2aer23, 22:51 Les narralions de la mort - Conclusion - Presses universitares de Provence OpenEdition NW Books Presses universitaires de Provence Les narrations de la mort Conclusion Michel Vovelle P. 293-294 Texte intégral 1 En me taquinant amicalement sur Yemploi du terme d’« invariant » pour désigner Vhistoire de la mort, mon ami Alain Croix a feint de me supposer converti a la lecture de @Prritivve Ariés, avec qui j'ai poursuivi de longs échanges. hitpsfoooks. openesition orgipup7269 118aie, 2251 Les naralions de la mor - Conclusion - Presses univers de Provence Serais-je suspect d’« Arianisme » ? La référence est honorable ; mais en fait, parlant d’invariants, je m’empresse toujours d’ajouter que leur curiosité est qu’ils ne cessent de varier. Sous cette réserve, dans le cas de la Mort, que comme fin de toute aventure humaine, elle demeure un butoir 4 ce jour infranchissable. 2 Si enrichissante qu’ait été pour moi la fréquentation de Philippe Ariés, il reste que nos approches divergeaient sur un point essentiel : chez lui l’évolution des pratiques et des représentations obéissait 4 une dynamique propre régie par « Vinconscient collectif » : il ne m’en voulait pas de l’avoir caricaturé en parlant (histoire « sur coussin d’air » ce qui était certainement excessif. Plus laborieusement, de mon cété j'ai toujours, en m’interrogeant sur ce qui change dans Vhistoire de la Mort et de la fagon dont on l'aborde, eu le souci, en corrélant les différents paramétres qui la conditionnent, de rechercher non pas « |’explication » mais des hypothéses explicatives, dans une combinatoire de causes, qui ont varié au fil du temps, tout en renvoyant a un projet Whistoire totale (mais non point totalitaire) qui ne se satisfait pas de l’autonomie des histoires. 3 Telle démarche d’ouverture s'‘impose en ce domaine, intimement associée dans ce territoire de la Mort a la multiplicité des approches, et des sources possibles. Et je me réjouis que ce soit le parti qui a été adopté par les auteurs de cet ouvrage. Voila une démarche analytique qui ne se plie pas a l’enchainement que je proposais a titre exploratoire dans mes premiers ouvrages, mort « subie », mort « vécue » ou « discours sur la mort », ot l’on pourrait soupgonner, en me lisant trop vite, une causalité réductrice — des infrastructures aux superstructures, comme on disait naguére. 4 Dans Vétat des lieux qui a été présenté ici, le discours est premier conformément 4 l’intitulé ; les « narrations » sont organisées en savoirs, en récits, en scénographies, en traces qui sont comme autant de témoignages. Et je crois (sans avoir la prétention de donner un quitus) que c’était la bonne démarche parce qu'elle a permis de balayer les territoires de hitps:foooks.openesdttion org/pupv7269aie, 2251 Les naralions de la mor - Conclusion - Presses univers de Provence la mort tels que nous les percevons aujourd’hui en variant et en croisant les éclairages, sans souci illusoire d’exhaustivité certes, mais de facon suffisamment riche et nouvelle pour qu’on puisse apprécier la profusion des chantiers ouverts et prospectés, comme aussi l’ampleur de ce qui reste a étudier. Multiplicité des sources (nous le savions depuis longtemps), multiplicité des regards, du philosophe au sociologue, & Yanthropologue, 4 V’historien et 4 Vhistorien d’art. Mais sans cacophonie. 5 A cela on peut voir que les études sur la mort ne se sont point asséchées, académisées, retombées comme une mode ou la curiosité d’un instant révolu et ce travail collectif a parfaitement rempli son objet. L’état des lieux ne débouche pas sur Vinventaire d’un grenier poussiéreux, mais une invitation A poursuivre. 6 Cette « vitalité » de la Mort tient sans doute au lien dialectique qui unit depuis le début la dynamique propre @une recherche qui construit son objet et en développe les virtualités A une demande collective qui plonge ses racines dans les solicitations urgentes, parfois impératives de notre société, qui n’est pas en paix avec la mort. 7 Je crois le débat tranché entre Ariés et moi. La « redécouverte de la mort » opérée depuis une quarantaine années sur la base du tabou, désigné et en méme temps dénié par la puissance du verbe n’est pas un épisode fugitif et superficiel comme il le supposait. 8 En rédigeant la nouvelle préface de La Mort et l’Occident, aprés vingt-cing ans, ce sont plus que les évolutions normales et escomptables dans ce laps de temps que j'ai eu conscience de noter l'an passé. 9 En 1980-81, en me faisant |’écho de l’optimisme volontariste des Lumiéres qui nous reste chevillé au corps, je n’avais pas prévu la montée des angoisses et des peurs d’aujourd’hui — et encore je me dispenserai d’énumérer les maladies -, le sida, le retour de l’histoire massacre, les peurs individuelles, atomisées méme lorsqu’elles affectent une catégorie entiére, les vieux, les jeunes, les exclus, ’étranger ; et les nouvelles peurs collectives de la mort de la nature, et du théatre de la hitps:foooks.openesdttion org/pupv72692aer23, 22:51 Les narralions de la mort - Conclusion - Presses universitares de Provence 10 11 cruauté. Brochant sur le tout pése le poids d’un travail du deuil inachevé, qu’on le baptise retour de la mémoire, ou repentance. Je n’aurais pas évalué a sa mesure actuelle l'accélération des modifications d'un imaginaire qui sur les ruines des idéologies, des dogmes et des pratiques s’invente de nouvelles expressions et de nouveaux supports. C’est sur des images dérangeantes encore que non dépourvues parfois une certaine ironie que j’ai conclu comme je conclurai — la mort et l’agonie du Président Mitterrand offerte en direct a notre méditation, la béatification spontanée de Lady Diana qui, « avec le corps d’un mannequin elle avait le cceur de mére Térésa » (Gonzague Saint-Bris) — quelle chance, imaginez le schéma inverse. Mais en méme temps, voici ce que j'ai appelé le grand massacre des vieux en aotit 2003, l’euthanasie qui fascine et terrifie 4 travers les médias... Sommes-nous embarqués sur la nef des fous, vivons-nous de ces crises de représentations dont Vhistoire nous a laissé exemple ? Il nous appartient non point de mettre de l’ordre, mais de mettre de l’ordre dans nos tétes, 4 partir de notre réflexion historienne, confrontée a histoire qui bouge. Auteur Michel Vovelle Université de Paris I Du méme auteur Les sans-culottes marseillais, Presses universitaires de Provence, 2009 Paris et la Révolution, Editions de la Sorbonne, 1988 hitps:foooks.openesdttion org/pupv72692aer23, 22:51 Les narralions de la mort - Conclusion - Presses universitares de Provence Héritages de la _ Révolution frangaise a la lumiére de Jaurés, Presses universitaires de Provence, 2002 Tous les textes © Presses universitaires de Provence, 2005 l .ce OpenEdition Books Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractéres. Référence électronique du chapitre VOVELLE, Michel. Conclusion In : Les narrations de la mort [en ligne]. Aix-en-Provence : Presses universitaires de Provence, 2005 (généré le 29 aotit 2023). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782821885677. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pup.7269. Référence électronique du livre BERTRAND, Régis (dir.) ; CAROL, Anne (dir.) ; et PELEN, Jean-Noél (dir.). Les narrations de la mort. Nouvelle édition [en ligne]. Aix-en- it le 29 aotit Provence : Presses univer ires de Provence, 2005 (gi 2023). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782821885677. DOI: https://doi.org/10.4000/books.pup.7228. Compatible avec Zotero Les narrations de la mort Ce livre est recensé par Pascal Dupuy, Annales historiques de la Révolution francaise, mis en ligne le 13 février = 2012. URL http://journals.openedition.org/ahri/12267 ;—- DOL https: //doi.org/10.4000/ahrf.12267 Les narrations de la mort hitps:foooks.openesdition org/pupy7269 562a, 22:51 Les narrations ée la mort - Conclusion - Presses unversitares de Provence Ce livre est cité par (2020) From = Clouds. to. the_—~Brain. ~—‘ DOL: 10.1002/9781119779520.refs Coraillon, Cédric. (2008) Les deux morts de Louis XIII. Revue| histoire moderne et contemporaine, 55-1. DOI: 10.3917/rhme.551.0050 Vidor, Gian Marco. (2015) Emotions and writing the history o death. An interview with Michel Vovelle, Régis Bertrand and Anne| Carol. Mortality, 20. DOI: 10.1080/13576275.2014.984485 hitps:foooks.openesdttion org/pupv7269