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revue Recherches en Sciences de Gestion-Management Sciences-Ciencias de

Gestión, n° 91, p. 109 à 127

Le modèle ABC face aux mutations des fonctions


opérationnelles

Samir Ayoub
Professeur associé
ESSCA Ecole de Management
LUNAM Université Angers

Zouhair Djerbi
Chercheur associé
ESSCA Ecole de Management
LUNAM Université Angers

De la chaîne logistique à la gestion des relations client en


passant par la production, toutes ces fonctions connaissent des
mutations profondes. Elles font de plus en plus appel au contrôle de
gestion dont les outils sont amenés également à évoluer. Notre
recherche a pour objectif d’étudier l’impact de la comptabilité par
activités, sur le pilotage des fonctions amont et aval de la production,
à savoir la fonction approvisionnement et la fonction marketing. Les
résultats montrent que le modèle ABC – bien que sujet à débat –
contribue, à travers une meilleure visibilité des coûts, à l’amélioration
du pilotage des deux fonctions étudiées.

Mots-clés : ABC, fonctions opérationnelles, performance, SCM,


CRM.

Business functions have faced important changes leading to a


new approach in managing costs. Production, supply chain and
customer relations increasingly rely on management accounting tools
110 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

to meet their needs in terms of management and control. Our research


aims to study the impact of activity-based costing on the management
of the supply chain and marketing functions. The results show that the
ABC model - although debatable - contributes, through a better
visibility of costs, to enhance control and the improvement in the
performance of the two studied functions.

Key-words: ABC, business functions, performance, SCM, CRM.

Las funciones operacionales, desde la logística empresarial


hasta la gestión de la relación con la clientela y la producción, han
conocido importantes transformaciones que llevan a definir nuevas
necesidades de gestión de los costes. Nuestra investigación tiene como
objetivo estudiar el impacto de la contabilidad por actividades sobre
la coordinación de las funciones anteriores y posteriores a la
producción, es decir, las funciones logística y marketing. Los
resultados muestran que el modelo ABC, aunque objeto de debate,
contribuye, mediante una mejor percepción de los costes, a una
coordinación más eficaz de las dos funciones estudiadas.

Palabras claves: ABC, funciones operacionales, eficacidad, SCM,


CRM.

Introduction

Au fil des ans, le contrôle de gestion a vu son périmètre d’action


s’étendre à un nombre croissant de fonctions opérationnelles dans les
organisations. De nouvelles méthodes de comptabilité de gestion,
telles que la méthode ABC (Activity-Based Costing, Comptabilité par
activités) ont activement contribué à ce phénomène. Le modèle ABC
cherche à répondre aux insuffisances des méthodes traditionnelles de
calcul de coût. Sa grande force est de faire abstraction de la structure
organisationnelle pour analyser les processus créateurs de valeur
(Mevellec, 2005 ; Alcouffe et Malleret, 2004). Face aux mutations de
la fonction production, avec notamment la mise en place de systèmes
de gestion de production de type « Juste-à-Temps », ce modèle
constitue un outil adéquat de mesure et de gestion de la performance
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 111

de la production car il permet de piloter la fonction en mettant en


évidence des activités ou processus à l’origine de cette performance
(Evraert, 1997 ; Travaillé, 1998).
Cette évolution en contrôle de gestion s’est produite
parallèlement à d’importantes transformations dans les fonctions
opérationnelles, conduisant à une nouvelle approche en matière de
pilotage des coûts. En particulier, les fonctions en amont –
approvisionnement – et en aval – marketing – de la production ont
connu des bouleversements majeurs. Ce qui conduit à une adaptation
des besoins en termes d’apports du contrôle de gestion.
La transformation de la fonction approvisionnement – par la
mise en place du SCM (Supply-Chain Management) – et de la
fonction marketing – par la mise en place du CRM (Customer
Relationship Management) a été réalisée durant la période 2008 –
2009, par l’organisation au sein de laquelle cette recherche a été
menée. L’entreprise a également décidé, parallèlement, de mettre en
œuvre l’outil ABC. Ce qui nous a conduits à nous interroger sur la
façon dont ce modèle impacterait la performance de ces deux
fonctions en pleine mutation.
Nous avons souhaité étudier les deux fonctions simultanément,
d’une part parce qu’elles ont connu des mutations durant la même
période (mise en place du SCM et du CRM), et d’autre part, parce que
le modèle ABC a été implanté simultanément dans les deux fonctions
de l’entreprise par le même chef de projet avec qui les auteurs ont
collaboré dans le cadre d’un contrat de recherche. Rappelons que des
travaux sur l’impact de l’ABC sur les fonctions amont et aval de
l’entreprise ont déjà été réalisés (Dekker et al., 2000 ; Dekker, 2003 ;
Stapleton et al., 2004). La particularité de notre travail se situe sur le
test simultané de l’ABC sur ces deux fonctions au sein d’une même
entreprise.
L’article est structuré de la façon suivante : une première partie
est consacrée à une revue de la littérature sur les transformations des
fonctions approvisionnement et marketing et sur les nouveaux défis en
matière de gestion des coûts, suivie d’une seconde partie présentant la
méthodologie et le terrain de la recherche. Ensuite, une troisième
partie expose les résultats, avant de les analyser et de vérifier si les
données issues du modèle ABC contribuent à l’amélioration du
pilotage des fonctions étudiées.
112 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

1. – Revue de la littérature

La revue de la littérature est structurée en deux parties : une


première est liée à l’évolution de la chaîne logistique et une seconde
liée au marketing relationnel.

1.1. Le Supply Chain Management

La transformation de la fonction logistique par l’adoption du


SCM révèle la nécessité de répondre au besoin de pilotage des deux
volets de la performance de la fonction : la création de valeur
parallèlement à la maîtrise des coûts d’approvisionnement.

1.1.1. La création de valeur par le SCM

D’après l’ASLOG (Association française pour la logistique), le


SCM consiste à optimiser et coordonner l’ensemble des activités
visant à concevoir, fabriquer et distribuer le bon produit, au bon
moment et au bon prix. Les besoins de la fonction sont de nature
interne (approvisionnement de biens et de services nécessaires au
fonctionnement de l’organisation) ou externe (satisfaction des clients).
La gestion de la chaîne logistique est basée sur la coordination de
deux entreprises ou plus afin d’améliorer la rentabilité de la chaîne
visant à fournir des biens ou services aux clients. Les premières traces
du SCM peuvent être trouvées chez Forrester (1958). Cet auteur
analyse, dans ses travaux théoriques, l’optimisation des flux
d’information et de biens et conclut à la supériorité de l’optimisation
intégrée face à l’optimisation individuelle. Le terme de SCM a été
utilisé pour la première fois par Oliver et Webber (1982) dans leurs
travaux sur la théorie du management stratégique de la logistique.
La montée en puissance du SCM au sein des organisations trouve
ses origines dans la pression concurrentielle liée à la globalisation des
marchés et dans la nécessité de mettre en avant de nouveaux
avantages concurrentiels. De plus, le recours à l’externalisation afin de
se recentrer sur le cœur de métier (Lummus et Vokurka, 1999),
associé à une pression concurrentielle plus forte, ont généré un
accroissement de la complexité et de l’incertitude pour les entreprises
quant à leur politique d’approvisionnement (Bandinelli et al., 2006).
D’où un besoin de coopération inter-organisationnelle, justifiant la
mise en place du SCM. Les technologies de l’information ont
également favorisé le développement du SCM car elles ont facilité la
coordination au sein d’entreprises dont les unités sont
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 113

géographiquement dispersées (Meredith, 2001 ; Boulay et de Faultrier,


2005).
La gestion des flux logistiques est elle-même source de
complexité du fait, entre autres, des contraintes en matière de gestion
des stocks, de synchronisation des flux entre l’entité amont et l’entité
aval et de l’intensification de ces flux. La première source de
complexité – la gestion des stocks – conduit, par exemple, à la mise en
place de stocks en consignation, c’est-à-dire d’un accord du
fournisseur acceptant de rester propriétaire de marchandises stockées
chez l’acheteur. Quant aux flux de marchandises, les fluctuations de la
demande – et par conséquent la variation du niveau de production –
ajoute un niveau de complexité supplémentaire pour l’entreprise.

1.1.2. L’émergence de nouveaux besoins en matière de maîtrise des


coûts

La mise en place du SCM fait émerger de nouveaux besoins de


calcul économique, afin notamment de fournir une aide à la décision
en termes d’externalisation, de gestion des acteurs de la chaîne
logistique (sur la base des coûts) et d’évaluation des bénéfices tirés
d’un partenariat (Seal et al., 1999). De même, les acteurs du SCM
cherchent à évaluer les fournisseurs, à mettre en place un
développement conjoint ou une re-conception des produits. Ce qui
nécessite là encore une connaissance des coûts (Agndal et Nilsson,
2009), c’est-à-dire la mise en place d’un système de coût inter-
organisationnel.
Face à ces besoins, de nombreux outils peuvent être utilisés tels
que le coût cible, le modèle ABC, le Kaizen de coûts ou le coût total
de possession (Ramos, 2004). L’éventail des outils de gestion reflète
notamment le niveau de complexité et les nouveaux défis auxquels
doit faire face le SCM. La comptabilité à livre ouvert constitue pour
Kajüter et Kulmala (2005) un outil de calcul inter-organisationnel
intéressant. Mais il doit reposer sur la volonté de partager les
informations de la part des acteurs, ce qui est loin d’être le cas dans la
pratique. En effet, cette méthode requiert un degré de coopération et
d’intégration entre firmes très élevé, ce qui suppose une relation de
confiance importante et difficile à obtenir. Quant aux autres outils, peu
d’applications pratiques ont démontré leur efficacité.

1.2. Le marketing relationnel

La fonction marketing a également connu une mutation en


adoptant une logique relationnelle. Nous nous intéresserons
114 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

particulièrement aux apports du modèle ABC pour les utilisateurs du


CRM, ces derniers pouvant appartenir à la sphère marketing et
commerciale. Un nouveau paradigme en marketing a donné naissance
à un outillage économique qui interpelle directement le contrôleur de
gestion, dès lors qu’il est question de coût, de valeur et de rentabilité.

1.2.1. Création de valeur par le marketing relationnel

La vision relationnelle du marketing, basée sur des rapports


durables entre acheteur et vendeur et caractérisée par des éléments
clés tels que l’engagement et la confiance, a pris le pas sur le
marketing transactionnel (El Fida et Hédi-Charki, 2008). Pour
Brulhart (2005), cette transformation du marketing conduit à la prise
en compte d’un véritable capital relationnel, capital que l’entreprise
doit protéger et développer. En effet, l’entreprise gère le cycle de vie
du client dans le but d’atteindre une phase dite « d’intimité » avec le
client (Peelen et al., 2006). Cette nouvelle conception de la relation
clients a conduit les chercheurs en marketing à appréhender la valeur à
travers le concept d’actifs clients. Ce dernier représente les profits
issus du portefeuille de clients. Mais, dans une optique relationnelle,
ces profits sont ventilés selon la phase de vie du client : acquisition ou
fidélisation (Blattberg et al., 2001). Ce qui suppose que l’entreprise
puisse faire la distinction entre les clients acquis et les clients fidélisés.

1.2.2. L’émergence de nouveaux besoins en matière de maîtrise des


coûts

Cette distinction conduit ainsi à mettre en œuvre des stratégies


marketing adaptés à la phase du cycle de vie du client. Blattberg et al.
(2001) estiment ainsi que ces politiques de marketing différencié
doivent faire l’objet d’un management combiné, et non séparé. Pour
mettre en œuvre ces stratégies, ces auteurs proposent comme outil
central le bilan de l’actif client, dans lequel le portefeuille client est
classé en deux catégories : les clients existants d’une part, pour
lesquels il convient de suivre les cash-flows futurs, mesurés à l’aide
des taux de fidélisation ; et les nouveaux clients d’autre part, qui font
également l’objet d’un suivi de la profitabilité en fonction de leur
comportement futur.
La valeur de l’actif client synthétise ainsi les profits issus des
clients selon qu’ils sont acquis, fidélisés ou qu’ils font l’objet de
ventes additionnelles (figure 1).
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 115

Figure 1 La valeur de l'actif client

Source : BLATTBERG et al., (2001), p. 132.

Il convient, dans le point suivant, de s’interroger sur la capacité


du modèle ABC à répondre à ces besoins de maîtrise de la
performance des fonctions approvisionnement et marketing.

1.3. Le modèle ABC : quels apports pour le SCM et le CRM ?

Rappelons que l’outil ABC est une méthode de comptabilité


analytique relativement ancienne. Il est né d’un débat sur le traitement
des charges indirectes, qui a débuté dès les années 1970 (Demski et
Feltham, 1976 ; Blanchard, 1978) et s’est poursuivi dans les années
1980 et 1990 (Cooper, 1987 ; Evraert et Mevellec, 1991). Il reste
cependant un outil pouvant intéresser les deux fonctions.
En ce qui concerne la fonction logistique, sa complexité réside
dans la prise de décisions des managers. En effet, ceux-ci doivent
prendre des décisions sur la base d’informations fiables. Ils ont besoin
de réaliser des arbitrages entre fournisseurs, d’établir des prévisions et
d’identifier les leviers d’action leur permettant d’une part d’optimiser
les coûts et d’autre part d’assurer la fiabilité de la chaîne de
production. Or, les systèmes conventionnels de calcul de coût
présentent certaines limites, dès lors qu’il est question d’identifier
avec précision les leviers d’action de la performance, notamment les
facteurs de cause dans la consommation des ressources.
Compte tenu des besoins des acteurs de la fonction logistique en
termes de transparence, de lisibilité des coûts et de planification, il
devient urgent pour la fonction de disposer d’un outil de gestion
adéquat. Axelsson et al. (2002) et Dekker (2003) estiment que le
modèle ABC constitue une réponse à ces besoins, car la modélisation
en activités qu’il propose permet d’évaluer les coûts des activités
relatifs aux fournisseurs et d’assurer ainsi un meilleur pilotage de la
fonction logistique.
Il s’agit de savoir si le modèle ABC permet, grâce à une
meilleure visibilité des coûts, d’optimiser les coûts de transaction au
sein de la fonction logistique. Ce qui permettrait de réduire
116 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

l’incertitude générée par les opérations. Dans cette hypothèse, cette


meilleure connaissance des coûts conduirait à une réduction des
risques liés aux processus décisionnels impliquant les acteurs
organisationnels en amont et en aval de la chaîne logistique.
Concernant le CRM, certains auteurs ont déjà étudié les apports
potentiels du contrôle de gestion à la fonction commerciale : les
travaux de Capelleti (2008) montrent notamment, au travers d’un cas
d’expérimentation, la contribution positive du contrôle de gestion dans
le décloisonnement de la fonction commerciale et dans sa capacité à
aider au diagnostic et au traitement de ses dysfonctionnements. Mais
ces travaux concernent la fonction contrôle de gestion articulée avec
une fonction commerciale, et non la capacité des nouvelles formes de
contrôle de gestion à être en phase avec les mutations de la fonction
marketing et commerciale. D’autres auteurs se sont intéressés aux
apports des innovations en contrôle de gestion aux fonctions
marketing et commerciales en préconisant d’utiliser le modèle ABC
pour une analyse de la rentabilité des clients (Turney et Stratton,
1992 ; Foster et al., 1996 ; Kaplan et Cooper, 1998 ; Stapleton et al.,
2004). Cependant, la distinction des clients selon leur phase dans le
cycle de vie est nécessaire, car les besoins des clients sont différents
dans cette phase. Or, les recherches précitées ne font pas cette
distinction et n’offrent pas de réponse face à la problématique de la
valeur des clients soulevés par la littérature sur le marketing. En effet,
les activités mises en évidence ne font pas le lien avec l’analyse
cyclique du client.

2. – Méthodologie de la recherche

Nous avons eu l’occasion de réaliser une étude exploratoire


analysant deux fonctions à l’aide d’entretiens semi-directifs
permettant d’exploiter l’ensemble des données fournies par le sujet
(Evrard et al., 1994). Ce qui nous a permis de mesurer l’impact du
modèle ABC sur la performance des fonctions marketing et logistique,
au travers de l’analyse des perceptions des acteurs. Dans cette optique,
des entretiens semi-directifs ont été menés au sein d’une entreprise
située en France, dans le cadre d’un contrat de recherche couvrant une
période de deux ans (2008 à 2010). Le processus, résultant du
regroupement d’activités, a été constitué à partir de la structure
organisationnelle existante, la transversalité du modèle ABC est
introduite lors de ce regroupement (Mevellec, 2005). Nous présentons
plus loin les processus et les inducteurs des deux fonctions étudiées.
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 117

Cette entreprise, MicroDiet1, a connu les mutations mentionnées


précédemment, par l’adoption du CRM et la mise en place du SCM.
Spécialisée dans la recherche, la production et la distribution de
compléments alimentaires et aliments santé, elle emploie 120 salariés
et s’appuie sur un réseau d’officines pour vendre ses produits au
consommateur final. Le modèle ABC a été mis en place au sein de
l’entreprise en 2008 (tableau 1).

Tableau 1 Liste des activités et inducteurs des deux fonctions

Processus – Fonction Inducteur Volume Coût de


marketing inducteur l’inducteur
Animer le réseau de Nombre de 3 646 1 608 €
prescripteurs prescripteurs
Animer le réseau de Nombre de 420 1 887 €
pharmacies pharmacies
partenaires
Servir les consommateurs Nombre de lignes de 925 000 0.53 €
commandes
Promouvoir Nombre de 54 63 304 €
messages
spécifiques
Recruter les distributeurs Nombre de pays 6 18 607 €
export prospectés
Animer les distributeurs Nombre de 10 43 621 €
export distributeurs
Processus – Fonction Inducteur Volume Coût de
approvisionnement inducteur l’inducteur
Certifier les fournisseurs Nombre d’accords- 10 12 000 €
cadres signés
Gérer les stocks Nombre de 916 122 €
références
Gérer la qualité des Nombre de lots 500 3 600 €
approvisionnements analysés
Gérer les retours Nombre de 145 12 500 €
fournisseurs références
retournées

Nous avons retenu le principe de saturation sémantique lors du


déroulement des entretiens (Thietart, 2007). Cette saturation a été
atteinte au bout de 22 entretiens. Pour solidifier les résultats, nous
avons été au-delà de cette saturation sémantique, en réalisant 27
entretiens d’une durée comprise entre une heure et une heure et demie.

1. Nous avons modifié le nom de l’entreprise, sur demande de celle-ci, pour des raisons
de confidentialité.
118 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

Les entretiens ont été menés auprès des différents acteurs des deux
fonctions étudiées et des acteurs de la Direction Générale.
Enfin, les verbatim ont été analysés en effectuant dans un premier
temps une lecture rapide du résultat des entretiens. Dans un second
temps, des regroupements ont été effectués en recherchant les
similitudes dans les réponses des interviewés. Cette classification
thématique (Thietart, 2007) a ainsi facilité l’analyse des résultats. En
outre, l’interaction avec le terrain a été guidée par la rigueur liée à
l’étude de cas unique (Yin, 2003). Dans cette optique, nous avons
utilisé le mode multilogue : le rapport est ainsi moins distancié et
plusieurs voix, dont celle des chercheurs, raconte l’étude de
cas (Habab Rave, 2006). Cette dimension confère à notre recherche
une multitude de sources de collecte des données : entretiens,
documents internes et externes, communications téléphoniques,
observation, etc.

3. – Résultats

L’objectif est, dans un premier temps, de déterminer les facteurs


responsables de la consommation des ressources de la fonction. Il
convient, dans un second temps, d’évaluer la capacité du modèle à
mesurer efficacement ces facteurs. Plus largement, il convient de
déterminer dans quelle mesure l’outil ABC contribue à un meilleur
pilotage de la fonction.

3.1. Modèle ABC et fonction logistique

Les acteurs interviewés identifient plusieurs facteurs qui


influencent la consommation de ressources. Nous nous focaliserons
sur les caractéristiques ayant le plus d’impact sur la performance de
l’acheteur (MicroDiet). La qualité du produit et du flux logistique
d’une part, et la flexibilité et la coopération d’autre part.

3.1.1. Qualité du produit et du flux logistique

La capacité du fournisseur à délivrer des matières conformes au


cahier des charges de l’acheteur, constitue une caractéristique
importante pour l’entreprise dans la mesure où elle conditionne
fortement la consommation de ressources de la fonction logistique. En
effet, une forte adéquation de la demande de l’acheteur avec les
produits livrés réduit le risque pour l’acheteur d’enclencher un
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 119

processus de traitement des dysfonctionnements ; ce qui réduit sa


consommation de ressources. De même, le respect de la qualité des
produits et sa stabilité permet d’éviter des conflits potentiels avec les
fournisseurs. Les acteurs interviewés exprimaient clairement leur
préférence pour des fournisseurs garantissant une stabilité dans la
qualité de leur livraison. Celle-ci doit être également liée à une
fiabilité du flux logistique. En effet, le fournisseur doit être capable de
sécuriser les approvisionnements de l’acheteur. Dans cette optique, la
qualité du flux logistique consiste à fournir la quantité commandée, au
bon moment, au bon endroit, avec la qualité désirée. Un flux
logistique défaillant génère une livraison décalée (tardive ou précoce),
entraînant une perturbation du processus logistique pour l’acheteur.
Ces perturbations génèrent des consommations de ressources telles
qu’une hausse non planifiée, et donc subie, de la surface de stockage,
des demandes d’explications au fournisseur concernant le retard, un
recomptage des stocks, etc.
Le responsable approvisionnements estime que le modèle ABC
de l’entreprise lui permet d’utiliser les inducteurs de coûts comme
levier d’action : « En ce qui concerne la qualité de nos
approvisionnements, je réalise un suivi régulier du coût du lot
analysé. Cet inducteur a augmenté de 15 % sur le second trimestre
2009, soit + 9. Ce qui a entraîné un sur-coût de 32 400 €, compte tenu
du coût unitaire de l’inducteur de 3 600 €. En fait, notre processus
« Gérer la qualité » était mal structuré : un certain nombre de lots
faisait l’objet de deux contrôles qualité. Grâce au modèle ABC, nous
avons ainsi pu optimiser notre processus de gestion de la qualité ».
Compte tenu du caractère stable du processus logistique, où les
responsabilités sont bien identifiées, les conséquences d’une
perturbation de ce processus peuvent être facilement prédictibles. Le
cadre logistique explique par exemple que l’arrivée dans l’entreprise
d’un prototype (suite à l’aboutissement du travail de recherche-
développement) mal étiqueté génère une perte de temps importante.
Le système d’entreposage étant en partie automatisé, une erreur
d’étiquetage génère des dysfonctionnements coûteux. En effet, dans le
cadre de sa prise de décision, le cadre logistique récupère les données
issues de l’ERP et est donc induit en erreur. Le processus ABC
« Gérer les stocks », entre autre, permet d’évaluer le coût de cette
erreur.
Dans cette optique, les coûts des inducteurs ABC sont utilisés
par les managers dans le cadre de négociations avec les fournisseurs
afin d’obtenir des compensations lors de la survenance de tels
dysfonctionnements.
120 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

3.1.2. Coopération et flexibilité

Coopération et flexibilité sont deux caractéristiques importantes


du supply chain, qui ont un impact sur la consommation des
ressources de l’acheteur. Face à une demande de l’acheteur, le
fournisseur peut exprimer une volonté d’agir (coopération), tout en
restant réactif à toute modification de la demande (flexibilité). Plus
forte est cette volonté de coopérer, plus l’acheteur sera en mesure de
limiter sa consommation de ressources. La synchronisation de leurs
empreintes organisationnelles limite en effet le risque de survenance
de difficultés. Mais cette coopération doit aller de pair avec la
flexibilité du fournisseur. Celle-ci est liée au délai (entre la demande
et la réaction) et à la vitesse de réalisation de la demande. Une
capacité à réagir rapidement et de manière pertinente aux demandes de
l’acheteur a un effet positif sur la consommation de ressources. Le
directeur des approvisionnements explique ainsi: « Nous avons
demandé à nos fournisseurs d’ajuster la hauteur de leur système de
stockage, afin de transporter par mer deux palettes l’une sur l’autre
(réduisant ainsi les coûts de transport et les émissions de CO2). Le
degré de coopération varie d’un fournisseur à l’autre ; certains sont
réticents ou demandent une révision à la hausse de leurs tarifs afin de
compenser la charge demandée ».
Le responsable SCM, quant à lui, a utilisé les données issues de
l’ABC afin de résoudre un arbitrage relatif à un fournisseur. En effet,
MicroDiet se plaignait souvent auprès de ce fournisseur des situations
de goulet d’étranglement qui perturbaient régulièrement sa propre
production. Pour remédier à cette situation, le fournisseur envisage
d’investir près de deux millions d’euros dans un système de contrôle
qualité. En échange il exigeait une hausse des tarifs de 5 %. Cette
hausse des tarifs représentait un impact financier de 400 000 € par an
pour MicroDiet. Pour juger la pertinence de l’effort financier exigé
par le fournisseur et mieux négocier auprès de celui-ci, le responsable
SCM a évalué le nombre d’inducteurs devant être réduit afin de
compenser ce surcoût : « sur la base du coût de l’inducteur « nombre
de références retournées », soit 12 500 €, cela représente une
amélioration de la qualité des approvisionnements de ce fournisseur
devant se traduire par une baisse de 32 références (400 000 €/12
500 €). Or actuellement, le nombre de références retournées par ce
fournisseur est de 35. Le passage de 35 à 3 références retournées
représente un effort d’amélioration de la qualité de 91 % ! »
Sur la base de ces informations, le directeur SCM a pu
renégocier à la baisse la hausse tarifaire exigée par le fournisseur.
« Grâce à la connaissance des coûts des inducteurs (notamment lots
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 121

réceptionnés et références retournées), cela me permet d’avoir une


meilleure compréhension du comportement des coûts des activités. Je
peux ainsi utiliser ces informations pour évaluer le comportement des
fournisseurs. Bien que je ne puisse pas directement faire changer le
comportement des fournisseurs, je peux adapter le mien en
conséquence. Ainsi, je sais que l’activité “certifier les fournisseurs”
est créatrice de valeur pour notre entreprise car elle signifie moins de
retours et une meilleure politique d’approvisionnement ».
A l’aide des inducteurs de coûts, les managers auront donc une
vision plus claire leur permettant de réaliser des arbitrages entre
fournisseurs. Cette connaissance leur permet également d’améliorer la
négociation avec leurs partenaires. Le cadre logistique souligne ainsi
que le coût de la certification d’un fournisseur – 12 000 € – doit être
mis en balance avec le coût généré par les dysfonctionnements de ce
même fournisseur. Les inducteurs « références retournées » et « lots
analysés » notamment donnent une indication sur le coût généré par le
fournisseur. Dans le cadre de négociation, le cadre logistique utilise
ces informations afin d’inciter le fournisseur jugé peu performant à
entrer dans un processus de certification avec l’entreprise.
Une chaîne logistique performante constitue un avantage
compétitif, au même titre que la fonction en aval de la chaîne de
valeur : la fonction marketing.

3.2. Modèle ABC et fonction marketing

L’analyse des entretiens effectués auprès des utilisateurs issus de


la fonction marketing et commerciale montre un intérêt certain pour le
modèle ABC. Il a permis, d’après les acteurs, de répondre à une
double ambition au sein de l’entreprise MicroDiet : le management du
portefeuille clients et la gestion de la force de vente.

3.2.1. Les facteurs liés au management du portefeuille clients

Durant la phase d’acquisition des clients, plusieurs facteurs vont


influencer la consommation des ressources. Le coût du recrutement
d’un client est important à suivre. Le nombre de cibles visées vient
directement influer sur la consommation des ressources, car la
prospection de nouveaux clients nécessite d’investir en temps et en
argent. L’explication d’un des commerciaux de l’entreprise souligne
cet aspect : « Acquérir de nouveaux prescripteurs ou de nouveaux
distributeurs nécessite que l’on fixe un objectif de cibles à atteindre.
Ce qui génère des coûts d’acquisition importants ».
122 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

En ce qui concerne la phase de fidélisation, l’exigence des clients


constitue un facteur influençant la consommation des ressources. Les
clients sollicitent régulièrement les commerciaux de l’entreprise sur la
perception du produit par les consommateurs. En effet, les produits de
micro-nutrition et compléments alimentaires répondent à des
exigences en matière de pathologie. Le goût des produits n’est alors
que secondaire. Or, le client final attache une importance particulière
au goût des produits qu’il achète. Les distributeurs, étant en contact
direct avec le consommateur final, exigent de MicroDiet des
modifications de produits. Ces modifications, qui visent à améliorer le
goût mais également la présentation et le packaging du produit,
entraînent la consommation d’importantes ressources.
De même, le service marketing peut désormais évaluer l’impact
de ses politiques promotionnelles lors de l’acquisition ou de la
fidélisation des clients comme l’explique le contrôleur de gestion :
« En nous appuyant sur les données du CRM, le modèle ABC nous
permet d’évaluer la rentabilité des clients en distinguant les phases
d’acquisition et de fidélisation. Par exemple, le CRM nous indique
qu’il y a eu 23 368 contacts clients en 2008. Chaque client consomme,
en moyenne, 23 368 contacts/420 clients, soit 56 contacts. Comme la
durée d’acquisition est de deux mois, nous pondérons ensuite la
consommation d’inducteurs pour déterminer le coût de gestion des
contacts. Idem pour la phase de fidélisation ».
En outre, le chef de produit souligne que « pour ce qui est de la
segmentation des clients, il n'y a pas de profil défini : les forces de
vente cherchent plutôt les distributeurs à proximité d’un prescripteur,
elles se concentrent sur ceux ayant un chiffre d’affaires de deux
millions d’euros ». Un client générant de la valeur pour l’entreprise
n’est visité qu’une seule fois, alors qu’un client générant des pertes est
visité plusieurs fois. Aussi, durant la phase de fidélisation, l’entreprise
risque de se focaliser sur des clients peu performants. Par un ciblage
des clients créant de la valeur pour l’entreprise, les acteurs interviewés
estiment que le modèle ABC constitue un outil de pilotage pertinent.

3.2.2. Les facteurs relatifs à la gestion de la force de vente

La gestion des comptes clés par la force de vente constitue un


facteur qui impacte la consommation des ressources. Il s’agit de
clients de taille importante qui disposent d’un nombre de points de
vente important. Or, les clients partenaires ayant un réseau de points
de vente important vont entraîner une plus grande consommation de
ressources.
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 123

La fonction marketing s’assure que l’ensemble des points de


vente respectent les critères de partenariats établis par l’entreprise.
Celle-ci doit également prêter une attention particulière à l’acquisition
de nouveaux types de prescripteurs dans la mesure où cette dernière
peut impacter la consommation des ressources relatives aux clients.
Par exemple, l’entreprise a décidé d’acquérir (c’est-à-dire d’intégrer
dans son réseau) de nouveaux types de prescripteurs – des médecins
spécialistes de la micronutrition. Cette catégorie de prescripteurs
oriente ses patients uniquement vers les distributeurs. Ils ne prennent
pas en compte la « fiche d’accès », qui constitue un document
présentant l’entreprise et ses produits. Le consommateur final, qui a la
possibilité de commander en vente directe les produits auprès de
l’entreprise, s’adresse donc à la pharmacie proche de son domicile.
Ceci oblige donc la force de vente à assurer une couverture
promotionnelle sur l’ensemble des pharmacies de la zone
géographique, et pas uniquement les pharmacies partenaires. Enfin,
dans le cadre d’actions évènementielles, l’entreprise invite les
distributeurs partenaires fidélisés. Ceci impacte de manière importante
la consommation de ressources.
L’analyse des entretiens montre que le modèle ABC contribue à
améliorer la gestion de la force de vente. Celle-ci est primée sur la
base du nombre de visites effectuées auprès des clients partenaires,
quelle que soit la cible visée. Pour atteindre leurs objectifs, les
commerciaux vont chercher à tout prix à réaliser l’objectif de nombre
de visites, ce qui les amène à visiter également des clients générant un
faible chiffre d’affaires. Le modèle ABC a également instauré une
culture de la rentabilité auprès d’acteurs peu habitués à manipuler ce
concept. Les commerciaux avaient l’habitude d’utiliser le critère du
chiffre d’affaires pour la gestion du portefeuille clients. Le modèle
ABC contribue à cette prise de conscience auprès des acteurs de la
fonction, comme l’explique la responsable commerciale Pharmacies :
« Pour les nouveaux partenaires, nous mesurons le chiffre d’affaires
développé. Mais le modèle ABC nous permet également de mesurer
les coûts, ce qui nous permet de mesurer la rentabilité. Sur la base des
critères de recrutement des clients, j’estime que ces critères
permettent de « garantir » la qualité du client recruté. Il y a une prise
de conscience de l’importance de la notion de rentabilité ».

4. – Mise en perspective des résultats et conclusion

Nous sommes partis du constat que peu de recherches existaient


sur l’impact du modèle ABC sur la fonction logistique et la fonction
124 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

marketing, en matières de structuration et de visibilité des coûts. Les


résultats de notre recherche mettent en évidence quelques apports
relatifs au modèle ABC aux deux fonctions étudiées (tableau 2).
En ce qui concerne la fonction logistique, les différences de
consommation de ressources ainsi que les causes de celles-ci peuvent
être identifiées à l’aide du modèle ABC. Un processus de contrôle se
mettra en place, résultant d’une optimisation interne (relations intra-
organisationnelles) et externe (relations inter-organisationnelles).

Tableau 2 : Apports du modèle ABC aux deux fonctions


Dimensions de la fonction Apports
Qualité du produit et Optimisation de la qualité du processus
du flux logistique.
Logistique
Coopération et Optimisation de la négociation avec les
flexibilité fournisseurs.
Gestion du Pilotage des clients selon la valeur.
portefeuille clients
Marketing
Gestion de la force Adaptation du mode de rémunération des
de ventes commerciaux.

Aussi, la connaissance des coûts d’inducteurs altère la perception


de la réalité de l’acheteur, ce qui en retour a un effet sur la façon dont
les managers évaluent le fournisseur. Cela permettra de démarrer un
processus de renégociation/réorganisation du cadre inter-
organisationnel. Dans ce sens, pour les acteurs, le modèle ABC
contribue à mieux appréhender la flexibilité des partenaires de
l’entreprise. Si l’information issue du modèle ABC change leur
perception, cela signifie que le fournisseur est plus performant ou
moins performant qu’initialement. En conséquence, les acteurs en
recherchent les raisons, notamment en comparant avec les autres
fournisseurs. Ils essayent, par exemple, de transférer les sources de
bonne performance aux fournisseurs les moins performants.
Pour ce qui est de la fonction aval, les acteurs interrogés estiment
que le modèle ABC permet de mieux appréhender la valeur des
clients, dans une optique relationnelle du marketing. La connaissance
de la rentabilité par client permet à l’entreprise d’arbitrer des actions
ou de considérer certains clients générant des pertes comme un
investissement. Les acteurs estiment qu’il est important d’appréhender
la valeur du client dans le cadre de son cycle de vie. Afin de s’assurer
de la pertinence de la politique d’acquisition de clients, les valeurs
d’acquisition et de fidélisation des clients sont ainsi mises en
perspective. Aussi, le contenu informationnel de cette modélisation
LE MODELE ABC FACE AUX MUTATIONS DES FONCTIONS OPERATIONNELLES 125

offre-t-il un intérêt pour le département Marketing afin de réfléchir à


un autre mode de rémunération des commerciaux.
Les acteurs des deux fonctions ont montré un certain optimisme
vis-à-vis du modèle ABC. En effet, certains acteurs ont suggéré, dans
le cas du SCM, la mise en place d’un système de gestion des coûts
inter-organisationnels, à l’aide du modèle ABC, en permettant un
partage des informations avec les fournisseurs. Quant au CRM,
certains acteurs souhaitent utiliser les données du modèle ABC pour
mettre en place un tableau de bord de suivi du portefeuille clients,
avec mise en évidence des fuites de clients.
Quant aux limites de notre recherche, elles tiennent d’une part à
la validité interne et d’autre part à la validité externe des résultats.
Selon Wacheux (1996) la validité interne, dans le cadre d’une
recherche qualitative, correspond à la validation des propos fournis
par les acteurs de l’organisation. Le recueil des données par la voie
des entretiens subit l’interaction des interviewés. Les acteurs se
parlent entre eux pouvant générer un effet de contagion. Un aller-
retour avec le laboratoire de recherche ainsi qu’une confrontation des
données avec l’analyse de documents complémentaires (rapports,
notes de service, comptes rendus) ont permis de limiter ce biais. La
validité externe concerne la généralisation et la transférabilité des
résultats (Thiétart, 2007). Il convient de rester prudent quant à la
généralisation des résultats à d’autres entreprises, car ils s’appuient sur
les perceptions des acteurs, qui sont par définition subjectives.
Malgré ces limites, l’apport managérial et l’apport théorique
méritent d’être soulignés. Au-delà des débats sur la diffusion de
l’ABC répondant en partie à des impératifs commerciaux de cabinets
de conseils (Zelinski, 2009), nos résultats ont montré que le modèle
ABC possède des potentiels pour améliorer le pilotage de fonctions
opérationnelles en mutation. Cette modélisation nous semble ouvrir la
voie à un dialogue de la fonction contrôle de gestion avec d’autres
fonctions opérationnelles, confrontées, elles aussi, à la nécessité de
piloter leur chaîne de valeur.
En conclusion, il convient d’aller plus loin dans nos recherches
en approfondissant l’étude de l’impact du modèle ABC sur les deux
fonctions séparément et en explorant d’autres apports potentiels de
celui-ci à chacune des fonctions étudiées.
126 Samir AYOUB & Zouhair DJERBI

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