Volume Volume Volume

Poids Prix Poids Prix Poids Prix Poids Prix

Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort

C’est le matelas le plus épais de ce Le matelas le plus léger de ce test, Matelas 4 saisons pour un poids et Le matelas le moins cher de ce test.
test (10 cm !), lui conférant un petit et le plus compact aussi, sans un volume si réduits ! Une très belle La construction est très simple :
air de matelas de piscine. Ce n’est sacrifier le confort pour autant ! Les réalisation de la part d’Exped. Encore plusieurs boudins longitudinaux,
pas le plus léger, mais il reste sous boudins latéraux, à peine plus épais, plus épais que le Airmat, son format avec une jonction thermocollée entre
la barre des 500g et propose un procurent un effet « berceau » plutôt est identique et l’effet berceau plus chaque boudin. Une telle structure
confort excellent : je n’ai pas hésité à agréable. Dommage que le tissu prononcé. Résultat, on y passe de ne fournit pas beaucoup d’isolation,
le prendre pour passer des bivouacs supérieur ne soit pas « antiglisse » bonnes nuits. Existe aussi en format mais le confort reste honorable. Pas
5 étoiles J. Dommage que le sac comme sur le Synmat. Ce matelas rectangulaire. Le tissu antiglisse sur de sac de gonflage (il n’en existe
de gonflage ne soit pas inclus, étant existe aussi en version rectangulaire la face supérieure est agréable. L’iso- pas pour cette valve) ni de kit de
donné l’important volume d’air, le (compter quelques grammes de lation synthétique est très bonne, on réparation. Le gonflage est facile et
gonflage réveille les poumons. La plus). La mini-pompe fournie, malgré aurait volontiers testé le « Downmat » rapide tout de même. Attention au
valve est pratique et le dégonflage son apparence très petite, est très qui propose une isolation en duvet. nom trompeur, la taille L correspond
facile. L’isolation est bonne. Le tissu efficace : à peine plus d’une minute Le sac de gonflage fourni est idéal : bien à une taille regular, voire à
utilisé, un peu glissant, dégage une suffit à gonfler le matelas, facilement. léger, polyvalent, et très pratique. peine plus petite (178cm). Des petits
bonne sensation de solidité. Grand Le tissu inférieur demeure léger, la Le tissu inférieur demeure léger, la patchs antiglisse sont présents, en
choix de tailles proposé. Un très bon précaution est de mise. L’isolation précaution est de mise. Avec un tel face supérieure. Peu volumineux, il se
matelas innovant donc ! est un peu en retrait, mais c’est le ratio poids/isolation, c’est un très glisse facilement dans un sac.
compagnon idéal des trips en mode bon matelas polyvalent qu’on peut
léger ! emmener partout !

84 - Carnets d'aventures - #52


Gonflable Gonflable Autogonflant Autogonflant

Nemo Nemo Nemo Nordisk


Tensor Mummy 20R* Tensor Field Insulated 20R* Zor Grip 2.5
388 g 537 g 407 g 355 g
140 € 160 € 90 € 80 €
0,8 L 1,7 L 2,3 L 2,3 L

Volume Volume Volume Volume

Poids Prix Poids Prix Poids Prix Poids Prix

Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort

Le matelas ultraléger et ultra-com- Le confort du Tensor, l’isolation syn- Le seul matelas de ce test qui a eu Les matelas autogonflants ne sont
pact de chez Nemo, une très belle thétique en plus, pour un poids assez la bonne idée de placer des « patchs pas les plus compacts, ni les plus
réussite. Sous les 400g, le confort contenu. En format rectangulaire, la antiglisse » sous le matelas ! Parmi légers. Nordisk le sait, et propose ce
est très bon car la forme momie n’est valve tétine est moins gênante (existe les autogonflants, il fait partie des format inédit, qui n’est pas sans rap-
pas trop prononcée (existe en version aussi en format momie). Une fois plus légers, en utilisant des tissus peler une silhouette dessinée après
rectangulaire). Il fait partie de ces dessus, le matelas s’allonge pour à faible denier. Rien à redire de une scène de crime J. Ce « shape »
matelas qui s’allongent une fois des- proposer 186 généreux centimètres. manière générale, un matelas qui fait convient parfaitement, quelle que
sus : on peut compter sur 188cm au L’isolation fournie est très bonne, un le taf ! Son isolation est similaire au soit sa position pour dormir. Nordisk
lieu des 183cm annoncés, pratique ! vrai 4 saisons. On regrette qu’un sac Grip 2.5 de chez Nordisk. Forcément, fait le choix de tissus très légers et ce
L’isolation est déjà très bonne (même de gonflage ne soit pas inclus. La comme c’est un autogonflant, il ne matelas reste donc sous la barre des
s’il n’est pas stipulé « insulated » !). nouvelle version (sortie récemment) fait pas partie des plus compacts. 400g : un bon choix pour ceux qui
Trouvons-lui un petit défaut : la valve a été allégée, en remplaçant le tissu préfèrent les autogonflants aux gon-
tétine, un peu trop proche de la tête. de la face inférieure : annoncée flables, sans se retrouver trop péna-
Ce serait mieux si elle était placée à 425g seulement, il rejoint les mate- lisés par le poids. La valve située au
sur la tranche par exemple. Et un sac las 4 saisons les plus légers, belle pied demande une bonne souplesse
de gonflage inclus ne serait pas de réalisation ! Il faudra toutefois rester le matin pour dégonfler le matelas
refus. On apprécie la garantie à vie et précautionneux avec ce tissu léger. quand on est encore dessus J.
le vaste choix de tailles disponibles.
*la gamme a été rebaptisée en
*la gamme a été rebaptisée en 2018, c’est désormais le Tensor
2018, c’est désormais le Tensor Insulated Regular
Mummy Regular

#52 - Carnets d'aventures - 85


T e s t M at é r i e l matelas légers

Autogonflant Gonflable Gonflable Gonflable

Nordisk Sea to Summit Therm-a-Rest Therm-a-Rest


Grip 3.8 Ultralight Insulated NeoAir X-Lite + version Women NeoAir XTherm
467 g 480* g 340 g 430 g
90 € 115 € 150 € 180 €
3,3 L 1,8 L 1,1 L 1,4 L

Volume Volume Volume Volume

Poids Prix Poids Prix Poids Prix Poids Prix

Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort


Version woman !

Comme son nom l’indique, c’est Une construction très originale, à Un excellent rapport entre poids, La référence des matelas 4 saisons !
le même concept que le Grip 2.5, alvéoles. Poids et volume dans la volume et isolation, tout en procurant À peine plus volumineux et plus
en plus épais. Confort et isolation moyenne, avec des tissus un peu un très bon confort. La valve est bien lourd que le X-Lite, l’isolation est
sont donc nettement améliorés. En plus résistants que la moyenne. Le placée. Ces matelas s’allongent une excellente, tout en proposant un tissu
revanche, comme c’est un autogon- confort est bon lorsqu’on est couché, fois dessus : 189cm pour la taille très résistant pour la face inférieure
flant, le volume compacté devient par contre il est un peu moins bon regular (au lieu de 183 annoncés) (70D !). Belle prouesse ! Le confort
assez important. Pour ce matelas, quand on est assis : on a un peu et 170cm pour la taille femme (au est tout aussi bon (l’épaisseur est
Nordisk a la bonne idée de prendre l’impression d’être assis par terre ! lieu de 168). Le seul « point noir » inchangée par rapport au X-Lite,
un tissu plus durable pour la face Cette structure s’allonge aussi quand des NeoAir, depuis la première seule la construction interne apporte
inférieure. La valve, identique au Grip on s’installe dessus : on a mesuré génération : le bruit quand on bouge un gain d’isolation, Therm-a-rest
2.5, demande la même souplesse 7cm de plus qu’annoncés. La valve (plus ou moins gênant selon les n’utilise pas d’isolant synthétique), et
donc ! Attention à la taille toutefois, est très pratique, et le sac qui personnes). Therm-a-Rest a la très le matelas s’allonge jusqu’à 191cm
nous avons mesuré 175cm (au lieu combine le rangement et le gonflage bonne idée de faire une version une fois dessus, au lieu des 183cm
des 178cm annoncés) : c’est donc est particulièrement bien pensé. femme un peu plus petite avec une annoncés ! Quand on bouge, le bruit
un « petit regular ». L’isolation annoncée est bonne mais meilleure isolation, pour le même est par contre tout aussi marqué.
notre protocole (avec ses limites, cf. poids. Un choix très cohérent ! Pour ce modèle, un sac de gonflage
encart) n’a pas montré les résultats Dommage qu’un sac de gonflage ne polyvalent est fourni, c’est agréable,
escomptés. soit pas fourni. tout comme la garantie à vie.
Mentionnons aussi que – et c’est
*nous n’avons pu tester que la taille
valable pour tous les matelas Therm-
Large, mais les valeurs affichées ici
a-Rest présentés ici – c’est la seule
sont celles de la taille Regular (en
marque à fabriquer ses matelas en
ayant pris le soin de vérifier si les
Europe. Et cerise sur le gâteau, ces
valeurs annoncées étaient fiables
matelas sont garantis à vie.
bien entendu)

86 - Carnets d'aventures - #52


Gonflable Autogonflant Gonflable Gonflable

Therm-a-Rest Therm-a-Rest Vaude Vaude


NeoAir Trekker Prolite Performance 7 Performance 7 Winter
547 g 531 g 435 g 577 g
120 € 90 € 140 € 160 €
2,2 L 3,3 L 1,3 L 2,8 L

Volume Volume Volume Volume

Poids Prix Poids Prix Poids Prix Poids Prix

Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort Isolation Confort

Une version plus lourde et plus Ce n’est pas le matelas autogonflant Entre le rectangle et la momie, voici Il ressemble comme deux gouttes
volumineuse du X-Lite, et en format le plus léger, ni le plus compact. le format rectangle arrondi. Un bon d’eau à son voisin, mais ce n’est pas
rectangulaire. L’isolation est annon- Therm-a-Rest a préféré miser sur un compromis, ce matelas offre un très le même ! Aussi en format rectangle
cée un peu en deçà, mais nous choix de matériaux très résistants, bon confort. En revanche, le ratio arrondi, la version 4 saisons ne
n’avons pas constaté de différence quitte à offrir moins d’isolation que poids/isolation est plus proche de diffère que par son garnissage, plus
(au contraire, nous l’avons plutôt la concurrence au même poids. En celui d’un matelas autogonflant, conséquent. Il en résulte une meil-
trouvée très bonne !). Les tissus revanche, cela confère au Prolite un bien que les matériaux utilisés leure isolation, bien que nous n’ayons
utilisés procurent une impression aspect indestructible qui n’est pas soient plutôt très légers. Ceci est dû, pas réussi à mettre en évidence une
de plus grande solidité. À conseiller usurpé : mon Prolite d’il y a 10 ans semble-t-il, au fait que l’isolation est R-Value si élevée sur notre protocole
pour ceux qui craignent de ne pas est encore en service, alors que je davantage assurée par du garnissage (limité, cf. encart)… Sinon, même
être assez soigneux J. Le confort est n’ai pas toujours été tendre avec synthétique que par la structure confort, mêmes remarques J. Pas de
de mise, on retrouve le phénomène lui ! Une version femme existe, sur le interne : un choix plus coûteux sac de gonflage non plus. Le poids et
d’allongement : 190cm au lieu des même principe que la version Women en poids. La valve est pratique, le le volume sont plus importants, et le
183cm annoncés ! Le bruit reste du NeoAir X-Lite : poids identique système de dégonflage bien pensé, tissu 20D devra tout de même être
inchangé par rapport au X-Lite ! Pas et meilleure isolation. On peut aussi dommage que le sac de gonflage ne manipulé avec précaution.
de sac de gonflage inclus. La garantie compter sur la garantie à vie. À noter soit pas inclus.
à vie est aussi de mise. qu’une nouvelle version est récem-
ment sortie, annoncée à 510g.

#52 - Carnets d'aventures - 87


T e s t M at é r i e l matelas légers

Poids Longueur Largeur max. Epaisseur Volume


Taille Poids mesuré R-Value
Marque sac Forme mesurée (1) mesurée mesurée plié (2)
testée (annoncé) annoncée
stockage (annoncée) (annoncée) (annoncée) (mesuré)

Big Agnes 492 g 184 cm 51 cm 10 cm


Regular 16 g Rectangle 1,5 L nc
Insulated Q-Core SLX (465 g) (183) (51) (9 à 11)

Exped 314 g 182 cm 53,5 cm 7 cm


M 10 g Momie 0,7 L 1,9
Airmat HL (310 g) (183) (52) (7)

Exped 428 g 182 cm 54,5 cm 8 à 10 cm


M 13 g Momie 2L 5
Synmat HL Winter (430 g) (183) (52) (9)

Forclaz 510 g 178 cm 53 cm 6 cm


L 14 g Momie 1L nc
700 Air (515 g) (180) (52) (5,5)

Nemo 388 g 188 cm 52 cm 8 cm


20R 13 g Momie 0,8 L nc
Tensor Mummy (360 g) (183) (51) (8)

Nemo 537 g 186 cm 52 cm 8 cm


20R 13 g Rectangle 1,7 L nc
Tensor Field Insulated (510 g) (183) (51) (8)

Nemo 407 g 183,5 cm 51 cm 2,5 cm


20R 17 g Momie 2,3 L nc
Zor (405 g) (183) (51) (2,5)

Nordisk 355 g 176,5 cm 49,5 cm 2,5 cm


Regular 16 g Silhouette 2,3 L 2,3
Grip 2.5 (340 g) (178) (50) (2,5)

Nordisk 467 g 175 cm 49,5 cm 3,8 cm


Regular 18 g Silhouette 3,3 L 3,6
Grip 3.8 (470 g) (178) (50) (3,8)

SeaToSummit 603 g 205 cm 63 cm 5 cm


L 11 g Momie 1,8 L 3,3
Ultralight Insulated (595 g) (198) (64) (5)

Therm-A-Rest 340 g 189 cm 51 cm 7 cm


Regular 14 g Momie 1,1 L 3,2
NeoAir X-Lite (340 g) (183) (51) (6,3)

Therm-A-Rest 331 g 170 cm 51 cm 7 cm


«Women» 14 g Momie 1,1 L 3,9
Women’s NeoAir X-Lite (340 g) (168) (51) (6,3)

Therm-A-Rest 430 g 191 cm 51 cm 7 cm


Regular 18 g Momie 1,4 L 5,7
NeoAir XTherm (430 g) (183) (51) (6,3)

Therm-A-Rest 547 g 190 cm 50,5 cm 7 cm


Regular 22 g Rectangle 2,2 L 3
NeoAir Trekker (540 g) (183) (51) (6,3)

Therm-A-Rest 531 g 180,5 cm 50 cm 2,5 cm


Regular 24 g Momie 3,3 L 2,4
Prolite (540 g) (183) (51) (2,5)

435 g
Vaude 184 cm 50,5 cm 7 cm
M (410-450 g) 13 g Rectangle 1,3 L 2,7
Performance 7 (183) (51) (7)
(3)
577 g
Vaude 184 cm 50,5 cm 7 cm
M (555-600 g) 20 g Rectangle 2,8 L 4,6
Performance 7 Winter (183) (51) (7)
(3)

(1) : il s’agit de la longueur mesurée avec une personne sur le matelas, car certains s’allongent sous l’effet du poids.
(2) : volume mesuré et vérifié après plusieurs pliages/dépliages
(3) : sur l’emballage, Vaude est le seul fabricant à indiquer une fourchette de poids. En effet on remarque chez d’autres marques que le poids
n’est pas toujours exactement celui annoncé : parfois moins (bonne surprise !), parfois plus... Les variations de la production ?

88 - Carnets d'aventures - #52


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ours des bois se préparer

Préparer
son corps
avant une expé

Texte : David Manise, « grand manitou » au CEETS


(Centre d’Etudes et d’Enseignement des Techniques de Survie)
Davidmanise.com

Illustrations : Philippe Gady

Bon, ok, ok. J’étais mauvais en sport à l’école, et ça m’a super vexé, et depuis je
compense. Soit. En attendant, à force d’opiniâtreté, de documentation, de travail
acharné et de méthodes innovantes, à 43 ans j’ai une meilleure condition physique
générale que pas mal de jeunes, et certainement que la majorité des hommes de mon
âge. Donc ouais, j’en suis plutôt fier. Je me la pète un peu dans mon intro, avant que les
années ne me rattrapent et que mes bourrelets ne reprennent le dessus J.
Ce que je vous propose ici, plus sérieusement, c’est de partager avec vous mes
conclusions et mes méthodes pour la préparation physique générale, dans une optique
« nature ». Vivre dehors, faire une expé, un trek, un truc « by fair means ». Parce que
justement, le « by fair means » implique une bonne grosse dose de mécanique animale,
et j’ai envie que vous puissiez faire ce que vous souhaitez. Que votre corps soit un outil,
un moteur, une ressource. Un allié.
Et oui, ça se prépare, ça. Parfois longtemps avant, selon le cas.

90 - Carnets d'aventures - #52


D’abord, soigner les petits bobos structurels sans le mobilier auquel nous sommes habitués. Troisième
Avant de commencer à préparer son corps pour les efforts de point où nous, Occidentaux, sommes souvent limités : les is-
longue durée, il est pour moi absolument indispensable de chio-jambiers trop courts, qui tirent eux aussi sur la colonne
s’assurer qu’on va développer ses qualités sur une structure lombaire et favorisent les postures nuisibles pour les disques
saine. Alors déjà, pensez à faire un tour chez le médecin et entre L4, L5 et S1… Bref, si le cœur vous en dit :
à demander un examen général, un test d’effort, et tout le
toutim. Parce que, déjà, ça sera l’occasion de faire un peu de - Trouvez un bon cours de yoga et ouvrez un peu tout ça,
médecine préventive, et aussi ça vous évitera de faire des surtout le bassin, les hanches (flexion, extension, mais aussi
bêtises sur des points de fragilité inconnus. abduction et adduction, rotation interne, et tout et tout), et le
Ensuite, je vous conseille aussi vivement de faire un tour chez derrière des cuisses.
un bon ostéopathe, chiropracteur, kiné, médecin du sport, ou - Renforcez progressivement les muscles profonds qui sta-
autre. Prenez le temps de faire un bilan structurel, et de faire bilisent le rachis (les psoas sont souvent les premiers à se
le point sur votre mobilité articulaire, et sur d’éventuels sché- raccourcir tout en perdant leur tonicité avec nos vies séden-
mas de compensation ou déséquilibres qui pourraient vous taires mais tout un tas d’autres muscles sont sollicités dans
embêter ensuite. Je ne vais pas lister tous les points de mobi- le maintien de la posture, et le yoga – entre autres – les tra-
lité et de tonicité qu’un bon professionnel de la libération de vaille tous magnifiquement bien).
la mobilité humaine peut observer en quelques minutes… - Pensez à renforcer aussi votre périnée, votre transverse, et
Tout ça sera du temps bien investi. Parce que renforcer les tous ces muscles qui «  tiennent la masse  » de votre abdo-
muscles autour d’un déséquilibre ou d’une limitation de mo- men  : ils participent à stabiliser la colonne aussi, par effet
bilité constitue un risque majeur d’aggraver ledit déséqui- « corset », et sont très utiles pour une ventilation efficace.
libre, et de créer des dysfonctionnements, usures, blessures, - Libérez les adhérences tissulaires qui peuvent traîner dans
et tout un tas de trucs qui limiteront vos projets au lieu de les votre corps, à l’aide d’automassages avec vos appareils
rendre possibles. d’auto-torture préférés… Décoller ces adhérences permettra
de libérer pleinement vos mouvements, et de défaire parfois
Ensuite, peaufiner la mobilité et la posture certains patterns de compensation qui peuvent créer des
Une fois que vous avez fait la révision de votre machine chez douleurs, usures, etc.
un professionnel, je vous conseille vivement de travailler très
régulièrement votre mobilité articulaire, et de soigner votre Bien.
posture. Avoir évolué de la quadrupédie à la bipédie procure Une fois que vous avez une structure saine, une mobilité suf-
quelques avantages, mais de nombreux points de fragilité fisante et un gainage à la fois souple et dynamique, déjà, vous
structurels, notamment autour du bassin, des hanches et des avez fait 80% du travail. Eh oui, tout ça est parfaitement invi-
lombaires. D’autant plus que nous vivons des vies séden- sible sur les photos que vous pourriez poster sur les réseaux
taires qui nous permettent de plier souvent et longtemps sociaux, sauf pour un œil averti J.
nos hanches en position assise, ce qui favorise le raccour-
cissement des fléchisseurs de la hanche, avec tout ce que ça Une fois que vous êtes mobiles et bien
implique comme problèmes dès qu’on se relève  : tractions gainés, développez votre force
importantes favorisant l’hyperlordose (ou des compensa- Eh oui. Pavel Tsatsouline, qui est selon moi l’un des grands
tions posturales ou musculaires pour la prévenir), perte de « coachs » de notre ère pour ce qui concerne la préparation
capacité à pousser loin vers l’arrière avec les jambes (mine physique générale, dit «  l’endurance, c’est de la force qui
de rien c’est utile pour marcher, ça, hein), etc. L’autre truc continue dans le temps ». Et il a raison. Pour avoir de l’endu-
qu’on ne sait souvent plus faire : fléchir les hanches vraiment, rance et être performant dans des activités au long cours, il
pour se poser en position accroupie, sur les talons, de ma- est important d’être fort. Mais attention, fort ne veut pas dire
nière reposante… c’est extrêmement pratique, pourtant, de massif. La force maximale pure dépend au final assez peu de
pouvoir faire ça (sans arrondir les lombaires et faire tomber la masse musculaire. Elle dépend surtout :
le sacrum pour compenser) quand on vit près du sol, dehors, - du gainage du rachis et des articulations sollicitées ;

#52 - Carnets d'aventures - 91


ours des bois se préparer

- de la puissance de l’influx nerveux qui commande le muscle voir les mouvements et vous faire une idée. Le « turkish get-
(et de l’interface entre les nerfs et le muscle, chose qui se tra- up » est un mouvement particulièrement complexe qu’il est
vaille facilement et qui progresse très très vite) ; utile de bien maîtriser avant de « charger », mais le « swing »,
- de la solidité des tendons et des insertions musculaires malgré son apparente simplicité, cache aussi tout un tas de
(chose qui se travaille assez vite aussi si on s’en donne la secrets et de subtilités. Bref, observez, formez-vous correcte-
peine). ment, et envoyez la sauce. Vous m’en direz des nouvelles J.

Pour travailler sa force, pas de miracle. Il faut une résistance Et l’endurance, dans tout ça ?
mécanique, peu importe comment on la produit, et des mou- L’endurance, outre la force, c’est surtout une capacité à four-
vements impliquant plusieurs articulations : squats (accrou- nir aux muscles du carburant et de l’oxygène.
pissements avec charge), soulevés de terre (soulever une Pour développer l’apport en oxygène, il faut surtout muscler
barre depuis le sol jusqu’à avoir le dos droit), tractions, tout le cœur. Et le cœur, comme tout muscle, se développe surtout
ça. Je vous conseille vivement, avant de vous y mettre, de dans des phases d’effort intense. Donc on va plutôt privilé-
prendre un temps pour bien apprendre et intégrer ces mou- gier, pour augmenter sa capacité de transport d’oxygène, des
vements auprès d’un coach compétent. Non seulement ça séances de haute voire très haute intensité (d’où l’impor-
vous permettra de progresser plus vite, mais surtout vous tance de demander à votre médecin de vous examiner avant
préviendrez les blessures qui viennent avec une mauvaise de vous y mettre sérieusement). Typiquement, pour amélio-
technique. rer ma « VO2Max », je fais des séances de sprint, selon une
Pour travailler la force maximale, des séries courtes (1 à 5 ré- méthodologie simple :
pétitions) avec des charges très lourdes sont idéales. Ce type
de travail vous fera gagner en force sans vous faire prendre • Je m’échauffe en courant un peu, puis un peu plus vite,
beaucoup de masse musculaire, voire pas du tout. Si vous jusqu’à me sentir « chaud ».
voulez prendre de la masse, en revanche, il faut plutôt dépas- • Je récupère aussi longtemps que j’en ai envie.
ser les 5 répétitions. Pavel Tsatsouline dit d’ailleurs avec un • Je cours comme si j’avais un tyrannosaure au cul, et je
ton un peu ironique que « n’importe quoi en séries de plus de m’arrête quand je sens que je n’en peux vraiment plus.
5, c’est du bodybuilding ». • Je marche pendant un moment, le temps de récupérer.
Ainsi, pour marcher ou courir plus vite, on pourra travailler • Je cours comme si un mec, là-bas à 300 ou 400 m, venait
la force maximale des jambes, avec des squats lourds et des de me voler mon dernier steak (soit encore plus vite que si
fentes lestées également. Certains coachs recommandent j’avais un t-rex derrière moi).
ainsi à leurs marathoniens des exercices qui ressemblent • Je récupère encore.
étonnamment à ceux pratiqués par les haltérophiles et les • Etc.
powerlifters : du squat lourd, du soulevé de terre lourd, etc.
Une fois qu’ils arrivent à soulever deux fois leur poids au sou- Typiquement, selon ma forme du moment, je fais ça entre
levé de terre et au squat, leurs temps sur une même course 4 et 8 fois, et je considère que ça suffit largement. Et je fais
ont généralement fondu de parfois 10 ou 20%. ça généralement une fois par semaine maximum. Et PAS un
Si vous ne savez pas quoi faire et que vous cherchez un pro- jour où je fais un autre entraînement musculaire.
tocole d’entraînement super efficace en peu de temps, je C’est très ludique, surtout avec des visualisations extrêmes
vous conseille vivement le programme « simple and sinister » (je varie évidemment les plaisirs, parfois je cours pour sauver
de Pavel Tsatsouline, qui porte bien son nom et qui tient ses une jolie fille, parfois je cours pour attraper quelqu’un qui m’a
promesses. Il développe globalement la force, le gainage, et gonflé dans la journée, peu importe au final, tant que ça me
le cardio en séances de 15-20 minutes par jour. Ça implique fait courir pour une raison qui me motive vraiment).
trois exercices avec une kettlebell : des « swings », des « tur-
kish get-ups », et pour l’échauffement des « goblet squats ». L’autre aspect de l’endurance, c’est le carburant. Et là, sur-
Vous pouvez déjà rechercher le nom de ces trois exercices tout dans un contexte de voyage nature au long cours, rien
dans YouTube, avec « RKC » et/ou « strongfirst » devant pour ne remplace le gras. Il est selon moi indispensable de réé-

92 - Carnets d'aventures - #52


duquer son corps à utiliser le gras comme carburant. Et ça calmer les symptômes de certaines maladies auto-immunes,
se fait, vous l’aurez deviné, en privant le corps des autres certaines réactions allergiques, etc.
sources de carburants qu’il utilise plus facilement  : sucres, - Amélioration de la vasoconstriction  : tonifie les muscles
sucres lents, et même protéines. Ce faisant, on le pousse à lisses qui ceinturent les veines, notamment, et on garde un
recréer des chaînes métaboliques pour fabriquer des corps système circulatoire plus tonique et plus réactif.
cétoniques (qui sont produits par le foie à la place du glucose - Limitation (surtout en parallèle d’un travail de respiration
qu’il produit habituellement) qui seront ensuite dévorés par et de visualisation) des problèmes de circulation comme le
nos mitochondries avec délectation. Notre cerveau adore les syndrome de Raynaud, etc.
cétones. Notre cœur aussi. Et mis à part notre besoin d’un
petit peu de glucose pour fabriquer certains neurotransmet- La conscience mène à l’efficience
teurs ou certains composants de nos larmes, nous n’avons Selon le type de déplacement que vous privilégierez pour
pas besoin de sucre. Mais genre pas besoin du tout. Pou- votre expé, que ça soit la marche, le vélo, la pagaie ou la voile,
voir utiliser de plus en plus de gras comme carburant per- inutile de vous dire que prendre le temps de peaufiner votre
met, surtout pour les efforts de faible intensité et très longs, geste, de retirer toutes les petites pertes d’énergie en fluidi-
d’avoir un niveau d’énergie élevé et surtout stable. Pas de fiant votre mouvement, en épurant tout et en raffinant votre
creux de vague, pas de coups de mou : on a la pêche, et on l’a technique, sera un investissement vraiment utile. Outre les
tout le temps. Y compris pour les efforts intellectuels, et pour calories économisées et le temps gagné, tout ça aura ten-
les efforts de volonté (qui sont, on le découvre aujourd’hui, dance à limiter les risques de blessures et d’usure, et ajou-
largement conditionnés par notre capacité purement physio- tera un côté esthétique et conscient au processus même de
logique à maintenir un niveau d’alimentation en carburant votre déplacement. J’ai ainsi récemment réappris à marcher
bien stable). avec mon ami Yannis Turlais, accompagnateur en montagne
Si le sujet vous intéresse, renseignez-vous au sujet des ré- dans les Hautes-Alpes et également moniteur en formation
gimes alimentaires dits « cétogènes ». Ça peut être très inté- au CEETS. En me faisant simplement me concentrer sur un
ressant de les intégrer à votre préparation physique générale, aspect précis de la manière dont mon pied touchait le sol à
pas forcément pour perdre du poids, mais surtout pour réé- chaque pas, il a réussi à changer totalement mon rapport à la
duquer votre corps à puiser dans ses réserves et à utiliser du marche, dans la sensation, tout en augmentant radicalement
carburant plus dense et plus facile à transporter. J’ai d’ail- l’efficience de chacun de mes pas. En clair, il m’a dit de me
leurs écrit un article sur ce sujet dans un numéro précédent concentrer sur la sensation d’adhérence entre mon pied et le
de Carnets d’Aventures (ndlr : CA46 « Le gras c’est la vie », sol à chaque pas. Simplement poser mon attention sur ça a
et CA47 « Prenez du poids avant l’été »). Je vous conseille permis de changer totalement ma démarche, sans que je ne
aussi la lecture d’un ouvrage en anglais, si vous maîtrisez la m’en rende compte sur le moment. C’est un exemple que je
langue de Shakespeare (qui est aussi la langue de Lemmy trouve extrêmement parlant de ce principe de mouvement
Kilmister et de Motorhead, mais allez savoir pourquoi, on a conscient, que je vous invite à creuser dans votre pratique à
choisi un autre artiste pour habiter cette expression)  : The vous. C’est à la fois très agréable et très utile J.
Bulletproof Diet. Amusez-vous à sentir de plus en plus finement vos mouve-
ments, à occuper pleinement chaque pas, chaque coup de
Et pour tout le reste, il y a Mastercard pagaie, chaque tour de pédalier. Vous verrez, c’est tout un
l’eau froide univers, qui se cache là… J
Je ne suis pas encore persuadé que prendre une douche Bon entraînement J ! ●
froide, même quotidiennement, soit vraiment une prépara-
tion suffisante pour s’acclimater au froid, mais une chose est
certaine : ça aide. Pour l’acclimatation au froid, donc, c’est un
outil… mais la douche froide et les bains glacés sont en train
de retrouver leurs lettres de noblesse grâce à un Hollandais
cinglé du nom de Wim Hof.
Les principaux bienfaits de cette pratique (je parle ici de la
douche froide, mais la méthode Wim Hof au complet mérite-
rait un article à elle seule), outre l’éventuelle résistance au
froid qu’elle procure, se résument ainsi :

- Gestion du stress  : l’eau froide, pour notre corps, est un


stress de survie, ni plus ni moins, et s’habituer à vivre (sans
danger) ce moment de stress régulièrement et à se calmer
est une vraie préparation pour la gestion du stress de survie
d’un point de vue général.
- Limitation des inflammations  : l’eau froide semble avoir
un effet bénéfique sur les processus inflammatoires dans le
corps, et atténue donc les douleurs liées à l’entraînement,
comme les courbatures ou autres  ; en combinant la chose
avec des techniques respiratoires et de visualisation (mé-
thode Wim Hof), on peut dans certains cas booster ou cal-
mer son système immunitaire quasiment à volonté, et de fait

#52 - Carnets d'aventures - 93


coin des bouquins
Nous présentons ici quelques livres et films que nous avons lus ou vus, et appréciés !

Les nouveaux alpinistes


Claude Gardien
Livre très complet sur l’évolution de l’alpinisme de haut niveau (sans jeu de mots) et sur ceux qui l’ont fait
évoluer et le font encore. Tout le monde y trouve son compte. L’amateur appréciera la démarche vers une activité
plus respectueuse de son environnement et une approche plus esthétique de la Montagne – 8000 n’est plus
l’objectif absolu, évincé par la recherche de la ligne la plus pure, la plus belle, celle qui va procurer le plus de
plaisir au grimpeur. À l’extrême, atteindre un sommet n’est plus le but. Le pratiquant confirmé suivra l’évolution
des difficultés, l’auteur donnant régulièrement les cotations de la voie dont il décrit l’ascension.
De même il montre bien l’évolution des techniques et pratiques de ces dingues de la grimpe ultime. Et tous
se poseront des questions en découvrant les vitesses atteintes par certains, comme Ueli Steck ou Christophe
Profit. C’est d’ailleurs le premier paragraphe du livre tant l’exploit de Profit et son style ont marqué à l’époque le
petit monde de l’escalade (et le milieu chamoniard en particulier). Cela fait déjà 36 ans…
Éditions Glénat Bruno Désormeaux
264 p. ● 14x22,5cm ● 19,95 €

La Folle Histoire du Trail


Jean-Philippe Lefief
Le sujet peut sembler bien rébarbatif pour les non-initiés… eh ben non. L’auteur, qui connaît bien le sujet, a
construit son récit de façon remarquable. Il nous permet de suivre en parallèle l’historique de la course sur
longues distances – le nom de trail n’apparaissant que tardivement – et l’épopée de l’un des UTMB, l’Ultra
Trail du Mont-Blanc, auquel il a participé. Cela donne un livre rythmé, accrocheur et passionnant qu’il faudrait,
pour bien faire, lire en courant (n’essayez pas, ce n’est pas pratique et très casse-g… cou). Par contre, assis ou
couché, n’hésitez pas à le dévorer, c’est un bouquin qu’il est difficile d’abandonner et, quand il est terminé, le
choix est terrible : auquel s’inscrire ? L’UTMB c’est tentant mais la Diagonale des Fous plus dépaysant. Alors
autant faire les deux ! Sans aller jusque-là, ce livre est un formidable encouragement à se (re)mettre à courir tel
Éd. Guérin Paulsen le Tarahumara moyen et chanter « Alors On Jogge ! » sur un air connu.
264 p. + 16 p. cahier photos Bruno Désormeaux
couleur ● 15x21cm ● 25 €

Des topos pour l’été !


Vous trouverez sur Expemag les présentations détaillées de ces topos. En voici
quelques mots pour vous donner envie d’en savoir plus et de préparer vos sorties
estivales !
● Rivières nature en kayak gonflable : les 45 plus beaux parcours de France
De Laurent Nicolet, Le Canotier. Un topo riche et complet.
● La collection de topos de kayak de mer édités au Canotier s’agrandit !
- La Méditerranée (de Laurent Demai et Pascal Paoli)
- La côte aquitaine (de Frédéric Gilbert)
- Bretagne sud, Bretagne nord, Le littoral ouest (de Véronique Olivier et Guy
Lecointre)
● Vols randonnées en Ubaye : 104 itinéraires vus du ciel
De Sébastien Rémillieux, La Trace. Pour les parapentistes randonneurs, un topo
très complet.

+ Retrouvez d’autres chroniques sur notre site : « La révolte des premiers de la classe », « Le
dernier ermite », « Golden Globe », divers topos kayak de mer, de rivière, parapente vol rando...
 Expemag.com, rubrique Test > Livres et DVD

94 - Carnets d'aventures - #52


courrier des lecteurs

Vous aimez Carnets d’Aventures et vous voulez nous le dire d’une manière originale, vous désirez commenter ou émettre
une critique sur un article en particulier ou sur le magazine en général, vous avez une photo où vous êtes en train de lire
Carnets d’Aventures dans une situation amusante, alors participez à cette rubrique !
Envoyez-nous vos textes et vos photos à redaction@expemag.com

Tu as changé totale affinité avec les chroniques de


l’Extraterrestre. […]
passion dans ma vie !
Devant tous ces beaux récits, j’étais
ma vie En 2008, j’avais voulu rallier à pied
et en solitaire Jérusalem et le Sinaï,
souvent rêveuse. Je me trouvais des
excuses pour ne pas partir plus à
> Merci Carnets d’Aventures, tu as
mais je n’ai pas pu obtenir les bourses l’aventure. Prétextant ne pas avoir
changé ma vie.
dont j’aurais eu besoin. Et 2 ans après, assez de matériel, que mon fils était
Après 18 années de fêtes en tout
guerre en Syrie. Alors j’ai différé le trop petit, que la météo n’allait pas...
genre, prise de drogue incontrôlée
projet. Je suis partie ce printemps Bref. Et un beau jour je me suis dit
et beuverie interminable, l’envie
toujours à pied et en solitaire (merci « pourquoi ne pas m’adapter à toutes
de stopper s’est fait sentir. Outre le
le CA dossier « femme en solo ») avec ces contraintes ? ». Depuis, je pars
manque à faire passer, c’est surtout
3 ou 4 euros par jour. Je souhaite le plus possible à la découverte du
la recherche d’un nouvel exutoire à la
d’abord rallier Istanbul via les Balkans monde, pour le moment surtout de ma
vie qui est difficile à trouver. Et c’est
puis la Grèce ou la Bulgarie. Puis région, mais c’est déjà pas mal ! J’ai
là qu’est apparu Carnets d’Aventures,
traverser la Turquie, et au lieu de commencé un blog où je partage mes
sous forme d’un cadeau de ma sœur
descendre en Syrie, je continuerai petites escapades avec mon fils. […]
avec la phrase : « Tiens ça peut te
pour rejoindre le mont Ararat et le Vous faites un travail génial, bravo !
donner des idées ».
Caucase. Arrivée là, je rentrerai en Vous me motivez à repousser mes
Mon dieu ! Il est possible de faire
France en stop ou je continuerai sur limites et à sortir de ma zone de
des choses comme ça et prendre du
l’Iran et la route de la soie si je suis confort !
plaisir ?? Ne sachant que faire d’autre,
encore motivée. Le thème de mon Bien chaleureusement,
et étant totalement perdu dans ma
voyage est le passage de l’Europe à Marjolaine / nomadicbears1.blogspot.fr
tête, j’attrape un sac à dos et je pars en
l’Asie, de l’Occident à l’Orient. Mais ce
quête d’aventure sur les GR de France.
sera surtout de suivre les traces – moi
Après deux étés à marcher à travers
qui suis dotée d’un passeport – des
la France, puis un petit tour d’Europe
à vélo, je m’en vais (désormais
réfugiés, des migrants, qui, eux, n’ont Un été au frais !
d’autre choix que de marcher… > Bonjour,
accompagné de ma copine), sur les
routes du monde à vélo à partir d’avril Saorise Barriol Une photo qui prouve que certains
pour un temps illimité afin de profiter lecteurs suivent vos conseils au pied
pleinement de notre vie. de la lettre : Carnets d’Aventures, pour
Que serait devenue ma vie, si elle un été au frais ! Merci de nous faire
n’avait pas croisé le chemin de votre rêver et de nous inspirer de nouvelles
magazine ? Sans doute que mes aventures.
démons m’auraient rattrapé… Philippe Bois, nouvel abonné
Merci beaucoup Carnets d’Aventures,
tu as changé ma vie !
Joss

TransEuropAsia
> Je connais Carnets d’Aventures
depuis 10 ans et j’en suis devenue une
fidèle lectrice. Un grand merci pour
votre magazine exceptionnel qui m’a
toujours inspirée !
Je pratique la rando itinérante ou à
Et pourquoi pas ?
> Bonjour à toute l’équipe de Carnets
vélo et le bivouac hivernal depuis
d’Aventures !
2006. Je vis depuis 5 ans en caravane
Je voulais vous dire un grand MERCI
sans électricité ni eau courante dans
pour votre magazine qui m’a motivée
la région du Vigan (30). Je n’ai jamais
à faire une plus grande place à ma
eu de voiture. Je me sens donc en

#52 - Carnets d'aventures - 95


le point de vue de l’extraterrestre

D’une certaine façon, le voyage nature nous extrait du monde. Ces itinérances lentes poussent à la réflexion et changent notre
regard sur les choses, d’où cette chronique un peu décalée.

Totalement non autonome ?


Et alors ?
ans les voyages nature est parfois mis en En fait cette volonté d’autonomie ne serait-elle pas

D
avant le concept de « totale autonomie ». une émanation de la pensée ultra individualiste ?
Une étiquette dont l’objectif serait de Ultra individualisme pour une espèce ultra sociale  ?
rajouter de la valeur, de l’intérêt au voyage. Est-ce la bonne route pour sapiens ?
Cela peut être interprété comme  : sans Les humains ont tous besoin des autres, besoin de
assistance externe (opérateur de voyage, relations, d’échanges, de marques d’attention… Be-
suivi par un team logistique…). Mais peut-être que le soin des services et des biens produits par d’autres
terme « autonomie » seul serait suffisant pour véhiculer (nourriture, santé, éducation, eau, énergie, transports,
cette idée. Une autonomie «  totale  » impliquerait culture…). Tout au long de la vie, ces connexions
davantage : pas de ravitaillement, voire se nourrir de récurrentes et permanentes se manifestent. Dans le
ce que fournit la nature ; bien entendu la plupart des règne animal, le petit d’homme est un cas extrême
voyages estampillés “en totale autonomie” sont bien de fragilité et de dépendance dans la durée. Dès la
loin de cela. En transportant sa nourriture sur son dos naissance, le bébé est pris complètement en charge
ou à vélo, le voyageur parvient à avoir quelques jours/ par ses parents, souvent après que d’autres personnes
semaines d’autonomie, quelques semaines/mois à spécialisées les ont aidés à l’accouchement, suivis
ski pulka ou en kayak de mer, quelques mois/années pendant la grossesse… Ensuite, l’enfant est pris en
en voilier. Cette autonomie est le résultat d’une charge pour une bonne part de son éducation par le
optimisation importante de ce que l’on transporte et milieu scolaire, qui est une collaboration entre un en-
est réservée à une très petite minorité de voyageurs semble d’humains que les parents ne connaissent la
nature. Bien souvent, ils se ravitaillent dans des plupart du temps pas au préalable.
villages, peut-on alors vraiment parler d’autonomie ? Les relations avec la famille, les amis et des milliers
Et surtout, est-ce une valeur positive ? d’autres interactions entre humains structurent notre
Une vision extrême de la « totale autonomie » pourrait vie d’être social en permanence. La liste est longue…
même impliquer que le matériel utilisé lors du voyage Regardons autour de nous, les marques laissées par
(et ses composants) ait été fabriqué par le voyageur d’autres humains sont légions. La nature offre un
lui-même, et là, ça devient quasiment impossible. break, pourtant nous empruntons souvent une route,
L’équipement employé, la nourriture consommée, une piste, un sentier créés par autrui… sur un vélo,
le savoir acquis proviennent la plupart du temps avec des chaussures ou un kayak produits par autrui.
d’autres personnes, de très nombreux autres homo Bref, se penser autonome est une chimère et tant
sapiens agissant conjointement dans une multitude mieux  ! La nature profonde d’homo sapiens est so-
de domaines et qui rendent possible la petite aven- ciale, sa dépendance n’est pas une faiblesse mais sa
ture de notre sapiens voyageur, non pas grâce à une plus grande force ! La société humaine est plurielle et
autonomie imaginaire mais plutôt au résultat d’une constellée de myriades de formes d’interactions. Valo-
interdépendance constructive. Est-ce mal ? riser cela, donner du sens et une perception positive
Est-ce qu’une volonté d’autonomie totale ou d’autar- à l’interdépendance de l’espèce humaine, permet de
cie est souhaitable ? Faire un maximum de choses par prendre conscience que l’humanité fonctionnant en-
soi-même a beaucoup d’avantages (potager, artisa- semble est un joyau. L’autre perçu comme un élément
nat…) : savoir ce que l’on mange, stimuler son intellect constructif plutôt que comme une menace (comme les
pour apprendre à fabriquer des objets variés, sortir du médias se plaisent malheureusement à le présenter)
schéma exclusif de société de consommation… Mais fait voir le monde sous un angle bien plus heureux. Un
poussée à l’extrême, cette volonté de ne pas dépendre petit changement de point de vue (d’extraterrestre)
d’autres personnes est sans doute un problème car qui remplit de joie et d’espoir. Peut-être qu’on pourra
elle nous éloigne de notre nature profonde, elle est lire de temps en temps, sur un résumé de voyage, à la
alors sans doute une réponse inadaptée à certaines place de « totale autonomie » un : « grâce à ma joyeuse
peurs. L’autre ne serait-il pas la solution plutôt que le dépendance aux autres. Merci à vous ! » J 
problème ?

L’Extraterrestre

96 - Carnets d'aventures - #52


petits messages de la rédac’

 en ligne

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présentations de livres, topos, photos, vidéos, À votre tour
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d’Aventures est un magazine participatif. Alors si
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nous tardons, nous vous répondrons toujours J.

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magazine indépendant, édité par une petite équipe de
passionnés de voyage et de sport nature.
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Rester indépendant nous semble très important
pour garder notre liberté de pensée, d’action et Carnets d’Av
d’expression. Se permettre de donner vraiment son
avis (sur un test de matériel par exemple), faire certains et sa démarche ?
choix (comme celui d’imprimer sur du papier recyclé
ce qui reste malheureusement trop marginal dans
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compagnies aériennes, d’alcool…), exprimer certaines
idées, adopter un fonctionnement participatif, rester ou offrez un abonnement !
proche de ses lecteurs, tout cela est facilité par la
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vous qui la rendez possible en vous abonnant au Vous recevrez le magazine directement chez
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L’équipe de Carnets d’Aventures


Anthony Komarnicki (32 ans)
Sportif insatiable, voyageur MUL, il pédale, skie, vole ou crapahute comme
un cabri ! Ingénieur dans le domaine informatique / téléphones mobiles,
De gauche à droite : Johanna, Olivier, Anthony, Alexandre. et actif défenseur de la mobilité douce.
Olivier (44 ans) et Johanna Nobili (42 ans)
Ils ont créé Carnets d’Aventures en 2004 après une année sabbatique
passée essentiellement en Méditerranée (kayak de mer). Avant ils étaient
ingénieurs dans l’informatique et les télécoms. Aujourd’hui, ils pratiquent
presque quotidiennement parapente, VTT, ski de randonnée et sorties
en montagne suivant la saison. Ils essaient aussi de diminuer leur bilan
carbone et d’expérimenter d’autres façons de voyager (sans moteur,
transports de surface, pas d’avion depuis plus de 12 ans…).
Alexandre Guiltat (41 ans)
Grimpeur et amateur de rando, il se passionne pour le voyage nature,
il a notamment parcouru l’Irlande à pied pendant deux mois. Après un
diplôme et une expérience de commercial, il a travaillé dans le milieu de
la distribution d’équipements de sport.
Jean Viale (69 ans)
Le père de Johanna, ingénieur retraité, amateur d’activités marines, de
vélo, de ski et de lecture.

#52 - Carnets d'aventures - 97


prochain numéro
Au sommaire du prochain numéro (fin septembre 2018)

Dossier trimestriel
Les Lofoten ------------------------------------
Carnets d’Aventures / Alcyon Média
Petit joyau du nord de la Norvège Les Olliviers - 05230 Chorges
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Directeur de la publication
Olivier Nobili
Rédacteur en chef
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Rédaction / Communication
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communication@expemag.com
3 voyages à travers l’archipel Publicité
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L’école buissonnière Les contributeurs de ce numéro :


Killian Blais, Thierry Montaner, Adam et Noémie
Comment faire l’école en voyage ? Looker-Anselme, Caroline Moireaux, Romain Auclair,
Cyril Petipas, Stéphane Berthaud, Jérémy Pivolot,
Christophe Berthaud, David Manise, Philippe Gady,
Bruno Désormeaux.
Cartes : Anne-Sophie Rodet.
Conception de la maquette originale : www.corps8.com
------------------------------------
Photo de couverture : Aurélie fête le retour du soleil
sur la Carretera Austral chilienne. Nous croisons des
voyageurs à vélo partis d’Ushuaia que nous comptons
rejoindre, se dirigeant eux vers l’Alaska...
Photo : Yann Hamon.
2 familles nomades autour du monde
-------------------------------------
© Copyright Carnets d’Aventures 2018
Toute reproduction même partielle d’articles ou de
photos publiés est interdite, sauf autorisation écrite de
la rédaction.

Vélo et base-jump
La rédaction décline toute responsabilité concernant
les documents remis. La rédaction n’est pas
responsable des textes et illustrations publiés, qui
à travers les Alpes engagent leurs seuls auteurs.
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Imprimerie Léonce Deprez
62620 Ruitz
(Cet imprimeur a le label Imprim’Vert)
Cahiers intérieurs imprimés sur papier
100 % recyclé Eural Premium
Distribution : MLP
Edité par Alcyon Média, SARL au capital de 20.000 €,
RCS Gap 451 170 674 - Gérant Olivier Nobili
Dépôt légal : A Parution
Commission Paritaire : 0414 K 84534
N° ISSN : 1774-718X

Et bien sûr les chroniques habituelles ainsi que d’autres récits...

98 - Carnets d'aventures - #52


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–Spéléologie Voile –
–Minéralogie Sports nautiques –
–Ski Apnée –
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