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Collection F

• Titres parus

Collection dirigée par Gérard Vigner


Élaborer un cours de FLE, J. Courtillon
Enseigner la prononciation du français, B. Lauret
L’enseignement en classe bilingue, J. Duverger, édition revue et
corrigée
Le français sur objectif spécifique, J.-M. Mangiante, C. Parpette,
édition revue et corrigée
Manières d’apprendre, J.-M. Robert
Faire classe en FLE : une approche actionnelle et pragmatique, J.-P.
Robert, É. Rosen, Claus Reinhardt
L’intercompréhension : une autre approche pour l’enseignement des
langues, S. Caddéo, M.-Ch. Jamet
La littérature en classe de FLE : état des lieux et nouvelles
perspectives, J.-M. Defays, A.-R. Delbart, S. Hammami, F. Saenen
Inclure : français langue de scolarisation et élèves allophones, F.
Peutot, G. Cherqui
Interactions, dialogues, conversations : l’Oral en FLE, E. Ravazzolo,
É. Jouin, V. Traverso, G. Vigner
Pratiques d’écriture : apprendre à rédiger en langue étrangère, M.-
O. Hidden
Paroles et musique : le français par la chanson, Ludovic Gourvennec
Formation en ligne et MOOC : apprendre et se former en langue
avec le numérique, F. Mangenot

Hors-série
Démarche qualité et évaluation en langues, P. Riba, B. Mègre
L’enseignement des langues étrangères, L. Porcher
Professeur de FLE, F. Barthélemy
Le rythme du français parlé, D. Pagel, É. Madeleni, F. Wioland

• Sur le site www.hachettefle.fr


➤ Consultez le résumé et le sommaire des titres.
• Collection « Pratiques de classe »

De la vidéo à Internet : 80 activités thématiques, T. Lancien


Exercices systématiques de prononciation française, M. Léon
Jouer, communiquer, apprendre, F. Weiss
Photos-expressions, F. Yaiche
Collection « Pratiques de classe » sous la direction de Martine
Stirman
écrit et gestion du tableau, E. Daill, M. Stirman
Oral et gestion du tableau, E. Daill, M. Stirman
PRÉSENTATION

L’exercice constitue une activité réglée d’apprentissage de la langue


dont l’intensité d’usage et l’évidence pédagogique font parfois faire perdre de
vue le caractère construit, conventionnel ainsi que les propriétés qui sont les
siennes comme support particulier d’apprentissage. Si toutes les méthodes
comportent une partie « exercice », si de nombreux recueils sont
régulièrement publiés, si le net présente des répertoires d’exercices de plus en
plus nombreux, on trouve en revanche peu d’ouvrages sur les modalités
d’élaboration d’une technique dont les caractéristiques internes n’ont pas
toujours été clairement élucidées1. Pour autant, travaux et recherches en
linguistique française, en grammaire se sont poursuivis. La réalisation et la
diffusion du CECRL, les travaux portant sur les approches plurilingues, les
recherches sur l’acquisition des langues, même s’ils n’ont pas directement
concerné l’exercice comme outil particulier d’apprentissage, l’éclairent
cependant d’un jour différent et permettent d’envisager cet outil, dans son
élaboration comme dans son usage, de façon différente de ce qui avait pu être
proposé il y a une trentaine d’années.
Notre ouvrage permettra tout à la fois d’apporter les éclairages théoriques
et techniques indispensables sur un certain nombre de points, ainsi qu’une
méthodologie d’élaboration de l’exercice appropriée. Il permettra aux
enseignants, aux concepteurs de plans d’études, aux auteurs de matériels
pédagogiques, de disposer d’un outil d’élaboration de l’exercice2 fondé sur
des choix réfléchis, explicités et non dépendant simplement d’habitudes que
l’on reproduit de méthode en méthode, sans trop s’inquiéter des contextes
d’intervention ou des orientations méthodologiques du moment. On doit en
effet reconnaître que dans le domaine des propositions d’activités, l’exercice
semble avoir peu évolué, et semble confiné aux fonctions classiques de
systématisation et de création d’habitudes, sans que l’on se soit efforcé de
faire bouger le dispositif pour tirer un meilleur parti de ses potentialités.
L’introduction des supports numériques, de ce point de vue-là, ne semble pas
avoir apporté de considérables bouleversements.
Chacun des chapitres comportera une partie d’analyse et de réflexion
générales et une partie de mise en application des principes exposés, de façon
à ce qu’au terme du parcours le lecteur ait pu expérimenter l’ensemble des
problématiques et des variables d’élaboration de l’exercice. Il pourra ainsi les
mettre en œuvre dans le parcours d’apprentissage qu’il aura à élaborer ou
porter un regard plus informé sur les répertoires d’exercices qui lui sont
proposés, dans les manuels en usage ou sur différents sites.
En annexes figure un élément de récapitulation portant sur les composantes
de l’exercice. Puis à titre de mise en situation deux thèmes grammaticaux qui
permettront de reprendre l’ensemble du parcours de conception de l’exercice.
Enfin un élément d’ouverture destiné à montrer le rôle joué par le contexte
d’apprentissage avec des étudiants japonophones.
Pour l’essentiel, cette analyse et cette réflexion s’appuieront sur des
exemples pris dans différentes méthodes, par souci de se référer à des
pratiques en usage, elles-mêmes renvoyant à des savoirs expérientiels
d’autant plus légitimes, qu’ils interviennent dans des domaines, celui de la
systématisation, que la recherche en didactique n’a pas véritablement
abordés.
En effet, l’exercice, à la différence des méthodes ou même des descriptions
grammaticales, n’a pas donné lieu à des débats particulièrement marqués. Il
n’est qu’une simple technique, mais à ce titre omniprésente et ne pouvant que
faire écho aux différents cadres à l’intérieur desquels il peut prendre place.
Dépendant du degré et des formes de « grammaticalisation » des langues,
dépendant encore de l’idée que l’on se fait de la façon dont les élèves
apprennent les langues, l’exercice est une technique dotée d’une certaine
stabilité et qui finit, pour cette raison, par passer inaperçue dans le grand
tohu-bohu de l’enseignement des langues.
Notes
1. Nous avions publié dans la collection F (Hachette, 1984), un ouvrage intitulé L’exercice dans la
classe de français, dans lequel avait été entreprise une première synthèse sur ce dispositif particulier
d’apprentissage. Depuis, rien ne semble avoir véritablement évolué. La grammaire ne constitue plus un
point majeur de référence dans les apprentissages, même si la question de la maîtrise des régularités de
la langue reste toujours posée et constitue pour chaque professeur un point central de préoccupation. La
capacité pour l’apprenant à s’exprimer de façon intelligible constitue un enjeu majeur de
l’apprentissage, quelle que soit la méthodologie considérée, et la maîtrise de la langue (mais aussi du
discours, nous y reviendrons plus loin) dans sa dimension la plus formelle, est largement impliquée
dans cette recherche de l’intelligibilité.
2. Ou de sélection d’ensemble d’exercices appropriés à partir des ressources éditoriales et numériques
existantes.
1

TÂCHES, RÉSOLUTION DE PROBLÈME


ET EXERCICES

Nous commencerons par rappeler que l’exercice prend place dans une
activité guidée1 de l’apprentissage, à la différence de l’apprentissage naturel
qui s’opère par exposition plus ou moins régulière à un environnement
langagier dans laquelle le locuteur de Langue Étrangère (LE) prend place.
L’apprentissage s’opère dans ces conditions de façon plus ou moins
empirique. Le locuteur non-natif repère certains invariants, ce qu’il croit être
des régularités dans la langue de ses interlocuteurs, s’efforce de les analyser
par rapport à son expérience langagière première, avant de tenter de produire
lui-même des énoncés dans la L2. Apprentissage par tâtonnement, par essais-
erreurs, de façon pragmatique, avec le risque, bien connu des spécialistes,
d’une fossilisation de certaines erreurs qui seront par la suite présentes en
permanence dans la conduite langagière du sujet dans la LE. De la nature de
l’exposition à la LE, de la forme des échanges conversationnels, dépendra la
nature des progrès accomplis.
L’apprentissage guidé consiste au contraire à organiser pour l’apprenant
un environnement langagier dans lequel la LE fait l’objet d’un travail de
sélection des formes en vue d’en faciliter l’appréhension : les formes les plus
fréquentes, les formes les moins difficiles d’accès, de la façon la plus
générale. C’est un travail de sélection et de condensation de l’expérience
langagière dans une langue nouvelle par la mobilisation de différentes
ressources pédagogiques. Cet apprentissage, guidé par un professeur, ou
fondé sur le déroulement d’un plan de travail s’il s’agit d’un apprentissage en
autonomie, fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation qui permettent à
l’apprenant d’opérer les corrections nécessaires, de situer ses tâtonnements
par rapport à une performance attendue, de disposer d’une explication à un
moment considérée comme nécessaire (dimension métalinguistique de
l’apprentissage) pour éclairer une difficulté particulière.
1. L’exercice dans son environnement

1.1. Tâches et activités

Une tâche prend la forme d’une activité ou d’un ensemble d’activités


proposées/imposées par l’instance de formation en vue de faciliter ou
favoriser l’apprentissage d’une LE par les élèves. Ces tâches sont par principe
sélectionnées parce qu’elles répondent à un certain nombre de critères qui en
rendent l’accomplissement aisé et à l’efficacité à peu près assurée dans la
maîtrise de certains domaines de compétence.
À ce titre, les tâches ou activités peuvent revêtir des formes extrêmement
diversifiées, depuis des activités spontanées (un groupe d’élèves peut avoir
envie de s’engager sur une activité non prévue initialement par le professeur),
jusqu’à des activités planifiées, depuis des tâches complexes qui mobilisent
de très nombreuses compétences et savoirs (par exemple préparer une
exposition sur une thématique donnée, élaborer un journal scolaire, engager
une correspondance avec une autre classe, rédiger un roman, etc.) jusqu’à des
tâches parfaitement délimitées, portant sur un domaine de compétence
restreint, aisément évaluable en termes de réussite ou d’échec. Dans les
disciplines scientifiques, telles la physique ou les mathématiques, la
distinction entre problème et exercice est d’usage courant2. Le problème
propose une situation dans laquelle sont définis un nombre plus ou moins
important de paramètres, à partir desquels, par le moyen d’un certain nombre
d’opérations, la référence à un certain nombre de lois, principes, formules, il
sera possible d’aboutir à une solution (ou une suite de solutions). La
résolution d’un problème mobilise un temps relativement important dans son
analyse, comme dans sa résolution et peut admettre des parcours de
résolution variés :
Extrait de manuel : Alter Ego 1, Hachette, 2015, p. 73.

L’exercice en revanche porte sur des tâches de portée limitée, sur des
difficultés ou des points d’apprentissages considérés comme essentiels, fondé
sur principe de répétition de la tâche, nous y reviendrons plus loin :

Extrait de manuel : Alter Ego 1, Hachette, 2015, p. 113.

Ces distinctions, courantes dans les enseignements scientifiques, le sont


apparemment moins dans l’enseignement des langues, maternelles ou
étrangères, mais de fait tout aussi présentes. Certaines activités proposées, par
leur caractère de plus ou moins grande authenticité, par le nombre important
de paramètres de réalisation à prendre en compte, par la complexité de
réalisation, peuvent être assimilées au problème tel qu’il est en usage dans les
enseignements scientifiques3. La réponse à évaluer ne le sera pas par rapport
à une norme strictement définie (exact ou faux), mais selon des critères
beaucoup plus ouverts qui peuvent prendre en compte des données aussi
incertaines que l’originalité par exemple ou l’efficacité pragmatique :

Organisez un débat : comment voyez-vous l’avenir ?


« Quel monde voulez-vous pour l’avenir ? » Chacun donnera ses arguments pour justifier
ce qui lui paraît souhaitable et possible et sur ce qui lui paraît dangereux. On pourra
opposer des contre-arguments.

Extrait de manuel : Campus 4, Cle International, 2005, p. 149.


À l’opposé, l’exercice revêt la forme de tâches portant sur une difficulté
particulière et une seule et fondées sur un principe de répétition, avec une
évaluation plus aisée à conduire des réponses obtenues :

Extrait de manuel : Agenda 1, Hachette, 2011, p. 142.

L’exercice, dans sa logique d’apprentissage vise à fragmenter la difficulté,


à la traiter composante par composante, quitte à laisser à l’apprenant le soin
de procéder à la mise en synthèse nécessaire.

1.2. L’exercice comme tâche

Nous ne rentrerons pas ici dans le débat portant sur la perspective


actionnelle, telle qu’elle est proposée dans le CECRL4, mais tenterons de
situer l’exercice dans la problématique du CECRL. « Tâche ponctuelle à
caractère répétitif et contraignant, contraint et métalinguistique marqués » 5,
l’exercice par sa nature même semble avoir du mal à entrer dans une
conception de l’apprentissage qui se situe au-delà des apprentissages que
nous pourrions qualifier d’ordinaire de la langue. Ainsi, comme le rappelle
E. Rosen :

Autrement dit, l’on ne se contente ainsi plus de former un « étranger de passage » capable de
communiquer dans des situations attendues, l’on souhaite aider un apprenant à devenir un
utilisateur efficace de la langue, un citoyen européen à même de s’intégrer dans un autre pays.
Ce positionnement, fondamental pour bien saisir les tenants et les aboutissants de l’articulation
entre approche communicative et perspective actionnelle : le passage d’un apprentissage
individuel (que l’on peut associer à la centration sur l’apprenant, caractéristique de l’approche
communicative et qui s’exerce parfaitement lors des jeux de rôle et des simulations) à un
apprentissage collaboratif et solidaire misant sur un agir social et communicationnel (que l’on
peut associer, pour tenter le parallèle à une centration sur le groupe qui trouve son expression
dans une pédagogie du projet).
Évelyne ROSEN, « Présentation » in La perspective actionnelle et l’approche par les tâches en
classe de langue, Recherches et applications – Le Français dans le monde, no 45, 2009, p. 8.

On peut concevoir que dans de telles orientations l’exercice ait du mal à


trouver pleinement sa place et soit affecté de qualificatifs peu amènes dans le
texte du CECRL. Dans le glossaire du CECRL établi par J.-M. Gautherot
(2009 : 180), ce dernier ne peut que relever le choix des qualificatifs utilisés,
connotés plutôt négativement, tout en notant que : « l’exercice n’est pas pour
autant frappé d’ostracisme ».
L’exercice ne constitue pas l’outil le plus glorieux de l’apprentissage des
langues, mais, placé sur une des étagères du professeur, il fera partie de ces
produits dont on peut avoir besoin pour faire « prendre » l’apprentissage.
Quelle que soit en effet la perspective adoptée, la langue est toujours là dans
son organisation propre, dans sa formalisation différenciatrice (chacun
s’inscrit dans une logique d’organisation particulière), dont il faudra bien
s’assurer de sa maîtrise, et l’exercice, modeste tâche, peut y contribuer.
D. Coste ne manque pas de le rappeler :

[…] On dira que tout « exercice » entrant dans une séquence d’enseignement est à considérer
comme une tâche (dans la mesure où il y a consigne éventuelle, objectif, résultat observable et
évaluable). Ainsi considérées, une dictée, une interrogation à choix multiples, une lecture avec
trous à remplir sont tout autant des tâches qu’une simulation globale ou la préparation d’une
exposition […] ou un journal de classe. Façon de marquer que toute tâche n’est pas seulement
ni nécessairement « communicationnelle ».
Daniel COSTE, « Tâche, progression, curriculum », in La perspective actionnelle et l’approche par
les tâches en classe de langue, Recherches et applications – Le Français dans le monde, no 45, p. 17.

Soyons donc rassurés sur la légitimité, au moins relative, d’un outil dont la
portée est somme toute modeste et dont la pérennité est liée à la « stabilité
des activités grammaticales » (J.-C. Beacco, 2010 : 48) ou encore à « l’inertie
de la grammaire ordinaire qui est convoquée dans l’enseignement du français
langue étrangère » (ibid : p. 148). Ce qui ne veut pas dire que nous devons
enregistrer passivement un état de fait, discutable ou critiquable sur certains
points, mais en prendre acte et nous interroger, nous y reviendrons plus loin,
sur les raisons d’un tel attrait et sur la permanence des choix effectués.
Mais il est significatif de relever, dans nombre d’outils de systématisation
de la langue, la préférence pour la mention activité plutôt que celle
d’exercice, comme si cette dernière mention était connotée comme trop
fermée, trop scolaire, trop contraignante. Toutefois, la distinction activité /
exercice reste pertinente quant à l’organisation du travail attendu de l’élève
(B. Lauret 2007 : 138), même si le même auteur n’hésite pas à présenter des
encadrés (ibid. : 141) qui sous l’intitulé « S’exercer à la discrimination »
prennent la forme d’une suite d’activités, ce qui montre bien que la notion
d’exercice va peut-être plus loin que le simple fait de vouloir s’exercer à
maîtriser une conduite, à stabiliser une compétence. Et qu’une activité, plus
ouverte, sans forcément être répétitive, permet de « s’exercer ». L’exercice
permet donc de s’exercer mais d’une manière bien particulière, qui va au-delà
de ce que les « activités » peuvent susciter.

1.3. Leçons et exercices

La tradition scolaire, aujourd’hui fort ancienne, tend à distinguer la leçon


qui, sous des formes variées, présente à l’élève les savoirs et compétences
qu’il aura à acquérir, savoirs et compétences présentées dans leur plus grande
clarté, afin de les rendre accessibles à tous ou du moins au plus grand
nombre. Ces savoirs et compétences pourront revêtir des formes variées, être
présentés sous forme de suites d’exemples, de règles ou de principes, prendre
la forme d’un texte à lire, de documents à verbaliser.
Mais la leçon ne saurait à elle seule suffire à garantir la qualité et la solidité
des acquisitions. L’exercice intervient dans ces conditions comme un élément
de stabilisation des acquis, de mise en mémoire de certaines formes, de
création d’habitudes, en fait d’associer à un savoir déclaratif un savoir
procédural, pour reprendre ici la distinction déjà ancienne proposée par
Anderson (1983) The architecture of cognition, Cambridge Harvard
University Press – autrement dit le passage à un champ d’application
particulier. Le savoir procédural demande à être exercé par des reprises
variées. Je peux savoir ce qu’est la proposition relative, je dois aussi savoir
comment la construire et la mettre en œuvre.
Le FLE, sans abandonner cette distinction, a su la faire évoluer dans le
sens d’une approche plus active des apprentissages en privilégiant la
distinction découverte / réinvestissement, c’est-à-dire la découverte des
formes dans des environnements variés (du texte à lire au dialogue par
exemple), à des réinvestissements sous la forme d’exercices de consolidation
ou d’activités plus ouvertes de transposition.

1.4. Les compétences visées

Les tâches proposées peuvent s’inscrire dans des visées sinon différentes,
car elles sont toutes complémentaires, du moins distinctes par leur portée. Si
l’apprentissage d’une langue correspond bien en gros à savoir communiquer
langagièrement auprès de différents interlocuteurs, dans un certain nombre de
contextes d’intervention, ce savoir-faire (et savoir pour partie) peut être
considéré sous différentes composantes. Pendant longtemps, on a pu se
satisfaire d’une distinction entre maîtrise de la langue (capacité à produire des
phrases correctes, conformes aux règles de la langue) et maîtrise du discours
(capacité à produire des énoncés appropriés à une situation de
communication et conformes aux normes d’usage dans une sphère d’échange
donnée).
Depuis, on s’est efforcé d’aller vers des distinctions plus fines. Le CECRL
(p. 17) distingue par exemple :
– la compétence linguistique ;
– la compétence sociolinguistique ;
– la compétence pragmatique.
La question que l’on se posera, nous y reviendrons plus loin, sera de savoir
dans quelle mesure, pour chacune de ces composantes, la procédure de
l’exercice ou celle de la résolution de problème pourra se révéler la plus
pertinente.
On retrouvera encore, et le CECRL s’inscrit ici dans une tradition déjà
ancienne, les distinctions entre les activités de réception (orale ou écrite) et
celles de production (orale ou écrite). Mais il y ajoute la notion d’interaction,
comme forme de compétence spécifique, comme combiné des deux
compétences précédentes et mettant en jeu des savoir-faire particuliers
(particulièrement bien approchés par les analyses conversationnelles). Et
enfin, la médiation, qui non seulement correspond aux pratiques bien connues
de l’interprétariat ou de la traduction, mais aussi à celles de la reformulation
d’un discours ou texte premier en direction de locuteurs qui n’ont pas pu
avoir un accès direct à ce texte ou discours.
Comme il est aisé de le constater, la langue, la maîtrise de la langue, ce
qu’on appelle aussi la grammaire (terme polysémique dont il convient de
faire usage avec précaution), ne constituent pas le tout de l’apprentissage
d’une langue, d’autres compétences sont en jeu qui peuvent non pas se passer
de la maîtrise affichée de la langue, mais l’inscrire dans une visée plus large
et ne pas y faire explicitement référence.
L’exercice, par sa forme particulière, semble plus approprié au traitement
de la composante formelle de la compétence de communication. Plus
approprié, donc fondateur d’une tradition, fort ancienne, qui conduit à
assimiler l’exercice à la morphosyntaxe, à l’orthographe, à la prononciation.
Nous tenterons de montrer cependant (supra, p. 159), sans remettre en cause
la pertinence de cette tradition, que l’exercice peut disposer d’un champ
d’application plus large, notamment par rapport à une logique
d’apprentissage fondée sur l’acquisition de compétences, et selon une
approche qui ne fait pas de la création d’habitudes et de la création
d’automatisme le tout de l’apprentissage.
Mais en même temps, dans sa forme la plus classique, dans sa composante
proprement formelle, l’exercice va plus loin que ce que la tradition de son
usage peut laisser entendre, et sans vouloir remettre en question un dispositif
d’apprentissage dont le succès auprès des élèves comme des enseignants est
incontestable, nous essaierons de montrer comment derrière ce mécanisme
apparemment intangible sont opérés des choix qui peuvent être sur certains
points remis en question et se traduire par des logiques de construction et
d’usages différentes.

1.5. L’exercice dans son principe

Sans remonter aux Exercices spirituels d’Ignace de Loyola6 (1548), et en


nous rapportant aux significations qui sont accordées aujourd’hui au sens du
verbe s’exercer, la plus fréquente étant : « Se livrer à un entraînement
méthodique », on peut considérer que « s’exercer », dans le domaine qui est
le nôtre ici, signifie que l’on travaille sur une composante particulière de la
compétence et que l’on s’entraîne, par l’habitude, par le conditionnement
(nous reviendrons plus loin sur cet aspect de l’exercice), à en avoir
progressivement la maîtrise. Le musicien fait ses gammes, le sportif
s’entraîne dans un champ particulier de compétence, selon la nature du sport
considéré. L’idée prévaut dans tous les cas qu’à l’accomplissement d’une
performance complexe, il convient d’associer à la maîtrise globale de cette
performance, la maîtrise de certaines composantes de cette performance
(gestion de la vitesse, de la foulée, de la respiration, du rythme cardiaque
chez le coureur par exemple). Sachant cependant que la maîtrise de la
performance globale ne se limite pas à la juxtaposition de performances
partielles, l’exercice en soi ne constitue pas le tout de l’apprentissage qui doit
s’appuyer sur des activités plus englobantes (tâches communicationnelles par
exemple).
Mais on peut considérer, dans l’éclairage, modestement sollicité, de ces
quelques références, que l’exercice est une activité légitime, qu’il prend place
dans un projet plus large de formation, qu’il ne saurait non plus s’y substituer
et qu’en son absence, la maîtrise de la langue dans son détail, pourrait souffrir
de quelques imperfections (limites par exemple des approches d’une LE par
les seules ressources de la méthode naturelle). Dans son projet, il lui revient
de faire accéder l’apprenant au système de la langue

1.6. Une tâche au profil singulier


Un exercice, c’est d’abord une activité définie par des consignes à partir
d’un apport. Cette activité est délimitée dans sa portée et est le plus souvent
associée à un travail méthodique sur la langue. L’apprenant doit entreprendre
une opération donnée sur un élément de l’apport. L’activité prend la forme
d’une tâche, de profil identique, tâche à portée restreinte, qui sera répétée un
certain nombre de fois. Le niveau de performance requis semble ne pouvoir
être atteint qu’au terme d’un certain nombre d’essais. Les consignes sont
exhaustives, non-ambigües. La variabilité tolérée dans la réponse est faible,
voire nulle. L’évaluation est dans ces conditions aisée à conduire et se traduit
par une appréciation de type exact ou faux/erroné. Ce qui tend à exclure du
champ de l’exercice toute activité qui ne pourrait faire l’objet d’une
évaluation de cette nature. Mais les choses ne sont pas si simples et nous y
reviendrons plus tard. Dans tous les cas, la connaissance des résultats par
l’apprenant est un facteur important de progrès dans l’apprentissage,
puisqu’elle permet de corriger les erreurs de conduite.

On appellera exercice toute activité langagière qui va prendre la forme d’une tâche imposée ou
proposée à l’apprenant par une instance extérieure à vocation formatrice. Cette tâche va
s’inscrire dans un programme d’activités pédagogiques construit en vue d’atteindre un certain
nombre d’objectifs de formation. Les fonctions pédagogiques de l’exercice sont variées et
peuvent être soit distinguées soit confondues : approfondissement de connaissances acquises,
familiarisation de l’apprenant avec leur manipulation, contrôle de l’acquisition de
connaissances. La tâche portera préférentiellement sur une composante ou difficulté particulière
de l’apprentissage. On prévoira autant de types d’exercices qu’il existe de difficultés
répertoriées. Tâche répétitive, un nombre minimum d’essais doit être prévu en vue d’atteindre
un niveau de performance suffisant. L’exercice se déroulera selon un protocole strict : délais de
réponse brefs, variabilité tolérée dans la forme de la réponse faible ou nulle. Il s’effectuera à
partir d’un apport de données sélectionnées intentionnellement, sur la base de consignes
exhaustives, non ambiguës et cohérentes, cette activité devant déboucher sur une réponse
observable et aisément évaluable, par l’apprenant comme par le formateur.
Gérard VIGNER, L’exercice dans la classe de français,
Hachette, coll. F, 1984, p. 17.

Définition un peu longue, mais qui permet de définir l’exercice à partir de


l’ensemble de ses constituants.
2. L’attrait d’une pratique
Les méthodes évoluent, la production de manuels est toujours aussi
abondante, le net est depuis intervenu comme nouvelle ressource, pour les
professeurs comme pour les élèves, mais les exercices sont toujours là, aussi
nombreux qu’auparavant, sinon plus peut-être, présents dans le manuel ou sur
un site d’accompagnement. Dans tous les cas, il semble bien que l’on ne
puisse envisager un quelconque dispositif d’apprentissage sans que l’exercice
n’y soit présent et ce, quel que soit le pays considéré, selon une part de temps
plus ou moins importante.
L’exercice, dans ses usages les plus fréquents, est associé, nous le verrons
un peu plus loin, à la morphologie et à la syntaxe et à une référence
grammaticale somme toute assez traditionnelle, comme si quelque part dans
une période à déterminer, entre 1880 et 1960 pour faire vite, un modèle
s’était construit, de façon plutôt consensuelle, assez indifférente, c’est le
moins que l’on puisse dire, aux apports des sciences du langage.
Sans vouloir aller trop loin dans l’analyse de cette problématique, la
question qui se pose est de savoir si les acteurs de l’enseignement
(professeurs, auteurs de méthodes, auteurs de manuels) ont jamais cherché à
s’inspirer des « grammaires savantes ». Sans reprendre strictement les thèses
d’A. Chervel7, qui portent d’abord sur l’enseignement du français en France,
force est de constater que l’évolution des outils grammaticaux a été d’abord
l’affaire des professionnels et non de spécialistes ou de chercheurs en la
matière. Ainsi, le passage à la « deuxième grammaire scolaire » en France,
dans l’enseignement primaire, aux alentours de 1870, marqua durablement
les pratiques et fournit des outils d’analyse et un métalangage encore en
usage aujourd’hui. Grammaire de la phrase, grammaire des fonctions,
grammaire à forte orientation orthographisante, elle est d’une grande
commodité d’usage pour le professeur et quelque part satisfait les élèves en
privilégiant une visée ponctuelle de la langue, elle-même approchée dans ses
réalisations relevant du français standard le plus courant. Les grammaires du
FLE ont largement puisé dans le modèle grammatical ainsi construit et dans
le métalangage associé8.
On rappellera encore ce que sont les deux dimensions de la formation de
l’enseignant, l’une fondée sur un principe de transposition didactique, qui
se fonde sur le transfert de savoirs savants vers des pratiques de classe,
l’autre sur la transmission d’un travail, c’est-à-dire, dans une logique
essentiellement artisanale, la transmission entre praticiens d’outils
d’intervention pédagogique reconnus comme raisonnablement efficaces.
Toute pratique comporte une dimension théorique, mais cette théorie,
rarement explicitée, relève plus d’un principe empiriquement construit, fondé
sur une expérience partagée que sur des connaissances, au sens le plus
abstrait du terme. Selon les époques, et selon les rapports de force entre
didacticiens et praticiens, les pratiques de formation évoluent.
Peut-on dans ces conditions avancer que professeurs et élèves attendent de
la grammaire, moins des explications dont la puissance de couverture et la
pertinence scientifique en seraient la marque principale, que des descriptions,
des règles, les plus accessibles et les plus commodes d’usage dont l’exercice
constituerait l’incarnation pédagogique la plus commune ?
L’intensité et l’universalité de la pratique méritent ainsi d’être signalées et
d’être brièvement analysées par-delà le désintérêt évident des didacticiens et
des spécialistes de l’apprentissage pour une activité considérée comme
répétitive, mécanique, sollicitant trop peu la créativité et l’intelligence de
l’élève. Posons-nous plutôt la question déjà formulée par Jean Hébrard : « Au
lieu de se demander s’il faut faire des exercices, peut-être vaut-il mieux se
demander pourquoi l’école semble n’avoir jamais pu se passer d’en faire, en
éclairant l’apparente nécessité de la forme que prend toute activité en milieu
scolaire » 9.
On peut, dans une première hypothèse, considérer que l’exercice, au milieu
d’activités caractérisées par une grande complexité, tâches variées, aux
acteurs multiples, constitue, sur des tâches fermées, un moment dans lequel
l’enseignant peut concentrer son attention sur le travail de l’élève et l’évaluer
de façon plus sûre. La validité de la réponse peut faire l’objet d’une
évaluation « objective ».
Si les tâches complexes permettent à l’élève de se confronter à des
situations qui vont l’obliger à mobiliser de nombreuses ressources tout à la
fois cognitives, sociales, linguistiques et bien d’autres encore, tâches à portée
intégrative, il vient un moment où il importe de stabiliser certains éléments
constitutifs de la compétence, de permettre un repérage plus aisé de certaines
constructions ou formes de la langue, de familiariser l’élève avec des
constructions inédites pour lui et de créer sinon des automatismes, du moins
de nouvelles habitudes. La routine ainsi créée, par son caractère rassurant –
on répète, on reprend, on se perfectionne – permet de centrer l’attention sur
une difficulté particulière, sur un point de la langue qui, dans une tâche
complexe, est noyé dans un ensemble d’exigences qui ne laissent pas toujours
à l’apprenant le temps de reprise ou d’exploration aux fins de mémorisation
de constructions nouvelles. On conviendra que l’exercice, de ce point de vue-
là, est plus facile à gérer que des interactions, simulées, aux données souvent
surabondantes, ce qui ne veut pas dire, nous le verrons tout au long de cet
ouvrage que l’exercice ne recèle pas d’obstacles, bien au contraire.
L’enseignant devra constamment se poser la question de l’accessibilité des
dispositifs ainsi proposés. En même temps, l’enseignant pourra lui-même
créer des exercices selon une logique de la langue et une logique de
l’apprentissage qui demanderont de sa part un effort de créativité plus
important qu’on ne le pense a priori.
Enfin, un autre attrait dont on ne saurait négliger la portée. Autant les
tâches complexes ne peuvent être abordées par un apprenant isolé, autant
l’exercice offre cette possibilité d’autoriser un apprentissage en autonomie.
De nombreux recueils d’exercices sont conçus comme des compléments
d’apprentissage auxquels l’apprenant peut avoir recours selon l’importance
des besoins qui peuvent être les siens, selon la sensibilité qui peut être la
sienne à l’égard de cette composante particulière de l’apprentissage. Certains
apprenants ont besoin de se sentir confortés par un travail de micro-
structuration linguistique, alors que d’autres préfèrent s’en remettre à des
processus plus intégrateurs dans lesquels structuration de la langue et maîtrise
du discours dans des situations d’usage complexe sont étroitement associés.

2.1. Les fondements théoriques

L’exercice n’a pas suscité de nombreuses recherches quant aux principes


même qui sont à son origine. On peut bien évidemment le mettre en relation
avec un certain nombre de théories générales en matière d’apprentissage10,
mais on trouve peu de travaux pour mesurer son impact, en fonction de
variables diverses, sur la structuration du langage. Tout au plus peut-on
signaler, dans les années 1960 et pour partie 1970, la référence aux théories
behavioristes, pour légitimer l’usage et l’intérêt de l’exercice structural. Mais
il s’agissait plus, on s’en est très rapidement rendu compte, d’une justification
apportée a posteriori que de l’application d’un principe général portant sur
l’enseignement des langues.
L’exercice, tel que nous l’abordons ici, est une création de professionnels
de l’enseignement, maîtres de langue, professeurs exerçant dans les
institutions scolaires (voir supra pp. 30-36), répondant de la sorte à une
logique de travail liée aux nouvelles conditions d’apprentissage des langues.
Comme tout dispositif empiriquement élaboré, l’exercice, dont les formes ne
manqueront pas d’évoluer au moins dans la première partie du XXe siècle,
répond à une intuition de professionnels de l’enseignement et non à la
transposition de principes abstraits d’apprentissage. La forme-école, en
constituant les collectifs d’apprenants que sont les classes, appelle un travail
qui doit tout à la fois gérer le collectif, ce en quoi il se distingue du
préceptorat d’autrefois, et prendre en compte la singularité de chacun.
L’exercice permet d’engager les arbitrages nécessaires, mais dans la nécessité
d’opérer quelque part une réduction de la prise en compte des individualités
de chacun, au profit d’un dispositif sinon unificateur, du moins qui permet de
favoriser des convergences et d’assurer pour l’enseignant une gestion plus
aisée des apprentissages.
Cela peut expliquer le peu de prestige attaché à cet outil et à son usage.
Deux auteurs, dans un autre univers d’apprentissage, celui de l’enseignement
de la lecture en France, n’avaient pas manqué de le signaler :

Dans les pratiques d’enseignement de la lecture, les analyses didactiques et les formations ont
tendance à valoriser certaines activités-phare, comme l’exploration de texte, la découverte d’un
livre, la production d’écrits. Elles laissent souvent dans l’ombre toute la part humble et
laborieuse des exercices, des moments d’application et de consolidation, des entraînements.
Élisabeth NONNON, Roland GOIGOUX, « Travail de l’enseignant, travail de l’élève dans
l’apprentissage initial de la lecture », Repères, 2007, p. 21.

Une des particularités les plus évidentes de l’exercice est de se fonder sur
la réitération d’une performance organisée autour d’une particularité d’usage
de la langue ou de propriété formelle. Dans un exercice, on reprend, voire on
répète, avec une fonction de renforcement et de mémorisation. Le fait que
soient prévus à chaque fois un certain nombre d’items fondés sur un principe
de transposition (on préserve des éléments de structure dans des habillages
langagiers variés) plaide pour une approche qui nous rapprocherait du
conditionnement opérant d’inspiration skinnérienne.
Les promoteurs de l’exercice structural, en leur temps, se sont appuyés sur
de tels principes, dans le rappel du schéma stimulus-réponse-renforcement,
en renforçant la connexion situation-réponse, dimension certainement
réductrice, mais que l’on ne peut pas non plus totalement exclure. On peut
justifier de la sorte l’exercice par sa contribution à mettre en place des
automatismes ou certaines routines nécessaire à la réalisation de l’acte
communicatif.
Dans un secteur d’apprentissage du français non directement associé au
FLE, ici l’apprentissage de la morphologie écrite du nombre en français
auprès d’enfants allant de la première à la troisième année primaire (Marie-
Geneviève Thévenin et alii, 1999), mais intéressant par quelques constats
susceptibles d’être transposés en FLE, sur la distinction entre acquisition
spontanée par la pratique et enseignement délibéré fait d’instruction et
d’exercices, les auteurs constatent que :

L’acquisition […] s’effectue de manière plus précoce et rapide lorsque d’une part les règles
d’accord donnent lieu à une instruction directe plutôt qu’à une « simple » imprégnation par
l’écrit ; et d’autre part, l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il comporte des évaluations et
corrections explicites en plus de l’enseignement direct des règles et de la pratique d’exercices.
Les résultats montrent que l’introduction d’une instruction directe assortie d’exercices entraîne
très précocement des modifications profondes des performances : le non-marquage disparaît dès
la première année primaire, la fréquence des accords exacts augmente pour toutes les
catégories grammaticales.
Marguerite THÉVENIN et alii, « L’apprentissage/enseignement de la morphologie écrite du nombre
en français », Revue française de pédagogie,
Volume 126, 1, 1999, p. 30.

Certes, les conclusions et transpositions doivent être utilisées avec


précaution, mais montrent bien que la procédure de l’exercice associée à des
évaluations et corrections explicites se traduit par une amélioration et une
stabilisation des performances, savoir déclaratif et savoir procédural étant
étroitement associés.
L’exercice, dans un schéma traditionnel, trouve sa place, en position
médiane, dans un schéma ternaire, présentation des formes, des éléments et
des règles en contexte, de telle manière que la règle grammaticale soit
présentée avec le plus de clarté et le plus d’évidence possible, les exercices
permettant de fixer et d’automatiser la règle, la troisième partie étant
destinée, dans le cadre d’une activité de communication plus ou moins
authentique à vérifier la capacité de l’apprenant à faire un bon usage de la
règle par sa capacité à en généraliser l’usage. Mais s’agit-il d’une règle
pratique ou d’une règle élaborée par les grammairiens par rapport à leurs
propres domaines de savoir ? Comme le signalent P. Griggs et alii :

Les exercices grammaticaux peuvent au mieux servir à développer des règles procédurales de
reconnaissance permettant de constituer des savoirs déclaratifs en compréhension. En revanche,
la construction et la consolidation par la pratique d’un savoir procédural en production ne peut
s’effectuer qu’au cours de la troisième phase de l’approche traditionnelle, c’est-à-dire dans les
conditions opératoires d’une communication authentique.
P. GRIGGS et alii (2002), « La dimension cognitive dans l’apprentissage des langues étrangères »,
Revue française de linguistique appliquée, 2, 2002, p. 11.

L’apprentissage par tâches constituerait-il donc la seule solution ? Oui,


mais sous conditions, selon ces mêmes auteurs :

[…] les interactions les plus fructueuses au point de vue acquisitionnel se caractérisent par un
taux élevé d’activités métalinguistiques (auto- et hétéroreformulation, recours à la L1…)
destinées non pas à l’intercompréhension mais à un travail, effectué souvent en collaboration,
de recherche de la forme conventionnelle de la langue cible.
P. GRIGGS et alii (2002), « La dimension cognitive dans l’apprentissage des langues étrangères »,
Revue française de linguistique appliquée, 2, 2002, p. 12.

Comme quoi l’entreprise de « naturalisation » de la tâche n’exclut


nullement cette dimension métalinguistique des apprentissages (80 % des
énoncés prononcés dans une classe de langue relevant de cette dimension –
H. Besse, 1980). Si bien qu’il ne s’agit pas d’opposer un apprentissage par
tâches à un apprentissage centré sur les acquisitions linguistiques, puisque
dans tous les cas de figure, cette dimension est partout présente, l’exercice ne
correspondant alors qu’à la dilatation, en surface, de l’activité pédagogique
explicite, de ce travail de reformulation et de reprise par les apprenants.
La question de l’efficacité de l’exercice dans le processus global
d’apprentissage reste posée, au moins dans sa visée pratique effective, à ceci
près cependant que dans l’apprentissage guidé et plus particulièrement en
milieu scolaire, sa présence est toujours attestée. Ce qui conduit ainsi
J. Hébrard (voir supra, p. 17) à considérer l’exercice comme un système
opératoire propre à l’école, et que même en direction de publics d’adultes
soucieux de résultats rapides dans des compétences de communication
spécifiques, le recours à son usage, sous des formes variées – exercices de
remploi par exemple, voir infra p. 115 – semble toujours indispensable11.

2.2. L’exercice entre systématisation et automatisation

a. Mettre en évidence les invariants

Apprendre une langue, c’est prendre tout à la fois en compte des éléments
de variation, de toute nature, situation d’énonciation, particularités du sujet
énonciateur, visées de l’échange, nature de la relation entre les locuteurs par
exemple, et des invariants, ceux qui constituent l’ossature du système et
permettent, dans la diversité des situations d’usage, de disposer des
ressources nécessaires à la production/réception d’énoncés intelligibles,
autrement dit dans une approche ordinaire tout ce qui relève des règles de la
langue, de la grammaire, mais aussi de la phonologie de la langue pour aller
plus loin que le seul niveau de la grammaire de la phrase.
Dans les apprentissages naturels ou spontanés, il appartient à l’apprenant
de progressivement repérer ces invariants dans la diversité des usages, cette
diversité pouvant aller très loin, si on prend en considération les variations
liées à la personne du locuteur : accent, débit, formes de structuration des
énoncés. Repérer ces invariants signifie que l’on ne mémorise pas des
phrases toutes faites, mais derrière les phrases ainsi entendues qu’on extrait
un schéma abstrait, une organisation sous-jacente, que l’apprenant va
d’ailleurs, même de façon intuitive, mettre en relation avec les schémas de sa
propre langue. D’où la complexité de l’apprentissage qui dépendra du mode
d’exposition aux réalisations de la L2 et des capacités de l’apprenant à opérer
les inférences nécessaires.
Dans les apprentissages guidés, les auteurs de méthode ont le choix entre
deux démarches, commencer soit par un exposé le plus complet possible des
règles mobilisées dans la réalisation/réception d’énoncés de la L2, ce qui fait
référence aux méthodes de grammaire-traduction par exemple, soit par le
moyen de méthodes actives de mettre l’apprenant en contact avec des
situations d’échange, présentées donc dans la singularité des locuteurs et des
enjeux de l’échange, en vue de favoriser chez l’apprenant un travail de
structuration de la langue (structuration étant employé ici au sens
d’organisation et d’appropriation d’une forme inédite de la L2). Nous
reviendrons plus loin sur la question du lien entre connaissance de la langue
et utilisation pertinente, entre connaissance déclarative et connaissance
procédurale dans l’acquisition. Mais quelles que soient les démarches
d’apprentissage, l’objectif est bien d’aboutir à une automatisation des
processus de traitement des énoncés, en production ou en réception, c’est-à-
dire à une diminution des ressources attentionnelles nécessaires à ce
traitement. Si en effet le locuteur avant de prendre la parole doit procéder à
tous les calculs nécessaires en matière d’élaboration de la bonne forme, il y a
fort à parier que sa capacité à prendre place dans un échange avec un locuteur
natif sera fortement obérée. Nous nous poserons la question de savoir dans
quelle mesure l’exercice peut contribuer ou non à l’automatisation de ces
processus.

b. Systématiser

Apprendre une nouvelle langue, c’est partir à la découverte de nouvelles


formes, d’une nouvelle combinatoire, de tout ce qui constitue ce que l’on
appelle le système de la langue. Ces nouvelles formes peuvent être repérées
au cours d’un échange par l’apprenant, approche globalisante, qu’il peut
mettre en relation avec des usages en cours dans sa langue, mais dont la
construction dans le détail peut lui échapper. Ainsi des différentes formes du
comparatif. Je puis entendre quelqu’un dire : « Je partirai par l’autoroute A5
parce qu’il y a beaucoup moins de circulation. » Ou encore : « L’autoroute
A6, ne m’en parle pas, il y a beaucoup trop de circulation », ou encore : « Le
vendredi soir, il y a beaucoup plus de circulation que dans le reste de la
semaine », etc. Je puis percevoir des constructions qui visent à comparer une
situation ou un état à un autre, mais des particularités de réalisation qui
peuvent dépasser mes capacités d’attention, puisque je dois tout à la fois
identifier le support de comparaison, les déterminants indéfinis de quantité et
la combinatoire avec les évaluatifs « beaucoup trop », beaucoup plus »,
« beaucoup moins ». Mais de là à pouvoir s’approprier la construction ? Cela
demande à être confronté à de nombreuses constructions de façon à pouvoir
discerner, derrière la diversité des réalisations, un certain nombre d’invariants
abstraits (le système de la comparaison) que l’on pourra par la suite réinvestir
dans des réalisations nouvelles.
Systématiser revient ainsi à créer de nouvelles habitudes langagières par
des procédures variées, la répétition constituant la forme la plus élémentaire,
avant de passer à des formes plus élaborées et susceptibles de dissocier la
construction d’une réalisation particulière. L’apprenant n’est pas là pour
mémoriser des énoncés dont la transposition dans d’autres situations pourrait
se révéler délicate, mais pour extraire de ces réalisations des structures
abstraites susceptibles d’être transposées dans toutes sortes de situations.
N’oublions pas en effet que la classe de langue, au sens de lieu
d’organisation d’un apprentissage guidé, est un lieu de condensation de
l’expérience langagière. Aux nombreux aléas dans l’exposition de
l’apprenant à une langue étrangère, en apprentissage naturel, on substitue une
exposition régulière à des formes soigneusement sélectionnées, dans leur
accessibilité (du plus simple au plus complexe ou du plus facile au plus
difficile, ce qui n’est peut-être pas tout à fait la même chose), comme dans
leur traitement. L’exercice, dans cette perspective, constitue un raccourci
d’apprentissage qui fonctionne comme une sorte d’accélérateur de
l’expérience langagière et permet à l’apprenant de repérer plus aisément dans
la diversité des usages et des réalisations, les éléments du système. Pour
reprendre la déjà ancienne distinction de Krashen entre apprentissage
(explicite) et acquisition (par le moyen de processus « inconscients » en
situation de communication naturelle), nous pourrons dire que l’exercice
(selon sa nature exacte, nous verrons cela plus loin) se situe entre ces deux
démarches, puisqu’il tend à conjuguer l’apprentissage par la prise en compte
des contraintes structurales des énoncés proposés, et l’acquisition par la
formation, si peu que ce doit, d’habitudes langagières.
Que faut-il constater ? L’exercice, constitue-t-il un « impensé didactique »
pour reprendre l’expression de R. Goigoux et E. Nonnon à propos d’un autre
domaine d’apprentissage, celui de la lecture12 ? On pourrait le croire dans la
mesure où les jugements à son encontre s’inscrivent dans un cadre plus
général de réflexion sur l’apprentissage, ou de référence à des descriptions
grammaticales, mais sans que l’on se soit donné la peine de procéder à des
études plus fines partant de types et de formes d’exercices, de contenus de
référence et d’incidence sur les performances de l’apprenant. Est-ce dû au
caractère laborieux et humble du dispositif par opposition à des
apprentissages plus nobles que seraient les apprentissages par tâche ou les
approches communicatives ? Il se peut. Mais la modestie de l’objet va de pair
avec une intensité de l’usage dont il faut bien tenter de mieux cerner sa nature
pour en évaluer l’intérêt de façon plus rigoureuse. Et si l’exercice n’était
qu’un simple marqueur de l’institution scolaire, indépendamment de toute
efficacité dans l’apprentissage, son usage se serait considérablement affaibli.
Si pertinentes que soient les approches interactives en classe de langue, elles
doivent pour autant s’articuler à un traitement des régularités de la langue
dans la réalisation des conduites. C’est en ce sens que l’exercice trouve sa
raison d’être.

POUR RÉSUMER
L’exercice est une forme d’activité qui n’a que faiblement retenu l’attention des chercheurs
et des didacticiens, alors que sa présence dans les apprentissages est régulièrement attestée.
Plus approprié au traitement de la composante formelle de la compétence de
communication, il doit se définir et trouver sa place dans des activités diversifiées, telles
que la leçon, la résolution de problèmes, se situer parmi toutes les interactions qui balisent
un parcours d’apprentissage. Fondé sur un principe de reprise d’une performance autour
d’une propriété particulière de la langue, l’exercice fonde son existence sur un certain
nombre de principes ou de théories de l’apprentissage : volonté de créer de nouvelles
habitudes langagières, stabiliser des pratiques au plan proprement linguistique, et par ce
travail de systématisation parvenir à une automatisation des processus de traitement des
énoncés.

ON S’ENTRAÎNE ?

Voici un certain nombre d’activités d’apprentissage telles qu’il est possible de les rencontrer ou
de les mettre en œuvre dans un parcours de formation. Indiquez, à côté de chacune d’entre elles
la nature de la tâche proposée : résolution de problème ou exercice.
CORRIGÉ
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 1
• BEACCO Jean-Claude (2010), La didactique de la grammaire dans
l’enseignement du français et des langues, Didier, coll. « Langues et
didactiques ».
• BESSE Henri (1980), « Métalangages et apprentissage d’une langue
étrangère », Langue française, Volume 47.
• BESSE Henri et PORQUIER Rémi (1984), Grammaires et didactique
des langues, Hatier-Credif.
• Conseil de l’Europe (2001), Cadre européen commun de l’enseignement
pour les langues, Didier.
• COSTE, Daniel (2009), « Tâche, progression, curriculum », in La
perspective actionnelle et l’approche par les tâches en classe de langue,
Recherches et applications – Le français dans le monde, no 45.
• GAUTHEROT Jean-Marie (2009), « Glossaire des termes du CECR », in
La perspective actionnelle et l’approche par les tâches en classe de
langue, Recherches et applications – Le français dans le monde, no 45.
• GRIGGS P. et alii (2002), « La dimension cognitive dans l’apprentissage
des langues étrangères », Revue française de linguistique appliquée, 2.
• HÉBRARD Jean (1982), « Présentation : le travail scolaire du langage.
Quelques repères pour une étude de l’exercice », Études de linguistique
appliquée, 48.
• NONNON Élisabeth, GOIGOUX Roland (2007), « Travail de
l’enseignant, travail de l’élève dans l’apprentissage initial de la lecture »,
Repères, 36.
• ROSEN Évelyne (2009), « Présentation » in La perspective actionnelle et
l’approche par les tâches en classe de langue, Recherches et
applications – Le français dans le monde, no 45.
• THÉVENIN Marguerite, TOTEREAU Corinne, JAROUSSE Jean-Pierre,
FAYOL Michel (1999), « L’apprentissage/enseignement de la
morphologie écrite du nombre en français », Revue française de
pédagogie, Volume 126, 1.
• VIGNER Gérard (1984), L’exercice dans la classe de français, Hachette,
coll. F.
Notes
1. Activité guidée ne signifie pas forcément activité contrôlée par un enseignant dans une relation
présentielle. Une activité guidée, telle que nous l’évoquerons ici à certains moments, peut prendre place
dans un apprentissage en autonomie, à distance, qui permet à l’apprenant de déterminer le moment, le
rythme et la nature des apprentissages, mais sur des activités organisées, telles que la mise en exercice
qui n’ont aucun équivalent dans le domaine des apprentissages spontanés.
2. Le ministère français de l’Éducation nationale, notamment dans les enseignements scientifiques, a
ainsi défini la notion de tâche complexe : « La tâche complexe est une tâche mobilisant des ressources
internes (culture, capacités, connaissances, vécu…) et externes (aides méthodologiques, protocoles,
fiches techniques, ressources documentaires…). Elle fait donc partie intégrante de la notion de
compétence. Dans ce contexte, complexe ne veut pas dire compliqué.
La définition retenue dans le texte du socle : « chaque grande compétence du socle est conçue comme
une combinaison de :
• connaissances fondamentales pour notre temps ;
• de capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées ;
• d’attitudes indispensables tout au long de la vie, comme :
– l’ouverture aux autres,
– le goût pour la recherche de la vérité,
– le respect de soi et d’autrui,
– la curiosité,
– la créativité ».
http://eduscol.education.fr/cid51827/temoignage-mise-en-oeuvre-dans-la-classe.html
3. Le CECRL opère d’ailleurs une distinction entre « tâche » et « exercice formel » qui rejoint cette
distinction : « Les tâches pédagogiques communicatives (contrairement aux exercices formels hors
contexte) visent à impliquer l’apprenant dans une communication réelle, ont un sens (pour l’apprenant),
sont pertinentes (ici et maintenant dans la situation formelle d’apprentissage), exigeantes mais faisables
(avec un réajustement de l’activité si nécessaire) et ont un résultat identifiable (ainsi que d’autres,
moins évidentes dans l’immédiat). » (2001, p. 121)
4. On se reportera avec profit à E. Rosen 2009, pour une problématisation d’ensemble de la notion.
5. Voir H. Besse et R. Porquier, 1991 : 121.
6. « Par ce terme d’exercices spirituels, on entend toute manière d’examiner sa conscience, de méditer,
de contempler, de prier vocalement et mentalement, et d’autres opérations spirituelles, comme il sera
dit plus loin. De même, en effet, que se promener, marcher et courir sont des exercices corporels, de
même appelle-t-on exercices spirituels toute manière de préparer et de disposer l’âme pour écarter de
soi toutes les affections désordonnées et, après les avoir écartées, pour chercher et trouver la volonté
divine dans la disposition de sa vie en vue du salut de son âme. » Première annotation.
Traduction du texte espagnol par le Père Pierre Jennesseaux de la Compagnie de Jésus, Numérisation
de l’édition de 1913 par le Frère Jérôme novice de la même Compagnie, Namur, 2005
7. Thèses dont l’expression première et la plus nette se trouve dans son ouvrage Et il fallut apprendre à
écrire aux petits français, Payot, 1977.
8. On doit noter, sur ce point, la différence de traitement avec la prononciation. L’émergence de la
phonétique dans les débuts du XXe siècle a permis de faire évoluer l’enseignement de la prononciation
de façon assez significative, notamment dans la deuxième partie du XXe siècle. Rien de tel en
grammaire, domaine que les apports de la linguistique n’affectèrent que très modérément et qui s’inscrit
dans une très ancienne tradition, elle-même issue de la grammaire latine, avec notamment le Donat qui
permit progressivement, tout au long du Moyen-Age, de poser les bases d’une première grammaire du
français.
9. J. Hébrard, 1982, p. 5.
10. Voir pour un rappel G. Vigner, 1984 : 24-37.
11. Selon cette perspective, l’exercice constituerait une sorte de rite d’institution par lequel celui qui
s’y soumet passerait de l’état de locuteur tâtonnant dans l’apprentissage naturel d’une langue à celui
d’apprenant se soumettant à la discipline d’une langue organisée dans son fonctionnement, en référence
à un modèle normatif.
12. Constatons encore le faible nombre de travaux qui lui sont consacrés. Après une brève montée
d’intérêt dans la fin des années 1970 et le début des années 1980 (citons plus particulièrement « Sur les
exercices de grammaire », Langue française, 33, 1977, sous la direction de Jacqueline Authier et
d’André Meunier, « L’Exercice », Études de linguistique appliquée, 48, 1982, sous la direction de Jean
Hébrard), deux numéros plutôt consacrés au français langue maternelle, et pour le FLE, en dehors de
l’ouvrage de G. Vigner (op. cit.), le chapitre 6 « Les exercices grammaticaux », dans H. Besse et
R. Porquier (op. cit.), l’intérêt retombe très rapidement, comme si la sortie progressive de
l’enseignement du français du champ de la linguistique appliquée au profit de la didactique des
disciplines affaiblissait l’intérêt un moment manifesté en direction de cet outil d’apprentissage.
2

LES ORIGINES DE L’EXERCICE

L’exercice comme composante de l’apprentissage est apparu de façon


relativement récente, dans la fin du XVIIIe siècle, alors même que
l’enseignement des langues étrangères était entré dans les usages depuis au
moins la fin du XVe siècle1. Apprentissage par la routine ou par l’usage à partir
de ce que l’on appelait des colloques ou des dialogues, ou à l’opposé
apprentissage par les règles, plus ou moins calqué sur l’apprentissage du
latin.
Pour qu’il y ait exercice, il convient que les langues à apprendre aient fait
l’objet d’un travail de « grammatisation », pour reprendre l’expression de
S. Auroux, c’est-à-dire qu’elles aient été décrites, que des règles, si
sommairement énoncées qu’elles puissent être, soient mises à jour, ce qui va
être le fait de précepteurs et de maîtres d’écoles françaises et ce dès le
e
XVI siècle. Mais il faut satisfaire à une condition supplémentaire, faire en
sorte que l’enseignement de la langue trouve sa place dans une réflexion
pédagogique plus large, celle liée au principe même de « méthode ». Cette
réflexion sur la méthode se met en place tout au long du XVIIIe siècle (on voit
apparaître les principes de la méthode grammaire-traduction, par exemple).
L’enseignement se « disciplinarise », c’est-à-dire qu’il s’organise sur des
bases techniques explicitées, en leçons, elles-mêmes organisées en activités
spécifiques, mouvement qui permettra, au XIXe siècle d’introduire plus
aisément l’enseignement des langues étrangères dans les établissements
scolaires.
1. Les premières formes de systématisation
L’histoire de l’exercice est en effet liée à l’entreprise de systématisation
que les auteurs de matériels pédagogiques ou d’outils de références vont
tenter d’organiser. Considérons que dans les origines, l’apprentissage se
fonde sur un triptyque, pas forcément toujours rassemblé auprès de chaque
élève d’ailleurs, un recueil de dialogues ou colloques, une grammaire, sous
forme de description des règles considérées comme les plus essentielles
(descriptions qui dépendent aussi de la littérature savante en la matière), un
dictionnaire bi- ou plurilingue. Par la lecture et la reprise de dialogues,
souvent d’une matière fort abondante, on crée une imprégnation, une
familiarisation avec la nouvelle langue que l’on souhaite apprendre, la
consultation d’une grammaire permet de se retrouver dans des règles que l’on
devine au contact de la L2, le dictionnaire permettant de trouver le mot juste
par rapport à celui auquel on aurait recours dans sa langue d’origine. Mais
pas de systématisation, sauf si l’on examine certains dialogues de plus près
qui intègrent, de façon discrète, reconnaissons-le, cette dimension de
l’activité :

Transposition de la partie en français

C – Il y a ici bon beurre et aussi bons fromages de toutes sortes. voulez-vous acheter un
bon bonnet ou un bon livre, en français, en allemand, en latin ? ou un livre à écrire ?
achetez quelque chose : regardez ce qu’il vous plaist acheter, je vous ferais bonne
marché, demandez ce qu’il vous plaist. Je vous le laisseray veoir, ça ne vous coutera
rien.
D – Combien payeray je de l’aulne de ce drap ?
C – Vous en payerez cinq sols.
D – Combien me coutera l’aulne de ce drap ?
C – Elle vous coûtera vingt patards.
D – Combien vaut la pièce ?
C – Je la fais cinq florins en un mot.
D – Que donneray-je de cela, mais ne me la surfaites point.

Extrait de manuel : Noël Berlaimont, Colloquia dictionnarolum octo


linguarum…, Chapitre II : Pour apprendre à acheter et vendre, Amsterdam
(rééd. 1631).
L’auteur du dialogue fait ainsi varier un élément de la construction pour
permettre à l’élève de mieux en percevoir l’organisation (« combien coûte
X », « X vaut… »). Le souci d’installer un travail de systématisation est
évident, mais que les auteurs intègrent dans l’échange proprement dit, ce qui
permet de conjoindre compétence de communication et compétence
linguistique. Les maîtres de langue, car c’est bien ainsi qu’il faut les nommer,
ont l’intuition d’introduire des activités qui feront varier les constructions
autour d’une forme considérée comme stable.
En revanche, les grammaires restent étrangères, du moins à l’origine, à ce
type de mouvement. Les grammaires auxquelles nous faisons allusion sont
des grammaires du français, décrit dans sa cohérence propre (Meigret,
Palsgrave, Pillot), mais encore des grammaires contrastives spécialement
conçues pour des publics étrangers (anglais, néerlandais, allemand).
Production particulièrement abondante qui inclut grammaires savantes et
grammaires pratiques, grammaires pour publics français ou grammaires pour
publics étrangers. Les échanges seront d’ailleurs nombreux entre ces
différents modèles, les auteurs de ces ouvrages s’informant à toutes les
sources2, mais tous fondés sur l’exposé de principes de règles et d’usage,
notamment en relation avec la langue d’origine des publics.
Pour autant, pas de véritables activités d’entraînement qui permettraient de
mieux assurer chez l’apprenant l’assimilation de la règle dans son usage et
conjointement pas d’outil d’évaluation qui permettrait, toujours en direction
de l’apprenant, de l’informer sur son degré d’assimilation de la règle. Il ne
saurait être question de dater l’émergence de l’exercice comme activité
d’entraînement, outil de systématisation, mais de situer un moment de
l’histoire de l’enseignement du français dans lequel une nouvelle sensibilité
se construit.
Il faut attendre la tentative d’un pédagogue allemand, Johann Valentin
Meidinger (1756-1822), pour voir la leçon de grammaire suivie d’un
répertoire, modeste, d’activités destinées à proposer au lecteur un champ
d’application qui lui permettra de tester ou de développer sa compétence,
comme dans sa Praktische Französische Grammatik (1799) .
Une série d’activités sous la forme de courts textes en allemand à traduire
en français, qui rassemblent le plus grand nombre possible de réalisation de
l’article en langue allemande, avec la traduction en dessous des mots en
français. Activités de portée bien modeste, qui relève plus d’une technique
d’assemblage, mais qui marque une étape supplémentaire dans la maîtrise
progressive de la langue.
Se met ainsi en place une technique d’apprentissage que le XIXe siècle va
reprendre, sous des formes diversifiées, selon lequel la leçon, l’exposé de
principes gagnent à être suivis d’activités de taille restreinte mais qui
permettent de s’habituer à des usages systématisés d’une forme.
2. Les cacographies
D’autres formes d’activités apparaissent qui connaîtront un certain succès,
tout au long du XIXe siècle, les cacographies, ou la présentation aux élèves
d’énoncés comportant des erreurs, énoncés que les élèves seront invités à
corriger.
A. Chervel signale ainsi la publication aux États-Unis d’ouvrages qui
demandent aux élèves de distinguer des énoncés présentés en « bon » anglais
et en « false english ». Mais dans tous les cas, la présence d’exercices dans
les livres de grammaire va changer le statut même de ces ouvrages. Comme
le signalait toujours A. Chervel : « On consultait la grammaire pour
apprendre, ou comprendre la langue. On va désormais se livrer à ces
exercices pour apprendre la grammaire. » (1977 : 102).
Même si les langues étrangères étaient déjà enseignées dans des
pensionnats, dans des académies militaires ou dans des séminaires pour
nobles, l’enseignement des langues restait encore majoritairement une affaire
personnelle, prise en charge et organisée par les familles à la maison. Le
e
XIX siècle permet l’introduction de l’enseignement des langues étrangères
dans les établissements scolaires, collèges ou lycées. Les élèves sont
rassemblés en groupes importants (la classe), sous la responsabilité d’un
maître qui sera de moins en moins un natif de la langue, et qui, peut-être
moins au fait des usages de la langue qu’il veut enseigner, préfèrera s’en tenir
à des approches plus sûres au moins pour lui, dans lesquelles les supports
écrits, la traduction, les leçons de grammaire occuperont une place plus
importante, à l’image du modèle proposé par l’enseignement du latin.
L’exercice, dans ce nouveau contexte institutionnel, non seulement va
permettre de mieux entrer dans l’apprentissage de la grammaire, mais il
offrira aussi une solution technique, faire en sorte que tout un groupe d’élèves
puisse s’engager dans un travail de systématisation que le professeur pourra
plus aisément contrôler.
3. La méthode directe
Mais l’histoire de l’exercice ne saurait s’inscrire dans une vision aussi
linéaire que ne pourrait le suggérer cette prise d’échantillons. Histoire plus
complexe, plus chaotique, de tentatives engagées par des praticiens, qui
dépend tout à la fois de l’idée que l’on se fait de l’apprentissage d’une
langue, ce qui conduit à intégrer la notion de méthodologie, et de la relation
qui s’établit avec les outils grammaticaux de référence.
La méthode directe, introduite en France à partir de 1880, déjà en usage
dans d’autres pays européens, permet d’enseigner la langue « directement »,
c’est-à-dire sans passer par la langue de l’élève. On invite l’élève à verbaliser
un certain nombre d’actions qu’il aura à accomplir en classe, puis à désigner
sur des images des éléments qui y figurent, autrement dit un passage qui se
veut direct du référent au signifiant français (en réalité, les choses ne sont pas
si simples). La langue sert à représenter le monde et le vocabulaire y occupe
une place particulièrement importante. Mais la méthode directe ne donne pas
naissance à de nouvelles familles d’exercice, le passage à la grammaire
s’effectuant sur les bases de descriptions grammaticales issues de la
deuxième grammaire scolaire et fondées sur des activités de reconnaissance
proches de ce que l’on pouvait trouver à la même époque dans
l’enseignement du français dans l’école en France.
4. Des perspectives nouvelles
Il faut alors attendre l’arrivée des méthodes audio-orales pour que l’on voie
émerger des formes d’exercices qui prennent appui sur des descriptions
linguistiques et sur certaines théories de l’apprentissage. La linguistique
distributionnelle, associée à un modèle skinerrien d’apprentissage, vont servir
de références théoriques pour des exercices dont l’économie va sensiblement
différer de ce qui était en usage jusqu’alors.
Les exercices figurant dans cette méthode sont significatifs de cette
démarche :
Extrait de manuel : G. Mauger et M. Bruezière,
Le Français et la vie, Hachette, 1971.

L’exercice est ici la transposition de descriptions destinées à mettre


particulièrement en évidence un certain nombre de régularités dans
l’organisation du syntagme. Celui-ci est découpé en tableaux qui dans le sens
horizontal et vertical en font apparaître la logique de construction. La
dimension verticale fait apparaître le caractère de substituabilité des éléments,
combinables les uns par rapport aux autres. Tableaux qui doivent conduire
l’apprenant à induire les règles d’organisation de la phrase interrogative et de
la phrase déclarative correspondante. On voulait de la sorte réagir par rapport
aux excès d’un enseignement à forte densité métalinguistique, mais dans
l’illusion, ici évidente, d’une transparence d’organisation qui de fait masquait
une théorie de la phrase qui n’était pas forcément partagée par tous les
apprenants.
Cette forme d’activités va faire l’objet de différentes adaptations, selon la
forme plus connue de l’exercice structural, exercice « ayant pour but de faire
acquérir la maîtrise d’une structure linguistique par la manipulation
systématique de cette structure dans une série de phrases construites sur un
modèle unique ou “pattern” posé au début de l’exercice. Cette manipulation
consiste à substituer ou à transformer un certain nombre d’éléments de la
phrase de départ et résulte de la réponse de l’enseigné à un stimulus de
l’enseignant. » R. Galisson ; D. Coste (1976 : 519).
Un ouvrage comme celui de F. Réquédat (Les exercices structuraux,
Hachette/Larousse, 1965) sera une référence en la matière en précisant une
typologie dont les apprentissages du FLE feront un très large usage (exercices
de répétition, exercices de substitution, exercices de transformation).
L’exercice structural a depuis fait l’objet de nombreuses critiques pour son
caractère décontextualisé (quel lien établir entre les activités de
communication et celles de manipulation des formes ?) et pour ses
fondements en matière de théorie de l’apprentissage, notamment celle du
conditionnement opérant. En revanche, il fera date dans l’histoire de
l’exercice en organisant l’activité sans référence à un métalangage
grammatical explicitement posé. Si dispositif grammatical il y a, ce sera sous
la forme d’une grammaire implicite, notion qui connaîtra aussi une certaine
notoriété.
Ce parcours (rapide) dans l’histoire de l’exercice montre que ce dernier
doit être conçu non sous la forme d’une suite linéaire d’activités parfaitement
ordonnées dans le temps dont les réalisations contemporaines seraient le
point d’aboutissement, mais de réalisations fort disparates, qui partent dans
toutes sortes de directions3. En fait, l’exercice est plus le fruit de
tâtonnements, venus de l’intuition des maîtres de langue, d’un savoir
expérienciel, que d’un principe général ou d’une théorie de l’apprentissage
appliqué à l’enseignement des langues. Maîtres de langue, auteurs de
manuels sentent bien qu’entre les activités proprement dites de découverte de
la langue, par ce que l’on appelait des colloques ou dialogues, par des
lectures ou des conversations, et les leçons de grammaire proprement dites, il
faut concevoir une activité de transition dans laquelle le travail de
systématisation va s’articuler tout à la fois sur la thématique de la leçon et le
point de grammaire à aborder. La règle, trop abstraite, portée parfois par une
volonté de généralisation imprudente y gagne en densité et en pertinence, la
langue approchée dans la diversité de formes qui peuvent être trop
rapidement oubliées peut faire l’objet d’un travail de mise en ordre et
d’approfondissement qui à terme favorisera l’appropriation des règles sous-
jacentes. Mais, nous le verrons un peu plus loin, ce dispositif gagnera en
cohérence sur la base de principes d’apprentissage explicitement posés et de
références à des descriptions grammaticales qui mettront mieux en évidence
les régularités des réalisations de la langue. Aussi longtemps que la
grammaire s’organisait autour des dix parties du discours et de la présentation
d’un nombre considérable de règles suivies d’autant d’exceptions, l’exercice
ne pouvait dans ces conditions que refléter l’hétérogénéité du matériel
linguistique de référence.

POUR RÉSUMER
L’exercice est une activité de construction récente. Le souci de systématiser est cependant
ancien et trouvait sa place dans des dialogues qui permettaient la reprise, avec de légères
variations d’éléments lexicaux, de constructions considérées comme particulièrement
importantes. Entre activités de communication et enseignement grammatical, l’exercice va
progressivement trouver sa place à la suite des leçons de grammaire, puis dans
l’enseignement scolaire des langues étrangères. De la méthode directe à aujourd’hui, les
tâtonnements seront nombreux, exercices d’abord transposés d’un enseignement du français
approché comme langue maternelle/nationale. Nombreux sont les exercices fondés sur la
reconnaissance de formes de la langue. L’exercice structural, introduit au milieu du
XXe siècle, va marquer une étape nouvelle, tout à la fois dans le mode d’organisation de
l’activité et dans la relation de l’élève à la langue.

ON S’ENTRAÎNE ?

Voici une série d’exercices ou d’activités de systématisation. Essayez de les classer par ordre
chronologique, du plus ancien au plus récent, en vous appuyant sur la façon dont le travail de
systématisation évolue, depuis une approche intégrée dans différentes activités, jusqu’à des
activités dissociées qui prennent la forme d’exercices :

A.
B.
« Dialogue entre un gentilhomme et une demoiselle qui apprend le français ?
— Mademoiselle, vostre serviteur.
— Monsieur, vostre servante.
— Comment vous portez-vous ?
— Fort bien, Dieu mercy.
— Comment se porte Monsieur vostre père ?
— Il se porte fort bien, Dieu mercy.
— Comment se porte Mademoiselle vostre mère ?
— Elle se porte bien, Dieu mercy.
— J’en suis bien aise.
— Je vous en remercie.
— Comment se porte Monsieur vostre Cousin ?
— J’espère qu’il se porte bien.
— Comment se porte Madame vostre Cousine ?
— Je croy qu’elle se porte bien.
— Comment se porte Monsieur vostre Oncle ?
— Il ne se porte pas bien.
— Comment se porte Mademoiselle vostre Sœur ?
— Elle ne se porte pas bien »3

C.
D.
Sur quels indices avez-vous fondé votre classification ?
……………………………………………………………………………………
CORRIGÉ

A. G. Mauger, Cours de langue et de civilisation françaises, Hachette, 1953.


B. Claude Mauger, La Grammaire française à l’usage des Anglais, 1667.
C. G. Mauger et M. Bruezière, Le Français et la vie, Hachette, 1971.
D. Premier Livre de français ou La Famille Dupont, éditions Louis Marchand, FELF, 1920,
p. 52.

B constitue l’échantillon le plus ancien, parce qu’il n’existe pas d’exercice qui serait détaché du
dialogue. Le travail de systématisation est intégré dans le dialogue.

D est extrait d’une méthode qui relève plus ou moins de la méthode directe. Ce qui est appelé
exercice ici est plutôt constitué par des questions portant sur la compréhension du dialogue et
qui permettent de travailler sur les différentes formes conjuguées du verbe « aller ». Le travail
de systématisation est ici plus évident, mais intégré à d’autres activités.

A s’engage dans un travail de systématisation portant sur l’opposition masculin/féminin de


l’article indéfini, s’appuyant sur des variations lexicales introduites par des images.

C prend la forme de tableaux structuraux destinés à faire apparaître un invariant (la


construction) en faisant varier les éléments lexicaux ou en reprenant des transformations de
construction. L’activité devient une activité autonome par rapport aux autres activités de la
leçon.
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 2
• BESSE Henri (2010), « La méthode Marchand, ou le parcours
professionnel d’un chargé de cours à l’EPPFE durant l’Entre-deux-
Guerres », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou
seconde, 44.
• BOUTON Charles (1972), Les Grammaires françaises de Claude
Mauger à l’usage des Anglais (XVIIe siècle), éditions Klincksieck.
• CHERVEL André (2009), « Pour une histoire comparée des disciplines
du FLE et du FLM », Le Langage et l’homme, Revue de didactique du
français, EME, XXXXIV, 1.
• GALISSON R. et COSTE D. (1976), Dictionnaire de didactique des
langues, Hachette.
Notes
1. Sur l’histoire de l’enseignement du français langue étrangère, on se reportera avec profit aux travaux
proposés par la SIHFLES (Société internationale pour l’histoire du français langue étrangère ou
seconde), https://dhfles.revues.org/.
2. Voir l’étude d’A. Chervel (2009) qui signale combien furent nombreux, dès le XVIIe siècle, les
échanges entre grammairiens du français, pour la France, et grammairiens du français pour publics
étrangers.
3. Ainsi d’une méthode qui connut un grand succès dans les années 50 et 60, familièrement appelée Le
Mauger bleu, et de son vrai titre Cours de langue et de civilisation françaises, publié entre 1951 et
1957, contemporaine donc des premiers moments de diffusion des méthodes audio-orales et qui
s’inscrit dans un traitement très conventionnel de l’apprentissage du français avec de nombreux
exercices centrés sur des activités de reconnaissance. L’usage d’un abondant appareil métalinguistique
montre que l’apprentissage se fondait sur la maîtrise progressive d’une grammaire explicite.
3

LES FORMES DE L’EXERCICE

Si dans sa forme la plus générale, l’exercice est un dispositif qui semble


familier à tous, le détail de sa construction, comme la diversité des formes
adoptées, révèlent des modes de construction et de réalisation infiniment plus
complexes et diversifiés qu’il n’y paraît, témoignant de choix pédagogiques
et linguistiques souvent fortement différenciés.
1. Une mécanique complexe
Au premier regard, et sous l’effet de l’habitude, l’exercice prend la forme
d’une simple liste d’activités, entre six et huit dans la plus grande partie des
cas, dans la suite d’une consigne brièvement formulée. Rien de bien
extraordinaire a priori et pourtant derrière cette simplicité d’apparence, une
mécanique bien plus complexe qu’il n’y paraît, résultant dans son montage de
choix techniques nombreux, rarement explicités, mais dont la mise en
évidence est nécessaire pour ne pas perdre de vue les modes de construction
et les principes linguistiques et pédagogiques qui sont à son origine.
Nous examinerons d’abord les modes de construction interne de l’exercice,
puis entreprendrons un inventaire des formes en usage dans leur diversité,
plus large que l’on ne serait tenté de le croire a priori. La formulation des
consignes retiendra ensuite notre attention, car de la façon dont les consignes
sont libellées dépendra la plus ou moins grande facilité pour les apprenants à
entrer dans la procédure de l’exercice. Ainsi tracé, ce cadre descriptif
permettra de mieux situer, dans les chapitres suivants, les choix opérés, selon
les différentes situations d’apprentissage.
Soit l’exercice suivant, extrait de la méthode Totem 3, niveau B1 :
Extrait de manuel : Totem 3, niveau B1, Hachette, 2015, p. 72

C’est un simple exercice à trous. L’apprenant doit compléter les parties


manquantes par des formes à choisir dans la consigne. Exercice à trou, c’est-
à-dire ici un exercice d’assemblage, les formes à mettre en place étant déjà
fournies. Mais derrière ce simple jeu d’activités, on a des constituants
nombreux :
– un contexte : 5 On en parle qui situe l’exercice dans la leçon proprement
dite et notamment dans sa thématique, la famille aujourd’hui. La thématique
des phrases proposées dans chacun des items est familière et évite ainsi
d’ajouter une difficulté supplémentaire à la tâche, celle qui consisterait à
élucider le sens de la phrase, comme condition d’application de la consigne.
En même temps, « On en parle » signifie que l’on reprend une problématique
linguistique déjà abordée à d’autres moments dans la leçon.
– une consigne : consigne mixte, tout à la fois situationnelle, on ne parle ni
de phrase, ni d’énoncé à compléter, mais de « témoignage », comme si l’on
voulait naturaliser la tâche. Nulle dimension métalinguistique, nous sommes
ici dans une approche de type « grammaire implicite », caractéristique des
apprentissages du FLE. Mais si cette dimension n’est pas présente, la nature
de la consigne, le choix des items, ne présupposent-ils pas de la part des
élèves, quelque savoir en la matière ?
– un contenu : une série d’éléments de langue : « entraîner, provoquer,
tellement… que, si… que, si bien que, du coup », dont le nombre, si l’on
prend en compte l’exemple proposé, correspond exactement au nombre
d’items retenus. On limite de la sorte la difficulté, imaginons en effet que l’on
propose un nombre de formes supérieur à celui des items, cela obligerait
l’apprenant à entreprendre des choix plus complexes. On pourrait imaginer à
l’inverse que l’on ne propose aucune forme particulière à insérer dans les
phrases à compléter. La finalité de l’activité changerait alors, puisque les
élèves devraient recourir à leur intuition linguistique, à leurs savoirs pour
entreprendre les choix pertinents. La tâche gagnerait en difficulté. Tous les
éléments retenus, dans la diversité de leur forme et de leur statut grammatical,
renvoient à l’expression d’une relation consécutive.
– un exemple : On prend une phrase située dans cette thématique, à
laquelle on va ajouter un des éléments figurant dans la liste initiale : « Le
débat sur le mariage pour tous a provoqué beaucoup de polémiques ».
Pourquoi cet exemple ? On peut penser que la consigne n’est pas forcément
transparente pour tous les élèves, ce qui tendrait à montrer, nous y
reviendrons plus loin que la procédure de l’exercice, en dépit de son caractère
techniquement très construit, n’est pas aussi accessible qu’il n’y paraît, ni
aussi transparente. Pour montrer encore que si dans la consigne est proposé
un verbe à l’infinitif, celui-ci, dans la phrase, doit être conjugué, ici au passé
composé.
– un apport : on propose une liste de cinq phrases, de a) à e) que les
élèves auront à compléter. Deux raisons à cela : faciliter la tâche des élèves.
On pourrait en effet donner aux élèves comme autre consigne : « Composer
cinq phrases avec chacun des éléments suivants… sur le thème de la
famille ». Tâche plus complexe et risque associé de voir produire des phrases
plus ou moins bien construites et plus difficiles à évaluer. Autre raison,
centrer ici la tâche sur les contraintes de construction d’une phrase en
fonction de la nature grammaticale des éléments à insérer. On peut faire
l’hypothèse, nous sommes en B1, que les élèves ont déjà pu se familiariser
avec l’usage de ces formes, chacune d’entre elles abordée isolément et que la
visée ici est d’opérer les choix pertinents.
– un nombre donné d’items : l’item constitue une épreuve spécifique (le
terme est aussi d’un usage dans les procédures d’évaluation). Par principe,
mais pas forcément toujours, l’exercice comprend plusieurs items. On doit
réitérer la performance, performance qui d’item en item doit présenter des
caractéristiques proches de façon à ce que l’objectif porte sur l’appropriation
d’une structure abstraite, plus que sur celle d’un énoncé spécifique. Sinon,
nous serions dans un apprentissage fondé sur la mémorisation de phrases
toutes faites, des phraséologies destinées à assurer une capacité à
communiquer minimale. Le nombre d’items ne doit pas être trop limité, sinon
la possibilité de mémoriser, de s’approprier la construction risque de ne pas
suffire, ni trop élevée pour ne pas ennuyer l’élève. Mieux vaut des exercices
plus nombreux, que moins d’exercices comportant un nombre élevé d’items.
Pour autant, cette limitation du nombre d’items est un élément constant de
tous les exercices élaborés et proposés. Il ne s’agit pas en effet de mémoriser
des énoncés pour eux-mêmes, mais d’induire un principe abstrait qui pourra
éventuellement être transposé à d’autres situations.
Une mécanique complexe, disions-nous, et des références grammaticales
masquées, nous reviendrons d’ailleurs un peu plus loin sur cette question.
Matériel linguistique hétérogène qui comprend :
– des verbes de sens logique (relation consécutive ici) : entraîner,
provoquer ;
– des propositions subordonnées consécutives avec évaluation du degré de
la qualité, dépendant d’un adjectif : tellement… que (fréquents), propositions
qui sont toujours postposées ;
– des propositions subordonnées consécutives sans corrélatif dans la
proposition principale introduite par une locution conjonctive : si bien que,
propositions qui sont toujours postposées ;
– des propositions coordonnées avec une locution adverbiale : du coup.
Un matériel syntaxique complexe, diversifié, dont les conditions d’usage
ne sont pas explicitées. Quelle est alors la valeur d’apprentissage d’un tel
exercice ? On ne travaille pas sur des constructions spécifiques, on peut
supposer en effet qu’elles ont fait l’objet d’un travail de systématisation
antérieurement, nous sommes à un niveau B1, puisqu’à chaque item on
change de construction. On vérifie en fait que les élèves sont capables,
derrière différentes formes proposées, de repérer les représentations
fondamentales qui les lient, avec les effets de sens associés ; et montrer en
même temps que, dans la diversité des solutions linguistiques existantes,
existe une vision logique partagée.
Comme on peut le constater, un exercice à trous des plus ordinaires et qui
pourtant résulte dans sa construction d’un processus d’élaboration
particulièrement sophistiqué. Réussir l’exercice, pour l’apprenant, tirer parti
de son usage dans la classe suppose quelque part que l’apprenant puisse
s’inscrire dans cette logique d’élaboration et dans tous les implicites qui y
sont présents. Est-ce toujours bien le cas ? Nous y reviendrons un peu plus
loin.
Pour nous situer dans une logique d’élaboration et non plus d’analyse,
nous pouvons adopter l’organigramme suivant, qui nous permettra en même
temps, sur un schéma commun de contraintes d’élaboration, d’examiner
comment on peut parvenir à deux familles d’exercices à visées distinctes.
Soit un contenu linguistique, tel que l’imparfait d’habitude :

ORGANIGRAMME
Deux visées peuvent être retenues. La première portant sur la création
d’habitudes, visée qui est plutôt celle d’un public de FLE, permettre aux
élèves de se familiariser progressivement avec l’usage de l’imparfait dans ce
champ de valeur. Rappelons qu’un imparfait d’habitude renvoie à une époque
passée, dans une vision d’accomplissement et sans ancrage chronologique
particulier, avec comme seule référence : quand j’étais jeune / autrefois,
quand j’allais au lycée…
On peut à l’opposé habituer les élèves à reconnaitre l’imparfait d’habitude
parmi d’autres usages de l’imparfait, ce qui correspond à une autre visée, la
consolidation de connaissances grammaticales associée à l’usage d’un
métalangage particulier. Il y aura à se poser la question du contexte d’usage
de la forme : un texte ou une phrase. Authentique : des extraits de discours
variés ou fabriqués pour les besoins de la cause. La consigne devra refléter
chacune de ces orientations, soit une consigne situationnelle, en lien avec le
thème de la leçon, l’exercice est en quelque sorte « naturalisé », on bâtit une
micro-situation d’échange, soit une consigne métalinguistique. On définira le
nombre d’items et enfin on proposera un exemple. Ce schéma d’élaboration,
très simple, permet cependant de se donner une première série de repères, de
vérifier si l’on a pris en compte les paramètres les plus importants. Nous
enrichirons ce schéma au fur et à mesure de notre avancée dans l’analyse de
ce dispositif.
L’exercice, à la différence du problème, constitue une forme d’activité
aisément repérable dans les manuels ou recueils spécialisés : une consigne,
un exemple de réponse, mais pas toujours, et une succession d’items. Il est
aisé de constater en outre que l’on est souvent en présence d’activités aux
formes relativement proches et cela, quelles que soient les orientations de la
méthode, quels que soient les thèmes grammaticaux ou autres abordés. Que
peut-on rencontrer comme formes spécifiques ?
2. La diversité des formes

Exercices lacunaires ou exercices à trous

Extrait de manuel : Totem 1, Hachette, 2014, p. 89.

Exercices à choix multiples

Extrait de manuel : Latitudes 1, Didier, 2008, p. 41.


Extrait de manuel : Latitudes 3, Didier, 2008, p. 128.

Dans l’exercice à choix multiple, il convient de faire figurer, à côté de la


forme pertinente, d’autres formes possibles. Ces formes sont appelées des
distracteurs, mais il importe que leur choix s’inscrive dans une gamme de
réponses proches ou possibles, pour que le choix résulte d’une réflexion plus
attentive de la part de l’élève.

Extrait de manuel : Saison 2, Didier, 2014, p. 119.

Exercices à dominante morphologique (accord, conjugaison)


Extrait de manuel : Totem 1, Hachette, 2014, p. 76.
Extrait de manuel : Patrick Guédon et Sylvie Poisson-Quinton, La Grammaire du français, niveau B1, Éditions
Maison des Langues, 2013, p. 30

Exercices de mise en ordre


Extrait de manuel : Adosphère 1, Hachette, 2011, p. 35.

Extrait de manuel : Agenda 1, Hachette, 2011, p. 83.


Extrait de manuel : Patrick Guédon et Sylvie Poisson-Quinton, La Grammaire du français, niveau B1, Éditions
Maison des Langues, 2013, p. 30

Extrait de manuel : Totem 1, Hachette, 2014, p. 62.


Extrait de manuel : Focus, Grammaire du français, Hachette, 2015, p. 177.

Les exercices de mise en ordre permettent ainsi de travailler sur


l’organisation interne du groupe nominal, c’est-à-dire sur la mise en
succession des constituants du groupe, problématique qui est loin d’aller de
soi pour de nombreux élèves, l’ordre des mots, dans le groupe, comme dans
la phrase, pouvant considérablement varier d’une langue à l’autre.

• Voici une série de noms qui constituent le noyau d’un groupe nominal. Placez à
gauche ou à droite du nom :
– les déterminants
– les adjectifs qualificatifs qui l’accompagnent
– des
– petites
– jolies
– blondes

– un
– vieux
– féodal
– très

– nouveau
– français
– intéressant
– assez
– un

– nouveau
– cycliste
– amateur
– le

– exceptionnel
– très
– un
– beau
– tout à fait

– réservée
– jeune
– une
– solitaire
Exercices de transformation

Extrait de manuel : Adosphère 1, Hachette, 2011, p. 41.

Extrait de manuel : Totem 1, Hachette, 2014, p. 51.


Extrait de manuel : Saison 2, Didier, 2014, p. 119.

Extrait de manuel : Alter Ego B2, Hachette, 2015, p. 60.

Exercices de reconnaissance grammaticale


Extrait de manuel : Alter Ego B2, Hachette, 2007, p. 114.
Extrait de manuel : Agenda 1, Hachette, 2011, p. 120.

Exercices par questions-réponses


Extrait de manuel : Agenda 1, Hachette, 2011, p. 120.

Exercices sur corpus

Les exercices sur corpus constituent un genre peu pratiqué dans les
apprentissages du français et pourtant riche d’intérêts multiples dans les
apprentissages. Dans son principe, il consiste à présenter aux élèves un
corpus d’éléments divers (énoncés, phrases) et de leur demander, sous
l’apparence d’une diversité d’emplois, de repérer les règles de certaines
formes ou certaines restrictions d’usage. Ainsi de cet exercice :
Extrait de manuel : Les pronoms relatifs, Le Point du FLE,
https://www.lepointdufle.net/ressources_fle/pdf_pronoms_relatifs.htm

Ou encore, à partir de cette série de phrases, précisez les valeurs d’emploi


de ces différents déterminants/articles (valeur générale, valeur particulière) :

• donnez-moi un stylo
• le chat de la voisine est venu me voir
• donnez-moi un stylo à bille bleu
• le chat de la voisine est venu me rendre visite
• le chat est un animal de compagnie
• donnez-moi le stylo qui est sur la table
• j’ai adopté un petit chat
• j’adore les petits chats

Les exercices sur corpus s’adressent à des publics qui ont déjà une
première expérience des formes en question. Ils permettent de faire apparaître
des régularités à partir d’observations fondées sur un matériel linguistique qui
ne se limite pas à l’analyse d’un seul exemple. Abordé en travail de groupe,
ce type d’exercice permet de lancer une réflexion grammaticale fondée sur
l’échange entre apprenants en recourant à un métalangage qui ne sera pas
forcément pour commencer un métalangage conventionnel.

Exercices de mise en relation

Ainsi de cet exercice qui porte sur la variation d’article un / le ou la,


destiné à associer le choix de la forme et le sens de l’énoncé.

Faites correspondre la phrase de la colonne 1 avec les éléments d’interprétation figurant


dans la colonne 2 selon le modèle indiqué :
De quoi dépendent dans ces conditions l’usage de un et de nous dans les phrases de la
colonne 1 ?
3. La formulation des consignes
Il n’est pas inutile de procéder ici à un bref recensement des formes
d’énoncés liés à la consigne de l’exercice. Les choix sont beaucoup plus
ouverts qu’on ne le pense et les exercices de FLE n’hésitent pas à intégrer
dans la consigne des composantes métalinguistiques quand la chose est
estimée nécessaire.

Consignes formelles

– Je relie les phrases avec où.


– Je choisis la bonne réponse.
– Reliez (deux phrases).
– Mettez le verbe à la forme qui convient.
– Complétez avec « qui », « que », « où ».
– Répondez aux questions comme dans l’exemple.
– Mettre deux siècles pour donner suite au projet. : On aura mis deux siècles pour
donner suite au projet.
– Il faut que l’annonceur décrive ce produit au publiciste. Décrivez-le lui.
– Transformez les phrases avec pour + infinitif passé.

Consignes à dominante métalinguistique

– Voici des phrases avec des pronoms. Trouvez les noms qui peuvent correspondre à
ces pronoms.
– Je réponds aux questions avec la négation ne… plus.
– Je réponds aux questions avec des phrases à l’imparfait.
– Complétez en utilisant un plus-que-parfait comme dans l’exemple.
– Complétez les phrases à l’aide des mots interrogatifs suivants : ce que, ce qui,
comment, où, pourquoi, qui, si.
– Mettez ces phrases à la forme active.
– Complétez les phrases. Utilisez « trop » ou « pas assez ».
– Caractérisez les actions suivantes avec un adverbe. Formez cet adverbe avec un des
adjectifs de la liste.
– Lisez la règle ci-dessous. Observez les formes des pronoms.
– Mettez les verbes au subjonctif.
– Mettez les verbes entre parenthèses à la personne qui convient et au temps indiqué.
– Mettez les phrases actives suivantes à la forme passive.
– Écrivez les verbes entre parenthèses à l’imparfait ou au passé composé.
– Reliez les phrases avec l’expression de la cause.
– Indiquez le niveau de langue de chacune des phrases.

Consignes mixtes

– Je réponds aux questions. J’utilise le pronom en et y.


– Je suis en train d’organiser ma semaine de vacances. J’utilise le passé récent, le
présent continu et le futur proche pour expliquer mon programme.
– Vous savez de qui, de quoi on parle, vous utilisez seulement le pronom.
– Du bureau, une mère téléphone à ses enfants restés à la maison. Trouvez ses
questions.
– Donnez des conseils en utilisant des formes impératives.
– Exprimez ces actions futures d’une autre manière.
– Complétez ces extraits d’opinion sur les travaux de restructuration de la ville avec
les conjonctions suivantes : malgré, si… que, tout de même, même si, si bien que,
quelles que.

Consignes situationnelles

– Formulez les demandes suivantes de manière plus polie.


– Vous apprenez quelque chose que vous ne saviez pas. Vous réagissez en disant ce
que vous croyiez.
4. Propriétés générales
De ce rapide et trop ponctuel inventaire, il serait périlleux de tirer des
conclusions définitives. On ne peut cependant qu’être sensible à une
évolution, aujourd’hui présente dans de très nombreux ouvrages ou
méthodes. L’exercice strictement formel, sans la moindre référence
métalinguistique dans la consigne, sur le mode de l’exercice structural
traditionnel, est de moins en moins attesté. À l’autre bout de la chaîne,
l’exercice qui intègrerait la dimension formelle de l’apprentissage dans un
cadre strictement communicatif, est peu attesté. En revanche, on ne peut
qu’être sensible à l’importance de la place du métalinguistique dans la
consigne. Dimension que l’exercice structural avait tenté d’évincer. Elle
revient aujourd’hui en force dans des activités où il s’agit de compléter un
item avec une forme qui sera conjuguée, avec un mot à choisir dans une liste,
à relier deux phrases avec un connecteur particulier, etc. On ne peut manquer
d’observer que plus on avance dans l’apprentissage, à partir de A2
notamment et plus encore quand on arrive dans la zone des B, cette
dimension métalinguistique dans la consigne prend une place de plus en plus
importante. On constate enfin l’usage de consignes qui tentent de conjuguer
une certaine visée communicative avec une forme explicitement nommée.
Une telle évolution peut s’expliquer :
– par la réintroduction d’une référence grammaticale explicitée, très tôt
entreprise dans les apprentissages ;
– par le souci d’assurer chez les élèves la maîtrise des différents
paradigmes, notamment celui des conjugaisons ;
– par une volonté plus récemment manifestée d’associer des formes à des
catégories notionnelles (par exemple, situation dans le temps et dans l’espace,
relations logiques, etc.).

Des formes apparemment très variées, qui font certainement contraste avec
des pratiques qui prévalaient dans les années 50-70 (voir supra, pp. 110-115),
où l’on pouvait se satisfaire d’une seule famille d’exercice (ainsi de
l’exercice de réemploi dans les méthodes de type Structuro-Global-Audio-
Visuel – SGAV). Mais des formes que l’on retrouve aujourd’hui dans la plus
grande part des manuels, comme si un consensus s’était désormais constitué.
Que trouve-t-on en définitive ?

Des exercices présentés à l’écrit

Les réponses doivent être présentées à l’écrit, à partir de phrases (ou


d’énoncés) organisés selon les normes du français standard. Phrases ou
énoncés ? Il y aurait la matière à débat. Ces exercices sont en effet des
exercices qui globalement visent à consolider (ou installer) chez l’élève la
maîtrise de formes syntaxiques ou d’un répertoire morphologique. À ce titre,
le contexte de présentation des formes doit être le plus neutre possible sur un
plan énonciatif pour rendre la structure de la phrase la plus aisée possible à
percevoir. Mais ces phrases sont bien en réalité des énoncés présentés
souvent sous la forme de répliques extraites d’un dialogue laissé à
l’implicite : « Pour une perte de passeport, adressez-vous au bureau 123 »,
comme s’il s’agissait d’impliquer l’apprenant comme destinataire de
l’énoncé. On peut trouver aussi des énoncés à visée narrative ou descriptive
construits selon les normes du français standard. On exclut ainsi toute
construction parataxique, toutes dislocations, faites d’interruption ou de
reprises qui caractérisent les énoncés du français oral. Les exercices de
reconnaissance se rapportant à l’audition de dialogues portent aussi sur des
formes standard. Rien d’étonnant en soi, puisqu’il s’agit de mettre les élèves
en contact avec des formes plus maitrisables pédagogiquement, mais qui nous
situent toujours dans une tradition pédagogique de longue durée. On peut
enfin estimer que ces items, nombreux dans un manuel, contribuent d’une
autre manière à imprégner les élèves de formes du français considérées
comme recevables.

Des exercices fondés sur un support audio

Ces exercices, de plus en plus nombreux, sont le plus souvent sous la


forme d’un cédérom, mais sont le plus souvent associés à des activités de
reconnaissance/compréhension des documents de référence de la leçon.
Des exercices à trous

Il s’agit d’insérer une forme linguistique ou lexicale manquante dans une


phrase. Mais dans la plus grande partie des cas, on propose aux élèves de
combler cette absence par une des formes proposées au choix dans la
consigne, une sorte d’exercice à choix multiples. L’exercice peut être
considéré comme plus aisé à réaliser quand il s’agit d’insérer un article, un
pronom personnel. Il l’est moins quand il s’agit de choisir parmi plusieurs
connecteurs logiques celui qui convient le mieux. On ne mésestimera pas
d’ailleurs la difficulté de certains exercices à trous qui, pour être réussis,
demandent que l’élève soit capable, à partir des contraintes contextuelles
(situation évoquée, structure de la phrase, éléments de lexique), d’inférer
l’élément manquant.

Des exercices à dominante morphologique

Il s’agit de mettre un verbe présenté à l’infinitif au temps et à la personne


appropriés ou de procéder aux accords de genre et de nombre nécessaires.
Ces choix sont constants car ils correspondent à une particularité du français,
langue à morphologie lourde (ainsi tous les termes constituant un groupe
nominal doivent être tous accordés en genre ou en nombre), ainsi qu’à une
très ancienne tradition grammaticale. N’oublions pas que la grammaire du
français a pendant longtemps eu comme objectif d’assurer la maîtrise de
l’orthographe. Exercices que l’on trouve très présents dans les premiers
niveaux, A1 et A2.

Des exercices de transformation d’un ou de deux éléments de phrase


en une phrase nouvelle

Cette transformation appelant l’usage d’une forme nouvelle (les pronoms


personnels ou l’usage de la proposition relative par exemple). Ces
transformations peuvent revêtir plusieurs formes comme une reprise de la
phrase par ajout d’une construction particulière. On joint deux phrases
indépendantes pour constituer une phrase complexe. Mais on propose aussi
de reformuler une phrase. Ainsi :
Transformez ces phrases en utilisant si.
Au cas où je serais un peu en retard, commencez à dîner sans moi.

Transformation qui ne prend nullement en compte les valeurs de sens


propres attachées à si et à au cas où. Sont-elles véritablement substituables ?
Certainement pas, mais la contrainte ici présentée est de nature purement
formelle.
On veillera encore à ce que la transformation, telle qu’elle est proposée,
n’induise pas, par son caractère très cadré, une réponse correcte, sans que
l’élève comprenne forcément le sens de la phrase.

Les exercices de mise en ordre

Moins fréquents, ils portent cependant sur une propriété de la langue


française qui peut poser problème auprès de nombreux publics. Il est en effet
aisé de constater que très nombreux sont les exercices qui portent sur l’axe
vertical de la langue, l’axe paradigmatique, c’est-à-dire tout ce qui a trait aux
variations morphologiques, et beaucoup moins sur l’axe horizontal ou
syntagmatique. Or l’ordre des mots en français obéit à des logiques plus
sémantiques que formelles, de même que la construction du groupe nominal,
ne parlons pas de celle du groupe verbal infiniment plus problématique dans
la diversité de ses réalisations (phrases en que + verbes) ou de la phrase
complexe avec les différentes articulations qu’autorise la subordination.

Les exercices de reconnaissance grammaticale

Relativement nombreux, ils montrent que les auteurs n’hésitent plus à


introduire un minimum de métalangage dans l’apprentissage et ne s’en
tiennent pas à une approche exclusivement implicite de la grammaire.

Les exercices à formes multiples

Une même forme peut faire l’objet de traitements différents, c’est là un


choix opéré par les auteurs des manuels ou des recueils d’exercices. Ainsi,
sur la construction de la phrase à valeur d’hypothèse (si + indicatif +
conditionnel), je puis adopter deux formes possibles :
– approche formelle par transformation :

Consigne : Transformez les deux phrases en une seule phrase avec si :


• J’ai freiné au dernier moment. J’ai pu éviter de renverser la vieille dame.
• Si je n’avais pas freiné au dernier moment, je n’aurais pas pu éviter de renverser la
vieille dame.

– approche par question-réponse :

• Et comment tu as fait pour ne pas renverser la vieille dame ?


• Si…… (freiner au dernier moment)
• Et finalement, tu as pu acheter la voiture dont tu avais besoin ?
• Si…… (prêt des parents)

Les formes de l’exercice sont-elles strictement identiques selon les


composantes de la langue que l’on souhaite aborder ? L’acquisition de
l’orthographe fait un usage abondant des exercices à trous ou des exercices
d’accord. La phonétique en revanche privilégie les exercices de répétition ou
de reprise pour favoriser une amélioration progressive de la prononciation, ou
encore des exercices de reconnaissance destinés à développer chez les élèves
la capacité à différencier les sons ou les schémas prosodiques.
Ce sont là des choix pédagogiques. Qu’est-ce qui est le plus profitable aux
élèves ? Systématiser le plus rapidement possible la forme par des exercices
de transformation ou bien habituer les élèves, mais c’est plus complexe, à
inscrire la forme dans un schéma minimal de communication, ou les deux
approches successivement ? Nulle réponse dans l’absolu, dans la mesure où
ces choix dépendent de la sensibilité des professeurs et de l’attente des
élèves.
Le souci de la variété dans le choix des formes d’exercice semble
désormais omniprésent, comme si l’on voulait de la sorte contourner les
risques d’un ennui provoqué par une trop grande uniformité des activités.
Toutes ces formes d’activités pour autant sont-elles dotées d’un égal potentiel
d’apprentissage et contribuent-elles dans les mêmes proportions à la maîtrise
des formes proposées ? Cette analyse porte sur les exercices présents dans les
méthodes ou dans des cahiers spécifiques, ce qui ne préjuge nullement de
l’usage que les enseignants peuvent en faire.
Même si le CECRL ne fait pas de la maîtrise de la langue en soi un objectif
majeur d’apprentissage, l’acquisition d’une compétence linguistique étant
fondamentalement subordonnée à l’acquisition d’une compétence de
communication, il propose une liste, non achevée, de ce qu’il nomme des
exercices formels, pour les distinguer d’autres types de tâches :

a. textes lacunaires
b. construction de phrases sur un modèle donné
c. choix multiples
d. exercices de substitution dans une catégorie (par exemple, singulier/pluriel, présent/passé,
actif/passif, etc.)
e. combinaison de phrases (par exemple, relatives, propositions adverbiales et nominales, etc.)
f. traduction de phrases de la L1 vers la L2
g. questions/réponses entraînant l’utilisation de certaines structures
h. exercices de développement de l’aisance langagière centrés sur la grammaire, etc.
Cadre européen commun de référence pour les langues, Didier, 2000, p. 116.

Alors qu’il innove de façon significative dans le domaine d’une définition


largement différenciée de la notion de compétence, le Cadre ici ne fait que
reprendre des activités entérinées par une longue tradition pédagogique.

POUR RÉSUMER
• Sous des dehors apparemment très simples, l’exercice en réalité est une mécanique
complexe dont la diversité des composants et leur mode d’assemblage appelle une
attention particulière dans son élaboration.
• Mécanique complexe, l’exercice n’est pas forcément une activité d’emblée
transparente pour tous les élèves.
• Les exercices revêtent des formes de plus en plus diversifiées en fonction des
variations de construction qu’autorise le schéma syntaxique ou le dispositif
morphologique.
• Les exercices peuvent se répartir entre exercices strictement formels et exercices
situationnels, pour lesquels les variations de situation appellent des variations de
forme. Ils peuvent aussi se répartir entre exercices fondés sur une grammaire
implicite et exercices qui s’appuient sur un métalangage grammatical.
• Les consignes peuvent revêtir des formes particulièrement diversifiées. On veillera
cependant à ce qu’elles restent intelligibles auprès d’élèves dont les compétences en
français sont en cours d’élaboration.
ON S’ENTRAÎNE ?

• ACTIVITÉ 1
Sur le modèle de la p. 42, procédez à l’analyse des constituants de cet exercice (contenu, visée,
activité, contexte, consigne, item, exemple) :

Faites une seule phrase en insérant une proposition relative explicative.


Exemple : Tout le personnel de notre entreprise a participé à l’élaboration de ce projet immobilier. Il faut lui
rendre hommage ➞ Tout le personnel de notre entreprise, auquel il faut rendre hommage, a participé à
l’élaboration de ce projet immobilier.
1. Les travaux entrepris ne seront jamais terminés dans les délais. Ils ont beaucoup progressé.
2. Ces promoteurs ont remporté le marché. Vous connaissez leur réputation.
3. Ces constructions vont devoir être détruites. Elles sont trop vétustes.
4. La nouvelle municipalité est très critiquée. Pourtant, grâce à elle, ce quartier a pu être rénové.

• ACTIVITÉ 2
Soit les consignes suivantes. Pour chacune d’entre elles, élaborez une série d’items
correspondants :
Consigne 1

Transforme comme dans l’exemple :


Exemple : Je suis à la maison ----- je suis chez moi.
Adosphère, Hachette, 2011, p. 70.

Consigne 2

Reliez les phrases avec : parce que, puisque, car, comme.


Totem 3, Hachette, 2015, p. 27.

Consigne 3

Transformez ces phrases avec un subjonctif comme dans l’exemple suivant : Tu as bu ? Alors ne conduis pas.
➞ Si tu as bu, il est impossible que tu conduises.
La grammaire du français, B1, Éditions Maison des Langues, 2013, p. 51.
• ACTIVITÉ 3
Soit les séries d’items suivantes, élaborez la consigne appropriée :

1.
Bonjour,
Un court mail pour te donner des nouvelles. Dans / Chez ma nouvelle chambre, j’ai installé le lit au fond de /
derrière la pièce, près de / sur la fenêtre. J’ai mis le bureau à côté de / dans la porte, avec ta jolie lampe
dessous / dessus. L’armoire est juste à droite/ dans la porte et mon grand tapis est parfait, au milieu de / en
face de la pièce. Tu peux aller voir des photos sur / dans mon blog.
Bisous, Caro.
Focus, Grammaire du français, Hachette, 2015, p. 103.

2.
D’habitude, je vais au cinéma, mais hier je ne suis pas allé au cinéma.
D’habitude,
a. Je dîne à 20 heures mais hier…
b. Je me promène au bord de la Seine mais hier…
c. Je travaille, mais hier…
d. Je téléphone à ma mère, mais hier…
e. Je prends la voiture, mais hier…
f. Je lis le journal mais hier…

• ACTIVITÉ 4
En reprenant le schéma de la p. 42, faites apparaître deux modes d’élaboration de l’exercice
autour de la construction passive (A2/B1, par exemple) et proposez les deux séries d’exercice
correspondantes.

CORRIGÉ

• ACTIVITÉ 1
1. Contenu : proposition relative explicative.
2. Visée : création d’automatismes.
3. Activité : faites une seule phrase en insérant une proposition relative explicative.
4. Contexte : restreint sur énoncés fabriqués.
5. Consigne : transformation (manipulations) avec référence métalinguistique.
6. Item : 4 items.

• ACTIVITÉ 2 (en reprenant les propositions des auteurs) :


Consigne 1
1. Nous ne sommes pas à la maison.
2. Tu es chez Xavier ?
3. C’est loin, chez Lise et toi ?
4. J’adore passer l’après-midi chez mes copines !
5. Chez mes copains, c’est près de la station de métro.

Consigne 2
a. Simone n’écrit jamais de SMS. Elle utilise son téléphone uniquement pour téléphoner.
b. Baptiste n’a pas de portable. Il n’écrit pas de texto.
c. Je n’écris pas en langage SMS. Mon téléphone a la fonction écriture inductive.
d. Antonin a un vieux téléphone. Il n’a pas accès à Internet.

Consigne 3
Apprends le chinois. C’est une langue utile.
– Il est important que……………………………
Il est un peu nerveux, mais c’est normal.
– Il est normal qu(e)………………………………
Inscris-toi avant le 1er octobre. C’est indispensable.
– Il est indispensable que…………………….
Etc.

• ACTIVITÉ 3
1. Soulignez la préposition qui convient.
2. Complétez les phrases suivantes en utilisant le temps qui convient.

• ACTIVITÉ 4
Propriétés des deux types d’exercices
Par exemple :
Exercice visant le savoir-faire (transformer une phrase)

Extrait de manuel : Focus, Grammaire, Hachette, p. 195.

Exercice visant la reconnaissance


Extrait de manuel : Focus, Grammaire, Hachette, p. 195.
4

LA GESTION DE L’EXERCICE

Si rigoureux que soit apparemment l’exercice dans son organisation, sa


construction est de fait liée à de très nombreuses variables dont la prise en
considération se révèle indispensable, si l’on souhaite proposer aux
apprenants des outils appropriés à leur profil d’origine et à leurs besoins.
Nous en établirons une liste qui ne se veut pas exhaustive (voir p. 129
« Exercices et descriptions grammaticales »), mais qui met en évidence le
lien qui peut exister entre la forme de l’exercice, sa place dans
l’apprentissage, sa relation à la langue d’origine des élèves1.
1. L’exercice selon les domaines
d’apprentissage du français
La tradition veut, mais tradition relativement récente tout de même, que
l’on distingue les apprentissages du français en trois grands domaines, selon
les publics considérés, selon leur compétence initiale et les objectifs visés :
français langue maternelle, français langue seconde et français langue
étrangère. Nous ne reviendrons pas ici sur les définitions de chacun des
domaines considérés, d’autant moins qu’elles tendent progressivement à
évoluer2. Mais nous voudrions examiner un certain nombre de familles
d’exercices, selon leur domaine de rattachement et nous poser la question de
lien qui relie une forme particulière à un certain nombre de présupposés
relatifs à la compétence initiale de l’élève.
L’exercice constitue en effet, quels que soient les supports d’apprentissage,
manuels ou supports numériques, un élément incontournable d’un dispositif
d’apprentissage. Toutefois, les compétences visées, le niveau de performance
et de maîtrise que l’on souhaite faire atteindre par l’élève conduisent
certainement à concevoir des familles d’exercice différenciées. Quels
constats peut-on opérer ?

1.1. Le français, langue maternelle

Considérons les formes d’exercice proposées aux élèves francophones


natifs, c’est-à-dire élèves de français langue maternelle. Quelles sont d’abord
les implications de cette relation à la langue par rapport aux formes de
systématisation proposées ? Un élève natif, lorsqu’il arrive en classe de
français, dispose déjà des automatismes langagiers. Il n’a nul besoin d’opérer
des calculs sur le choix et l’assemblage des formes à mobiliser dans le cadre
d’un énoncé donné. Les mots sont choisis, se combinent et s’enchaînent de
façon quasi automatique, dans le cadre d’agencements syntaxiques et
morphologiques qui eux-mêmes ne sont nullement calculés (au moins en
production orale, moins certainement en production écrite). La grammaire
intériorisée dont dispose tout sujet natif permet à ce dernier de produire des
énoncés que l’on peut considérer comme acceptables.
Soit ces quelques exercices figurant dans un manuel de 5e de français,
c’est-à-dire de deuxième année des collèges, s’adressant à des élèves ayant
entre 11 et 12 ans (Les couleurs du français. Livre unique lecture-écriture-
histoire des arts-Langue, Hachette-Istra, voir p. 70). La correspondance avec
un niveau du CECRL est problématique, car ne se situant pas dans la même
logique d’apprentissage, mais nous nous situons quelque part entre le B1 et le
B2.
Ces exercices font suite à un texte de présentation, puis à un encadré qui
définit les caractéristiques du complément circonstanciel, essentiellement
déplaçable et supprimable et rappelle les emplois du complément
circonstanciel : le temps, le lieu, le moyen et la manière. Avant la consigne de
chaque exercice, sont indiquées les dominantes de l’exercice qui sont ensuite
reprises par des consignes par lesquelles il est demandé à l’élève de
« distinguer », de « classer », d’« identifier » et de « relever ». Autrement dit,
dans les apports, on propose aux élèves un corpus de phrases, de textes écrits
de différentes origines, mais à dominante essentiellement littéraire et d’opérer
des relevés sur la base d’une reconnaissance des formes grammaticales
indiquées dans la consigne. Dans la page que nous reproduisons ici, il est
essentiellement question des compléments de temps et de lieu, les
compléments de moyen et de manière étant à rechercher dans les exercices de
la page suivante.
Extrait de manuel : Les couleurs du français. Livre unique lecture-écriture-histoire des arts-Langue, Hachette-Istra,
p. 247, 2010.

La notion de complément circonstanciel, supposée connue des élèves,


comme étiquette métalinguistique pouvant s’appliquer à une suite d’éléments
verbaux présents dans les textes proposés, prend place dans une activité de
compréhension écrite qui présuppose elle-même de la part des élèves une
capacité à lire un texte de moyenne difficulté. L’exercice sert ici à vérifier si
leurs connaissances métalinguistiques peuvent être mobilisées dans la
diversité des réalisations textuelles proposées. Les élèves sont ainsi
confrontés à des échantillons de discours écrit dont ils auront à analyser
certaines composantes. On vérifie la maîtrise d’une compétence, on cherche à
l’affiner, on ne se pose pas la question de son acquisition, ce qui dans une
approche de type FLM est parfaitement cohérent, le rôle de l’école dans
l’apprentissage du français n’étant pas de faire acquérir une langue nouvelle,
mais de familiariser les élèves avec un discours écrit, rédigé dans une langue
déjà connue des élèves.
La reprise de la performance ne prend pas ici la forme pour chaque
exercice d’une succession d’items dans la proximité de leur organisation,
mais d’une succession d’activités plus complexes, le seul élément de reprise
étant constitué par une consigne commune « relevez les compléments
circonstanciels », à laquelle on ajoute l’identification de la classe
grammaticale. On ne veut pas ici enfermer élèves et professeurs dans un
cadre de travail trop restreint, mais opérer des vérifications ponctuelles sur la
capacité de l’élève à mobiliser un certain nombre de connaissances
grammaticales. Ce qui présuppose que les élèves disposent déjà d’une
capacité à lire sans problèmes particuliers des textes de Victor Hugo, de
Prosper Mérimée ou d’Antoine de Saint-Exupéry.
Les élèves sont placés dans une posture d’observateur, d’analystes de la
langue, d’une langue préconstruite et non de locuteurs s’essayant à faire
usage d’un matériau linguistique à des fins de communication ou de
représentation du monde. On peut d’ailleurs penser qu’une des propriétés
différentielle des exercices de FLM est bien dans cette priorité donnée à la
reconnaissance des formes de la langue. Dans son étude d’un recueil bien
connu, Exercices sur la grammaire française, de Maurice Grévisse (Duculot,
1942, 1re édition), R.-L. Badalamenti (2014) note que 47 % des exercices du
recueil sont constitués d’exercices de repérage, d’analyse et de classement. Et
si l’on se livrait à une analyse des recueils actuels d’exercice, nous
obtiendrions au moins les mêmes pourcentages, si ce n’est plus.
Pour autant, on pourrait envisager de proposer à des étudiants de niveau
plus avancés (B1, B2), et intéressés par la langue française et son
enseignement, des exercices de FLM, dans une perspective essentiellement
culturelle, le passage de la langue à la grammaire permettant de mieux
réfléchir aux différentes modalités d’une construction grammaticale, avec une
réflexion en retour sur sa propre expérience de la systématisation du français.

1.2. Le français, langue étrangère

Si l’on se tourne vers l’apprentissage du FLE et que l’on veuille retrouver


cette notion de circonstance et notamment celle de temps, on est confronté à
une organisation très différente de l’exercice. Tout d’abord, la notion de
complément circonstanciel est absente des méthodes actuellement en usage.
On trouve fréquemment les différentes formes d’expression du temps, l’usage
de ce que l’on appelle les indicateurs de temps, peu d’éléments concernant la
situation dans l’espace et rien sur la manière ou le moyen. La notion de
circonstance en usage dans les grammaires du FLM est transposée dans des
formulations telles que : situer dans le temps, situer dans l’espace, de nature
essentiellement fonctionnelle. Quelles sont les formes de la langue française
qui permettent de situer un événement dans le temps ou de situer un objet
dans l’espace ? On ne part plus de la langue mise en évidence par des
étiquettes métalinguistiques, mais de données fonctionnelles ou sémantiques
(données qui se retrouvent dans toutes les langues, situer dans le temps ou
dans l’espace ne constituent pas des caractéristiques propres au français) dans
la recherche des réalisations les plus significatives. Certaines formes sont
d’usage plus fréquent que d’autres. Ainsi de ces deux exemples de
présentation :
Extrait de manuel : Latitudes 3, Méthode de français, B1, Didier, 2010, p. 64.

Deux exercices se présentent comme des exercices à choix multiples. On


propose deux constructions possibles pour chaque item, l’élève dans le choix
de sa réponse pouvant s’appuyer sur le tableau grammatical présenté sur la
droite de la page, le choix de l’indicateur dépendant de l’analyse sémantique
de la phrase. Il n’existe pas d’étiquettes métalinguistiques, qu’il s’agisse ainsi
de depuis préposition ou depuis que locution conjonctive ou jusqu’à locution
prépositive et jusqu’à ce que locution conjonctive. L’objectif ici, s’agissant
de publics allophones, est d’habituer par l’exercice les élèves à faire un usage
pertinent de ce qui est appelé ici indicateurs de temps autour de cinq valeurs
de sens.
On n’hésite donc pas à rassembler le maximum d’outils possibles, y
compris le gérondif lorsqu’il indique la simultanéité de deux actions, quitte à
faire figurer dans les items d’autres valeurs, celle de manière et celle de
condition.
Toutefois, ces exercices et le commentaire adjacent, avaient été précédés
par une première activité de reconnaissance, destinée à installer les catégories
de durée, d’instant et de début de l’action.

Extrait de manuel : Latitudes 3, Méthode de français, B1, Didier, 2010, p. 59.

Nous sommes bien en présence d’un exercice fondé sur une analyse
grammaticale, cette analyse s’organisant ici à partir d’étiquettes notionnelles
ou sémantiques. On part du sens pour aller vers la forme, alors qu’en FLM la
logique de fonctionnement de la langue étant supposée installée, on vérifie la
capacité de l’élève à reconnaître les éléments de la langue. On présuppose en
même temps qu’à être constamment exposé à un français écrit élaboré, les
élèves finiront par s’imprégner de ces façons de gérer le langage.
2. L’exercice selon les niveaux, selon les publics
Dans l’ensemble des variables qui interviennent dans la construction de
l’exercice, au-delà de tout ce qui relève des facteurs internes, telle la
référence aux modèles grammaticaux, telles les modalités d’organisation de
l’activité, on doit encore prendre en considération tout ce qui relève des
niveaux d’apprentissage, tels que le CECRL aujourd’hui les a définis. Le
Cadre a défini six niveaux de compétence, de A1 à C2, mais pour ce qui est
des outils de formation mis à disposition des publics par les éditeurs ou dans
un certain nombre de sites, l’offre généralement va de A1 à B2, selon les
ouvrages, plusieurs niveaux pouvant être traités à l’intérieur d’un même
ouvrage. Ce sont là des choix éditoriaux propres à certaines maisons et
l’exemple sur lequel nous nous appuyons ici ne saurait avoir valeur générale,
plutôt un simple échantillon de choix, purement pragmatiques, entrepris par
des équipes d’auteurs.
Nous avons retenu ici la méthode Agenda (Hachette, 2011 pour A1 et A2,
2012 pour B1). Méthode pour public grands adolescents et adultes qui
constitue l’essentiel du public visé par les éditeurs, et qui dans les formes de
publication qui sont les siennes, comprend un livre de l’élève avec DVD Rom
encarté, un cahier d’activités avec CD encarté, un guide pédagogique et 3 CD
audio pour la classe. Un manuel numérique rassemble l’ensemble de ces
données pour le professeur. Un dispositif démultiplié qui permet aux élèves
comme aux professeurs de circuler sur différents supports, qui autorise tout à
la fois un apprentissage guidé et un apprentissage en autonomie, un
apprentissage collectif et un apprentissage individuel, en phases fortement
segmentées qui permettent une gestion plus souple, adaptée aux ressources
horaires et à la disponibilité de chacun. Ce dispositif est actuellement celui
qui est adopté par la plupart des maisons d’édition, car il correspond à la
sociologie des publics actuels, ainsi qu’à l’organisation des formations.
L’exercice, on s’en rend bien compte, ne constitue qu’une composante
parmi bien d’autres de l’apprentissage, notamment dans des approches qui
privilégient les approches par tâches. L’exercice s’inscrit comme activité
d’entraînement qui n’est pas forcément liée à l’accomplissement d’une tâche.
De ce fait, il constitue une sorte d’« exercursus » dans le parcours d’ensemble
et non une étape incontournable. Constatons simplement que de nombreux
auteurs s’en tiennent cependant à une conception assez classique du parcours
d’apprentissage et prévoient un passage par la case grammaire qui comprend
un court tableau descriptif de la thématique en cours, suivi d’une série
d’exercices.
Dans Agenda A1, l’exercice suit un exemple associé à un bref tableau
grammatical qui porte ici sur la forme négative « ne… plus ». On ne peut
qu’être frappé par l’homogénéité du dispositif proposé, l’exercice ne se
référant pas ici à une approche implicite de la grammaire, mais au contraire
s’appuyant sur un bref commentaire métalinguistique.
Extraits de manuel : Agenda A1, p. 121, Hachette, 2011, Agenda A2, Hachette, 2011, p. 141, Agenda B1, p. 161,
Hachette, 2012.

Deux exercices seulement, dirons-nous, sont là pour permettre à


l’apprenant de se familiariser avec la construction. Le premier est un exercice
de construction de phrase à partir d’une consigne et d’un exemple, largement
développé, et 5 items, le second se présente sous forme de réponse à une
question.
Au niveau B1, la plus grande complexité vient de l’usage de formes
complexes, tels les pronoms interrogatifs composés dont l’usage dans
l’exercice 6 est associé à une réponse qui indique le moment, le lieu ou à une
construction verbale penser à. Ces constructions verbales sont abordées pour
commencer dans l’exercice 5, sous la forme d’une association à établir entre
le verbe et la préposition. Enfin, l’exercice 7 permet de contrôler l’usage du
pronom interrogatif composé selon le genre et le nombre. Ces trois exercices
font suite à un tableau grammatical présenté dans la page précédente et qui
fait de l’exercice un point d’application de la leçon. On peut imaginer que ces
formes ont déjà été introduites de fait dans de nombreuses leçons précédentes
et que ce moment grammatical constitue plus une mise au point que la
découverte d’une construction nouvelle.
Les exercices de niveau B2 s’inscrivent dans une étape de la leçon
consacrée à l’expression des sentiments et à l’usage associé de l’infinitif, de
l’indicatif ou du subjonctif. Le tableau de présentation se révèle
particulièrement dense et est quasiment aussi développé que les quatre
exercices qui suivent. Complexité de la transformation dans l’exercice 1 et 2,
différenciation entre les constructions avec phrases à deux sujets et phrases à
un seul sujet. Les exercices 3 et 4 sont des activités ouvertes fondées sur un
réemploi de situations choisies par les élèves.
On peut aisément constater que d’un niveau à l’autre, les formes de
l’exercice sont quasi identiques : réponse à une question, association de
forme et exercices à trous. On sera sensible au fait que les exercices sont peu
nombreux, avec un nombre d’items à peu près identiques d’un niveau à
l’autre, 5 environ. Mais où réside alors la différence ? Elle réside en fait dans
la difficulté grammaticale propre à chacun des niveaux. Au niveau A1, il
s’agit simplement de faire usage de ne… plus, avec des verbes conjugués au
présent, sans avoir à se poser la question de la différence d’usage entre ne…
pas et ne… plus. Exercice purement formel, sans souci de contextualiser
l’usage de la forme. Dans le niveau B1, on aborde des constructions
formellement plus complexes et dans le B2 l’usage d’un mode qui n’est pas
directement lié à une construction aisément identifiable : il faut que +
subjonctif, mais à la valeur de sens du verbe, aux exceptions près bien
évidemment.
On peut penser que la fonction d’entraînement et de systématisation
mériterait certainement mieux, compte tenu de la difficulté de l’usage pour un
certain nombre de publics étrangers. En fait, les niveaux les plus avancés se
caractérisent par l’importance des tableaux grammaticaux présentés dans le
manuel, supposés éclairer l’usage, les exercices dans leur relative brièveté
n’étant que les compléments de ces tableaux.
Dans des méthodes plus anciennes, on peut penser ici à Libre-Échange 2
(Didier, 1991), les exercices, plus nombreux, précèdent la synthèse
grammaticale, ce qui correspond à une approche inductive de la règle ou du
principe, alors qu’il semblerait que dans les usages plus contemporains, la
démarche inverse serait souvent adoptée. Dans tous les cas, la dimension
métalinguistique des apprentissages prend de plus en plus d’importance et les
exercices reflètent ces choix, comme si après les incertitudes des approches
communicatives en matière de systématisation, on voulait rétablir la référence
grammaticale dans sa pleine légitimité.

POUR RÉSUMER
La forme de l’exercice, selon un niveau donné, dépendra de :
– la nature même de la forme à systématiser, en fonction de sa complexité interne
et/ou de sa fréquence d’usage. Par exemple parce que, à cause de seront abordés
avant car et puisque, plus tard étant donné, du fait de, etc.
– la nature de l’activité demandée : je complète le dialogue avec des questions
(Agenda, A1, p. 47), Complétez les réponses avec les verbes utilisés dans les
questions (Agenda, A3, p. 139).
– la complexité de l’apport. Selon les niveaux, débutants ou niveaux plus avancés,
l’apport s’inscrira sous forme d’une phrase/énoncé simple à une construction qui
prend sens dans une situation d’échange. Par exemple sur l’approche de la forme
négative : Dîner avec mes voisins – -- je ne dîne pas avec mes voisins (Agenda, A1,
p. 34), Un restaurant ce soir, ça te dit ? – Non, ça… (Agenda, A2, p. 19) ;
– la forme de la consigne. Soit un verbe à l’impératif pour indiquer une action à
entreprendre, pour les niveaux de départ, soit un verbe indiquant une action à
entreprendre associée à des références métalinguistiques ou à des situations de
communication. Depuis J’utilise ne… pas ou n’… pas pour faire des phrases
Agenda, A1, p. 19) à Répondez aux questions et utilisez des négations (Agenda, A3,
p. 37). Ou encore : Répondez aux questions au sujet de la décoration. Remplacez les
mots soulignés par des pronoms (Agenda, A3, p. 37).
– la présence ou non d’un exemple destiné à aider l’apprenant dans la tâche à
accomplir. Il semble que dans le niveau B2, souvent, mais pas toujours, aucun
exemple n’est fourni.

En fait, nul critère scientifique pour définir et situer ces choix, mais plutôt
l’intuition des enseignants, leur expérience professionnelle et leur
connaissance des publics d’apprenants3. Ce savoir expérientiel mériterait
d’être plus précisément analysé au moins à partir des manuels, voire
d’enregistrements de classe de façon à faire apparaître une logique des
pratiques qui pourraient être utiles à tous, dans le cadre de mémoires de
maîtrise, par exemple.
3. L’exercice dans le déroulement de
l’apprentissage
La place de l’exercice dans l’apprentissage s’inscrit dans un déroulement
qui le place toujours en deuxième position, c’est-à-dire après la phase
première d’exposition guidée à la langue4. Cette phase prend la forme soit de
situations dialoguées que les élèves vont aborder, analyser puis reprendre à
des degrés variés de fidélité dans la reprise. Sinon, ce que l’on appelle encore
des documents-déclencheurs de nature variée qui vont susciter chez
l’apprenant une prise de parole que le professeur va tenter d’enrichir et de
stabiliser. Cette phase de découverte permet tout à la fois de mettre en place
des situations d’échange et les conduites langagières associées, mais aussi de
proposer les formes de la langue qui semblent, aux yeux des concepteurs de
la méthode, avoir la plus forte probabilité d’apparition et de rentabilité
fonctionnelle. Démarche ancienne, fondée sur un principe élémentaire de
bonne pédagogie, et qui va appeler, phase deux, un travail de
systématisation/stabilisation par l’usage de l’exercice. Leur nombre peut être
plus ou moins élevé. Ils peuvent être à peine amorcés dans le manuel pour
faire l’objet de reprise dans des cahiers d’activités annexes, mais ils sont
toujours présents. Ce qui revient, sous des habillages les plus variés, afin de
rendre l’activité de découverte/systématisation la plus intéressante possible, à
retrouver ce que l’on appelait dans les années 1970 « les moments de la
classe de langue », découverte/exposition, systématisation, transposition.
Cette distinction en trois grandes étapes, fort critiquée par la suite, pour
son caractère apparemment figé, correspond cependant à un parcours
d’apprentissage qui reste toujours d’actualité. Ainsi de M. Musial, F. Pradère
et A. Tricot (2012) qui distinguent 4 phases clés :

La découverte du savoir. Cette phase a pour objectif(s) spécifique(s) de permettre à l’élève


d’appréhender le savoir en discernant la raison d’être, la fonction et les principes associés. Ce
savoir pourra être de nature déclarative (lois, principe, structure, organisation) ou
méthodologique (règle, méthode de décodage, d’objet technique, démarche de modélisation,
guide de choix, procédure de calcul, procédures de mise en œuvre).
L’approfondissement du savoir. Complémentaire de la phase de découverte, mais sans lui
faire forcément suite, cette phase propose de développer divers aspects du savoir. La recherche
sous-tendue de l’exhaustivité pourra être abordée par touches successives, à des niveaux et des
moments d’étude différents.
Le transfert proche (apprendre à « manipuler » le savoir). Cette phase d’application est
purement fonctionnelle : il s’agit d’apprendre à manipuler le savoir. Elle vise l’acquisition du
mode d’emploi et des manipulations associées au savoir. Les savoirs en cours d’acquisition
seront mobilisés dans des situations analogues ou proches de celles de la phase de découverte :
l’enjeu premier consiste à s’entraîner. Cette phase est fondamentalement conditionnée par le
niveau (d’automatisation) ou de contrôle des savoir-faire induits. Il s’agit en quelque sorte de
développer une autonomie d’action.
Le transfert lointain. Au cours de cette phase, l’élève apprend à reconnaître dans une situation
problème les savoirs qui vont être utiles à sa résolution. Il identifiera ainsi le domaine
d’application de chacun de ces savoirs. Il s’agit d’une logique d’usage (appelée aussi transfert
lointain) qui vise à développer une autonomie de décision.
M. Musial, F. Pradère, A. Tricot,
Comment concevoir un enseignement ?, De Boeck, 2012.

Si l’on fusionne les deux premières phases, nous nous trouvons bien dans
une phase de découverte, le transfert proche correspond à la fonction
d’entraînement, pendant que le transfert lointain permettra d’identifier le
domaine d’application des savoirs ainsi contrôlés, l’exercice trouvant ainsi sa
place dans : « cette phase […] fondamentalement conditionnée par le niveau
(d’automatisation) ou de contrôle des savoir-faire induits ».
La seule évolution notable qu’il faille signaler tient dans le fait que le
travail de systématisation est de plus en plus fréquemment associé à une
activité métalinguistique qui est supposée faciliter la prise de conscience,
l’explicitation, si modeste qu’elle puisse être pouvant en retour favoriser la
maîtrise progressive de la bonne forme. L’exercice aujourd’hui semble plus
directement lié à des dispositifs d’explicitation (généralement des tableaux
pouvant occuper parfois la moitié de la page), ce qui correspondrait à
l’intuition des enseignants d’aujourd’hui selon laquelle la relation entre une
pratique systématisée et une activité de contrôle par la référence à la règle est
plus de l’ordre d’un traitement interactif des apprentissages que d’une
dissociation stricte comme cela avait pu être recommandé à une époque5.
Nous ne développerons pas ici la question du rôle joué par les TICE dans
l’organisation de l’apprentissage. Le fait patent tient à ce que l’espace
d’apprentissage n’est plus forcément limité à la classe proprement dite. Par le
moyen de fichiers divers, de la baladodiffusion, les élèves peuvent être
sensibilités en amont et reprendre en aval tout ou partie du travail engagé en
classe. Un rapport ainsi établi par le Groupe de l’Inspection générale des
langues vivantes en France
(http://media.education.gouv.fr/file/Racine/29/5/2009-
100_enseignement_langues_140295.pdf) a pu ainsi repérer l’émergence
d’une nouvelle logique d’organisation, qui ne se limite plus au seul espace de
la classe.
4. L’exercice selon les domaines de référence
Ce que l’on appelle ordinairement « le français » est en réalité un composé
de domaines que la tradition pédagogique a progressivement distingué en
morphologie, syntaxe, orthographe, domaines auxquels il faut ajouter celui de
la prononciation. Peut-on considérer que selon les domaines, des formes
d’activité seraient privilégiées ? A priori on peut penser que la procédure de
l’exercice, moyennant quelques ajustements, s’applique à tous les domaines.
On peut toutefois considérer que l’enseignement/apprentissage de la
prononciation, compte tenu des particularités du domaine, privilégie certaines
formes.
B. Lauret (2007 : 103) propose ainsi de distinguer les exercices de
discrimination (à l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire –,
dire s’ils sont identiques ou différents), des exercices d’identification (à
l’écoute d’une suite de mots – le plus souvent une paire –, identifier le mot
portant un son particulier).
Ainsi de cet exercice :

À partir de l’audition d’un enregistrement portant sur les son [i], [u], [y]

Extrait de manuel : D. Abry, M.-L. Chalaron, Les 500 exercices de phonétique, Hachette, 2011, p. 37.

Cet exercice s’inscrit dans une logique d’analyse contrastive.


Ou encore des exercices qui visent à obtenir la production d’énoncés longs,
par association de groupes rythmiques :

Segmenter et associer les groupes rythmiques :


Les rosiers//
La rue/des Rosiers//
La rue/ des Rosiers / s’il vous plaît//
Je cherche / la rue / des Rosiers / s’il vous plaît//
Pardon Madame / je cherche / la rue / des Rosiers / s’il vous plaît//
Pardon Madame / excusez-moi / je cherche / la rue des Rosiers / s’il vous plaît //
B. Lauret, Enseigner la prononciation du français :
questions et outils, Hachette, coll. F, 2007, p. 98.

On n’ira pas trop loin dans cette direction, mais on peut considérer que la
prononciation traite d’un matériau, les sons de la langue, qui relèvent
d’analyses spécifiques, distinctes de celles portant sur la syntaxe ou de la
morphologie, analyses qui appellent des formes de systématisation
particulières.
5. L’exercice selon les propriétés de la langue
française
Le choix de l’exercice ne dépend pas seulement des formes que l’on
souhaite sélectionner et du choix des descriptions grammaticales de
référence. On doit tenir compte encore de deux facteurs complémentaires, le
premier lié aux propriétés du français. La langue française, en effet, comme
toute langue dans le monde, obéit à des agencements qui lui sont en partie
propres, ou du moins qui occupent une place particulière dans son
organisation syntaxique et dans sa morphologie. Cela conduira à choisir des
formes de systématisation qui permettent à l’apprenant de se familiariser le
plus rapidement possible avec ces particularités et de se les approprier.
La construction de l’exercice dépend, comme nous le verrons un peu plus
loin (infra), du choix des descriptions grammaticales de référence, mais elle
dépend aussi de la façon dont la langue s’organise dans la particularité de ses
choix. En effet, les grammaires du français, notamment celles produites par
des francophones natifs, dans la plus grande partie des cas, dépendent d’un
traitement fondé sur un principe d’évidence qui considère comme allant de
soi le découpage entre proposition principale et subordonnées, l’organisation
du groupe nominal, l’accompagnement du substantif, le système verbal dans
son organisation propre, et bien d’autres points encore. La prégnance de ces
choix descriptifs, fruits d’une longue élaboration historique6, peut faire
oublier, et tous les professeurs non-natifs de français le savent bien, que
d’autres solutions syntaxiques, morphologiques sont envisageables et mettent
en évidence un système de restriction dans l’usage d’une forme qui n’est
jamais explicitée ou font apparaître une organisation de la phrase très
différente de la phrase française. Aussi, on doit encore prendre en
considération l’ensemble des propriétés qui distinguent le français dans
l’ensemble des familles de langues7.
Rappelons brièvement ici un certain nombre d’entre elles pour examiner
les conditions possibles d’application à la procédure de l’exercice8 :
LE FRANÇAIS DANS SA SINGULARITÉ
a. Le français est une langue essentiellement analytique, c’est-à-dire qui se traduit par la perte
ou l’absence de cas, et par la décomposition de la phrase en un maximum d’éléments dissociés
qui apportent, de part et d’autre du substantif ou de part et d’autre du verbe, les informations qui
en spécifient le sens. Ainsi :

Le Petit Chaperon Rouge apporte une délicieuse galette à sa mère-grand.

Chaque substantif dispose de différents déterminants (le, une, sa), fait l’objet de caractérisation (petit, délicieuse)
et le verbe apporter avec son double complément (apporter quelque chose à quelqu’un, avec un agent, patient,
bénéficiaire pour reprendre la terminologie de Tesnière), dispose d’une préposition (à) pour introduire le
complément indirect. Multiplicité des éléments d’accompagnement qui sera une source de difficulté particulière
pour des élèves venant d’une langue flexionnelle, langue dans laquelle la fonction est exprimée par la désinence
(voir supra).
b. Le français est une langue à syntaxe positionnelle, c’est-à-dire dans laquelle la fonction du mot dans la
phrase est pour l’essentiel marquée par sa position dans la phrase, référence au fameux ordre Sujet-Verbe-Objet,
alors que d’autres langues s’organisent selon un ordre différent ou plus souple. Dans la phrase :

La mère-grand reçoit une délicieuse galette de la part du Petit Chaperon rouge

Placé en tête de la phrase et avant le verbe, la mère-grand devient le sujet de la phrase, même si elle n’est pas le
sujet de l’action.
a) L’adjectif est le plus souvent en position variable, pré- ou post-nominale
b) L’adverbe est en position post-verbale
c) L’ordre modifié-modifieur est la règle à rebours de nombreuses langues qui adoptent l’ordre inverse. Par
exemple :

L’amélioration de la qualité des éléments transformés

c. Le français bénéficie d’un système de déterminants particulièrement développé, peu de substantifs « nus »
dans l’usage ordinaire, à l’opposé de nombreuses autres langues. Les déterminants sont antéposés, dissociés du
substantif et accordés en genre et en nombre.
De façon plus générale, le déterminant (ou l’ensemble des éléments déterminants) se place toujours
immédiatement à gauche du groupe nominal qu’il détermine. L’article le peut se combiner avec différents termes
qui marquent la quantité et qui se placent à gauche de l’article, ce dernier acceptant l’insertion d’un adjectif
qualificatif entre lui et le nom qu’il détermine :
– les élèves
– les nouveaux élèves
– tous les nouveaux élèves
– presque tous les nouveaux élèves
d. Le français se caractérise par une morphologie particulièrement redondante qui conduit à accorder entre
eux tous les éléments du groupe nominal, en genre et en nombre, et le groupe nominal et le verbe en nombre :

La délicieuse petite galette ou Les délicieuses petites galettes

autrement dit des chaînes d’accord particulièrement développées qui appellent de la part de l’apprenant une
vigilance de tous les moments, moins à l’oral, beaucoup plus à l’écrit.
e. Le verbe dispose d’une morphologie flexionnelle particulièrement développée, selon la personne, les temps,
les modes et la catégorie des verbes. Elle demande pour les apprenants un effort de mémorisation
particulièrement important et ne doit être approchée dans les débuts d’apprentissage que pour les verbes les plus
fréquents et aux temps et personnes les plus fréquemment attestées dans l’usage (voir listes du Français
fondamental ou plus récemment la liste des 1 500 mots les plus fréquents constituée par le lexicologue Étienne
Brunet : http://eduscol.education.fr/cid50486/liste-de-frequence-lexicale.html)
f. Le système des temps verbaux s’organise plus autour de marques d’époque que de marques d’aspect et en
cela le français se distingue des langues slaves ou des langues sémitiques (voir supra).
g. Le verbe dispose de pronoms personnels sujets à rebours de langues dans lesquelles le verbe conjugué ne
marque la personne que par la forme de la désinence verbale.
h. Les pronoms personnels se différencient selon la personne (3), selon le genre (2) et selon la fonction (3),
sans que forcément une forme particulière corresponde à chacune des combinaisons possibles (le COI, féminin,
pluriel, lui, ne se distingue pas selon le genre). Pour autant ce système peut poser problème pour les élèves
provenant de langues sans pronoms sujet ou sans distinction de genre grammatical.
i. La distribution des pronoms personnels autour du verbe se révèle particulièrement complexe, plus encore
quand le verbe est à la forme négative :

En considérant que les pronoms personnels objet à la 1re et à la 2e personne se placent avant les pronoms à la
3e personne, contrainte qui n’a rien d’évident pour des apprenants allophones et appelle donc des activités de
systématisation spécifiques.
j. De façon plus générale, le français est une langue dans laquelle les réalisations orales et écrites présentent de
notables différences, notamment pour ce qui est des marques du nombre, dont la réalisation en -s n’a pas
forcément de réalisation orale perceptible (le choix du déterminant pouvant pallier cette particularité (le/les,
un/des).
k. Le français dispose encore d’un système prépositionnel particulièrement développé dans une relation
d’antéposition par rapport au substantif9, l’absence de flexion en français obligeant ainsi à préciser, par
différentes prépositions ou locutions prépositives, la nature du lien circonstanciel considéré.

Cette brève revue, loin d’être complète mais qui tente d’aller à l’essentiel,
explique pourquoi les auteurs de manuels ou de séries d’exercices mettent
autant l’accent sur ces différentes propriétés spécifiques à la langue française
On comprend dans ces conditions pourquoi de nombreux recueils
d’exercices choisissent de mettre l’accent sur ces différents points
directement liés aux spécificités de système morphologique et syntaxique du
français.
6. L’exercice selon la langue d’origine de l’élève
Il conviendra, à certains moments de l’apprentissage, de tenir compte aussi
de la relation des élèves avec leur langue d’origine. Les langues du monde
sont organisées pour partie en familles, c’est-à-dire selon des propriétés
génétiques plus ou moins partagées (langues romanes, langues germaniques,
langues slaves en Europe par exemple), ou encore selon des propriétés liées à
des critères grammaticaux en partie communes, ainsi des langues à flexion ou
à déclinaison dans lesquelles la fonction est portée par la désinence (voire par
d’autres éléments d’accompagnement) et dans lesquelles l’ordre des mots est
plus souple qu’en français.
Les méthodes et exercices associés doivent être distingués selon leur lieu
d’origine et l’expérience langagière native de leurs auteurs. L’importance sur
le marché de l’édition, de la production éditoriale française, le fait que les
auteurs soient pour leur plus grande partie des francophones natifs, font que
prévaut une approche de la langue fondée sur une grammaire dite universelle
du français, approchée sans référence à une langue autre que celle du
français. Ces grammaires n’ont d’universel que l’ignorance dans laquelle
elles se trouvent de produire un autre métalangage que celui laissé par la très
longue tradition historique des grammaires du français10. Et l’observateur,
attentif, ne manquera pas d’être frappé par l’origine très franco-française de
ces grammaires dites du FLE, qui empruntent l’essentiel de leur métalangage
à la première terminologie grammaticale officielle produite en 1910 par le
ministère français de l’Instruction publique, complétée et corrigée par celle
de 1977.
Lorsqu’un professeur est en présence de classes multilingues, la question
qui va très rapidement se poser à lui, est celle d’un traitement adapté aux
besoins de chacun en fonction des particularités de sa langue d’origine (nous
laisserons ici de côté la question des classes multiniveaux pour ne pas ajouter
à la complexité de l’analyse). Comment concilier un programme commun,
des références partagées, une progression globalement identique pour tous,
avec la prise en considération des besoins de chacun, au travers ce que l’on
appelle ordinairement une approche différenciée des apprentissages11 ?
Partons de l’hypothèse qu’il s’agit de faire travailler des élèves d’origines
linguistiques différentes sur des objectifs de compétence partagés. Il ne
s’agira pas de bâtir des exercices spécifiques, adaptés au cas de chacun, tâche
qui va bien au-delà de ce que l’enseignant peut raisonnablement consacrer à
son travail de préparation. En revanche, le choix de supports appropriés, en
vue d’une exploitation adaptée au cas de chacun, constitue un point
d’intervention sur lequel il est possible d’agir, dès lors que l’on dispose de
quelques repères nécessaires.

Exercices par rapport aux langues isolantes12

On désigne de la sorte des langues, comme certaines langues asiatiques et


notamment le chinois, langues à faible appareil morphologique. On choisira
des exercices qui portent sur la morphologie des noms, des adjectifs, des
verbes, et plus particulièrement sur l’accord des éléments à l’intérieur du
groupe nominal et l’accord groupe sujet et verbe.

Exercices par rapport aux langues flexionnelles

Les langues flexionnelles sont des langues à déclinaison dans lesquelles la


fonction du mot est indiquée par sa désinence et non par sa position comme
en français. De la même manière, les fonctions liées à l’expression de la
circonstance ne nécessitent pas un appareil aussi développé qu’en français.
Réciproquement, les élèves venant de ces langues devront se familiariser
avec le rôle de la position du mot, dans la phrase ou dans le groupe, comme
indicateur de fonction et avec le rôle joué par les prépositions ou les locutions
prépositives. On prévoira des exercices portant sur l’ordre des mots dans la
phrase, dans le groupe, sur l’usage des prépositions ou des locutions
prépositionnelles, ceci pour aller à l’essentiel.

Exercices par rapport aux langues agglutinantes

Les langues agglutinantes se caractérisent par leur capacité à réunir tout à


la fois plusieurs radicaux à l’intérieur du même mot et d’y suffixer encore
l’article ou l’adjectif ainsi que certains quantifiants. D’où, pour l’observateur
venant de la langue française, des langues organisées en mots très longs (à
l’opposé des langues isolantes). En revanche, confronté au français,
l’apprenant venant d’une de ces familles de langue sera frappé par la
fragmentation particulièrement poussée du français et par la nécessité de
rassembler en unités de sens des éléments apparemment dissociés. On
proposera des exercices portant sur l’organisation du groupe nominal, par
adjonction progressive d’éléments :
– article + nom : la maison ;
– article + nom + adjectif : la petite maison ;
– adjectif + nom + adjectif + quantificateur : la toute petite maison ;
– adjectif + nom + adjectif + quantificateur + complément de nom : la
toute petite maison de la mère-grand.
Les élèves apprendront ainsi à désolidariser progressivement les
constituants du nom et à organiser les mots du français en une suite obéissant
aux règles de mise en succession des constituants du groupe nominal.
De fait, dans les exercices à proposer aux élèves on devra combiner deux
logiques de contraintes, celles liées aux particularités du français et celles
liées à l’expérience langagière première des élèves, selon les particularités de
leur langue d’origine, ce qui appelle une gestion tout à la fois plus souple et
certainement plus complexe des choix d’activités de systématisation à
proposer aux élèves. On considèrera dans tous les cas que les exercices
devront d’abord familiariser les élèves avec les propriétés générales du
français, ce qui peut concerner une classe entière quand on est en présence de
classes multilingues, puis, en travaux de groupes ou en travaux
individualisés, des exercices contrastifs, adaptés aux logiques grammaticales
d’origine de certains élèves.
On peut ainsi, à titre de simple suggestion, établir un tableau qui croise à la
fois les choix d’activités et certaines particularités des langues d’origine. En
ligne figurent les éléments de la langue sur lesquels on veut faire travailler les
élèves, en colonne les propriétés de certaines langues d’origine des élèves.
Ainsi s’agissant d’élèves venant de langues isolantes, les priorités en matière
d’exercices pourront être l’ordre des mots, les accords à l’intérieur du groupe
nominal (GN), ainsi que le système flexionnel du verbe, etc. En grisé sont
ainsi indiqués (ce n’est ici qu’une simple suggestion qui demanderait à être
développée) les points d’activités que l’on peut considérer comme prioritaires
dans un moment donné, ce qui permet de fonder, en grammaire, ce que peut
être une pédagogie différenciée :

Une grammaire du français vue d’ailleurs


Il ne s’agira pas de revenir à ce que fut à une époque un traitement des
interférences à partir d’une linguistique contrastive. On connaît les limites de
telles interventions, qui n’empêchèrent nullement les élèves de produire des
erreurs dont les origines étaient infiniment plus complexes que le simple
transfert dans la L2 de construction venant de la L1. Mais pour autant, de
telles activités, si elles sont bien conduites et proposées à dose raisonnable,
permettront aux élèves de se retrouver dans la complexité d’une langue, le
français, qui s’inscrit dans une logique grammaticale souvent fort éloignée de
celle de leur langue d’origine. Ces exercices et les commentaires auxquels ils
peuvent donner lieu, car rien n’interdit à un professeur de commenter
l’activité ainsi proposée, permettent la mise à jour de problématiques que
l’élève aurait sinon à gérer isolément.
POUR RÉSUMER
• Les facteurs qui interviennent dans la gestion de l’exercice sont particulièrement
nombreux. Savoir les prendre explicitement en considération permet de donner à son
usage, par la cohérence des choix, une plus grande efficacité.
• On différenciera les apprentissages du français, langue maternelle, et ceux du
français langue étrangère, en s’interrogeant sur les logiques d’apprentissage
associées.
• On tiendra compte des publics et des niveaux. Il n’existe pas en la matière de
prescriptions explicitement posées. On examinera cependant les choix consacrés par
l’usage et l’on s’interrogera sur la nature des choix sous-jacents.
• La plus grande précision apportée par le CECRL dans l’organisation des parcours
d’apprentissage peut contribuer à établir des choix plus cohérents.
• L’exercice peut intervenir en consolidation d’apprentissages organisés autour de la
maîtrise des discours. Par la systématisation ainsi organisée, il permet à l’apprenant
de mieux maîtriser certaines composantes formelles de la langue et à ce titre peut
être placé en différents moments d’une leçon.
• La place de l’exercice dans le déroulement de l’apprentissage, si elle est consacrée
par un certain usage, notamment dans les apprentissages en présentiel, peut
cependant connaître de nouvelles évolutions dues notamment à l’élargissement des
lieux et des moments d’apprentissage autorisés par les ressources du numérique.
• L’exercice, dans sa forme la plus générale, peut s’appliquer à tous les domaines du
français, tels qu’ils sont répertoriés par la tradition pédagogique : morphologie,
syntaxe, orthographe, prononciation. Il semble cependant que les apprentissages
portant sur la prononciation puissent privilégier certaines formes d’activités.
• La langue française offre un certain nombre de propriétés différentielles par rapport
à d’autres langues, dont la prise en considération peut dicter un certain nombre de
choix en matière de moments de systématisation.
• La langue d’origine des élèves, dans l’appréhension de ses caractéristiques les plus
significatives, permettra d’orienter certains choix d’activités.

ON S’ENTRAÎNE ?

• ACTIVITÉ 1
Voici différents exercices. Indiquez pour chacun d’entre eux s’ils se situent au niveau A1,
au niveau A2, au niveau B1 ou au niveau B2. Sur quels éléments fondez-vous votre choix ?
• ACTIVITÉ 2 : Où placer les exercices ?
Nous avons vu plus haut que la place de l’exercice dans un parcours d’apprentissage (une
leçon) n’a plus la place qui pouvait être la sienne à une époque, comme stricte application d’un
principe, d’une règle ou d’une situation d’échange. Le document ci-dessous se décompose en
une phase de présentation du thème – la santé –, appuyée sur l’analyse de différents documents
et la présentation d’un tableau grammatical. Les auteurs ont fait le choix, tout à fait légitime par
ailleurs, de reporter après cette phase un ensemble de trois exercices. Mais le professeur dans sa
classe ne peut-il gérer cela autrement ?
Voici une leçon extraite d’une méthode de niveau B1. Plus loin figurent des exercices,
associés à la leçon. Où peut-on placer les exercices par rapport au déroulement de la
leçon ?
Extrait de manuel : Totem 3, Hachette, 2015, pp. 84, 85, 91.

CORRIGÉ
• ACTIVITÉ 1
On s’appuiera sur le choix des auteurs.
Exercice 1 = A2
Exercice 2 = B1
Exercice 3 = A1/A2
Exercice 4 = A1
Exercice 5 = A2/B1

On peut penser que le choix des auteurs est lié à la complexité de la forme telle qu’elle peut
prendre place dans un parcours d’apprentissage. Dans l’exercice 1, la structure de la phrase de
base est acquise, le GN dans sa forme plus étendue (la soirée d’anniversaire de Marco) aussi.
On peut donc travailler sur les valeurs des temps du passé dans l’opposition passé
composé/imparfait.

L’exercice 2, sur une même problématique (temps du passé), se place en B1. Le vocabulaire est
d’un niveau différent et traite de l’univers des sentiments. Ce qui peut expliquer ce choix, avec
la volonté de consolider un apprentissage qui à ce niveau encore est assez fragile.

L’exercice 3 choisit un niveau débutant, sur un plan global, mais on peut penser que le contexte
thématique des items, comme la visée, nous situerait plutôt vers le A2.

L’exercice 4 est tout à fait à sa place en A1, thématique simple, empruntée aux scènes du
quotidien, activités de transformation fortement balisées, sur le passage au passé composé et à
la forme négative.

L’exercice 5 plus complexe demande aux élèves de s’engager dans une activité d’analyse
s’appuyant sur un métalangage explicitement posé. Le stade de mise en place des automatismes
est dépassé.

• ACTIVITÉ 2
L’exercice 7 pourrait être placé dans la suite de la phase 1, l’exercice 8 dans la suite de la phase
3 et l’exercice 9 juste après le rappel des règles de l’accord du participe passé. Ou encore les
trois exercices, juste avant les deux tableaux grammaticaux, comme phase de systématisation
préparatoire à un moment d’analyse et de réflexion sur la langue.
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 4
• ALLIERES J. (2000), Les langues de l’Europe, PUF, coll. « Que-sais-
je ? ».
• BADALAMENTI R.L. (2014), « Les exercices de grammaire de
Grévisse ; Analyse des Exercices sur la grammaire française de
M. Grévisse, 1942 », Documents pour l’histoire du français langue
étrangère ou seconde, 52.
• DANIEL VÉRONIQUE G. (2009), L’acquisition de la grammaire du
français langue étrangère, Didier, coll. « Langues et didactique ».
• DANIEL VÉRONIQUE G. (2017), « Présentation », in « Recherches sur
l’acquisition de l’enseignement des langues étrangères : nouvelles
perspectives », Recherches et Applications, 61, janvier 2017.
• DAVID-LODOVICI C. (2015), « Pratique enseignante dans les classes
multilingue et multiniveaux en FLE : une gestion complexe des
supports/outils », Recherches et applications, 57, janvier 2015.
• FOUGEROUSE Marie-Christine (2001/2), « L’enseignement de la
grammaire en classe de français langue étrangère. » Études de
linguistique appliquée (no 122) URL : www.cairn.info/revue-ela-20v01-
2-page-165.htm
• LAURET B. (2007), Enseigner la prononciation du français : questions
et outils, Hachette, coll. F.
• MUSIAL M., PRADERE F., TRICOT A. (2012), Comment concevoir un
enseignement ?, De Boeck.
Notes
1. À quoi il conviendrait d’ajouter le fait que le français est très rarement, aujourd’hui du moins, la
première langue étrangère apprise. L’anglais est souvent présent comme première LVE et l’élève peut
par ailleurs disposer dans sa compétence native de plusieurs langues d’origine.
2. Ainsi de la dénomination français langue de scolarisation posée déjà autrefois par G. Vigner (1977)
pour désigner autrement le français dit langue seconde et reprise et étendue à tous les usages d’une
langue conçue comme langue support d’apprentissages non linguistiques, dénomination qui recouvre en
grande partie ce qu’à une certaine époque on appelait encore le français langue maternelle. Mais on a
vu apparaître ces dernières années d’autres domaines, le FLI, français langue d’intégration, le FOU,
français sur objectifs universitaires ou le FLP, français langue professionnelle, domaines qui se
distinguent les uns des autres moins par leur méthodologie, encore qu’il faudrait aller y voir de plus
près, que par les publics ainsi concernés et la visée sociale de compétence privilégiée. Pour le FL2, voir
plus loin p. 95.
3. Les travaux portant sur les recherches dans l’acquisition des langues (RAL) visent notamment à
éclairer les stades d’appropriation de la grammaire du français langue étrangère. Les exercices proposés
auront donc d’autant plus d’efficacité qu’ils se calent sur ces stades d’acquisition. Les savoirs en la
matière sont en constante évolution, mais on peut suivre certains « parcours d’appropriation », pour
reprendre une expression de G. Daniel-Véronique, de façon à ce que l’activité d’exercice intervienne au
moment où l’appropriation de ces formes est la plus favorable. Sont ainsi signalées des étapes
d’appropriation dans G. Daniel Véronique (2009 : pp. 313-314 et 2017 : pp. 9-13).
4. Dans une étude déjà ancienne, mais sur ce point elles sont peu fréquentes, Marie-Christine
Fougerouse (2001-2) notait ceci : « En classe, dans les étapes suivies pour la grammaire, les
enseignants insistent fortement sur la présence de la règle et des exercices. Lorsque l’on parle de
grammaire, ces deux éléments s’imposent comme des évidences. Les exercices visent à mettre en
application la règle pour systématiser les formes et mesurer la compréhension. Dans un premier temps,
il s’agit d’exercices de simple manipulation, non contextualisés, des formes linguistiques.
L’enseignement de la grammaire se fait donc selon une démarche qui suit les étapes suivantes avec
trois variantes (1,2 et 3) :

5. Ces choix, qui sont le fait de professionnels de l’enseignement, et non la transposition de théories de
l’apprentissage dans les pratiques de classe, ne peuvent qu’encourager les chercheurs non point à
confronter des théories de l’apprentissage entre elles, mais à porter un regard attentif sur les choix
entrepris dans les classes par les enseignants en fonction de ce que ces derniers considèrent comme
pertinents et en fonction des résultats constatés dans les classes.
6. Les catégories du discours, sans remonter aux huit parties identifiées par Denys le Thrace au
IIe siècle avant J.-C., ont trouvé leur point d’origine pédagogique dans les Elemens de grammaire
françoise de Charles Lhomond (1780), première grammaire scolaire, et quelles qu’aient pu être les
remises en question par d’autres catégorisations (sujet-prédicat, les constituants ou groupes
fonctionnels), sont toujours présentes comme catégories organisatrices de la langue. Lhomond
inventorie en effet 10 catégories : le nom, l’article, l’adjectif, le pronom, le verbe, le participe, la
préposition, l’adverbe, la conjonction, l’interjection.
7. Ce qui peut expliquer le choix de certains auteurs de grammaires à destinations des professeurs de
FLE, fort intéressantes par ailleurs, de traiter prioritairement et quasi exclusivement ces traits-là, Alain
Coïaniz par exemple avec son ouvrage Grammaire du français langue étrangère, Université Paul
Valéry, Montpellier, 1997, ou Marie-Armelle Camussi et Annick Coatéval Comprendre la grammaire.
Une grammaire à l’épreuve de la didactique du FLE, PUG, 2013.
8. Pour une approche du français à partir d’autres langues d’Europe ou du monde, on se reportera avec
profit au projet Langues et grammaires en Ile-de-France (http://lgidf.cnrs.fr) qui décrit un certain
nombre de langues parlées en Ile-de-France et dont la description fait apparaître en contraste les
particularités de la langue française. Voir aussi J. Allières (2000) pour une description des langues de
l’Europe.
9. Dans son ouvrage, La Préposition en français (Ophrys, 2003), l’auteur, Ludo Mélis, répertorie un
peu plus de 180 prépositions ou locutions prépositives.
10. Le texte (voir Annexe, p. 186) portant sur la pratique de l’exercice à partir de la langue japonaise,
montre combien est grande la distance entre un traitement grammatical du français à partir des
méthodes dites universelles, c’est-à-dire plutôt produites en France, sur la base de références
grammaticales françaises, et les grammaires pour apprentissage produites en milieu hétéroglotte.
11. Sur ce point, voir Catherine David-Lodovici (2015).
12. La typologie ici adoptée est particulièrement sommaire et les travaux portant sur les typologies des
langues opèrent des distinctions infiniment plus fines, mais qui pour les problèmes qui nous intéressent
ici, n’auraient pas de traduction pédagogique pertinente. Pour une revue rapide de la question, voir
Jean Rousseau, Comparaison des langues et intercompréhension, CIEP, Sèvres 1995. Il ne s’agira pas
de revenir aux bases d’une grammaire comparée, mais de tenter de nuancer l’apprentissage du français
en tenant compte de certaines des propriétés parmi les plus visibles de certaines langues présentes chez
les apprenants du français. On trouvera par ailleurs des descriptions, en cours de mise en place, des
systèmes linguistiques de langues autres que le français (et présentes plus particulièrement en Ile-de-
France) sur le site Langues et grammaires en Ile-de-France, http://www.umr7023.cnrs.fr/lgidf .
5

EXERCICE ET FL2

Existe-t-il une spécificité des exercices pour les enseignements du français


comme L2 ? Rappelons brièvement que par L2 ou langue seconde, on entend
plus généralement, dans la tradition française, un enseignement qui s’adresse
à des enfants et adolescents allophones, enfants de migrants, inscrits dans le
cursus ordinaire des écoles françaises1. Se pose alors la question de la mise à
niveau en français d’élèves qui vont devoir, dans des délais assez brefs,
suivre un enseignement dispensé en français, aux différents niveaux de
scolarité où ils peuvent être inscrits, de l’enseignement primaire à la fin du
collège.
Cet enseignement poursuit les objectifs suivants, nous le rappelons ici
brièvement :
• De façon générale, il s’agit tout à la fois d’apprendre à parler à
quelqu’un / apprendre à parler de quelque chose. À l’interaction
dans sa dimension proprement sociale, il convient d’ajouter, dans
l’univers de l’école, cette fonction, que l’on nommait autrefois
référentielle, dans le célèbre schéma de Jakobson et qui y occupe une
place particulièrement importante.
• Trois fonctions majeures : communication / transmission /
représentation. Autrement dit apprendre à faire usage du langage
verbal, non seulement dans la communication sociale ordinaire, dans
une interaction à effets immédiats entre locuteurs plus ou moins
familiers, mais dans des usages plus élaborés liés à la communication
des savoirs, à la communication dans les médias, à la communication
dans l’échange dans une sphère élargie d’usages (vie scolaire,
découverte du monde du travail par le moyen des stages par exemple,
débats sur un certain nombre d’engagements sociaux, etc.). Mais
encore faire usage du langage verbal dans les activités de transmission
d’une mémoire culturelle, à partir de la découverte de la littérature, de
l’histoire, de la géographie ou d’objets aussi étranges que la
grammaire et l’orthographe. Enfin fonction de représentation, le
langage verbal permettant en s’associant à d’autres langages
scientifiques (cartographiques, mathématiques, schématiques, etc.), ce
qui correspond aux usages du français dans ce que l’on appelle les
DNL (disciplines non linguistiques).
• Apprendre à s’exprimer avec exactitude, à des degrés divers de
précision, selon que l’on est à l’école élémentaire ou au collège, selon
une approche distanciée du discours dans lequel l’analyse, la
réflexion, l’argumentation constituent les outils d’approche et de
traitement des concepts liés à un savoir disciplinaire (implication et
distanciation constituant les deux pôles opposés se situant sur un
même continuum d’usage de la langue).
• Satisfaire à une exigence d’intelligibilité dans le respect des
formes/règles de la langue. La maîtrise de la langue est en effet la
condition d’une communication réussie. On ne peut communiquer,
échanger que sur la base de conventions partagées, les règles de la
langue faisant partie de ce répertoire de conventions indispensables à
la construction de l’échange.
• Différencier progressivement relation à la règle et relation à la
norme. En apprenant une langue nouvelle, l’élève doit
progressivement acquérir la maîtrise des règles de la L2, dans leur
dimension proprement conventionnelle, puis se situer
progressivement dans le champ des variations qui caractérise les
usages effectifs de la langue et apprendre à distinguer le français
standard d’autres normes dont le caractère de légitimité est lié aux
valeurs et normes sociales qui fondent l’unité, même provisoire, du
groupe à l’intérieur duquel on prend place. Nous retrouvons ainsi la
distinction entre maîtrise de la langue et maîtrise du discours, c’est-à-
dire de la langue en situation, dans la diversité des situations.
• Éviter la fossilisation des compétences transitoires qui ont pour effet
d’entraver un bon usage du français, c’est-à-dire qui ne permettent pas
au locuteur de s’exprimer avec toute l’exactitude et toute la précision
nécessaires.
• Atteindre enfin un niveau B1/B2 qui, en termes de niveau de
performances, permet de suivre une scolarisation dont les exigences
de niveau à l’oral et plus encore à l’écrit sont particulièrement
élevées.
Le FL2 vise ainsi de multiples objectifs, ce qui le distingue
significativement des apprentissages du FLE auxquels à certains moments il
se rattache et qui le rapprocheront de ce que l’on appelle ordinairement le
FLM. Existe-t-il donc des formes d’exercice qui seraient plus
particulièrement adaptées à ces besoins de formation ? Sur ce point,
praticiens comme chercheurs sont plutôt discrets, les chercheurs notamment
qui ne vont pas se pencher sur des composantes aussi restreintes de
l’apprentissage. Pour autant, quelques pistes de travail peuvent être tracées en
prenant en compte tout d’abord les usages attestés dans certains manuels (peu
nombreux il est vrai).
1. Progression et exercices
Comparons pour commencer les progressions adoptées dans trois
méthodes pour publics plus ou moins adolescents, Adopshère et Totem qui
sont des méthodes de FLE classiques et Entrée en matière, méthode de FL2
s’adressant à des enfants de migrants ou nouvellement arrivés (EANA,
enfants allophones nouvellement arrivés, pour reprendre la terminologie
actuelle). Nous avons retenu ici les six premières unités didactiques pour la
simplicité de la présentation :
Ce qui frappe d’emblée l’observateur, c’est la différence de densité entre le
parcours FL2 et celui des méthodes FLE. Certes, dans les trois cas, la
présentation de l’appareil morphologique des verbes y occupe une place
particulièrement importante, mais Entrée en matière avance beaucoup plus
rapidement dans la présentation des pronoms (indispensables à la mise en
continuité du texte), dans les formes et valeurs des temps et modes des verbes
et y présente un ensemble de formes beaucoup plus important, lié à
l’importance des besoins langagiers des élèves.
Si on considère deux extraits de deux méthodes de français à destination
des enfants nouvellement arrivés, Entrée en matière, la méthode de français
pour adolescents nouvellement arrivés (Hachette, 2005) et Français, langue
seconde (Belin, 2012), on peut faire les constats suivants :
Extrait de manuel : Entrée en matière, Hachette 2005, p. 85.
Extrait de manuel : Français, langue seconde, Belin, 2012, p. 75.
Les exercices reprennent des formes déjà identifiées dans d’autres
domaines de l’enseignement du français, exercices à trous, exercices de
transformation, exercices à dominante morphologique. En revanche, on note
la présence d’un métalangage dans la consigne, où il est demandé aux élèves
de faire usage de l’imparfait ou du passé composé, les exercices étant
associés à de brefs tableaux grammaticaux destinés à présenter, par le moyen
de règles explicitement formulées, les principes d’usage de ces différentes
formes. Cette association d’exercices de type FLE et d’un commentaire
grammatical, répond à la nécessité, on peut le comprendre, de donner aux
élèves les moyens de passer, dans leur classe d’inscription ordinaire,
d’activités d’usage, de familiarisation à cette forme, à des activités de
description grammaticale (si modestes qu’elles puissent être) telles qu’elle
prennent place dans la classe de français (au sens FLM du terme). Ce qui
change ici, c’est moins la forme de l’exercice, que son positionnement dans
un ensemble d’apprentissages qui mêle systématisation et commentaire
grammatical.
L’arrière-plan thématique des exercices est très souvent lié aux situations
de communication scolaire, l’école, au sens le plus large du terme, constituant
un espace de relation et de communication dans lequel les élèves vont faire
usage du français.
On peut encore envisager des familles d’exercices qui puissent à la fois
assurer la familiarisation avec des formes de langues dans des contextes
particuliers d’usage et selon des propriétés qui sont plus particulièrement
mises en œuvre dans les disciplines non linguistiques, ainsi de l’usage de la
relative. Une phrase peut contenir différentes informations. Comment y
ajouter une information complémentaire sans bouleverser l’organisation de la
phrase ou sans être obligé de réécrire une deuxième phrase ?
La procédure utilisée est celle de l’exercice de transformation appliquée ici
à des énoncés à orientation scientifique, en faisant varier le point
d’accrochage de la relative par rapport au terme à développer ou préciser,
ainsi que le choix du pronom relatif.
2. La syntaxe du titre
Les EANA (terminologie actuelle pour désigner les élèves allophones
nouvellement arrivés en France, autrefois appelés enfants de migrants) sont
très tôt amenés à lire des titres, unités discursives restreintes, qui balisent le
parcours de lecture dans les manuels, titre des chapitres, sous-titres à
l’intérieur des chapitres, sommaires, tables des matières, le titre ayant pour
fonction d’annoncer les contenus thématiques du développement qui suit et,
s’il est bien choisi, d’en proposer un résumé. Compétence de lecture d’autant
plus importante que le français adopte l’ordre modifié /modifieur dans les
constituants du groupe nominal et plus particulièrement de ce que l’on
appelle le complément de nom, à la différence de nombreuses langues dans
lesquelles c’est l’ordre inverse qui prévaut (voir l’anglais ou le soninké par
exemple). L’ordre modifié/modifieur a pour effet de spécifier le sens au fur et
à mesure que l’on avance dans la lecture de l’énoncé-titre. Il est donc
important que les élèves apprennent à « lire » les titres en ce sens. Soit cet
ensemble de titres pris dans un manuel de Sciences de la vie et de la Terre,
classe de 6e :
Extrait de manuel : SVT, 6e, Hachette, 2005.

Ce qui pourrait appeler de la part du professeur un traitement en 3 temps,


l’objectif étant d’aboutir à une phrase nominale :
– les animaux produisent de la matière ;
– la matière est produite par les animaux ;
– la production de la matière par les animaux.
Ou encore :
– le glucose est un sucre rapide ;
– il faut le mettre en évidence ;
– la mise en évidence d’un sucre rapide : le glucose.
Ou encore :
– les graines sont à l’origine des plantes ;
– une plante se développe ;
– des conditions doivent être remplies ;
– les conditions de développement d’une plante à partir des graines, etc.,
de façon à familiariser les élèves avec l’ordre du français dans la relation
modifié / modifieur + l’adjonction d’un élément spécifiant : dans… ; à partir
de… ; par…
3. La densification des énoncés
Les énoncés à orientation scientifique, tels qu’ils sont en usage dans les
manuels, se caractérisent par leur très grande densité sémantique et une
relative simplicité syntaxique, puisqu’on n’utilise qu’une seule proposition.
Ainsi de l’énoncé suivant :

• La rupture des roches entraîne la formation d’ondes sismiques responsables de la


propagation du séisme.

qui se caractérise par l’intégration de l’ensemble des données à l’intérieur


d’un schéma de phrase, le lien logique étant exprimé par le verbe
« entraîner ». L’usage des nominalisations permet de passer d’une vision
d’un événement en cours d’accomplissement à une vision purement logique,
hors chronologie.

On peut donc proposer de passer d’une suite d’énoncés dissociés à un


énoncé intégré :

1) • Les roches se cassent


• des ondes sismiques se forment,
• ces ondes sont à l’origine du séisme,
• le séisme se propage.

à:

2) • Des ondes sismiques se forment parce que les roches se cassent,


• le séisme se propage à cause des ondes sismiques qui se forment.

Puis aux nominalisations des différents verbes :


3) • Les roches se cassent / la rupture des roches,
• des ondes sismiques se forment / la formation d’ondes sismiques,
• le séisme se propage / la propagation du séisme.

Et enfin à l’énoncé terminal :

4) • La rupture des roches entraîne la formation d’ondes sismiques responsables de la


propagation du séisme.

Ce travail de déconstruction/reconstruction des énoncés permet de


familiariser progressivement les élèves avec une forme d’écriture
particulièrement présente dans les manuels scolaires, au moins quand on
parvient à la phase de synthèse ou au résumé.
4. Une progression
Un élève de type EANA ou encore un élève allophone entrant dans un
établissement dont le français est la langue de scolarisation, doivent entamer
un parcours qui les conduit d’une approche de la langue comme forme
nouvelle à systématiser à la langue abordée comme objet d’apprentissage
(voir supra, p. 70). Une chose est de prendre place dans un cours de langue
dans lequel les élèves vont apprendre à systématiser une forme nouvelle pour
eux, une autre est de pouvoir suivre en cours de grammaire dans une classe
de français.
Ce qui nous donnerait un parcours en trois étapes :

• Approche de type FLE

Extrait de manuel : Saison 2, Didier, 2014, p. 159.

• Approche de type FL2 (intermédiaire)


Extrait de manuel : Entrée en matière, Hachette, 2005, p. 157.

Ou encore :
Extrait de manuel : Français langue seconde, Belin, 2012, p. 110.

POUR RÉSUMER
• Le FL2 s’adresse aux élèves allophones qui auront à faire usage du français, en tout
ou partie, pour poursuivre une scolarisation en français.
• Le FL2 n’a pas engendré de formes d’exercice spécifiques, mais fait porter l’activité
sur des usages de la langue qui ne sont pas forcément traités en FLE.
• Les apports des exercices se rapportent le plus souvent, soit à la vie scolaire, soit à
des domaines d’apprentissage relevant de ce que l’on appelle les DNL (disciplines
dites non-linguistiques).

ON S’ENTRAÎNE ?

• ACTIVITÉ 1
Voici une série d’exercices. Dites, si, selon vous, ces exercices relèvent d’une approche de
type FLE ou FL2. Sur quels indices fondez-vous votre réponse ?
• ACTIVITÉ 2
Voici les deux pages d’un « livre de maths » spécifiquement élaboré pour des élèves
allophones nouvellement arrivés, pour les classes de l’école élémentaire.
Quelles activités de systématisation peut-on envisager pour assurer la maîtrise
progressive du vocabulaire et des constructions ?
http://albert.scolena.free.fr

CORRIGÉ

• ACTIVITÉ 1
Le vocabulaire en usage pour chacune des activités peut fournir des indices utiles. Les activités
1 et 3 ont une thématique scolaire, font référence à l’arrivée en France, donc FL2, alors que
l’activité 2 évoque des étudiants qui ne sont que de passage en France, donc FLE.

• ACTIVITÉ 2
– Sur la partie « perpendiculaires », on peut signaler comme construction à travailler : la place
de l’adjectif qualificatif postposé « angle droit », « droites perpendiculaires » ; l’usage du verbe
« posséder » au sens de « être pourvu », « se caractériser par » ; la construction « servir à » ; la
construction « vérifier si ».
– Sur la partie « parallèles » :
« ne… jamais » ; « même si » ; « si + présent » à valeur de déduction.
Notes
1. Sur une approche de ces publics et des formes d’apprentissage associées, voir G. Cherqui et
F. Peutot, Inclure : français de scolarisation et élèves allophones, Hachette, coll. F.
6

EXERCICES ET ORIENTATIONS
MÉTHODOLOGIQUES

Dans la tradition pédagogique française, les distinctions entre courants


méthodologiques ont pendant longtemps animé les débats. L’introduction des
approches actionnelles dans les années 2000 à la suite de la publication du
CECRL, après quelques années d’apaisement, n’ont pas manqué quelque part
de relancer ce type de questionnement. Même si dans la réalité des usages, les
distinctions ne sont pas aussi clairement marquées, l’éclectisme de survie
constituant le choix le plus souvent attesté chez les enseignants, il existe bien
des courants méthodologiques distincts qui, par les choix en matière de
logique des apprentissages, ont pu avoir une incidence sur les logiques
d’organisation de l’exercice.
Nous nous poserons en effet la question de savoir si une orientation
méthodologique, dans laquelle se situent les auteurs d’un manuel ou d’une
méthode, a une incidence effective sur le détail des constituants d’une leçon.
La leçon ou unité didactique s’organise selon une logique particulière qui va
des supports de présentation jusqu’aux activités de systématisation, de
réemploi et de transfert dans des activités telles que la conversation,
l’expression écrite ou la lecture. Nous nous étions déjà posé la question en ce
qui concerne les travaux d’écriture1. Nous devons nous poser la question de
savoir s’il existe un lien entre ce que l’on pourrait appeler l’orientation
méthodologique de l’outil d’apprentissage considéré et la forme de l’exercice
adoptée, entre l’exercice et le domaine de compétence sur lequel l’accent est
mis.
Nous avons évoqué plus haut la place et la forme des exercices dans une
certaine évolution historique qui a pu nous conduire jusqu’à la méthode
directe dans sa version orale et la méthode directe dans sa version écrite, à
base de grammaire et de vocabulaire. Nous reprendrons ici la question à
partir des méthodologies qui, dans le milieu du XXe siècle, vont réorienter
significativement l’enseignement des langues dans le sens d’une gestion plus
rigoureuse des apprentissages à partir des situations de communication et des
formes de la langue sollicitées.
Un bref rappel pour commencer, la méthode audio-orale : nous ne ferons
que l’évoquer brièvement, avec à ses origines la fameuse « méthode de
l’armée »2. Méthode qui fut fortement critiquée pour son caractère
excessivement formaliste, fondée sur la répétition, le renforcement de
structures de langue associées à différents éléments de vocabulaire, mais qui,
quelque part fut à l’origine d’un exercice qui connut une longue postérité,
l’exercice structural . Ainsi conçue, cette méthode s’appuyait sur des tableaux
grammaticaux qui faisaient apparaître tout à la fois les invariants et
autorisaient des variations par l’introduction d’éléments lexicaux. La
méthode Le Français et la vie de G. Mauger et de M. Bruezière (Hachette,
1971), peut être considérée comme l’application la plus caractéristique de ce
courant.
1. L’exercice structural
L’exercice structural apparaît dans le courant des années 1940 et semble lié
dans ses origines à la fameuse méthode de l’armée, mais trouve son plein
épanouissement dans les méthodes de langue à partir des années 1950 et sera
d’un usage fréquent jusque dans la fin des années 1960 et au début des
années 1970. Exercice qui marque un tournant dans l’histoire de ce dispositif
dans la mesure où, débarrassé a priori de toute référence à un métalangage, il
veut se construire sur les bases d’une description qui se voulait rigoureuse
des langues : « Les méthodes audiovisuelles et les cours d’exercices
structuraux qui se sont multipliés à partir des années 1940 sont nés de la
conjonction des informations apportées par les linguistes et par les
psychologues : la grammaire structurale fournissait des chaînes de cases que
l’on pouvait manipuler par des opérations de substitution et de
transformation ; la psychologie behavioriste, avec la théorie du
conditionnement, un processus mécanique de formation d’habitudes dont les
phases (stimulus, réponse, renforcement) allaient déterminer les moments des
exercices structuraux permettant d’acquérir des habitudes. » (E. Roulet,
Théories grammaticales, descriptions et enseignement des langues,
Labor/Nathan, 1978, p. 40).
Nous ne reviendrons pas ici sur le détail de la genèse, des formes
d’activités associées et des débats que cette nouvelle forme put engendrer. Ils
furent à la hauteur de l’intérêt suscité auprès des enseignants et des
publications de recueil qui virent le jour à l’époque3. On se livra à la mise en
place de typologie d’exercices :
– Exercices de répétition, qui consistent simplement à répéter un modèle.
Première prise de contact avec une construction, assurer un premier repérage
avec certaines formes de construction encore peu familières à l’apprenant.
– Exercices de substitution. À partir d’un apport, les élèves sont invités à
faire varier un schéma structural, substitutions qui peuvent ou non entraîner
des modifications d’accord par exemple. Michel Benamou et Eugène Ionesco
se sont ainsi livrés, dans leur méthode Mise en train, à l’insertion de ce que
l’on appelait à l’époque des pattern drills devenus ici des « joyeux
drill(e)s » :

Substituez et faites les changements nécessaires.

Il s’assoit à côté de la dame ------------------- il s’assoit à côté de la dame.

Le crocodile ----------------- il s’assoit à côté du crocodile.

L’étudiante ------------------- il s’assoit à côté de l’étudiante.

Les dictionnaires ------------ il s’assoit à côté des dictionnaires.

Le professeur ----------------- il s’assoit à côté du professeur.

La camarade de Paul ------- il s’assoit à côté du camarade de Paul.

Extrait de manuel : Mise en train, Mac Millan, 1969.


Mais si fantaisistes que puissent apparaître certains substituts, toutes ces
constructions obéissent à un schéma syntaxique verbe + locution prépositive
+ nom qui appelle :
– une locution prépositive qui exprime une valeur de contigüité sans
contact ;
– la présence obligatoire d’un complément (soit un emploi absolu dans « il
s’assoit à côté » qui peut être inféré du contexte) ;
– une sélection du complément imposée par la locution de type nom
concret (animé ou inanimé) ;
– le verbe, s’il implique ici un mouvement ou un déplacement, pour autant
reste sémantiquement autonome, à la différence de aller, venir, traverser qui
ont besoin d’un objet pour en spécifier l’accomplissement. Il admet
l’expression d’une circonstance spatiale ;
– un complément qui définit une circonstanciation forte, telle que son
déplacement impossible ;
– le substitut du complément ne prend pas de forme pronominale. On
pourra utiliser un déictique ici ou le pronom là.
Comme quoi l’exercice le plus innocent recèle des problèmes lexicaux et
syntaxiques inextricablement mêlés qui appellent de la part de l’apprenant
des choix qui, ici, sont masqués, puisque les classes de substantifs qui sont
sélectionnées par les auteurs de la méthode s’inscrivent parfaitement dans les
contraintes posées par la locution prépositive.
Même si l’exercice structural peut se prévaloir de ne pas faire appel à un
appareil métalinguistique explicité, de ne pas faire référence à la langue
maternelle, il appelle, implicitement en revanche, le respect d’un certain
nombre de règles, brièvement rappelées ci-dessus4, et l’on peut se demander
si la présentation ainsi adoptée, très simple en apparence, ne pose pas pour
certains publics d’élèves des difficultés particulières.

– Exercices de transformation
L’exercice de transformation consiste à proposer aux élèves pour chaque
item une phrase comportant un même schéma syntaxique, phrase que l’on va
transformer, selon les indications de la consigne, de manière à faire apparaître
une nouvelle construction. Ainsi dans l’exercice suivant, destiné à
familiariser les élèves avec le procédé d’extraction « c’est… qui » :

Exercice VIII

Emploi de la formule c’est… qui, pour mettre en relief le sujet (ici pronom personnel de
la forme accentuée) avec un verbe pronominal.

MODÈLE
PR : Je me lave avec de l’eau chaude et du savon.
ET : C’est moi qui me lave avec de l’eau chaude et du savon.
PR : Tu t’habilles avec des vêtements neufs.
ET : C’est toi qui t’habilles avec des vêtements neufs.
PR : Je me réveille pour faire le petit-déjeuner.
Tu te mets à travailler sérieusement.
Il s’inquiète de votre retour.
Elle se maquille avec grand soin.
Nous nous asseyons sur le canapé.
Vous vous méfiez de son influence.
Ils se revoient toujours avec plaisir.
Elles se sont trompées de chemin pour venir chez moi.
Je m’appuie sur la rampe de l’escalier.
Tu t’étonnes de nous rencontrer ici.
Il se tait poux suivre la conversation générale.
Elle se porte bien depuis sa dernière maladie.

Jeu structural

Apportez aux verbes les modifications nécessaires par le changement de conjonction.


1. Ce passager a fait ses valises chaque fois que le bateau a fait escale.
Répétez.
Avant que… Dès que… En attendant que… Pendant que… Quand… Après que…
2. Le passager clandestin s’est inquiété en attendant qu’on soit au port. Répétez.
Avant que… Pendant que… Dès que… Jusqu’à ce que… Une fois que… Depuis que…

Extrait de manuel : Monique Boy, Formes structurales du français,


Hachette, 1969, p. 41.
Les limites de l’exercice tiennent ici au fait que les changements de
construction ne sont pas contextualisés et que le travail de systématisation est
organisé en soi. En ce temps-là, on voulait par une pratique régulière de la
langue installer des automatismes, la répétition étant de la sorte garante de la
mise en place de cette nouvelle habitude.
Un certain nombre de réserves ayant été posées, des auteurs se sont
efforcés d’inscrire le travail de systématisation dans un cadre d’échange
minimal, mais dans lequel l’implication de l’énonciateur permettait de donner
sens à l’usage de la forme. Ainsi de cet exercice extrait d’un ensemble portant
sur l’intonation expressive :

Mémorisation de la structure de la réponse


Écoutez et répétez une première fois immédiatement après la réplique :
S. Je suis venu, mais j’ai la grippe.
R. Mais alors, il ne fallait pas venir…
Commencez l’exercice :
1. S. Je suis venu, mais j’ai la grippe.
R. Mais alors, il ne fallait pas venir…
2. S. J’ai promis, mais je ne pourrai pas y aller.
R. Mais alors. Il ne fallait pas promettre…
3. S. J’ai dit oui, mais je ne le ferai pas.
R. Mais alors. Il ne fallait pas dire oui…
4. S. Je me suis inscrit, mais je n’irai pas.
R. Mais alors, il ne fallait pas s’inscrire…
5. S. Je l’ai acheté, mars je n’en ai pas besoin.
R. Mais alors, il ne fallait pas l’acheter…
6. S. J’ai insisté, mais je savais qu’il ne dirait rien.
R. Mais alors, il ne fallait pas insister…
7. S. Je suis sorti, mais j’ai la fièvre.
R. Mais alors, il ne fallait pas sortir…
8. S. J’ai accepté, mais ça ne me plaît pas du tout.
R. Mais alors, il ne fallait pas accepter…

Extrait de manuel : Monique Callamand, L’intonation expressive –


exercices systématiques de perfectionnement, Belc, 1973, p. 84.
Le principe de l’exercice structural est respecté :
– importance du rôle joué par la répétition ;
– existence d’une constante formelle pour l’ensemble des items ;
– présence d’un modèle à reproduire ;
– absence d’activités métalinguistiques.
En revanche, cette visée prend place dans un échange qui, si restreint qu’il
puisse être, donne sens à l’usage de cette forme, portant ici sur un schéma
intonatif.
Au-delà de ce rapide parcours, nous constatons combien la postérité de
l’exercice structural est grande. Aujourd’hui encore, dans de très nombreux
manuels, figurent des ensembles d’exercices qui ne sont ni plus ni moins que
des exercices structuraux, mais qui ne portent plus désormais cette
appellation. Les commodités d’élaboration et d’usage en rendent désormais
l’usage indispensable. Ce qui a changé tient à ce qu’ils ne disposent plus des
vertus qu’on leur prêtait en ce temps-là et que l’aura de scientificité qui les
entourait a disparu. Ils sont aujourd’hui rentrés dans l’ordinaire des pratiques,
sans que l’on s’interroge trop sur leurs qualités et leurs limites.
2. L’exercice de réemploi
L’exercice de réemploi demande à être signalé car il marque une étape
dans l’évolution des pratiques, notamment par rapport à l’exercice structural.
Ce dernier, fortement critiqué pour son caractère particulièrement formel,
avait du mal à dépasser l’étape de ce que l’on pourrait appeler la création
d’habitudes, ce que certains concepteurs appelaient aussi de façon plus rude,
un conditionnement.
Les approches structuro-globales audiovisuelles (SGAV) avaient ceci de
particulier de s’efforcer d’approcher la langue en situation, une image
représentant un échange entre locuteurs, accompagnée de l’audition d’un
enregistrement qui permettait d’appréhender le langage comme outil
d’échange. L’élève était invité à mettre en relation les éléments de la situation
présentée sur l’image avec l’énoncé oral entendu. Par des procédures
d’explication, complexes, il faut bien le reconnaître, les élèves pouvaient
ainsi déconstruire le bloc verbal entendu en ses éléments constitutifs, sur le
plan phonologique comme sur le plan lexical et syntaxique. Et au lieu de
dissocier la phase d’explication/compréhension de la situation dialoguée de la
phase de systématisation/consolidation, on proposa d’intégrer ce travail à
l’intérieur de l’avancée dans le dialogue, par des exercices qui ne se
contentaient pas de reprendre une construction hors contexte, mais
s’efforçaient de retrouver dans la phase de systématisation la logique de
découverte de la langue en situation.
Ainsi de ces deux exercices extraits de M.-T. Moget, Guide pédagogique
De Vive voix. Le premier consacré à l’utilisation des verbes réfléchis à
l’impératif. 6 items, le premier rappelle la construction abordée dans le
dialogue :

1. Le patron de l’hôtel est tout mouillé. Pierre voit qu’il n’a rien pour s’essuyer. Parlez.
– Tenez ! Prenez ce mouchoir ! Essuyez-vous la figure !
2. Vos mains sont toutes mouillées. Qu’est-ce qu’on peut vous dire ?
– Essuie-toi les mains !
– Essuyez-vous les mains !
3. Vous avez marché dans l’eau. Vous voulez entrer dans la maison.
– Essuyez-vous les pieds avant d’entrer.
4. Pilou et Cathie ont mangé du chocolat. Leur figure est pleine de chocolat. (laver)
– Lavez-vous la figure, tous les deux !
– Lave-toi la figure. Cathie !

5. Ils ont les mains toutes sales. (brosser)


– Brossez-vous les mains !
6. Ils n’ont pas lavé leurs dents, leurs mains.
– Lavez-vous les dents ! Lavez-vous les mains !
– Brossez-vous les dents ! les mains !

Extrait de manuel : M.-Th. Moget, Guide pédagogique De Vive voix,


Paris, Didier, 1972.
Chaque item propose une variation de situation qui appelle la reprise de la
construction avec cependant l’alternance -toi/-vous. Les variations de
situations entraînent des substitutions de pronom réfléchi. On réemploie une
même forme dans des situations de communication différentes. Dans
l’exercice suivant (S. Moirand, 1975), l’exercice est centré sur l’usage de la
locution tant mieux par opposition à tant pis, abordée précédemment.

A – Partir de l’image :
Jeannette : – J’ai fait un gros gâteau.
Lucien : – Tant mieux !
Rappel de tant pis – Tant pis. Les enfants iront à pied.
B – Se servir d’autres situations de la méthode.
P. – Mme Robin est malade. Vous demandez à son mari si elle va mieux.
E. 1 : – Votre femme est toujours malade ?
E. 2 : – Non, elle va bien aujourd’hui.
E. 1 : – Tant mieux !
P. – Jeannette a fait un gâteau. Mais Lucien n’a pas faim.
E. 1 : – Tu veux du gâteau ?
E. 2 : – Non, merci, je n’ai pas faim.
E. 1 : – Tant pis !
C – Passer à des situations hors méthode.
P. – Vous allez au cinéma. Vous demandez si le film est commencé.
E. 1 : – Pardon, Madame, le film est commencé ?
E. 2 : Non, pas encore.
E. 1 : Ah ! tant mieux !
P. – Vous allez avec un ami au cinéma. Vous n’avez pas d’argent.
E. 1 : – Dis, tu as de l’argent ? J’ai oublié mon porte-monnaie.
E. 2 : – Oui. j’en ai.
E. 1 : – Tant mieux !

Extrait de manuel : Sophie Moirand, L’animation grammaticale dans la


phase d’exploitation in Pratiques de la classe audio-visuelle au niveau 1,
VIC Didier, 1975.
La procédure de l’exercice de réemploi se caractérise par une mise en
situation qui fait apparaître :
– une relation d’échange entre locuteurs : Pierre et l’hôtelier, Pilou et
Cathie et leur mère ; Jeannette et Lucien, etc. ;
– une consigne sous forme d’un acte de parole proposé, explicitement ou à
l’implicite ;
– un contexte situationnel, destiné à rendre l’usage de la forme demandée
vraisemblable ;
– une logique d’échange qui en creux appelle la reprise de la forme.
On voit de la sorte se construire une évolution qui intègre le travail de
systématisation dans un traitement que l’on peut qualifier de communicatif de
la matière linguistique. L’intégration de l’exercice dans la démarche
d’élucidation de l’échange, ce que l’on appelait l’explication, permet de
donner plus de cohérence à l’apprentissage. En revanche, la mise en situation
de l’exercice se révèle particulièrement lourde, nécessite un apport
particulièrement important qui dans certains cas peut déborder les capacités
immédiates d’assimilation des élèves.
3. L’exercice de conceptualisation
Nous ne ferons qu’évoquer ici très brièvement cette forme d’exercice, non
pas dans la mesure où sa postérité pédagogique est très faible5, mais parce
qu’elle rend compte en même temps de perspectives de renouvellement ou
d’évolution fondées sur des propriétés de la langue qui échappent aux
grammaires que nous qualifierons de traditionnelles du français.
Conceptualiser consiste en effet à faire réfléchir l’apprenant sur le
fonctionnement de la langue et à exploiter les bases d’une intuition
linguistique pour le français en train de se construire. L’hypothèse de travail
se fonde sur le fait que l’apprenant dans les phases premières de
l’apprentissage a progressivement acquis les principes d’une combinatoire du
français, avec les restrictions qui y sont apportées. Il s’est donc intuitivement
bâti une représentation du fonctionnement de la langue que l’on va s’efforcer
de mettre à jour.
Cette approche proposée par H. Besse (1974) était conçue pour une suite
de dossiers méthodologiques, dits de niveau 2 en ce temps-là, Interlignes6.
H. Besse suggère la démarche suivante :
– un apport, en prenant appui sur des éléments présents dans le dialogue
proposé.
Une question posée par une femme :
– Que font les enfants ?
Son mari peut répondre :
– Ils travaillent dans leur chambre. (a)
Ou bien :
– Ils sont en train de travailler dans leur chambre. (b)
Une consigne : Y a-t-il une équivalence sémantique stricte entre ces deux
phrases ? À quelles conditions d’emploi répond l’usage de la construction
être en train de ? Les formulations adoptées par les élèves pourront bien
entendu varier.
Procédure :

Différentes manipulations vont être envisagées de manière à faire


apparaître le rôle des contraintes lexicales et contextuelles.
a) Mise à l’imparfait :
– Que faisaient les enfants quand tu es rentrée ?
– Ils travaillaient dans leur chambre. (a)
– Ils étaient en train de travailler dans leur chambre. (b)
(a) et (b) sont acceptables.
b) Mise au passé composé :
– Qu’ont fait les enfants aujourd’hui ?
– Ils ont travaillé dans leur chambre. (a)
– Ils ont été en train de travailler dans leur chambre. (b)

La réalisation (b) sera ressentie par certains apprenants comme non


acceptable. Ils devront proposer une explication susceptible de rendre compte
de cette restriction. Sous des formulations diverses, de la part des élèves, il
résultera que le passé composé a une valeur aspectale d’achevé qui est en
opposition avec la valeur durative de être en train de. On peut poursuivre
l’analyse dans la même direction en faisant utiliser être en train de avec
d’autres formes composées (plus-que-parfait, passé antérieur, futur antérieur)
pour aboutir à des conclusions identiques : les temps qui expriment
l’accompli excluent être en train de.
On peut encore s’intéresser aux expressions de temps qu’il est possible
d’utiliser après (a) et (b). Il apparaît ainsi que (a) accepte un grand nombre
d’expressions :
– Ils travaillent dans leur chambre depuis ce matin/ en ce moment / depuis
2 heures / tous les jours…
Alors qu’avec (b) des possibilités se révèlent très limitées :
– Ils sont en train de travailler dans leur chambre en ce moment
/maintenant.
Pourquoi ? Être en train de renvoie au moment de saisie du phénomène ou
du procès, saisie qui est simultanée de l’appréhension durative, ce qui exclut
certaines formes de repérage chronologique et fait apparaître comme
redondant l’usage d’expressions telles que en ce moment.
Dans le même ordre d’idée, quelles questions introduites par quand, depuis
quand ou jusqu’à quand peuvent convenir à (a) et (b). On peut, selon (a),
admettre ces différentes formulations :
– Quand ?
– Depuis quand travaillent-ils ?
– Jusqu’à quand travailleront-ils ?
sont acceptables, mais pas :
– Quand sont-ils en train de travailler ?
– Jusqu’à quand seront-ils en train de travailler ?
à la rigueur :
– Depuis quand sont-ils en train de travailler ?
On pourra encore examiner les classes de verbes qui peuvent fonctionner
avec être en train de. On peut de la sorte accepter :
– Ils sont en train de travailler/regarder la télévision/ranger leur
chambre…
mais non :
– Ils sont en train d’aimer.
Sauf contextes particuliers que l’on peut tenter de reconstituer. Aimer
renvoie à un état constitutif de l’être qui est en soi hors déroulement.
Ainsi par manipulations successives sur des phrases, les élèves peuvent
préciser les conditions effectives d’emploi de la construction être en train de,
en se fondant d’abord sur leur sentiment linguistique. La même procédure
peut être suivie pour toute autre construction dont on précisera de la sorte les
propriétés. Ce type d’exercice est prévu pour durer environ 30 à 40 minutes.
Nous n’irons pas plus avant dans la présentation de ce type d’activité qui,
cependant, offre cette particularité de ne pas faire travailler les élèves sur des
formes qui excluent certains contextes ou certaines transformations. La
répétition n’est pas ici la condition de réussite de l’activité comme dans
l’exercice ordinaire. La correction qui s’opère ordinairement en proposant la
réponse correcte face à une formulation inappropriée ne constitue plus ici la
seule démarche d’accès à la langue maîtrisée. Activité de réflexion de l’élève
par rapport à ses propres réalisations qui se fonde non plus sur les
descriptions grammaticales conventionnelles du français, mais sur la
recherche de contraintes qui lient la sémantique de la langue avec les
constructions ordinairement admises.
Une des limites de l’activité tient d’abord au fait que tous les publics ne
sont pas forcément motivés par un tel travail d’analyse. Cette activité de
résolution de problème, car il s’agit bien ici d’une activité de résolution de
problème et non de systématisation au sens classique du terme, peut convenir
pour des étudiants intéressés par le fonctionnement de la langue, moins
certainement pour des publics soucieux d’accéder le plus rapidement possible
à la maîtrise des usages de la langue.
Pour autant, faut-il s’en tenir à ce simple constat ? Geneviève Dominique
de Salins (1996) dans son ouvrage signale à la fin de chacun des chapitres un
certain nombre de réalisations fautives de la part d’élèves issus de différentes
langues. Ces réalisations sont ordinairement traitées selon une approche
associée à la grammaire contrastive. On sait que dans cette logique, un
traitement contrastif est fait pour rendre compte de ce que l’on appelle les
interférences et indiquer de la sorte à l’enseignant les points prioritaires à
traiter ou les zones probables de difficulté. Mais rien n’interdit à certains
moments d’envisager un traitement qui passe non par un simple
redoublement d’exercices de systématisation, mais aussi par un travail, même
modeste de conceptualisation.
4. Les exercices de traduction
Ces types d’exercices sont fréquemment utilisés par les enseignants de
français en contexte hétéroglotte, même s’ils ne font pas toujours l’objet de
recommandations officielles et sont bien évidemment absents des méthodes à
visée universelle, quand elles sont élaborées depuis Paris, par exemple, et
sont destinées à des publics et contextes d’enseignement les plus variés. Or
ces exercices, quand ils sont bien faits, permettent de mettre plus aisément en
contraste construction en français et construction en langue d’origine et de
reprendre sous une autre forme (mise en pratique de la langue et travail
réflexif y sont plus étroitement associés). Voir supra, p. 186, les exercices
proposés pour des apprenants japonais.
5. Approches communicatives et exercices
Les approches communicatives, dans leur forme plus ou moins
institutionnalisée, voient le jour dans le milieu des années 1970 et seront en
usage jusqu’à la fin des années 1980. Auteurs de méthodes et éditeurs auront
à cœur d’insister sur le caractère profondément communicatif de leur
production, comme si tout ce qui avait été produit jusqu’alors ne l’avait pas
été.
Sans entrer dans le détail de ces approches, ce qui nous éloignerait du cœur
de notre propos, signalons simplement ce qui peut les caractériser
positivement. Dans les approches antérieures, la compétence à acquérir était
définie à partir d’un matériau linguistique qui, de façon très globale, pouvait
correspondre à ce que l’on appelait un niveau 1 de compétence, c’est-à-dire le
français fondamental 1er degré. Et si le CREDIF, dans ses méthodes, avait eu
le souci de faire apprendre la langue en situation, d’où le recours à l’image
représentant des situations d’échange, il le faisait à l’intérieur de cette
enveloppe linguistique, dans une vision très générale de la langue. Or, dans
les années 1970 est publié par les soins du Conseil de l’Europe un ouvrage
qui fera date par la présentation d’une autre conception de la langue, Un
Niveau-Seuil (1976). La communication ne constitue plus un principe général
d’organisation et de visée des apprentissages, mais elle devient le cadre
constitutif de l’apprentissage qui va désormais s’organiser en événements de
communication, lesquels vont se traduire en une succession d’actes de parole
dans le cadre d’échanges variés, ces actes de parole se réalisant par la
mobilisation d’un certain nombre de ressources langagières.
Alors que dans les méthodes antérieures, la référence au Français
fondamental suffisait à établir le choix des formes linguistiques à introduire
dans la leçon, il convient désormais d’établir un répertoire des situations et à
partir de ces situations de définir les formes linguistiques qui ont la plus forte
probabilité ou plausibilité d’apparition. Ces choix n’ont jamais été clairement
explicités, même si des répertoires ont été créés pour mettre en relation
événements de communication et formes de la langue selon leur plus grande
utilité. La communication obéit à une logique qui diffère complètement de
celle de la langue, organisée selon une autre logique. La superposition des
deux pose toujours problème.
Point n’est besoin ici d’aller plus avant dans cette analyse, qui veut
simplement montrer la difficulté d’une entreprise qui ne peut trouver de
solution que dans un compromis pédagogiquement acceptable. Comment
dans ces conditions, concevoir des exercices qui pourraient trouver place
dans un apprentissage qui n’organise pas sa progression autour des formes de
la langue (en allant du plus simple au plus complexe, du plus facile au plus
difficile, du plus fréquent au moins fréquent) ?
L’examen de l’exercice suivant, extrait de la méthode Libre-Échange 2,
donne un exemple de ce que peut être une logique de l’exercice fondé sur la
mise en évidence d’un invariant et dans lequel la variation sera fondée sur des
changements de situation. L’invariant est ici constitué par la forme si +
présent, + futur, dans le cadre de l’expression de l’éventualité. L’économie
de l’exercice prend la forme suivante :
– un intitulé qui renvoie à une visée communicative (à condition), mais
aussi quelque part grammaticale ;
– une consigne formulée en termes communicatifs (vous acceptez une
proposition, mais vous donnez vos conditions), données associées à l’usage
de formes de la langue mises entre parenthèses (employez le futur, employez
si + présent) ;
– un exemple, pour expliciter le passage d’une formulation à une autre ;
– six items sous la forme de six situations différentes (mais similaires dans
leur logique communicative) qui constituent le stimulus.
Extrait de manuel : Libre-Échange 2, Didier, 1991, p. 41.

En réalité, sous cet habillage communicatif, se trouve une activité assez


classique de systématisation, fondée sur la reprise de la structure si + présent
dans l’expression de l’éventuel. L’avantage d’une telle démarche réside dans
le fait que le travail de systématisation prend place dans des situations que les
apprenants pourront pour partie retrouver dans les échanges réels. Le prix à
payer en revanche réside dans une certaine lourdeur de la mise en situation,
dans la nécessité, pour chacun des items, d’en appréhender le sens. Les élèves
pouvant s’inscrire dans cette logique d’apprentissage doivent faire preuve
d’une grande disponibilité à penser l’apprentissage de la langue dans cette
logique.
Alors que dans les approches de type SGAV, le travail de systématisation,
s’inscrit dans le cours de l’explication du dialogue, il retrouve ici la forme
plus traditionnelle de l’exercice faisant suite à une situation de départ, suivie
de tableaux grammaticaux. Les enseignants peuvent retrouver là une
démarche plus conforme à leurs usages professionnels. Mais on ne peut
qu’être sensible à l’effort entrepris ici pour associer de la façon la plus
cohérente possible l’appropriation d’une forme linguistique avec les
situations possibles d’usage.
6. Exercices et orientations méthodologiques :
un lien attesté ?
Quand on organise un parcours fondé sur une suite de choix
méthodologiques, l’envie est forte de le poursuivre jusqu’à son terme, c’est-
à-dire jusqu’à aujourd’hui, mais on sait qu’aujourd’hui sera le passé de
demain et donc une étape parmi d’autres. Or cette progression, si
harmonieuse qu’elle soit dans sa scansion apparente, ne vaut que pour les
moments de l’histoire de l’enseignement du FLE dans lesquels la recherche
de méthodologies nouvelles constitue une réponse aux besoins ressentis par
les publics. Mais c’est oublier les facteurs de continuité, ceux liés à
l’exercice, toujours difficile, d’un métier dont les conditions de réussite dans
la classe ne sont jamais pleinement assurées. À côté de ces exercices qui
prennent place dans un travail d’intense réflexion à la rencontre des théories
grammaticales et des logiques d’apprentissage, existent toujours des familles
d’exercices qui ont le caractère rassurant de ces formes d’activités depuis
longtemps en usage, portant sur des performances qui sont à la portée de
chacun et sur des thématiques dont la familiarité est le garant d’un
accomplissement aisé.
Christian Puren (1988) avait ainsi qualifié d’éclectiques ce type
d’approches, qui puisent à toutes sources et mêlent dans un joyeux
pragmatisme des activités de toutes origines théoriques et pratiques, d’autant
plus aisément que la plus large diffusion de la photocopieuse, associée
aujourd’hui aux ressources du net, permet de constituer de nouveaux
ensembles d’activités.
Aussi, serait-il aisé, nous ne le ferons pas ici car le fait est à ce point
répandu que sa description occuperait une place excessive, de montrer que
continuent à être en usage des exercices que l’on pourrait trouver dans les
différents volumes de la série Langue et civilisation de Gaston Mauger. Et
qui peut prétendre d’ailleurs que ces exercices ne soient pas, d’une certaine
manière, utiles aux élèves et aux enseignants ?
Les approches actionnelles, telles qu’elles ont été recommandées par le
Conseil de l’Europe dans le CECRL et qui ont d’ailleurs plongé bien des
enseignants dans des abîmes de perplexité, posent des problèmes proches de
ceux qu’ont eu à affronter les approches communicatives. Comment associer
en effet des approches actionnelles, fondées sur une représentation de
l’apprenant conçu comme acteur social, selon une logique de tâches à
accomplir, et l’exercice qui permet de travailler sur des composantes de la
compétence liées au système de la langue. Pour ce faire a été conçu, à côté
des tâches « pédagogiques communicatives » et des tâches « proches de la vie
réelle », des « tâches de pré-communication pédagogique constituées
d’exercices spécifiquement axés sur la manipulation décontextualisée des
formes. » (Rosen, op. cit. : 7)7.
Ce qui revient à dissocier le traitement du système de la langue par
l’exercice des autres formes d’apprentissage et toute la littérature associée à
la perspective actionnelle, à l’approche par la tâche, n’a pour ainsi dire pas
abordé la question dans la mesure où elle échappait à cette problématique et
renvoyait à des traitements de la langue, au sens large du terme, plutôt
conventionnels. Ce que l’on ne peut que regretter. C’est en effet considérer
que l’outillage grammatical, quelle que soit sa nature propre, constitue une
variable secondaire de l’apprentissage. La discrétion des auteurs du CECRL
sur ce point est d’ailleurs significative : « Un certain nombre de théories ou
de modèles concurrents pour l’organisation des mots en phrases existent. Il
n’appartient pas au Cadre de référence de porter un jugement ni de
promouvoir l’usage de l’un en particulier. » (CECRL, 2001 : § 5.2.1.2.).
Aussi ne s’étonnera-t-on pas de trouver dans des méthodes qui revendiquent
leur inscription dans la perspective actionnelle des exercices de français déjà
en usage dans les années 1960.
Incontestablement, un lien existe entre certaines grandes orientations
méthodologiques et les formes de l’exercice adoptées. La méthode directe,
soucieuse de faire acquérir le vocabulaire qui permet de rendre compte du
monde dans lequel on vit, par ce que l’on fait, par ce que l’on voit, s’en tient
à un traitement minimaliste de l’exercice centré sur la maîtrise des
constructions de base du français, de la conjugaison, de l’orthographe par le
moyen le plus souvent de questions-réponses. Dans les approches de type
audio-oral fondées sur l’acquisition des structures de base de la langue
française, l’exercice vise à assurer la maîtrise des constructions de base du
français, les variations étant liées à des changements de lexique à chaque
item. L’exercice structural y trouve sa forme de réalisation la plus accomplie.
L’exercice de réemploi, nous l’avons vu, constitue une forme de réaction à
des exercices décontextualisés au profit d’une approche des formes liées à
des situations d’usage, ce qui correspond parfaitement aux orientations des
démarches de type structuro-global audiovisuel. Les exercices dans les
approches communicatives se situent dans cette continuité. Mais il semble
bien que la recherche de formes de systématisation faisant écho à d’autres
orientations méthodologiques en soit restée là.
Mais ce lien, incontestable, ne permet pas cependant d’avancer que ces
choix méthodologiques permettent de produire de nouvelles familles
d’exercices, parfaitement cohérentes, dans leur organisation interne. Bien au
contraire, on ne manquera pas de constater, quelle que soit la méthodologie
considérée, que de nombreuses familles d’exercices sont toujours présentes,
dans leur forme la plus classique. La permanence de la procédure frappe plus
que son évolution. On se gardera en effet d’imaginer que les enseignants dans
les diversités de leurs lieux d’enseignement dans le monde ont
scrupuleusement suivi les orientations recommandées par de grands bureaux
d’études tels que le furent le BELC ou le CREDIF. Toutes sortes de
méthodes et de manuels étaient en circulation et les usages les plus
conventionnels, pour ne pas dire les plus traditionnels, étaient attestés.
Quelle interprétation donner d’un tel phénomène ? Conservatisme qui
prévaudrait dans le monde enseignant, au-delà des variations de pays et
d’époques ? Ou au contraire forte légitimité d’une pratique dont la cohérence
interne et la commodité d’usage l’emportent sur toute autre considération,
qu’il s’agisse du monde des enseignants, comme celui des publics d’élèves ?
Rappelons-nous que professeurs et élèves, sauf quelques rares publics
d’étudiants engagés dans des études de français à visée universitaire,
n’apprennent pas le français pour tester la validité linguistique ou cognitive
de telle ou telle forme d’apprentissage de la langue.

POUR RÉSUMER
• L’évolution des choix méthodologiques peut avoir une incidence sur la forme de
l’exercice retenue.
• Fortement marquée à partir des années 1960, sous l’influence des linguistiques
distributionnelles, l’évolution de l’exercice a été pour partie marquée par d’autres
orientations, celles valorisées par les approches communicatives par exemple.
• Il semble cependant que, dans la période contemporaine, par rapport à des évolutions
moins fortement différenciées qu’auparavant, l’exercice dans son organisation dispose
d’une autonomie qui le rend moins dépendant du cadre méthodologique dans lequel il prend
place.
• On peut cependant considérer que l’exercice structural, dans la diversité de ses formes et
de son habillage, a eu un effet modélisant non négligeable en permettant un traitement de la
langue fondé sur des manipulations variées, dont l’objectif est de mettre en place des
schémas d’usage spécifiques à la LE et non de reconnaître et nommer des formes
grammaticales.
• Mais on n’exclut pas dans la consigne d’établir une référence avec un savoir grammatical.

ON S’ENTRAÎNE ?

Voici une série d’exercices portant sur l’opposition style direct / style indirect. Pouvez-vous les
situer dans une orientation méthodologique particulière ? Sur quels éléments pouvez-vous
fonder votre choix ? Autrement dit, peut-on retrouver dans ces différents exercices un écho des
orientations méthodologiques qui ont pu prévaloir à un moment donné ?
CORRIGÉ

Nous avons vu à différents moments que l’enseignement du FLE s’est organisé autour
d’orientations méthodologiques sinon différentes, du moins variées. Méthodes de grammaire-
traduction, méthodes directes, méthodes audio-orales, méthodes structuro-globales
audiovisuelles, méthodes communicatives, méthodes éclectiques (voir Puren), méthodes
actionnelles dans les logiques d’action proposées par le Conseil de l’Europe.
Nous avons choisi des exercices qui vont de 1955 (exercice 4) à 2014, pour le plus récent
(exercice 2). Exercices qui abordent la même thématique, la transformation passive.
L’exercice 1, quelque part, fait écho aux approches communicatives en demandant aux élèves
d’inscrire la forme passive dans un contexte d’information plus large. L’exercice 2 est un
exercice classiquement structural (mais inscrit dans la thématique de la leçon). Même chose
pour l’exercice 3. L’exercice 4, le plus ancien, s’organise autour de manipulations
grammaticales qui visent aussi à faire travailler le passif autour de différentes formes
conjuguées. La préoccupation grammaticale semble ici l’emporter par la complexité des
opérations que l’élève doit engager.
Mais au-delà de ces distinctions, on s’aperçoit que les activités restent proches, dans leur forme,
quel que soit l’éclairage méthodologique, peu aisé à identifier d’ailleurs, ce qui tend à montrer
que l’exercice constitue un ensemble largement autonomisé.
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 6
• BESSE Henri (1985), Méthodes et pratiques des manuels de langue,
Didier / Credif.
• COSTE D. (1970), « Le renouvellement méthodologique dans
l’enseignement du français langue étrangère : remarques sur les années
1955-1970 ». In Langue française, no 8, 1970.
• COURTILLON Janine (1976), « Grammaire », in Un Niveau-Seuil,
Hatier/Didier.
• DE SALINS, Geneviève-Dominique (1996), Grammaire pour
l’enseignement / apprentissage du FLE, Didier/Hatier.
• PUREN Christian (1988), La Didactique des langues à la croisée des
méthodes. Essai sur l’éclectisme, CLE International.
• ROBERT J.-P., ROSEN E., REINHARDT C. (2011), Faire classe en
FLE : une approche actionnelle et pragmatique, Hachette, coll. F
• VIGNER Gérard (2015), « L’écrit et la langue. Quelles particularités ?
Quelles articulations ? », Études de linguistique appliquée, 179.
Notes
1. G. Vigner, 2015
2. Voir sur ce point le chapitre 1.6. dans H. Besse, 1985.
3. Voir D. Coste, 1970, E. Roulet, op. cit., G. Vigner, 1984, op. cit., H. Besse et R. Porquier, op. cit.
4. Voir J. Courtillon (1976) pour la détermination spatiale et Ludo Mélis (2003), sur la préposition, ses
propriétés et son usage.
5. En même temps que la didactique est une science fort oublieuse, notamment quand il est question de
mémoire récente, ce que l’on ne peut que déplorer, ce qui souvent conduit, sous des habillages
terminologiques contemporains et marqués au sceau de la plus immédiate modernité, à réinventer des
procédés déjà existants.
6. Ensemble conçu par le CREDIF mais qui ne fut jamais achevé.
7. Voir auss J.-P. Robert, E. Rosen, C. Reinhardt, 2011 : 138-147.
7

EXERCICES ET DESCRIPTIONS
GRAMMATICALES

Un exercice s’inscrit-il dans une description grammaticale particulière,


c’est-à-dire fait-il écho d’une manière ou d’une autre à un principe explicatif
se rapportant aux propriétés ou à l’usage d’une forme, ou bien par sa
mécanique rigoureuse, trouve-t-il plutôt son origine dans une démarche
d’apprentissage qui, pour partie indifférente aux choix descriptifs théoriques,
met l’accent sur une approche de systématisation fondée sur un principe de
répétition ?
Une certaine tradition pédagogique, notamment celle se situant dans la
mouvance de l’exercice structural, voudrait que l’exercice ne soit qu’un
simple mécanisme d’apprentissage, et faisant l’économie d’une explicitation
sous la forme de règle et d’un métalangage associé, se situe quelque part hors
d’un champ grammatical particulier.
Or, il n’en est rien. Toute mise en forme de la langue par l’exercice, en
isolant certains segments de la langue, en privilégiant certains types de
manipulation, fait le choix d’une description grammaticale particulière.
Question qui est loin d’être de pure forme dans la mesure où un élève venant
d’une autre langue et dans laquelle cette forme s’inscrit dans d’autres
schémas descriptifs, pourra être en difficulté devant une procédure d’exercice
qui ne correspond pas forcément à l’idée ou à l’intuition dont il dispose dans
sa propre langue.
Pour aller plus avant dans l’analyse de cette problématique, nous traiterons
d’abord de deux points grammaticaux, présents dans tous les apprentissages,
les usages du subjonctif et celui des temps du passé, puis nous poserons la
question des contextes de présentation des formes qui dans certaines familles
d’exercice peut, en faisant l’économie d’une réflexion plus attentive sur le
contexte d’usage de certaines formes et des valeurs grammaticales associées,
constituer une source de difficulté supplémentaire.
1. Les usages du subjonctif
Nous allons prendre ici comme exemple un point grammatical abordé dans
toutes les méthodes ou outils d’apprentissage, les emplois et formes du
subjonctif. Notre propos n’est pas ici de prendre position sur la pertinence de
ces différentes théories, mais de montrer en quoi des formes d’exercices qui
portent sur un point de langue, peuvent être source de préoccupation pour les
enseignants comme pour les élèves, dépendant sans que l’on s’en rende
toujours clairement compte, des descriptions grammaticales de référence.
Une certaine tradition grammaticale approche le subjonctif comme mode
de dépendance, ce que rappellent les auteurs de la Grammaire méthodique
du français :

D’un point de vue syntaxique, le subjonctif s’emploie le plus souvent dans une subordonnée
complétive, relative ou circonstancielle, et plus rarement en proposition indépendante. Il
apparaît en opposition à l’indicatif comme un mode de la dépendance.
M. RIEGEL et alii, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p. 321.

Et nombreux sont les exercices qui s’inscrivent dans cette logique qui fait
du subjonctif un mode dont l’usage est lié à certaines constructions
syntaxiques.
Par exemple :
Extrait de manuel : Patrick Guédon et Sylvie Poisson-Quinton, La grammaire du français B1, Éditions Maison
des langues, 2013, p. 49.

Mais les mêmes auteurs rappellent aussi que cette vision essentiellement
mécaniste de l’usage du subjonctif ne saurait rendre compte de l’ensemble
des usages et à cet effet rappellent brièvement l’analyse de G. Guillaume :

Comme le subjonctif est inapte à situer le procès dans une des trois époques (présent, passé,
futur) comme l’indicatif, il ne peut pas saisir l’idée verbale dans sa complète actualisation, mais
envisage celle-ci à un stade antérieur, en cours de génération. On l’emploie donc chaque fois
que l’interprétation l’emporte sur la prise en compte de l’actualisation du procès […].
M. RIEGEL et alii, Grammaire méthodique du français, PUF, 1994, p. 321.

La notion d’interprétation l’emporte ici sur celle de dépendance. D’autres


familles d’exercices correspondent ainsi à cette analyse des valeurs d’usage
du subjonctif. En effet, la difficulté d’enseignement du subjonctif tient au fait
que, en dehors de certaines règles de dépendance stricte, la diversité des
usages se traduit par un émiettement des règles, alors qu’il est de beaucoup
préférable de se référer à un principe d’unité. Ainsi, les auteurs de l’ensemble
La grammaire du français en 40 leçons et 201 activités, niveau B1, sont
obligés de consacrer une page entière intitulée « Le subjonctif : emplois et
déclencheurs » pour rendre compte de l’ensemble des usages.
Dans ces approches, comme dans celles présentées dans un grand nombre
d’autres méthodes, les deux grands principes rapportés par les auteurs de la
Grammaire méthodique du français, sont pour l’essentiel repris par les
concepteurs d’exercice, ces deux grands principes étant toujours d’actualité, y
compris en FLM. On peut bien évidemment aborder les usages du subjonctif
à partir des fréquences d’emploi. On voudra bien se remettre en mémoire les
recommandations déjà fortes anciennes de G. Gougenheim et de l’équipe du
français fondamental :

On enseignera le subjonctif (présent et passé) que dans certaines tournures limites après les
expressions : avant que, pour que, avoir peur que, il faut que, vouloir que.
Georges GOUGENHEIM et alii., L’Élaboration du français fondamental 1er degré, Didier, 1964,
p. 221.

Il est encore précisé dans le même ouvrage que le subjonctif sera enseigné
après falloir, vouloir que, avoir peur que, pour que et avant que, ce qui nous
inscrit dans une approche du subjonctif comme mode de dépendance.
Dans son ouvrage consacré au traitement du subjonctif en FLE1, Marie-Eve
Damar rapporte des études de fréquence qui vont dans le même sens (pp.
206-207) et qui permettent de travailler sur un nombre restreint de formes à la
rentabilité fonctionnelle élevée.
P. Le Goffic, dans son ouvrage Grammaire de la phrase française2,
propose de son côté le schéma d’analyse suivant :

Une complétive au subjonctif se rencontre après trois groupes de verbes (parallèles aux groupes
de verbes admettant une complétive à l’indicatif) : verbes marquant un lien logique entre deux
faits (nécessiter), un « mouvement de l’âme » (craindre, vouloir), une action sur autrui
(commander).
P. LE GOFFIC, Grammaire de la phrase française, Hachette, 1993, p. 252.

Plus loin, il précise encore :

La différence entre les modes réside non dans la certitude ou le doute dans l’esprit du locuteur,
mais dans le statut du procès de la subordonnée :
Indicatif : assertion, statut de fait ;
Subjonctif : non assertion, situation envisagée sous l’angle indiqué par le verbe introducteur.
P. LE GOFFIC, Grammaire de la phrase française, Hachette, 1993, p. 254.

Nous sommes plutôt ici dans une explication fondée sur le principe
d’interprétation qui fonde d’une part l’usage du subjonctif sur la valeur de
sens du verbe qui, dans la principale, gouverne la complétive, mais aussi qui
fonde aussi le choix du mode sur le statut du procès dans la subordonnée.
Distinction délicate, difficile à préciser et demande de la part de l’apprenant
en FLE une bonne capacité à saisir ces différentes nuances de sens.
M. E. Damar (op.cit.) propose en ce qui la concerne une théorie permettant
de rassembler la diversité apparente des usages sous un principe théorique
explicatif général, celui d’ancrage qui : « relie le procès du verbe au repère
Moi-ici-Maintenant de celui qui parle » (p. 209), et permet de rendre compte
notamment des emplois avec les verbes d’opinion (l’information principale
est contenue dans la proposition principale, comparons ainsi je pense qu’il
viendra et je ne pense pas qu’il vienne ou encore je suis sûr qu’il viendra et
je ne suis pas sûr qu’il vienne) et de son usage avec certaines conjonctions à
valeur circonstancielles. Ce qui pourrait se retrouver dans les interactions
suivantes :
– Il viendra ? C’est sûr ?
– Je suis sûr qu’il viendra.
– Il viendra ? Qu’est-ce que tu en penses ?
– Je ne pense pas qu’il vienne.
et donner lieu à des mises en exercices correspondantes.
Le choix de ce schéma explicatif peut-il donner lieu à des formes
d’exercices qui par elles-même donneraient un éclairage différent ? Ce n’est
pas complètement impossible. On peut ainsi penser qu’un exercice comme
celui-ci, en appelant une transformation dans laquelle l’apport est constitué
d’un énoncé qui met l’accent sur la consigne, que l’on doit reformuler en un
énoncé comportant le subjonctif peut correspondre à ce principe d’ancrage,
l’usage du subjonctif correspondant à la volonté de mettre l’accent sur le
point de vue énoncé et non sur l’événement qu’il commente :
Extrait de manuel : Patrick Guédon et Sylvie Poisson-Quinton, La grammaire du français B1, Éditions Maison
des langues, 2013, p. 51.

En revanche, une progression dans le traitement de ces différentes formes


selon des valeurs de sens éclairées d’abord dans le contexte de présentation,
permettra aux élèves d’intérioriser progressivement les conditions d’emploi
du subjonctif (en opposition à l’infinitif et à l’indicatif) sans passer par des
explications trop longues et trop complexes. On peut suggérer que soient
présentées en premier lieu des activités fondées sur le principe de
dépendance, elles-mêmes liées à la fréquence, puis celles relevant du principe
d’interprétation, verbes de sentiments ou d’appréciation, dans la logique des
« mouvements de l’âme » présentés plus haut, enfin, parce que nécessitant
une analyse plus fine de ce qui constitue le principe d’ancrage, des exercices
appelant à distinguer les constructions avec les verbes d’opinion, selon la
mise en évidence de l’information principale, dans la principale ou dans la
complétive.
2. Les temps du passé
L’apprentissage d’un bon usage des temps du passé est, on le sait bien, un
point de difficulté pour les apprenants comme pour l’enseignant, en FLE
comme en « langue maternelle ». La diversité et la complexité des paramètres
intervenant dans le choix d’une forme verbale appropriée pour rendre compte
de la notion de « temps » en français est telle que toute activité de
systématisation semble omettre un élément spécifique et se traduit par
l’existence de contre-exemples qui invalident la règle que l’on tente de mettre
en place, soit explicitement, soit par le moyen d’activités à finalité
métalinguistique comme l’exercice.
Partons de deux descriptions grammaticales pour en examiner les
retombées possibles en matière d’exercices.

2.1. Temps du passé et dimension narrative

Parmi les principes explicatifs les plus fréquemment convoqués pour


rendre compte des contraintes et valeurs d’usage de ces formes, figure la
référence à la dimension narrative d’un événement rapporté, notamment dans
les grammaires scolaires, les grammaires savantes étant plus nuancées en ce
domaine. On distingue :
– un imparfait à valeur descriptive, pour la représentation du cadre de
l’action, au second plan du récit, mais aussi expression d’actions répétées ;
– le passé simple/passé composé pour la restitution d’actions,
d’événements, des faits achevés qui prennent place par rapport au cadre de
l’action, qui se situe au premier plan du récit, le passé simple étant le temps
de l’écrit ;
– le plus-que-parfait, avec restitution d’un événement avec valeur
d’accompli, antérieur au moment de l’action déjà présentée dans le passé.
On notera que l’on combine deux notions, celle de positionnement narratif,
mais aussi celle d’aspect, discrètement évoquée en général, car à la différence
d’autres langues, slaves ou sémitiques, elle ne dispose pas en français d’un
système propre de marques. Les exercices que l’on peut proposer auront pour
visée de familiariser les élèves avec les valeurs d’usage de ces temps selon
leur fonction dans le récit. Par exemple :
Extrait de manuel : Entrée en matière, Hachette, 2005, p. 85.
Extrait de manuel : Latitude 1, Didier, 2008, p. 134.

Activités qui se présentent sous la forme d’exercices à dominante


morphologique dans lesquels les élèves auront à mettre le verbe au temps qui
convient (passé composé ou imparfait) et à la forme conjuguée ou encore de
transformations obligeant à opérer un choix dans le temps des verbes (Entrée
en matière).
On peut penser que la mise en contexte de ces activités permettra aux
élèves d’établir le lien entre le choix de la forme, imparfait ou passé
composé, et les fonctions ainsi assumées dans le cadre du récit, narration
et/ou description.
On observera cependant que pour Entrée en matière, le choix de la bonne
forme est lié à une réflexion de nature grammaticale : « Quand emploies-tu le
passé composé ou l’imparfait ? », ce qui présuppose que les élèves aient
dépassé le stade d’une pratique purement intuitive de la langue.
Dans Latitude 1, figure entre les deux exercices un bref développement
grammatical, entre un texte support, destiné à présenter l’usage des temps en
situation et un exercice plus classique de choix de la bonne forme.
Dans Agenda 2, la dimension explicitée de l’apprentissage prend une place
plus importante, un encadré et des exercices qui sont en quelque sorte des
exercices d’application, dans une progression qui va en 1. d’un exercice à
forte contrainte, à 2. et 3.
À des activités plus ouvertes, de portée restreinte, mais qui relèvent plus de
la tâche dans sa dimension actionnelle, que de l’exercice à proprement
parler :
Extrait de manuel : Agenda 2, Hachette, 2011, p. 96.

Et au fur et à mesure que l’on monte en complexité dans les performances


visées (passage au B2), la dimension expositive l’emporte sur l’exercice
proprement dit, selon une démarche plus classique, un support de
présentation, un texte de lecture, un exposé assez développé des règles,
toujours selon un schéma explicatif de type narratif, et un bref exercice
d’application.
Le choix des auteurs est ici de travailler sur l’usage du passé simple dans
une écriture plus littéraire, avec ce jeu de mots « les passés littéraires » :
Extrait de manuel : Alter Ego B2, Hachette, 2015, p. 57.

On peut aisément constater que ce choix d’un principe explicatif fondé sur
la référence au récit est largement répandu, les ouvrages en usage dans les
classes de français langue maternelle y font d’ailleurs fréquemment référence,
et engendre des formes d’exercices très proches les unes des autres, des items
présentant des phrases qui alternent soigneusement narration et description,
l’élève ayant à chaque fois à mettre le verbe, présenté à l’infinitif au temps
approprié. La performance prend place ici, pour des raisons de choix dans la
description grammaticale de référence, dans des micro-récits de type
essentiellement scolaire.

2.2. Temps du passé et approche notionnelle/énonciative

Changeons de référence et adoptons une approche, lointainement inspirée


de G. Guillaume (Temps et verbe, 1929), abordée par Bernard Pottier (1974),
reprise par Jeanine Courtillon dans sa Grammaire notionnelle3, approche qui
s’efforce de distinguer, derrière l’étiquette métalinguistique de temps, les
différentes valeurs de sens associées, ce qui justement rend l’usage délicat.
Les valeurs de sens liées à la notion de temps d’un verbe sont les
suivantes :
– valeur d’époque : présent, passé, futur ;
– valeur d’aspect : accompli / en cours d’accomplissement ;
– valeur d’ancrage : hors ancrage chronologique / ancré
chronologiquement, c’est-à-dire situé ou non dans un moment ou dans une
période donnée.
C’est la combinaison de ces différentes valeurs, liée à l’intention de
communication du locuteur, qui dicte le choix en français de la forme
temporelle appropriée. Chacune de ces valeurs ne peut pas être isolée
formellement et donner lieu, comme dans d’autres langues – on peut penser
ainsi aux langues slaves pour ce qui est des valeurs d’aspect – à l’élaboration
d’un paradigme propre4. Ces valeurs de sens peuvent être récapitulées dans le
tableau suivant5 :
Le passé composé, on le sait bien, constitue d’ailleurs la forme la plus
délicate à utiliser, car il peut aussi bien être utilisé avec une valeur d’époque
de passé « le vent a soufflé fort hier », que l’être avec une valeur de présent,
dans une vision d’accompli « le vent a soufflé fort aujourd’hui ». En même
temps son usage intensif à l’oral pour exprimer un événement passé « Je suis
allé au cinéma, puis je suis rentré à la maison » inscrit la vision de
l’événement par rapport au moment de l’énonciation. Toute la difficulté dans
l’usage des temps verbaux en français tient à ce qu’une même forme, présent,
imparfait ou passé composé, peut s’inscrire dans des schémas très différents
de représentation d’un événement et non se limiter à la seule alternance
narration/description. Et comme toutes ces valeurs ne sont pas
grammaticalisées en français, des indicateurs temporels variés (hier, demain,
à 20 heures, autrefois, quand je faisais mes études, etc.) sont nécessaires pour
en préciser les valeurs de sens. Des exercices à forme communicative (voir
infra) se révèlent indispensables pour faire apparaître le lien entre les
éléments de situation et le choix de la bonne forme.
On peut, si l’on souhaite se situer dans cette logique, et si l’on veut aider
les élèves à avancer dans la complexité de cet univers sémantique et
morphologique, envisager certaines suites d’exercices qui permettront de
distinguer ces différentes valeurs et leur articulation réciproque par rapport au
choix de la forme verbale.

1. Sur la distinction action en cours / action accomplie dans le présent :

– Pierre a un malaise, il faut faire quelque chose !


– Pas de problème, …

– Pierre a un malaise. Tu as fait quelque chose ?


– Sois rassuré, …

– Est-ce que je peux parler à votre mari ?


– Non, …

– Est-ce que je peux parler à votre mari ?


– Oui, …

– Je peux voir Pierre, j’ai quelque chose à lui demander ?


– Non, …

– Je peux voir Pierre, j’ai quelque chose à lui demander ?


– Oui, …
– Tu viens à table, le repas est prêt !
– Non, attends un peu …

– Tu viens à table, le repas est prêt !


– Oui, j’arrive …

2. À la distinction accompli/accomplissement, on ajoute la distinction avec


ancrage temporel/sans ancrage temporel :

– Quelle belle journée nous avons eu !


– C’est vrai, aujourd’hui …

– Quelle journée nous avons aujourd’hui.


– Oui, …

– Tu penses que nous allons avoir beau temps là où tu veux nous emmener ?
– Oui, …

3. On reprend ces différentes distinctions en modifiant la valeur


d’époque :

– Quel froid, il fait aujourd’hui !


– Hier …
– Et quel temps vous avez eu pour votre promenade d’hier ?
– Hier, …

4. On introduit alors la variable sans ancrage temporel :

Reste bien évidemment la distinction passé composé / passé simple dans le


texte écrit. La vulgate grammaticale nous dit que le passé simple, temps de
l’écrit (ce qui est vrai) se substitue au passé composé en usage à l’oral (ce qui
est moins sûr). Or le passé composé peut être utilisé à l’écrit pour restituer un
événement dans une époque passée, dans une vision d’action accomplie.
Toutefois, il existe des nuances de sens qui ne seront pas forcément traitées
dans le cadre d’exercices au caractère trop réducteur :

(1) Lors de son dernier passage à Paris, il a visité les salles du Louvre récemment
ouvertes.
(2) Lors de son dernier passage à Paris, il visita les salles du Louvre récemment ouvertes.

En (1), le passé composé représente l’événement dans sa seule vision


d’accompli, on est plutôt dans l’ordre du constat, alors qu’en (2), le passé
simple comporte, si peu que ce soit, une valeur d’action en cours
d’accomplissement. On est plutôt dans le domaine du récit.
Ensuite, il sera possible d’aborder les oppositions imparfait / passé
simple ou imparfait / passé composé, selon les situations d’énonciation
oral/écrit.
Une telle série d’exercices, qu’il conviendrait de situer à l’intérieur d’une
méthode, ne peut être abordée en une seule fois, mais selon un traitement
progressif de façon à ce que les élèves s’imprègnent de ces différentes valeurs
et apprennent à les retrouver derrière un choix limité de formes verbales.
Existe-t-il un lien entre la forme de l’exercice et la référence grammaticale
sur laquelle on s’appuie pour permettre aux élèves d’accéder à un usage plus
sûr de ces différentes constructions ? Bien évidemment. On aura remarqué
combien ici l’usage des temps du passé trouve sa logique d’usage dans une
dimension énonciative. C’est le point de vue du locuteur, dans sa façon de
représenter un événement passé, qui dicte le choix des formes (et non la
nature même de l’événement dans ses différentes dimensions descriptives et
narratives). La première référence (passé et récit) induit des formes
d’exercices spécifiques (voir infra), alors qu’un traitement de nature
notionnelle/énonciative, centré sur l’énonciation, induit d’autres formes :

Ces deux approches ne sont pas exclusives l’une de l’autre. Chacune reste
pertinente dans son champ d’intervention. Disons même qu’elles peuvent
s’articuler l’une par rapport à l’autre dans la mesure où elles correspondent à
deux usages de la langue, le traitement énonciatif pouvant même précéder
l’approche des temps du passé par le récit.
La tradition française en matière d’enseignement du français a toujours fait
de la référence à la grammaire un point important de son organisation et de sa
réflexion. Tradition qui n’a pas manqué de contaminer, si l’on nous permet
l’expression, l’enseignement du français aux étrangers, alors même qu’une
autre tradition grammaticale s’était progressivement constituée (voir
P. Swiggers, 2007) à partir du travail de maîtres de langue qui enseignaient le
français dans toute l’Europe. L’influence prise par ce que le chercheur André
Chervel a appelé la deuxième grammaire scolaire est incontestable et a
marqué durablement, et aujourd’hui encore, la dimension grammaticale de
l’enseignement du français. Il suffit à cet égard de considérer les tableaux
grammaticaux présents dans les méthodes pour s’en persuader. Prédominance
de la morphologie, de la conjugaison, de la construction de la phrase simple,
de la transformation passive, de l’introduction de la proposition relative, de
l’usage des pronoms personnels, bref rien qui ne choque celui ou celle qui est
attaché(e) à ce que l’on a appelé de façon plutôt péjorative la grammaire
traditionnelle et qui en définitive a assez bien résisté aux coups de boutoir des
linguistiques modernes. Considérons d’ailleurs que cette grammaire
traditionnelle, et André Chervel l’avait bien montré dans sa thèse, comportait
une dimension orthographisante majeure qui correspondait bien aux attentes
d’un enseignement primaire qui dans les débuts de la IIIe République allait
faire de la maîtrise de l’écrit un objectif majeur de formation. Même si cette
priorité n’a guère de sens dans les apprentissages du FLE, la tradition est
restée et l’on fait avec, au grand désespoir de tous ceux qui, mieux informés
des avancées de la recherche en grammaire, disposant d’une connaissance
plus précise de ce que certaines descriptions grammaticales offrent en matière
d’explication, regrettent que ces apports ne passent pas dans les
apprentissages.
En fait la dimension grammaticale des apprentissages peut se situer à trois
niveaux :
1. Un premier niveau qui relève de ce que l’on appelle la grammaire
intériorisée, celle qui permet à l’apprenant de se construire une intuition
linguistique, grâce à quoi il pourra définir une zone d’acceptabilité de
certaines productions linguistiques. Cette intériorisation s’opère par
exposition de l’apprenant à un certain nombre de situations d’échange, de
reprise de formes et de corrections de l’enseignant (sans passer forcément par
un quelconque commentaire grammatical). L’apprenant repère
progressivement un certain nombre d’invariants dans la L2, par rapport à sa
langue d’origine. Travail fondé sur des tâtonnements, des reprises par essais-
erreurs, mais qui constitue un début d’entrée dans le nouveau système
langagier auquel il est confronté.
2. Un second niveau, qui s’appuie sur un travail de systématisation, par
le moyen d’exercices, de formes et de natures variées. La répétition associée
à une variation proposée dans l’exercice permet de s’approprier certaines
constructions nouvelles, pensons par exemple à celle du comparatif ou à
l’interrogation indirecte. Exercices qui, nous l’avons vu, peuvent soit faire
usage d’un métalangage, soit se contenter d’un traitement implicite.
3. Un troisième niveau, celui de la référence à une description
grammaticale qui peut prendre la forme d’un tableau (de conjugaison par
exemple), d’une série d’exemples commentés, de l’énoncé d’une règle.
Apprentissage fondé ici sur une description grammaticale explicite.
Trois façons d’approcher le système de la langue, sachant cependant, et
nous venons de le constater, que l’exercice, même dans un traitement
implicite d’organisation de la langue, n’est autre chose que de la grammaire
en action, en pratique, et que la référence à une théorie grammaticale joue,
implicitement, sur l’organisation de l’exercice. Il ne peut donc exister
d’exercice sans référence à une description grammaticale particulière. La
preuve inverse tient à ce que les domaines non encore traités dans les
grammaires, et ils sont nombreux, ne donnent pas lieu à un travail de mise en
exercice. Le domaine sera abordé par des activités d’expression, de lecture ou
d’écriture.
En même temps, puisque tout exercice renvoie à un description
grammaticale, encore faut-il se poser la question de savoir si cette
description, dans sa logique propre, est accessible aux élèves. Ainsi de l’ordre
des mots dans le groupe fonctionnel, qui pour des élèves venant de langues
flexionnelles, n’aura pas le statut d’évidence qui peut être le sien pour des
élèves qui font usage d’une langue appartenant à la même famille linguistique
que le français. Pour un élève venant de langues qui ne connaissent ni la
proposition relative, ni le pronom relatif, l’exercice de transformation qui
consiste à fusionner deux phrases de manière à éviter la répétition et donc à
faire usage du pronom relatif, posera certainement des problèmes particuliers
que le simple traitement par un exercice structural ne parviendra pas à
résoudre immédiatement.
La forme de l’exercice n’est que faiblement reliée à la nature de la
description grammaticale, encore que, pour ce qui est des temps du passé, un
exercice de type question-réponse peut mieux convenir quand la réponse de
l’analyse de la situation d’échange, les éléments de contexte étant là pour
orienter le choix de la forme, notamment quand les valeurs de sens ne
disposent pas d’une traduction en matière de marques grammaticales.
Tout exercice s’appuie sur une description grammaticale. À laquelle se
réfère-t-on ? Existe-t-il d’autres descriptions et quelles formes d’exercices
nouvelles pourrait-elle engendrer ? Cette description fait-elle sens pour
l’élève par rapport à celles en usage dans sa langue d’origine ? Telles sont les
questions qu’il est bon de se poser avant d’élaborer des suites d’exercices, sur
un ensemble grammatical donné ou de sélectionner des exercices dans un
manuel, un recueil ou sur le net.
3. Formes de la langue et environnement langagier
La langue, dans la tradition grammaticale, est approchée à partir
d’exemples. Exemples destinés à fonder la pertinence de la définition, de la
sélection du niveau d’analyse. Faut-il y retrouver la fonction de l’exemplum
dans le discours argumentatif ? L’exemple, dans sa forme la plus courante,
est un énoncé présenté dans une réalisation minimale, la plus courte possible,
ceci pour ne pas détourner l’attention de l’apprenant vers des environnements
langagiers trop complexes qui en quelque sorte noieraient la forme sous la
profusion langagière et lexicale. L’exemple est donc un énoncé paradoxal en
ce sens qu’il doit présenter la forme dans un contexte suffisamment éclairant,
sinon ce serait une pure algèbre linguistique, mais pas trop développé non
plus, pour faciliter la perception de la forme dans une réalisation donnée.
Pour autant, et il est bon de le signaler, la forme de l’exemple peut varier.
L’exemple peut être emprunté à différents auteurs, garants de la sorte du bon
usage, ou bien être fabriqués aux fins de la démonstration et de correspondre
aux usages contemporains les plus ordinaires.
Cette tradition, fortement ancrée dans les usages, savants ou d’application,
a pour conséquence, dans l’élaboration et la pratique de l’exercice, de
sélectionner des supports qui soient les plus courts possibles. Et dans
certaines familles d’exercices, la brièveté formelle du support ne pose pas de
problèmes particuliers. Par exemple :

Extrait de manuel : Grammaire du français, Focus, Hachette, 2015, p. 133.


3.1. Du contexte restreint au contexte d’usage : trois
articulateurs, parce que, puisque, car

Toutefois, dans un certain nombre d’autres cas, la brièveté du contexte ne


permet pas de faire apparaître les raisons qui sont à l’origine du choix d’une
forme plutôt que d’une autre. La dimension sémantique de la forme a besoin,
pour être éclairée dans les raisons de sa sélection, d’être reliée à un contexte
plus large. Prenons comme premier exemple, l’expression de la relation de
cause avec les trois articulateurs : parce que, puisque, car. Les exemples les
plus ordinairement proposés sont de la forme :

Il n’est pas venu parce qu’il pleuvait


Il n’est pas venu car il pleuvait
Il n’est pas venu puisqu’il pleuvait

Ce qui laisse sous-entendre que les trois formes sont substituables. Et


d’une certaine manière, elles le sont, même si l’une, d’un point de vue
grammatical, est considérée comme une conjonction de coordination car,
alors que les deux autres sont des conjonctions de subordination. Ces trois
articulateurs mettent en relation des éléments de phrases qui ne se situent pas
à un même niveau de dépendance. Mais pour un locuteur allophone, ces
subtilités grammaticales peuvent échapper, et laisser entendre que l’on est en
présence de trois formes au service d’une même relation logique, sans que
l’on s’interroge sur les conditions d’usage de chacune d’entre elles. Les items
des exercices sont en effet constitués sur la base d’exemples grammaticaux6.
Dans tous les cas, le choix d’un exemple susceptible d’être compris sans
référence à un contexte d’énonciation particulier, pour des raisons de
commodité pédagogique, a pour effet de sélectionner des phrases dans leur
réalisation minimale, ce qui neutralise des conditions de production de
l’énoncé et donc les valeurs de sens liées au choix des articulateurs en
question.
Les conditions d’usage sont les suivantes :
• Parce que établit une relation de dépendance très étroite entre A et B. B
constitue l’élément essentiel d’information de l’énoncé. À la limite même, la
présence de A n’est pas indispensable :
Pourquoi est-ce que tu ne m’as pas appelé hier soir ?
Parce que j’étais fatigué.

• Car introduit une justification, une explication B par rapport à un élément


A qui pourrait fort bien se suffire à lui-même :

À quelle heure es-tu rentrée ?

On peut se satisfaire d’une réponse telle que :

Je suis rentrée à minuit passé.

Comme on peut éprouver la nécessité d’ajouter :

Je suis rentrée à minuit passé, car j’ai eu du mal à trouver un taxi.

A et B ne font pas l’objet d’une saisie globale.


• Puisque. Dans une relation A puisque B, B reprend un argument déjà
énoncé par l’interlocuteur ou connu de lui ; « puisque » peut alors servir à
imposer A à l’interlocuteur :

Je n’ai pas envie de sortir ce soir.


Puisque tu n’as pas envie de sortir, restons ici ensemble.

Ce que l’on appelle la relation causale ne peut donc être appréhendé qu’en
situation, dans un échange entre deux locuteurs. La mise en exercice doit
donc faire apparaître le contexte de l’échange pour éviter que l’apprenant ne
croie que l’on est en présence de trois formes substituables. On pourra ainsi
proposer des mises en exercice telles que :
Exemple 1 :

Sur le modèle suivant, présentez l’explication demandée :


1. – Carmen, pourquoi est-ce que tu ne veux pas que les enfants aillent assister au match
France-Espagne ?
– Parce que j’ai peur des supporters qui sont très violents.
2. – Pourquoi est-ce que tu ne veux pas travailler avec Samir ?
– (Samir est toujours de mauvaise humeur.)
3. – Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que Jérôme vienne avec nous au cinéma ?
– (Jérôme est toujours en retard.)

4. – Pourquoi est-ce que tu ne veux pas venir faire les courses cet après-midi avec nous ?
– (Il y a trop de monde.)
5. – Pourquoi ce film n’a-t-il pas eu beaucoup de succès ?
– (Le scénario était mal fichu.)

Exemple 2 :

Sur le modèle suivant, vous justifiez une demande ou une proposition :


Je vais faire un tour. Je serai là dans une demi-heure.
Puisque tu vas faire un tour, tu peux nous ramener deux baguettes de pain.

1. – Ça y est, j’ai fini mon devoir de français.


……………………., est-ce que tu peux me prêter ton dictionnaire de français.
2. – J’ai oublié de prévenir mes parents. Ils ne viendront pas me chercher avant six
heures.
………………………, nous irons faire une petite promenade ensemble.
3. – L’eau de cette source a été analysée.
………………………., nous pouvons la boire sans risque. J’ai très soif.
4. – Ça y est, nous avons fini nos devoirs.
………………………., vous pouvez aller jouer devant la maison.
5. – Tu sais, je n’aime pas le rap.
……………………….., tu ne viendras avec nous au concert.
Exemple 3 :

Répondre à la question suivante en utilisant car ou parce que :


1. – Qui veut venir avec moi à la bibliothèque municipale changer les livres ?
……………………….. (je dois être rentré à la maison pour cinq heures et demie).
– Pourquoi est-ce que tu ne veux pas venir avec moi changer les livres à la bibliothèque
municipale ?
………………………… (je dois être rentré à la maison pour cinq heures et demie).
2. – Alors, vous avez aimé ce film ?
…………………………………….. (la séance a été annulée au dernier moment).
– Pourquoi n’êtes-vous pas allés voir ce film ?
…………………………………….. (la séance a été annulée au dernier moment).

L’apport ne prend pas ici la forme d’une phrase à compléter, mais d’une
question dont le sens induit le choix de la forme appropriée, ce qui suppose
bien évidemment que dans les phases antérieures d’apprentissage, l’élève ait
eu la possibilité de découvrir les valeurs de sens et les contextes d’usage
associés aux formes en question. L’exercice, dans son organisation, doit
proposer à l’élève un ensemble d’éléments d’information qui lui permettront
d’opérer le choix avec toute la pertinence nécessaire.

3.2. Un usage et ses restrictions : la transformation passive

La transformation passive constitue une des formes du français qui donne


lieu à de très nombreuses familles d’exercice, pour des raisons aisément
compréhensibles. La notion de transformation passive permet en effet de
procéder à des transformations de phrase dont la régularité de fonctionnement
rassure aussi bien l’enseignant que l’élève, phrases dont le verbe est construit
avec un complément d’objet direct. Un très grand nombre de verbes, les
verbes transitifs directs, admettent une construction passive. Cependant, il
existe de nombreuses restrictions liées tout à la fois au sémantisme du verbe,
ainsi qu’à la nature des acteurs, sujet ou complément, impliqués. Une série de
verbes tels que voir, regarder, observer, examiner admettent plus ou moins
des passivations selon la nature de la transformation opérée sur l’objet par le
sujet. On dira plus volontiers : Les pointes de flèche ont été examinées par les
archéologues, que Marie a été vue par Pierre7.
Ces restrictions, ou particularités, qui ne sont pour ainsi dire jamais
enseignées à l’école auprès de locuteurs natifs (élèves de l’école primaire ou
du collège), sont pourtant parfaitement intégrées dans les usages et relèvent
de l’intuition linguistique du locuteur qui, au contact des usages, s’est
progressivement constituée et enrichie8. Toutefois, un locuteur allophone,
faute d’une exposition suffisante à la langue française, initialement au moins,
a besoin d’être familiarisé avec ces différentes restrictions de façon à ce qu’il
puisse opérer des choix conformes aux usages du discours.
Ainsi de cette liste, non exhaustive, des possibilités de construction d’une
phrase dans le choix de la forme active ou de la forme passive :
La question qui nous intéresse ici est de savoir quelles sont les mises en
exercice envisageables qui permettront de familiariser les élèves avec les
choix de construction possibles selon les contraintes que nous venons
rapidement d’évoquer.
Première possibilité, ne proposer aux élèves que des exercices qui se
situent dans le schéma le plus fréquent, celui du passage à une construction
passive, avec des élèves de niveau A2, les familiariser d’abord avec le
mécanisme de la transformation. Ainsi :

Mettez les phrases suivantes à la forme passive :


• Le vent a déraciné tous les arbres du jardin.
..........................................................................................
• Le chien du voisin a attaqué la vieille dame.
..........................................................................................
• Arsenal a battu l’OM en Coupe des champions.
..........................................................................................
• Ils ont chargé les valises dans le coffre de la voiture.
..........................................................................................
• Les archéologues ont découvert une très belle mosaïque.
..........................................................................................
• Les élèves ont préparé un parcours d’orientation.
..........................................................................................

Seront bien évidemment choisies les constructions considérées comme


« acceptables », sans que dans l’immédiat on s’interroge sur les conditions de
cette acceptabilité. On compte sur la capacité de l’élève à induire de ces
différents items les transformations qui sont acceptables.
Deuxième possibilité, élaborer des exercices dans lesquels l’apprenant aura
à entreprendre un choix entre plusieurs constructions, ce qui le conduira à
s’interroger, sur la base de son intuition linguistique, sur les raisons de son
choix.

Répondez à la question en choisissant l’une des deux constructions, active ou passive :


• Mais où sont les valises, je ne les vois plus ?
..........................................................................................
• Mais qu’est-ce qu’ils ont fait des valises ?
..........................................................................................
• Mais qu’est-ce qui est arrivé à cette vieille dame ?
..........................................................................................
• Mais qu’a fait le chien du voisin ?
..........................................................................................
• C’est le professeur qui a préparé le parcours d’orientation ?
Non, ................................................................................
• Mais qui a préparé le parcours d’orientation ?
..........................................................................................
L’exercice qui suit s’inscrit dans cette logique d’apprentissage, une
transformation, mais aussi ses restrictions d’usage. Or le français, comme
toutes les langues du monde d’ailleurs, présente des restrictions d’usage qui
ne sont jamais explicitées, acquises par les locuteurs natifs par l’usage, mais
qui avec des apprenants allophones doivent être, d’une manière ou d’une
autre explicitées, notamment dans le cadre d’un apprentissage guidé en
contexte hétéroglotte. L’exercice doit lui-même aller au-delà de la simple
manipulation de transformations syntaxiques :
Extrait de manuel : Patrick Guédon et Sylvie Poisson-Quinton, La grammaire du français, niveau B1, Éditions
Maison des langues, 2013, p. 73.

POUR RÉSUMER
• Derrière tout exercice, si modeste qu’il soit dans sa forme, il existe une description
grammaticale de référence.
• L’activité d’exercice, par des manipulations diverses, s’inscrit dans cette description.
Le savoir peut dans certains cas être utile pour comprendre les difficultés que
peuvent éprouver certains publics d’élèves par rapport à certains problèmes, la
position du pronom personnel : il l’écoute / écoute-la, par rapport à leur langue
d’origine.
• Sur un problème grammatical donné, peuvent correspondre plusieurs explications
possibles, notamment quand on aborde des questions dans lesquelles le choix de la
forme est étroitement dépendant de valeurs de sens particulières : le subjonctif ou
les temps du passé. Les formes de l’exercice dépendront des explications retenues.
• Toutes les formes de la langue ne peuvent pas forcément être utilisées dans tous les
contextes et peuvent faire l’objet de restrictions, l’usage de certains connecteurs
logiques ou de la transformation passive par exemple.
• Sans forcément devoir remonter à tous les schémas descriptifs sous-jacents à
l’organisation de tel ou tel exercice, il peut être prudent de s’interroger sur la nature
des schémas retenus pour anticiper sur certaines difficultés que pourraient rencontrer
les élèves dans l’accomplissement de l’exercice.
ON S’ENTRAÎNE ?

• ACTIVITÉ 1 : De l’exercice à la description grammaticale correspondante

Voici une série d’exercices portant sur les usages du subjonctif. Tentez de les situer par
rapport à une référence grammaticale particulière. Nous avons en effet examiné dans le
chapitre plusieurs « théories » possibles portant sur le subjonctif :
a. la théorie de la dépendance, associée à celle d’interprétation ;
b. les usages dépendant de la valeur de sens des verbes ;
c. la théorie de l’ancrage.

Essayez de situer chacun de ces trois exercices par rapport à l’une de ces trois théories ou
explications.
• ACTIVITÉ 2 : De la description grammaticale à l’exercice

Voici deux descriptions grammaticales portant sur l’article partitif. À partir des formes et
de leur variation ainsi présentées, ainsi que de leurs valeurs d’usage, quels sont les
exercices que l’on peut proposer qui feraient apparaître ces différentes propriétés ?
Patrick Charaudeau, Grammvaire du sens et de l’expression, Hachette, 1992, pp. 176-177.

CORRIGÉ

• ACTIVITÉ 1
Bien évidemment, les références à certains schémas ou à certaines théories explicatives
n’obéissent pas à des règles strictes, mais l’activité ainsi proposée s’appuie, implicitement, sur
des principes explicatifs qui quelque part en justifient l’usage.
L’exercice 1 nous situe plutôt dans le subjonctif approché comme mode de dépendance
puisque tous les verbes sont ici à mettre au subjonctif, l’usage du subjonctif dépendant des
éléments figurant dans la principale, mais avec une dimension d’interprétation associée puisque
l’expression du souhait est présente dans tous les items.
L’exercice 2, exercice de reconnaissance, vise à reconnaître les emplois du subjonctif liés à
l’expression d’une réaction face à un événement ou à une situation. L’usage du subjonctif étant
ici étroitement dépendant du sens du verbe.
L’exercice 3 sans renvoyer strictement à ce que l’on pourrait considérer comme une théorie de
l’ancrage choisit cependant des items avec des verbes d’opinion qui alternent énoncés centrés
sur la complétive (trouver), (améliorer), (faire faire), (souffrir) et ceux centrés sur la principale
et l’information qui s’y rapporte, c’est-à-dire l’expression d’un sentiment ou d’une appréciation
(je doute que), (il n’est pas prouvé que), (je ne suis pas convaincu), (il se peut que).
Bien évidemment, aucun n’exercice ne se situe strictement par rapport à l’une de ces théories,
mais s’en sert au moins comme éclairage partiel à un usage.

• ACTIVITÉ 2
Ces deux descriptions des valeurs et emplois du partitif en français sont certainement proches.
Riegel inscrit le partitif dans la catégorie quantification imprécise et fonde sa description sur le
concept de noms massifs (caractérisation peu définie) associée au rappel des trois formes en
usage au singulier. Charaudeau commence par un tableau des différentes formes du partitif,
puis dans une seconde étape propose une explication de nature sémantique qui associe le
partitif au prélèvement d’une quantité non déterminée soit des êtres ou entités non-
dénombrables. La forme des à valeur partitive est seulement évoquée par Riegel.

• Selon Riegel

Singulier des entités noms-comptables


– Pour entreprendre ce voyage, il faut être courageux.
– Il faut du courage pour entreprendre ce voyage.

– Il faut être habile pour démonter cet appareil.


– Il faut de l’habileté pour démonter cet appareil.

– Il faut être patient pour vivre avec Léonie


– il faut de la patience pour vivre avec Léonie
Singulier des noms massifs
– Tu as tout ce qu’il te faut pour faire ton gâteau ?
– Oui, j’ai du lait, de la farine et du sucre.

– On a de quoi boire dans le frigo.


– Oui, j’ai de l’eau, de la bière et du coca.

– Le vent souffle aujourd’hui. Soyez prudents.


– Oui, il y a du vent. Nous serons prudents.

– Le soleil est très fort. Mettez un chapeau.


– Oui, il y a beaucoup de soleil. Nous mettrons un chapeau.

– J’ai du mal à me loger dans Paris.


– Oui, trouver un logement dans Paris, c’est très difficile

• Selon Charaudeau

Les formes du partitif


Voici la liste des courses : litière pour le chat, salade, eau minérale, piles pour le poste
– Alors, tu as tout trouvé, oui, de la litière pour le chat, de la salade, de l’eau minérale et des piles pour le
poste.

Actualisation d’un être non-dénombrable, à valeur universelle


– Tu as vu son courage, avec ses enfants.
– Oui, il a beaucoup de courage avec ses enfants.

– Tu as vu sa patience avec son mari.


– Oui, elle a de la patience avec son mari.

(avec qualification de l’entité)


– Tu as vu comme il est courageux !
– Oui, il fait preuve d’un courage extraordinaire.

– Tu as vu comme elle est patiente avec ses enfants !


– Oui, elle est d’une patience extraordinaire avec ses enfants.

Prélèvement d’une quantité non-déterminée


– Je vous mets quatre bouteilles de bordeaux ?
– Non, je préfère du bourgogne.

– Tu as tout pour le repas ?


– Non, je dois encore aller acheter du pain.

– Qu’est-ce que vous voulez comme fruits ?


– Je voudrais des fraises et des abricots.
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 7
• BRULEY Cécile, STAROSCIAK Katarszyna, (2014) « L’aspect
accompli dans les langues slaves : quels rapprochements dans les
grammaires du français éditées en Pologne et en Slovaquie », Langue
française, 181, 37-57.
• CHARAUDEAU Patrick (1992), Grammaire du sens et de l’expression,
Hachette.
• DAMAR Marie-Eve, (2009) Pour une linguistique applicable. L’exemple
du subjonctif en FLE, Peter Lang.
• GOUGENHEIM Georges et alii. (1964), L’Élaboration du français
fondamental 1er degré, Didier.
• LE GOFFIC Pierre (1993), Grammaire de la phrase française, Hachette.
• MARCHELLO-NIZIA Christiane, PETIOT Geneviève (1977) : « Les
exemples dans le discours grammatical ». In Langages, 11e année, no 45
« Formation des discours pédagogiques », sous la direction de Claude
Désirat et Tristan Hordé. pp. 84-111.
• POTTIER Bernard (1974), Linguistique générale. Théorie et description,
éd. Klincksieck.
• RIEGEL Martin et alii, 1994, Grammaire méthodique du français, PUF.
• SWIGGERS Pierre (2007), L’analyse grammaticale et didactico-
linguistique en français, du Moyen-Age au XIXe siècle. Jalons de
l’histoire du français comme objet de description et d’enseignement in
Peter Schmitter, vol. 1 et 2, Sprachtheorie der Neuzeit, Tübingen.
Notes
1. M.-E. Damar, 2009.
2. P. Le Goffic, 1993.
3. Voir aussi Patrick Charaudeau (1992).
4. Voir par exemple, C. Bruley, K. Starosciak (2014).
5. Sachant que le tableau en question constitue une représentation infiniment simplifiée par rapport à la
complexité des usages réels et à celle de la construction effective du système verbal français.
L’enseignement d’une langue, pour sa mise-en-œuvre dans les classes, a besoin de descriptions,
réductrices certainement, mais susceptibles de déboucher sur un répertoire d’activités accessibles tout à
la fois à l’enseignant et à ses élèves. Le fait d’adopter un système de représentation dont le degré de
précision peut être relativement faible ne l’empêche pas d’être exact (ou du moins plus cohérent par
rapport aux usages constatés).
6. Pour une étude sur le statut de l’exemple dans les manuels de grammaires, voir Marchello-Nizia
Christiane, Petiot Geneviève (1977).
7. On ne saurait développer ici tous les problèmes que pose la transformation passive. Pour une
synthèse, se reporter à Martin Riegel et alii, notamment pp. 433-444.
8. Ainsi de la distinction entre les verbes qui n’entraînent pas de changement d’état sur l’objet de
l’action : « Je lis un livre », et les verbes qui traduisent un changement d’état de l’objet : « j’achète un
livre », distinction entre ce que certains appellent les verbes en « faire » qui n’engendrent pas un
changement d’état de l’objet ou du patient, « Pierre appelle Marie » et les verbes en « causer » qui
modifient l’état de l’objet ou du patient : « Pierre repeint les murs ».
8

DOMAINES D’EXTENSION
DE L’EXERCICE

Le domaine préférentiel de mise en exercice de la langue est pour


l’essentiel celui de la morphologie et de la syntaxe, ceci pour des raisons que
nous avons pu exposer à différentes reprises, la plus importante étant liée à la
possibilité de disposer de descriptions régulières du domaine en question, ces
descriptions permettant de mettre en évidence un invariant, quel qu’en soit la
nature, sur un segment restreint de la langue, l’exercice consistant alors à
opérer, à partir de cette base, un certain nombre de variations, les tâches
complexes relevant plus de l’activité de résolution de problème.
Cependant, les travaux de recherche entrepris en grammaire, comme en
analyse de discours, ont permis de faire apparaître des régularités, là où notre
intuition ne percevait que des assemblages dépendant de savoir-faire peu
aisément descriptibles.
Nous tenterons dans ce dernier chapitre une revue des domaines qui
peuvent faire l’objet d’une mise en exercice, non par volonté de tout faire
entrer dans un dispositif aussi formalisé d’apprentissage, mais dans l’idée que
la mise en évidence de régularités dans des domaines jusqu’alors peu
explorés, peut permettre à certains publics d’affronter plus aisément certaines
difficultés du français.
En même temps, dès lors que l’on sort des limites d’une grammaire de la
phrase, dans un au-delà aux limites parfois moins aisément tracées, la
procédure de l’exercice peut-elle se révéler pertinente ? Ne risque-t-on pas de
proposer une succession de problèmes à résoudre ?
1. Le vocabulaire
Le vocabulaire, on le sait, est le grand oublié des apprentissages, ou du
moins, constitue un domaine plutôt marginal de l’enseignement des langues.
Nous ne reviendrons pas ici sur les raisons qui peuvent expliquer de telles
orientations, mais voulons montrer que la nature même de l’objet langue ainsi
constitué en objet d’apprentissage peut induire des choix préférentiels, dont le
plus fréquent est celui de l’exercice à trous, associé ou non à des choix
proposés.

1.1. Champ lexical d’entendre1

Choisissez le mot correspondant à chacune des phrases proposées.

1. ENTENDRE/ÉCOUTER
– La foule …………. l’orateur avec la plus grande attention.
– Les élèves n’ont pas …………… la sonnerie, tellement ils ………. leur professeur
avec intérêt.

2. ENTENDRE/DISTINGUER
– Malgré le bruit des conversations, Daniel réussit à ………….. la voix de Michèle
parmi tous les gens qui venaient d’arriver.
– Tous les soirs, il ………… la télévision de ses voisins qui mettent le son très fort.

3. BRUYANT/SONORE
– Il habite dans un quartier très …………., où il y a beaucoup de circulation et où les
gens vont et viennent jusque tard dans la nuit.
– Elle a une voix très …………… . Dès qu’elle se met à parler, tous les gens autour
d’elle l’entendent.

4. SILENCIEUX/INAUDIBLE
– Tout le monde est parti au travail. Maintenant la maison est ………….. .
– La voix du professeur est …………. tellement les élèves parlent fort.
5. ENTENDRE/ÉCOUTER
– Depuis sa chambre, elle …………… le bruit des vagues et cela l’empêche de dormir.
– Elle se promène au bord de la mer, sur la plage et elle …………. Le bruit des vagues
avec un plaisir immense.

1.2. Champ lexical des déplacements

Ou encore sur une démarche identique à celle évoquée (voir infra) et


portant sur le champ de la locomotion/déplacement, l’exercice suivant :

Choisissez à chaque fois, dans le couple de mots proposé, le mot qui convient.

1. FLANER/ERRER
• Michèle adorait ………. dans les rues de la vieille ville pour regarder les vitrines des
magasins.
• Sébastien ne connaissait pas la ville. Il ………. un peu au hasard dans les rues en
attendant le départ de son train.

2. DÉGRINGOLER/DÉVALER
• Pierre veut accrocher un tableau au mur. Il monte sur l’échelle, mais il perd l’équilibre
et ………. sur le tapis. Heureusement, il ne se fait pas mal.

3. SAUTER/ENJAMBER
• Il y avait des travaux devant la maison. On avait creusé un grand trou. Pierre fut obligé
de ………. par dessus pour pouvoir rentrer chez lui.
• À cause de la grève, beaucoup de gens dormaient dans l’aéroport. Il fallait ………. les
corps des gens endormis pour pouvoir se déplacer.

4. GLISSER/DÉRAPER
• Il y avait par endroits de la neige sur la route. La voiture roulait très vite. Dans le virage
elle ………. et se retrouva dans le fossé.
• Il y avait beaucoup de neige dans la cour de l’école. Les enfants se mirent à ……….
dessus, malgré l’interdiction du maître.
5. GRIMPER/GRAVIR
• La montagne était très haute et la pente difficile à ………. à cause des très nombreux
rochers qui s’y trouvaient.
• Pierre dut ………. dans l’arbre avec l’échelle pour ramener le petit chat qui n’osait pas
descendre.

6. SE RETIRER/RECULER
• La rue était très étroite. La voiture dut ………. pour laisser passer le camion.
• Les amis restèrent dans le salon à bavarder jusque vers onze heures. Ensuite, comme il
fallait se lever de bonne heure, chacun ………. dans sa chambre.

L’apport est ici constitué d’une phrase dont le référent permet d’engager
une restriction des choix en matière de nature du verbe ou de l’adjectif à
utiliser, associé à des propositions de choix qui permettent de distinguer des
termes de sens proche, mais non substituables.

1.3. Champ lexical du déroulement de l’action

On peut encore, à partir de tableaux lexicaux, regroupant les termes


exprimant le déroulement d’une action proposer les exercices suivants (on
retrouve dans cette liste des verbes inchoatifs et des verbes qui expriment un
aspect progressif, le français, à la différence d’autres langues lexicalisant
cette dimension du sens) :

Soit l’ensemble des verbes susceptibles d’être utilisés dans l’expression du


déroulement d’une action ou dans la survenue d’un événement et qui peuvent
être regroupés dans le tableau suivant. Quelles sont les possibilités de mise en
exercice qui s’offrent ainsi au concepteur de cours ?

1) Événement

2) Phases de l’action
On peut, sur la base de ce tableau, qui pourra être associé à la lecture ou à
l’écoute de différents documents, à l’usage de dictionnaires analogiques (ou
de la partie analogie d’un dictionnaire) proposer des exercices de
reconnaissance :

• Mettez les phrases de ce texte dans l’ordre en vous aidant des verbes qui indiquent
les moments de l’action.

a)…… : Les pluies ont cessé vers 10 heures du soir


b)…… : Les pluies ont commencé à faiblir
c)…… : De gros nuages noirs sont apparus dans le ciel.
d)…… : Un vent violent a commencé à souffler.
e)…… : la pluie a repris vers 15 heures
f)…… : Les pluies se sont poursuivies toute la journée
g)…… : Le niveau des rivières a continué à monter.
h)…… : la pluie s’est mise à tomber.
i)…… : l’alerte est maintenue sur l’ensemble de la région.
j)…… : la pluie s’est arrêtée pendant un moment en début d’après-midi

• Indiquez pour chacune de ces situations : si l’action est en cours, marquez A ; si


elle achevée, marquez B ; si elle en cours de réalisation, marquez C ; si l’événement
est simplement signalé, marquez D.
Dans ces deux exercices, il ne s’agit plus de combler un vide dans une
phrase, mais d’analyser le sens d’un énoncé à partir d’une échelle lexicale qui
va du début à la fin d’une action. Dans tous les cas, la procédure de l’exercice
ne revêt ici de sens que si elle est associée à un traitement particulier d’un
champ lexical donné. L’exercice permet à l’élève de tester ses capacités à
différencier des mots de vocabulaire, selon les relations de sens qui les
unissent, synonymes partiels dans l’exemple entendre/écouter, soit antonymie
scalaire, c’est sur un axe de gradation, qui permet de répartir un ensemble de
mots les uns par rapport aux autres, ici sur l’axe de déroulement de
l’événement ou de l’action.
De nombreux exercices sur le net demandent à établir le lien entre un mot
et des éléments représentés sur une image, le vocabulaire est ainsi abordé
dans sa fonction référentielle.
2. L’argumentation écrite
L’argumentation constitue un domaine aujourd’hui mieux connu et trouve
plus aisément sa place dans les apprentissages du français, essentiellement
sous forme d’argumentation écrite. Tâche complexe qui inclut tout à la fois
une relation à l’autre, un choix d’arguments sur une problématique donnée et
une mise en texte qui relève d’une activité de résolution de problème plus que
de l’exercice dans sa version segmentée traditionnelle :

L’argumentation est toujours inscrite dans un contexte interpersonnel et dans une situation
concrète […]. Les arguments ne sont pas vrais ou faux, ce sont des raisons plus ou moins fortes
pour ou contre une thèse proposée. Dès qu’il s’agit de raisonner sur des valeurs, touchant le
bien ou le mal, la justice ou l’injustice, la liberté ou la contrainte, et bien d’autres enjeux de la
vie collective et individuelle, le discours de l’argumentation s’efforce de justifier la préférence
que l’on accorde à telle ou telle fin et que l’on cherche à faire partager.
Denis BERTRAND, Parler pour convaincre, Gallimard Éducation, 1999, p. 15.

Pour autant, il n’est pas interdit de proposer des activités d’ampleur


restreinte, organisées autour d’une difficulté particulière et qui peuvent faire
l’objet d’une évaluation précise.

2.1. Les niveaux d’argumentation

L’objectif de l’activité est ici de familiariser l’apprenant avec la gestion


simultanée d’un argument et d’un contre-argument, en passant d’un point de
vue personnel à un point de vue général, sur la base de réalisations de portée
limitée2. On propose aux élèves une série de prises de position possibles, de
niveau 1. On leur demande de poursuivre jusqu’au niveau 5. Par exemple :

1) prise de position sans arguments


Je préfère lire les livres en version papier
2) prise de position soutenue par un seul argument
Je préfère lire les livres en version papier parce qu’ils sont plus faciles à
manipuler.

3) prise de position soutenue par plusieurs arguments d’ordre


personnel
Je préfère lire les livres en version papier parce qu’ils sont plus faciles à
manipuler. Et puis je n’aime pas tous ces outils électroniques. Ils tombent
souvent en panne. Un livre papier n’est jamais en panne.

4) prise de position soutenue par plusieurs arguments d’ordre général


La lecture des livres en version papier offre bien des commodités. Il n’y a
pas de matériel électronique à manipuler et pas de risques de panne. Et
comment prêter un livre électronique à un ami ?

5) prise de position soutenue par plusieurs arguments + un contre-


argument
La lecture des livres en version papier offre bien des commodités. Il n’y a
pas de matériel électronique à manipuler et pas de risques de panne. Et
comment prêter un livre électronique à un ami ? Même si, il faut le
reconnaître, il est beaucoup plus facile d’emmener avec soi une liseuse
électronique que trois ou quatre gros volumes.

Il suffit dans ces conditions de transposer cette logique d’activité sur une
autre thématique pour que ce qui pourrait passer pour une activité unique
devienne un exercice :
par exemple : préférer lire sur support numérique (tablette par exemple).

2.2. Les exercices de type « alpha-omega »

Objectif : Apprendre aux élèves à passer d’un point de vue à son opposé
par le moyen de transitions fondées sur l’usage approprié d’arguments
antiorientés.

2.3. Les activités d’articulation logique

Comment passer de données ou de jugements disparates ou opposés à un


texte continu et cohérent ? Ainsi :
Le traitement de l’argumentation écrite pose de très nombreux problèmes
et appelle un temps d’apprentissage important. L’objectif ici était seulement
de montrer qu’il est possible de faire travailler les élèves sur des segments
restreints de compétence (ce qui permet de soulager la mémoire de travail de
l’élève), par la mise en évidence de certaines régularités. Mais pour que
travail puisse être entrepris, il importe de disposer de descriptions de la
compétence à argumenter dans sa construction interne.
3. La lecture
La lecture de texte peut s’assimiler en première analyse comme par
tradition pédagogique, à une activité de résolution de problème. Le texte en
effet est un rassemblement composite d’éléments de langue inscrit dans des
structures plus ou moins régulières, types de texte, genres, de façon à
permettre au lecteur, en mobilisant l’ensemble de ses ressources linguistiques
et discursives, d’élaborer un sens qui corresponde, plus ou moins, au projet
du scripteur. C’est une activité typique de résolution de problème par la
masse des données qui entrent ainsi en jeu.
Pour autant, certaines composantes du texte, comme une certaine logique
de parcours par le lecteur, peuvent faire l’objet d’une mise en activité, proche
de l’exercice et permettant d’approcher les faits de cohérence textuelle3. Deux
étapes sont possibles :
1) Des exercices portant sur les chaînes anaphoriques, c’est-à-dire sur
ce qui de phrase en phrase assure la continuité du sens par la reprise
d’éléments :

• Recherchez le mot repris par le mot souligné.


– Jacques et sa femme voulaient voir la Seine. Ils la découvrirent un peu par hasard
après avoir longtemps marché dans Paris. Elle était grise sous le ciel de novembre.
– Un matin, les deux jeunes filles décident de partir toutes seules. Elles préparent
leurs affaires dans le plus grand silence et quittent le pensionnat en passant par le
jardin.
– L’oncle d’Élodie lui a ramené une très belle poupée. Mais elle ne semble pas
apprécier le cadeau que lui a fait son oncle.
– Les voyageurs descendirent enfin de l’avion après un vol de douze heures. Ils
n’avaient qu’un désir, le quitter le plus rapidement possible.
• Quels sont les deux personnages de cette histoire ? Sous quelle forme
apparaissent-ils pour la première fois ? Soulignez d’un trait, dans le texte qui suit,
les pronoms personnels qui les désignent, de deux traits les autres formes de
reprise :

Le jeune Pascalet a le goût de l’aventure. Mais ce qui l’attire plus que tout, dans ce pays
de Provence où il vit, c’est la rivière.
Pascalet, donc, un jour, s’en va de chez lui, et ses pas, tout naturellement, le dirigent
vers cette mystérieuse et fascinante rivière.
Sa curiosité, sa soif d’aventures vont être comblées. Car ce n’est pas seulement des
paysages, des odeurs et des bêtes qu’il va rencontrer, mais un garçon extraordinaire,
Gatzo, qui a été volé par des Bohémiens et que lui, le petit Pascalet, va délivrer.
Voici les deux enfants en fuite. Pendant des jours et des jours, ils vivront sur la rivière,
subvenant à leurs propres besoins, perdus dans la nature et heureux comme deux petits
Indiens.
À la fin, Pascalet et Gatzo seront séparés ; mais c’est une séparation provisoire. Ils se
retrouveront plus tard et deviendront pour toujours deux frères.
L’Enfant et la rivière, Folio (résumé), Gallimard, 2004.

Un peu plus complexe, le repérage d’anaphores, c’est-à-dire de termes qui


récapitulent un ensemble d’informations, dans la diversité des formes et dans
l’étendue des éléments rappelés, depuis un simple substantif jusqu’à un
ensemble plus vaste d’informations :

Recherchez dans les phrases suivantes le mot ou les expressions que reprend le
terme en gras :
– La civilisation hellénistique est née du mélange entre les traditions de l’Occident et
celles de l’Orient. (Histoire-Géographie, 6e )
– Le cercle C de centre O est formé de tous les points situés à la même distance de
O. Cette distance commune est appelée le rayon du cercle. (Maths, 6e)
– D’autres aliments, comme le pain ou le fromage, proviennent également de matières
premières transformées par l’action de micro-organismes. Les aliments issus de ces
transformations satisfont les besoins de l’homme. (SVT, 6e)
– Après sa victoire sur les Perses pendant les guerres médiques, la cité d’Athènes crée
la ligue de Délos et met en place un véritable empire fondé sur sa puissance navale.
Cette domination provoque des rivalités entre les cités grecques. (Histoire-
Géographie, 6e).

Etc.

2) Des exercices qui tout en portant sur un texte entier, permettent de


s’engager sur l’identification de certains axes de lecture. Par exemple :

Quel est l’animal décrit ? Soulignez sa première apparition dans le texte ?


Quels sont les pronoms de reprise utilisés ? À quelle personne sont-ils utilisés ?
Soulignez les verbes qui dépendent de ces pronoms ? À quelle personne sont-ils
utilisés ?
Extrait de manuel : SVT, Hachette, p. 39, 2005.

Les exercices ici brièvement présentés ne le sont que par rapport à leur
logique d’élaboration. Nous avons vu que la procédure de l’exercice, sous
condition de respect d’un certain nombre de principes, peut prendre en
compte des paramètres de fonctionnement et d’apprentissage de la langue très
variés. Mais il est encore possible d’explorer d’autres composantes de la
langue, d’autres compétences, jusqu’alors placées hors de ce champ
d’organisation des apprentissages. Ce qui ne veut pas dire que tout doit faire
l’objet d’une mise en exercice, mais que, à la lumière des travaux engagés au
moins ces dernières décennies sur le travail d’écriture, sur la lecture, sur les
grammaires de texte, sur l’organisation du discours ou sur l’énonciation, on
peut s’engager sur de telles voies.
Entre le travail de micro-structuration de la langue tel que nous avons pu
l’explorer et celui portant sur des tâches complexes, existe un espace
intermédiaire qui peut faire l’objet d’explorations nouvelles.

POUR RÉSUMER
Jusqu’où la procédure de l’exercice peut-elle s’appliquer ?
Certaines performances restent généralement à l’écart d’une mise en exercice pour des
raisons variées, absence de traditions pédagogiques (l’acquisition du vocabulaire) ou la
complexité de la tâche envisagée (savoir lire ou savoir écrire). En effet, au-delà d’un certain
seuil de complexité, l’activité relève plus de la résolution de problème que de l’exercice
dans ses formes ordinaires. Cependant, lorsque l’on est en présence de domaines
convenablement décrits, dans lesquels un certain nombre de régularités ont été mises en
évidence (pour tout ce qui relève de la mise en continuité du sens dans les textes, de la mise
en évidence de schémas argumentatifs par exemple), une mise en exercice peut être
envisagée, qui combine à la fois la mise en évidence de régularités et le principe de
réitération de la performance.
Des domaines tels que celui du vocabulaire, de l’argumentation écrite ou de la lecture font
ici l’objet d’une exploration en vue d’une mise en exercice, domaines d’extension qui
doivent cependant être abordés avec prudence, mais qui méritent, au moins pour certaines
composantes de la compétence d’être explorés dans cette perspective.

ON S’ENTRAÎNE

Exercice 1 : Oppositions de sens


Soit, dans le cadre d’un travail consacré à un travail de perfectionnement et d’enrichissement
du vocabulaire, les différents verbes exprimant une action de X vers Y (les embouteillages sur
l’autoroute ➞ des retards) :
Voici deux activités proposées. Indiquez pour chacune d’entre elles la consigne de travail
correspondante.

• ACTIVITÉ 1
Consigne : ……………………………………

• Ce nouveau médicament favorise/freine/provoque la progression de la maladie.


• La marée noire a provoqué/permis/facilité la mort de nombreux oiseaux.
• L’élargissement du boulevard a gêné/réduit/facilité la circulation.
• Le refus de Pierre de participer à son projet a développé/favorisé/provoqué chez Paul une violente colère.
• L’arrivée de renforts a accéléré/freiné/causé la progression des troupes ennemies.
• La coupure d’électricité a provoqué/facilité/retardé le début du spectacle.
• Les embouteillages sur l’autoroute ont expliqué/ont permis/ont occasionné son retard à la réunion.

• ACTIVITÉ 2
Consigne : …………………………………………………

• De nombreux villages sont touchés par les inondations.


• Le mauvais temps et l’arrivée de la nuit compliquent le travail des sauveteurs.

• L’utilisation du dictionnaire facilite l’apprentissage du vocabulaire.

• Tous les travaux engagés en ville paralysent la circulation.

• La défaite de l’équipe de football de la ville est due à l’incompétence de l’entraîneur.

• Une gigantesque coulée de boue a enseveli un village suite au passage d’un cyclone.

Exercice 2 : Les chaînes anaphoriques ou procédés de rappel


Indiquez la consigne correspondant à l’activité proposée.

Consigne : ………………………………….

• Le dauphin approche de la barque à toute vitesse …. doit certainement poursuivre un poisson.


• Le dauphin approche de la barque à toute vitesse, à la poursuite d’un poisson …. a beau nager très vite, il
sera bien vite mangé.
• Le conducteur et son passager sortirent lentement de la voiture …. avaient l’air épuisés.
• De nombreux touristes visitent les ruines du vieux château. Il est vrai que …. est d’une grande beauté.
• La voiture est sortie de la route et a cogné un arbre …. a été terrible.

CORRIGÉ

Exercice 1
• ACTIVITÉ 1
Sachant que sont à chaque fois proposés trois verbes dont l’un indique un effet favorable,
l’autre un effet sans appréciation et le dernier un effet négatif, les élèves auront à choisir le
verbe approprié en fonction du contexte. D’où une consigne :
Parmi les trois verbes proposés, choisissez celui qui correspond à la situation proposée.

• ACTIVITÉ 2
Indiquez pour chacun de ces événements, à l’aide d’une flèche le sens de l’action. X pour ce
qui est à l’origine de l’action, Y pour ce qui résulte de l’action. Exemple :
La tempête a provoqué de très nombreux dégâts : arbres abattus, lignes électriques coupées.

Exercice 2
L’exercice propose de vérifier si les élèves sont capables de choisir l’élément de rappel
correspondant : pronoms divers ou élément lexical de reprise (réponses : il, celui-ci, les deux
hommes, ce site, le choc).
BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 8
• BERTRAND D. (1999), Parler pour convaincre, Gallimard Education.
• COMBETTES B. (1983), Pour une grammaire textuelle. La progression
thématique, De Boeck-Duculot.
• GOLDER C. (1996) Le développement des discours argumentatifs.
Neuchâtel : Delachaux et Niestlé (collection « Actualités Pédagogiques
et Psychologiques »).
• KLEIBER G. et alii (1997), La Continuité référentielle, « Recherches
linguistiques », Université de Metz, no 20.
Notes
1. Cet exercice prend place dans un ensemble consacré au vocabulaire des cinq sens. À partir de
supports et d’activités divers, on met en forme un tableau qui récapitule les éléments fondamentaux de
ce champ lexical.
2. Cette notion de niveau est empruntée à C. Golder (1996), p. 169.
3. La notion de cohérence textuelle a donné lieu à la publication de nombreux travaux dont nous ne
donnerons pas le détail ici. Renvoyons pour une synthèse à B. Combettes (1983), G. Kleiber et alii
(1997)
AVANT DE CONCLURE
Les éléments de construction de l’exercice
Au terme de ce parcours, récapitulons les éléments qui interviennent dans
la construction de l’exercice et le caractérisent dans ses particularités
pédagogiques.

1. Les domaines d’apprentissage

Comme nous avons pu le constater, la procédure de mise en exercice peut


s’appliquer à la quasi-totalité des domaines d’apprentissage du français, à
ceci près cependant qu’elle est mise en œuvre préférentiellement pour tout ce
qui relève de la morphologie, de l’orthographe, et de façon plus générale de
la dimension micro-structurelle de la langue.

Pour autant, explorer des domaines tels que la lecture, l’écriture,


l’argumentation peut se révéler profitable pour de nombreux publics
(voir infra).
– Phonétique/intonation
– Morphologie
– Syntaxe
– Orthographe
– Lexique
– Lecture
– Écriture
– Etc.

2. Les niveaux de compétence


L’exercice est pour l’essentiel en usage dans les niveaux A1 et A2 et
correspond à la nécessité de mettre à disposition de l’apprenant les formes de
bases de la langue dans leur dimension morphologique, ainsi que tout ce qui
relève de l’organisation de la phrase de base.
Au niveau B2, les exercices portent plus souvent sur la dimension
énonciative de la langue (les modalités par exemple), le discours indirect,
l’usage du subjonctif, les relations logiques ou l’expression de l’hypothèse ou
de la condition, un élargissement de l’usage des formes de la langue liées ou
non à l’implication du locuteur ou à la volonté de travailler sur une catégorie
de sens spécifique.
Les niveaux C1 et C2 semblent plus relever de la maîtrise du discours
abordé à partir d’activités diverses relevant de la résolution de problème.
– A1
– A2
– B1
– B2
– C1
– C2

3. Les dominantes d’apprentissage

L’exercice peut servir à toutes sortes d’usage. Sa première fonction, la plus


communément attestée, est celle qui permet à l’apprenant d’accéder au
système de la langue, dans la part conventionnelle qui est la sienne et qui ne
peut se déduire de la simple mise en œuvre d’une tâche communicative. Mais
l’exercice peut trouver place dans un apprentissage de la langue en situation
et faire l’objet d’un exercursus plus ou moins développé dans le cours de
l’apprentissage (dialogue par exemple), mais qui ne rompt pas, ou ne situe
pas après, le déroulé de l’activité communicative. L’exercice peut comporter
une dimension réflexive en demandant à l’apprenant de procéder à un choix
dans la réponse qui ne relève pas simplement de la mémorisation d’un
paradigme ou d’une procédure transformationnelle automatique (voir
exercices de conceptualisation p. 117 ou les exercices sur le passif p. 149).
Enfin, dans un traitement traditionnel des apprentissages, l’exercice peut
servir de point d’application de la règle ou de contrôle de la compréhension et
de l’assimilation de la leçon. Plusieurs fonctions donc :
– Le travail de systématisation ;
– la langue en situation ;
– la dimension réflexive ;
– l’application, le contrôle.

4. Les descriptions de référence

Tout exercice dans le choix de l’activité proposée s’inscrit dans une


description particulière de la langue. Il n’existe pas en effet d’exercice qui
aborderait le système de la langue en soi, hors de toute référence à un
principe grammatical donné. Ainsi, l’article, défini ou indéfini, s’il est traité
dans toutes les méthodes ou dans toutes les pratiques d’apprentissage, relève
de ce que l’on appelle la détermination qui ne se traduit pas par les mêmes
réalisations dans toutes les langues (ainsi des langues sans articles par
exemple).
Les références grammaticales qui sont à la base des exercices en FLE
peuvent être très nombreuses, mais dans la réalité des pratiques sont
beaucoup plus limitées. La grammaire traditionnelle y occupe une place
majeure, grammaire de la phrase, grammaire à dominante morphologique et
orthographisante. La grammaire structurale est toujours présente dans une
certaine façon d’aborder l’organisation de la phrase. On fait travailler les
élèves sur des enchaînements syntagmatiques considérés comme acceptables
(voir G. Mauger, M. Bruezière, Le français et la vie, Hachette, 1971).
Les grammaires notionnelles trouvent plus aisément leur place dans les
approches dites communicatives et dans les approches actionnelles. On
rassemble les formes de la langue susceptibles d’intervenir dans l’expression
d’une même notion (situer une action dans le temps ou dans l’espace par
exemple).
Les grammaires discursives, plus ouvertes et plus floues dans leurs limites,
donnent plus volontiers naissance à des activités qu’à des exercices. Enfin,
les grammaires comparées sont celles qui sont mises en œuvre en milieu
hétéroglotte (apprentissage du français au Japon, voir infra).
– grammaire scolaire traditionnelle ;
– grammaire structurale ;
– grammaire notionnelle ;
– grammaire discursive ;
– grammaires comparées ;
– autres.

Ainsi de la mise en parallèle de deux répertoires métalinguistiques, l’un


relevant de ce que l’on peut appeler une grammaire fondée sur les parties du
discours, à dimension essentiellement formelle, et l’autre d’une grammaire
d’inspiration notionnelle :
Les familles d’exercices qui peuvent en découler se différencieront par la
nature de l’activité et surtout par la formulation des consignes. Soit on peut
faire travailler les élèves sur l’usage de l’adjectif qualificatif épithète, sa place
par rapport au substantif, son accord en genre et en nombre, soit on peut faire
travailler les élèves sur la fonction caractériser, dont l’adjectif épithète
constitue une des réalisations possibles, mais associée à d’autres formes ou
constructions pouvant assurer la même fonction, adjectif en fonction
d’attribut, complément de nom, proposition relative, et avec l’adjectif, les
degrés d’intensité, la comparaison, etc. Dans le premier cas, l’exercice permet
de faire acquérir les particularités formelles de l’insertion d’un élément verbal
dans un contexte donné (visée à valeur généralisante). Il appartiendra à
l’apprenant d’en faire le meilleur usage dans les situations de communication
qu’il aura à vivre. Dans le second cas, sur des fonctions générales du langage,
mais déjà inscrites dans une visée communicative donnée, on fait travailler
les élèves sur le répertoire des formes susceptibles d’être mobilisées à cet
effet, les ajustements morphologiques étant subordonnés dans leur traitement
aux fonctions ainsi répertoriées.

5. Les aspects méthodologiques

La question du lien qui peut unir une forme d’exercice à une orientation
méthodologique mérite d’être posée, mais il fut un temps où ce lien, nous
l’avons vu, pouvait être établi de façon plus nette. Les approches structurales,
fondées sur une utilisation intensive de l’exercice structural, pouvaient être
rattachées aux méthodes audio-orales, mais n’ont connu qu’un nombre limité
de réalisations effectives pour la classe : dialogues élaborés en fonction de la
progression adoptée et pratique intensive d’exercices fondés sur le
renforcement de structures. De fait, l’exercice structural trouva très
rapidement son autonomie, indépendamment du cadre méthodologique dans
lequel il put prendre place. En revanche, l’exercice de réemploi s’inscrit plus
aisément dans les approches de type structuro-global, la langue est apprise en
situation, dans l’échange entre locuteurs, la systématisation trouvant sa place
dans l’échange, sous une forme qui n’en rompe pas l’apprentissage. Les
approches communicatives doivent conjuguer le travail de systématisation
dans un cadre communicatif, ce qui nous rapproche de l’exercice de
réemploi. En revanche, le lien entre exercices proposés dans le cadre
communicatif et les grammaires d’inspiration notionnelle est plus nettement
marqué. Dans les approches par tâches, l’exercice est dans un à côté qui
autorise de fait toute forme, sans choix nettement affirmé :
– approches structurales ;
– approches structuro-globales ;
– approches communicatives ;
– approches par tâches.

6. Les formes d’activité

– Répétition ;
– question / réponse ;
– exercice à trous ;
– substitution ;
– transformation ;
– Etc.
CONCLUSION

Outil d’apprentissage omniprésent, l’exercice finit par passer inaperçu dans


l’ensemble des dispositifs mis en œuvre dans un cadre donné d’apprentissage.
Sa place, sa fonction semblent aller de soi au point de ne susciter que très peu
de réflexions et d’interrogations, ce qui autorise le plus souvent à ne proposer
que des répertoires faiblement renouvelés, sur la base de choix linguistiques
ou grammaticaux qui ne sont pas forcément explicités. Et pourtant, nous
avons pu le constater à différentes reprises, l’exercice est une « machine
complexe », qui mérite certainement mieux que l’attention distraite que les
méthodologues ou les didacticiens veulent bien lui accorder.
En même temps, l’exercice ne constitue pas le tout de l’apprentissage et en
multiplier sans réflexion l’usage dans la classe ne débouchera pas forcément
chez les élèves sur une amélioration significative des performances. On ne
versera donc pas dans une religion de l’exercice à laquelle parfois certains
peuvent se laisser aller, en dépit du confort apparent de ses conditions
d’usage. L’exercice est un outil de consolidation et de systématisation dont
l’efficacité dépendra tout à la fois de la qualité de sa construction interne et
de son emplacement dans le parcours d’apprentissage. Selon la langue
d’origine des élèves, la diversité de leur expérience langagière (il est courant
aujourd’hui d’apprendre plusieurs langues), son point de focalisation ne sera
pas identique, de même que sa gestion dans des classes multiniveaux ou
multilingues.
Les méthodologies évoluent, l’exercice reste. Les raisons de cette stabilité
méritent d’être interrogées, ce que nous avons pu faire à certains moments.
Le risque est cependant de le constituer en outil polyvalent d’apprentissage,
indifférent quelque part à l’environnement dans lequel il prend place. À ce
titre, il perd beaucoup de son intérêt et de son efficacité. Nous pensons au
contraire, que derrière un jeu d’apparences qui donnerait à voir des choix
quasiment inchangés, d’une époque à l’autre, d’une méthodologie à l’autre,
l’exercice est en fait un dispositif largement différencié qui offre de très
nombreuses ressources dans la relation qu’il souhaite établir entre l’élève et
la langue à apprendre. Sachons, par un regard plus attentif, exploiter ce
potentiel de ressources.
ANNEXES
ANNEXE 1

EXERCICES ET PROPRIÉTÉS GRAMMATICALES

Cette annexe présente tout d’abord un moment de récapitulation dans


lequel sont reprises l’ensemble des composantes qui interviennent dans la
construction d’un exercice.
Puis à titre de simulation ou de mise en application, deux thématiques
grammaticales destinées à entreprendre le parcours qui conduit d’une analyse
grammaticale préalable à l’élaboration d’une suite d’exercices en fonction
d’un certain nombre de variables d’intervention et de réalisation, l’expression
de l’hypothèse et de la condition, puis celle des degrés de réalisation de
l’action. Enfin, un élément d’ouverture avec un éclairage portant sur la
conception d’exercices de français, en contexte japonais, destiné à montrer en
quoi les caractéristiques de la langue d’origine des élèves, à partir des
descriptions grammaticales disponibles dans le contexte d’enseignement
japonais, se traduisent en réalisations d’exercices différentes de celles
fondées exclusivement sur la grammaire de la langue-cible, celle du français
en l’occurrence.
1) Un référentiel grammatical : l’expression de l’hypothèse / de la
condition, dans la diversité des formes et des valeurs de sens qui lui sont
attachées, ce qui va constituer notre description de référence.
2) Il n’est pas question, bien évidemment, de traiter l’ensemble de ces
données dans une seule série d’exercices. En revanche, on peut, sur ce
descriptif, opérer des choix de mise en exercice qui dépendront de différents
facteurs constitutifs, tels que nous venons brièvement de les rappeler.
PLAN DE TRAVAIL :
1. Élaborez les exercices selon le niveau de compétence, de A2 à B2.
Quelles sont les caractéristiques de l’expression de l’hypothèse/condition que
vous allez choisir ? Autrement dit quelle progression allez-vous adopter dans
l’approche de la difficulté ?
2. Selon les niveaux, choisissez une dominante d’apprentissage :
– systématisation, appropriation de la forme (on fait travailler les élèves sur
le choix des modes et des temps des verbes, en priorité) ;
– forme et sens (distinction entre l’éventuel, le possible, l’irréel,
l’hypothèse, l’expression du raisonnement) ;
– forme et situation de communication ;
– forme et dominante métalinguistique (faut-il envisager dans la
formulation de la consigne, la référence à des données métalinguistiques ?)
ANNEXE 2

FORMES DE L’EXERCICE ET NIVEAUX


Une thématique plus globale : le degré
de réalisation de l’action
On peut suivre ici un parcours d’élaboration de l’exercice en partant
d’un tableau qui rend compte des formes qui en français sont liées à
l’expression du degré de réalisation de l’action.

Le verbe peut être entouré d’éléments qui précisent le degré de réalisation


d’une action (entre 1, l’action réalisée, et 0, l’action non réalisée), d’un
processus ou le degré d’un état :

Ce tableau, qui ne prétend nullement épuiser tous les emplois de ne…. +


…. (ce que l’on nomme ordinairement la forme négative, mais qui ici va au-
delà de cette forme), s’organise selon un continuum fondé sur les différents
degrés de réalisation d’une action.
Première étape, établir l’inventaire des propriétés que l’on souhaite
mettre en évidence et avec lesquelles il faudra familiariser les élèves par le
moyen d’exercices.
• la forme discontinue de la négation par rapport au verbe ;
• la portée de la négation : Sophie ne lit pas signifie que Sophie n’a
aucune activité de lecture alors que Sophie ne lit pas de romans
policiers signifie qu’elle lit d’autres types de romans ;
• la forme négative dans les phrases déclaratives, interrogatives et
injonctives : ne le prend pas, vous ne l’avez pas vu ? ;
• la forme négative avec les verbes à la forme pronominale : il ne s’est
pas présenté au rendez-vous ;
• la forme négative avec les verbes à la forme composée, avec ou sans
pronom personnel complément : il n’a pas vu Marie, il ne l’a pas
vue ;
• la négation et la coordination : Sophie ne lit ni des romans policiers, ni
des romans de science-fiction. Ni toi, ni moi ne pouvons régler ce
problème ;
• la négation et l’opposition : je ne suis pas allée le voir, mais je lui ai
téléphoné.
Deuxième étape, définir des formes d’exercice :
– de nature essentiellement structurale (mise en évidence des différents
mécanismes) ;
– dans une perspective plutôt communicative.

À chaque fois, on précisera la nature de la consigne, les exemples à


proposer, les apports, le nombre d’items.
Dernier point, établir une progression dans les exercices, depuis A1
jusqu’à B1. Sur quelles particularités de la construction va-t-on faire
travailler les élèves ?

A1 : ne… pas ; ne… plus


A2 :
B1 : + ne… rien ; ne… guère ; ne… pas du tout
B2 : + ne… pas encore
C1/C2 : combinatoire

Quelques pistes de travail :


Aspects de l’exercice :
(aspects formels, répartition des éléments de la négation autour du
verbe) :
– mettre une phrase à la forme négative, à partir de l’apport suivant :
Sophie dort, Pierre travaille, Pierre regarde la télévision, puis :
Pierre a regardé la télévision, Pierre l’a regardée, Pierre s’est vu
dans la glace, Pierre et Sophie se sont rencontrés, Pierre a pris du
fromage et du dessert, prend un parapluie. Tu as rangé tes affaires ?
tu as vu Pierre ?
(aspects sémantiques, la forme négative fait l’objet de spécifications
dans l’ordre de la quantité, du temps, de l’intensité, de la
restriction, etc.) :
– de la forme négative simple à la forme d’insistance : Sophie ne lit pas
/ ne lit jamais / ne lit rien/ ne lit pas du tout ;
– de la forme négative à la quantification : Sophie lit / Sophie ne lit pas
beaucoup, ne lit guère (lit à peine/lit un tout petit peu) définissent un
degré de réalisation de l’action qui ne passe pas par l’utilisation de la
forme négative, mais par l’adjonction d’une forme adverbiale (un peu,
à peine) ;
– de la forme positive à la forme restrictive : Sophie lit toutes sortes de
livres / Sophie ne lit que des romans policiers ;
– de la forme continue à la rupture temporelle : Sophie lisait / Sophie ne
lit plus, il venait tous les jours me voir / il ne viendra plus.
Troisième étape :
• Élaborer des exercices à dimension formelle (par des
transformations indiquées dans la consigne) :
– mettre à la forme négative : Sophie lit ; Sophie a lu ce livre ;
Sophie l’a lu, etc.
• Élaborer des exercices situationnels ou communicatifs (si limitée
que soit la situation de communication, elle doit permettre de faire un
usage pertinent de formes spécifiques de la négation) :
– quelle réponse donner à la question posée : Est-ce que vous avez
encore une chambre libre ? – Désolé, nous n’avons plus de
chambre libre. / Est-ce qu’il vous reste des pains au chocolat ? –
Désolé, il ne nous en reste plus. / – Sophie va encore en
vacances chez son oncle ? – Non, elle s’est fâchée avec lui, elle
n’y va plus… ;
– la réalisation est possible, envisagée, mais non effective :
– La petite Sophie va à l’école maternelle. Elle sait lire ? / non pas
encore
– Paul a fini de repeindre la pièce ? / Non, il n’a pas encore fini, etc.
ANNEXE 3

CONCEPTION D’EXERCICES CONCEPTUALISÉS DE LA GRAMMAIRE DU FLE, EN


CONTEXTE JAPONAIS

Franck Delbarre
Université de Ryukyu (Japon)

Aux différentes variables qui interviennent dans la construction de


l’exercice, nous devons encore ajouter celle liée à l’élaboration d’exercices
fondés sur la langue d’origine des élèves et la description grammaticale qui y
est associée. L’exemple du japonais, langue distante à bien des égards du
français, permet d’aborder une autre façon de concevoir l’exercice.
Introduction
L’intérêt pour la contextualisation/vadaptation de la grammaire du FLE est
venu d’une expérience en classe à l’occasion d’un exercice de traduction du
japonais au français d’un extrait du conte de Cendrillon (Delbarre, 2009). Le
but initial de l’exercice était de vérifier si les étudiants distinguaient
correctement l’emploi des divers temps verbaux passés du français. Bien
qu’il s’agisse d’un texte narratif littéraire, l’emploi du passé composé avait
été toléré au lieu du passé simple, que nous avions pourtant enseigné (mais
limité à la troisième personne pour les besoins de la narration traditionnelle).
Si bien sûr les erreurs sur l’emploi des temps français étaient relativement
nombreuses en fonction du degré d’acquisition de chaque apprenant, il était
un type d’erreurs que la quasi totalité des étudiants avaient fait et qui n’avait
pas été prévu : l’expression de l’état avec « être + participe passé » dans un
contexte passé (mais il s’est avéré plus tard que le même problème existait au
présent).
En nous intéressant à ce cas particulier de la grammaire du français, nous
nous sommes rendu compte que « être + participe passé » n’était que peu
traité comme tel dans les grammaires du FLE de niveau débutant, et s’il
l’était, cela l’était alors systématiquement en association avec le passif
(souvent dit dynamique qui est de facto la forme et le sens privilégié en FLE
au Japon) ou les verbes conjugués aux temps composés avec l’auxiliaire
« être », qui font usage de la même structure syntaxique, « être + participe
passé ».
En effet, les exercices proposés dans les manuels de FLE sont très
uniformisés et ils sont quasiment toujours conçus à partir de la langue cible
pour la langue cible, trop souvent sans vraie prise en compte de la langue
maternelle des apprenants. Or, il existe de très nombreux points syntaxiques,
grammaticaux, etc., différents entre le français et le japonais qui mériteraient
de bénéficier d’exercices de réflexion grammaticale plus appropriés. Les
manuels de FLE du Japon se contentent en effet de mimer les productions
françaises : la plupart des auteurs ont appris en France notre langue comme
natifs ou apprenants et ce qui a marché en France pour eux devrait donc
marcher pour les apprenants qui n’ont jamais mis les pieds en France. Par
ailleurs, les exercices, traditionnellement faits à partir du français pour le
public français plutôt que pour l’apprenant japonais dans les faits, sont
souvent perçus comme favorisant le bain linguistique (qui est inexistant de
facto au Japon) en langue cible et la réflexion en langue cible. Cela représente
parfois un relatif grand écart, même si tous les exercices n’ont pas le même
niveau de difficulté de réflexion, ce qui permet de ne pas rejeter ce type
d’exercices non plus (il faut les contextualiser grammaticalement). L’usage
de ces exercices conçus en français sur le modèle de ceux du français langue
maternelle sont aussi une occasion pour l’apprenant d’apprendre le français à
la française, ce qui culturellement n’est peut-être pas sans intérêt pour un
apprenant étranger non plus.
Il est donc intéressant, dans une pédagogie contextualisée du FLE pour les
japonophones, de faire prendre conscience aux apprenants de ces spécificités
du verbe japonais pour qu’ils puissent pleinement appréhender la pratique
grammaticale correspondante dans la langue cible (cela peut aussi avoir des
avantages dans l’apprentissage contextualisé des temps verbaux du français
par ailleurs, mais c’est un autre problème que nous n’aborderons pas ici).
Remarquons que le problème de la valence du verbe en L1 comme en L2 est
rarement traité en tant que tel non plus en FLE.

1. Le verbe japonais : valence et expression de l’état

Face à la structure française « être + participe passé » exprimant l’état


(commune à la structure du passif, mais aussi à la conjugaison de certains
verbes intransitifs aux temps composés), il existe deux structures verbales en
japonais. Le verbe mis à la forme dite en -te (forme permettant de relier ici le
verbe à un auxiliaire qui le suit et donne le sens statique à la forme verbale en
-te) et suivi de l’auxiliaire « iru » ou de l’auxiliaire « aru » selon sa valence.
En effet, les verbes construits avec « iru » sont généralement intransitifs,
tandis que ceux construits avec « aru » sont généralement transitifs. On peut
illustrer schématiquement ces deux structures statiques ainsi : on prend pour
exemple le verbe transitif akeru (ouvrir) et son équivalent lexical intransitif
aku (s’ouvrir ; remarquer qu’il s’agit en L2 d’un verbe pronominal, catégorie
inexistante en japonais).
En japonais En français
Verbe transitif + -te aru
Ex : (Doa ga) ake-te aru. = être + participe passé (sens statique
résultatif)
Verbe intransitif + -te iru
Ex : (Doa ga) ai-te iru. (La porte) est ouverte.

Noter que cela n’a pas d’incidence en japonais sur le passif, qui s’exprime
tout à fait autrement dans cette langue (avec le suffixe -areru sur le verbe).

Verbe transitif + -areru = passif

2. Quelques exemples d’exercices contextualisés


sur l’expression de l’état

On peut d’abord proposer un exercice sous forme de version du français au


japonais préalablement pour inviter les apprenants à observer les formes
japonaises correspondant aux formes françaises en jeu. Un exercice unilingue
en japonais (on ajoute la traduction des énoncés en français pour le lecteur)
de sensibilisation linguistique à la L1 pourrait prendre l’apparence ci-
dessous, en mélangeant phrases de sens statique et phrases de sens actif en
japonais dans un premier lieu pour sensibiliser les apprenants au
fonctionnement du verbe dans leur propre langue, ce dont ils ne sont parfois
pas conscients.

Exercice 1
Sono hon no pêji ga yaburete iru.
(La page de ce livre est déchirée.)
[ce livre gén. page suj. déchiré-aux]

Kuruma ga tomatte iru.


(La voiture est arrêtée.)
[voiture suj. arrêté-aux]
Itsumo kuruma wo koko ni tomete iru.
(J’arrête toujours ma voiture ici.)
[toujours voiture obj. ici loc. arrêter-aux]

Kodomo wa okite iru.


(Les enfants sont levés.)
[enfant th. levé-aux]

Watashi wa mainichi 8ji ni kodomo wo okoshite iru.


(Je lève les enfants à 8 heures tous les jours.)
[moi th. tous-les-jours huit-heure loc. enfant obj. lever-aux]

Kodomo ga hon no pêji wo yabutte iru.


(L’enfant déchire les pages du livre.)
[enfant suj. livre gén. page obj. déchirer-aux]

Kabe ni wa e ga kakatte iru.


(Des tableaux sont accrochés au mur.)
[mur loc. th. tableau suj. accroché-aux]

Jûgyôin wa kabe ni e wo kakete iru.


(L’employé accroche des tableaux sur le mur.)
[employé th. mur loc. tableau obj. accrocher-aux]

Raberu ga hagarete iru.


(Les étiquettes sont décollées.)
[étiquette suj. décollé-aux]

Chotto matte, raberu wo hagashite iru kara.


(Un instant, je décolle les étiquettes.)
[un-peu attends, étiquette obj. décoller-aux comme]

Le but est de mettre en évidence ici que la forme en -te iru change de sens
selon la nature (valence) du verbe auquel elle est attachée. On peut mettre
côte à côte les énoncés comprenant les verbes de même racine lexicale (mais
à la valence différente) pour faciliter l’observation, ou on peut mettre les
énoncés dans le désordre pour en compliquer l’observation. De la différence
de sens observée en japonais, on peut en déduire qu’en français il doit exister
une manière différente de rendre ces diverses formes verbales et structures.
Dans un second temps, on associe les traductions françaises aux phrases
japonaises et on demande aux apprenants de dire par quels procédés sont
rendues les différences de sens et de structures remarquées en japonais dans
l’exercice 1.

Exercice 2
Je lève les enfants à 8 heures tous les jours. // Les enfants sont levés.
Watashi wa mainichi 8ji ni kodomo wo okoshite iru. // Kodomo wa okite iru.

L’employé accroche des tableaux sur le mur. // Des tableaux sont accrochés sur le mur.
Jûgyôin wa kabe ni e wo kakete iru. // Kabe ni wa e ga kakatte iru.

Un instant, je décolle les étiquettes. // L’étiquette est décollée.


Chotto matte, raberu wo hagashite iru kara. // Raberu wa hagarete iru.

L’apprenant, après avoir identifié ces différents sens, peut associer d’une
part le type de verbe intransitif ou transitif en jeu dans les deux langues et
d’autre part associer les effets de la valence du verbe aux sens de -te iru dans
sa langue et comparer avec les structures en jeu dans les deux langues. Par
exemple, il devrait associer la forme « j’arrête » au verbe transitif utilisé à la
forme -te iru de sens progressif en japonais, i.e. « tomeru », aboutissant à la
traduction « kuruma wo tomete iru ». À l’opposé, l’apprenant devrait associer
« est arrêté » au verbe intransitif « tomaru » mis à la forme en -te iru de sens
statique et aboutir à la traduction suivante : « kuruma ga tomatte iru ».
Dans un troisième temps, on proposerait uniquement les énoncés français
et on demanderait aux apprenants de retrouver leur sens en japonais, puis on
ferait l’inverse avec les énoncés japonais uniquement qu’ils devraient traduire
en français d’eux-mêmes. On peut bien sûr changer les énoncés pour éviter le
caractère un peu répétitif de cette procédure, l’essentiel étant de vérifier que
l’apprenant a bien compris.
Dans le cas de la traduction du français au japonais, il est aussi possible
que l’étudiant décide de garder le verbe transitif « tomeru » qu’il mettra à la
forme en -te aru qui possède aussi le sens statique de -te iru, comme nous
l’avons expliqué en 1. Il ne s’agit pas d’une erreur cependant (en l’absence de
contexte défini), mais d’une autre possibilité de traduction toujours en rapport
avec l’expression de l’état.
Un nouvel exercice inclurait donc aussi des énoncés statiques en -te aru en
plus des énoncés dynamiques et statiques en -te iru pour davantage mettre en
valeur la structure statique en français. Voici un modèle possible :

Exercice 3

Sagyôin wa kabe ni e wo kakete iru.


L’employé accroche des tableaux sur le mur. //
[employé th. mur loc. tableau obj. accrocher-aux]

Kabe ni wa e ga kakatte iru.


Des tableaux sont accrochés sur le mur. //
[mur loc. th. tableau suj. s’accrocher-aux]

E wa kabe ni kakete aru.


Les tableaux sont accrochés sur le mur. //
[tableau th. mur loc. accrocher-aux]

L’apprenant se rendrait ainsi compte que « être + participe passé » sert


aussi à rendre la forme en -te aru de sens statique.
Concernant la diversité des formes d’exercice, on peut aussi faire des
exercices à choix multiples du type ci-contre (pour faciliter ce choix, on peut
mettre la traduction des phrases en japonais pour qu’il n’y ait pas de doute
sur le sens des énoncés français) :

Exercice 4

L’employé (accroche / est accroché) des tableaux


// Jûgyôin wa kabe ni e wo kakete iru.
sur le mur.

Des tableaux (accroche / sont accrochés ) sur le


// Kabe ni wa e ga kakatte iru.
mur.

Les tableaux (accroche / sont accrochés ) sur le


// E wa kabe ni kakete aru.
mur.
Ici, on a mis en parallèle trois énoncés liés par la même racine verbale en
japonais, mais on peut très bien faire le choix de diversifier beaucoup plus les
énoncés au niveau lexical.
On peut aussi créer des exercices à trous qui ont le mérite de faire
manipuler la langue plus activement : il conviendrait de choisir la forme
active du verbe ou la structure « être + participe passé » du verbe entre
parenthèses en fin d’énoncé en français. Par exemple :

Exercice 5

L’employé (……………) des tableaux sur le


// Sagyôin wa kabe ni e wo kakete iru
mur. (accrocher)

Des tableaux (……………) sur le mur.


// Kabe ni wa e ga kakatte iru.
(accrocher)

Les tableaux (……………) sur le mur.


// E wa kabe ni kakete aru.
(accrocher)

Nous n’avons jamais rencontré ce type d’exercice mettant en contraste les


sens statique et dynamique (progressif) de la forme en -te iru par rapport au
verbe français dans les manuels de FLE japonais, ni même fondé sur
l’utilisation de -te aru. Bien que cela ne soit pas toujours aisé en fonction du
vocabulaire et des formes grammaticales qui ont ou n’ont pas encore été
appris, il est préférable d’utiliser des énoncés ayant une certaine
ressemblance du point de vue du vocabulaire pour faciliter la comparaison
des structures et formes grammaticales en jeu dans les deux langues, sans
pour autant refuser une certaine variété lexicale non plus (cela dépend du
nombre d’énoncés de l’exercice). Nous préconisons aussi des énoncés
relativement courts pour que l’attention de l’apprenant ne se perde pas sur
des points annexes qui ne sont pas le but premier de l’exercice, en particulier
au niveau débutant.
Nous pensons qu’il ne faut pas rejeter les activités de traduction de la
classe de FLE (en particulier si les apprenants ont tous la même L1) car elles
permettent d’introduire des points grammaticaux peu accessibles de manière
immédiate en raison de leur caractère moins évident ou plus abstrait, mais
pourtant tout aussi nécessaires à l’expression en L1 comme en L2, même si
les deux langues ne partagent pas les mêmes catégories grammaticales ou
morphologiques.
Un autre type d’exercices invitant les apprenants à distinguer les sens actif
et statique des énoncés et se prêtant à une activité orale (mais possible aussi à
l’écrit bien sûr) consiste à mettre en parallèle des images ou photos de
situations ou événements que l’apprenant doit alors décrire en L2. Par
exemple, on peut montrer l’image d’un employé ouvrant une porte et une
autre de la porte déjà ouverte : pour la première image, l’apprenant dirait que
l’ouvrier ouvre la porte, et pour la seconde que la porte est ouverte. On peut
bien sûr utiliser la vidéo (courte si possible) à cet effet (Youtube en regorge),
par exemple la vidéo d’une voiture en train de s’arrêter au feu et qui en fin de
vidéo est à l’arrêt. L’apprenant est alors invité à dire que le conducteur arrête
la voiture et qu’elle est ensuite à l’arrêt (on peut stopper la vidéo entre les
deux phases de cette action et son résultat pour mieux mettre en évidence les
énoncés recherchés).
Sommaire

Couverture

Page de titre

Collection F

Présentation

1. Tâches, résolution de problème et exercices

1. L’exercice dans son environnement


1.1. Tâches et activités

1.2. L’exercice comme tâche

1.3. Leçons et exercices

1.4. Les compétences visées

1.5. L’exercice dans son principe

1.6. Une tâche au profil singulier

2. L’attrait d’une pratique


2.1. Les fondements théoriques
2.2. L’exercice entre systématisation et automatisation
ON S’ENTRAÎNE ?

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 1

2. Les origines de l’exercice

1. Les premières formes de systématisation


2. Les cacographies
3. La méthode directe
4. Des perspectives nouvelles
ON S’ENTRAÎNE ?

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 2

3. Les formes de l’exercice

1. Une mécanique complexe


2. La diversité des formes
3. La formulation des consignes
4. Propriétés générales
ON S’ENTRAÎNE ?

4. La gestion de l’exercice

1. L’exercice selon les domaines d’apprentissage du français


1.1 Le français, langue maternelle

1.2 Le français, langue étrangère

2. L’exercice selon les niveaux, selon les publics


3. L’exercice dans le déroulement de l’apprentissage
4. L’exercice selon les domaines de référence
5. L’exercice selon les propriétés de la langue française
6. L’exercice selon la langue d’origine de l’élève
ON S’ENTRAÎNE ?

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 4

5. Exercice et FL2

1. Progression et exercices
2. La syntaxe du titre
3. La densification des énoncés
4. Une progression
ON S’ENTRAÎNE ?

6. Exercices et orientations méthodologiques

1. L’exercice structural
2. L’exercice de réemploi
3. L’exercice de conceptualisation
4. Les exercices de traduction
5. Approches communicatives et exercices
6. Exercices et orientations méthodologiques : un lien attesté ?
ON S’ENTRAÎNE ?

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 6

7. Exercices et descriptions grammaticales


1. Les usages du subjonctif
2. Les temps du passé
2.1. Temps du passé et dimension narrative

2.2. Temps du passé et approche notionnelle/énonciative

3. Formes de la langue et environnement langagier


3.1. Du contexte restreint au contexte d’usage : trois articulateurs,
parce que, puisque, car

3.2. Un usage et ses restrictions : la transformation passive


ON S’ENTRAÎNE ?

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 7

8. DOMAINES D’EXTENSION DE L’EXERCICE

1. Le vocabulaire
2. L’argumentation écrite
3. La lecture
ON S’ENTRAÎNE

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE 8

Avant de conclure

Conclusion

Annexes

1. Exercices et propriétés grammaticales


2. Formes de l’exercice et niveaux

3. Conception d’exercices conceptualisés de la grammaire du FLE, en


contexte japonais

Page de copyright
Édition : Christine Delormeau
Conception graphique et couverture : Amarante, Atelier des 2 Ormeaux
Réalisation : Nord-Compo
© Hachette Livre 2017, 58 rue Jean Bleuzen, 92178 Vanves Cedex, France
ISBN : 978-2-01-401658-1

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