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Le silicium : Les impacts

environnementaux liés à la
production

Les impacts environnementaux liés à la production de composants électroniques à


base de silicium débutent avec l’exploitation des carrières d’où sont extraits les sables
nécessaires à cette industrie. La poursuite du processus nécessite des combustibles
fossiles comme le charbon, du charbon de bois dont respectivement l’extraction et la
production ont également un impact environnemental. Rappelons ici que l’usage
intensif du charbon de bois dans les forges a été à l’origine d’importantes
déforestations dans la Chine antique ainsi que l’Europe romaine puis médiévale.
Enfin, les divers processus de purification nécessaires à l’obtention de la qualité
électronique du silicium auront également un poids considérable dans l’impact
environnemental global des puces électroniques.

Les impacts imputables à l’exploitation des


carrières
Une activité aussi répandue que l’exploitation de carrières de silice, de sables ou de
graviers n’est pas sans laisser des traces qui vont au delà du simple aspect visuel,
mais qui posent de véritables problèmes d’érosion des sols et de dégradation de
l’environnement aux alentours de ces sites. Bien que l’impact environnemental de
chacune de ces carrières peu sembler limité, leurs impacts combinés sont
considérables en raison de leur large dispersion sur la région d’extraction [[A
geomorphological design for the rehabilitation of an abandoned sand quarry in
central Spain, JF Martin Duque et al., Landscape and Urban Planning 42(1998) 1-14]].
Ceci est dû à plusieurs raisons :

 une durée de vie moyenne extrêmement limitée: de nouvelles carrières sont


constamment ouvertes et les anciennes abandonnées
 cette activité a été poursuivie depuis des siècles
 cette activité s’accentue dans les années récentes

L’extraction de sable conduit à une série d’impacts environnementaux négatifs qui


ont été décrits et évalués avec des méthodes standardisées [[Leopold et al., 1971;
Gonzalez Alonzo et al., 1991]]:
 les effets sur le paysage ont été jugés critiques
 les impacts sur la qualité de l’eau ont été jugés sévères (augmentation des
écoulements, de l’érosion et de la turbidité en aval)
 les impacts sur le sol et la végétation ont également été jugés sévères (érosion,
atteinte aux zones boisées et aux pâturages)

Les impacts liés à la production du silicium


En 1990, la production mondiale de silicium de qualité métallique atteignait 800 000
tonnes. Seulement 32 000 tonnes ont obtenu la qualité électronique. Après les
dernières étapes de purification et d’importants déchets de fabrication, seules 3 200
tonnes finirent dans des cellules photovoltaïques et 750 tonnes dans des composants
électroniques [[Vers une écologie industrielle, Suren Erkman, pp 86-88, 2004]]. Il aura
fallu utiliser plus de 100 000 tonnes de chlore et 200 000 tonnes d’acides et solvant
divers dont le traitement n’était pas assuré à l’époque. La pollution constatée depuis
dans la “Silicon Valley” atteste que ces effluents toxiques ont été rejetés dans
l’environnement, polluant les nappes phréatiques. Le traitement industriel du silicium
est donc excessivement propice au gaspillage de matière première, gros
consommateur de produits toxiques, d’eau et d’énergie.

La pression sur les ressources s’intensifie


Une étude de 1998 décrit les principaux flux matières de la chaîne de fabrication du
silicium [[Forecasting material and economic flows in the global production chain for
silicon, Eric Williams, Technological Forecasting & Social Change 70 (2003) 341–357
343]]. Ces chiffres ne prennent pas en compte l’eau, les produits chimiques, les gaz
élémentaires nécessaires au processus (ces données sont rares), mais cela donne
quand même une idée de l’impact global d’une telle activité. On voit clairement que
le flux matière de loin le plus important est le charbon. L’impact environnemental lié à
cette énergie fossile sera très différent selon le pays où cette extraction se déroule
(pays émergent/pays développé).

Production de silicium métallique

Flux matière 1998 2020

Charbon (millions de t) 0.26 0.67


Charbon de bois (millions de t) 0.64 1.7

Quartz (millions de t) 2.7 7.1

Wafers (milliards de cm2) 24.5 133

Une production de plus en plus énergivore


Les différentes étapes pour transformer la ressource naturelle (silice) en wafer sont
très consommatrices en énergie. L’énergie nécessaire à l’accomplissement de chaque
étape de ce long processus a été évaluée et on remarque que c’est la chaîne de
traitement du wafer qui est la phase la plus énergivore (cf. graphique ci-dessous) avec
près de 73% de l’énergie totale nécessaire pour le processus global. Au total, 2933
kWh d’électricité sont nécessaires pour produire 1 kg de wafer en silicium. Ramené à
la production d’1 cm2 de wafer, la dépense énergétique est de 0,34 kWh. Pour donner
une échelle de grandeur, une famille française moyenne (4 personnes en maison
individuelle), consomme environ 4500 kWh/an (source: projet REMODECE 2008
cabinet ENERTECH).

La consommation énergétique mondiale des secteurs du charbon et des semi-


conducteurs étaient respectivement de 1500 et 210 TJ (Téra Joules) en 1998. Si l’on
prend en compte les progrès accomplis entre 1993 et 1999 en termes d’efficacité
énergétique, on estime l’évolution de ces deux secteurs respectivement à 2300 et
1100 TJ en 2020. La consommation énergétique du secteur des semi-conducteurs est
multipliée plus de 5 (comme la surface de wafers produits). On mesure combien
l’industrie des semi-conducteurs est de plus en plus énergivore. Les améliorations des
techniques de fabrication diminuent les flux matières nécessaires, mais cette avancée
est plombée par une demande qui s’envole : c’est « l’effet rebond ». Produire du
silicium de qualité électronique consomme 160 fois plus d’énergie que du silicium de
qualité métallique : c’est la part de la purification extrême demandée pour
l’électronique [[The 1.7 Kilogram Microchip: Energy and Material Use in the
Production of Semiconductor Devices, Eric D. Williams et al, Environ.Sci.Technol.2002,
36,5504-5510]].

L’emploi de produits toxiques est


permanent
L’industrie des semi-conducteurs est grosse consommatrice de produits chimiques,
plusieurs en quantité importantes et plusieurs toxiques. Les effluents de ces produits
ont des impacts potentiels sur la qualité de l’air, de l’eau, des sols et sur la santé des
employés qui risquent de développer des maladies professionnelles.
Les données concernant l’emploi de produits chimiques dans le cadre de la chaîne de
fabrication des semi-conducteurs sont difficiles à obtenir et varient sensiblement
selon les sources. Toutefois, pour produire 1 cm2 de puce électronique, on peut
dégager une fourchette 6 à 190 g de substances chimiques nécessaires en entrée,
ainsi que de 1,2 à 160 g d’émissions de produits chimiques en sortie.
Une société qui préfère rester anonyme confie que pour produire 1 cm2 de wafer, il
faut 45 g de produits chimiques :

 gaz dopants/déposition (silane, phosphine, dichlorosilane, diborane): 0,16 g


 photolithographie (acétone, peroxyde d’hydrogène, hydroxyde de
tétraméthylammonium,…): 14 g
 gravure (protoxyde d’azote, ammoniaque, chlore, trichlorure de bore,…): 0,23 g
 acides/bases (acides phosphorique, nitrique, sulfurique, chlorhydrique,
ammoniaque,…): 31 g

et en ce qui concerne les gaz élémentaires (azote, hélium, argon, hydrogène,


oxygène): 556 g. En d’autres termes, ce ne sont pas moins de 280 kg de produits
chimiques par kg de silicium produit. On peut en conclure que l’industrie
électronique est excessivement consommatrice en produits chimiques.
L’utilisation d’importantes quantités d’eau
en grande partie ultra pure
La chaîne de fabrication des semi-conducteurs a également besoin d’importantes
quantités d’eau hautement purifiée. Une usine de fabrication de wafers de 6 pouces
qui produit 40 000 wafers par mois, consomme de 7,57 à 11,35 millions de litres
d’eau par mois, soit entre 18 et 27 litres d’eau par cm2 de silicium [[Peters, L.
Semiconductor International 1998, 21(2), 71]].
Comme on a pu le voir dans la production des wafers (étape 10 du processus), une
eau de qualité ultra pure est nécessaire au nettoyage des wafers. De par leur taille
(pouvant aller jusqu’à 32 nm) les circuits présents sur les wafers ne tolèrent pas les
éléments minéraux contenus dans une eau de qualité courante. Le traitement que
devra subir l’eau du réseau dépend de sa qualité et des besoins requis par le
processus industriel. La quantité d’eau ultra pure dépend de la taille du wafer mais
aussi de la fonction des composants produits : les puces mémoires sont constituées
de moins de couches que les puces logiques et plus il y a de couches, plus les besoins
en eau sont importants. Les industriels déclarent que pour la fabrication d’un wafer
de 300 mm, 8330 litres d’eau sont nécessaires (dont 68% doit être ultra pure) [[Pure
water, semiconductors and the recession,
http://www.globalwaterintel.com/archive/10/10/market-insight/pure-water-
semiconductors-and-the-recession.html]].
Le procédé schématique de purification de l’eau s’établit de la manière suivante
[[Water processes and production: High and ultra-high purity water, Anthony
Bennett, Filtration & Separation Volume 46, Issue 2, March-April 2009, Pages 24-27]]:

 filtrations multiples et micro-floculation pour enlever les matières en suspension


 charbons actifs pour éliminer les composés organiques
 osmose inverse pour éliminer les sels dissous au niveau ionique

Les besoins en eau sont devenus tellement importants que l’extension de la


production des semi-conducteurs est remise en question sur beaucoup de sites en
raison des restrictions d’accès à l’eau.

Des effluents toxiques


Comme on vient de le voir, l’industrie des semi-conducteurs fait face à une
consommation importante d’eau et par voie de conséquences, une quantité toute
aussi importante d’effluents qui doivent être traités de même que les filtres qui
doivent être régulièrement nettoyés par une combinaison d’agents de nettoyages
acides et alcalins.
Tous les produits employés lors du processus d’élaboration des wafers se retrouvent
dans ces eaux usées : arsenic, antimoine, phosphore, peroxyde d’hydrogène, acides
nitrique, sulfurique et hydrofluorique, boues de pâte à polir et même des résidus
métalliques (cuivre par exemple) [7]. Devant les pressions induites par les
règlementations environnementales, ces eaux usées doivent être traitées et recyclées,
ce qui commence à être réalisé. Les produits toxiques doivent être filtrés et les acides
neutralisés.

L’emploi des gaz élémentaires


Si l’utilisation de gaz élémentaires comme l’oxygène, l’azote ou l’argon ne crée pas à
proprement parler d’impact direct autre que les précautions à prendre lors de leur
manipulation, il n’en reste pas moins vrai que l’énergie nécessaire à leur production
et à leur purification est importante. Le laboratoire Lawrence Berkeley rapporte que
7% de sa consommation électrique est consacrée à la production d’azote liquide [5].
Pour le reste, très peu d’informations sont disponibles pour estimer l’énergie
nécessaire à la production de ces gaz élémentaires.

Conclusion
L’industrie électronique est considérée comme une industrie plus propre que ses
voisines (mines, chimie, pétrole) mais en réalité, son impact environnemental est bien
plus important en regard de la quantité de ressources, d’eau, d’énergie et de produits
toxiques en jeu par unité de produit final.

Suite de l’article : les aspects sociaux

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