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L'opportunité de La Fintech
L'opportunité de La Fintech
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THOMAS PHILIPPON*
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C
et article s’intéresse au mouvement de la FinTech dans le
contexte de l’évolution à long terme du secteur de la finance
et des règlements qui le régissent. La crise financière de
2007-2009 a déclenché de nouvelles initiatives réglementaires et a
diligenté les anciennes. Je soutiens que le cadre actuel a eu son utilité,
mais qu’il a fait son temps et qu’il est peu probable qu’il soit à l’origine
d’importants changements structurels à l’avenir. Si les régulateurs 173
veulent aller plus loin, il leur faudra envisager d’autres approches qui
impliqueront probablement la FinTech.
La FinTech couvre les innovations numériques et les innovations
technologiques en matière de modèles d’entreprise dans le secteur de la
finance. De telles innovations peuvent bouleverser les structures
actuelles du secteur et en flouter les frontières, faciliter la désintermé-
diation stratégique, révolutionner la façon dont les entreprises exis-
tantes créent et fournissent des produits et des services, offrir de
nouvelles passerelles pour l’entrepreneuriat et démocratiser l’accès aux
services financiers, mais elles peuvent également représenter d’impor-
tants défis en termes de protection de la vie privée, de réglementation
et d’application de la loi. Parmi les exemples d’innovations qui sont
aujourd’hui au cœur de la FinTech figurent les crypto-monnaies et la
chaîne de blocs, les nouveaux systèmes numériques de conseil et de
* Stern School of Business, New York University ; NBER (National Bureau of Economic Research) ;
CEPR (Centre for Economic Policy Research). Contact : tphilippsstern.nyu.edu.
Cet article a été préparé à l’occasion de la Conférence annuelle de la BRI (Banque des règlements
internationaux) en 2016. Je tiens à remercier mes intervenants Martin Hellwig et Ross Levine, ainsi que
Kim Schoenholtz, Anat Admati, Stephen Cecchetti, François Véron, Nathalie Beaudemoulin, Stefan
Ingves, Raghu Rajan, Viral Acharya, PhilippSchnabl, Bruce Tuckman et Sabrina Howell pour les
discussions stimulantes que nous avons eues et/ou leurs observations encourageantes au sujet des versions
antérieures de cet article.
REVUE D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE
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prêt entre particuliers, le financement participatif en fonds propres et
les systèmes mobiles de paiement.
Le point de départ de mon analyse, développé dans la première
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d’opérer un changement structurel ascendant en encourageant les
entreprises qui proposent des services de transaction sans effet de levier
et des systèmes de négociation peu chers, transparents et libres d’accès.
Cette approche alternative génère des défis réglementaires spécifiques
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Le modèle suppose que les services financiers sont produits selon des
rendements d’échelle constants.
Les revenus du secteur de la finance sont donc donnés par :
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diation. Le modèle indique donc que les revenus du secteur de la
finance sont proportionnels à la quantité d’actifs intermédiés, correc-
tement définie. Le modèle ne prédit aucun effet revenu, autrement dit
aucune tendance de la part des revenus de la finance à augmenter avec
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le PIB par habitant. Cela ne signifie pas que la part des revenus de la
finance devrait être constante, dans la mesure où le ratio des actifs au
PIB peut évoluer. Mais cela indique que la part des revenus n’augmente
pas de façon mécanique avec la productivité totale des facteurs. Cela est
cohérent avec les données historiques4.
Graphique 1
Revenus de la finance et actifs intermédiés
176
Notes : les deux séries sont exprimées en part du PIB. Les revenus de la finance correspondent au revenu
intérieur des secteurs de la finance et de l’assurance, autrement dit, au revenu agrégé moins les
exportations nettes. Les actifs intermédiés incluent les créances et les participations émises par des
entreprises non financières, la dette des ménages et divers actifs fournissant des services de liquidité. Les
données pour les actifs intermédiés couvrent la période 1886-2012.
Source : voir Philippon (2015) pour les sources historiques et les détails relatifs aux données sous-jacentes.
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moyen simple de modéliser le financement des ménages. Le modèle
intègre également les services de liquidité fournis par des passifs spé-
cifiques (dépôts, comptes de dépôt à vue, certaines formes de mises en
pension de titres) émis par des intermédiaires financiers. Il est toujours
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Il s’agit ici de mesurer les instruments inscrits aux bilans des utili-
sateurs non financiers, des foyers et des entreprises non financières.
Cette méthode – plutôt que celle consistant à examiner les bilans des
intermédiaires financiers – permet d’établir correctement la compta-
bilité. Après avoir agrégé les divers types de crédits, les émissions
d’actions et les actifs liquides au sein d’une mesure unique, j’obtiens la
quantité d’actifs financiers intermédiés par le secteur financier pour le
secteur non financier, représentée dans le graphique 1 (supra). 177
entreprises de premier ordre, ainsi que des levées de fonds propres pour
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les start-up de haute technologie. Les exigences de contrôle par dollar
intermédié sont clairement différentes dans ces deux activités. De la
même façon, en ce qui concerne le financement des ménages, il est plus
coûteux de prêter à des ménages pauvres qu’à des ménages aisés, et les
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Graphique 2
Coût unitaire de l’intermédiation financière
(coûts unitaires bruts)
178
Remarques : la mesure brute correspond au ratio des revenus de la finance aux actifs intermédiés, présenté
dans le graphique 1 (supra).
Sources : Philippon (2015) pour les données de 2012 ; nouvelles données obtenues en mai 2016.
améliorations ne se sont pas traduites par une baisse des coûts pour les
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utilisateurs finals de services financiers. Les services de gestion d’actifs
demeurent onéreux. Les banques dégagent d’importantes marges sur
les dépôts (cf. Drechsler et al., 2014, graphique 1). La finance pourrait
et devrait être beaucoup moins chère. À cet égard, le mystère n’est pas
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que la FinTech arrive aujourd’hui, mais plutôt pourquoi elle n’est pas
arrivée plus tôt.
Graphique 3
Coût unitaire et ajustement qualitatif
179
Remarques : la mesure ajustée de la qualité prend en compte les changements dans les caractéristiques
des entreprises et des ménages. Les données couvrent la période 1886-2015.
Source : Philippon (2015) pour les sources historiques et les détails relatifs aux données sous-jacentes.
Salaires et emploi
Philippon et Reshef (2012) décrivent l’évolution du salaire relatif
dans le secteur de la finance, lequel est défini par :
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Graphique 4
Salaires relatifs
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Note : salaire dans le secteur de la finance divisé par salaire moyen dans l’ensemble des secteurs.
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Graphique 5
Emploi
(en millions)
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Source : voir Philippon (2015) pour les sources historiques et les détails relatifs aux données sous-jacentes.
181
Finance et croissance
Une littérature abondante étudie les liens qui existent entre finance
et croissance. Levine (2005) propose une enquête faisant autorité et
Levine (2015) une discussion récente. L’une des principales conclu-
sions est présentée dans la partie gauche du graphique 6 (infra). Les
pays qui avaient des marchés du crédit plus profonds en 1960 (mesurés
comme l’encours de crédit par rapport au PIB) ont connu une crois-
sance plus rapide entre 1960 et 1995.
Il est également important de mentionner que le lien entre finance
et croissance (à long terme) n’est pas une conséquence mécanique de
l’expansion du crédit. Ainsi que Levine (2005) le souligne, le principal
moteur du lien finance-croissance est l’allocation du capital. De
meilleurs systèmes financiers entraînent une meilleure allocation du
capital, mais pas nécessairement une hausse du crédit global. Cela est
cohérent avec les conclusions de Favara (2009) et de Cecchetti et
Kharroubi (2012) qui soutiennent que la relation entre crédit et
croissance n’est pas monotone7. On peut le constater rapidement en
prenant les mêmes données, mais en se concentrant uniquement sur
les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développe-
ment économiques). Au sein des pays de l’OCDE, le lien entre crédit
et croissance n’est guère significatif, comme on peut le voir dans la
partie droite du graphique 6 (infra).
REVUE D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE
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Graphique 6
Crédit et croissance : tous les pays vs pays de l’OCDE
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Résumé
La finance est importante pour la croissance, en particulier pour
l’allocation du capital, mais une grande partie de la récente croissance
du secteur de la finance n’a pas grand-chose à voir avec une allocation
efficace du capital. Les services financiers demeurent onéreux et les
innovations financières n’ont pas procuré d’avantages significatifs aux
consommateurs. Il ne s’agit pas de dire que la finance n’innove pas. Elle
innove. Mais ces innovations n’ont pas amélioré l’efficacité globale du
système. Nous ne sommes pas face à un grand mystère théorique : nous
savons que les innovations peuvent être motivées par la recherche de
revenus et la subtilisation de clientèle, auquel cas les rendements privés
et sociaux de l’innovation sont fondamentalement différents. La course
à la vitesse est un exemple patent : il y a une grande différence entre
préscience et découverte en termes de bien-être social, même si les deux
activités peuvent générer les mêmes rendements privés (Hirshleifer,
1971). Cette tension entre rendements privés et rendements sociaux
existe dans la plupart des secteurs, mais les économistes ont tendance
à penser que l’entrée et la concurrence limitent l’importance des inef-
ficiences qui en découlent.
L’OPPORTUNITÉ DE LA FINTECH
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endémique de la finance depuis quelques décennies. Berger et al. (1999)
examinent les données relatives à la consolidation qui a eu lieu dans les
années 1990. Le nombre de banques et d’organisations bancaires amé-
ricaines a chuté de près de 30 % entre 1988 et 1997 et la part de
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l’ensemble des actifs nationaux détenus par les huit plus grandes organi-
sations bancaires est passée de 22,3 % à 35,5 %. Plusieurs centaines de
fusions-acquisitions ont eu lieu chaque année, y compris des mégafu-
sions entre institutions disposant d’un actif supérieur à 1 Md$8. Les
principales motivations de la consolidation étaient le pouvoir de marché
et la diversification. Berger et al. (1999) ne trouvent pas beaucoup d’élé-
ments permettant d’attester une amélioration du rapport coût/efficacité,
ce qui est cohérent avec les graphiques 2 et 3 (supra). DeYoung et al.
(2009) montrent que la consolidation s’est poursuivie dans les années
2000. Ils soutiennent que des données de plus en plus nombreuses
montrent que la consolidation est en partie motivée par le désir d’obtenir
le statut too big to fail (trop gros pour faire faillite) et que les fusions-
acquisitions ont une incidence négative sur certains types d’emprun-
teurs, de déposants et d’autres parties prenantes externes.
Il convient également de garder à l’esprit l’importance des consé-
quences en termes de bien-être. Le graphique 7 détermine le bien-être 183
des agents de l’économie comme une fonction du coût unitaire de l’inter-
médiation. Le bien-être est mesuré en unités de consommation équiva-
lentes et normalisé à un dans le scénario de référence d’un coût unitaire
de 2 %. Les agents de l’économie seraient disposés à payer 8,7 % de
consommation pour ramener le coût unitaire de l’intermédiation à 1 %.
Graphique 7
Bien-être et coût unitaire de l’intermédiation
Source : voir Philippon (2015) pour les sources historiques et les détails relatifs aux données sous-jacentes.
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comme un secteur ayant des revenus excessifs et une mauvaise efficacité
globale. Le mystère est pourquoi cette situation a-t-elle duré aussi
longtemps. Il y a plusieurs explications plausibles à cela : des jeux à
somme nulle dans les activités de négociation, des réglementations
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que le soutient Ingves (2015), les nombreuses mesures font qu’il est
plus difficile pour les banques de profiter du système. Le recours à
plusieurs mesures de risque est également utile, car les différentes
mesures présentent toutes des avantages et des inconvénients différents.
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Par exemple, les actifs pondérés en fonction du risque sont plus adaptés
que l’effet de levier simple, si nous envisageons l’arbitrage entre classes
d’actifs à un moment donné. En revanche, l’effet de levier simple est
plus contracyclique, comme le montrent Brei et Gambacorta (2016).
Le durcissement de la réglementation, bien qu’il ne soit pas aussi
ambitieux qu’après la Grande Dépression, a permis d’atteindre plu-
sieurs objectifs. Les exigences en matière de fonds propres ont aug-
menté sans répercussions négatives sur les coûts de financement
(Cecchetti et Schoenholtz, 2014). Par exemple, l’ABE (2015) rapporte
que le ratio CET1 des banques européennes a augmenté de 1,7 % entre
décembre 2013 et juin 2015, avec une hausse de 1,9 % du capital et
une hausse d’environ 0,1 % des actifs pondérés en fonction du risque.
Le secteur bancaire est devenu moins risqué, au moins dans les éco-
nomies développées (voir, par exemple, la valeur en temps réel de la
mesure du risque systémique de Acharya et al. (2009) sur
http://vlab.stern.nyu.edu). Certains objectifs importants demeurent 185
toutefois inatteignables.
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créditent les unes les autres, et nous craignons de détourner certaines
activités du secteur bancaire réglementé. L’arbitrage réglementaire est
omniprésent et les régulateurs ne savent absolument pas quand, ni dans
quelles circonstances il peut avoir lieu. La détermination d’un pis-aller
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De nombreuses raisons peuvent expliquer le désir qu’ont les banques
de se développer. L’une d’entre elles, légitime, est d’améliorer le rapport
« coût/efficacité », tel que cela est décrit par Kovner et al. (2014) et
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Note : les formes fonctionnelles sont des prédictions partielles basées sur un log d’actifs variable (en
milliers de dollars), en fixant les covariables à leur valeur moyenne sur l’échantillon. Le ratio d’efficacité
est normalisé pour être égal à zéro pour une société de holding bancaire disposant de 10 Md$ d’actifs.
Le ratio d’efficacité correspond à « frais autres que les intérêts divisés par (revenus nets d’intérêts + revenus
autres que les intérêts) ».
Sources : calculs de l’auteur, basés sur une analyse statistique des données FR Y-9C ; http://libertystreet
economics.newyorkfed.org/ sur la base de Kovner et al. (2014).
REVUE D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE
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vs banques étroites (narrow banks)
Un redoutable défi pour la réglementation financière consiste à
fournir des mécanismes de résolution crédibles pour les institutions
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puissants régulateurs pour mettre en oeuvre une transformation radi-
cale des entreprises existantes et encouragerait le transfert de la trans-
formation des échéances en dehors du système régulé. Bien sûr, le fait
qu’une idée soit difficile à mettre en œuvre ne devrait pas nous empê-
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à elle plus simple, mais la désignation des institutions financières non
bancaires d’importance systémique entraîne des défis juridiques,
comme on a pu l’observer récemment dans le cas de MetLife. Le
durcissement des réglementations n’est pas seulement complexe, il
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tient à leur base de clients, à leur capacité à prévoir l’évolution du
secteur et à leur connaissance des réglementations existantes. Le prin-
cipal avantage des start-up est qu’elles ne sont pas freinées par des
systèmes existants et qu’elles sont prêtes à faire des choix risqués. Dans
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gouvernance d’entreprise. Il n’y a toutefois aucune raison de penser que
ces innovations amélioreront automatiquement la stabilité, ni même
l’accès aux services. Si les régulateurs souhaitent que la FinTech réduise
les risques créés par des entreprises too big to fail et des effets de levier
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ment un nouvel éclairage sur certains vieux débats, tels que celui ayant
trait aux exigences de fonds propres. Au fil des ans, les acteurs tradi-
tionnels ont optimisé leur utilisation des subventions publiques et des
barrières à l’entrée, implicites et explicites, et il est coûteux d’éliminer
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parts d’un fonds de bons du Trésor. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que
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de nouveaux systèmes n’auraient pas besoin d’être tributaires des
dépôts (à valeur nominale fixe) comme l’était l’ancien système. Les
contrats de type dépôts créent un risque de liquidité et la stabilité
macrofinancière serait renforcée si davantage de transactions pou-
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vaient être réglées sans y recourir. Cela n’était pas faisable du point
de vue technologique il y a quelques années, mais ça l’est aujourd’hui.
Ainsi que le soutient Cochrane (2014), il existe toutefois des obstacles
qui ne sont pas de nature technologique, en particulier en ce qui
concerne la comptabilité et la fiscalité, dans la mesure où ces transac-
tions généreraient des gains de capital. Si les régulateurs souhaitent
réduire la dépendance systémique à l’effet de levier à court terme, il leur
faudra identifier des problèmes qui bien souvent n’entrent pas direc-
tement dans le cadre de leur horizon réglementaire traditionnel.
L’autre élément important ici est la dépendance à l’histoire. Les
réglementations seront probablement plus efficaces si elles sont mises
en place rapidement, lorsque le secteur est jeune. Une histoire contre-
factuelle du secteur des fonds communs de placement monétaire peut
être utilisée pour justifier cette idée. Imaginons que les régulateurs aient
décidé dans les années 1970 que, par principe, tous les fonds communs
194
devaient utiliser une valeur liquidative flottante. Une telle réglemen-
tation aurait été relativement simple à mettre en œuvre lorsque le
secteur était encore ténu, et elle aurait guidé son évolution et encouragé
des innovations compatibles avec le principe de base. La tâche est
nettement plus difficile aujourd’hui, alors que le secteur gère plusieurs
dizaines de milliards de dollars. Un défi pour les régulateurs est donc
d’être prévoyants lorsqu’ils abordent la FinTech. Une réglementation
efficace nécessite qu’ils identifient quelques caractéristiques de base
qu’ils souhaiteraient que la FinTech revête dans une trentaine d’années,
et qu’ils les rendent obligatoires dès maintenant.
Défi no 3 : protection des consommateurs
La FinTech créera probablement de nouveaux problèmes en termes
de protection des consommateurs. C’est le cas, par exemple, avec les
conseillers-robots (robo-advisors) pour la gestion de portefeuille. Une
difficulté majeure pour le secteur consiste à savoir quand et comment les
investisseurs feront « confiance » aux robots, ainsi que l’explique Dhar
(2016). Le conseil robotisé engendrera certainement de nouveaux pro-
blèmes d’ordre juridique et opérationnel et représentera sans doute un
véritable casse-tête pour les agences de protection des consommateurs.
Mais si l’objectif est de protéger les consommateurs, le conseil
robotisé n’a pas besoin d’être parfait. Il suffit simplement qu’il fasse
mieux que le système actuel. Et il est important de garder à l’esprit à
L’OPPORTUNITÉ DE LA FINTECH
quel point les résultats des conseillers humains sont mauvais. Tout
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d’abord, à un niveau agrégé, les frais n’ont pas diminué. En effet, alors
que le prix des produits standard diminuait, les consommateurs ont été
poussés vers des produits plus chers (Greenwood et Scharsftein, 2013).
Ensuite, les conflits d’intérêts sont omniprésents dans le secteur.
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Bergstresser et al. (2009) constatent que les fonds communs vendus par
des courtiers produisent des rendements corrigés du risque plus faibles,
même avant de soustraire les coûts de distribution. Chalmers et Reuter
(2012) observent que les portefeuilles des clients de courtiers génèrent
des rendements corrigés du risque nettement plus faibles que les por-
tefeuilles appariés basés sur des fonds à date cible, mais qu’ils offrent des
niveaux de risque similaires. Les clients de courtiers allouent plus de
dollars à des fonds aux frais plus élevés et les participants ont tendance
à obtenir de meilleurs résultats lorsqu’ils n’ont pas accès aux courtiers.
Mullainathan et al. (2012) rapportent que les conseillers ne sont pas
toujours francs avec leurs clients et qu’ils renforcent souvent les biais
qui servent leurs intérêts. Les conseillers encouragent les comporte-
ments de chasse aux rendements et prônent les fonds sous gestion
dynamique ayant des frais plus élevés, même lorsque le client com-
mence avec un portefeuille bien diversifié à faibles frais. Foà et al.
(2015) constatent que les banques sont en mesure d’avoir une inci-
195
dence sur les choix hypothécaires des consommateurs non seulement
au moyen de la tarification, mais également au moyen d’un service de
conseil. Egan et al. (2016) montrent que les manquements sont
concentrés dans les entreprises ayant des clients de détail et dans les
comtés où le niveau d’éducation est faible, où les populations sont plus
âgées et où les revenus sont élevés. Ils rapportent également que les
sanctions sur le marché du travail en cas de manquement sont limitées.
Ainsi les conseillers-robots auront des problèmes, mais les possibi-
lités d’amélioration sont telles qu’il devrait leur être facile de faire
mieux, en moyenne, que les conseillers humains. On peut également
arguer qu’un logiciel est plus simple à contrôler qu’un être humain. Par
exemple, si le conseiller-robot contient une ligne de code disant : « si
âge > 70 et éducation S lycée, alors proposer fonds X » et que X se
trouve être un fonds sous gestion dynamique à frais élevés, alors la
signification du conseil est limpide. Tout conseil équivalent que pour-
rait donner un conseiller humain serait assurément bien plus ambigu.
Les humains sont doués pour préserver une capacité de déni plausible
et dans le cas du conseil financier, cela représente un sérieux problème.
Si l’objectif de la réglementation financière est d’encourager la sta-
bilité et l’accès aux services, alors les régulateurs devraient envisager des
politiques qui encouragent les technologies à faible effet de levier
et l’entrée de nouvelles entreprises. Cette approche alternative peut
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ne nécessite pas que les régulateurs prédisent quelle technologie aura du
succès ou quels services devraient être dégroupés (autrement dit, à quoi
pourrait ressembler l’« ubérisation de la finance » ou l’« airbnbisation
de la finance »). Elle ne nécessite pas non plus que les régulateurs
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NOTES
1. Voir, entres autres, Favara (2009), Cecchetti et Kharroubi (2012) et Shin (2012).
2. Par exemple, les exigences en matière de fonds propres sont nettement plus élevées, mais le coût des
capitaux de financement n’a pas augmenté (Cecchetti, 2014). Bien entendu, des ratios de fonds propres
plus élevés pourraient être souhaitables (Admati et al., 2013).
3. Philippon (2015) aborde divers problèmes de mesure. Théoriquement, la meilleure mesure est la
valeur ajoutée, qui correspond à la somme des bénéfices et des salaires. Chaque fois que cela est possible,
j’utilise donc la part du PIB du secteur de la finance, autrement dit la valeur ajoutée nominale du secteur
de la finance divisée par le PIB nominal de l’économie américaine. Un problème, toutefois, a trait au fait
qu’avant 1945, les bénéfices n’étaient pas toujours correctement mesurés et que la valeur ajoutée n’est
pas disponible. En guise de mesure alternative, j’utilise alors la part de la rémunération du travail du
secteur de la finance, autrement dit la rémunération de tous les employés du secteur de la finance divisée
196 par la rémunération de tous les employés de l’économie américaine. Philippon (2015) explique également
la robustesse des principales conclusions par d’importants changements dans les dépenses publiques (en
raison de guerres), par la croissance des services (la finance en tant que part des services présente une
évolution comparable à celle présentée ici) et par la mondialisation (compensation des importations et
des exportations de services financiers).
4. Le fait que la part de la finance dans le PIB soit la même en 1925 et en 1980 indique déjà clairement qu’il
n’existe pas de relation mécanique entre le PIB par habitant et la part des revenus de la finance. De la même
façon, Bickenbach et al. (2009) montrent que la part des revenus de la finance est demeurée remarquable-
ment constante en Allemagne au cours des trente dernières années. Plus précisément, en s’appuyant sur
KLEMS pour l’Europe (voir O’Mahony et Timmer, 2009), on s’aperçoit que la part de la finance en
Allemagne était de 4,3 % en 1980, de 4,68 % en 1990, de 4,19 % en 2000 et de 4,47 % en 2006.
5. Cela est vrai la plupart du temps, mais pas lorsque les ajustements qualitatifs sont trop importants.
Philippon (2015) fournit des ajustements qualitatifs calibrés pour le système financier américain.
6. En s’appuyant sur l’Enquête sur les finances des consommateurs (Survey of Consumer Finances), Moore
et Palumbo (2010) montrent qu’entre 1989 et 2007, la part des ménages ayant un solde d’emprunt
positif passe de 72 % à 77 %. Cette hausse est concentrée dans la partie inférieure de la distribution des
revenus. Pour les ménages situés dans les percentiles du revenu compris entre 0 et 40, la part de ceux ayant
des dettes en cours passe de 53 % en 1989 à 61 % en 2007. Sur le marché hypothécaire, Mayer et Pence
(2008) montrent que les nouvelles émissions de subprimes représentent 15 % à 20 % de l’ensemble des
nouveaux prêts hypothécaires HMDA en 2005.
7. Cette question est également liée à celle des booms du crédit. Schularick et Taylor (2012) décrivent le
risque associé aux expansions rapides du crédit. Cela ne signifie pas que tous les booms du crédit sont
dommageables. Dell’Ariccia et al. (2016) constatent qu’un tiers seulement des booms du crédit abou-
tissent à une crise financière, tandis que de nombreux booms sont associés à des réformes financières et
à une croissance économique.
8. Les fusions-acquisitions bancaires faisaient partie d’une grande vague. « Neuf des dix principales
fusions-acquisitions de l’histoire des États-Unis, tous secteurs confondus, ont eu lieu en 1998, et quatre
d’entre elles – Citicorp-Travelers, BankAmerica-NationsBank, Banc One-First Chicago et Norwest-
Wells Fargo – ont eu lieu dans le secteur bancaire. » (Moore et Siems, 1998).
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9. Greenwood et Scharfstein (2013) fournissent une étude éclairante de la croissance de la finance
moderne aux États-Unis. Ils montrent que deux activités représentent la plus grande partie de cette
croissance au cours des trente dernières années : la gestion d’actifs et la fourniture de crédit aux ménages.
En ce qui concerne la gestion d’actifs, ils mettent à jour un important fait stylisé : les coûts individuels
ont généralement diminué, mais la répartition des actifs s’est déplacée vers les gestionnaires pratiquant
des coûts élevés de telle sorte que le coût moyen par dollar d’actifs gérés est demeuré à peu près constant.
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Selon Glode et al. (2010), une « course aux armements » peut se produire dans la mesure où les agents
tentent de se protéger des comportements opportunistes en (sur)investissant dans l’expertise financière.
Selon Bolton et al. (2011), un écrémage sur l’un des marchés abaisse la qualité des actifs sur l’autre marché
et permet aux entreprises financières de dégager des revenus excessifs. Selon Pagnotta et Philippon
(2011), il peut y avoir un investissement excessif dans la vitesse de négociation, car la vitesse permet aux
plateformes de négociation de se différencier et de pratiquer des prix plus élevés. Gennaioli et al. (2014)
proposent une interprétation alternative du coût relativement élevé de l’intermédiation financière. Dans
leur modèle, les intermédiaires de confiance augmentent la tolérance au risque des investisseurs, ce qui
leur permet de percevoir des revenus plus élevés. Dans la mesure où la confiance est une ressource rare,
les améliorations en matière de technologies de l’information ne conduisent pas nécessairement à une
diminution du coût unitaire.
10. Le narrow banking est un phénomène profondément ancré dans l’histoire. Les données suggèrent
qu’avant le XXe siècle, les banques britanniques et américaines prêtaient principalement à court terme. Les
premières banques américaines ne proposaient pas de prêts à long terme. D’après Bodenhorn (2000), les
banques consentaient des prêts à court terme que les premières entreprises manufacturières utilisaient
pour financer leurs stocks et payer les loyers et les salaires. D’après Summers (1975), « la pratique
consistant à garantir la disponibilité future du crédit existe depuis le début de la banque aux États-Unis »,
mais « ce n’est que depuis le milieu des années 1960 que le sujet des politiques d’engagements de prêts
appliquées par les banques commerciales est abordé de manière explicite dans les cercles bancaires ».
11. En outre, ainsi que le soutiennent Baker et Wurgler (2015), l’effet de levier peut être récompensé par
des investisseurs institutionnels qui aimeraient exercer un effet de levier, mais qui en sont empêchés par
une charte ou une réglementation. 197
12. Cette possibilité a été reconnue par Samuelson (1947) : « [...] dans un monde sans friction dans les
transactions et sans incertitude [...] les titres eux-mêmes circuleraient comme de l’argent et seraient
acceptés dans les transactions [...] » (page 123), et abordée par Tobin (1958). Je remercie Kim
Schoenholtz pour ces références.
13. L’hétérogénéité et les ajustements qualitatifs sont abordés par Philippon (2015).
14. Le strict modèle à horizon infini et le strict modèle à générations imbriquées sont tous deux inadaptés.
Le modèle à horizon infini passe à côté de l’importance du cycle de vie dans l’emprunt et le prêt. Le
modèle à générations imbriquées ignore les legs et dans la version simple à deux périodes du modèle, les
ménages n’empruntent pas : les jeunes ménages épargnent, les vieux ménages dépensent leurs économies.
Le moyen le plus simple de tenir compte de toutes ces caractéristiques pertinentes est de recourir au
modèle mixte. L’interprétation classique est que les ménages à longue durée de vie ont des motivations
de legs et sont, par conséquent, équivalents à des agents à durée de vie infinie.
15. Philippon (2012) aborde les conséquences de l’utilisation d’une autre fonction de production pour
le secteur industriel. Le principal paramètre est l’élasticité de la substitution entre capital et main-
d’œuvre, qui équivaut à 1 dans une technologie de type Cobb-Douglass. Des résultats qualitativement
différents n’apparaissent que pour des valeurs d’élasticité supérieures à 6, ce qui est nettement supérieur
à la plage des estimations empiriques. Ainsi l’utilisation d’une technologie de type Cobb-Douglass
n’implique pas une perte significative de généralité.
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200
L’OPPORTUNITÉ DE LA FINTECH
ANNEXE
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Dans cette annexe, j’esquisse un modèle, basé sur Philippon (2015),
pouvant être utilisé à des fins de mesure de l’intermédiation financière.
L’économie modèle est composée de ménages, d’un secteur des
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TECHNOLOGIE ET PRÉFÉRENCES
Ménages à longue durée de vie
Les ménages à longue durée de vie (indice l) sont des épargnants 201
purs. Ils détiennent le stock de capital et n’ont pas de dotation en
main-d’oeuvre. Les services de liquidité sont modélisés comme de
l’argent dans la fonction d’utilité. Les ménages choisissent la consom-
mation C et la détention d’actifs liquides M pour maximiser :
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plement :
qm,tMl,t = vCl,t
Générations imbriquées
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Les autres ménages vivent pendant deux périodes et font partie d’une
structure à générations imbriquées. Les jeunes ménages (indice 1) ont
une dotation en main-d’œuvre c1 et les vieux ménages (indice 2) ont
une dotation en main-d’œuvre c2. Nous normalisons l’offre de travail
à 1 : c1 + c2 = 1. L’utilité pendant la vie d’un jeune ménage correspond
à u(C1,t, M1,t) + bu(C2,t +1, M2,t +1). J’envisage le cas où le ménage
souhaite emprunter pendant sa jeunesse (autrement dit, c1 est suffi-
samment petit). Dans la première période, sa contrainte budgétaire
est . Le coût de contrôle et de
surveillance est qc,t par unité d’emprunt. Dans la seconde période, le
ménage consomme .
L’équation d’Euler pour les ménages à générations imbriquées
est :
202 Leur demande de liquidité est identique à celle des ménages à longue
durée de vie.
Intermédiation financière
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Philippon (2012) évoque en détail les implications de diverses fonc-
tions de production pour les services financiers. Lorsque des intermé-
diaires financiers emploient explicitement du capital et de la main-
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pond à :
w = ak1−a = ay
Compte tenu du taux d’intérêt dans (6), l’équation d’Euler pour les
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Les coûts d’emprunt agissent comme une taxe sur le futur revenu du
travail. Si qc a une valeur trop élevée, aucun emprunt n’a lieu et le
204 marché du crédit à la consommation s’effondre. L’emprunt desmé-
nages augmente avec la différence entre les revenus actuels et futurs,
reflétée par c2 − c1. La demande de liquidité correspond à :
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une génération donnée correspond à :
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205
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