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El Watan ÉCONOMIE

Du lundi 1er au dimanche 7 novembre 2010 Supplément hebdomadaire n°261 - GRATUIT - Email : suppeco@elwatan.com/Tél. - Fax : 021 65 58 66

COOPÉRATION ET INTELLIGENCE
DES EXPERTS ET ORGANISMES INTERNATIONAUX JURIDIQUE
SCANNENT L’ÉCONOMIE ALGÉRIENNE UN OUTIL STRATÉGIQUE
MÉCONNU DES
MANAGERS
LORS D’UNE RENCONTRE AVEC LE PREMIER MINISTRE ALGÉRIEN, EN
MARGE DE SA RÉCENTE VISITE 17 ET 18 OCTOBRE À ALGER, Michèle
Alliot-Marie, ministre française de la Justice, a évoqué le souci de
visibilité dont ont besoin les investisseurs de son pays concernant
l’environnement juridique algérien. A ce titre, la garde des Sceaux
a qualifié d’important «sa sécurisation pour les entreprises qui
s’installent en Algérie». Cette déclaration a suscité des réactions
auprès de bon nombre de juristes nationaux qui considèrent, pour
leur part, qu’«avant de sécuriser l’environnement juridique pour
une meilleure présence de l’investissement étranger, il faudrait
d’abord penser à le faire au sein des entreprises algériennes pour
qu’elles puissent se prémunir de tout risque, qu’il soit d’origine
interne ou externe». Page 7

MIGRATION DES
COMPÉTENCES LOCALES
EN AFRIQUE
LA SAIGNÉE
SELON L’ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS
OIM, ALORS QUE LES DÉPARTS SE CHIFFRENT À 20 000 MIGRANTS
PAR ANNÉE DEPUIS 1990, l’Afrique fait appel chaque année à
des spécialistes étrangers dont le nombre peut atteindre les
150 000, pour une dépense annuelle de 4 milliards de dollars.
Les transferts de fonds vers l’Afrique sont en hausse ces der-
nières années, tandis que l’aide au développement décline
d’année en année, selon les différentes études exploitées par
les experts. Toutefois, ce qui inquiète les pays d’origine des
migrants est le nombre de compétences qui quittent les pays,
notamment en Afrique et plus particulièrement l’Algérie.
Pages 8 à 11

CE QUE CACHE LE 5E CONFÉRENCE ÉCONOMIQUE AFRICAINE


PLAIDOYER EN FAVEUR
DE LA COOPÉRATION
INTERRÉGIONALE
DISCOURS OFFICIEL
PHOTO : B. SOUHIL

DURANT CES DERNIÈRES ANNÉES, L’ALGÉRIE A PROCÉDÉ SUR LE PLAN DES CHOIX ÉCONOMIQUES À UN CHANGEMENT DE CAP QUI N’A LAISSÉ
PERSONNE INDIFFÉRENT AUSSI BIEN AU NIVEAU INTERNE QU’EXTERNE. Les motivations derrière ce chamboulement sont à recher-
cher tant au niveau de la conjoncture économique mondiale qui a prévalu durant cette période qu’au niveau de la volonté du
gouvernement de mieux protéger une économie jusque-là livrée à elle-même. Lire en pages 2 à 4

accès aux hautes fonctions de l’état et des entreprises LES CHRONIQUES


PHOTO : D. R.

Les femmes cadres ■ l’analyse d’el kadi ihsane


algériennes victimes L’Algérie orpheline d’un grand Le développement du partenariat interrégional est un axe
majeur par lequel devra passer l’Afrique pour gagner de
de discrimination dessein économique P2 la croissance. Le message a été délivré par Donald Kabe-
ruka, président de la Banque africaine de développement
(BAD), lors de la 5e conférence économique africaine qui
A des conditions de diplôme et de compétence égales et,
souvent même, supérieures à celles des hommes, les fem-
mes cadres ont assurément beaucoup moins de chances d’accé-
s’est tenue à Tunis du 27 au 29 octobre dernier. M. Kabe-
ruka a souligné que les fondamentaux des économies
africaines restent bons malgré les effets pervers de la
der aux fonctions supérieures de l’Etat, des entreprises publi- ■ repères économiques de abdelhak lamiri crise financière internationale, mais pour répondre à
ques et des universités. La sous-représentation féminine au
plus haut des hiérarchies politiques, administratives et managé- Le débat autour du programme l’ensemble des besoins de l’économie africaine, il faudra
mettre l’accent sur la coopération interrégionale, qui est
riales est largement confirmée par les constats déjà établis, par
le Cread… Pages 12-13 économique P5 actuellement «à son niveau le plus bas». Page 14

FILIÈRE LAIT : L’ÉTAU SE RESSERRE SUR LES TRANSFORMATEURS PRIVÉS P6


2 L’ACTUALITÉ El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

Transparence et responsabilité budgétaire


Le pays à la traîne
Le Partenariat budgétaire international
(IBP) vient de publier, le 20 octobre 2010,
l’enquête sur le Budget ouvert 2010, le
seul instrument de mesure de la
transparence et de la responsabilité
budgétaire au monde qui soit
indépendant, comparatif et régulier.

Par ublié une fois tous les deux ans par


Barka Zine (*)
P des experts indépendants, qui n’ont de
compte à rendre à aucun gouverne-
ment national, le rapport révèle que l’Algé-
rie a un score de transparence extrêmement Siège du ministère
faible : 01 point sur 100. Le manque de des Finances à Alger
transparence dans la gestion du budget de
l’Algérie est une porte ouverte aux abus et à
une utilisation inappropriée et inefficace des

PHOTO : B. SOUHIL
fonds publics.
Comme l’enquête sur le Budget ouvert le
préconise, «l’Algérie peut améliorer la
transparence de son système budgétaire, à
peu de frais et d’efforts, en publiant sur
l’Internet toutes les informations budgétai-
res qu’il produit déjà». relatives au budget, tandis que quarante - fournissent peu (voire pas) d’informations progrès considérables au fil du temps.
«Une plus grande transparence permettrait d’entre eux ne produisent aucune informa- à leurs citoyens. De l’avis de beaucoup d’experts, les bud-
un meilleur contrôle, de meilleurs choix tion budgétaire significative. Sans ces infor- L’Enquête sur le budget ouvert utilise des gets ouverts et transparents peuvent permet-
budgétaires, et un meilleur fonctionnement mations, il est difficile pour le public et les critères reconnus internationalement pour tre au public d’apprécier si les responsables
des services publics pour ses citoyens», a institutions de contrôle de mettre le gouver- attribuer à chaque pays un score, sur une de leur gouvernement font bon usage des
déclaré Warren Krafchik, directeur du nement face à ses responsabilités, ou de échelle de 100 points, appelée l’Indice sur le fonds publics. De plus, comme ils réduisent
Partenariat budgétaire international. contribuer sérieusement aux décisions budget ouvert. Malgré une déficience géné- les opportunités de corruption ou de dépen-
L’Algérie n’est pas le seul pays à afficher de concernant la gestion et l’utilisation des rale de la transparence budgétaire dans le ses inutiles, les budgets transparents peu-
mauvais résultats. L’Enquête sur le budget ressources publiques. L’Afrique du Sud, la monde, l’Enquête sur le budget ouvert a vent également augmenter les ressources
ouvert 2010 a révélé que 74 des 94 pays Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, la révélé une amélioration de neuf points en disponibles pour faire face à divers besoins
évalués ne respectent pas les normes élé- France, la Norvège, la Suède et les Etats- moyenne pour les quarante pays examinés économiques et sociaux, notamment comme
mentaires de transparence et de responsabi- Unis font partie des pays avec les meilleures par trois Enquêtes sur le budget ouvert combattre la pauvreté et le chômage qui
lité dans la gestion de leurs budgets natio- performances en matière de transparence, consécutives. Les progrès les plus spectacu- accablent le pays.
naux. Basée sur des preuves documentées, tandis que les pays avec les performances laires concernent les pays qui avaient obtenu B. Z.
l’Enquête sur le budget ouvert a découvert les plus faibles – parmi eux la Chine, l’Ara- de faibles scores, comme la Mongolie et le (*) Professeur de finances publiques et
que sur les 94 pays évalués, sept seulement bie Saoudite, la Guinée équatoriale, le Liberia. Ils n’atteignent pas encore le niveau de fiscalité
fournissent des informations complètes Sénégal et la récente démocratie irakienne des meilleures pratiques, mais ont fait des université de Tlemcen

L’Algérie orpheline d’un grand dessein


analyse économique
D’EL KADI IHSANE

a gouvernance du pays manque terrible- une chronique récente, Abdelhak Lamiri a rappelé devrait plus être en fonction, est ainsi devenu le tech-

L ment d’ambition. Non inquiétée par la


sanction des urnes, elle ne sait plus vendre
l’avenir aux Algériens. Et aux étrangers. Un
étudiant en master du MDI, business scho-
ol, huppée à Alger, a été choqué de trouver que le
risque commercial de l’Algérie était, chez une petite
agence de notation, encore classé en 2009 à six sur
l’importance d’une grande ambition transcendante
dans le management d’entreprise. Pour dire qu’un
objectif grandiose qui mobilise la ressource humaine
au-delà des résultats du court terme, s’il est indispen-
sable dans la gouvernance d’une entreprise, est vital
dans celle d’un pays.
Cette projection qui soulève les élans est impensée.
nicien spécialiste de la voie rapide Aïn Benian-
Boufarik.
Il y a trente ans, les pouvoirs politiques dans le monde
mettaient le plein emploi en tête de leurs projets. Plus
personne ne le fait. Alors quoi ? L’Algérie peut briller
à nouveau là ou elle a déjà été admirée. Là où sa
prétention sera légitime. Elle a été la première vérita-
une échelle de sept, à peine en dessous de l’Irak et de Car sans doute pour la génération, qui tient le pou- ble transition démocratique dans le monde arabe.
l’Afghanistan. voir, marquée par l’âge et l’échec, elle est devenue C’est un incomparable atout de performance écono-
En 2014 l’Algérie aura dépensé quelque 500 milliards impensable. Alors même que la conjoncture des reve- mique. Abandonné sans discussion pour cause de
de dollars en moins de dix ans en plans de dévelop- nus énergétiques des dix prochaines années permet guerre civile. L’Algérie a été un leader continental
pement. Sans idée globale pour convertir ce déploie- de faire rêver le pays. Le Maroc et la Tunisie se fixent envié, dans le développement humain. Perdu de vue
ment en une ligne de vie qui fait sens. Occupation du comme objectif de rejoindre en cinq ans le niveau de à cause du plan d’ajustement structurel. L’Algérie
territoire, développement durable, pôles spécialisés, développement du dernier des 27 pays de l’UE. Dans enfin est un grand acteur énergétique et peut, grâce
systèmes de transports intégrés, bref, la prospective sa communication politique l’Algérie peut viser plus au renouvelable, le rester au-delà des hydrocarbures.
transversale de cet emballement de dépenses n’existe haut. En reproduisant statistiquement l’évolution du C’est un destin flottant aujourd’hui. Voilà en trois
pas. Ni son contenu sociétal ni sa sublimation politi- PIB par habitant des cinq dernières années sur les thèmes un croquis d’avenir pour esquisser un grand
que. Conséquence, aucune formule marketing ne cinq prochaines, le rattrapage avec la Bulgarie et la dessein. Et parler autrement que par les seuls budgets
vient coiffer le packaging des années d’hyper dépen- Roumanie est accompli compte tenu de la faible additionnels de wilayas et le nombre de nouveaux
ses publiques qui sont pourtant, il faut bien l’admet- croissance projetée pour eux. Mais est-ce qu’il s’agit barrages. Combien coûte ce grand dessein ? La
tre, en train de changer le paysage de nos villes en là d’un grand objectif qui transcende la vie nationale démocratie est un choix politique et la transformation
attendant d’améliorer celui de nos campagnes. ? Forcément non, pour un pays qui avait, il y a près de Sonatrach en un grand acteur énergétique est
L’addition d’une grande mosquée à Alger, d’une de quarante ans, tablait sur un rattrapage du PIB de une résolution stratégique. Pour le reste un taux de
autoroute des Hauts-Plateaux, et d’une nouvelle ville l’Espagne en vingt ans. Que peut donc vendre de croissance moyen de 6% sur les dix prochaines
à Bouinan, ne fait pas un projet intégrateur. Et donc brillant aux Algériens un gouvernement empêtré années remettra le modèle social algérien en «label
pas vibrer le pathos national. Des spécialistes le répè- dans l’infiniment petit ? Le ministre des Travaux scandinave» de la Méditerranée sud. Un seul bémol,
tent à l’envi depuis le premier plan en 2005. Dans publics, Amar Ghoul, qui dans un pays éthique ne ce n’est pas là le projet du pouvoir politique actuel.
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 L’ACTUALITÉ 3
Vue de l’extérieur
Une économie tâtonnante,
lente et instable
Durant ces dernières années, l’Algérie a pro- (par ordonnance) ou dont les décisions sur dérange mais davantage «l’instabilité des nouvelles lois. Pour M. Lambret, cela peut
le plan économique sont prises, unilatéra- règles du jeu», selon Gerard Lambret, se faire à condition que ça s’inscrive dans le
cédé sur le plan des choix économiques à un lement, sans implication des partenaires spécialiste du conseil aux investisseurs long terme. «Les investisseurs ont besoin
changement de cap qui n’a laissé personne in- sociaux dans la majorité des cas, le suggère étrangers. d’être rassurés sur la durée, mais en Algérie
différent aussi bien au niveau interne qu’ex- fortement. Mais si les décisions prises sont «Le gouvernement algérien prend des c’est cette incertitude qui est marquante et
parfois contestées, la manière qu’a le gou- décisions politiques et économiques qu’il c’est elle qui fait hésiter les investisseurs
terne. vernement de les assumer, malgré le tollé juge bonnes pour le pays et c’est normal. potentiels à venir.» Au final, la question
qu’elles peuvent soulever, est quant à elle, Mais c’est la pratique de la loi sur le ter- que renvoie l’Algérie c’est «est-ce que les
es motivations derrière ce cham- appréciée. rain qui pose problème. Si on prend la règles du jeu seront toujours les mêmes
Par
Safia Berkouk L boulement sont à rechercher tant au
niveau de la conjoncture économique
mondiale qui a prévalu durant cette période
Sofiane Saâdi, consultant en manage-
ment et en intelligence économique, ex-
plique qu’il «faut un leadership» et il se
mesure des 51/49% concernant les inves-
tissements étrangers, la loi ne prévoit pas
la rétroactivité, mais dans la pratique, elle
d’ici 4, 5 ou 10 ans».
Seulement, le problème de l’Algérie, ce
n’est pas uniquement celui des investis-
qu’au niveau de la volonté du gouverne- reflète dans la position ferme du gouverne- est appliquée même si vous avez crée votre seurs étrangers et même s’«il ne faut pas
ment de mieux protéger une économie ment. Mais si «on a commencé à prendre entreprise avant la promulgation de la loi occulter la réalité et dire que rien n’a été
jusque là livrée à elle-même. conscience et à prendre des décisions de de finances complémentaires 2009. Dés fait, car des choses se font», note M. Saâdi,
Ces nouvelles orientations ont fait des mé- souveraineté, il ne faut pas pour autant faire que vous voulez changer l’actionnariat de il faut aussi reconnaître qu’il «y a toujours
contents parmi la communauté d’affaires dans la précipitation, car après tout, ce ne votre entreprise ou modifier le capital, vous des problèmes (chômage, mendicité, har-
étrangère habituée à plus de largesses, ou sont pas les lois qui changent les choses, tombez sous le coup de cette loi». Cela raga…) qui persistent et un malaise social
nationale habituée à moins de rigueur, mais mais ce sont les compétences». Et juste- «paralyse même des petites opérations perceptible».
ils ont également fait des heureux parmi ment, en matière de changement de lois, d’augmentation de capital», dit-il, en ju- Pour cet Algérien vivant à l’étranger, l’Al-
certaines parties, notamment des chefs l’Algérie a été assez active durant les deux geant cet aspect «contraignant et contraire gérie donne l’impression que «les choses
d’entreprise. dernières années, la plus important peut- aux pratiques économiques». ne bougent pas assez vite dans un monde
Quelle que soit la réaction qu’elles ont sus- être est celle régissant l’investissement. où la vitesse de l’action est importante,
citée, elles restent largement assumées par «On a tout fait pour s’isoler», commente INCERTITUDE JURIDIQUE que l’université ne joue pas son rôle, que
le gouvernement, même si en optant pour M. Saâdi, en ajoutant «qu’à un certain mo- Dans son discours devant l’APN, le Pre- les compétences internes et externes sont
cette nouvelle politique, l’Algérie a donné ment, ça été l’ouverture totale, souhaitons mier ministre a démontré chiffres à l’appui marginalisées». En clair, l’Algérie renvoie
l’impression de se soucier peu du qu’on que ça ne sera pas désormais la fermeture qu’en dehors des hydrocarbures, l’apport l’image d’un pays qui «n’utilise pas tous
dira-t-on. totale». des investisseurs étrangers reste marginal. les moyens et potentiels dont il dispose»
D’ailleurs, la manière dont les lois de fi- Mais pour les observateurs étrangers, ce Pour autant, ces derniers restent les bien- et qui devrait de ce fait «être mieux loti»,
nances complémentaires sont promulguées n’est parfois pas le contenu des lois qui venus pour peu qu’ils s’accommodent des considère-t-il. S. B.

Jean-Louis Reiffers. Président du comité scientifique du FEMISE


«L’Algérie suit un chemin que de nombreux
Etats empruntent implicitement»
Professeur à l’université du Sud (Toulon), Jean-Louis Reif- impulsée par la puissance publique. Au total, comme les
investissements étrangers représentent autour de 5% de
fers est également président du comité scientifique du la formation de capital en Algérie ce qui est très faible
Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences éco- relativement aux autres pays, vous avez raison de penser
nomiques (FEMISE), une association qui a notamment que l’effet à court terme sera minime. Mais la question
n’est pas que quantitative, elle est aussi qualitative.
pour objectif de conduire des recherches socioéconomi- L’investissement étranger devient un élément important
ques et d’émettre des recommandations sur des thèmes d’augmentation du dynamisme par la productivité, le
définis comme prioritaires pour l’avenir de la région transfert de technologie et les effets d’entraînement sur
le reste l’appareil productif pourvu qu’il soit encadré par
euro-méditerranéenne. des incitations adéquates. Pour ma part, j’aurais suggéré
de mettre en place ces incitations et autres mécanismes
Propos recueillis L’Algérie a depuis quelques mois apporté des modifi- de contrôle plutôt que de pousser à ce que la majorité du
cations sur certaines questions économiques, notam- capital soit détenue par des nationaux. Mais cette mesure
par
ment en matière d’actionnariat (51/49) des investis- qui ne peut pas ne pas réduire l’attractivité comparative
Safia Berkouk seurs étrangers. Cela rend-il le pays moins attractif de l’Algérie pour les investisseurs étrangers ne signifie
pour autant ? pas qu’il n’y en aura plus. Il sera intéressant de voir le
Je pense que cela rend l’Algérie moins attractive pour les résultat.
investisseurs étrangers qui envisagent de s’intéresser à
des secteurs autres que les hydrocarbures. Sans aucune- Quelle est l’image qui est renvoyée aujourd’hui par
ment juger de son opportunité qui dépend de la stratégie l’Algérie vis-à-vis des partenaires étrangers et quel-
du gouvernement algérien, il est clair que cette mesure va les incidences cela peut-il avoir sur leurs démarches
poser deux problèmes. futures ?
Le premier concerne le développement de nouvelles acti- Il est clair que cette mesure participe d’une relative mé-
vités par les investissements «Greenfield’s» (ex : création fiance vis-à-vis de l’ouverture internationale et qu’elle
de filiales ex nihilo par des sociétés mères). Ces inves- manifeste une volonté de conduire sa croissance. Son
tissements ne viendront plus ou très peu d’une initiative défaut est d’être extraordinairement explicite. Mais
PHOTO : D. R.

étrangère et donc la question à se poser est la suivante : aujourd’hui, il faut bien reconnaître que tous les pays,
«est-ce que l’Algérie a aujourd’hui les capacités entre- Jean-Louis Reiffers d’une façon ou d’une autre, gèrent la sortie de crise en
preneuriales pour prendre seule les initiatives nécessaires limitant leur engagement international. Sans retourner au
dans les secteurs d’avenir ?» protectionnisme, on assiste à un renouveau des politiques
Si l’on regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde, contreparties, avec tous les risques de choix purement industrielles et structurelles, à la mise en place de nor-
il faut reconnaître que très peu de pays font ce pari politiques ou opportunistes. mes etc. L’Algérie d’une certaine façon suit de manière
aujourd’hui. Le deuxième problème est sans doute en- explicite un chemin que de nombreux Etats empruntent
core plus important : «Comment vont être choisies les Ne pensez-vous pas que la faiblesse des investisse- de façon plus implicite. Cela dit, reviendra forcément le
contreparties algériennes aux investisseurs étrangers ?» ments étrangers en dehors des hydrocarbures justifie temps où la croissance de pays en situation intermédiaire
Et là, l’histoire passée a montré les limites des politiques quelque peu la démarche du gouvernement ? dépendra des anticipations des gestionnaires des énor-
autocentrées où on posait comme principe le partage du A court terme avec un baril de pétrole à 80 dollars et mes masses de capitaux disponibles dans le monde. Et
pouvoir privé, car cela nécessite en général une inter- des réserves suffisantes pour lancer un important plan le signal qui est donné ici pourra avoir des conséquences
vention des pouvoirs publics pour opérer le choix de ces de développement quinquennal la croissance peut être négatives à ce moment-là. S. B.
4 L’ACTUALITÉ El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

Omar Aktouf. Professeur de management à HEC, Montréal


«Une impression d’amateurisme
politique et économique»
Propos recueillis En tant qu’expert algérien vivant à l’économie, des entreprises et de la ges- vous semble-t-elle cohérente ?
par l’étranger, comment appréciez-vous tion, à travers le monde. Hélas, en toute A cette question, je ne peux que réitérer
Safia Berkouk l’évolution et la gestion qui sont faites franchise, je dois dire que ce qui se passe ce que j’ai déjà exprimé plus haut : je ne
de l’économie algérienne ces toutes dans notre pays ne les intéresse que très vois aucun moment, de l’après-ère Bou-
dernières années ? secondairement, car ne suscitant pas plus mediène en particulier (et je ne me définis
Tout d’abord, si vous permettez, j’aime- d’impressions a priori, qu’un ‘simple’ nullement comme boumedieniste) qui
rais dire en préambule, que vos questions pays du Tiers-Monde (à part certains mi- ait eu une cohérence quelconque. C’est
m’inspirent une analyse plus en profon- lieux, que je fréquente beaucoup moins, tout simplement la ‘politique du pendule
deur des phénomènes que vous évoquez, qui ont des intérêts précis en Algérie, fou’ : on tâtonne au gré des modes de l’air

PHOTO : D. R.
en particulier le fait que, suite à cette comme ces entreprises américaines en du temps ou des personnes en place,
dernière «crise» du capitalisme financier particulier, occidentales en général, ou s’ouvrir, se néolibéraliser, se mondialiser,
mondialisé, nul ne sait plus que faire… encore moyen-orientales qui intervien- suivre le modèle de ladite ‘économie de
pour moi, les questions de politiques Omar Aktouf nent chez-nous depuis le pétrole et le marché’, tenter de se doter d’une Bourse
économiques doivent désormais relever gaz jusqu’aux ports et télécommunica- des valeurs… ouvrir les vannes à l’argent
d’un changement radical de paradigme tions…). En général, on commence par étranger, puis les resserrer, puis ouvrir à
et de conceptions globales. Or, toutes ces léités de contrôle étatique plus consistant, me parler de ‘guerre civile’, de ‘l’isla- nouveau, puis modifier et remodifier les
«techniques économiques» dont on traite par exemple à travers les successives lois misme’… puis, très souvent, du fait que lois des finances, etc., Tout cela donne
ici relèvent peu ou prou du paradigme de finances). l’Algérie a été un pays héroïque, exemple une impression d’amateurisme politique
néolibéral / néoclassique dominant qui Enfin, je dirais que cette «évolution» est de lutte contre l’occupant vorace … qui, et économique et d’une sorte de pratique
est en pleine déroute… rien de ce qui fortement marquée par un régime hyper à présent, semble bien peu visible, pâle «d’essais – erreurs» sans fin.
en ressort ne peut corriger ou améliorer présidentiel, qui donne à travers la per- ombre parmi les ombres d’Afrique, aussi Ceci étant dit, ce n’est certes pas moi qui
quoi que ce soit. Bien évidemment je ne sonne qui l’incarne, une sorte de mélan- riche en ressources que pauvre en gestion jetterai la pierre à une loi de finances et
peux prétendre connaître en détails cette ges de nostalgies de l’ère Boumediène, de de ses affaires et de son développement. des investissements étrangers donnant
«évolution», mais je peux me prononcer centralisme, d’étatisme économique pour Le type de réaction le plus fréquent est systématiquement priorité et contrôle aux
en tant qu’Algérien intéressé qui suit très l’étatisme, de ‘souveraineté’… et de désir de loin de ce genre, souvent agrémenté nationaux, publics ou privés.
régulièrement les grandes lignes de ce qui de paraître «moderne», c’est-à-dire au de commentaires amers autour d’idées
se passe dans notre pays. Si on parle, di- diapason de la mondialisation néolibérale de «chaos», de gâchis, de bateau ivre, de Le Premier ministre vient de présenter
sons, des 10-15 dernières années, je dirais avec ses cortèges de privatisations, de dite classe politique qui a l’air de ne jamais un bilan et des chiffres qui tranchent
que, en fait de «gestion» de l’économie, ‘ouverture économique’, de laisser fleurir savoir ce qu’elle veut exactement, de «ris- avec cette impression générale de ma-
rien de nouveau sous le soleil algérien, des affairistes, classe de nouveaux riches ques» particulièrement significatifs pour laise social, de tâtonnement sur le plan
sinon toujours de l’à-peu près, de la navi- qui se disent volontiers pionniers d’un quiconque caressant l’idée d’y investir, économique et de généralisation de la
gation à vue… ce que j’appellerai en para- nouveau vaillant esprit ‘entrepreneur’ al- de lois imprévisibles, en dents de scie… corruption à tous les niveaux. Com-
phrasant C. de Gaulle, une «politique qui gérien…, incarnation d’un décollage éco- de bureaucratie parfois insondable, de ment peut-on expliquer ce décalage
flotte sur l’évènement, comme le bouchon nomique du pays, alors que la plupart ne népotisme, de corruption… voilà, hélas, entre la réalité officielle du pays et celle
sur la vague». Je peux paraître sévère, sont que succursales d’intérêts étrangers l’essentiel de ce que je peux répondre à perçue par les autres?
mais je m’explique : en gros, qui peut nier ou acheteurs – revendeurs de valeur ajou- cette question. Puis-je ajouter que cela Cela se dénomme tout simplement déma-
que depuis des décennies, la politique tée venue d’ailleurs. On a bien vu ce qu’a ne peut rien avoir d’étonnant, lorsque nos gogie et déni de réalité. Des «fabricants
économique algérienne et son activité donné la belle ‘affaire Khelifa’… pour propres compatriotes en disent souvent officiels de beaux chiffres» cela se recrute
principale consistent à vendre (parfois moi, nous sommes en présence du même autant – je l’ai entendu presque par exem- partout ! Il est à se demander, tout simple-
détourner) hydrocarbures et acheter à genre de phénomène qui va se répétant. ple, aussi bien de la bouche de nombre de ment déjà, sachant comment fonctionnent
l’étranger tout le nécessaire indispensa- En un mot: il n’y a pas plus de politique citoyens que de membres de notre Forum nos institutions, depuis l’école primaire
ble à la vie de l’Algérien, suffisant pour économique réfléchie, cohérente, s’ins- des entreprises... jusqu’aux plus hautes officines de tout
éviter une transformation de ras-le-bol en crivant dans la continuité… qu’il n’y en acabit, par quels miracles, dans notre
révolution sanglante ? Cela s’appelle une avait depuis l’ère Chadli, ni «d’évolution» Après avoir grand ouvert son marché, pays, des indicateurs fiables de quoi que
politique économique de bazar. Au gré quelconque au sens propre du terme. l’Algérie resserre les vannes, stigmatise ce soit peuvent-ils être mesurés ? Calculés
des gouvernements le bouchon flottant les étrangers, met le cap de la réhabili- ? Vérifiés ? Recoupés ?... Il y a des limites
vire à droite (velléités répétées de priva- Comment les étrangers que vous cô- tation de l’entreprise nationale et pu- et de grands dangers à, imperturbable-
tiser des ressources stratégiques comme toyez perçoivent-ils cette situation ? blique en particulier. Comment peut-on ment, vouloir remplacer le réel par de
le pétrole…), parfois vers la gauche (vel- Je côtoie, effectivement, passablement expliquer ce revirement ? La démarche beaux discours sur le réel. S. B.
d’étrangers appartenant à l’univers de

Repères Appréciation des institutions et organismes mondiaux


L’Algérie a perdu 4 places au classement mondial de
l’indice du développement humain, passant de la 100e
Une réalité en décalage
place, en 2008, à la 104e en 2009, selon le rapport du
Programme des Nations unies pour le Développement
(PNUD). L’indice de pauvreté humaine en Algérie place
avec le discours officiel
le pays à la 71e position sur un total de 135.
n présentant son bilan la semaine dernière devant l’Assemblée Pourtant, Gerard Lambret, spécialiste en conseil aux investisseurs
Le rapport 2010 de la Banque Mondiale sur la «facilité
des affaires» a classé l’Algérie à la 136ème place sur un E populaire nationale, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a
étalé en long et en large avec chiffres à l’appui des effort qui sont
étrangers est expatrié en Algérie depuis 6 ans, pense qu’il faut
prendre ces rapports avec des pincettes, car la situation qui y est
total de 183 pays listés, perdant deux places par rapport
à 2009. L’Algérie reste parmi les pays où il est difficile déployés par l’Etat pour améliorer la situation du pays sur le plan décrite «existait déjà avant», et puis, «il y a beaucoup de choses qui
de faire monter une entreprise et de faire des affaires. socioéconomique. évoluent et qui vont dans le bon sens. La loi aujourd’hui, même si
L’Algérie vient d’être classée 105e sur 180 par le Des chiffres qui laissent quelque peu perplexes tant le sentiment elle est mal vécue parfois, elle a cela de positif d’obliger les entre-
rapport de Transparency International sur l’Indice de qui prévaut chez une large proportion de la population reste celui prises à aller dans le bon sens».
perception de la corruption (IPC) dans les de la frustration et du mal-être de se trouver dans un pays qu’on D’autre part, comme le souligne Sofiane Saâdi, consultant en ma-
administrations publiques avec une note de 2,9 sur 10. considère à tort ou à raison comme riche. nagement et en intelligence économique il «faut se méfier de tous
le rapport a relevé que malgré «l’adoption ou l’annonce Par ailleurs et outre les appréciations des acteurs économiques sur ces organismes et institutions, s’interroger sur leur fiabilité, car on
de décisions visant à lutter contre ce fléau, ces le terrain, la réalité de l’économie algérienne dépeinte dans les peut donner aux chiffres les interprétations qu’on veut».
décisions demeurent inappliquées». rapports publiés par les organismes et institutions internationales Cela dit, l’expert algérien pense qu’«il y a beaucoup de vérités
Selon le dernier classement du Forum économique tranche souvent avec les discours euphoriques de nos gouvernants dans les chiffres» qui sont repris dans ces rapports. «Le terrain peut
mondiale sur la compétitivité des économies puisque notre pays est à chaque fois mal classée par rapport à ses nous renseigner et sur ce point le malaise social est visible et il y a
mondiales, l’Algérie n’arrive que 86eme sur 139 pays. voisins. Que ce soit le Doing Business de la Banque mondiale, le des problèmes majeurs qui persistent». Pour notre interlocuteur,
Dans le monde arabe, l’Algérie n’est que 11eme, le rapport sur le développement humain du PNUD, sur la corrup- l’Algérie reste «une économie en transition où les problèmes ne
document soulignant que «le ralentissement de tion de Trensparency International ou encore sur la compétitivité peuvent pas être réglés que pas les lois. Les instituions, le secteur
l’activité économique a donné lieu à la perte du économique du Forum économique mondial, l’Algérie accuse un privé, les universités, tout le monde doit prendre ses responsabili-
principal avantage concurrentiel du pays ces dernières grand retard, selon ces documents qui laissent apparaître un tés».
années : son excellent environnement décalage entre l’image officielle telle qu’elle est décrite par les Au final, l’Algérie dégage l’image d’un pays «riche où il y a beau-
macroéconomique, qui est passé de la 2e à la 57e autorités du pays et celle qui est perçue à l’étranger. Fiables ou pas, coup d’opportunités, mais avec qu’il est difficile de faire du com-
position, parmi 139 pays à travers le monde, depuis ces rapports ont le mérite de donner une idée sur la manière dans merce, un pays où les initiatives sont étouffées et où les ressources
2009». l’Algérie et plus précisément son économie sont appréciés par les humaines ne sont pas valorisées», Autant de chantiers qui laissent
experts étrangers. penser que tout reste à faire. S. B.
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 CHRONIQUE 5
Par
Abdelhak Lamiri

REPÈRES Le débat autour du programme


ÉCONOMIQUES économique
son processus d’évaluation. Les ces pour pallier à ce phénomène. Là (TGV). Après avoir ouvert leurs mar-
concepteurs de programme ont également, nous n’avons entendu chés aux allemands (Siemens), ils
appris depuis longtemps que personne demander à auditer et proposent maintenant leur propre
lorsqu’on quantifie les objectifs de quantifier les causes essentielles qui TGV à l’exportation. Beaucoup de
réalisation, on situe toujours les avaient provoqué cet énorme écart. pays (y compris voisins) avaient
écarts tolérables, afin de guider les Nous disposons d’outils perfection- construit des autoroutes. Mais leurs
actions et les comportements des nés pour analyser ce genre de pro- entreprises ont exécuté les deuxiè-
exécutants sur terrain. gramme : méthode des coûts béné- me et troisième réalisations par
Si on instaure une règle ou un écart fices, le multiplicateur, l’input out- elles- mêmes.
sur projet de plus de 10% induit put, etc. Notre autoroute des Hauts-Plateaux

L
es analyses humaines automatiquement un audit chiffré Les résultats et les recommandations sera construite par qui ? On ne peut
sont truffées de subjecti- approfondi sur les causes, nous de ces analyses auraient pu être continuer à acheter éternellement
vités. Nul ne peut pré- aurions certainement beaucoup simplifiées et transmises aux respon- des réalisations. Un programme
tendre à une objectivité moins de surcoûts et de restes à sables. Mais on n’a pas jugé utile de aussi volumineux devait nous per-
sans faille. Face à un réaliser. Mais les programmes dont les initier. mettre de grimper la pyramide
même événement ou un nous disposons n’incluent pas les technologique. Cet aspect devrait
même plan, les réactions seront écarts tolérables. Aujourd’hui, on se CONCEVOIR LES CORRECTIFS être évalué avec rigueur.
diverses, multiples et fonction de la retrouve avec un écart global de Rien ne sert de disséquer un pro-
position, du parcours et des objec- 86,7% (130/150). Il est tout simple- gramme d’action s’il ne sert pas de CONCLUSION
tifs du commentateur. Mais ceci ment astronomique. Il confirme les point d’appui pour une rénovation Nous avons livré un échantillon de
demeure inévitable et parfois sain, diagnostics les plus rigoureux de globale des politiques futures. Dans préoccupations qui ont été très peu
sous certaines conditions. l’économie algérienne : elle est inca- ce contexte, l’Etat a pris option et a prises en charge lors des analyses
Heureusement qu’à un certain pable de gérer efficacement des modernisé son arsenal juridique et des réalisations économiques et des
niveau d’analyse, les économistes, programmes d’une telle envergure : son dispositif institutionnel pour perspectives.
les sociologues ou les psychologues il faudrait rendre d’abord les institu- mieux lutter contre la corruption. Il est largement admis que la qualité
ont recours aux tests scientifiques tions efficaces avant de les inonder L’efficacité de ces dispositions sera de la gouvernance détermine le
pour minimiser, mais non complète- de ressources. testée les prochains mois. Mais nous niveau d’efficacité économique. Il
ment éliminer les subjectivités. En second lieu, une comparaison avons au moins un élément d’essai serait vain d’œuvrer à inclure plus
Nous allons tenter de réaliser un avec les pays à développement simi- de correction d’un problème détec- de rigueur sans qualifier, motiver et
examen technique du programme, laire, nous permet de situer la rigu- té. contrôler les ressources humaines et
tout en essayant de simplifier au eur avec laquelle sont utilisés les Mais pour le reste, l’essentiel reste à les institutions chargées de la
maximum les analyses pour les ren- deniers de l’Etat. Il est facile de com- faire. Prenons un facteur cité conception et de l’exécution.
dre accessibles au lecteur non éco- parer en termes financier et physi- comme problème : le sous-manage- D’ores et déjà, une conclusion
nomiste. Nous ne sommes pas sûrs que les ressources utilisées pour ment des institutions chargées importante s’impose : nous ne som-
de réussir cette seconde tentative. obtenir ces réalisations. Par exem- d’exécuter les futurs programmes. mes pas complètement détachés de
Mais nous allons faire de notre ple, combien coûte en moyenne un Nous avons besoin d’un plan la culture des réalisations sans les
mieux. kilomètre d’autoroute en Tunisie, en Marshall dans ce domaine. coûts. Le fait que nous ayons une
Malaisie, au Maroc et en Algérie ? Comment moderniser nos institu- croissance hors hydrocarbure «satis-
COMMENT ANALYSER UN BILAN Combien coûte un F3 HLM dans tions publiques et privées, adminis- faisante» (qui serait entre 6,3% et
ÉCONOMIQUE notre pays comparé à d’autres tratives et économiques afin qu’elles 9,3%) est considéré comme une vic-
Il nous a semblé utile de rappeler nations similaires ? On peut égale- puissent faire passer notre pays du toire contre la récession. Mais pour
certains principes simples d’analyses ment considérer le nombre d’hom- statut de producteur d’hydrocarbu- obtenir cette croissance avons-nous
de programmes économiques. Nous mes jours pour réaliser une infras- re importateur de tout à un dragon injecté 1% ou 20% du PIB (produit
ne sommes ni le premier pays et on tructure. Curieusement, nous économique ? Aucun gouverne- intérieur brut) ? Apparemment
ne sera certainement pas le dernier n’avons entendu personne réclamer ment n’a su le faire depuis l’indé- cette seconde question intéresse
à procéder à une appréciation d’un des comparaisons, alors que ceci pendance. peu de monde. Nous n’avons pas
plan d’action. pourrait mettre à nu les secteurs Quelques défaillances sont souli- entendu quelqu’un la poser par
Bien des pays avant nous l’ont fait boulimiques de notre économie. gnées par le gouvernement lui-mê- écrit ou oralement. Nous baignons
et plusieurs autres le feront. Les spé- Une évaluation est toujours insuffi- me : prix des inputs, mauvaise toujours dans la culture des réalisa-
cialistes ont produit quelques repè- sante sans comparaison. Les spécia- maturation des projets, etc. Mais les tions sans les coûts. L’objectif de cet
res dans ce domaine. Nous n’allons listes en management parlent de correctifs ne semblent pas à la hau- exercice d’évaluation aurait été une
pas reprendre le débat sur la perti- «Benchmarking ou étalonnage». Il teur des problèmes identifiés. Les formidable opportunité pour remet-
nence ou non du programme lui- est admis que divers pays sont dans projets coûteux seront analysés par tre les pendules à l’heure : enraciner
même. Nous avons toujours défen- des situations différentes et les com- des services spécialisés au niveau du une culture de la rigueur. Il est nor-
du l’idée de moderniser les cerveaux paraisons ne sont pas toujours rai- ministère des Finances. Le transfert mal qu’avec tant de ressources
d’abord (qualitativement), de per- sonnables. Vrai ! Mais on peut tou- d’une institution à une autre n’est mobilisées, nous ayons des loge-
fectionner le management des jours faire des ajustements et intro- pas forcément la clé de voûte du ments, des routes, des barrages et
entreprises et des institutions avant duire des flexibilités pour en tenir problème. que la situation socio-économique
de leur donner des sommes astro- compte. D’autant plus que le volume des s’améliore quelque peu. Mais les
nomiques à gérer. Par ailleurs, nous Par ailleurs, lorsque les causes des projets est lui-même important. véritables questions restent non
avons recommandé d’orienter 80% écarts sont nombreuses : sous Enfin, nous allons aborder un autre posées. Autrement dit, gérées effica-
des ressources pour le développe- management des ressources, aug- volet de l’efficacité de ce projet cement, ces ressources auraient-el-
ment humain et de la PME/PMI et mentation des prix des inputs, mau- occulté par la vaste majorité des les générées 20%, 200% ou X%
20% pour les infrastructures. Les vaise conception des projets, mal- commentateurs et des analystes : le d’équipements en plus ?
programmes dont nous disposons versations et autres, nous avons transfert de technologie et de Techniquement, il est possible de
font tout à fait le contraire. besoin d’une estimation grossière savoir-faire. Les «pays stratégiques» répondre à cette question fonda-
Cependant, notre objectif est plus pour pouvoir agir sur les paramètres achètent les produits ou les services mentale. A condition que les analys-
technique : comment examiner les plus importants. une fois, pas tout le temps. Les tes se la posent. Ça sera peut-être
objectivement un plan d’action. Si le sous-management estt respon- Chinois ont utilisé leur marché pour pour la prochaine fois.
La qualité de la conception d’un sable de 80% des écarts, alors orien- acquérir la technologie de produc- A. L.
plan d’action simplifie énormément tons la majeure partie des ressour- tion de trains à grande vitesse PH. D. en sciences de gestion
6 L’ACTUALITÉ El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

De nouvelles conditions pour la production de lait en sachet


de 25 DA
Les laiteries privées soumises à des
appels à manifestation d’intérêt
Trop souvent galvaudée, la notion de bonne
gouvernance est en train de devenir pour cer-
taines entreprises algériennes une condition
sine qua non de performance. En dépit des
assurances des
pouvoirs publics, les
a consommation en produits laitiers
Par
Mohamed
Naïli
L a atteint les 5 milliards de litres en
2009. Une année auparavant, toutes les
statistiques agricoles ont été élaborées sur la
laiteries ne tournent
pas à plein régime

base d’une consommation annuelle de 3,5


milliards de litres.
Soit une croissance de quelque 1,5 milliard
de litres en l’espace d’une année qui n’est
accompagnée d’aucun élément d’explica-
tion. Ce qui reflète l’ampleur de la spécula-
tion qui entoure cette filière considérée par-
mi les plus stratégiques du secteur agricole.
Une note élaborée la semaine dernière par
le ministère de l’Agriculture et du Dévelop-
pement rural sur l’orientation de base pour

PHOTO : EL WATAN/ARCHIVES
le renforcement et l’intégration de la filière
lait fait ressortir une multitude de nouveaux
indices qui caractérisent la production
laitière à divers niveaux, à l’importation,
à la production ou à la consommation.
Ainsi, est-il souligné dans le document du
département de Rachid Benaïssa, «en 2009
(année de référence pour le calcul), près de
5 milliards de litres en équivalent lait ont
été mis sur le marché national, à raison de 4 quelque 30% de ces 5 milliards de litres de dans certaines régions du centre du pays. les laiteries privées à un nouveau cahier des
milliards de litres en lait de consommation lait consommés en 2009 ont été touchés charges. Il est souligné à cet égard : «Les
et un milliard de litres en produits laitiers». par les subventions de l’Etat et la note du UNE SITUATION PARADOXALE unités publiques sont mises sous sujétions
Outre la consommation annuelle de produits ministère souligne à cet effet : «1,5 milliard Les pouvoirs publics se posent désormais publiques pour la fabrication d’au moins
laitiers qui a connu une croissance spectacu- de litres mis sur le marché à prix soutenu par des questions sur cette situation. Lors d’une 50% du LPC (lait pasteurisé de consomma-
laire en Algérie, le même document met en l’Etat (soit 30% du total consommé) et 3,5 réunion tenue avec les cadres de son secteur tion, ndlr) mis sur le marché national. Elles
évidence la prédominance des importations milliards de litres d’équivalent lait ont été la semaine passée, le ministre de l’Agricul- bénéficieront de ce fait de poudre de lait
en dépit d’une production locale en évolu- mis sur le marché à prix libres.» ture, Rachid Benaïssa, a déclaré ouverte- à prix subventionné. Les laiteries privées
tion constante. Tel est donc le constat général établi par le ment qu’«il est paradoxal que la région de seront sollicitées, par voie de réponse à la
En effet, «sur ces 5 milliards de litres d’équi- ministère de l’agriculture sur la filière lait. Tizi Ouzou soit touchée par la pénurie de manifestation d’intérêt annuel, à participer
valent lait, 2,5 milliards provenaient de la En parallèle la tension plane toujours sur les lait en sachet, alors que c’est la wilaya où la à couvrir les autres 50%, sous réserve de
production nationale de lait cru et 2,5 mil- relations entre l’Onil et les transformateurs production laitière connaît une croissance répondre aux conditions édictées dans un
liards de litres provenant de l’importation», privés, du moins une partie d’entre eux. La exceptionnelle et où sont implantées plu- cahier des charges joint à l’appel à mani-
est-il souligné dans le document du MADR. semaine dernière, le ministre de l’agricul- sieurs laiteries». Ces contrastes incitent en festation su cité.» Cette nouvelle démarche
Un équivalent de 1,2 milliard de litres a été ture a parlé d’une quinzaine de transforma- tout cas le ministre à évoquer la spéculation laisse conclure ainsi que la participation à la
importé par l’Office interprofessionnel de teurs qui alimentent la surenchère et font qui entoure la filière lait. En conséquence, production de lait en sachet de 25DA ne sera
lait (Onil), dont l’intervention vise à garantir pression sur l’Onil dans le but d’augmenter de nouvelles mesures sont prévues pour re- ouverte qu’à un nombre limité de laiteries
l’approvisionnement régulier du marché en leurs quotas de poudre tout en réfutant la définir les relations entre les transformateurs privées, en l’occurrence celles qui fourni-
matières premières pour le maintien du prix pénurie de la poudre. Dans tous les cas de fi- et l’Onil. Ainsi, dans la note sur la filière et ront des garanties que la poudre qui leur sera
du lait pasteurisé en sachet à 25 DA, tandis gure, les affirmations des pouvoirs publics, à au volet relatif à la protection de l’approvi- fournie par l’Onil à des prix subventionnés
que les transformateurs privés ont importé leur tête l’Onil, ne peuvent pas démentir les sionnement du marché en lait pasteurisé de sera utilisée exclusivement dans la fabrica-
durant l’année précédente un équivalent de perturbations que connaît depuis quelques 25 DA, le ministère de l’Agriculture prône tion du lait de 25DA. M. N.
1,3 milliard de litres sous forme de poudre semaines déjà l’approvisionnement du mar- une nouvelle stratégie à compter du mois de
ou de produits laitiers divers. Cependant, ché en lait pasteurisé de 25 DA, notamment janvier 2011. Il sera question de soumettre

Alors que les subventions agricoles sont en nette croissance


Les nouveaux
Le marché demeure étroitement dépendant indices de la filière
des importations lait
la faveur de la nouvelle stratégie que le ministère de secteur, est estimé à 10% du budget de l’Etat. Si l’on tient
A l’Agriculture compte mettre en œuvre dès janvier 2011
pour le renforcement de la régulation de la filière lait, le
compte de la filière laitière seulement, l’évolution de la pro-
duction agricole évolue à un rythme mitigé. En effet, l’année
* Consommation annuelle : 5 milliards de
litres
débat est relancé sur les subventions agricoles et leur impact 2009 a été caractérisée par une diminution conséquente des * Production locale (lait cru) : 2,5 milliards de
sur le développement de la production nationale. importations en produits laitiers en se stabilisant à quelque litres
Dans le sillage des mesures incitatives prévues pour l’en- 860 millions de dollars, soit un recul de près de 400 millions * Importations (poudre et produits laitiers) :
couragement de l’intégration de la production locale en de dollars par rapport à l’année d’avant où les importations 2,5 milliards de litres
substitution à la poudre importée, le ministère de tutelle en poudre de lait et autres produits dérivés ont dépassé le cap * Importations soutenues par l’Onil : 1,2
compte augmenter la subvention accordée aux laiteries à des 1,2 milliard de dollars. Mais, la facture des importations milliard de litres
l’intégration de 4DA/litre actuellement à 7,5 DA, une me- en produits laitiers s’apprête à enregistrer un nouveau rebon- * Importations effectuées par les privés : 1,3
sure qui est prise dans le but de «porter la couverture des dissement cette année 2010, selon les prévisions du minis- milliards de litres
besoins par la production locale de 50% à 75% à moyen tère de l’Agriculture, qui imputent cette hausse à la flambée * Couverture des besoins par la production
terme», est-il mentionné dans la feuille de route conçue par des cours sur le marché international. Cette évolution en locale : 50%
le département de l’agriculture. Les subventions allouées à dents de scie reflète aisément la vulnérabilité et les contras-
la filière lait à tous les niveaux l’année dernière ont atteint tes qui caractérisent le secteur agricole en dépit de toutes les (Source : Ministère de l’agriculture et du
les 12 milliards de dinars. Cependant, le volume global mesures qui ont été prises à cet effet. développement rural)
des subventions agricoles, selon le premier responsable du M. N.
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 VIE DE L’ENTREPRISE 7
Coopération et intelligence juridique
Un outil stratégique méconnu
des managers
ors d’une rencontre avec le Premier qui considèrent, pour leur part, qu’«avant coopération judiciaire et juridique solide semble, aujourd’hui, asymétrique voire

L ministre algérien, en marge de sa ré-


cente visite (17 et 18 octobre) à Alger,
Michèle Alliot-Marie, ministre française
de sécuriser l’environnement juridique pour
une meilleure présence de l’investissement
étranger, il faudrait d’abord penser à le fai-
et équitablement profitable. Ce concept
constitue, selon eux, le socle pour asseoir
un pouvoir juridique national surtout pour
chaotique. Et c’est pour mieux saisir ce
concept d’intelligence juridique que nous
avons approché l’un d’entre eux, Kamel
de la Justice, a évoqué le souci de visibi- re au sein des entreprises algériennes pour les entreprises. C’est à ce moment, poursui- Rahmaoui, docteur en sciences juridiques,
lité dont ont besoin les investisseurs de son qu’elles puissent se prémunir de tout risque vent-ils, que ces dernières seraient à l’abri diplômé d’universités suisse et italienne.
pays concernant l’environnement juridique qu’il soit d’origine interne ou externe». des risques juridiques pouvant être induits Ce juriste plaide pour le renforcement de
algérien. A ce titre, la garde des Sceaux a D’où le concept moderne de l’Intelligence par leur association à des partenaires étran- la coopération juridique et judiciaire tout
qualifié d’important « sa sécurisation pour juridique, jusque là méconnu des managers gers notamment. Aussi, l’IJ, ajoutent-ils, en mettant en garde contre l’importation
les entreprises qui s’installent en Algérie». algériens. A leurs yeux, l’IJ va permettre de leur permettra de cerner les contours d’un irréfléchie de systèmes judicaires interna-
Cette déclaration a suscité des réactions mieux comprendre les caractéristiques et environnement juridico-économique qui, tionaux. Pour lui, la souveraineté juridique
auprès de bon nombre de juristes nationaux les conséquences de la mise en place d’une toujours selon eux, loin d’être linéaire, doit être sauvegardée.

Kamel Rahmaoui. Docteur en sciences juridiques


«Il faut sauvegarder la souveraineté
juridique»
Propos recueillis Le concept d’intelligence ju- pose. Pour renforcer la position heureusement, beaucoup de nos
par ridique revient aujourd’hui concurrentielle de l’entreprise, managers.
N. Benouaret au-devant de la scène comme celle-ci doit obligatoirement
une nécessité urgente pour mettre en place une veille juri- La coopération juridique dans
la protection des intérêts de dique. C’est-à-dire un système le domaine judiciaire fait-elle
l’entreprise. De quoi s’agit-il de surveillance de l’environne- partie de cette préoccupation,
exactement, quelle relation ce ment juridique dans le but de l’intelligence juridique ?
concept entretient-il avec celui détecter à temps non seulement La coopération dans le domaine
de l’intelligence économique ? les contraintes et menaces mais judiciaire est très bénéfique, et
L’intelligence économique (IE) surtout les opportunités qu’of- nul ne peut ignorer cette réalité.
est une démarche multidiscipli- fre le droit. Cependant, toute considération
naire et transversale dont le but Dans une seconde étape, il politique écartée, il faut se mé-
PHOTO : D. R.

final est de garantir la pérennité convient de trier, analyser et fier de l’exportation des systè-
de l’entreprise dans un envi- Kamel Rahmaoui diffuser l’information juridi- mes judiciaires. Dans un monde
ronnement hyperconcurrentiel. que. L’étape la plus importante complètement envahi par la
L’intelligence juridique (IJ) est celle de l’exploitation de la globalisation économique, il
c’est la place que l’on accorde Cette approche moderne de publique bien que la gestion de norme juridique. Etre en mesure est normal que certains pays
au droit dans cette démarche l’intelligence juridique est- cette dernière ait connu une évo- de lire un texte juridique est la ou groupe de nations tentent
multidisciplinaire. L’approche elle appliquée dans nos entre- lution remarquable en faisant portée de tout le personnel, le d’exporter leur modèle judi-
traditionnelle considère que prises ? appel aux outils de gestion de plus important c’est de réfléchir ciaire. Ce qui leur assure une
toute activité économique s’ef- De nos jours, nombreuses sont l’entreprise. En Algérie, l’étape au sens du texte en vue de se protection de leurs intérêts non
fectue dans un environnement les entreprises qui continuent de la conformité des actions de soumettre à la norme juridique seulement économiques et po-
juridique auquel on ne peut à agir sans tenir compte de la l’entreprise à la norme juridique avec le moins de dégâts possi- litiques mais aussi et surtout
échapper. sphère juridique. Pour beaucoup n’a malheureusement pas été at- bles, l’affronter ou la contour- culturels, il faut sauvegarder sa
Toutes les activités économi- d’entre elles, notamment celles teinte encore. Un regard rapide ner. Vous comprendrez que la souveraineté juridique.
ques de l’entreprise devraient dont l’Etat est propriétaire, le sur le contentieux de l’entre- maîtrise du droit procure un
en principe s’exercer en confor- droit est une donnée exogène prise algérienne nous renseigne avantage concurrentiel certain Justement, pouvez-vous nous ci-
mité avec le droit. Dans cette qui contraint les actions des ma- sur le fossé qui la sépare encore sur les autres acteurs. ter un exemple concret d’expor-
approche, la question classique nagers. Le juriste est considéré à de l’approche moderne celle de tation de systèmes judiciaires ?
que se pose chaque manager est tort comme un élément qui em- l’intelligence juridique, laquelle Si on comprend bien ce que L’exemple qui attire l’attention
: «Ai-je le droit d’agir comme pêche les dirigeants de travailler. est appliquée et enseignée en vous dites, un autre regard en Algérie est celui de la dualité
ceci ?» Cette démarche tradi- L’entreprise ne fait que subir le Europe et souvent aux Etats- doit être porté à la fonction juridique que le pays d’origine
tionnelle est donc ponctuelle et droit et faire appel à l’avocat ou Unis d’Amérique. juridique dans l’entreprise ? tente d’exporter, alors qu’il est
réactive et se situe donc en aval au conseil juridique quand la si- Effectivement, une organisation contesté même en Europe et est
de toute décision prise par les tuation se complique avec pour D’après vous, comment peut- optimale de la fonction juridi- en parfaite contradiction avec
managers. mission de réussir l’impossible. on alors la mettre en place ? que dans l’entreprise s’impose, le principe de séparation des
Elle est souvent inefficace en Le recours au contentieux étant La mise en place d’une politique ce qui implique la responsabi- pouvoirs contrairement à ce que
matière de protection des inté- une perte de temps et d’argent de gestion des risques juridiques lisation de toutes les ressour- pensent beaucoup de juristes.
rêts de l’entreprise. Par contre, pour l’entreprise. La gestion se heurte en premier lieu à un ces et une sensibilisation des Dans une nation de droit, il ne
l’approche moderne place le des risques juridiques devient obstacle majeur, celui des mé- collaborateurs et salariés sur peut y avoir deux juges, l’un
droit en amont de toute décision donc une nécessité, le droit doit thodes à utiliser pour convaincre les risques juridiques inhérents pour l’administration (l’Etat) et
prise par les gestionnaires. être utilisé comme un moyen les managers techniciens dans à leur activité. Les managers l’autre pour les individus. C’est
Les défenseurs de cette ap- de protection des intérêts de leur ensemble, de l’importance poursuivis en justice pour abus une aberration. Les publicistes
proche sont conscients que l’entreprise dans ses relations vitale de l’intelligence juridique de biens sociaux de l’entreprise ont été les premiers à utiliser
l’entreprise en tant qu’acteur avec ses concurrents, ses clients pour la pérennité de l’entreprise, ou non dénonciation de délits l’intelligence juridique, la dua-
économique utilise dans sa vie et ses partenaires. L’entreprise bien que le droit soit devenu un ou crimes commis à l’intérieur lité juridique en est un exemple
quotidienne la règle juridique doit obligatoirement l’intégrer élément quotidien dans la vie de de l’entreprise sont nombreux. parfait. Personnellement, j’ai
qui lui est opposable même si dans sa stratégie et occuper le l’entreprise. Pourtant, dans l’esprit de ces toujours admiré le génie des ju-
elle ignore son existence. Si l’on terrain par la connaissance et Rien qu’à examiner les appels gestionnaires techniciens, ils ristes de la révolution française,
cherche la pérennité de l’entre- la domination juridique. Il est d’offres, on constate qu’ils sont n’ont commis aucune faute. mais si la dualité juridique est
prise, on doit absolument pré- déplorable de nos jours que des alourdis d’éléments juridiques. Car tout simplement, ils ont été nécessaire pour les débuts d’une
venir des risques juridiques qui entreprises publiques en Algérie Les dirigeants sont de plus en nommés comme managers sans révolution, elle n’est plus néces-
existent réellement. Il ne faut continuent à rattacher le service plus pursuivis en justice, la aucune formation sur les risques saire quand l’Etat se consolide.
pas perdre de vue que le prix du contentieux au département responsabilité de l’entreprise juridiques qu’ils encourent, ils La maintenir c’est aller à l’en-
des contraintes juridiques est de la comptabilité, ce qui n’a croit de plus en plus, et la sphère ignorent tout du droit. Il en est contre des droits des individus,
important, notamment s’il est aucun sens et témoigne de cette juridique s’élargit et se compli- de même pour les salariés. Le c’est perpétuer la suprématie de
accompagné de conséquences volonté de gérer l’entreprise que, car à côté des lois et règle- juridique n’est plus un poste l’Etat sur toute autre considéra-
médiatiques. comme on gère l’administration ments, une connaissance s’im- inutile comme le pensent, mal- tion. N. B.
8 DOSSIER El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

En raison de la migration des compétences locales


en Afrique
Environ 4 milliards de dollars dépensés
annuellement en expertise étrangère
Selon l’Organisation internationale pour les
migrations (OIM), alors que les départs se Apport des immigrés
chiffrent à 20 000 migrants par année depuis à l’économie
1990, l’Afrique fait appel chaque année à des française
spécialistes étrangers, dont le nombre peut
atteindre les 150 000, pour une dépense an-
Près de 18,5
nuelle de 4 milliards de dollars.
Graphe 1 : hiérarchisation du milliards d’euros
% des migrants africains dans
la migration totale de 16 pays de taxes sur la
Par es transferts de fonds vers l’Afrique d’accueil (source : Cread) consommation
Fella Midjek
L sont en hausse ces dernières années,
tandis que l’aide au développement
décline d’année en année, selon les diffé-
Les ménages immigrés ont versé
près de 18,5 milliards d’euros de
rentes études exploitées par les experts. taxes sur la consommation, indique
Toutefois, ce qui inquiète les pays d’origine l’économiste Xavier Chojnicki,
des migrants est le nombre de compéten- source, «dans 25 ans, l’Afrique se sera stable entre 1990 et 2010, avec un taux de maître de conférences à l’université
ces qui quittent les pays notamment en vidée de ses cerveaux». 46% de l’ensemble des migrants. Pour lui, Lille 2, cité dans le dernier numéro
Afrique et plus particulièrement l’Algérie. d’une manière générale, la part des mi- du mensuel Capital qui consacre un
Selon des données récentes recoupées par BESOIN DE 1,6 MILLION DE MIGRANTS grants en rapport avec la population africai- dossier spécial à l’apport des
l’économiste et membre de la diaspora PAR AN DANS 15 PAYS DE L’UE ne est en baisse régulière. Elle est passée de étrangers à l’économie française.
algérienne à l’étranger, impliqués dans dif- L’Europe des quinze a eu besoin de 550 000 3,3% en 1990 à 2,1% en 2010. La tendance En matière de fiscalité, les foyers
férents réseaux comme Maghtech dans le travailleurs et professionnels étrangers par est vers une progression de la migration à immigrés paieraient 16 milliards
Maghreb et Globelix dans monde, ils sont an jusqu’en 2010, ensuite 1,6 million entre l’intérieur du continent, pour de multiples d’impôts à l’Etat et aux
1 655 863 compétences immatriculées au 2010 et 2050, ce qui représente 16,8% du raisons dont le durcissement des mesures collectivités. Ces familles
niveau des ambassades algériennes, dont total de la population de l’Union euro- en Europe avec l’option de «l’immigration contribuent aux finances
1 335 109 personnes résidentes en France péenne. Les scénarios en termes de besoins choisie» tant prônée par certains Etats publiques, selon Capital pour qui
seulement. fixent le nombre d’immigrés nécessaires européens. Ils sont 19 millions recensés en un calcul de Xavier Chojnicki
Elle est suivie du reste de l’Europe où entre 47 millions d’immigrants pour l’Eu- 2010 dont 82% sont africains et 18% vien- démontre qu’elles ont payé en
vivent 179 924 et l’Amérique avec 69 200 rope des quinze entre 2000 et 2050, à 674 nent d’autres continents alors qu’ils étaient 2005 près de sept milliards d’euros
Algériens. Citant Abey Makonnen, repré- millions. L’Afrique constitue un réservoir 17,6 millions en 2005. Dans le monde, le sur les revenus, 2,5 milliards en
sentant régional de l’OIM, cet économiste de main-d’œuvre et de compétences pour stock de migrants africains s’élèvera à 22,5 impôts locaux et 6,2 milliards
indique que la tranche d’âge de 15/65 ans l’Occident, les migrants sont estimés à 22 millions répartis sur les différents continent d’autres impôts sociaux (CSG-
de la population d’Europe occidentale millions sur une population africaine de comme suit : 53% en Afrique même, 29% CRDS). Des milliers de start-up font
devrait en principe décroître de 259,4 mil- plus d’un milliard de personnes en 2010, en Europe, dont 13% en France, 13% en gagner de l’argent à ce pays comme
lions en 2000 à 237,3 millions en 2025 et signale Mohamed Saïb Musette, sociolo- Asie dont 7,2% en Arabie Saoudite et la filière halal qui pèse 6 milliards
162,8 millions en 2050, soit une diminu- gue et membre du Cread qui relève que la seulement 5% en Amérique du Nord. (voir d’euros et progresse de 10% par an.
tion de 37,2 %. Conclusion, selon la même part de femmes est restée plus ou moins graphe 1). F. M. Paradoxalement, selon Capital,
l’immigration «coûte» à la France
cinq milliards d’euros pour le
chômage, 2,6 milliards d’aides au
Selon le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) logement et 316 millions pour les
demandeurs d’asile. Mais en

Plus de transferts d’argent, moins d’aide établissant un rapport entre le


montant annuel des contributions
de l’immigration (+ 60,3 milliards

au développement en Afrique d’euros) et le montant annuel des


transferts (-47,9 milliards d’euros).
S’appuyant sur une enquête
réalisée par des économistes de
l’université de Lille, Capital fait
Intérêt ressortir un solde de +12,4 millions
grandissant des d’euros. Enfin, selon une
classification de l’origine des
envois d’argent en immigrés entrés en 2007 en France,
51.890 sont issus du Maghreb, dont
Algérie 24.041 Algériens, 19.017 Marocains
et 8.832 Tunisiens. F. M.
Graphe 2 : les
L’Algérie commence à considérer pays africains
les envois d’argent comme un captent plus de des transferts de fonds. L’Algérie,
vecteur intéressant, mais 50% de leurs où 95% des transferts sont payés
davantage d’un point de vue transferts de par les bureaux de poste, pour-
politique que sous l’angle l’Afrique même. rait être un modèle pour d’autres
financier, selon le rapport du FIDA. (Source : Cread) pays africains. Eparpillés aux 4
Pourtant le pays demeure l’un des
coins du monde, les migrants se
pays recevant le plus de ressources
solidarisent en tentant d’investir
à l’échelle du continent africain.
ensemble et de mieux organiser
Elle dispose d’une expérience
cette manne financière du trans-
intéressante en termes de es transferts de fonds vers Toutefois, les lois restrictives et voyer de l’argent en Afrique reste fert d’argent pour permettre un
mobilisation de l’épargne (bien
qu’elle semble avoir été
abandonnée dès les années 1980),
selon la même source. L’enjeu est
L l’Afrique sont en hausse ces
dernières années, tandis que
l’aide au développement décline
les commissions élevées empê-
chent ces transferts de fonds de
faire sortir les populations de la
excessivement cher. En effet, les
coûts de transfert vers l’Afrique
peuvent atteindre 25% de la som-
plus grand impact sur la réduction
de la pauvreté, préconise-t-on.
Néanmoins, un nouveau phéno-
d’année en année, selon le rapport pauvreté. Chiffré à plus de 300 me envoyée. mène est apparu depuis quelques
donc de sensibiliser les acteurs du Fonds international pour le milliards de dollars américains par Le rapport du FIDA met en évi- années dans le transfert de fonds
financiers sur l’importance de ces développement agricole (FIDA) an, le montant des transferts de dence, comment de nouvelles en Afrique même puisque les pays
flux dans un double processus de 2009. Reposant, sur l’agence fonds dépasse les investissements technologies comme les télépho- captent plus de 50% des transferts,
d’assèchement du change informel des Nations unies, qui s’occupe de directs étrangers et l’aide au dé- nes portables et l’infrastructure comme l’a mis en évidence le so-
de devises et de bancarisation, la pauvreté rurale, les travailleurs veloppement réunis. Cependant, existante, notamment les bureaux ciologue algérien Mohamed Saïb
notamment en zones rurales, africains envoient plus de 40 mil- alors que les coûts de transfert de poste ou les petits points de Musette, lui-même issue de cette
recommande le FIDA. F. M. liards de dollars américains vers ont remarquablement diminué en vente pourraient énormément migration intra-africaine. (Voir
leur pays d’origine chaque année. Amérique latine et en Asie, en- augmenter la portée de services graphe 2). F. M.
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 DOSSIER 9
A travers les canaux informels
Des transferts inquantifiables
d’argent, de biens et marchandises
La migration irrégulière, indispensable au marché du tra-
vail dans l’Union européenne, transfert de l’argent, des Michella Pellicani
biens et des marchandises vers les pays d’origine des mi-
grants à travers des canaux informels qui échappent au
contrôle, donc les chiffres sont loin de la réalité, explique,
dans cet entretien accordé à El Watan Economie, Michella
Pellicani, professeur de démographie à l’université de
Bari en Italie, en sciences politiques au département pour
l’étude de sociétés méditerranéennes.

Propos recueillis Pensez-vous que le phénomène de migration irrégulière


par pourrait être maitrisé par les Etats ?
Fella Midjek Pour le bloquer à travers le contrôle, non ! On ne pourra
jamais bloquer la migration dans le monde. Sinon il faudra
des moyens financiers énormes pour mettre en place un
contrôle efficace. Par ailleurs, l’Europe ne veut pas mettre
fin à l’immigration, car elle a besoin des migrants comme
main-d’œuvre pour faire tourner la machine économique
en se reposant sur «l’immigration choisie». Il s’agit d’une
forte ressource en capital humain, donc en capital éco-
nomique. Ces pays européens ont même besoin de main
d’œuvre non qualifiée pour répondre à celui du marché
du travail, car les autochtones ne veulent plus exercer
certains métiers comme l’agriculture en Italie, le domaine
de la construction, l’assistance aux personnes, etc. Il faut
signaler que l’UE est déficitaire en matière de politique
migratoire commune. Il existe Frantex, l’agence chargée
du contrôle de l’immigration et un pacte européen auquel
ont adhéré les pays membres, mais il reste la mise en place
concrète de ses dispositions avant la fin de l’année, soit au
24 décembre 2010, mais il n’y a pas consensus autour de

PHOTO : SAMI K.
la question.

Comment s’organisent les transferts d’argent à partir


d’Italie ?
Si on s’intéresse à la structure de la migration par sexe, la
proportion des femmes en situation irrégulière interceptées si on voit le phénomène comporte des implications politi- intensifiés dans les deux premières régions. La Sardaigne
et expulsées était pratiquement nulle, parmi les popula- ques, économiques et sociales. Ce qui alimente en réalité a connu une augmentation en peu de temps en passant de
tions venues du sous-continent indien, l’Afrique et l’Asie le contingent d’irréguliers en Italie est les migrants qui ar- 0 à 100 puis à 1 000 débarquements. Même si les chiffres
à moindre proportion. La seule exception pour l’Afrique rivent par d’autres frontières terrestres et, chose étonnante, sont faibles, l’augmentation est très importante. De plus
est le Nigeria d’où beaucoup de femmes sont amenées les frontières aériennes. La proportion des migrants irrégu- la Sardaigne est alimentée à partir de l’Algérie, alors que
en Italie pour alimenter des réseaux de prostitution. Par liers passant par les aéroports, les «over states» augmente. la Sicile c’était à partir de la Tunisie et de la Libye. Ce qui
contre, des proportions de 50 à 60% des femmes émigrées Plus de la moitié des irréguliers sont des émigrés ayant eu serait judicieux de faire est de suivre ce phénomène dans
interceptées aux frontières sont originaires des Balkans des permis de séjours de durées limitées qui ont expiré. le temps. Car cela rentre dans les modifications des straté-
et des pays d’Europe de l’Est, y compris la Russie. Ces Une marginale proportion est alimentée par les débarque- gies de ceux qui organisent ce type de trafic criminel pour
femmes lorsqu’elles réussissent à s’installer, elles font des ments par la mer. échapper aux contrôles.
allers et retours entre l’Italie et le pays d’origine où la fa-
mille est restée. Donc, ces femmes transfèrent énormément Est-ce que le phénomène est propre à l’Italie ou concer- L’Algérie constitue-t-elle un réservoir vers la Sardaigne
d’argent à travers les canaux informels. Il est donc impos- ne d’autres pays de l’Union européenne ? ou est-elle un pays de transit pour les migrants ?
sible de quantifier les sommes transférées. Cependant, En Irlande, par exemple, il n’est pas évident d’arriver par Si on parle des irréguliers toutes catégories confondues,
les transferts de biens et de marchandises, qui ne sont pas petits bateaux, mais ce phénomène dit «over states» est l’Algérie n’est pas particulièrement concernée. Concer-
quantifiés, ne sont pas enregistrés comme c’est le cas pour présent dans plusieurs, mais différemment. Ce phénomène nant les irréguliers interceptés par la police, dont la pro-
les Marocains. Personnellement, lorsque je me suis intéres- n’est pas médiatisé. Un autre aspect intéressant sur les portion risque de ne pas être représentative sur le global
sée à la question de transferts de fonds, je me suis rendue débarquements, il est intéressant de suivre l’évolution de la des irréguliers, il existe trois pays d’origine dominants :
compte que les chiffres ne reflètent pas la réalité et même migration autour de la Sardaigne qui ne connaissait aucun Roumanie, Albanie et le Maroc. Les Roumains, en 2006,
les hypothèses dans ces cas-là sont hasardeuses. débarquement, y a quelques années. Les régions touchées disparaissaient enfin du compte, car leur pays est entré
par cette migration sont Le Pouilles jusqu’en 2000, et à dans la Communauté européenne. En Italie, ils n’ont plus
Que ressort-il des résultats d’enquêtes que vous avez partir de 2002, il y a eu la Sicile qui a pris le relais. Entre les besoin de permis de séjour contrairement à la France où ils
eues à mener sur le phénomène de migration ? deux, il y a eu une période de transition, comme la Calabre sont soumis à une période de transition, acceptée par l’UE
En Italie, on met beaucoup l’accent sur la migration, car qui a constitué une destination lorsque les contrôles se sont puisque elle est limitée.

Flux financiers formels vers les pays en développement en 2009


316 milliards de dollars pour la consommation
Les transferts d’argent des migrants vers développement ont représenté 316 envois d’argent formels effectués par les seulement, s’élèveraient à environ 8
leurs pays d’origine représentent des flux milliards de dollars en 2009. migrants depuis la France ont été estimés milliards d’euros vers l’Afrique.
financiers d’importance pour les pays en Consacrés essentiellement aux dépenses par la Banque de France - sur la base des Il s’agit souvent de petites sommes 200 à
développement, atteignant souvent des d’éducation, de santé, de consommation données de la balance des paiements - à 300 euros en moyenne transférées de
pourcentages conséquents du produit courante, ils jouent un rôle essentiel dans environ 3,4 milliards d’euros en 2008. façon régulière.
intérieur brut mais sont essentiellement la réduction de la pauvreté et représentent Ces estimations ne prennent pas en Avec la crise de 2008, ces flux ont
destinés à la consommation, indique la un enjeu majeur du financement du compte les envois effectués via des cependant nettement diminué puisque,
Banque mondiale. Selon ses dernières développement aux côtés de l’aide opérateurs privés ni les envois par canaux selon les prévisions de la Banque
estimations (juillet 2009), «les transferts publique au développement mondial informels. On estime ainsi que les mondiale, l’année 2009 a été marquée par
des migrants vers les pays en (119,6 milliards de dollars en 2008)». Les transferts effectués à partir de la France, une baisse de 7,3% des transferts. F. M.
10 DOSSIER El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

Des investissements directs étrangers mal régulés


Un tremplin à la migration
des compétences
L’ajustement structurel des années 1980, im- Combien compte-t-on de compétences
algériennes à l’étranger ?
posé par la Banque mondiale et le Fonds mo- Abdelkader Djeflat C’est le chiffre le plus complexe et le plus
nétaire international (FMI), a poussé de nom- controversé, car il existe plusieurs sources
breux candidats à la migration à échapper au avec différents chiffres.
A titre indicatif, 70%, soit 7 000 médecins
chômage en Algérie et dans d’autres pays sur les 10 000 établis en île de France (Paris
d’Afrique. Des années plus tard, les investisse- et ses environs), sont d’origine algérienne,
ments directs étrangers (IDE) ont constitué un selon la chambre de commerce de Paris.
Il en est de même pour les entrepreneurs
raccourci pour l’expatriement des compéten- avec plus 100 000 à 120 000 sont algériens.
ces en l’absence d’un environnement favora- Ces chiffres datent de huit ans. Le cas des
ble pour les maintenir, comme l’explique dans universitaires, dont les enseignants, est le
pire, car le départ de ces derniers ne permet
cet entretien Abdelkader Djeflat, coordonna- pas de reproduire le socle sur lequel repose
teur du réseau Maghtech et membre de Glo- le développement à savoir le capital hu-
belix, professeur d’économie à l’université de main qui est fragilisé.
Lille et membre du Cread (Centre de recher- Est-ce que la migration des compétences
che en économie appliquée au développe- est à l’origine des dépenses faramineuses
ment), qui propose la mobilité des compéten- en formation continue ?
La théorie économique nous a enseigné
ces entre pays d’origine et pays d’accueil pour que le sous-développement est un cercle
les rentabiliser économiquement. vicieux : moins de développement, moins
d’épargne, moins de capitaux, moins d’in-
vestissement et moins de développement et

PHOTO : SAMI K.
ainsi de suite.
Propos recueillis Comment peut-on définir la migration ?
L’idée est de passer au cercle vertueux.
par La migration est un mouvement de po-
Comment peut-on appliquer ce schéma à la
Fella Midjek pulations du pays d’origine vers un pays
diaspora. Les compétences s’en vont parce
d’accueil pour un objectif économique au
que l’environnement n’est pas adéquat :
départ. Toutes les migrations sont mues par
le salaire et les conditions ne sont pas de
l’économique. De plus en plus ce mouve-
niveau donc pas de reproduction de compé-
ment a pris de l’ampleur avec la répartition
tences ou mal formés sans améliorer l’en-
inégale sur le plan économique et accès aux
vironnement qui se dégrade de nouveau et
richesses dans le monde. De plus en plus, la
cela continue.
tendance est d’aller des zones déshéritées
et défavorisées vers les zones nanties. Entre
Que faut-il faire donc pour briser ce
250 et 300 millions de personnes qui, pour
cercle?
des raisons économiques, vivent à l’ex-
Les mêmes choses, qui ont fait fuir les
térieur de chez eux à travers le monde. Il possibilités : le secteur informel qui lui a pement local sauf s’il existe des arrange- compétences, devront se transformer en
s’agit d’un quart du milliard de personnes. ses limites et la migration. ments et des mesures de stabilisation de ces incitations. Les flux de migrations conti-
Le phénomène n’est pas anodin ! En Algérie, un demi-million, soit entre compétences localement. C’est a posteriori nuent contrairement à ce qu’on peut penser.
Chaque fois qu’il y a décalage des niveaux 400 000 et 500 000 personnes, a été mis au qu’on s’est aperçu que ces IDE n’ont pas Il faut une forme de prise en charge de leurs
de développement, il y a un mouvement chômage. Le taux démographique a amené pour effet de stabiliser, mais de pomper les problèmes de niveau de vie, de conditions
migratoire où les gens vont à la recher- aussi une masse de jeunes diplômés ou compétences. Il ne faut pas perdre l’aspect de mobilité : partir quand ils veulent dans
che de moyens de subsistance et de vie non, demandeurs d’emploi. psychologique de l’être, puisque chacun a un laboratoire et faire valoir leurs expérien-
meilleure dans d’autres pays. Cela se passe des prétentions à se confronter au marché ces et revenir quand ils le désirent. L’autre
à l’intérieur même d’un continent. Parmi les 500 000 chômeurs, y avait-il international. condition est le salaire en termes de coût de
des compétences ? vie, pas simplement nominal. Il s’agit, pour
Les flux de capitaux sont-ils le seul fac- Bine sûr, forcément ! C’est le cas de plu- Y aurait-il une étude sur les retombées lui, de couvrir ses besoins de vie mais aussi
teur qui attire les migrants ? sieurs pays d’Afrique. L’ajustement struc- économiques dans les pays d’origine ? ses besoins supplémentaires que néces-
Quand ils sont réinvestis dans le développe- turel est lié au désengagement de l’Etat C’est une étude qui reste à faire. Pour site sa fonction de chercheur : l’accès aux
ment du pays, oui ! Mais ne suffisent pas. Il qui devait se retirer de plusieurs activités l’heure, nous avons attiré l’attention sur le ouvrages, sa mobilité, la recherche…etc.
faut aussi des compétences qui prennent en pour les privatiser progressivement en les danger de signer un chèque à blanc en ma- Dans le réseau Maghtech, nous avons
charge ces investissements même en main- ouvrants au capital privé. Celui-ci n’a pas tière d’IDE. Par contre, les études réalisées créé les conditions d’accueillir entre 20 à
d’œuvre non qualifiée. A titre d’exemple, forcément pris la relève pour des raisons au plan des retombées de formation des 30 chercheurs en économie des cinq pays
l’industrie textile et les mines en France, multiples, institutionnelles, culturelles, so- capacités nationales en termes de savoir, maghrébins dont les trois quarts sont algé-
selon le modèle sud-nord. Actuellement, ciales et économiques. Les licenciements sciences et technologies ont donné très riens. Aucun de ces chercheurs n’a émigré
c’est le modèle Sud-Sud, en Afrique du ont touché tous les domaines. Résultat : de peu d’impact car les recrutements locaux en 13 ans. Les Etats ne sont pas impliqués
Sud, qui se développe avec ses plans d’in- nombreux candidats à l’émigration. La ca- concernent des compétences pour l’exé- dans ce programme. Si cela venait à se
vestissement. C’est un pays émergent qui tégorie la plus sensible est celle des compé- cution. faire, nous accueillerons deux fois plus de
attire des flux de toute l’Afrique australe, tences puisqu’elles n’auront pas l’occasion Les IDE n’ont jamais voulu de délocaliser chercheurs. La mobilité crée la stabilité des
centrale et de l’Ouest. de former la relève localement. Ajouter des fonctions sensibles ou de recherche compétences et il est possible de récupérer
à cela, le taux de croissance économique et développement (R&D) (…) Le pire est même ceux qui ont émigré depuis long-
Est-ce que les gros investissements sont durable dans les pays avancés nécessitait que les pays du Sud sont en concurrence temps avec des qualifications supérieures.
suffisants pour inverser la tendance un apport en compétences des pays du en matière d’IDE. Au niveau des Nations
migration Sud-Nord en migration entre Sud. Cette fameuse chasse aux cerveaux et unies, un organisme l’UNCTC a été créé Qu’en est-il pour les ouvriers qualifiés
pays du Sud ? qu’on a appelé «émigration choisie». pour moraliser l’investissement direct et ou non qualifiés ?
Non, le phénomène est complexe. Malheu- les firmes multinationales dans leurs acti- Les différents chocs ont eu des conséquen-
reusement, des pays forts de leurs matières Justement, est-ce que les investissements vités dans les pays du Sud. Cet organisme ces négatives. La machine économique
premières minérales ou végétales, car on directs étrangers (IDE) ne constituent a été dissout après dix années d’existence. est tombée en panne depuis la chute de
peu intégrer le cacao, le coton et l’arachide pas un tremplin à l’expatriement des Ainsi, les mesures les plus attractives et la l’investissement public dans les années
sont pourtant source de migration. L’autre compétences locales ? folie des codes d’investissement les plus 80. Le déficit cumulé annuellement est
élément est le recul de certains pays sur Totalement, les IDE sont supposés faire libéraux ont été mises en place en déroulant de 3,1% voire 3,2% de taux de croissance
l’échelle de développement parce que le de la mise à niveau. Mais en absence de le tapis rouge aux IDE ainsi les transferts en 10 ans qu’il faudra chiffrer en terme
problème de l’endettement excessif relatif politique de régulation de la part des auto- des bénéfices étaient phénoménaux par le d’emploi avec l’arrivée de 300 000 à 400
à de mauvaises politiques ayant mis en rités publiques qui veillent au grain, car dès biais du système des prix de cession. Une 000 nouveaux demandeurs minimum par
place des systèmes d’ajustement structurel qu’on parle d’IDE, on se situe dans une partie de la plus value se faisait en douce, an. Il faudra atteindre une croissance an-
imposés par la Banque mondiale et le fonds stratégie mondialisée du capital. car il y avait un décalage entre le prix nuelle de 9%. L’Algérie a les moyens, car
monétaire international (FMI). Ces mo- Donc, la mobilité des compétences est de dans le pays d’origine et celui dans le pays la contrainte financière est élevée mais cela
dèles d’ajustement structurel ont détérioré mise, vu leur niveau d’excellence. Elles d’accueil. Tous ces éléments défavorisent ne suffit pas, car il faudra réunir capital,
le marché de l’emploi. Des licenciements deviennent ainsi une ressource précieuse la création de l’emploi et de créer un envi- plus savoir, plus connaissances, comme
massifs s’en ont suivi notamment dans le de production de richesse et de compétiti- ronnement propice à toutes les catégories ont fait les Indiens et les Coréens. Ce qui
secteur public, sans prise en charge à la vité. C’est la Corporate Strategy (stratégie socioprofessionnelles et donc cela favorise freinera la migration. F. M.
hauteur, donnant ainsi des candidats à deux globale) qui prend le dessus sur le dévelop- la migration.
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 DOSSIER 11
Marjolein Veldman. Chef de projet de la fondation
Morokko Fonds
«La diaspora marocaine transfère annuellement
4 milliards de dollars vers son pays»
Même si les transferts de fonds vers le pays d’origine «ne
Les migrants marocains, une
sont pas la clé à la croissance et ne sont pas la réponse fi- source de rentrée de devises
nale à la réduction de la pauvreté au Maroc», il n’en de- pour le pays
meure pas moins que l’apport de la diaspora marocaine
est substantielle, a estimé Mme Marjolein Veldman.

Propos recueillis Vous avez participé au symposium international «Quel-


par le migration pour quel développement en Afrique» où
Hacène Ouali vous avez présenté l’expérience de votre fondation et
le transfert de fonds de la diaspora marocaine établie
en Hollande à son pays d’origine. Comment s’organise
justement cette opération ?
La Hollande constitue un des principaux pays de résidence
pour la diaspora marocaine en Europe. Parmi les 349 000
Marocains résidant en Hollande, le nombre de personnes
de la deuxième génération a déjà dépassé la première.
C’est celle-ci qui intéresse notre ONG qui est la plateforme
pour toute initiative de développement vers le Maroc tout
en ciblant les jeunes Marocains.
En plus des traditionnels envois de fonds qui sont essen-
tiellement destiné à la famille restée au pays, la deuxième
génération développe d’autres modes de solidarité en
investissant de l’argent, du temps et des connaissances spé-
cifiques. Hormis notre intérêt pour des activités à accroître
le potentiel des transferts de fonds, on voit notre rôle sur-
tout dans la sensibilisation des jeunes Marocains qui ont
un intérêt à contribuer aux projets de développement au
Maroc. Nous avons par exemple un fonds de financement

PHOTO : D. R.
qui permet aux particuliers et aux associations de migrants
marocains d’obtenir une subvention pour réaliser un projet
de développement à petite échelle au Maroc. Ils y inves-
tissent avec leur propre argent et leur savoir-faire, notre
subvention n’étant qu’un moyen financier supplémentaire. influencent la croissance par des canaux indirects, tels que la solidarité de la diaspora marocaine, nos activités se
On organise des rencontres pour qu’ils échangent leurs ex- les investissements, le défi est d’exploiter le potentiel de concentrent sur la mobilisation de la diaspora marocaine
périences et encouragent d’autres personnes pour monter ces transferts à travers ces canaux. à s’impliquer dans le développement social, culturel et
des projets. économique du pays.
Comment le gouvernement marocain accompagne-t-il Surtout les dernières années, on observe une évolution
Quelle est l’importance de l’aide de la diaspora maro- l’aide de sa diaspora ? sensible d’autres modes de solidarités. Lorsque les jeu-
caine basée en Hollande et dans le monde à son pays Le gouvernement marocain s’intéresse déjà depuis plu- nes générations visitent le Maroc pendant leurs vacances
d’origine ? Elle s’élève à combien annuellement ? sieurs années à sa diaspora. Cela se manifeste à travers la d’été, elles découvrent souvent une réalité bien différente
En termes de chiffres, les estimations des transferts de création de différentes structures pour la «gestion de la et beaucoup plus dure que celle qu’elles connaissent en
fonds de la diaspora marocaine en Hollande s’élève entre migration». Hollande. L’inégalité, le retard du développement, la posi-
93 et 132 millions d’euros. Déjà en 1990, un ministère des Marocains résidant à tion de la femme ou encore la situation des handicapés les
A l’échelle mondiale, le montant de ces transferts pour l’étranger (MRE) a été créé. La fondation Hassan II, créée interpelle à agir.
l’ensemble des migrants marocains se chiffre à environ 4 dans la même année, informe et soutient des migrants pour Notre organisation leur fournit une plateforme par laquelle
milliards de dollars. Ces transferts constituent environ 10% investir dans leurs pays d’origine. En plus, la fondation ils mettent sur pied des projets de développement. Nous
du PIB et sont essentiellement transféré dans trois régions Mohammed V se charge des migrants de retour pendant menons également un travail de recueillement de fonds
au Maroc : le Rif, la région de Sous près de Agadir et le les vacances d’été. Ces institutions s’inscrivent dans une divers et constituons un maillon important entre des do-
Haut Atlas. politique active d’encourager les migrants marocains à nateurs et des organisations caritatives au Maroc. Grâce à
Ces envois de fonds permettent de soulager les problèmes s’impliquer dans le développement culturel, social et éco- nos donateurs, majoritairement des jeunes Marocains âgés
de pauvreté les plus aigus dans les familles et donnent à nomique du pays. Cela peut parmi d’autres raisons expli- entre 16 et 35 ans, nous avons pu financer 12 projets de
celles-ci une petite bouffée d’oxygène. Selon une enquête quer l’accroissement des transferts de fonds depuis 2002. développement au Maroc.
de la Banque africaine de développement (BAD) sur 400 Un phénomène plus récent est l’intérêt particulier à attirer Les partenariats avec des bailleurs de fonds nationaux
ménages au Maroc, la majorité des récepteurs est un grou- des MRE experts avec l’objectif de les impliquer dans le sont également importants qui permettent de monter des
pe vulnérable, dont 34% ne sont pas employés et presque processus de développement. Ceci non seulement du côté programmes de plus grande envergure. Par exemple notre
20% sont étudiants. du gouvernement marocain, mais aussi du côté des pays de programme Matra, financé par le gouvernement hollandais
Les transferts couvrent environ 50% du revenu total des destination, comme la Hollande où plusieurs organisations dont Marokko Fonds, est responsable pour un trajet de for-
ménages qui reçoivent ces transferts. Néanmoins, les opi- exécutent des projets de la mobilisation de la diaspora. mation en renforcement des capacités des associations des
nions sont partagées quant à leur impact à l’echelle macro- Nous-mêmes sommes dans une phase de construction de sourds et malentendants au Maroc.
économique. Dans une étude quantitative récente que nous partenariat néerlando-marocain pour un projet de migra- Nous l’exécutons avec une association marocaine AMES
avons menée sur les transferts de fonds, on démontre que tion circulaire où 60 Marocains experts mettent leur exper- (Association marocaine pour enfants sourds du Maroc),
même si le flux total des transferts de fonds au Maroc est tise à l’œuvre dans des structures non profit au Maroc. Ce une organisation hollandaise spécialisée dans le domaine
relativement large, il n’encourage pas pour autant la crois- que nous faisons déjà c’est un consulting pour des étudiants de la scolarisation des sourds et l’accompagnement au tra-
sance comme on peut l’attendre. Un doublement de la part en cycle supérieur de faire des stages au Maroc. vail où un employé marocain investit son savoir-faire dans
du PIB des transferts mènerait à une croissance de revenu ce programme.
par capital de 0,2%. Les transferts ne sont donc pas la clé à Est-ce que l’opération se limite seulement au transfert Du contact interculturel émerge des nouvelles idées et
la croissance et ne sont pas la réponse finale à la réduction de fonds ou se décline-t-elle sous d’autres formes ? des développements. L’histoire de la Hollande en est une
de la pauvreté au Maroc. Etant donné que les transferts Les transferts de fonds n’étant qu’une seule forme de parfaite illustration : déjà au XVIIe siècle, l’Age d’Or
hollandais, la croissance économique phénoménale et la
floraison culturelle était attribué à la migration accrue de
cette époque.
A propos du Fonds Maroc Malheureusement, nous assistons actuellement à une
mouvance politique qui défavorise la migration. Là où on
devrait activer sur une politique active de migration circu-
La fondation Fonds Maroc (Stichting coopération internationale et le cours de l’année dans laquelle le laire et une politique qui attire des migrants pour renforcer
Marokko Fonds) est une organisation développement durable aux Pays-Bas. Maroc et les Pays-Bas fêtaient les 400 notre économie, une politique de «migration de retour
indépendante néerlandaise qui a été L’idée d’un certain nombre de ans de leurs relations mutuelles. Le permanent» a été proliféré par un parti politique hollandais
créée en octobre 2005 avec le soutien Marocains néerlandais de créer le Fonds Maroc offre une aide structurelle qui est sorti grand gagnant lors des dernières élections lé-
de la Commission nationale pour la Fonds Maroc a ainsi été concrétisée au au développement du Maroc. gislatives. H. O.
12 LES DÉBATS DE L’HEURE El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

Accès aux hautes fonctions de l’Etat et des entreprises


Les femmes cadres algériennes
victimes de discrimination
A des conditions de diplôme et de compétences
égales et, souvent même, supérieures à celles des
hommes, les femmes cadres ont assurément
beaucoup moins de chances d’accéder aux fonctions
supérieures de l’Etat, des entreprises publiques et
des universités. La sous-représentation féminine au
plus haut des hiérarchies politiques, administratives
et managériales est largement confirmée par les
constats déjà établis par le Cread et l’Association des
femmes cadres algériennes et largement corroborée,
par Djamila Fernane, post-graduante en
management à l’université de Tizi Ouzou qui décrit,
avec force détails les difficultés auxquelles sont
confrontées les postulantes aux hautes fonctions
d’encadrement de nos universités, en raison d’un
mode de sélection discriminatoire fait par les
hommes et seulement pour les hommes. Le constat
est si grave qu’une disposition visant à corriger cette
injustice faite aux femmes a été introduite dans
notre Constitution à l’occasion de sa dernière
révision. Reste à savoir si, au regard des pesanteurs
idéologiques qui persistent et, parfois même,
s’exacerbent, nos gouvernants s’empresseront de
l’appliquer ?

Par ’association des femmes cadres al-


Nordine Grim
L gériennes relevait, dans un de ses
constats toujours brûlants d’actualité,
que les universitaires algériennes étaient
Les femmes cadres

PHOTO : D. R.
peinent à gravir les
victimes d’une discrimination quasi struc-
échelons
turelle, les empêchant d’accéder aux hautes
charges électives ainsi qu’aux fonctions
supérieures de l’Etat, des institutions et des
entreprises publiques. les collectivités locales. Pour ce qui est de 6 femmes sont présidentes de sections. Au missaires et 388 officiers de police à la
Au plan politique, on constate qu’une seule la participation des femmes aux hautes Conseil d’Etat, elles sont 20 sur 49, soit date où fut réalisée l’enquête (2006). Pour
femme dirige un parti politique. S’agissant fonctions de l’Etat (ministres, walis, etc.), 41%. Environ 30 femmes président des ce qui, enfin, de l’accès des femmes aux
de leur accès aux mandats électifs, l’As- le constat n’est également pas reluisant. tribunaux, 83 femmes sont juges d’ins- hauts postes de décision au sein des entre-
sociation relève que depuis les élections Leur participation au gouvernement re- truction. prises économiques, le comptage a buté sur
législatives et communales de 2002, seules monte à 1980, date à laquelle deux femmes Depuis 1999, un certain nombre de fem- l’absence de données relatives à l’encadre-
31 ont accédé au Parlement (27 à l’Assem- avaient accédé aux postes de ministre. De- mes ont été nommées à des postes de ment féminin, mais l’association a, tout de
blée populaire nationale qui est la Chambre puis, leur nombre n’oscille qu’entre 2 et 5. chargées de mission et de conseillères à la même, pu constater qu’au niveau du sec-
basse et quatre au Conseil de la nation ou Elles ne sont plus que trois aujourd’hui. présidence de la République. teur bancaire, des femmes cadres marquent
Sénat). Une femme avait même été nommée se- de plus en plus leur présence.
Soit, à peine, 6% des élus. Au niveau UN PARCOURS SEMÉ D’EMBÛCHES crétaire générale d’un ministère en 2002. Mais malgré un niveau scolaire élevé
des Assemblées populaires locales (APW Les femmes occupant des fonctions supé- Deux femmes sont chefs de cabinet au sein (31% ont un niveau universitaire), l’amère
-APC), la même sous-représentation est rieures de l’Etat représentent environ 6% de ministères. réalité est que très peu d’entre elles ont eu
constatée (environ 5%). Sur 6.373 can- des cadres supérieurs soit environ 300. Quelques très rares femmes ont également accès aux postes d’encadrement et, en-
didates (APW - APC) seulement 264 ont Au niveau du pouvoir judiciaire, elles sont été nommées ambassadeurs, directrices au core moins, aux fonctions supérieures. En
été élues soit 4,2%. Comme on le sait, au nombre de 1056 magistrats, soit 35% de MAE ou wali. 2000, une seule femme a été nommée vice-
les dernières élections n’ont guère, ou en l’ensemble des magistrats. Au niveau des services de police, une gouverneur de la Banque d’Algérie après
tout cas très peu, amélioré la représentati- On dénombre 25 femmes magistrats à la femme est commissaire divisionnaire, 10 avoir occupé pendant longtemps le poste de
vité féminine au Parlement comme dans Cour suprême (sur 149 soit environ 17%) sont commissaires principales, 33 com- directrice. N. G.
LES DÉBATS DE L’HEURE 13
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

Les universitaires algériennes


face aux inégalités d’accès
aux postes de responsabilité
L’irréversible arrivée en masse de femmes ment biaisé par un mode de désignation,
sexué et fortement dominé par des hom-
ayant bénéficié d’une formation supérieure mes qui, à bien des égards, entravent la
sur le marché du travail aura, à n’en pas voie des promotions féminines. Le constat
douter, des répercussions, aussi bien, sur la est, en tout cas, valables s’agissant de nos
universités où les femmes ayant le grade
vie des entreprises que sur celle plus large, de professeur, de chef de département et
de la société algérienne. autres hautes fonctions, ne sont pas
légions et ne sont pas prêtes de l’être au
regard des préjugés et du mode de nomi-

S
Par i l’investissement de l’enseigne- nation totalement inféodé aux hommes. Il
Djamila ment supérieur par un nombre convient, en outre, de rappeler que l’en-
Fernane (*) impressionnant de jeunes femmes seignant chercheur est, aujourd’hui enco-
a, à l’évidence, normalisé la présence de re, évalué sur la base de critères tels que
l’élément féminin dans les divers rouages le nombre de publications, leur rythme et
de la formation universitaire (enseigne- la notoriété des revues académiques utili-
ment, encadrement pédagogique, enca- sées, autant de critères qui contribuent à
drement administratif, etc.), leur relative l’exclusion des femmes qui ne peuvent
percée professionnelle n’a, paradoxale- s’y conformer pour diverses raisons liées
ment, pas fait disparaître les inégalités à la nature de femme, comme par exem-
entre hommes et femmes, notamment, ple, la maternité et la prise en charge
lorsqu’il s’agit d’accéder aux sommets d’enfants de bas âge.
des hiérarchies. Appliquées dans les entreprises de telles
Le constat que la réalité des faits nous a normes – comme par exemple la disponi-
contraints d’établir est on ne peut plus bilité ou les critères d’âge pour l’accès à
clair : dans pratiquement toutes nos uni- des postes de responsabilité - contribuent
versités, force est de constater que plus à entretenir chez les managers des atten-
on s’élève dans la hiérarchie et plus les tes beaucoup plus favorables aux hom-
femmes se font rares et largement mino- mes qui les conduisent à douter de la
ritaires, pour ne pas dire inexistantes, aux compétence et de l’engagement profes-
plus hauts postes de responsabilité. Un sionnel des femmes postulants à des pos-
non sens, mais aussi et surtout, une véri- tes de responsabilité. L’environnement
table injustice très mal vécue par les socioprofessionnel, fait de tenaces préju-
femmes qui éprouvent d’énormes diffi- gés sur l’éligibilité des femmes aux pos-
cultés à franchir ce véritable « plafond de tes hiérarchiques est, tel, qu’il est très
verre » dressé par des administrations 65 % des diplômés de la santé PHOTO : D. R. difficile pour une universitaire algérienne
machistes, en dépit du fait qu’elles repré- algériens sont des femmes de se frayer un chemin vers les sommets
sentent, au minimum, 50% de la popula- de la hiérarchie, ceux-ci semblant être,
tion active. comme par fatalité, strictement réservés
Cet amer constat de l’inégalité des chan- postulat vite contredit par les réalités du tre assistant à celui, très convoité, de aux hommes.
ces des femmes en matière d’accès aux terrain, à l’exemple de ces femmes entre- professeur est beaucoup plus faible que Ce tableau peu reluisant de la trajectoire
carrières valorisantes et celui, sans doute preneurs dont les statistiques en notre celui des hommes, et ce, indépendam- semée d’embûches à laquelle sont
encore plus navrant de leur très faible possession nous apprennent que les trois ment de la réalité des effectifs concernés confrontées les femmes diplômées en
présence aux postes de décisions, aussi quarts d’entre elles sont mariées, 84% ont fortement dominés par les femmes. On quête de responsabilité n’occulte en rien
bien, dans les entreprises que dans les un ou plusieurs enfants, sans pour autant peut, à titre d’exemple, constater qu’à la les admirables réussites de certaines uni-
institutions et organisations publiques, souffrir d’un déchirant choix à faire entre faculté des sciences économiques et de versitaires, de plus en plus nombreuses à
posent avec acuité les questions centrales la famille et l’activité professionnelle, la gestion de l’université Mouloud Mammeri accéder aux sommets des hiérarchies.
de justice, d’égalité à compétences égales réalité faisant au contraire apparaître un de Tizi Ouzou, seule une femme sur les Elles sont d’autant plus admirables que
entre les sexes et, bien entendu, celle de très sain équilibre entre les exigences 56 enseignantes de grade de maître assis- leur ascension a été beaucoup plus péni-
l’efficacité économique à laquelle elles d’épouse, de mère et d’entrepreneur. tant et maître de conférences de classe A ble que pour les hommes. Les exemples
auraient pu contribuer si on leur avait et B que compte cette faculté a pu accéder de femmes parvenues à occuper les fonc-
offert la chance d’accéder aux postes de ENTRAVES À LA PROMOTION DES au grade de professeur. tions de cadre supérieur, professeur d’uni-
commandes auxquels leurs diplômes et FEMMES Un constat qui permet d’invalider la versité ou manager principal, témoignent
leur expérience les prédestinent. Pour justifier et expliquer ce phénomène, thèse, souvent brandie à tort, d’un pré- de la grande diversité des réactions et des
Il est intéressant d’identifier le faisceau on a souvent évoqué l’hypothèse d’un tendu retard historique et, encore plus, stratégies adoptées par ces dernières tout
d’éléments qui entre dans la composition retard historique dans l’accès des femmes celle de la rareté des femmes dans la au long de leurs carrières pour s’affran-
de ce «plafond de verre» qui entrave la à l’éducation et aux diplômes et la rareté course, somme toute légitime aux postes chir progressivement d’un environnement
promotion hiérarchique, pratiquement à de celles-ci dans les viviers de la forma- de responsabilité auxquels leurs diplô- peu favorable à leur épanouissement pro-
tous les niveaux organisationnels. Divers tion supérieure. Ce qui était effectivement mes, acquis à force de méritoires efforts, fessionnel.
obstacles artificiels auxquels se mêlent vrai durant les premières années de l’in- permettent d’aspirer. Il n’y a, certes, pas de formule idéale
de tenaces préjugés socioculturels (pré- dépendance ne l’est, évidemment, plus de Suite à une enquête conduite respective- pour réduire ces inégalités criantes qui
tendue infériorité génétique de la femme, nos jours. ment au niveau des secteurs de l’éduca- sont le fruit de nombreuses détermina-
divers stéréotypes, le machisme, etc.), En effet, si à peine, une femme sur trente tion, des banque et certains services tions, mais le moment est, nous semble-t-
mais aussi, structurels (organisation du travaillait en 1966, souvent avant le publics, à l’occasion de la quelle nous il, d’entamer un débat aussi large que
temps de travail défavorable aux femmes, mariage ou après le divorce, nous appren- avons interrogé une vingtaine de femmes possible sur cette question centrale. Afin
difficultés de transport, manque d’encou- nent les statistiques de l’époque, les cho- cadres, nous avons constaté que 60% de qu’il soit serein et fructueux, le débat
ragement etc.) et, il faut le reconnaître, ses ont, à l’évidence, beaucoup changé celles qui n’ont pas encore obtenu un devrait être alimenté en permanence en
l’adoption par certaines universitaires de aujourd’hui, pour persister dans cette poste hiérarchique ou l’avancement hié- données objectives fournies par la recher-
valeurs qui ne favorisent pas l’estime et le fausse certitude. Le constat largement rarchique convoité, souhaitent concrétiser che scientifique, l’objectif étant de lancer
compter-sur-soi, entravent la percée des corroboré par les statistiques est que plus leurs ambitions, ce qui montre, à l’évi- les bases d’une nouvelle perception de
femmes auxquelles on a pourtant donné 65% des diplômés de la santé, 60% de dence, que s’agissant d’avancement dans l’emploi féminin en Algérie, d’ouvrir de
la formation requise pour occuper de l’éducation et environ 40% des effectifs la carrière, les femmes ne sont pas moins larges perspectives à la promotion des
hauts postes de responsabilité. de l’administration publique sont des ambitieuses que les hommes. Si elles se femmes aux postes d’encadrement et de
Il n’y a pas de discrimination au niveau femmes. montrent moins ardentes que les hommes pousser les employeurs à repenser la
du contenu des formations, les hommes La croissance en nombre des femmes dans la course aux postes de responsabi- manière dont ils formulent les politiques
et les femmes recevant chacun dans sa diplômées sorties de nos universités par- lité c’est parce qu’elles sont bien des ressources humaines, aujourd’hui
spécialité les mêmes enseignements. ticulièrement prolifiques en la matière conscientes qu’il existe dans notre pays injustement défavorables aux femmes.
Certains évoquent l’hypothèse, selon n’a, malheureusement, pas été suivie, une sorte de discrimination institutionna- Nous pouvons souhaiter que les organisa-
laquelle, la femme n’arriverait jamais à comme on l’aurait souhaité, par un accès lisée en matière qui privilégie outrageuse- tions publiques et privées soient nom-
organiser son temps et combiner comme plus significatif aux postes supérieurs ment la gente masculine. breuses à s’impliquer dans ce débat pré-
il se doit ses responsabilités familiales et d’encadrement, reflétant un tant soit peu, Le processus de sélection et, dans de curseur d’un nouveau projet de société.
ses engagements professionnels, ce qui cette prodigieuse percée des femmes dans nombreux cas, de cooptation de femmes Dj. F.
devrait d’emblée, la dissuader de postuler nos universités. A titre d’exemple, le taux diplômées à des postes de responsabilité ((*) Post-graduante en management.
à un haut poste de responsabilité. Un de passage des femmes du grade de maî- n’est, à l’évidence, pas neutre et totale- Université de Tizi Ouzou
14 INTERNATIONALE El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010

5e conférence économique africaine


Plaidoyer en faveur
de la coopération interrégionale
Le développement du partenariat
Donald Kaberuka, président
interrégional est un axe majeur par lequel de la Banque africaine
devra passer l’Afrique pour gagner de la de développement (BAD)
croissance. Le message a été délivré par
Donald Kaberuka, président de la Banque
africaine de développement (BAD), lors de la
5e conférence économique africaine qui s’est
tenue à Tunis du 27 au 29 octobre dernier.

M
. Kaberuka a souligné que les
fondamentaux des économies
africaines restent bons malgré
les effets pervers de la crise financière
internationale, mais pour répondre à l’en-
semble des besoins de l’économie afri-
caine, il faudra mettre l’accent sur la
coopération interrégionale, qui est actuel-
lement «à son niveau le plus bas». La

PHOTO : D. R.
BAD, a-t-il précisé, est actuellement en
train d’évaluer les économies des pays
africains au cas par cas, tout en veillant à
identifier les axes et secteurs favorisant la
coopération interrégionale, qui constitue décennie dont la moitié est actuellement à 12,5 dollars par mois, soit six fois plus centrale du Kenya, Njuguna Ndungu, a
une réelle chance pour le continent. disponible, a averti la BAD. qu’au Bangladesh, en Inde et au Pakistan. affirmé que le continent doit maintenant
La coopération interrégionale doit, selon Les secteurs de l’infrastructure et les Quant à la bonne gouvernance et la qua- consolider et pérenniser les succès qui
la BAD être accompagné d’une promo- technologies de la communication et de lité des services, elles sont jugées essen- ont été engrangés, en levant davantage les
tion des infrastructures de base, des télé- l’information ont absorbé 52,1% des tiels pour améliorer le volume et la qua- obstacles régionaux au commerce. «De
communications et de la bonne gouver- investissements en 2009. L’étude a notam- lité des échanges intra-africains, qui ne fortes contraintes persistent et empêchent
nance pour assurer une croissance à long ment cité la construction des routes trans- représente que 13% du volume global des d’intensifier la création de richesses pro-
terme, selon une étude de la Banque qui a nationales dans le cadre des projets de échanges du continent. pices aux investissements, et au com-
été présentée à l’occasion de la confé- corridors Dakar-Le Caire, Tripoli- Mthuli Ncube, économiste en chef de la merce de fleurir davantage.
rence. Windhoek et Lagos-Mombassa. BAD, a estimé que les nouveaux partena- Des projets régionaux pour combler les
«Les routes sont essentielles pour relier Des extensions en cours donneront un riats dans lesquels s’engage présentement déficits en infrastructure aideraient gran-
les zones de production aux zones de accès à la mer à 15 pays enclavés qui l’Afrique doivent lui permettre de relever dement à atténuer ces contraintes qui
consommation du continent (...) Or, l’état représentent un tiers de l’économie et ces challenges Il reste par ailleurs à ren- retardent l’avancée du continent», a-t-on
des routes en Afrique est tel qu’il faut 40% de la population totale du continent. forcer la qualité des autorités locales à rapporté.
actuellement une heure pour parcourir 12 S’agissant des technologies d’informa- absorber des projets de développement et Certains experts présents à la conférence
kilomètres», selon le document rendu tion et de communication (TIC), la BAD à lever les trop nombreux obstacles asso- ont plaidé pour le rapprochement des
public par la presse. note que si le nombre d’abonnés au télé- ciés au commerce intra africain, notam- pays africains avec les nouveaux pays
Pour combler son retard en la matière, phone mobile en Afrique est passé de 10 ment à travers le renforcement des struc- émergents dans le cadre d’une stratégie
l’Afrique aura besoin de 93 milliards de millions en 2000 à 180 millions en 2007, tures supranationales, a-t-il ajouté. de coopération basée sur «l’intérêt mutuel
dollars chaque année sur la prochaine le coût de la communication y reste élevé De son côté, le gouverneur de la Banque et le réalisme». R. E.

Dans le prolongement de la révision du Traité de Lisbonne


Les 27 pays créeront leur fonds de soutien permanent en 2013
Les pays membres de l’Union européenne retiennent à l’argent aux Etats en difficulté en achetant leurs obligations, de leur dette ne baisse pas assez vite.
l’unanimité la création d’un fonds de soutien permanent aux contre des taux d’intérêt très élevés, devront sans doute eux
Etats en difficulté suite à des crises économiques et aussi mettre au pot dans le cadre de ce Fonds de soutien. ÉLARGIR LES CRITÈRES D’EXCLUSION DE LA ZONE EURO
financières qui devra voir le jour d’ici 2013 dans le Enfin, le «rôle du FMI», qui interviendrait sous forme de Pour rappel, l’article 50 du traité de Lisbonne stipule qu’un
prolongement de la révision «limitée» du Traité de Lisbonne. prêts, sera également examiné. En contrepartie, les pays qui État peut être amené à quitter l’Union européenne en cas
Les dirigeants de l’Union européenne (UE), réunis à feront appel à ce filet de sécurité devront remplir des critères d’atteinte aux principes démocratiques européens.
Bruxelles, devront prendre leur décision sur la révision du «très stricts» pour les inciter à ne plus prendre de risques. L’Allemagne souhaite l’élargir au dérapage économique, ce
Traité de Lisbonne en décembre prochain, lors de leur qui signifie qu’un État qui ne respecterait pas la discipline
sommet, avec l’option d’un changement « limité » afin de ÉVITER À TOUT PRIX LES RÉFÉRENDUMS budgétaire pourrait être mis à la porte de l’Euroland.
permettre à la zone euro de mieux résister aux crises Les Etats ne sont pas totalement favorable à cette révision du Il est à signaler que le taux de chômage dans la zone euro a
financières à l’avenir. Traité de Lisbonne qui nécessite l’approbation des 27 pays. atteint 10,1% de la population active en septembre, son plus
Tirant les leçons de la dernière crise financière mondiale et Ce texte avait difficilement été ratifié, en 2008, par l’Irlande haut niveau depuis 1999, légèrement au dessus des 10%
notamment à travers le cas de la Grèce, mauvais élève de la et la République tchèque, et mis en place depuis moins d’un enregistrés en août, selon des données publiées vendredi
communauté, les dirigeants européens se fixent une an. D’ailleurs, les dirigeants européens espèrent que par son par l’office européen des statistiques Eurostat. En
échéance d’ici 2013 pour boucler les modifications caractère très limité, le nouveau texte évitera de passer par septembre 2009, le taux de chômage était de 9,8%. Au total
apportées au Traité, indique la présidence européenne des référendums dans les Etats de l’UE. 15,917 millions de personnes étaient sans emploi en
assurée par le belge Herman Van Rompuy. Il est prévu également d’imposer de nouvelles sanctions septembre dans les 16 pays de la zone euro, soit 67.000 de
La révision du Traité de Lisbonne a été obtenue après de contre les pays trop laxistes, qui s’appliqueront plus tôt et plus que le mois précédent. Pour l’ensemble de l’Union
«durs» tractations. L’objectif principal est la création d’un plus durement, même lorsque la limite européenne de déficit européenne, le taux de chômage est resté stable en
filet de sécurité permanent pour les pays de l’Union annuel de 3% du PIB n’est pas encore atteinte. Dans ce sens, septembre par rapport à août, à 9,6% de la population
monétaire qui seraient en grande difficulté, comme la Grèce l’Allemagne propose des «sanctions politiques» rejettées active, mais le nombre de sans emploi a augmenté, de
au printemps, avec le souci de rassurer les marchés. Ce par la majorité des pays. Mais, la question d’une éventuelle 71.000 personnes à 23,109 millions. Les taux de chômage les
mécanisme remplacera le Fonds de soutien, créé en juin suspension de droit de vote sera examinée ultérieurement. plus bas ont été enregistrés aux Pays-Bas (4,4%) et en
pour seulement trois ans, soit jusqu’à mi-2013 et doté de Désormais, les grands choix nationaux de politique Autriche (4,5%), le plus élevé en Espagne (20,8%), relève la
garanties des Etats de 440 milliards d’euros. économique seront surveillés de beaucoup plus près par même source. Les deux premières économies de la zone
L’UE devra se pencher sur les contributions de chacun à ce Bruxelles, pour pouvoir tirer la sonnette d’alarme très en euro, l’Allemagne et la France, affichent des taux
fonds ainsi que «le rôle du secteur privé» dans ce dispositif. amont. Et les gouvernements pourront être punis non respectivement de 6,7% et 10%. R. E.
Les banques et fonds d’investissement qui prêtent de seulement si leurs déficits dérapent, mais aussi si le niveau
El Watan ÉCONOMIE - Du 1er au 7 novembre 2010 TABLEAU DE BORD 15
statistiques
■ 22,36% du parc est constitué de véhicules dee
moins de cinq ans et 57,42% de véhicules de
LA SEMAINE
LE CHIFFRE DE
plus de 20 ans.

4 175 827
■ Les véhicules de tourisme représentent 62,166 Le nombre de véhicules
% du parc national soit 2,593 millions d’unités,
suivis des camionnettes avec une part de composant le parc automobile
19,69% (821 626 unités). national, selon l’office national
■ Les marques françaises représentent 51,53% des statistiques (ONS).
des véhicules du parc national, soit 2,149
millions de voitures, devant les japonaises
10,59% et les voitures allemandes 9,17%. Les
véhicules algériens représentent 6,56% du par
et composés surtout de la marque SNVI.

■ Sur les 40 concessionnaires qui activent sur le


marché national, 5 ont un volume d’importation
supérieur à 20000 unités.

■ Selon le directeur général de l’Etablissement


national du contrôle technique automobile
(ENACTA), Abdallah Ghrieb, le parc automobile
compterait en réalité 5,5 millions de véhicules.

PRODUITS DE BASE
■ CAFÉ q libellées en dollar, comme le cacao new- actuellement», a un analyste, alors que le 1700 dollars vendredi.
yorkais. Le marché optait également pour la soja bénéficiant largement des ventes à
prudence à l’approche d’une élection l’exportation à destination de la Chine. Le
Les cours du café ont poursuivi leur
présidentielle le 31 octobre, en Côte d’Ivoire, contrat de soja pour livraison en janvier ■ MÉTAUX PRÉCIEUX
progression la semaine dernière, le prix de
l’arabica grimpant même un nouveau record le premier producteur mondial de cacao. Sur valait 12,32 dollars.
le Liffe de Londres, la tonne de cacao pour Les prix de l’or et de l’argent se sont
depuis 13 ans, à 204,60 cents la livre à New ressaisis profitant à nouveau de leur statut
livraison en décembre cotait 1.858 livres
York mardi, alors que le prix du robusta sont
sterling vendredi vers 15h30 GMT. ■ MÉTAUX DE BASE (-) de valeurs refuges.
monté jeudi à 1.975 dollars la tonne, un
sommet depuis deux ans. Les cours étaient ■ OR q
soutenus par un regain d’intérêt des ■ CÉRÉALES Les prix des métaux de base échangés au
London Metal Exchange (LME) ont connu une
investisseurs spéculatifs, alimenté par un semaine mitigée qu’ils ont terminée en L’or, dont le prix avait dégringolé de plus de
billet vert toujours affaibli, notait un Les prix des céréales ont connu la même 70% il y a deux semaines, s’est sensiblement
tendance haussière la semaine dernière sur baisse, suivant les fluctuations du dollar sur
analyste. Autre source persistante de soutien un marché prudent. Les cours ont fluctué sur repris, évoluant entre 1320 dollars et 1350
pour les cours, des conditions le marché de Chicago. dollars l’once tout au long de la
fond de spéculations autour des nouvelles
météorologiques défavorables alimentaient semaine.«Les prix de l’or se calquent de plus
des craintes sur la récolte en cours. Sur le ■ BLÉ q mesures d’assouplissement monétaire que
en plus sur les mouvements du marché des
pourrait prendre la semaine prochaine la
Liffe de Londres, la tonne de robusta pour Réserve fédérale américaine (Fed). changes, les indicateurs macro-économiques
livraison en janvier ressortait à 1.959 dollars Les prix du blé ont bondi soutenus selon les et les anticipations du marché relatives aux
analystes par deux éléments : la Russie a «La volatilité sur les métaux de base s’est
vendredi vers 15h30 GMT. accrue ces dernières semaines, et alors que mesures d’assouplissement monétaire» que
confirmé le maintien de l’embargo sur ses la Réserve fédérale américaine pourrait
le marché reste obnubilé par le dollar, il y a
■ SUCRE q exportations de céréales jusqu’en juillet 2011
des chances pour un retournement à la adopter la semaine prochaine, observait un
et le département américain de l’Agriculture expert du marché.Le marché de l’or
a estimé dans son relevé hebdomadaire que baisse» des métaux, a indiqué un analyste.
Les prix du sucre ont accentué leur hausse, Sur le LME, une tonne de cuivre pour «continue d’être porté par les interrogations
portés par des achats spéculatifs mais aussi seulement 47% des cultures de blé d’hiver sur l’état de l’économie mondiale» mais
étaient jugées «bonnes à excellentes», livraison dans trois mois valait 8198 dollars
des risques de rétrécissement de l’offre. De la tonne vendredi à 14h30 GMT, l’aluminium aussi par «la prolongation de politiques
fortes pluies dans la région centre-sud du contre 64% un an plus tôt. monétaires accommodantes» dans les pays
valait 2340 dollars la tonne, le plomb valait
Brésil et en Australie pourraient entraîner ■ MAIS q 2449 dollars la tonne, l’étain valait 25,675 développés, confirmait jeudi dans son
une réduction de la production de sucre dans dollars, le nickel valait 22, 920 dollars la rapport trimestriel le Conseil mondial de l’or.
ces deux pays, qui sont respectivement le Le maïs a suivi la même tendance, reprenant tonne et le zinc valait 2428 dollars.
premier et le huitième producteur mondial. une partie de ce qu’il avait perdu après sa ■ ARGENT q
Sur le Liffe de Londres, la tonne de sucre forte progression du début du mois, alors ■ PLATINE/PALLADIUM r
blanc pour livraison en mars valait 723,20 que la demande demeurait soutenue L’argent a remonté dans le sillage de l’or,
livres vendredi vers 15h30 GMT. Sur le notamment pour la fabrication d’éthanol. «Le À l’instar des autres métaux précieux, les franchissant à nouveau le seuil des 24
NYBoT-ICE américain, la livre de sucre brut dollar et les autres marchés sont des facteurs platinoïdes se sont repris la semaine dollars l’once. Le métal gris «a toujours été à
pour livraison en mars valait 29,09 cents. de soutien, mais les fondamentaux de ces dernière, le palladium ayant même grimpé la merci des mouvements de correction de
marchés sont assez solides en eux-mêmes», vendredi à 645,75 dollars son plus haut l’or, et c’était ce qui était intervenu la
■ CACAO r a noté un analyste. niveau depuis mai 2001. «Cette hausse du semaine dernière, quand les prix sont
palladium peut être attribuée aux tombés sous la barre des 23$ avant de
Les cours de la fève brune sont repartis en ■ SOJA q inquiétudes croissantes qu’un finalement se ressaisir», observait un expert.
légère baisse la semaine passée, les rétrécissement du marché pourrait intervenir «De solides flux d’investissements vers les
investisseurs s’assurant quelques bénéfices Les cours des graines de soja ont atteint des plus rapidement que prévu initialement, véhicules d’investissements (ETF) adossés à
avant la clôture de leurs comptes pour le nouveaux sommets depuis septembre 2008, après l’annonce de stocks au bord de des stocks physiques d’argent pourraient
mois. Ce recul restait cependant limité par la montant à 12,4850 dollars jeudi. «Même si l’épuisement en Russie», expliquaient les indiquer que certains investisseurs se
faiblesse persistante du billet vert, de nature on attend une récolte importante, la analystes. Sur le London Platinium and tournent désormais vers l’argent, meilleur
à favoriser les achats de matières premières demande surpasse toujours l’offre Palladium Market, l’once de platine a fini à marché, au détriment de l’or», a-t-il ajouté

PÉTROLE CHANGE
Les prix du baril terminent en baisse Fin de semaine stable pour l’euro
Les prix du pétrole ont achevé la semaine en l’annonce des chiffres de croissance L’euro se stabilisait en fin de semaine face au marché parie sur l’annonce d’injections de
baisse malgré l’annonce largement attendue, américaine, dont la teneur avait été anticipée dollar, qui restait pénalisé par la perspective liquidités sur les marchés, une perspective qui
d’une accélération de la croissance aux Etats- par les analystes. Selon le département du de voir la Banque centrale américaine (Fed) a déjà fait chuter le dollar depuis la
Unis. Le baril de Brent de la mer du Nord pour Commerce américain, le produit intérieur brut faire marcher la planche à billets pour relancer mi-septembre. Ces mesures reviennent en effet
livraison en décembre s’échangeaità 82,53 du pays a augmenté pendant les trois mois l’activité, malgré l’accélération de la croissance à «créer de la monnaie» et diluent donc la
dollars sur l’Inter Continental Exchange de d’été de 2,0% en rythme annuel par rapport au des Etats-Unis au troisième trimestre. valeur de la monnaie en circulation.
Londres, en recul de 1,06 dollar par rapport à deuxième trimestre. En outre, la surabondance Vers 21h GMT, la monnaie européenne valait Selon une première estimation publiée
la clôture de la veille, alors que le baril de light de l’offre disponible, que reflète le niveau 1,3929 dollar, comme jeudi soir. vendredi, le produit intérieur brut du pays a
sweet crude (WTI) à échéance semblable historiquement élevé des stocks de brut aux L’euro a effacé ses pertes face au dollar après augmenté pendant les trois mois d’été de 2,0%
lâchait 1,33 dollar à 80,85 dollars sur le New Etats-Unis, «empêchent les cours du brut de la publication des chiffres de la croissance aux en rythme annuel, un chiffre conforme aux
York Mercantile Exchange (Nymex). Le brut remonter vers les 85 dollars, tandis que Etats-Unis. Ils «ont mis en relief une croissance attentes des analystes, et supérieur à celui du
continuait a être affecté par le renchérissement l’intérêt des investisseurs les empêchent de modeste et une inflation très réduite, ce qui trimestre d’avant (+1,7%) mais inférieur au
du dollar, qui rend moins attractifs les achats retomber sous le seuil de 80 dollars», soutient la vue répandue que la Réserve potentiel de croissance du pays. Le facteur
de matières premières libellées en cette commentaient des experts. fédérale va procéder à un nouvel inflation est ressorti en dessous des attentes.
monnaie, pour les investisseurs détenant R. E. assouplissement monétaire la semaine R. E.
d’autres devises. Le marché semble ignorer prochaine», a expliqué un expert financier. Le
El Watan ÉCONOMIE Du lundi 1er au dimanche 7 novembre 2010

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