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Recension Bastié Figaro
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champs libres
le figaro
Idées 17
Q
soumette à l’autorité d’un maître, sans convaincre les masses, par de multiples « souveraineté déléguée ». L’État peut im-
de surveillance, u’aurait pensé Étienne
qu’il ait besoin de recourir à la force physi-
que ? Car ce ne sont point les archers et les
« allèchements », du pain, des jeux, de
beaux discours. Enfin, le tyran règne grâce
poser le port du masque, mais il n’a plus la
maîtrise de sa monnaie ni de sa frontière et
le « Discours de la de La Boétie d’Eliza-
beth II ? Aurait-il ricané
hallebardiers qui gardent les palais, mais
bien l’abdication des sujets devenus « re-
aux réseaux des tyranneaux : il a autour de
lui six conseillers, qui en dressent autour
le moindre influenceur a plus d’autorité
sur la jeunesse que n’importe quel profes-
servitude volontaire », comme un Insoumis de
la dévotion qui saisit
celeur(s) d(es) larron(s) qui (les) pille(nt),
complices du meurtrier qui (les) tue, et traî-
d’eux six cents, qui en ont en leur dépen-
dance six mille… et c’est ainsi qu’on tient
seur. Le Léviathan décrit par Hobbes, cen-
sé rétribuer la servitude volontaire par la
de La Boétie, l’homme démocratique tres d’(eux)-même(s)». Ce maître, « ce qu’il un pays. Cinq siècles avant Michel Fou- garantie de la sécurité publique, est
quand se déploie la litur- a de plus que vous, ce sont les moyens que cault et son Surveiller et punir, La Boétie aujourd’hui ligoté par l’état de droit qui
opportunément gie du pouvoir ? Aurait-il vous lui fournissez pour vous détruire »… décrit à merveille les dispositifs qui per- l’empêche de protéger efficacement les ci-
au contraire jugé en bon libéral avec bien- mettent la société de toyens. A contrario, la servitude volontai-
republié, prend une veillance cette monarchie constitutionnel- contrôle, et la fragili- re, cette abdication de la liberté intérieure
C
fondeur. Celui qui est « déjà là » trouve eurs est la condition d’une bienveillance protectrice. C’est pourquoi « les soulè-
personnelle, e livre passionné a com-
naturel, s’il a la curiosité voyageuse,
d’en savoir plus sur « les origines ».
à l’égard du reste du monde.
Mais repartons du début. Paul Audi
vements de 2019 ne pouvaient pas abou-
tir », nous dit l’auteur. La rue libanaise
tourmentée mencé par une brouille
entre deux amis. En ef-
Mais tel n’est pas le sentiment de Paul
Audi. Lors d’une conversation à ce su-
est arrivé en France à onze ans quand
commence la guerre du Liban. Il a été
réclama la naissance d’une nation faites
de citoyens formellement déliés de
et originale sur fet, bien que philosophe,
avec trente-cinq livres
jet, son ami s’en est étonné. Une telle
honte de l’origine libanaise n’est-elle
emmené par sa mère, bien décidée à les
sortir, son frère, sa sœur et lui, de cette
leurs origines ethniques et religieuses.
Une nation où ce qui compte, ce sont les
son identité de au compteur, Paul Audi pas surjouée ? Pourquoi renier ainsi une guerre civile dont elle pressentait valeurs, l’histoire partagée, le mode de
a conservé la susceptibilité qu’un ado- filiation si respectable ? Est-ce que le qu’elle ne s’arrêterait plus. Ce jour-là, il vie commun, l’argent public sanctuari-
« Français naturalisé » lescent ombrageux. Ainsi, déteste-t-il mépris dans lequel il tient la conduite est « né une deuxième fois ». Sa première sé. Un tel miracle ne se produira pas. Le
qu’on le renvoie à son origine libanai- de ce peuple ne révèle pas une forme de dette, celle que l’on doit à son pays de communautarisme institutionnalisé est
et son Liban natal se, pays qui selon lui se plaît à poser en racisme ? Le mot en « R » lâché, Paul naissance, il voulut l’effacer, par inscrit dans la chair de ce pays. Jamais
victime quand il est responsable et Audi le prend en plein cœur. Il s’en ex- conversion à l’idée chevaleresque qu’il les individus ne pourront se défaire de
longtemps honni. coupable du chaos qui le dévore. plique d’abord par voie épistolaire avec se faisait de cette France dont il avait leur assignation à une communauté re-
Qu’on le décrive comme Franco-Liba- son ami, puis l’explication se transfor- rêvé depuis Beyrouth, quand l’un de ses ligieuse donnée, et donc à une… origine.
nais – ce qu’il est, puisqu’il a la double me en livre. Un bon gros livre, exigeant copains lui montrait les films de mous- Et c’est bien cela que nous apprend
nationalité - lui est donc pénible. Son et attachant, qui propose un exercice quetaires ou lui faisait voir L’Armée des l’auteur en quête de lui-même. Ce que
kif (pour prendre un mot qui vient du d’auto-clarification sans concession ombres. Audi a un côté Romain Gary, donne, en théorie, la citoyenneté fran-
sud) est d’être considéré comme ce afin de se sortir du piège de la haine de qu’il cite. Il a été porté lui aussi par çaise, il ne le dit pas ainsi, mais nous le
qu’il veut être : Français. Or les Fran- soi. Comme disait Emmanuel Berl, il y a l’amour que sa mère avait de son pays disons pour lui, c’est la possibilité de se
çais eux-mêmes, cruels sans le savoir, ceux qui écrivent parce qu’ils savent ce d’adoption. La France l’a « sauvé » dit- détacher « des particularités de la nais-
mentionnent trop souvent à son goût qu’ils veulent dire, et ceux qui écrivent il, en lui offrant protection et culture – sance » pour forger un chemin affran-
sa double appartenance, et le ren- pour le découvrir. Et Audi appartient à mais surtout en l’identifiant à un nom chi de la classe, la race, la religion. Un
voient à cette origine qu’il a voulu ef- la deuxième catégorie. « C’est la pre- qui signifie liberté, et dont il rappelle chemin singulier. C’est la malice de la
facer. Sans doute le font-ils sans in- mière fois que j’écris un livre où je me qu’il vient des Francs, dont le nom si- promesse française d’inviter tous ceux
tention dépréciative, car le Liban est mets à l’épreuve selon l’idée de la philo- gnifie s’affranchir des tutelles. C’est qui en rejoignent la bannière à oublier
aimé en France en dépit de tout. À vrai sophie que je défends depuis des an- beaucoup d’honneur que le mot de li- d’où ils viennent pour devenir ce qu’ils
dire, on le sait, beaucoup de « Français nées », nous dit-il lors de notre conver- berté soit associé par l’étymologie à ce- sont. Évidemment, cette promesse ne
d’origine… » ressentent la même cho- sation, chez lui, dans un appartement lui de la France. Or, les habitants de ce cesse d’être déçue. La France empiri-
se. Leurs origines leur sont trop sou- proustien de la rive gauche, non loin pays d’hommes supposément libres, de que n’est pas la France idéale. Et la
vent rappelées, pointées, ressassées. des ministères. bretteurs, de contradicteurs ont le cu- France de 2022 a encore moins les
« Si vous m’avez accepté dans votre Quelle est cette philosophie ? « Elle rieux réflexe de le renvoyer à la prison moyens de la tenir. Mais sur le princi-
club, traitez-moi comme tel ; vous insiste sur une interprétation très person- dont il entendait se délivrer. Tel est le pe, la promesse est là. Et l’on com-
pouviez ne pas le faire, mais vous nelle du mot “éthique”, défini comme un syndrome du naturalisé. « J’ai été prend que Paul Audi se fâche d’être
constamment exposé à cette question du renvoyé à son point de départ, quand la
regard des autres qui me ramenaient à ce France lui promettait de l’en délivrer.
« deLes2019
soulèvements
au Liban
que je n’étais plus », nous dit-il.
Ce regard fait apparaître la blessure
narcissique. Celle qui vient du pays
Sa colère a néanmoins rappelé quelque
chose de fort : le communautarisme,
c’est la dictature des origines. Le com-
(réclamant la fin d’origine. L’« origine » peut être enjoli- munautarisme, c’est la guerre. ■
du système vée, ou enlaidie, selon le moment et
confessionnel) l’envie. Il en va des hasards de l’histoire
qui oppose ou rapproche. En ce qui
ne pouvaient concerne le Liban, le lecteur, qui en a
aboutir » une vue romantique, comprend peu à
peu de quoi il s’agit. Le développement
François Bouchon/Le Figaro
PAUL AUDI
d’Audi est implacable sur ce point.
L’État libanais n’a jamais pu rien faire
contre l’étalage de cupidité mafieuse
des chefs d’un pays divisé en clientèles Troublante
religieuses. Bien sûr, le pire ennemi du identité
Liban est le parti chiite, véritable État Paul Audi,
dans l’État, mais les hiérarques chré- Éditions Stock,
A