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ITINÉRAIRE D'UN ARCHITECTE L'influence du storyboard en architecture


L'exemple de Bernard Tschumi

Research · June 2019


DOI: 10.13140/RG.2.2.16843.34089

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1 author:

Victor Oliveira
École des Ponts ParisTech
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Mémoire de Licence – L’architecture du savoir

ITINÉRAIRE D’UN ARCHITECTE


L’influence du story-board en architecture,
l’exemple de Bernard Tschumi

écrit par
Victor Oliveira

Éav&t
Juin 2019
Encadrant: Guillaume Boubet
« Le cinéma est bien sûr le plus international des arts.
De ses réserves inépuisables le premier demi-siècle n’a
pourtant utilisé que des miettes. On n’a pas encore opéré
de solution définitive au problème de la synthèse des arts
qui aspirent à se fondre dans son sein : totalement,
organiquement. [...]. Le cinéma a cinquante ans. Un monde
immense et complexe s’ouvre devant lui. »

- Sergueï Eisenstein, 1948

Remerciements:

Je tiens d’abord à remercier mon encadrant de mémoire Guillaume Boubet


pour m’avoir encadré et orienté. Également Julie André‑Garguilo,
coordinatrice, qui s’est rendue disponible pour toutes mes
interrogations. Je remercie aussi mes parents de m’avoir soutenu et
plus particulièrement mon père qui m’a transmis toute sa culture
cinématographique et le goût pour l’audiovisuel. Enfin je souhaite
remercier Pauline et Audrey pour avoir donner leur avis constructif.
- Séquencier -

SYNOPSIS p7

SÉQUENCE 1 — ENSEIGNEMENT p12


. Scène 1 : Contexte et influences p13-p16
. Scène 2 : Stratégie d’enseignement p17-p21

SÉQUENCE 2 — THÉORIE p22


. Scène 1 : Influence cinématographique p23-27
. Scène 2 : « The Manhattan Transcripts » p28-31

SÉQUENCE 3 — PRATIQUE p32


. Scène 1 : Le Parc de la Villette p33-37
. Scène 2 : Concurrences et Lauréat p38-41

CONCLUSION p42

Bibliographie p44

Chronologie p46-47
7 SYNOPSIS 7

SYNOPSIS

Au-delà de l’architecture, l’art est une grande


source d’inspiration pour les architectes par le concept,
la technique, la représentation/notation.
Ma passion pour l’audiovisuel a attiré ma curiosité sur
les moyens de notation/représentation dans la production
cinématographique et plus précisément au moment de la
préparation. En plus du scénario et du script, le story‑board
est un outil à la préparation qui décrit tous les plans
d’un film. Le format est libre, on peut détailler tout le
film plan par plan, esquisser les grandes lignes, ou encore
indiquer les mouvements de caméra par des flèches.

Un des premiers réalisateurs, George Méliès avait


comme première passion le dessin qu’il utilisera pour
mettre en scène des spectacles de grandes illusions. En
1896, il fait son premier film truqué et utilise le dessin
comme support de création et d’organisation de l’espace.
Il développe ce qu’il appelle des « tableaux » (fig.1) qui
peuvent s’apparenter au premier story-board. Le dessin
est pour lui une source d’inspiration et d’invention qui
devient alors un support élémentaire à la préparation d’un
film. D’abord pour donner l’ambiance du film puis plus tard
pour savoir où est la caméra, où se placent les acteurs,
quelle musique se joue . 1

Le story-board peut s’apparenter à un mode de notation en


architecture.

En architecture, on peut se référer au livre d’Auguste


Choisy, Histoire de l’architecture, 1889 où il propose une
vision nouvelle du Parthénon d’Athènes avec un séquençage
de vues (fig.2). Selon Auguste Choisy, les Grecs concevaient
l’architecture à travers un parcours, un séquençage
d’espaces. Le Corbusier reprendra les propos d’Auguste
Choisy et dessinera des séquences représentant le parcours
qu’il crée.
1 - Méliès, l’homme orchestre, Storyboard, du papier à la pellicule, J. Faton & Ph. de
Pierpont, 1991
Avec Madeleine Malthete, petite-fille de Georges Méliès.
https://vimeo.com/130869050
fig.1 Tableau «Le voyage dans la lune»,
Georges Melies, 1902
https://www.moma.org/artists/3918

fig.2 Le Pittoresque dans l’art Grec, fig.3 Courrier envoyé à Mme Meyer pour sa Villa,
Auguste Choisy, 1899 Le Corbusier, Paris, octobre 1925
Histoire de l’architecture, Tome 1, p414 Fondation Le Corbusier
10 SYNOPSIS 10

Il enverra par exemple à Mme Meyer un « story‑board »(fig.3)


pour lui montrer à quoi ressemblera sa villa. Il utilise
ici le story-board comme support de présentation et non
comme moyen de création.

Jusqu’à cette époque, ces modes de représentation sont


utilisés au terme du projet architectural et se contentent
de montrer les espaces créés. Ce mémoire pose la question
de l’interprétation du story-board dans le processus de
création architecturale ?
Dès lors nous cherchons à nous intéresser à une théorie
architecturale vue par le prisme du story-board.

Au cours de lectures sur l’audiovisuel, j’ai


découvert que Bernard Tschumi a écrit plusieurs essais sur
l’utilisation de « story-board » en architecture. L’approche
de cet architecte est particulièrement intéressante par le
rapprochement qu’il fait entre l’audiovisuel et le projet
d’architecture. En effet, il est influencé par Serguei
Eisenstein, cinéaste Russe du début du XXème siècle, qui
utilise le story‑board comme outil de composition des
espaces au cinéma. Cela l’amènera à écrire plusieurs essais
sur le story-board en architecture.

La question est de savoir comment on peut utiliser le


story-board comme élément de création architecturale.

Pour pouvoir comprendre l’approche architecturale


de certains architectes, il est nécessaire de comprendre
leurs parcours. Il faut donc s’intéresser aux premières
années de Bernard Tschumi qu’il passera d’abord en tant
qu’enseignant à l’Architectural Association de Londres.
Suite à ces années en tant qu’enseignant, il écrira
plusieurs essais théoriques où il proposera une nouvelle
vision de l’architecture. Une analyse de ces essais nous
permettra alors de comprendre le lien étroit que peut avoir
le story‑board et l’architecture. Enfin, nous pourrons voir
comment à partir de ces essais, l’architecte a participé
et remporté le concours du Parc de la Villette.
13 SÉQUENCE 1 - ENSEIGNEMENT - AV. 1970 13

SÉQUENCE 1 - EXT/JOUR - ARCHITECTURAL ASSOCIATION

Bernard Tschumi s’est formé à l’ETH de Zurich et est 1

diplômé en 4 ans et demi. Il s’assied dans son fauteuil et


repense aux artistes qui l’ont influencé avant de repartir
enseigner à l’Architectural Association.

Scène 1 : Contexte et influences

Pour comprendre le parcours de Bernard Tchumi, il


faut comprendre le contexte dans lequel il se trouve et
quelles sont ses influences. Il faut d’abord savoir que cet
architecte est dit déconstructiviste. C’est en 1988, à
Enseignement, n.m. (bas-latin insignare,
l’occasion d’une exposition au MoMA que Marc Wigley expose 2

de in, en, et signum, signe):


des travaux de plusieurs architectes utilisant des formes de
bâtiment non « conventionnelles » et intitule l’exposition
. Action, manière d’enseigner, de transmettre des
« Deconstructivist Architecture ». Les architectes dits
connaissances.
déconstructivistes ne font ni partie d’un mouvement ni d’un
style, il s’agit juste là de qualifier un groupe d’architectes
. Profession, activité de ceux qui enseignent : Faire de
qui à cette époque pensait l’architecture autrement que par
l’enseignement.
le prisme du modernisme ou du classicisme.
. Leçon donnée par les faits ou l’expérience : Les
enseignements d’un échec.
« This is not to say that they participate in a new movement.
Deconstructivist architecture is not an « -ism ». »
- Deconstructivist architecture p.19 Philip Johnson and Mark Wigley
Définitions du dictionnaire Larousse

Le déconstructivisme fait directement référence au


mouvement de déconstruction en littérature. L’origine du
mouvement a été pensée par le philosophe Jacques Derrida
dans les années 1960. Il s’agit d’une PRATIQUE et non d’une
méthode qui vise à analyser des textes et montrer les
multiples sens que peut avoir une phrase. Les littéraires
influents vont inspirer les architectes qui dans les années
90 reprendront ce terme pour nommer le groupe faisant de
l’architecture dite déconstruite.
1 - l'Eth de Zurich est l'abréviation de l'École polytechnique fédérale de Zurich en
Suisse
2 - Marc Wigley, architecte Néo-zélandais, a co-organisé avec Philip Johnson,
architecte américain, l'exposition Deconstructivist Architecture du MoMA
14 SÉQUENCE 1 - ENSEIGNEMENT - AV. 1970 14

Le terme déconstruction n’est évidemment pas synonyme


de destruction ou de démolition, mais se rapproche de la
définition littéraire qui se veut révéler les incohérences
de signification littéraire. Un des principes fondamentaux
de la déconstruction sont les formes qui sont pensées de
façon à révéler et non dissimuler l’espace. Les architectes
déconstructivistes cassent les règles de composition
et créent une unité à partir du chaos. Ces procédés de
décomposition expriment les contradictions, du site, dans
le but de refléter la société de la même manière qu’ont pu
faire les constructivistes russes.

En effet, les architectes déconstructivistes s’inspirent


du constructivisme, et plus précisément de la dynamique
des formes. Ils distordent, disloquent et interrompent
la géométrie. Ses opérations proviennent directement des
avant-gardes russes et du mouvement constructivisme à une
différence près qu’ils n’utilisent pas cela dans le même
contexte et pour les mêmes raisons.

« the aesthetic is employed only in order to exploit a further


radical possibility, one which the russian avant-garde made available
but did not take advantage of. They twist Constructivism. This twist fig.4 Peinture Suprematism (Supremus N58 With Yellow And Black)
Kazimir Severinovich Malevich, 1902
is the “de” of “de-constructivism”. » Wikipédia, l’encyclopédie libre
- Deconstructivist architecture p.16 Philip Johnson and Mark Wigley

Avant la révolution russe de 1917, les artistes


se conformaient aux beaux-arts et composaient de façon
traditionnelle « l’art bourgeois ». Après la révolution, la
1

fin de l’empire des tsars conduit à la prise de pouvoir des


bolcheviks, et donc de l’installation du régime communiste.
Les avant-gardistes russes produisent des œuvres en lien
avec les changements politiques en cours, les nouvelles
exigences sociales et tâches industrielles les amènent à
requestionner l’art en créant un nouveau courant. Ainsi,
ils produisent de l’art avec des éléments géométriques
simples, dit « au service du prolétariat » . 2

fig.5 Photo de Vitra Fire Station, Zaha Hadid, 1990


1 - l'art bourgeois fait içi référence à l'art destiné aux classes bourgeoises. Christian Ritchers
2 - https://www.lavantgarde.fr/revolution-russe-bouleversait-lart/ ArchDaily
16 SÉQUENCE 1 - ENSEIGNEMENT - AV. 1970 16 17 SÉQUENCE 1 - ENSEIGNEMENT - AV. 1970 17

Scène 2 : Stratégie d’enseignement


Le constructivisme est un terme qui est apparu dans Le
manifeste réaliste écrit en 1920 par le sculpteur Naum
1
Maintenant que nous avons situé l’œuvre de Tschumi dans
Gabo. Dans ce livre, il expose sa théorie selon laquelle son contexte nous pouvons comprendre l’enseignement qu’il
l’expression artistique ne doit plus être dirigée par des a prodigué aux étudiants de L’Architectural Association.
conventions comme l’usage de lignes, de couleur, de masse.
Cette théorie répond à l’Ancien Régime tsariste. Bernard Tschumi enseigne dans plusieurs écoles et
profite de cette position pour utiliser l’enseignement
comme terrain d’expérimentation. Pendant sa jeunesse, il
« [ Constructivism is] not as a tool or even a specific method, but a beaucoup lu de romans de fiction d’auteur du 20ème siècle
rather as a perfect union of the coming state and the movement’s tel que James Joyce , Kafka , Jacques Derrida et s’inspire
1 2 3

‘spiritual’ aims. » du mouvement déconstructivisme en littérature.


- Naum Gabo

Le programme que les architectes reçoivent émane de


raisons souvent culturelles . La littérature - art culturel -
4

Ce mouvement influencera plus tard les architectes influence notre manière de penser, Tschumi donne alors des
tels que Zaha Hadid (fig.5) qui s’inspirera notamment des extraits de texte aux étudiants pour qu’ils en extraient un
oeuvres de Malevitch et de ses formes pures et rationnelles programme. L’objectif est de se servir de l’interprétation
(fig.4), mais aussi de son abstraction. culturelle pour créer un programme réel.

De son coté, Bernard Tschumi - fils de Jean Tschumi,


architecte suisse - est né en 1944. À la suite de ses études, « Au lieu de donner des mètres carrés aux étudiants je vais donner
il enseigne à l’Architectural Association de Londres de des extraits de texte »
1970 à 1980, puis enseignera dans plusieurs universités. - Bernard Tschumi
Ses années en tant qu’enseignant ont été les années les plus
enrichissantes où il a pu tester de nouvelles pratiques
avec les étudiants. C’est à travers ce contexte bien Au lieu de donner un programme précis, Bernard
particulier que Bernard Tschumi va développer sa vision Tschumi propose à ses étudiants des extraits d’œuvres
architecturale. Il sera lui aussi influencé par les artistes littéraires dont ils devront tirer un programme. Certains
5

constructivistes. textes littéraires suggèrent des espaces qui appellent


à interprétation architecturale. Les étudiants conçoivent
FONDU chacun une pièce d’architecture qui est ensuite disposée
sur une grille abstraite appliquée à un site réel, Covent
Garden à Londres. Ainsi, le projet final sera l’ensemble des
travaux des étudiants posés sur la grille (fig.6).
1 - James Joyce (1882 - 1941) est un écrivain irlandais.
2 - Franz Kafka (1883 - 1924) est un écrivain pragois.
3 - Jacques Derrida (1930 - 2004) est un philosophe français.
1 - « Ce manifeste expose leur théorie à propos de l'expression artistique. Il se 4 - La société a des besoins qui varient au cours du temps, ce qui influe sur le
concentre sur le divorce des formes artistiques des conventions telles que l'usage des programme que l'on confie aux architectes.
lignes, de la couleur, des volumes et des masses. », Wikipédia 5 - notamment Finnegan’s Wake de James Joyce, pour le projet Joyce’s Garden.
fig.6 Couverture pour le livre d’exposition du projet Joyce’s Garden,
Bernard Tschumi, 1977
https://www.pinterest.fr/pin/232990980695780327/?lp=true

La couverture du livre compilant les travaux des étudiants


se lit comme un triptyque mettant en relation, un extrait de
Finnegans Wake de James Joyce agissant comme programme, un
plan du quartier et une axonométrie représentant le projet.
À cela est superposée une grille de points représentants
chacun un projet d’étudiant.

fig.7 Storyboard en hommage à Eisenstein,


On retrouve aussi un hommage à Eisenstein avec la
Bernard Tschumi et ses étudiants, 1977 superposition de plusieurs bandes d’informations faisant
http://www.tschumi.com/projects/49/
référence au story-board du cinéaste.
20 SÉQUENCE 1 - ENSEIGNEMENT - AV. 1970 20

C’est quand Bernard Tschumi enseigne aux étudiants de


l’Architectural Association à Londres que naît le projet.
Il donne à ses élèves des textes de littérature de James
Joyce — éponyme du projet — pour nourrir le projet et
changer l’idée de programme conventionel. Il veut montrer
à ses étudiants qu’il n’existe pas de relation obligatoire
entre signifiant architectural et signifié programmatique.

« L’art, c’est la façon humaine de disposer le sensible ou


l’intelligible à des fins esthétiques. »
- James Joyce

La première question qu’il va se poser est celle


du langage que l’architecte utilise. Comment représenter
l’architecture, à travers quel mode de représentation ?
L’idée de notation fait apparaître, deux questions  : 1

- Celle du langage, pour changer quelque chose, il faut


parfois changer la manière d’en parler . 2

- Celle du numérique, on se contente de représenter


le projet via le numérique avec les mêmes modes de
représentation . 3

La notation vise également à documenter ces aspects,


qui n’avaient jusque-là pas encore été mis en avant dans
l’architecture. Le mouvement des corps dans l’espace,
l’action, les conflits.

C’est à partir de cet exercice que Bernard Tschumi


en tire des conclusions qui l’amèneront à écrire des
essais afin de théoriser une nouvelle manière de concevoir
l’architecture. Ce sont ces quinze années de recherches
théoriques qui précéderont l’entrée en architecture de
Bernard Tschumi durant lesquelles il publiera plusieurs
essais dont The Manhattan Transcripts.
fig.8 Write-on Slides, Joyce’s Garden,
Bernard Tschumi et ses étudiants, 1976
FONDU AU NOIR Architecture : concept & notation, p92

1 - Architecture : concept & notation, Frédéric Migayrou, p.75


2 - De la même manière que la déconstruction en littérature comme vu précédemment.
3 - Les logiciels de rendu 3D qui se sont développés dans les années 1970 uniformisent
les rendus et prennent le pas sur la représentation.
22 SÉQUENCE 2 - THÉORIE - 1971 À 1981 22 23 SÉQUENCE 2 - THÉORIE - 1971 À 1981 23

SÉQUENCE 2 - INT/JOUR - DANS SON BUREAU

Bernard Tschumi enseigne avec ses étudiants. Il teste et


expérimente des choses. Il entre dans son bureau, prend
un livre de Sergueï Eisenstein dans sa bibliothèque et va
s’asseoir pour le lire avant de continuer à écrire son
essai.

Scène 1 : Influence cinématographique


Théorie, n.f. (bas latin theoria, du grec
theôria, observation) : Comme nous avons pu le voir, Bernard Tschumi est
influencé par le constructivisme russe des années 1920. Il
. Ensemble organisé de principes, de règles, de lois sera particulièrement attiré par un cinéaste russe qui se
scientifiques visant à décrire et à expliquer un ensemble définit lui aussi comme constructiviste.
de faits : La théorie de la relativité.
Il s’agit de Sergueï Eisenstein. Il sert dans
. Ensemble relativement organisé d’idées, de concepts l’Armée rouge en tant qu’ingénieur, il a fait des études
se rapportant à un domaine déterminé : Une théorie d’architecture incité par son père, mais va très rapidement
littéraire. arrêter ses études pour se consacrer à sa réelle passion,
le cinéma. En 1938, après la révolution russe de 1917,
. Système d’hypothèses sous-tendant les interprétations il produit plusieurs films de propagande . Ses œuvres sont 1

des événements : C’est votre théorie, mais ce n’est pas contrôlées par les autorités russes ce qui lui laisse peu de
sûr. liberté. Il essaye néanmoins de révolutionner le montage.
Certains le considèrent comme le créateur du montage. Lui
. Connaissance purement spéculative : Il y a loin de la pense que ce sont les Grecs qui en sont à l’origine avec
théorie à la pratique. les frises sur les architraves de leurs temples . 2

. Donnée d’un langage formel, d’un ensemble d’axiomes et Il développe sa théorie du montage selon laquelle
d’un ensemble fini de règles de déduction. il faudrait créer un nouveau langage cinématographique.
Il pense que l’enchaînement des images a un réel sens
Définitions du dictionnaire Larousse et ne doit pas se faire au hasard. Le montage doit être
le résultat d’une superposition de plusieurs couches. Il
faut coordonner l’espace avec le mouvement des acteurs, la
musique qui se joue et les mouvements de caméra. Il met en
pratique cette théorie dans le film Alexandre Nevski où il 3

actualise le concept de story-board. Il adapte cet outil


en superposant les différentes informations (fig.9).
1 - Eisenstein se sert du cinéma pour stéréotyper les personnages et faire passer des
messages.
2 - Film Sense, Serguei Eisenstein, p.105
3 - Alexandre Nevski est un film réalisé en 1938 pendant la période Stalinienne.
fig.9 Storyboard du film «Alexander Nevsky»,
Sergueï Eisenstein, 1938
http://visicert.tumblr.com/image/104969929920
26 SÉQUENCE 2 - THÉORIE - 1971 À 1981 26

Il se sert aussi de l’effet de Koulechov qui montre que


l’enchaînement de plusieurs images produit des sentiments
différents au spectateur (fig.11). L’expérience de Koulechov
montre que la mémoire à court terme permet de jouer sur
le ressenti, montrer une image d’un homme à expression
faciale neutre suivie d’une image de soupe, fait comprendre
au spectateur que le personnage a faim. La même image de
l’homme neutre suivie d’une image d’un personnage mort fait
ressentir de la tristesse au spectateur.

« La discontinuité et la discordance des images et des sons qui le


caractérisent révèlent, chez lui, non pas le désir sadique de bafouer
les attentes du spectateur, mais un besoin, qui ne s’est pas démenti
depuis vingt-cinq ans, de découvrir le lieu secret et le moment béni
où pourraient se négocier enfin de nouvelles alliances écraniques,
plus authentiques, plus globales et répondant mieux aux aspirations
inavouées, non pas des spectateurs des salles obscures mais des
hommes et des femmes de bonne volonté.»
- Warren, P. (1988). Imitation et récupération d’Eisenstein. Études
littéraires, 20(3), p. 34

Même si le montage est rythmé et dynamique, il travaille fig.10 Diagramme du film «Battleship Potemkin»,
Sergueï Eisenstein, 1925
la composition de ses plans. On retrouve des lignes de Socks Studio
force, des proportions d’espace respectant le nombre d’or
qui rappelle l’influence du constructivisme. Il se définit
d’ailleurs lui-même comme artiste constructiviste.

Bernard Tschumi fera directement référence à Sergueï


Eisenstein pendant l’exercice de Joyce’s Garden avec ses
étudiants. L’inspiration d’Eisenstein provient directement
de sa manière de représenter la spatialité au cinéma.
L’influence de ce cinéaste va inciter Bernard Tschumi à
adapter ce nouveau mode de représentation à l’espace
architectural qu’il développera dans ses essais.
fig.11 Effet Koulechov,
Marcø
FONDU https://marcmd.me/effet-koulechov/
28 SÉQUENCE 2 - THÉORIE - 1971 À 1981 28

Scène 2 : « The Manhattan Transcripts »

Bernard Tschumi enseigne à L’Architectural Association


à Londres, il a fait travailler ses élèves sur un projet
théorique où il a pu tester de nouvelles manières de
produire et de représenter l’architecture. Il est temps
pour lui d’écrire un essai pour théoriser ce qu’il a pu
expérimenter.

Il a commencé à travailler en 1976 sur un nouvel outil


pour l’architecture, les «  Screenplays  » (fig.12), où il fig.12 Screenplays,
met en relation des images de film avec des diagrammes de Bernard Tschumi, 1976
http://www.tschumi.com/projects/50/
mouvements du corps des acteurs dans l’espace. Ce travail
artistique a pour but de montrer l’importance du mouvement Avant de travailler
des corps dans l’espace en architecture, ce qu’il essayera sur The Manhattan
de traduire dans The Manhattan Transcripts (fig.13) qui agit Transcripts, Bernard
comme compilation des recherches et expérimentations. Tschumi a fait un
travail préliminaire
The Manhattan Transcripts est un essai présentant appelé Screenplays.
trois scénarios dessinés par Bernard Tschumi en 1981. Il ne C’est une première
s’agit pas d’un projet architectural ou d’un mode d’emploi approche du mouvement
expliquant comment faire de l’architecture, il s’agit plutôt au cinéma mis en
d’un outil de recherche, d’un terrain d’expérimentation. relation avec l’espace
architecturale.

Les diagrammes
« Les formes spatiales des Transcripts (1977-1981) sont de de mouvement des
l’architecture. En revanche, elles ne sont pas la préfiguration Screenplays sont
d’édifices, même utopiques. Leur statut est tout autre. « Ce sont des extrudés pour
sortes de scénarios conceptuels sur l’idée d’architecture » » donner des formes
-
Odile Fillion, Architecture Intérieure Crée, n°197 octobre-novembre 1983 pp 84-93 architecturales
tridimensionnelles.

À partir de ses recherches et essais, il développe un


nouveau moyen de notation s’inspirant directement de Sergueï
Eisenstein. Il superpose trois types d’informations : une
photographie symbolisant l’événement, un plan symbolisant
l’espace, et des flèches qui superposées au plan symbolisent fig.13 Série de Triptique de The Manhattan Transcripts,
Bernard Tschumi, 1981
le mouvement dans l’espace. The Manhattan Transcripts, p.16
30 SÉQUENCE 2 - THÉORIE - 1971 À 1981 30

Bernard Tschumi utilise le story-board comme outil


de représentation pour The Manhattan Transcripts. Comme un
story-board transmet le scénario et l’ambiance d’un film,
il utilise cet outil pour transmettre une idée, un concept
en architecture.

The Manhattan Transcripts a comme point de départ un


scénario type de série B américaine. Un homme sort de prison,
rencontre l’amour, et on le tue. À partir de ce scénario,
Bernard Tschumi déplace des personnages dans la ville et
dans l’espace (fictif ou réel). Quatre types d’espaces sont
utilisés, le premier, The Park, le second, The Street, le
troisième, The Tower (fig.14), et le dernier, The Block
(fig.15). Ces espaces répertorient plusieurs événements qui
révèlent les potentialités de l’espace.

Bernard Tschumi cherche à montrer que l’architecture


n’est pas uniquement définie par ses édifices mais aussi par
ce qu’en font les gens. Le surgissement de l’inattendu,
l’espace, le mouvement et l’événement.

Le but de l’essai est d’expérimenter une nouvelle


fig.14 Diagramme de The Manhattan Transcripts, The Tower,
façon de concevoir l’espace, le mouvement et les différents Bernard Tschumi, 1981
événements qui pourraient se passer dans cet espace. Il ne The Manhattan Transcripts, p.43

s’agit pas de donner un procédé ou une méthode de travail


mais plutôt de montrer un nouvel outil qui aide à visualiser
l’espace d’une autre manière.

Cela fait maintenant quinze ans que Bernard Tschumi a


testé et expérimenté l’architecture. Le concours du parc de
la Villette semble pour lui l’occasion parfaite de mettre
en œuvre ce qu’il a pu écrire. Ses essais écrits doivent
être mis à l’épreuve, il faut prouver au grand public que
cette manière de concevoir l’architecture est valable.

FONDU AU NOIR

fig.15 Série de triptique de The Manhattan Transcripts, The Block,


Bernard Tschumi, 1981
The Manhattan Transcript, p.46
32 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 32 33 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 33

SÉQUENCE 3 - EXT/JOUR - PARC DE LA VILLETTE

Bernard Tschumi a fini d’écrire ses essais. Il pose son stylo


et sort faire un tour. Il va visiter le site du concours
du Parc de la Villette.

Scène 1 : Le Parc de la Villette

Le parc de la Villette, anciennement abattoirs de


Paris, s’étend sur 54 hectares. En 1981, un concours est
lancé, son objectif est de reconvertir cette grande friche
industrielle en parc urbain ouvert sur la ville. On attend
des participants qu’ils conçoivent une réflexion théorique
et conceptuelle sur la place de la nature, il n’est pas
Pratique n.f. (bas latin practice, du grec attendu d’équipement urbain.1
praktikê) :

. Application, exécution, mise en action des règles, des


principes d’une science, d’une technique, d’un art, etc., « La nature se trouvant ainsi transformée en une vaste demeure sous
par opposition à la théorie. le ciel ouvert »
- Hegel, plaquette de présentation du concours

. Connaissance acquise par l’expérience, par l’action


concrète.

Définitions du dictionnaire Larousse Bernard Tschumi participe pour la première fois à un


concours et utilise les quinze années de recherche comme
outil pour son projet. Il décide de ne pas se cantonner
à regrouper le programme sous un même toit, mais décide
d’éclater le programme à travers le parc en disposant
chaque fonction dans des « folies » elles-mêmes disposées
sur une grille. Cette idée est directement reprise de son
projet Joyce’s Garden qu’il a proposé à ses étudiants.

Bernard Tschumi a développé son approche architecturale


et il voit le concours comme une occasion de mettre en
pratique ce qu’il a pu expérimenter avec ses étudiants ou
dans ses essais.

1 - Proposition pour l’aménagement du Secteur de La Villette, mai 1975, Commissaire à


l’Aménagement
34 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 34

Il travaille le projet comme un empilement de plusieurs


systèmes. Un système de points, de lignes et de surfaces
qui représentent l’événement, le mouvement et l’espace qui
font directement référence à The Manhattan Transcripts.

« C’est ici que se trouverait ce « réalisme » dont parle Tschumi, au


lieu précis où les diverses forces, parfois antagonistes, viennent
fusionner dans l’opération architecturale.
Les trames et leurs superpositions sont l’instrument de cette
transaction. « Tramer écrit Jacques Derrida à propos de la Villette,
c’est traverser, passer à travers un méat. C’est l’expérience d’une
perméabilité. Et la traversée n’avance pas dans un tissu déjà donné,
elle tisse, elle invente la structure histologique d’un texte, on
dirait en anglais fabric.» Comme pour ce projet, où mes folies ne
désignent « qu’une partie, une série de parties, la ponctuelle
précisément, d’un ensemble qui comporte aussi des lignes et des
surfaces, une ‘bande-son’, une ‘bande-image’ »
- Bernard Tschumi : Architecture : concept et notation, 2014, p51

Le système de point est représenté par « Les folies ».


Bernard Tschumi utilise ce mot pour désigner les différentes
sculptures qu’ils créent . Il dispose ainsi vingt-six
1

bâtiments rouges de formes variées, et de mêmes dimensions.


Il prend pour base un cube de 10,80 mètres de côté. Les
« folies » sont espacées de 120 mètres sur une grille
recouvrant l’espace du parc et s’étendant même au‑delà
de la parcelle. Chaque « folie » a un programme différent
selon sa position dans le parc . 2

Le système de ligne est symbolisé par les deux


galeries, celle de l’Ourcq et celle de la Villette. Ces
deux grands axes traversent le parc : l’un nord-sud et
1 - Bernard Tschumi a déjà travaillé avec des sculptures qu'il appelle "Folies" comme
par exemple en 1979 avec Staircase for Scarface une scultpture sur les toits de New fig.16 Planche de diagramme du projet, Répartition programmatique,
York.
2 - On retrouve par exemple une Folie d'accueil, d'information qui marque l'entrée du
axonométrie des trois systèmes, Atlas des folies
parc au Nord ou encore une Folie accueillant une billeterie pour le Zénith à l'entrée Bernard Tschumi, 1983
de la salle de concert. http://giuliacerrato.tumblr.com/post/106627724409/oma-rem-koolhaas-elia-zenghelis-bernard
36 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 36

l’autre est-ouest. La galerie de l’Ourcq, longe le canal et


dispose d’une piste cyclable qui permet de se rendre à la
Villette depuis la place de Stalingrad. En plus de ces deux
axes principaux, Bernard Tschumi décide d’y rajouter une
promenade « cinématique ». Il s’agit d’un chemin sinueux
de trois kilomètres qui traversent le parc et qui est bordé
d’aires de jeux, de jardins paysagers et d’espaces à thème.

Enfin, le système de surface qui s’étend sur huit


hectares de pelouse. Deux grandes formes composent ce
système, la prairie du cercle dont sa forme est l’éponyme.
Elle est coupée en deux par le canal de l’Ourcq. Puis on
retrouve la prairie du triangle qui borde la Grande Halle.

Le projet est réglé par la superposition des trois


systèmes (fig.16), le système de grille dont les points
d’intersection accueillent les folies, le système de ligne fig.17 Plan du parc et plan du parcours cinématique,
qui organise les circulations à travers le parc, et le Bernard Tschumi, 1983
Supercrit 4, Bernard Tschumi, Parc de la Villette, p23
système de surface destiné aux activités de plein air. Une
fois les 3 systèmes superposés, une promenade cinématique
(fig.17 & fig.18) viens traverser le parc. C’est comme « une
succession d’ambiance paysagère soigneusement orchestrée
le long d’un circuit sinueux » . 1

Au contraire de l’architecture de synthèse qui vient


réunir les fonctions à un même endroit, le projet utilise
plutôt les notions de « disjonction » et de « déconstruction »
qui sont chères à Bernard Tschumi. Ce projet fait directement
référence au passé de Bernard Tschumi. On lit clairement
les différentes expériences de l’architecte à travers sa
proposition pour le concours.


FONDU

fig.18 Parcours cinématique,


Bernard Tschumi, 1983
1 - Architecture : concept et notation - Catalogue de l’exposition, Frédéric Migayrou Architecture : concept & notation, p112
p.93
38 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 38

Scène 2 : Concurrences et Lauréat

Contrairement aux autres concurrents, il se démarque


en proposant un projet où il se référe directement à ses
recherches et à ses essais. Les documents de rendu du
concours se rapprochent d’ailleurs beaucoup de son passé.
L’ensemble agit comme le terrain cinématographique où
pourraient se dérouler plusieurs scénarios.

Le thème des folies et de leur répartition en grille,


apparu dans Joyce’s Garden, est réutilisé. C’est une manière
de venir s’approprier l’entièreté du site. Ces bâtiments
sont le résultat d’opérations d’emboîtement, de télescopage,
de lignes, de formes géométriques qui évoquent directement
les artistes constructivistes des années 1920. Chaque folie
fonctionne à la fois comme un repère dans le parc et comme
point de rassemblement et lieu d’expérimentation de toutes
sortes d’activités. Les folies rassemblent les gens et
créent des lieux d’échanges et de mixité sociale.

Enfin, Bernard Tschumi fait appel à plusieurs compétences


pour créer différents environnements, comme pour Joyce’s
Garden où il fait travailler chacun de ses étudiants sur un
point de la grille. Il fera notamment appelle à Alexandre
Chemetoff et Daniel Buren pour le Jardin des bambous.

Les perspectives qu’il présente sont aussi comparables


à un story-board. Elles racontent l’histoire de plusieurs
personnes traversant le parc. Par exemple, un coureur qu’on
distingue assez facilement avec des perspectives de travers
qui font ressentir l’espace depuis un certain point de
vue (fig.19). Ces perspectives font référence aux travaux
de recherche comme les « Screenplays » et The Manhattan
Transcripts.

Rem Koolhaas, architecte déconstructiviste a lui


aussi participé au concours du Parc de la Villette. Comme
Bernard Tschumi, il a été influencé par les architectes fig.19 Perspectives de rendu,
constructivistes russes et a lui aussi proposé une série Bernard Tschumi, 1983,
Parc de la Villette : Supercrit 4, p21
40 SÉQUENCE 3 - PRATIQUE - 1981 À AUJOURD’HUI 40

de bâtiments répartis sur le site. Il s’est lui aussi


servit de son expérience passée et notamment de son livre
Delirious New York où il théorise l’architecture verticale
mélangeant les programmes. Il s’agit de son projet théorique
du Downtown Athletic Club (fig.20).

Il propose alors un projet en cinq couches (se


rapprochant des trois systèmes de Bernard Tschumi)  : le
premier programme en bandes horizontales à la manière du
Downtown Athletic Club à travers le site de la Villette, Il
compare le Parc de la Villette à un Downtown Athletic Club
étalé à l’horizontale. Le second, des éléments ponctuels
tels que des kiosques, des parcs de jeux, des barbecues
dispersés sur une grille à la manière des folies de Bernard
Tschumi. Le troisième programme, une forêt «  ronde  » au
centre du parc. Un quatrième programme créant des connections
entre tous les éléments. Enfin le dernier programme étant la
superposition des différents systèmes (fig.21).

Dans un sens, un projet très comparable à celui de


Bernard Tschumi. On remarque que ces deux projets finalistes
se répondent étrangement. Ce qui a peut-être fait la
différence entre ces deux propositions est la clarté du
propos. La théorie de Bernard Tschumi s’approprie plus
facilement au contexte et à ses expériences passées comme
le projet de Joyce’s Garden sont assez comparables au
concours.
fig.20 Coupe du «Downtown Athletic Club»,
Rem Koolhaas, 1930
FONDU AU NOIR Congestion Without Matter, p.43

fig.21 Diagrammes de présentation de projet,


Rem Koolhaas, 1983
https://oma.eu/projects/parc-de-la-villette
42 CONCLUSION - INFLUENCE - ARTS & ARCHITECTURE 42 43 CONCLUSION - INFLUENCE - ARTS & ARCHITECTURE 43

CONCLUSION

En 1974, Bernard Tschumi réalise une performance à Londres.


Il organise un feu d’artifice pour l’exposition, « Space:
A thousand words ». En 1992, il réitère l’opération au
Parc de la Villette. Il est ainsi mis en relation avec les
artificiers. Pour créer ce feu d’artifice, Bernard Tschumi
créera un nouveau mode de représentation (fig.22) puisque
jusque-là, les artificiers concevaient leurs feux d’artifice
à partir de la description de leurs clients (une rouge
brillante, une étoile verte...).

Bernard Tschumi s’inspire alors de The Manhattan


Transcripts en dessinant une bande tripartite avec de haut
en bas, l’aspect visuel du feu d’artifice, le dessin en plan
avec en rabattement une coupe, et une barre de temps en
bas. L’espace, le mouvement et l’événement.

On voit bien que la théorie de Tschumi est adaptable


pour tous les arts. Il y a une opportunité pour chaque
fig.22 Fireworks Notation,
artiste de s’inspirer des autres arts, comme le story-board Bernard Tschumi, 1992
qui a lancé la carrière de Bernard Tschumi. http://www.tschumi.com/projects/47/

En 1970, la danseuse chorégraphe Tricha Brown escalade


la façade d’un bâtiment à New-York et se sert des escaliers
de secours, des cheminées comme protagonistes de sa danse
(fig.23). Cette performance artistique peut faire directement
référence au travail de Bernard Tschumi, où le bâtiment
accueille un nouveau scénario. Il y a comme un dialogue
architectural avec l’art de la danse.

Les architectes ne doivent pas se contenter de références


architecturales mais doivent regarder ce qu’il se fait et
ce qui existe dans les autres arts.

FONDU AU NOIR

FIN
fig.23 Man Walking Down the Side of a Building,
Trisha Brown, 1970
https://frieze.com/article/trisha-brown-1936-2017
44 RÉFÉRENCES 44 45 RÉFÉRENCES 45

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mi-architecte-paris-new-york
46 CHRONOLOGIE 46 47 CHRONOLOGIE 47

Georges Melies,1861‑1938
Charles‑Édouard Jeanneret‑Gris, Le Corbusier, 1887‑1965
Sergueï Eisenstein, 1898‑1948
Constructivisme, 1917‑1921
Empire Stalinien, 1929‑1953
Bernard Tschumi et Rem Koolhaas, 1944

1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980

1899, Histoire de l’architecture 1938, Alexandre Nevski


Auguste Choisy Eisenstein
1917, Révolution Russe 1970, Man Walking Down
the Side of a Building
1920, Manifeste réaliste Trisha Brown
Naum Gabo
1988, Exposition Deconstructivist Architecture au MoMA
1921, Effet Koulechov Philip Johnson and Mark Wigley

Enseigne à l’Architectural Association


Screenplays
The Manhattan Transcripts

1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982

Joyce’s Garden

Downtown Athletic Club En haut, frise chronologique de 1860 à 1990 mettant en relation
Delirious New York, Rem Koolhaas le contexte qui a influencé le parcours de Bernard Tschumi

Lancement du concours A gauche, frise chronologique de 1969 à 1982


du parc de la Villette retraçant le parcours étudié de Bernard Tschumi
Itinéraire d’un architecte
L’influence du storyboard en architecture,
l’exemple de Bernard Tschumi

Depuis que le cinéma existe, de nombreuses portes se sont


ouvertes. Le 7ème art a donné un nouveau souffle à la culture
et a inspiré plusieurs artistes. Ce mémoire se concentre sur
les 20 premières années de l’architecte Bernard Tschumi en
explorant son itinéraire. Son parcours est intéressant car
l’architecte s’est inspiré de l’univers cinématographique
pour développer une nouvelle conception de l’espace. Loin de
l’architecture classique et du Post Moderniste, Il redéfinit le
langage architectural à travers une nouvelle façon de penser
l’espace qui se rapproche de la vision des cinéastes avec
le storyboard. Que ce soit avec ses étudiants, à l’écriture
d’essai ou pendant un concours, l’architecte expérimente
de nouvelles choses. C’est un véritable exemple de mélange
d’art et de culture qui produit de nouveaux modes de pensée.

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