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Electromagnétisme dans la matière

Semestre 5 Licence de Physique

Jérôme Cayssol
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First printing, September 2021


Contents

I Equations de Maxwell et rayonnement

1 Equations de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz 10
1.2 Conservation de la charge 12
1.3 Relations de passage à une interface 13
1.3.1 Analyse des équations de Maxwell à divergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3.2 Analyse des équations de Maxwell à rotationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.4 Potentiels scalaire et vecteur 15
1.4.1 Introduction des potentiels scalaire et vecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.4.2 Equations dynamiques (de Poisson) pour les potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4.3 Solutions des équations de Poisson pour les potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.5 Energie électromagnétique 17
1.5.1 Densité volumique de puissance cédée par le champ à la matière chargée 17
1.5.2 Densité locale d’énergie du champ u(~r,t) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5.3 Vecteur de Poynting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5.4 Loi de conservation locale de l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.5.5 Expressions de u(~r,t) et du vecteur de Poynting en fonction des champs . . . . 18
1.6 Conclusion 19

2 Ondes dans le vide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21


2.1 Equation d’onde de d’Alembert 21
2.2 Ondes planes progressives et monochromatiques 23
2.3 Structure détaillée d’une OPPM 24
2.4 Aspects énergétiques d’une OPPM 25
2.5 Etats de polarisation 26

3 Rayonnement électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.1 Rayonnement d’une charge accélérée 30
3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant 30
3.2.1 Approximation dipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.2.2 Calcul du potentiel vecteur ~A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2.3 Calcul du potentiel scalaire V dans la jauge de Lorenz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
3.2.4 Calcul des champs ~E et ~B d’un dipôle oscillant . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
3.2.5 Analyse des différents termes en fonction de la distance . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle oscillant 33
3.4 Conclusion 35

II Dipôles et champs macroscopiques dans la matière

4 Dipôles électriques et polarisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39


4.1 Le dipôle électrique 40
4.2 Champ créé par un dipôle électrique statique 41
4.3 Interaction d’un dipôle électrique avec un champ extérieur 42
4.4 Vecteur polarisation 42
4.5 Charges liées de polarisation volumiques et surfaciques 43
4.6 Susceptibilité électrique 44
4.7 Vecteur déplacement électrique et constante diélectrique 45
4.8 Conclusion 46

5 Dipôles magnétiques et aimantation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47


5.1 Le dipôle magnétique 48
5.2 Champ magnétique créé par un dipôle magnétique statique 48
5.3 Interaction d’un dipôle magnétique avec un champ extérieur 48
5.4 Vecteur aimantation 48
5.5 Courants ampériens volumiques et surfaciques 49
5.6 Vecteur excitation magnétique 49
5.7 Susceptibilité magnétique et perméabilité magnétique 50
5.8 Conclusion 50

6 Equations de Maxwell dans la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53


6.1 Champs macroscopiques lissés 54
6.1.1 Maxwell-flux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
6.1.2 Maxwell-Faraday . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
6.1.3 Maxwell-Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
6.1.4 Maxwell-Ampère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
6.2 Equations de Maxwell dans la matière 56
6.3 Une version alternative 57
6.4 Conclusion 57

7 Réponse linéaire phénoménologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59


7.1 Dispersion temporelle 59
7.2 Caractère complexe de la fonction de réponse 60
7.3 Equation de propagation dans un milieu matériel LHI 60
7.4 Conclusion 62

III Modèles microscopiques

8 Isolants : modèle de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65


8.1 Polarisabilité d’un atome 65
8.2 Polarisation 66
8.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réactive de la susceptibilité
dynamique 67

9 Métaux : modèle de Drude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69


9.1 Modèle de Drude AC et conductivité optique 69
9.1.1 Regime AC basse fréquence : ω  1/τ . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 70
9.1.2 Regime de relaxation : 1/τ  ω < ωP . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 70
9.1.3 Regime haute fréquence (transparent) : 1/τ  ωP < ω .. . . . . . . . . . . . . . . . . 71
9.1.4 Conclusion, remarques : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . . . . . . . 71
9.2 Lien avec le modèle de Lorentz des isolants 71
9.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réactive de la fonction de
réponse 72

10 Interfaces entre matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73


10.1 Rappel : relations de passage pour les champs macroscopiques lissés 73
10.2 Problème de diffusion (scattering) à une interface 73
10.2.1 Généralités et position du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
10.2.2 Interface entre deux diélectriques en incidence normale . . . . . . . . . . . . . . . . 74
10.2.3 Interface vide-métal parfait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

Bibliography . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Articles 77
Books 77
I
Equations de Maxwell et
rayonnement

1 Equations de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz
1.2 Conservation de la charge
1.3 Relations de passage à une interface
1.4 Potentiels scalaire et vecteur
1.5 Energie électromagnétique
1.6 Conclusion

2 Ondes dans le vide . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21


2.1 Equation d’onde de d’Alembert
2.2 Ondes planes progressives et monochromatiques
2.3 Structure détaillée d’une OPPM
2.4 Aspects énergétiques d’une OPPM
2.5 Etats de polarisation

3 Rayonnement électromagnétique . . . . 29
3.1 Rayonnement d’une charge accélérée
3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle
oscillant
3.4 Conclusion
1. Equations de Maxwell

Note historique : l’oeuvre du physicien théoricien écossais James-Clerk Maxwell (1831-1879)


est comparable en importance à celle d’Isaac Newton. Il a réalisé une synthèse mathématique
de l’électricité et du magnétisme, s’appuyant sur les travaux antérieurs de physiciens comme
Coulomb, Gauss, Ampère et Faraday (pour ne citer que les principaux). Au terme d’une série
de trois articles parus de 1855 à 1864, Maxwell obtient les équations de l’électromagnétisme
(classique) sous leur forme définitive, tout en fondant en parallèle la théorie cinétique des gaz.
De plus, la théorie électromagnétique de Maxwell n’est pas seulement une unification élégante
des domaines de l’électricité et du magnétisme : elle a aussi permis de prévoir de nouveaux
phénomènes et de révolutionner l’optique physique. En effet une conséquence immédiate des
équations de Maxwell est l’existence d’ondes électromagnétiques se propageant à la vitesse de la
lumière. Cette prédiction a été vérifiée expérimentalement par Heinrich Hertz en 1887. Maxwell
a donc élucidé la nature de la lumière et ouvert la voie vers les "lumières invisibles" que sont
les ondes électromagnétiques dans les domaines infrarouge, micro-ondes, radio, ultra-violet, X,
gamma etc... L’importance des ondes électromagnétiques est donc à la fois fondamentale (nature
de la lumière, spectroscopie, astrophysique) et technologique (télécommunications, radar, guides
d’onde, fibres optiques, connexions sans fils etc...). Maxwell et Hertz pensaient que les phénomènes
électromagnétiques correspondaient à des mouvements d’une sorte de fluide qu’ils appelaient éther.
C’est Hendrik-Antoon Lorentz qui va étudier la relation entre le champ électromagnétique et les
charges présentes dans les molécules (notamment les électrons), et finalement comprendre que l’on
peut se passer de l’éther.

Les équations de Maxwell décrivent la dynamique du champ électromagnétique en présence


de charges et de courants électriques. Dans ce cours, nous ne suivrons pas l’approche chronologique
qui est tortueuse et parfois obsolète (recours à l’éther), même si elle est intéressante du point de vue
de l’histoire des sciences. Nous allons postuler directement les équations de Maxwell complétées
par les équations du mouvement des charges sous l’influence des forces de Lorentz. Les équations
de Maxwell décrivent comment les charges et les courants engendrent le champ électromagnétique,
tandis que les équations de Newton-Lorentz décrivent comment le champ modifie le mouvement
des charges. Cet ensemble d’équations différentielles constituera notre point de départ, et nous en
10 Chapter 1. Equations de Maxwell

déduirons les conséquences tout au long de notre progression dans les chapitres suivants.

Ce chapitre est organisé de la manière suivante. Nous commencerons par énoncer les équations
de Maxwell tout en définissant les termes sources (densités volumiques de charges et de courants).
Nous montrerons ensuite que les équations de Maxwell impliquent la conservation locale de la
charge électrique. Nous introduirons une description du champ électromagnétique en termes
de certaines fonctions, appelées potentiels électromagnétiques (scalaire et vectoriel). Nous
établirons les équations dynamiques pour ces potentiels (équations de Poisson) et en donnerons
certaines solutions (solutions des potentiels retardés). Enfin, nous définirons certaines grandeurs
énergétiques associées au champ électromagnétique, comme la densité locale d’énergie et le vecteur
de Poynting.

1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz


On considère un ensemble de N charges ponctuelles qi qui sont généralement en mouvement. Ces
charges créent un champ électromagnétique qui agit en retour sur les charges par les forces de
Lorentz. Par conséquent, toutes les charges interagissent entre elles via le champ électromagnétique.
Dans un premier temps, il faut décrire où se trouvent les charges et à quelles vitesses elles se
déplacent. A chaque instant t, l’état mécanique d’une charge ponctuelle qi est déterminé par sa
position~ri (t) et sa vitesse~vi (t). L’ensemble des couples {~ri (t),~vi (t)} forme une description discrète
comportant un nombre fini de degrés de liberté, au total 6N degrés de liberté pour un système de N
charges sources.
En revanche, l’état instantané du champ électromagnétique est déterminé par une infinité
continue de vecteurs {~E(~r,t), (B(~ ~ r,t)}, attachés à chaque point de l’espace~r. Le champ électromag-
nétique est un objet extrêmement non local, car~r est une variable continue qui décrit tout l’espace
(à la différence de~ri (t) qui représente la position d’une charge à la date t).
Nous allons maintenant postuler les équations de Maxwell qui gouvernent l’évolution temporelle
du champ électromagnétique en présence de densités de charge ρ(~r,t) et de courant ~j(~r,t) (définies
plus bas) :

Propriété 1.1.1 — Les équations de Maxwell pour le champ.




∇ · ~B(~r,t) = 0 , (1.1)

− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (1.2)
∂t
→− 1
∇ · ~E(~r,t) = ρ(~r,t) , (1.3)
ε0

− ∂ ~E(~r,t)
∇ ∧ ~B(~r,t) = µ0~j(~r,t) + µ0 ε0 , (1.4)
∂t

avec ε0 = 8, 85.10−12 F.m−1 et µ0 = 4π.10−7 H.m−1 , dans le système international. La célérité c


de la lumière est déjà présente dans ces équations via la relation : ε0 µ0 = 1/c2 .

Il faut compléter ces équations par les équations de la dynamique de chaque charge qi (équations
de Newton) incluant la force exercée par le champ électromagnétique :

Propriété 1.1.2 — Les équations de Newton-Lorentz pour les charges.

d~vi (t)
mi = qi (~E(~ri (t),t) +~vi (t) ∧ ~B(~ri (t),t)) (1.5)
dt
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz 11

Ici on a supposé l’absence de toute autre force que les forces électromagnétiques. H.A. Lorentz a
eu l’idée de considérer que les charges sont portées par des entités élémentaires ayant une masse, à
une époque où l’électron avait été découvert mais où l’existence des atomes faisait encore débat.
Lorentz supposait que la matière était constituée d’oscillateurs portant un certain dipôle électrique
et caractérisés par une fréquence propre. Nous reviendrons en détail sur ce modèle classique de
l’interaction lumière-matière (chapitre 8).

Définissons maintenant les densités volumiques de charge et de courant qui interviennent dans
les équations de Maxwell-Gauss et Maxwell-Ampère respectivement. La densité volumique totale
de charge ρ(~r,t) est définie de la manière suivante.

Definition 1.1.1 — Densité volumique de charge électrique (en C.m−3 ).

i=N
ρ(~r,t) = ∑ qi δ (~r −~ri (t)) (1.6)
i=1

A chaque instant t fixé, cette densité indique où se trouvent les particules chargées et donne les
charges qi portées. On a souvent qi = −e (électrons) ou qi = e (ions, protons). L’intégrale de cette
densité sur un volume (V ) est la charge électrique totale contenue dans ce volume. Il s’avèrera utile
d’utiliser des versions lissées de cette densité de charge dans lesquelles on aura filtré (c’est à dire
gommé, éliminé) les détails au-dessous d’une certaine échelle de longueur (la résolution spatiale
après lissage).
On définit aussi une densité de courant volumique comme :

Definition 1.1.2 — Densité volumique de courant électrique (en A.m−2 ).

i=N
~j(~r,t) = ∑ qi~vi (t) δ (~r −~ri (t)) (1.7)
i=1

Cette fonction vectorielle décrit où se trouvent les particules chargées en mouvement et donne les
éléments de courants portés qi~vi (t). Le flux de ~j à travers une surface (S ) est appelée intensité du
courant et se mesure en ampères (A). L’intensité correspond bien à la quantité de charge nette qui
traverse la surface S (avec un signe fixé de manière conventionnelle) par unité de temps.

Problème complet auto-cohérent : Toutes les charges (mobiles ou immobiles) contribuent


et donnent naissance au champ électromagnétique, qui "à son tour" va agir sur le mouvement de
ces charges. On a donc un problème auto-cohérent (self-consistent) très complexe à résoudre. Les
charges interagissent toutes entre elles via le champ: c’est le problème à N corps qui notoirement n’a
pas de solution exacte. Pour l’instant, dans ce chapitre, nous nous bornons à énoncer ce problème.
Dans les chapitres suivants, nous devrons utiliser des approximations pour en comprendre certains
aspects. Comme disait Richard Feymann, le métier de physicien(ne) consiste essentiellement à
trouver les bonnes approximations.

Quelques commentaires sur les équations de Maxwell-Lorentz :

• Les N équations de Newton-Lorentz Eq. (1.5) sont des équations différentielles ordinaires,
c’est à dire contenant des dérivées totales par rapport au temps.
• Les (quatre) équations de Maxwell (Eq. (1.1) et suivantes) sont des équations aux dérivées
partielles (EDP) du premier ordre qui relient entre elles les dérivées spatiales et temporelles
des composantes des champs, ainsi que les densités de charge ρ(~r,t) et de courant électrique
~j(~r,t). Notons que sous cette forme, nous avons quatre équations de Maxwell, deux vecto-
rielles (celles avec les rotationnels) et deux scalaires (celles avec divergence). Cela revient à
12 Chapter 1. Equations de Maxwell

avoir 8 équations scalaires pour les 6 composantes du champ électromagnétique. Au-delà


de ces comptages, les EDP de Maxwell constituent un tout et en général la physique d’un
phénomène ne peut s’obtenir quand exploitant l’ensemble des 4 équations.
• Globalement, ces quatre équations de Maxwell forment un système inhomogène à cause
de la présence des termes sources, ρ(~r,t) et ~j(~r,t). On peut cependant distinguer les
équations, dites équations de structure du champ, qui ne contiennent pas les sources (Maxwell-
flux et Maxwell-Faraday), et les deux équations (Maxwell-Gauss et Maxwell-Ampère) qui
contiennent les sources ρ(~r,t) et ~j(~r,t).
• Les champs électriques et magnétiques sont couplés via leurs dérivées temporelles. Ainsi la
présence d’un champ magnétique variable dans le temps implique, via l’équation Maxwell-
Faraday, un rotationnel non nul du champ électrique, et donc un champ électrique non
identiquement nul. De même, d’après l’équation de Maxwell-Ampère, un champ électrique
variable dans le temps implique un rotationnel non nul du champ magnétique et donc un
champ magnétique non nul.
• Dans les situations physiques statiques, c’est à dire quand toutes les dérivées temporelles
sont nulles, on voit que les 4 équations couplées de Maxwell se scindent en deux blocs
indépendants. Ce sont respectivement les équations de l’électrostatique et celles de la
magnétostatique.
• Les EDP de Maxwell sont linéaires dans le sens mathématique suivant. Soit deux distributions
de sources définies par {ρ1 (~r,t), ~j1 (~r,t)} et {ρ2 (~r,t), ~j2 (~r,t)}. On note ~Ei (~r,t) et ~Bi (~r,t) les
champs électrique et magnétique créés par la distribution de sources numéro i (i = 1, 2). Si
l’on additionne les deux distributions selon ρ(~r,t) = ρ1 (~r,t) + ρ2 (~r,t) et ~j(~r,t) = ~j1 (~r,t) +
~j2 (~r,t), alors les champs totaux sont ~E(~r,t) = ~E1 (~r,t)+ ~E2 (~r,t) et ~B(~r,t) = ~B1 (~r,t)+ ~B2 (~r,t).
Ce principe de superposition linéaire est très utile de manière formelle pour la recherche
de certaines solutions mathématiques (EDP linéaires inhomogènes) et rend très utile aussi
l’analyse de Fourier. Cependant il ne faut pas le comprendre de manière trop naïve car
physiquement si l’on approche de distributions de charges, chacune va agir et modifier l’autre
ce qui engendre des effets non-linéaires.
• En effet pour décrire complètement un phénomène de couplage du champ électromagnétique
et de la matière, il faudra compléter les équations de Maxwell par une relation constitutive qui
relie les sources charges et courants aux champs. Si la relation constitutive est non linéaire en
champ(s), alors les équations obtenues pour les champs seuls deviennent aussi non linéaires
en champ(s).

1.2 Conservation de la charge


La dynamique très complexe des charges en interaction électromagnétique (problème à N corps)
obéit cependant à une contrainte forte : la loi de conservation locale de la charge. Cette loi est
partagée par tous les systèmes contenant des charges : charges isolées dans un accélérateur de
particules, grands ensembles de charges dans des isolants, des métaux ou des plasmas.
On va montrer que la forme des équations de Maxwell assure que l’ équation de conservation
de la charge est automatiquement satisfaite. Autrement dit la conservation locale de la charge est
une conséquence des équations de Maxwell. Pour cela nous allons utiliser les deux équations de
Maxwell qui contiennent les charges et les courants. On calcule d’une part :
∂ ρ(~r,t) ∂ →−  − ∂ ~E(~r,t)

= ε0 ∇ · ~E(~r,t) = ε0 ∇ · , (1.8)
∂t ∂t ∂t
et d’autre part :

− 1→− → −  − ∂ ~E(~r,t)
→ − ∂ ~E(~r,t)

∇ · ~j(~r,t) = ∇ · ∇ ∧ ~B − ε0 ∇ · = −ε0 ∇ · , (1.9)
µ0 ∂t ∂t
1.3 Relations de passage à une interface 13

On a donc :
Propriété 1.2.1 — Loi de conservation locale de la charge électrique.

∂ ρ(~r,t) →

+ ∇ · ~j(~r,t) = 0 . (1.10)
∂t
On reconnaît une équation de conservation locale, ici de la charge. L’idée de la conservation de
la charge est très simple. Si une charge disparaît dans une petite région de l’espace, cela signifie
qu’une charge doit apparaître dans une petite région voisine de la première. Un courant doit
s’écouler de la première région vers la seconde région. En faisant un bilan sur un petit volume dτ,
on peut obtenir une équation exprimant que le taux de variation de la charge dans dτ est relié au
flux du courant sortant de ce petit volume. Très simplement, si un courant positif sort du volume, la
charge va diminuer. Si le courant sortant est négatif, la charge interne va augmenter.
Historiquement, c’est un peu le processus inverse qui a guidé Maxwell. Celui-ci a rajouté le
terme de courant de déplacement dans Maxwell-Ampère afin que la charge soit conservée.

1.3 Relations de passage à une interface


On va établir les relations de passage aux interfaces des différents champs. La méthode est très
générale et pourra être utilisée pour d’autres EDP dans d’autres contextes (équation de la chaleur,
équation de Schrödinger, etc...). Puisque les équations de Maxwell sont des EDP d’ordre 1 par
rapport aux variables d’espace, les composantes des champs électrique et magnétique doivent être
des fonctions continues de l’espace. Cependant à l’interface entre deux milieux, ils peuvent varier
très brutalement et donc "apparaître discontinus" à l’échelle d’observation macroscopique.
Dans toute cette section on prendra une interface plane, d’équation z = 0, séparant deux milieux
différents. La méthode présentée est décrite en détail dans Feynman (tome 2 d’électromagnétisme,
chapitre 33), et présente l’avantage de pouvoir être utilisée dans d’autres contextes.

1.3.1 Analyse des équations de Maxwell à divergence


Ecrivons de manière explicite l’équation de Maxwell-Gauss pour le champ électrique microscopique:

∂ Ex (x, y, z) ∂ Ey (x, y, z) ∂ Ez (x, y, z) ρ(x, y, z)


+ + = . (1.11)
∂x ∂y ∂z ε0
Intégrons cette équation dans une fine couche autour de l’interface, entre z = −δ et z = δ :
Z z=δ Z z=δ Z z=δ Z z=δ
∂ Ex (x, y, z) ∂ Ey (x, y, z) ∂ Ez (x, y, z) ρ(x, y, z)dz
dz + dz + dz = . (1.12)
z=−δ ∂x z=−δ ∂y z=−δ ∂z z=−δ ε0
Dans le passage à la limite δ → 0, les deux premiers termes à gauche tendent vers zero et le
troisième terme s’intègre comme le "saut (éventuel) de Ez " à l’interface. Enfin le terme de droite est
crucial. Il est généralement nul mais il peut être non nul en présence d’une accumulation surfacique
de charges en z = 0. On a donc:

Propriété 1.3.1 — Saut (éventuel) de la composante normale du champ électrique.

σ (x, y)
Ez (x, y, 0+ ) − Ez (x, y, 0− ) = , (1.13)
ε0

où σ désigne la densité surfacique de charges accumulée sur l’interface (en z = 0) en C.m−2 :


Z z=δ
σ (x, y) = lim ρ(x, y, z)dz . (1.14)
δ →0 z=−δ
14 Chapter 1. Equations de Maxwell

La composante normale à l’interface du champ électrique est donc continue en z = 0 en


l’absence d’accumulation de charges. En présence d’une accumulation surfacique de charges à
l’interface, la composante normale Ez devient discontinue à l’interface z = 0, et le saut de champ
électrique est proportionnel à la densité de charge surfacique accumulée dans la fine couche
interfaciale.
L’équation de "Maxwell-flux conservatif" (la divergence de ~B est nulle) s’analyse de manière
tout à fait similaire et conduit à la conclusion que la composante normale à l’interface du
champ magnétique est toujours continue à cause de l’absence de terme source dans l’équation
de "Maxwell-flux conservatif".
Propriété 1.3.2 — Continuité de la composante normale du champ magnétique.

Bz (x, y, 0+ ) − Bz (x, y, 0− ) = 0 . (1.15)

1.3.2 Analyse des équations de Maxwell à rotationnel


Prenons l’équation de Maxwell-Ampère reliant les champs électrique et magnétique microscopiques.
S’agissant d’une équation vectorielle, nous avons trois équations en composantes réelles à analyser
simultanément. Seules deux équations contiennent les dérivées "intéressantes/dangereuses" ∂ /∂ z,
c’est à dire celles qui peuvent prendre des valeurs très importantes au franchissement de la frontière
z = 0 et engendrer des discontinuités à l’échelle macroscopique:
∂ Bx (x, y, z) ∂ Bz (x, y, z) ∂ Ey (x, y, z)
− = µ0 jy + µ0 ε0 (1.16)
∂z ∂x ∂t
∂ Bz (x, y, z) ∂ By (x, y, z) ∂ Ex (x, y, z)
− = µ0 jx + µ0 ε0 (1.17)
∂y ∂z ∂t
En présence d’une interface en z = 0, seuls les termes en ∂ /∂ z peuvent conduire à des valeurs très
grandes et on peut donc écrire les passages à la limite δ → 0:
Z z=δ Z z=δ
∂ Bx (x, y, z)
lim dz = µ0 lim jy dz , (1.18)
δ →0 z=−δ ∂z δ →0 z=−δ
Z z=δ Z z=δ
∂ By (x, y, z)
lim dz = −µ0 lim jx dz . (1.19)
δ →0 z=−δ ∂z δ →0 z=−δ

D’où:
Propriété 1.3.3 — Sauts (éventuels) des composantes tangentiemmes du champ mag-
nétique.

Bx (x, y, 0+ ) − Bx (x, y, 0− ) = µ0 jSy , (1.20)


+ −
By (x, y, 0 ) − By (x, y, 0 ) = −µ0 jSx . (1.21)

où jSi (avec i = x, y) la composante i du courant surfacique s’écoulant dans la couche interfaciale:


Z δ
jSi (x, y) = lim ji (x, y, z)dz . (1.22)
δ →0 −δ

Attention, le vocabulaire ici peut-être source de confusions. Le vecteur ~j, de composantes ji avec
i = x, y, z, décrit des courants volumiques 3D mais ce vecteur ~j est appelé densité surfacique de
courant car il représente l’intensité du courant par unité de surface transverse au flot du courant 3D
! L’unité de ji (i = x, y, z) est A.m−2 . En revanche, le vecteur ~jS décrit des courants physiquement
2D s’écoulant dans le plan 0xy (d’équation z = 0). L’unité de jSi (i = x, y) est donc A.m−1 comme
1.4 Potentiels scalaire et vecteur 15

le montre la formule Eq. (1.22) (en effet ces courants surfaciques portent une intensité électrique
qui tranverse une section 1D).
La composante tangentielle (dans le plan de l’interface Oxy) du champ magnétique peut donc
présenter une discontinuité en présence d’une accumulation de courants surfaciques s’écoulant
dans le plan Oxy.
L’équation de Maxwell-Faraday s’analyse de manière tout à fait similaire et conduit à la conclu-
sion que la composante tangentielle à l’interface du champ électrique est toujours continue à
cause de l’absence de terme source:
Propriété 1.3.4 — Continuité des composantes tangentielles du champ électrique.

Ex (x, y, 0+ ) − Ex (x, y, 0− ) = 0 , (1.23)


+ −
Ey (x, y, 0 ) − Ey (x, y, 0 ) = 0 . (1.24)

1.4 Potentiels scalaire et vecteur


A partir des équations de Maxwell, nous allons faire apparaître des intermédiaires de calcul que
l’on appelle des potentiels électromagnétiques (scalaire et vecteur). Ces potentiels obéissent aussi
à des EDP (mais d’ordre deux comme on va le voir ci-dessous). Nous allons aussi voir que ces
intermédiaires de calcul ne sont pas définis de manière unique. Ils sembleraient donc que seuls les
champs soient physiques car les champs sont mesurables (car ils interviennent dans la force de
Lorentz) et définis de manière unique. Cependant, en physique relativiste et en physique quantique
ces potentiels sont plus que de simples intermédiaires de calcul et jouent un rôle encore plus
fondamental que les champs eux-mêmes.

1.4.1 Introduction des potentiels scalaire et vecteur


Deux des équations de Maxwell ne contiennent pas de termes de sources (charges ou courants) et
donnent des informations sur la structure générale de n’importe quel champ électromagnétique.
Tout d’abord la nullité de la divergence du champ magnétique implique que ~B est un champ
purement rotationnel :

− →

∇ · ~B(~r,t) = 0 =⇒ ∃ ~A tel que ~B(~r,t) = ∇ ∧ ~A(~r,t) , (1.25)

et on appelle ~A(~r,t) le potentiel vecteur magnétique. Ensuite, l’équation de Maxwell-Faraday




s’écrit (après remplacement de ~B par ∇ ∧ ~A) :
!

− ~A(~r,t) ~ →

∇ ∧ ~E(~r,t) +

=~0 =⇒ ∃ V tel que ~E(~r,t) + ∂ A(~r,t) = − ∇V (~r,t) , (1.26)
∂t ∂t

où le signe moins devant le gradient de V est purement conventionnel et permet d’adhérer à la




convention traditionnelle de l’électrostatique ~E(~r) = − ∇V (~r).

Propriété 1.4.1 — Expression des champs en fonction des potentiels scalaire et vecteur.


− ~ →

~B(~r,t) = ∇ ∧ ~A(~r,t) et ~E(~r,t) = − ∂ A(~r,t) − ∇V (~r,t) , (1.27)
∂t
Note: La théorie de l’électromagnétisme de Maxwell est en fait déjà relativiste. Par exemple, la
quantité vectorielle ~A et la quantité scalaire V forment un quadrivecteur (ou 4−vecteur) noté (~A,V ).
Les composantes de ce dernier se transforment comme le quadrivecteur (~r,t) lors des changements
de référentiels inertiels.
16 Chapter 1. Equations de Maxwell

1.4.2 Equations dynamiques (de Poisson) pour les potentiels


On a utilisé deux des équations de Maxwell pour faire apparaître les potentiels. En injectant
les expressions des champs électrique et magnétique en fonction des potentiels dans les deux
équations de Maxwell restantes non encore utilisées (Maxwell-Gauss et Maxwell-Ampère), on
obtient :
Propriété 1.4.2 — Equations de Poisson.

1 ∂2 ~ − →
→ − ~
   
1 ∂V
∆ − 2 2 A(~r,t) − ∇ ∇ · A(~r,t) + 2 = −µ0 ~j(~r,t) (1.28)
c ∂t c ∂t
1 ∂2 ∂ → − ~
   
1 ∂V 1
∆ − 2 2 V (~r,t) + ∇ · A(~r,t) + 2 = − ρ(~r,t) (1.29)
c ∂t ∂t c ∂t ε0

Il est tout à fait logique que ces équations dynamiques pour les potentiels soient des EDP linéaires
d’ordre deux, puisque les équations de Maxwell sont des EDP d’ordre un pour les champs d’une
part, et que d’autre part les (composantes des) champs sont des dérivées partielles premières des
potentiels. Il est possible d’imposer certaines conditions sur le choix du couple de potentiels (V, ~A),
par exemple d’imposer la nullité de la combinaison suivante :


− →− 1 ∂V
∇ · A (~r,t) + 2 = 0. (1.30)
c ∂t
Cela définit la jauge de Lorenz (parfois attribué à Lorentz qui a également travaillé sur cette jauge
qui est d’ailleurs invariante par les transformations de Lorentz). Les équations aux potentiels
se simplifient alors et deviennent des équations de type équations d’onde de d’Alembert inho-
mogènes (c’est à dire avec des termes sources). Il est alors naturel de penser que ces équations
possèdent des solutions de type ondes qui sont excitées/entretenues par des termes sources (charges
et courants).

1.4.3 Solutions des équations de Poisson pour les potentiels


Par la suite, nous allons distinguer deux situations :
• En l’absence de sources, les équations de Poisson (en jauge de Lorenz) se réduisent à des
équations de d’Alembert dont les solutions en forme d’ondes progressives ou stationnaires
sont connues. Nous détaillerons ces solution simples dans le chapitre 2 consacré aux ondes
électromagnétiques dans le vide (interstellaire ou de laboratoire).

• En présence de sources occupant une région d’extension finie de l’espace, on peut écrire une
solution de ces équations de Poisson inhomogènes sous la forme :

Propriété 1.4.3 — Solutions des potentiels retardés.

1 ρ(P,t − PM/c)
ZZZ
V (~r,t) = dτ , (1.31)
4πε0 P∈V PM
et
ZZZ ~j(P,t − PM/c)
~A(M,t) = µ0 dτ . (1.32)
4π P∈V PM

~ et l’intégrale (somme continue) sur P porte sur tout le volume V où se situe


où on a~r = OM,
des charges. On voit que les potentiels perçus au point~r à la date t sont liés aux densités à
l’intérieur du volume V existants aux points P ∈ V aux instants antérieurs t − PM/c. Ceci
1.5 Energie électromagnétique 17

illustre le fait que la propagation de l’information entre P et le point d’observation se fait à la


vitesse c. Ces solutions, dites des potentiels retardés, seront utilisés dans le chapitre sur le
rayonnement dipolaire électrique. On peut vérifier que ces formules satisfont d’une part les
bonnes conditions aux limites pour des distributions sources confinées dans une région finie
de l’espace, et d’autre part satisfont bien la condition de jauge de Lorenz. Dans le chapitre
3 sur le rayonnement dipolaire, nous utiliserons ces formules de potentiels retardés pour
calculer le rayonnement émis par une source de type antenne ou dipôle oscillant. Petit point
d’histoire : ces solutions ont été obtenues la première fois par le physicien danois Louis
Lorenz (sans t) et ensuite utilisées par le physicien néerlandais H.A. Lorentz (avec un t et
beaucoup plus connu que Lorenz).

1.5 Energie électromagnétique


L’énergie de la matière seule ne se conserve pas forcément. Dans l’exemple d’une charge qui
rayonne, la charge perd de l’énergie sous forme de rayonnement. C’est l’énergie totale du système
{champ électromagnétique+particules chargées} qui est conservée. La matière et le champ sont
comme deux sous-systèmes qui peuvent échanger de l’énergie mais dont l’énergie totale reste
constante. Le champ peut céder de l’énergie aux particules chargées via le travail des forces
de Lorentz (seulement la partie électrique en fait), et les particules chargées accélérées peuvent
rayonner et donc fournir de l’énergie au champ. Le but de cette section est de définir des grandeurs
énergétiques attachées au champ électromagnétique.

1.5.1 Densité volumique de puissance cédée par le champ à la matière chargée


On considère un élément de volume dτ qui contient des charges mobiles de densité ρm se déplaçant
à la vitesse moyenne ~v. La charge mobile dq = ρm dτ subit une force électrique ρm dτ ~E, et reçoit
donc du champ de la puissance (travail par unité de temps).

Definition 1.5.1 — Puissance cédée par le champ à un volume infinitésimal dτ de


matière chargée mobile (en W).

dP = (ρm dτ ~E) ·~v = ~j · ~E dτ (1.33)

Notons que la force magnétique de Lorentz ne travaille pas (force orthogonale à la vitesse) même
sur les charges mobiles, et que la force électrique ne fournit pas de travail aux charges immobiles.
Remarquez aussi que la force électrique ne travaille que sur les charges mobiles. La densité de
puissance est ~j.~E en W.m−3 .

1.5.2 Densité locale d’énergie du champ u(~r,t)


L’énergie électromagnétique est localisée. Un volume dτ, centré autour de la position~r, contient
l’énergie électromagnétique:

dU = u(~r,t) dτ. (1.34)


Cette relation définit la densité volumique d’énergie électromagnétique u(~r,t), qui s’exprime en
J.m−3 .

1.5.3 Vecteur de Poynting




Le vecteur de Poynting Pi est le vecteur dont le flux à travers la surface infinitésimale dS est égal à
la puissance rayonnée par le champ à travers dS:

− −

dPray = Π (~r,t).dS, (1.35)
18 Chapter 1. Equations de Maxwell

et la norme du vecteur de Poynting s’exprime donc en W.m−2 .

1.5.4 Loi de conservation locale de l’énergie


On recherche une expression locale de la conservation de l’énergie. La forme de l’équation doit
être du type :

Propriété 1.5.1 — Forme de la loi de conservation locale de l’énergie.

∂ u(~r,t) →
− → −
+ ∇ · Π (~r,t) = ~j.~E (1.36)
∂t
qui comporte un terme "source" du à l’échange d’énergie du champ avec la matière.
Pour obtenir cette équation on considère un volume macroscopique V fixe.
• On exprime l’énergie U(t) contenue dans ce volume à la date t, ainsi que U(t + dt). Puis, on
évalue la différence :
∂ u(~r,t)
ZZZ
U(t + dt) −U(t) = dt dτ (1.37)
∂t
• L’énergie électromagnétique rayonnée vers l’extérieur de V entre t et t + dt s’exprime
comme un flux (intégrale surfacique) que l’on peut transformer en intégrale volumique de la
divergence :

~Π(~r,t).−
→ →
− ~
ZZ ZZZ
dS dt = ∇ · Π(~r,t) dτ dt (1.38)

• L’énergie cédée par le champ à la matière entre t et t + dt s’écrit :


ZZZ
~j.~E dτ dt (1.39)

Ainsi le bilan exprimant la conservation de l’énergie est :


∂ u(~r,t) →

ZZZ ZZZ  
dτ dt = − ∇ · ~Π(~r,t) + ~j.~E dτ dt , (1.40)
∂t
et cette équation doit être satisfaite pour n’importe quel choix de volume V . Il faut donc que
l’intégrand soit nul d’où l’équation annoncée.

1.5.5 Expressions de u(~r,t) et du vecteur de Poynting en fonction des champs


Les considérons précédentes nous donnent seulement la forme que doit prendre la conservation de
l’énergie, mais ne précisent pas quelles sont les expressions des quantités énergétiques (densité
volumique et vecteur de Poynting) en fonction des champs ~E et ~B. Nous allons partir des équations
de Maxwell et montrer qu’elles impliquent l’équation de conservation. Rappelons qu’en mécanique
du point, il est aussi possible d’établir le théorème de conservation de l’énergie à partir de l’équation
de la dynamique de Newton.
On part de la formule d’analyse vectorielle :

∇ · (~E ∧ ~B) = −~E · (∇ ∧ ~B) + ~B · (∇ ∧ ~E) , (1.41)

et on va tenir compte des équations de Maxwell en exprimant :


• D’une part :
! !

− ∂ ~E ∂ ε0 ~E 2
~E · ( ∇ ∧ ~B) = −~E · µ0~j + µ0 ε0 = −µ0~j · ~E − µ0 , (1.42)
∂t ∂t 2
1.6 Conclusion 19

• D’autre part :

! !

− ~ ~B2
~B.( ∇ ∧ ~E) = ~B · − ∂ B =−

, (1.43)
∂t ∂t 2

Ainsi on a :
! !

− ~E ∧ ~B ∂ ε0 ~E 2 ~B2
∇· =− + − ~j · ~E , (1.44)
µ0 ∂t 2 2µ0

En réordonnant un peu l’expression on retrouve la forme Eq. (1.40) avec l’identification


suivante :
Definition 1.5.2 — Expressions de la densité volumique d’énergie électromagnétique et
du vecteur de Poynting.

ε0 ~E 2 (~r,t) ~B2 (~r,t) ~ ~


~Π = E(~r,t) ∧ B(~r,t)
u(~r,t) = + et (1.45)
2 2µ0 µ0

1.6 Conclusion
Les équations de Maxwell du champ électromagnétique complétées par les équations de Newton-
Lorentz des charges électriques forment la théorie de l’électromagnétisme (ou électrodynamique)
classique. Elles sont simples à énoncer et concises. Cependant elles renferment un problème à
N corps très complexe dans lequel chaque charge interagit à distance et de manière retardée avec
toutes les autres. Pour avancer, nous aurons besoin de modéliser la matière et l’interaction lumière
matière (parties II et III de ce cours).
2. Ondes dans le vide

Nous nous intéressons à une conséquence immédiate et cruciale des équations de Maxwell :

l’existence d’ondes électromagnétiques se propageant dans le vide à la vitesse 1/ ε0 µ0 =
c. Il est remarquable que les ondes électromagnétiques puissent exister sans support matériel
contrairement aux autres types d’ondes (acoustiques, mécaniques,...). Cependant, cela suppose
qu’en-dehors de la région vide considérée, des charges accélérées ont donné naissance à ces ondes
à un moment donné. Nous étudierons dans le chapitre suivant (chapitre 3) ce problème de l’origine
du rayonnement.
Le chapitre est organisé de la façon suivante. Nous commencerons par montrer que les équations
de Maxwell, dans toute région dépourvue de sources (ρ = 0 et ~j = ~0), impliquent que le champ
électrique obéit à une équation d’onde de type équation de d’Alembert homogène (c’est à dire
sans second membre). Nous discuterons un type d’onde très particulier et important : les ondes
planes progressives et monochromatiques (OPPM) qui sont caractérisées par un vecteur d’onde
~k et une pulsation ω uniques.

2.1 Equation d’onde de d’Alembert


Ecrivons les équations de Maxwell dans une région sans charges ni courants :


∇ · ~B(~r,t) = 0, (2.1)

− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (2.2)
∂t
→−
∇ · ~E(~r,t) = 0, (2.3)

− ∂ ~E(~r,t)
∇ ∧ ~B(~r,t) = µ0 ε0 , (2.4)
∂t
Les équations de Maxwell sont des EDP couplées qui relient les dérivées premières des composantes
des champs électrique et magnétique. Une idée naturelle consiste à souhaiter découpler ces
équations afin d’obtenir une équation pour le champ électrique seul. Cela s’avère très simple à
réaliser en calculant le rotationnel du rotationnel de ~E de deux manières différentes. D’une part, les
22 Chapter 2. Ondes dans le vide

équations de Maxwell-Faraday puis Maxwell-Ampère conduisent à :



− →−  ∂ →
−  ∂ 2 ~E(~r,t)
∇ ∧ ∇ ∧ ~E(~r,t) = − ∇ ∧ ~B(~r,t) = −µ0 ε0 (2.5)
∂t ∂t 2
Et d’autre part une formule d’analyse vectorielle et l’équation de Maxwell-Gauss donnent :

− → −  → − →− 
∇ ∧ ∇ ∧ ~E(~r,t) = ∇ ∇ · ~E(~r,t) − ∆~E(~r,t) = −∆~E(~r,t) (2.6)

On a donc l’équation suivante pour le champ électrique :

Propriété 2.1.1 — Equation de propagation du champ électrique.

∂ 2 ~E(~r,t) 1 ∂ 2 ~E(~r,t)
∆~E(~r,t) = µ0 ε0 = (2.7)
∂t 2 c2 ∂t 2
Nous reconnaissons la forme typique d’une équation de propagation d’onde à la célérité (vitesse)
c. Ce type d’équation est aussi appelée équation de d’Alembert car ce dernier l’a écrite pour la
première fois afin de décrire les vibrations d’une corde ou plus généralement d’un milieu continu
déformable. Au chapitre précédent, nous avions aussi rencontré une équation de propagation
pour les potentiels scalaire et vecteur. Ici, nous avons mis en évidence la propagation d’ondes
directement au niveau des champs sans passer par les potentiels. Cela est naturel car il s’agit du
même phénomène physique simplement vue à travers deux représentations différentes (potentiels
vs champs).
On peut appliquer la même recette standard pour obtenir une équation découplée pour le champ
magnétique. D’une part :

− →−  ∂ →
−  ∂ 2~B(~r,t)
∇ ∧ ∇ ∧ ~B(~r,t) = µ0 ε0 ∇ ∧ ~E(~r,t) = −µ0 ε0 (2.8)
∂t ∂t 2
Et d’autre part une formule d’analyse vectorielle donne :

− → −  → − →− 
∇ ∧ ∇ ∧ ~B(~r,t) = ∇ ∇ · ~B(~r,t) − ∆~B(~r,t) = −∆~B(~r,t) , (2.9)

en utilisant la nullité de la divergence du champ magnétique.


On a donc aussi une équation de propagation d’onde pour le champ magnétique :

Propriété 2.1.2 — Equation de propagation du champ magnétique.

1 ∂ 2~B(~r,t)
∆~B(~r,t) = 2 (2.10)
c ∂t 2
Mathématiquement, en manipulant les équations de Maxwell, nous avons obtenu des équations
découplées d’ordre 2 pour les champs électrique et magnétique respectivement. Notons que dans ce
processus, nous avons gagné en clarté car les champs ne sont plus couplés entre eux, ce qui nous a
permis de réaliser qu’il doit y avoir des solutions ondulatoires. Cependant, nous avons aussi perdu
de l’information en passant des 4 équations de Maxwell (8 équations scalaires) aux 2 équations de
propagation pour ~E et ~B (6 équations scalaires).
Historiquement Maxwell a tout de suite constaté que la valeur de la vitesse indiquée par "le

rapport des unités électriques et magnétiques" 1/ ε0 µ0 était très proche de la valeur de vitesse
de la lumière (c) qui venait d’être mesurée précisemment par Hippolyte Fizeau (1849) et Léon
Foucault (1862). En effet dans notre système international d’unités :
1 µ0 1
= 9 · 109 et = 10−7 donc = 9 · 1016 = c2 (2.11)
4πε0 4π ε0 µ0
2.2 Ondes planes progressives et monochromatiques 23

Il en a déduit que la lumière devait probablement consister en des ondulations d’un certain
milieu appelé éther luminifère, ou fluide des actions électriques et magnétiques... Nous savons
maintenant que ces ondes peuvent se propager dans le vide sans avoir besoin d’invoquer un
hypothétique support matériel tel que "l’éther".

2.2 Ondes planes progressives et monochromatiques


Il existe des solutions très particulières qui ont une dépendance temporelle et spatiale parfaitement
sinusoïdales dans la variable de phase (~k ·~r − ωt). La périodicité spatiale est caractérisée par la
longueur d’onde λ , ou de manière équivalente par le module du vecteur d’onde k = 2π/λ . La
périodicité temporelle est caractérisée par la période T , ou de manière équivalente par la pulsation
ω = 2π/T (ou encore la fréquence ν = 1/T ).
On écrit une telle onde de la manière suivante :
Definition 2.2.1 — Onde plane progressive monochromatique (représentation réelle).

~E(~r,t) = E0 cos(~k ·~r − ωt + ϕ) ~u (2.12)

Cette OPPM est caractérisée par un vecteur d’onde unique ~k et une pulsation bien précise ω.
L’amplitude E0 et le déphasage ϕ.

On a choisi une onde polarisée rectilignement selon la direction de ~u pour simplifier (nous dis-
cuterons des états de polarisation plus compliqués dans un paragraphe dédié).
Lorsqu’on injecte une OPPM dans l’équation d’onde, on s’aperçoit tout de suite que les périodes
spatiales et temporelles d’une onde ne sont pas indépendantes : elles sont reliées par une formule
dite relation de dispersion. En injectant Eq. (2.12) dans l’équation de d’Alembert on obtient :

ω2 ω2
   
−k2 + 2 E0 cos(~k ·~r − ωt + ϕ) ~u = −k2 + 2 ~E(~r,t) = ~0 (2.13)
c c
On peut bien avoir une onde non triviale (d’amplitude E0 non nulle), mais à la condition qu’une
certaine relation soit vérifiée entre la norme du vecteur d’onde et la pulsation.

Propriété 2.2.1 — Relation de dispersion dans le vide.

ω2
k2 = (2.14)
c2
Cette relation est caractéristique d’un milieu non-dispersif, ici le vide.

Dans le vide, la relation de dispersion est donc simplement la relation de proportionnalité entre
pulsation et norme du vecteur d’onde : ω = ck. On dit que le vide est un milieu non dispersif. Cela
signifie que les ondes de différentes pulsations s’y propagent à la même vitesse. On dit qu’un milieu
est dispersif lorsque les ondes de différentes pulsations (ou longueurs d’ondes) s’y propagent à des
vitesses différentes. Qualitativement, on peut comprendre que le vide (continu, isotrope, homogène
et sans échelle de longueur caractéristique) ne puisse pas privilégier certaines longueurs d’onde.
La relation de dispersion est une notion très générale de la physique ondulatoire qui n’est
ni restreinte aux ondes électromagnétiques, ni à la physique classique. En effet, il existe des
relations de dispersion pour les ondes à la surface d’un fluide, pour les ondes acoustiques, pour
les phonons dans les solides, etc... De plus, via la dualité onde-corpuscule, cette notion s’étend
aussi à la physique quantique (particules élémentaires, physique des solides). Par exemple, on
peut parler de la relation de dispersion d’un électron dans le vide, de la relation de dispersion d’un
électron dans un semiconducteur, etc... De manière générale, la relation de dispersion indique
24 Chapter 2. Ondes dans le vide

comment se propage une onde dans un milieu donné (qui peut être le vide dans le cas des ondes
électromagnétiques). Nous verrons plus loin dans ce cours que dans les milieux matériels, les ondes
peuvent avoir des relations de dispersion plus compliquées/riches que ω = ck. Par exemple, on sait
expérimentalement que les ondes de différentes couleurs, contenues dans la lumière blanche, ne se
propagent pas à la même vitesse dans du verre (prisme).

2.3 Structure détaillée d’une OPPM


Nous allons revenir sur l’information oubliée lors du passage aux équations de propagation dé-
couplées. En fait, les champs restent physiquement couplés (via l’induction et le courant de
déplacement) et les équations de Maxwell originelles restent valides. Nous allons analyser les
contraintes qu’elles induisent sur la structure des OPPM.
Mais avant cela, il est très utile d’introduire la représentation complexe des OPPM. Il s’agit
de constater que les équations de Maxwell sont linéaires et que les composantes sinusoïdales
des champs toujours peuvent s’écrirent comme la partie réelle d’une certaines fonction à valeurs
complexes (exponentielle à argument imaginaire pur) :

Definition 2.3.1 — Onde plane progressive monochromatique (représentation réelle).


 
~E(~r,t) = E0 cos(~k ·~r − ωt + ϕ) ~u = Re E0 eiϕ ei(~k·~r−ωt ) ~u (2.15)

On appelle le nombre E0 eiϕ l’amplitude complexe du mode électromagnétique de vecteur d’onde


~k et de pulsation ω. Dans la suite nous noterons cette amplitude ~E(~k, ω) = E0 eiϕ~u pour indiquer
explicitement qu’on se réfère au mode de vecteur d’onde ~k et de pulsation ω.

Mathématiquement, les OPPMs ont un comportement remarquablement simple par rapport à


la dérivation spatiale et temporelle. En effet, la dérivation par rapport à l’espace correspond à la
simple multiplication par le vecteur d’onde, et la dérivation par rapport au temps correspond à la
simple multiplication par la pulsation :


←→ −iω et ∇ ←→ i~k (2.16)
∂t
Ainsi les équations aux dérivées partielles deviennent de simples équations algébriques pour
une OPPM donnée ( on pourrait dire aussi pour un mode de Fourier donné). Ainsi les équations de
Maxwell dans le vide (Eq. (3.17) et suivantes) s’écrivent dans l’espace réciproque :

Propriété 2.3.1


i k · ~B(~k, ω) = 0, (2.17)


i k ∧ ~E(~k, ω) = iω ~B(~k, ω), (2.18)


i k · ~E(~k, ω) = 0, (2.19)


i k ∧ ~B(~k, ω) = −iω µ0 ε0 ~E(~k, ω) (2.20)

On voit que les champs sont transverses dans le vide, c’est à dire contenus dans la plan
orthogonal à la direction de propagation ~k. De plus, les champs électrique et magnétique sont
orthogonaux. En conclusion, les 3 vecteurs {~k, ~E(~k, ω), ~B(~k, ω)} forment un trièdre trirectangle.
En introduisant le vecteur unitaire ~n défini par ~k = k~n (où k > 0 est le module du vecteur
d’onde), on peut exprimer le champ magnétique en fonction du champ électrique ou inversement:
2.4 Aspects énergétiques d’une OPPM 25

Propriété 2.3.2

− →

~B(~k, ω) =k ~~ n ~~
∧ E(k, ω) = ∧ E(k, ω), (2.21)
ω c
2→

~E(~k, ω) = − c k ∧ ~B(~k, ω) = −c→

n ∧ ~B(~k, ω), (2.22)
ω
(2.23)

Ces relations permettent de réduire le nombre de paramètres indépendants. Il suffit de se donner


l’amplitude complexe du champ électrique (ou du champ magnétique), le vecteur d’onde et la
pulsation pour déterminer complètement le champ électromagnétique. C’est à dire que la partie
magnétique ~B est alors parfaitement déterminée.

2.4 Aspects énergétiques d’une OPPM


Nous allons calculer la densité d’énergie et le vecteur de Poynting pour le cas particulier d’une
onde plane progressive monochromatique polarisée suivant ~ux et se propageant dans la direction
~uz . Attention les grandeurs énergétiques sont quadratiques donc on ne peut pas utiliser
la représentation complexe. Il faut revenir aux parties réelles pour exprimer les grandeurs
énergétiques instantanées, et calculer ensuite leurs valeurs moyennes sur une période de l’onde.
Ecrivons donc le champ électrique d’une OPPM polarisée suivant ~ux qui s’écrit en notation
valeurs réelles:

~E(~r,t) = E0 cos(kz − ωt)~ux . (2.24)

Le champ magnétique correspondant est polarisé suivant ~uy et s’écrit :

~B(~r,t) = E0 cos(kz − ωt)~uy . (2.25)


c
La partie électrique de la densité d’énergie s’écrit :

ε0 ~E 2 (~r,t) ε0 E02
= cos2 (kz − ωt) (2.26)
2 2
qui est une quantité toujours positive comportant une oscillation à 2ω autour d’une valeur moyenne
non nulle.
La partie magnétique de la densité d’énergie s’écrit :

~B2 (~r,t) E2 ε0 E02


= 20 cos2 (kz − ωt) = cos2 (kz − ωt) (2.27)
2µ0 2c µ0 2

La parties électrique et magnétique portent donc la même densité d’énergie à chaque instant.
La densité d’énergie électromagnétique totale instantanée est donc :

ε0 ~E 2 (~r,t) ~B2 (~r,t) 1


uem (~r,t) = + = ε0 ~E 2 (~r,t) = ~B2 (~r,t) = ε0 E02 cos2 (kz − ωt) . (2.28)
2 2µ0 µ0

Par ailleurs, on peut aussi calculer directement le vecteur de Poynting à la date t :

~ ~ 2
~Π(~r,t) = E(~r,t) ∧ B(~r,t) = E0 (~r,t) cos2 (kz − ωt)~uz . (2.29)
µ0 µ0 c
26 Chapter 2. Ondes dans le vide

Dans une OPPM, on a une relation à tout instant entre la vecteur de Poynting et la densité
d’énergie électromagnétique :

~Π(~r,t) = c uem (~r,t)~uz , (2.30)

qui indique que de l’énergie est transportée dans la direction de propagation à la vitesse c.
Les valeurs instananées des champs et des grandeurs énergétiques oscillent très vite, notam-
ment dans les domaines optiques ω ' 1014 rad.s−1 . La valeur moyenne temporelle du vecteur
de Poynting et de la densité d’énergie s’obtiennent facilement grâce aux formules précédentes
:
Propriété 2.4.1 — Valeurs moyennes (sur une période temporelle T ) des grandeurs én-
ergétiques.

ε0 E0 2 ε0 E02
h~Πi = c ~uz , huem i = , (2.31)
2 2
Ces valeurs sont indépendantes de la position (ceci est due à la structure "idéale" d’OPPM).

2.5 Etats de polarisation


Nous venons de montrer que dans le vide une OPPM est transverse (via les deux équations de
Maxwell à divergence). Le champ électrique le plus général peut donc se décomposer dans le plan
orthogonal à la direction de propagation, i.e. au vecteur d’onde ~k. Les amplitudes et les phases des
deux composantes peuvent être différentes en général :

Definition 2.5.1 — Onde plane progressive monochromatique (représentation réelle).

~E(~r,t) = E0x cos(~k ·~r − ωt + ϕx ) ~ux + E0y cos(~k ·~r − ωt + ϕy ) ~uy (2.32)

Via un changement d’origine des phases, il est possible de voir que seule la différence de phase
∆ϕ = ϕy − ϕx compte. On peut donc écrire en représentation complexe :

Definition 2.5.2 — Onde plane progressive monochromatique (représentation réelle).


   
~E(~r,t) = Re E0x ei(~k·~r−ωt ) ~ux + Re E0y ei∆ϕ ei(~k·~r−ωt ) ~uy (2.33)

L’état de polarisation de l’onde dépend de la différence de phase ∆ϕ entre les deux composantes
et de leurs amplitudes respectives. On se place dans un plan d’onde, par exemple z = 0 pour une onde
ayant ~k = k~uz et on regarde la courbe décrite par l’extrémité du vecteur ~E(x, y, z = 0,t) = ~E(~0,t)
au cours du temps dans ce plan.
1) Si ∆ϕ = 0, le champ électrique oscille toujours le long de la même direction repérée par
l’angle tan α = E0y /E0x (si E0x 6= 0).
2) Si ∆ϕ = π/2, le champ électrique décrit une ellipse (si E0x 6= E0y ) ou un cercle (si E0x = E0y ).
Les axes de l’ellipse sont selon x et y.
3) On peut toujours décomposer un état de polarisation dans la base de deux états de polarisations
indépendants. Par exemple comment exprimeriez vous un état de polarisation rectiligne en
fonction des états de polarisation circulaires ?
4) Pour modifier l’état de polarisation, on fait passer l’OPPM dans une lame d’un matériau
"actif" qui introduit une différence de phase supplémentaire entre les composantes. Si cette
2.5 Etats de polarisation 27

lame est comprise entre x = 0 et x = e, on regarde quelle est la nouvelle différence de phase
en x = e pour obtenir l’état de polarisation en sortie.
3. Rayonnement électromagnétique

Dans le chapitre précédent, nous avons vu que la lumière, plus généralement le champ électromag-
nétique, peut se propager sous forme d’ondes dans des régions vides de matière, telles que le vide
interstellaire ou une enceinte à vide en laboratoire. Cependant nous n’avons pas traité la question
de la production (émission) de ces ondes électromagnétiques par des sources matérielles. Il s’agit
de comprendre comment ces ondes peuvent être engendrées, par exemple au sein d’une étoile ou
dans le filament d’une ampoule électrique, dans une lampe spectrale. En principe, le bon cadre
pour comprendre ces processus d’émission par les atomes est la physique quantique. Cependant,
la physique classique apporte aussi sa réponse (partielle) à ce problème : ce sont les charges
électriques accélérées qui engendrent le rayonnement électromagnétique. Par exemple, une
particule dans un synchrotron émet du rayonnement, qui peut d’ailleurs être utilisé pour sonder la
matière (grands instruments). Autre exemple, une particule qui est stoppée dans de la matière émet
aussi un rayonnement dit de freinage (brehmstrahlung). Enfin, des charges oscillantes dans une
antenne émettent aussi des ondes (principe de l’antenne radio). C’est un sujet passionnant et très
vaste, que nous ne ferons qu’aborder ici dans les très grandes lignes.
Dans ce chapitre, nous discutons brièvement du champ électromagnétique rayonné par une
charge en mouvement. Cependant, même le problème d’une seule charge se déplaçant en rayonnant
est très compliqué à cause des effets de retard et de la réaction du rayonnement sur le mouvement
de la particule. Heureusement dans le cadre simplifié de l’approximation dipolaire électrique, il
est possible de calculer complètement le champ électromagnétique créé par un dipôle (atomique)
oscillant. Cette approximation correspond à des tailles de sources très petites par rapport aux
longueurs d’onde rayonnées. Ceci est vrai pour les atomes (taille 10−10 m) émettant dans le visible
(longueur d’onde 10−7 m). Cela est aussi vérifié pour des antennes radio de taille macroscopique
(plusieurs mètres) et émettant des longueurs d’onde de plusieurs dizaines ou centaines de mètres.
Ce calcul nous conduira à identifier une contribution du champ qui décroît plus lentement avec
la distance (typiquement en 1/r) qu’un champ statique (en 1/r2 pour une charge non nulle et en
1/r3 pour un dipôle). C’est cette composante qui constitue le champ rayonné et permet ainsi de
transmettre une puissance non nulle sur de grandes distances, nous permettant par exemple de voir
les étoiles dans le ciel.
30 Chapter 3. Rayonnement électromagnétique

3.1 Rayonnement d’une charge accélérée


A partir de la solution des potentiels retardés appliquée à une charge isolée en mouvement, on peut
déduire les formules de Lienard-Wiechert (démonstration délicate hors-programme). Par principe
de superposition, on peut généraliser à un ensemble de charges dont le mouvement est connu via
−→
les fonctions (OPi (t),~vi (t)). On obtient les potentiels suivants :

Propriété 3.1.1 — Formules de Lienard-Wiechert (admises).


! !
~A(M,t) = µ0 qi~vi 1 qi
∑ V (M,t) = ∑ (3.1)
4π i ri − ~vic·~ri ti0 =t−ri /c
4πε0 i ri − ~vic·~ri ti0 =t−ri /c

expressions dans lesquelles les positions et vitesses des diverses particules sont à prendre aux
divers temps antérieurs :
ri
ti0 = t − . (3.2)
c
La difficulté d’appliquer ces formules provient du fait qu’à chaque instant d’observation t, il faut
ré-évaluer pour chaque particule le temps antérieur ti0 . Dans ces formules, on a à gauche les
potentiels à une date d’observation t (disons le présent) et à droite des informations sur les positions
et vitesses des particules dans des passés (à ti0 < t) légèrement différents entre eux.

3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant


Il est possible de faire le calcul complet des champs électrique et magnétique engendrés par un
dipôle électrique variable dans le temps, dans le cadre de l’approximation dipolaire, que nous allons
commencer par définir.

3.2.1 Approximation dipolaire


Considérons une distribution de charge de "petite taille" a (reste à précise ce que signifie "petite")
et de charge totale nulle, mais dont les charges internes se déplacent. Il pourra s’agir d’un modèle
minimal classique décrivant un atome ou une molécule. Il pourra aussi s’agir d’une antenne de
téléphone portable ou de radio.
Le distribution de charges sources est confinée dans un volume de dimension linéaire typique a
et varie sur un temps caractéristique T (T est la période dans le cas particulier d’un mouvement
périodique). Les instants retardés ti0 = t − Pi M/c dépendent de chaque particule et diffèrent entre
eux au maximum de a/c. Si on suppose a/c  T , on pourra négliger ces décalages temporels
dus à la taille non nulle de la région source. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de retard entre
l’émission et la réception (observation) du signal électromagnétique. Simplement pour une source
suffisamment petite, le retard sera commun à toutes les régions de la source et vaudra r/c. On aura
ainsi un temps retardé unique t 0 = t − r/c, où r est "la" distance de la source à l’observateur.

Definition 3.2.1 — Conditions de l’approximation dipolaire.


a
ar et T (3.3)
c
D’une part, la taille du système doit être très inférieure à la distance source-observateur r. D’autre
part, le temps de traversée du système par la lumière a/c doit être très inférieur au temps T
caractérisant les mouvements des charges. Cette seconde condition est donc reliée à la vitesse
3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant 31

des particules et peut aussi s’écrire : vi  c car vi ' a/T . On suppose donc des particules en
mouvement non-relativiste dans le référentiel d’étude.
En pratique, on peut aussi écrire cette seconde condition a  λ = cT . En conclusion, l’approximation
dipolaire a un régime de validité correspondant à des sources de taille a petite par rapport à la fois à
la distance d’observation et à la longueur d’onde de la lumière émise.

3.2.2 Calcul du potentiel vecteur ~A


Dans le cadre de l’approximation dipolaire, nous pouvons simplifier la formule de Lienard-
Wiechert (3.1) pour le potentiel vecteur de la manière suivante :
• Les temps retardés ti0 sont tous supposés égaux au temps retardé unique t 0 = t − r/c.
• Au dénominateur, on substitue : ri −~vi ·~ri /c → ri car vi /c  1.
• Au dénominateur, on substitue enfin : ri → r car a  r.
La formule de Lienard-Wiechert Eq. (3.1) pour le potentiel vecteur devient donc :

~A(M,t) = µ0 qi~vi (t 0 ) µ0 r
4π ∑ r = 4πr ∑ qi~vi (t 0 ) avec t0 = t −
c
. (3.4)
i i

On introduit ici le moment dipolaire électrique de la distribution de charges ponctuelles sources :


i=N
−→
~p(t 0 ) = ∑ qi OPi (t 0 ) , (3.5)
i=1

−→
où OPi (t 0 ) repère la charge qi à la date t 0 . Ce moment dipolaire dépend du temps (puisque les
charges bougent) et sa dérivée temporelle s’écrit :

d~p(t 0 ) i=N
= ∑ qi~vi (t 0 ) . (3.6)
dt 0 i=1

On peut donc écrire le potentiel vecteur Eq. (3.4) à la date t et au point M en fonction de la dérivée
temporelle du moment dipolaire à la date t 0 = t − r/c :

Propriété 3.2.1


− µ0

d~p
 ˙ 0)
µ0 ~p(t r
A (M,t) = = avec t0 = t − (3.7)
4πr dt 0 t0 4π r c

La notation (...)t 0 signifie que l’expression entre parenthèse est évaluée en t 0 . La notation pointée
˙ 0 ) signifie la dérivée de ~p(t 0 ) par rapport à t 0 . A partir de maintenant nous pouvons considérer
~p(t
dans le cadre de l’approximation dipolaire que le dipôle source est ponctuel et placé à l’origine O du
système de coordonnées. En gros, le vecteur potentiel "reproduit" en M les oscillations/variations
du dipôle source ~p avec un retard temporel OM/c = r/c.

Hypothèse sur la polarisation du mouvement des charges sources ~p(t) selon une direction
fixe: dans la suite on considère que le dipôle source oscille de manière périodique dans le temps et
selon une direction fixe, notée par convention Oz. On peut donc écrire :

~p(t) = p(t)~uz et ~A(M,t) = A(M,t)~uz . (3.8)

Il s’agit d’une hypothèse pour simplifier les calculs. On pourrait aussi faire les calculs pour un
dipôle dont le moment à un mouvement de rotation. Cela aurait des conséquences sur la polarisation
32 Chapter 3. Rayonnement électromagnétique

du rayonnement émis. On a donc dans la suite une polarisation du vecteur potentiel suivant l’axe 0z
imposé par les oscillations unidirectionnelles de la source :
µ0 ṗ(t − r/c)
A(M,t) = = A(r,t) . (3.9)
4π r
On note que cette fonction A(r,t) dépend de r via le dénominateur r et aussi via le retard −r/c dans
l’argument de ṗ.

3.2.3 Calcul du potentiel scalaire V dans la jauge de Lorenz


On utilise la condition de jauge de Lorenz Eq. (1.30) pour déduire V à partir de A. On doit d’abord
calculer la divergence de ~A(M,t) = A(r,t) ~uz = A(r,t) (cos θ ~ur − sin θ ~uθ ) :

− →
 
− ∂ Az ∂A µ0 ṗ p̈
∇ · A (M,t) = = cos θ = cos θ − 2 − (3.10)
∂z ∂r 4π r rc t 0
Notons que le point d’observation (ou de mesure) M est repéré par les coordonnées cartésiennes
(x, y, z) et les coordonnées sphériques (r, θ , ϕ). Attention au calcul de ∂ A/∂ r : il faut tenir compte
du fait que A(M,t) = A(r,t) dépend de r via le facteur 1/r mais aussi via le retard dans l’argument
de ṗ(t − r/c). D’après la condition de jauge de Lorenz :

− →
 
∂V − 1 ṗ p̈
= −c2 ∇ · A (M,t) = cos θ + (3.11)
∂t 4πε0 r2 rc t 0
Et en intégrant sur le temps t (on prend la constante d’intégration nulle) :

Propriété 3.2.2
 
1 p ṗ r
V (M,t) = cos θ 2
+ avec t0 = t − . (3.12)
4πε0 r rc t0 c

On reconnaît le terme statique en p cos θ /r2 d’un dipôle électrique statique. On remarque que la
partie dynamique, liée à la dérivée de p, décroît en 1/r seulement, donc plus lentement que le terme
statique.

3.2.4 Calcul des champs ~E et ~B d’un dipôle oscillant


Notons la symétrie de révolution autour de l’axe (fixe 0z) du dipôle oscillant. Elle se traduit par
l’indépendance des potentiels vis à vis de la coordonnée ϕ de M, et simplifiera le calcul de leur
dérivées (absence de termes ∂ /∂ ϕ dans les rotationnels et gradients).
On calcule tout d’abord le champ magnétique en prenant le rotationnel du potentiel vecteur Eq.
(3.7). Compte tenu de ∂ϕ = 0 et Aϕ = 0, il ne subsiste que le terme :
   
~B(M,t) = 1 ∂ ∂ Ar 1 ∂
(rAθ ) − ~uϕ = − sin θ (rA) + A sin θ ~uϕ (3.13)
r ∂r ∂θ r ∂r
avec A donné par Eq. (3.9). On obtient finalement:

Propriété 3.2.3
 
~B(M,t) = µ0 sin θ ṗ
+

~uϕ avec t0 = t −
r
(3.14)
4π r2 rc t0 c

Le champ électrique s’obtient à partir des potentiels Eq. (3.7) et Eq. (3.12) :
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle oscillant 33

Propriété 3.2.4
   
~E(M,t) = 2 cos θ p ṗ
+ 2 ~ur +
sin θ p ṗ p̈
+ 2 + 2 ~uθ avec t0 = t −
r
(3.15)
4πε0 r 3 r c 4πε0 r 3 r c rc c
t0 t0

−−→
Le champ électrique est dans le plan méridien défini par l’axe du dipôle Oz et OM = ~r. Le
champ magnétique est orthogonal à ce plan méridien. Dans la limite statique, nous reconnaissons
l’expression typique du champ d’un dipôle électrique en p cos θ /r3 dans Eq. (3.15). Notons aussi
que dans la limite statique, il n’y a pas de champ magnétique car son expression Eq. (3.14) ne
comprend que des dérivées (première et seconde) de p.

3.2.5 Analyse des différents termes en fonction de la distance


Les champs électrique Eq. (3.15) et magnétique Eq. (3.14) comportent différents termes corre-
spondant à décroissances en r bien distinctes. A petite distance r, ce sont les termes en 1/r3 qui
dominent dans l’expression de ~E(M,t) (et en 1/r2 dans l’expression du champ magnétique). A
grande distance r, les termes en 1/r dominent : c’est la zone de rayonnement. Pour discuter de
manière plus précise des ordres de grandeurs des différents termes, supposons un dipôle oscillant
de manière harmonique :

p(t 0 ) = p0 cos(ωt 0 ) (3.16)

Tous les termes sont alors des fonctions sinusoïdales dont les amplitudes sont reportées ci-
dessous (à droite des flèches) :
p p0
→ (3.17)
r3 r3
ṗ ω p0 p0  r 
→ = 2π (3.18)
r2 c r2 c r3 λ
p̈ 2
ω p0  r 2
2 p0
→ = 4π (3.19)
rc2 rc2 r3 λ
Il est important de noter que l’approximation dipolaire stipule que a est à la fois plus petit que r et
que λ mais ne dit rien sur le rapport r/λ . On peut donc définir trois zones autour de la source selon
que la distance r est beaucoup plus petite, comparable ou beaucoup plus grande que la longueur
d’onde λ :
• Zone statique définie par r  λ . Ce sont les termes statiques en 1/r3 qui dominent dans le
champ électrique car le facteur (r/λ ) est petit. Ces termes sont absent du champ magnétique.
• Zone intermédiaire définie par r ' λ .
• Zone de rayonnement r  λ . Ce sont les termes en p̈/r qui dominent car le facteur (r/λ )
est grand. Ces termes sont liés à l’accélération des charges (dérivée seconde du moment
dipolaire) et caractérisés par une décroissante lente en 1/r.

3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle oscillant


Nous avons obtenu l’expression des champs électrique et magnétique, Eq. (3.15) et Eq. (3.14) créés
par un dipôle électrique oscillant. On note l’existence de termes caractérisés par une décroissance
(en 1/r) plus lente que les autres (en 1/r2 et 1/r3 ). Ce sont ces termes qui dominent aux grandes
distances (ils sont responsables du fait que l’on peut voir les étoiles) et ils constituent le champ de
rayonnement :
34 Chapter 3. Rayonnement électromagnétique

Definition 3.3.1 — Champs de rayonnement.


0 0
~Eray (M,t) = µ0 p̈(t ) sin θ ~uθ ~Bray (M,t) = µ0 p̈(t ) sin θ ~uϕ avec t0 = t −
r
(3.20)
4π r 4πc r c
Nous notons que ces termes de rayonnement sont tous proportionnels à la dérivée seconde du
moment dipolaire, et donc en quelque sorte aux accélérations des charges internes du dipôle.
Le vecteur de Poynting instantané est radial :

Propriété 3.3.1 — Vecteur de Poynting du champ rayonné.


− µ0 ( p̈(t 0 ))2 sin2 θ r
Π ray (M,t) = ~ur avec t0 = t − (3.21)
16π 2 c r2 c
Il est toujours dirigé vers l’extérieur et le dipôle rayonne donc de l’énergie vers l’extérieur. La
puissance totale rayonnée est non nulle même à très grande distance car le vecteur de Poynting
décroît seulement en 1/r2 tandis que l’onde illumine sur surface 4πr2 . L’intensité lumineuse est
anisotrope (facteur en sin2 θ ), conséquence de la nullité des champs selon l’axe du dipôle et de leur
caractère maximal dans le plan équatorial.
On peut calculer la puissance instantanée rayonnée à t à travers une sphère de rayon r centrée
sur le dipôle émetteur :


− −
→ µ0 ( p̈(t 0 ))2 sin2 θ r
ZZ Z π
Pray (t) = Π ray (M,t) · dS = 2πr2 sin θ dθ avec t 0 = t − (3.22)
0 16π 2 c r2 c
D’où finalement :
Propriété 3.3.2 — Puissance instantanée rayonnée à travers une sphère .

µ0 ( p̈(t 0 ))2 ( p̈(t 0 ))2 r


Pray (t) = = avec t0 = t − (3.23)
6πc 6πε0 c3 c

Cette puissance est indépendante de la distance r.


Jusqu’ici la dépendance temporelle du moment dipolaire était quelconque. Prenons maintenant
le cas particulier d’une dipôle oscillant de manière harmonique (sinusoïdalement) à la pulsation ω.
p(t 0 ) = p0 cos(ωt 0 ) (3.24)
On a alors :
p20 ω 4 cos2 (ωt 0 ) r
Pray (t) = avec t0 = t − (3.25)
6πε0 c3 c
Comme les oscillations sont souvent extrêmement rapides (fréquences optiques), il est utile de
calculer la moyenne de la puissance sur une période de l’onde :

Propriété 3.3.3 — Puissance moyenne rayonnée (à travers une sphère) pour un dipôle
harmonique à la pulsation ω .

p20 ω 4
Z T
1
hPray i = Pray (t) dt = (3.26)
T 0 12πε0 c3

On voit que la puissance moyenne émise augmente en ω 4 . C’est une conséquence directe du fait
que la puissance est reliée au carré de l’accélération qui est elle-même en ω 2 pour un mouvement
harmonique.
3.4 Conclusion 35

3.4 Conclusion
A travers l’exemple du dipôle oscillant, nous avons vu que des charges accélérées peuvent émettre
un rayonnement pouvant se transmettre à de très grandes distances. Les champs rayonnés sont en
effet inversement proportionnels à la distance (en 1/r) ce qui donne un flux d’énergie rayonnée
(vecteur de Poynting) en 1/r2 .
Dans ce chapitre, nous n’avons pas cherché à savoir d’où provenait le mouvement accéléré
des charges sources. Dans la suite de ce cours nous aurons souvent la situation suivante. Une
onde électromagnétique est incidente sur un échantillon de matière. Cette onde pénètre dans le
matériau et imprime un mouvement forcé aux dipôles atomiques (ou moléculaires) de l’échantillon.
Ces dipôles oscillants se mettent alors à rayonner eux-mêmes. Ce champ rayonné se superpose au
champ incident pour constitué le champ électromagnétique total.
II
Dipôles et champs
macroscopiques dans la
matière

4 Dipôles électriques et polarisation . . . . 39


4.1 Le dipôle électrique
4.2 Champ créé par un dipôle électrique statique
4.3 Interaction d’un dipôle électrique avec un champ
extérieur
4.4 Vecteur polarisation
4.5 Charges liées de polarisation volumiques et sur-
faciques
4.6 Susceptibilité électrique
4.7 Vecteur déplacement électrique et constante
diélectrique
4.8 Conclusion

5 Dipôles magnétiques et aimantation . 47


5.1 Le dipôle magnétique
5.2 Champ magnétique créé par un dipôle magné-
tique statique
5.3 Interaction d’un dipôle magnétique avec un
champ extérieur
5.4 Vecteur aimantation
5.5 Courants ampériens volumiques et surfaciques
5.6 Vecteur excitation magnétique
5.7 Susceptibilité magnétique et perméabilité magné-
tique
5.8 Conclusion

6 Equations de Maxwell dans la matière 53


6.1 Champs macroscopiques lissés
6.2 Equations de Maxwell dans la matière
6.3 Une version alternative
6.4 Conclusion

7 Réponse linéaire phénoménologique 59


7.1 Dispersion temporelle
7.2 Caractère complexe de la fonction de réponse
7.3 Equation de propagation dans un milieu matériel
LHI
7.4 Conclusion
4. Dipôles électriques et polarisation

Très souvent on peut décrire la matière comme une collection d’entités neutres telles que les
atomes ou les molécules. Cela est le cas dans les isolants car les électrons y sont piégés dans les
atomes. Cette description devra être modifiée pour les plasmas (stellaires ou de laboratoire) et les
conducteurs (métaux, semiconducteurs, électrolytes) car ces systèmes contiennent des porteurs de
charge mobiles qui s’échappent des atomes et peuvent parcourir des distances macroscopiques (voir
chapitre 9).

Dans ce chapitre, nous nous limiterons aux isolants. Notre but est de comprendre la réponse
d’un isolant neutre à un champ électrique extérieur. L’expérience de base correspondante consiste à
introduire un échantillon isolant dans un condensateur (plan par exemple) permettant de réaliser un
champ extérieur uniforme. Un isolant sera décrit comme comme une collection macroscopique
d’un grand nombre de dipôles atomiques/moléculaires microscopiques. Nous étudierons donc
tout d’abord le dipôle électrique comme modélisation des propriétés électriques d’un atome ou
d’une molécule neutre. En champ nul, un atome ne possède pas de moment dipolaire électrique
pour des raisons de symétrie. L’application d’un champ électrique extérieur déforme les nuages
électroniques et peut induire un moment dipolaire électrique atomique, typiquement proportionnel
au champ électrique. En revanche, certaines molécules possèdent déjà un moment dipolaire non
nul (molécules polaires) même en champ nul. Bien que neutre, un tel dipôle atomique (même
statique) crée un champ électrique et subit aussi les actions d’un champ électrique externe. Dans un
second temps, nous décrirons l’aspect collectif de l’isolant en introduisant une densité locale de
moment dipolaire électrique, mesurée par un nouveau champ vectoriel ~P, appelé polarisation.
Enfin, nous montrerons l’existence d’une description alternative mais équivalente d’un isolé en
terme de charges de polarisation (ou charges liées). Enfin, nous introduirons l’idée générale de
réponse linéaire qui consiste à postuler une relation linéaire entre l’effet de polarisation (le vecteur
~P) et sa cause : le champ électrique ~E. Le coefficient de proportionnalité s’appelle la susceptibilité
électrique (notée par la lettre grecque "chi" : χ) et mesure la plus ou moins grande facilité avec
laquelle un matériau répond à un champ électrique.
40 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation

4.1 Le dipôle électrique


Quelles sont les propriétés électriques d’une entité neutre telle qu’un atome ou une molécule ? Une
réponse naïve (et fausse) serait de dire que sa charge totale étant nulle l’atome ou la molécule n’a
absolument aucune propriété électrique. En réalité, une molécule est une région de l’espace où
coexistent des charges (électrons, protons) qui engendrent leurs propres champs électriques. On
assiste à une compensation partielle entre ces champs, mais il peut subsister une contribution
résiduelle si les positions des charges opposées ne coïncident pas exactement dans l’espace.
Ainsi une molécule neutre peut très bien créer un champ électrique. Pour cela, il faut que le centre
de charge (défini par analogie au centre de masse ou barycentre) des protons ne coïncide pas avec
le centre de charge des électrons.
Comment caractériser la distribution des charges positives et négatives au sein d’un entité
neutre telle qu’une molécule ou un atome ? Pour un objet neutre, la charge totale est nulle donc
elle ne peut pas vraiment servir à quantifier les effets électriques. Il faut regarder plus finement
comment les charges positives et négatives sont réparties dans l’espace. Supposons que nous ayons
−→
des charge ponctuelles qi situées en des points Pi , repérés par les vecteurs positions OPi . On définit
le moment dipolaire électrique de la manière suivante :

Definition 4.1.1 — Moment dipolaire électrique (en C.m).

i=N
−→
~p = ∑ qi OPi (4.1)
i=1

Il est facile de voir que pour une entité neutre cette quantité est indépendante de l’origine O choisie
pour repérer les charges. Le moment dipolaire électrique s’exprime en C.m (coulomb.mètre).
On peut aussi regrouper les charges positives ensemble dont la charge totale positive sera notée
q, et le centre de charges positives P (même définition qu’un barycentre mais en remplaçant la
masse des particules par leur charge). On fait de même avec les charges négatives, dont la charge
totale sera forcément (−q) et sera située en un point N, centre des charges négatives. Ainsi on peut
−→
représenter le moment dipolaire électrique en fonction de q et du vecteur NP :

Definition 4.1.2 — Expression en fonction des centres de charges positives et négatives.

i=N
−→ −→ −→
~p = ∑ = q OP + (−q) ON = q NP , (4.2)
i=1

Cette expression permet de voir que l’on aura un moment non nul dès que les centres de charges
positives et négatives ne coïncident pas. On peut aussi l’utiliser pour obtenir un ordre de grandeur
des moments dipolaires atomiques. En effet la longueur NP est de l’ordre du nanomètre ou de
l’angstrom et q est de l’ordre de la charge élémentaire donc :

p ' 10−29 C.m (4.3)

En l’absence d’un champ électrique, un atome a généralement un moment dipolaire électrique


nul de par la symétrie de rotation autour du noyau. La situation est plus contrastée pour les
molécules : certaines molécules possèdent un moment dipolaire permanent et pour d’autres ce
moment est nul. Cela dépend des symétries de la molécule.
• Une molécule comme HCl présente une distribution de charges asymmétrique. Les électrons
ont tendance à s’accumuler plutôt autour du noyau de chlore (qui est plus électronégatif que
l’hydrogène). Ainsi la molécule HCl présente un moment dipolaire électrique permanent
orienté selon l’axe de la molécule dans le sens de Cl vers H.
4.2 Champ créé par un dipôle électrique statique 41

• Les molécules du type H2 , O2 , N2 , ou Cl2 , sont symétriques et ne présente pas de dipôle


électrique permanent.
• Certaines molécules ont un moment dipolaire électrique nul ~p = 0, comme le méthane CH4
par symétrie. Dans ce cas on peut définir une grandeur encore plus fine, le moment quadrupo-
laire électrique, décrivant la répartition de charges. En fait il existe tout un développement dit
multipolaire, et on s’arrête généralement à l’ordre le plus bas. Par exemple, pour un object
chargé comme un ion il suffira de caractériser celui-ci par sa charge totale puisqu’elle est non
nulle. Pour une molécule polaire ou un atome polarisé, la charge totale étant neutre il faut
aller à l’ordre suivant et utiliser le moment dipolaire électrique. Nous n’irons pas plus loin
que le dipôle dans ce cours. Il faut aussi avoir en tête qu’un moment dipolaire électrique peut
varier dans le temps si les charges internes bougent. Par exemple, une molécule apolaire ou
un atome ont un moment dipolaire électrique non nul mais celui-ci peut fluctuer aléatoirement
autour de la valeur zéro.
En présence d’un champ externe, le nuage électronique d’un atome se polarise et celui-ci
acquiert un moment dipolaire électrique dit induit. C’est le même mécanisme pour les molécules
apolaires.

4.2 Champ créé par un dipôle électrique statique


On s’intéresse au champ électrique créé par une molécule ou un atome unique possédant un moment
dipolaire électrique. Le cas le plus simple est un doublet de charges immobiles q > 0 en P, et (−q)
en N. On note a = NP qui définit la "taille" du dipôle. On note r = OM la distance entre le centre
du dipôle et le point d’observation M. On va se placer dans le cadre de l’approximation dipolaire
que nous avons déjà discutée dans le chapitre 3. Ici le dipôle étant statique, seule la condition
spatiale (voir Eqs. (3.3)) est pertinente : a  r.
Le potentiel électrostatique V (M) créé en un point M arbitraire de l’espace est la superposition
des potentiels créés par chaque charge :
 
q 1 1
V (M) = − . (4.4)
4πε0 PM NM

Pour le champ créé loin du dipôle, c’est à dire à des distances très grandes par rapport à la taille de
celui-ci, r  a, on peut faire les développements limités en a/r (petit paramètre sans unités) :
−→ −−→ !
1 1 1 OP.OM
=  −
→ −
−→
= 1+ (4.5)
PM  1/2 r r2
r 1 − 2 OP.r2OM

et
−→ −−→ !
1 1 1 ON.OM
=  −→ −−→ 1/2
= 1+ (4.6)
NM r r2
r 1 − 2 ON.r2OM

Donc :
−→ −−→ −→ −−→ ! −→ −−→
q OP · OM ON · OM qNP · OM
V (M) = − = . (4.7)
4πε0 r r2 r2 4πε0 r3

Finalement :
42 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation

Propriété 4.2.1 — Potentiel électrique créé par un dipôle statique . Dans l’approximation
dipolaire :

~p ·~ur p cos θ
V (M) = 2
= (4.8)
4πε0 r 4πε0 r2
où p = qa est la norme du moment dipolaire ~p.

Il faut remarquer la décroissante en 1/r2 du potentiel, donc plus rapide que la décroissance en 1/r
d’une charge seule. On remarque aussi la dépendance angulaire liée à ~p ·~ur = p cos θ . La direction
privilégiée de l’axe du dipôle introduit une anisotropie dans le potentiel créé.
En prenant l’opposé du gradient de V (M), on obtient le champ électrostatique créé par le dipôle
(ici exprimé dans la base locale) en M :

Propriété 4.2.2 — Champ électrique créé par un dipôle statique. Dans l’approximation
dipolaire :
 
~E(M) = 1 2p cos θ
~ur +
p sin θ
~uθ (4.9)
4πε0 r 3 r3

On remarque la décroissante en 1/r3 du champ, donc plus rapide que la décroissance en 1/r2 d’une
charge seule (et non nulle). Les lignes de champ électriques ont une symétrie axiale de révolution
(cylindrique) autour de la droite (PN), elles constituent des arcs qui partent de la charge positive et
reconvergent vers la charge négative (à l’extérieur du dipôle).
On retrouve bien sûr les termes statiques du calcul du chapitre 3. Nous avons fait le calcul
direct car dans cette limite statique il est bien plus simple que le calcul complet du dipôle variable
dans le temps.

4.3 Interaction d’un dipôle électrique avec un champ extérieur


L’énergie d’interaction entre un dipôle électrique (de moment ~p) et un champ électrique externe
~Eext s’écrit :

Propriété 4.3.1 — Energie de couplage d’un dipôle avec un champ externe.

W = −~p · ~Eext (4.10)

Si le dipôle est libre de s’orienter, on voit qu’il est préférable pour minimiser l’énergie que le
vecteur moment dipolaire électrique ~p soit de mêmes direction et sens que le champ électrique
extérieur (à l’endroit où se trouve le dipôle microscopique).

4.4 Vecteur polarisation


Il s’agit maintenant de décrire des échantillons macroscopiques contenant un nombre colossal
d’atomes (ou de molécules), de l’ordre du nombre d’Avogadro NA . Chaque atome peut porter un
dipôle et il s’agit de cartographier la densité volumique de ces dipôles. Pour cela il faut choisir
une échelle de résolution correspondant à un volume de cellule ∆τ assez grand pour contenir
suffisamment d’atomes et assez petit pour permettre une bonne résolution. Typiquement, selon les
systèmes, on prendre ∆τ 1/3 de l’ordre de 10 nm au minimum jusqu’à 1 micron au maximum.
A cette échelle intermédiaire, on a beaucoup de dipôles atomiques dans la cellule et le moment
dipolaire électrique total est bien sûr proportionnel au volume ∆τ de la cellule. On définit donc
4.5 Charges liées de polarisation volumiques et surfaciques 43

le vecteur polarisation, comme la densité volumique de moment dipolaire électrique par unité de
volume :
Definition 4.4.1 — Champ de polarisation d’un échantillon isolant (en C.m−2 ).

~P(~r) = ∑i ~pi , (4.11)


∆τ
où la somme porte sur les dipôles (atomiques ou moléculaires) ~pi inclus dans la cellule de volume
∆τ, centrée sur la position~r.

Cette polarisation est donc un champ vectoriel défini sur l’échantillon et forcément nul dans le vide
hors de l’échantillon.

4.5 Charges liées de polarisation volumiques et surfaciques


On considère un échantillon isolant décrit par un champ de polarisation ~P(~r). On va montrer qu’un
tel isolant neutre est équivalent à une certaine distribution de charges dans le vide. Ces charges
sont appelées les charges liées (ou de polarisation) car elles correspondent à des excès locaux (non
compensations locales) des charges internes aux molécules.
Pour évaluer l’effet électrique d’une collection (donnée) de dipôles statiques, calculons son
potentiel électrostatique observé en un point M (voir aussi cette démonstration dans [1]) :
−→ ~
1 AM · P(A)
ZZZ
V (M) = dτA , (4.12)
4πε0 A∈V AM 3

obtenu en sommant les potentiels créés par tous les dipôles de moment ~P(A)dτA contenus dans
l’échantillon V . On a appliqué la formule (4.8) au moment dipolaire total ~P(A)dτA contenu dans
chaque cellule dτA , puis sommé sur toutes les cellules composant l’échantillon V (principe de
superposition). Par ailleurs, on a l’identité vectorielle :

− →
− →

∇ · ( f ~a) = f ∇ ·~a +~a · ∇ f (4.13)

valide pour tout champ vectoriel ~a et fonction f suffisamment "lisses", et que l’on va ici appliquer
pour ~a = ~P et f = 1/AM. On obtient :

~P
! −→

− 1 →− →
− 1 →

 
~ ~ 1 ~ ~ AM
∇A· = ∇A ·P+P· ∇A = ∇A ·P+P· (4.14)
AM AM AM AM AM 3

où on reconnaît dans le dernier terme du membre de droite l’expression de l’intégrand du potentiel


V (M). Notons que les dérivées (dans les gradients et divergences) doivent être (et ont été) prises


par rapport aux coordonnées du point A (et non du point d’observation M), d’où la notation ∇ A .
On a donc :

− !
1 ∇ A · ~P 1 →
− ~P
ZZZ ZZZ
V (M) = − dτA + ∇A· dτA , (4.15)
4πε0 A∈V AM 4πε0 A∈V AM

dont le dernier terme peut être transformé en intégrale sur la surface de l’échantillon :


1 (− ∇ A · ~P) 1 ~P ·~next
ZZZ ZZ
V (M) = dτA + dSA . (4.16)
4πε0 A∈V AM 4πε0 A∈S AM
Mathématiquement, nous avons effectué une sorte de généralisation de l’intégration par parties. On
peut maintenant interpréter les deux termes obtenus. Ils possèdent des intégrands à décroissances en
44 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation

1/AM, ce qui est la signature typique de potentiels créés par des charges isolées (et non de dipôles
qui seraient en 1/AM 2 ). Le premier terme est donc le potentiel que créerait une distribution


volumique de charges dans le vide de densité volumique égale à − ∇ · ~P. Le second terme est le
potentiel que créerait une distribution surfacique de charges dans le vide de densité surfacique
égale à ~P ·~next .

Propriété 4.5.1 — Densités volumique et surfacique de charges de polarisation.




ρ pol (~r) = − ∇ · ~P(~r) et σ pol (~r) = ~P ·~next , (4.17)

où la seconde formule est définie sur la surface extérieure de l’échantillon (V ), ~next étant le
vecteur unitaire normal à la surface de l’échantillon et orienté vers l’extérieur (de l’échantillon
vers le vide). La densité volumique ρ pol est en C.m−3 et la densité surfacique σ pol en C.m−2 .

Notons :
• En volume, ces charges de polarisation correspondent à des inhomogénéités de polarisation
du milieu. Si le champ ~P est uniforme, alors il n’y a pas de densité volumique de charges.
• En surface, la polarisation doit passer d’une valeur généralement non nulle dans l’isolant à
une valeur nulle dans le vide. Cette variation spatiale de ~P va se traduire par des charges
surfaciques. Ces charges liées de surface peuvent être considérées comme les terminaisons
des dipôles proches de la surface.
On peut aussi vérifier que la somme de toutes les charges de polarisation est globallement nulle.
La charge totale en volume, correspondant donc à la densité volumique de charges de polarisation,
s’écrit :


ZZZ ZZZ ZZ ZZ
ρ pol (~r) dτ = − ∇ · ~P(~r) dτ = − ~ ext = −
~P · dS σ pol (~r)dS , (4.18)

ce qui signifie que la charge totale de polarisation (volumique + surfacique) est globalement
nulle; et, l’isolant est resté neutre :
ZZZ ZZ
Q pol = ρ pol (~r) dτ + σ pol (~r)dS = 0 . (4.19)

En conclusion, le phénomène de polarisation (généralement induit par application d’un champ


électrique extérieur) correspond à une redistribution des charges à l’intérieur des atomes de l’isolant.

4.6 Susceptibilité électrique


Physiquement, le champ électromagnétique agit sur les atomes et les molécules d’un matériau,
par exemple en déformant leur nuage électronique. Ceci tend à induire des moments dipolaires
électrique ou à modifier des moments déjà pré-existants en champ nul. Généralement, il en résulte
une polarisation électrique globale non nulle de l’échantillon sous champ électrique. Pour des
champs assez faibles et même modérés, cette relation est linéaire (il faut de très forts champs pour
sortir de ce régime de la réponse linéaire). Comme il s’agit d’une relation linéaire entre deux
vecteurs (la polarisation et le champ électrique) "le coefficient de proportionnalité" est en général
une matrice (aussi appelé tenseur) de susceptibilité. Si le matériau est homogène, cette matrice ne
dépend pas du point considéré et on peut écrire:

Definition 4.6.1 — Susceptibilité électrique d’un milieu linéaire homogène.

~P(~r) = ε0 [χ] ~E(~r), (4.20)


4.7 Vecteur déplacement électrique et constante diélectrique 45

où [χ] est une matrice (ou tenseur) s’appliquant sur les trois composantes du champ électrique. En
général, le vecteur polarisation ~P n’est pas parallèle à ~E. Physiquement, cela est du au fait que le
milieu est "plus susceptible" dans certaines directions que dans d’autres.
Dans les milieux isotropes, cette matrice est proportionnelle à l’identité et on a donc simplement:

~P(~r) = ε0 χ ~E(~r), (4.21)

où χ est un nombre sans unité (en général positif). Les vecteurs polarisation et champ électrique
sont alors parallèles de même sens, ce qui correspond au fait que les dipôles électriques s’orientent
ou se créent dans le même sens que le champ électrique dans un espace isotrope par ailleurs (c’est à
dire en l’absence de champ électrique). Les matériaux isotropes typiques sont les gaz, les liquides,
et les cristaux à symétrie cubique.
En conclusion, il est très important d’insister sur le fait que la relation constitutive Eq. (4.20)
relie la polarisation et le champ électrique après établissement de l’équilibre électrostatique. En
effet, si l’on analyse par la pensée ce qu’il se passe lors de l’établissement d’un champ électrique,
on voit qu’il y a une sorte de retro-action. Le champ créée une polarisation au sein du matériau, et
cette polarisation crée à son tour un champ supplémentaire, qui va créé une polarisation...

4.7 Vecteur déplacement électrique et constante diélectrique


Pour anticiper un peu (sur le chapitre 6), notons qu’il existe d’autres charges que les charges liées
de polarisation. Il s’agit des charges libres à la surface des armatures du condensateur qui sert à
appliquer un champ électrique à l’échantillon. La bonne nouvelle est que ces charges libres sont
parfaitement contrôlables et réglables par l’expérimentateur (ce sont donc des données connues
contrairement aux charges de polarisation). L’équation de Maxwell-Gauss contient aussi ces charges
libres et peut se réécrire :

−  
∇ · ε0 ~E(~r) + ~P = ρlibre (~r) (4.22)

d’où l’intérêt d’introduire un nouveau champ vectoriel ~D(~r) défini par :

Definition 4.7.1 — Vecteur déplacement électrique (C.m−2 ).

~D(~r) = ε0 ~E(~r) + ~P(~r) . (4.23)

A l’échelle mésoscopique ∆τ 1/3 , on a avantage à travailler avec ce champ déplacement électrique


~D(~r) qui ne "voit" que les charges libres. C’est le champ que peut contrôler l’expérimentateur en
ajustant les charges libres sur les armatures des condensateurs par exemple. Il s’agit d’un champ
macroscopique lissé (pour plus de détail sur la procédure de "lissage " voir chapitre 6).
Il est également possible d’exprimer la relation constitutive en utilisant le vecteur déplacement
électrique :

~D(~r) = ε0 (1 + [χ]) ~E(~r) = ε0 [εr ] ~E(~r). (4.24)

Dans ces équations, on appelle [εr ] le tenseur de permittivité relative. Dans un milieu homogène et
isotrope, ce tenseur se réduit à un coefficient de permittivité relative εr .
A partir de l’équation locale à divergence ci-dessus, on peut démontrer l’équivalent du théorème
de Gauss pour le vecteur déplacement électrique.
46 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation

Propriété 4.7.1 — Théorème de Gauss pour le déplacement électrique.


ZZ ZZZ
~ ext = Qlibre ,
~D(~r) · dS avec Qlibre = ρlibre (~r) (4.25)
S V

On peut également déduire ce cette équation locale de l’équation de Maxwell-Gauss (ou du théorème
de Gauss associé) la relation de passage du champ de déplacement électrique ~D à une interface : la
composante normale du champ ~D a un saut proportionnel à la densité surfacique de charges libres.

4.8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons adopté tout d’abord un point de vue purement descriptif. Nous avons
introduit le concept clef de vecteur polarisation pour décrire un échantillon isolant constitué d’une
collection de dipôles électriques. Il existe deux descriptions équivalentes : i) en termes de densité
de dipôles électriques (vecteur polarisation) ou ii) en termes de charges de polarisations (ou
charges dites liées). La correspondance entre les deux descriptions est donnée par les formules Eq.
(4.17).
Enfin, la seconde grande idée importante de ce chapitre est l’écriture de relations constitutives
dans le cadre de la théorie de la réponse linéaire. Elle exprime que la réponse de la matière isolante
(mesurée par le vecteur polarisation ~P) est proportionnelle à sa cause : le champ excitateur (~P). Ces
coefficients sont sans unités (car on a mis en facteur ε0 ). Ils nous renseignent sur la façon dont
le matériau répond à une excitation électrique statique. On verra plus tard en régime dynamique,
que cette réponse dépend de la pulsation du champ électrique excitateur. Il existe une fonction
de réponse χ(ω), et une fonction εr (ω), qui décrivent comment la matière réagit à une excitation
électrique de pulsation ω (onde électromagnétique par exemple, ou encore un échantillon placé
dans un condensateur soumis à une tension alternative), voir chapitre 6.
5. Dipôles magnétiques et aimantation

Le dipôle électrique est un objet composite que l’on peut considérer comme une paire de deux
charges opposées. En revanche, il semble qu’il n’existe pas de charges magnétiques ou de
monopoles magnétiques isolés dans la nature. Jusqu’à présent, de tels pôles sont toujours ap-
pariés à l’image des pôles nord et sud d’un aimant. Si l’on brise l’aimant en deux, on obtient deux
aimants ayant chacun un pôle nord et un pôle sud. Dirac a envisagé la possibilité de monopoles
magnétiques isolés mais toutes les tentatives de détection de tels monopoles microscopiques ont
échoué à ce jour. En magnétisme, l’objet le plus élémentaire est donc le dipôle magnétique.
Au niveau classique, on peut le concevoir comme une boucle de courant. Ainsi notre modèle
magnétique de l’atome sera celui d’une boucle de courant.

La logique de ce chapitre est la même que celle du chapitre précédent sur le dipôle électrique. Il
s’agit de comprendre maintenant la réponse d’un matériau à l’application d’un champ magnétique.
L’expérience de base correspond à l’introduction d’un échantillon dans une bobine créant un champ
magnétique. Le plus simple est de considérer un champ magnétique uniforme. Sous l’action
du champ magnétique, les atomes orientent leur dipôles magnétiques ou acquièrent des dipôles
magnétiques induits. C’est le phénomène d’aimantation. Si les moments magnétiques sont orientés
dans le même sens que le champ, on parle de paramagnétisme. Dans le cas où les dipôles sont
induits en sens contraire du champ magnétique, on parle de diamagnétisme. Le ferromagnétisme
sera traité à part. Nous allons commencer par décrire un dipôle magnétique statique attaché par
exemple à un atome ou une molécule. Nous donnerons le champ magnétique créé par un tel
dipôle, et aussi discuterons son couplage avec un éventuel champ magnétique externe. Dans un
second temps, nous décrirons la matière (du point de vue du magnétisme) comme une collection
de dipôles magnétiques, et définirons une densité volumique de moment dipolaire magnétique :
~ Nous introduirons une description alternative mais équivalente du milieu aimanté
l’aimantation M.
en termes de courants ampériens volumiques et surfaciques. Cela nous conduira naturellement à
distinguer les courants libres (circulant dans les bobines et contrôlables par les expérimentateurs et
expérimentatrices) et les courants ampériens liés à la réponse de la matière.
48 Chapter 5. Dipôles magnétiques et aimantation

5.1 Le dipôle magnétique


Le dipôle magnétique est une boucle de courant, caractérisée par sa surface géométrique S et par
l’intensité I parcourant la boucle. Il est aussi important de repérer l’orientation de la boucle de
courant dans l’espace. Pour cela on utilise le vecteur normal au plan de la boucle de courant ~n. Il
est pratique de définir un vecteur surface : ~S = S~n. Les propriétés magnétiques d’un dipôle seront
caractérisées par le vecteur moment dipolaire magnétique :

Definition 5.1.1 — Moment dipolaire magnétique (en A.m2 ).

i=N
1 −→
~m = ∑ OPi ∧ qi~vi = I ~S (5.1)
2 i=1

5.2 Champ magnétique créé par un dipôle magnétique statique


On peut montrer que les lignes de champ magnétique d’un dipôle magnétique sont identiques à
celles du dipôle électrique (admis ici). On a donc :

Propriété 5.2.1 — Champ créé par un dipôle magnétique statique .


 
~B(M) = µ0 2m cos θ m sin θ
3
~ur + ~uθ , (5.2)
4π r r3

où m est la norme du moment dipolaire magnétique ~m = m~uz .

Les lignes de ce champ magnétique ont une symétrie axiale de révolution (cylindrique) autour de
l’axe du dipôle magnétique (z), et constituent des arcs qui partent du pôle nord pour reconverger
vers le pôle sud.

5.3 Interaction d’un dipôle magnétique avec un champ extérieur


L’énergie d’interaction entre un dipôle magnétique (de moment ~m) et un champ électrique externe
~Bext s’écrit :

Propriété 5.3.1 — Energie de couplage d’un dipôle magnétique avec un champ ex-
terne.

W = −~m · ~Bext (5.3)

Si le dipôle est libre de s’orienter, on voit qu’il est préférable pour minimiser l’énergie que le
vecteur moment dipolaire magnétique ~m soit de même direction et de même sens que le champ
magnétique extérieur (à l’endroit où se trouve le dipôle microscopique). C’est ce que fait une
boussole, ~m étant le moment magnétique de l’aiguille aimantée de la boussole et ~Bext le champ
magnétique terrestre.

5.4 Vecteur aimantation


Dans une cellule de volume ∆τ, on a beaucoup de dipôles atomiques dans la cellule et le moment
dipolaire magnétique total est bien sûr proportionnel au volume de la cellule ∆τ. On définit donc le
vecteur aimantation, comme la densité vectorielle de moment dipolaire magnétique par unité de
volume:
5.5 Courants ampériens volumiques et surfaciques 49

Definition 5.4.1 — Champ d’aimantation d’un échantillon isolant (en A.m−1 ).


− ∑ ~mi
M (~r) = i , (5.4)
∆τ
où la somme porte sur les dipôles magnétiques (atomiques ou moléculaires) ~mi inclus dans la
cellule de volume ∆τ, centrée sur la position~r.

5.5 Courants ampériens volumiques et surfaciques




On considère un échantillon décrit par un champ d’aimantation M (~r). On peut montrer que cette
collection de dipôles magnétiques est équivalente à des courants dans le vide donnés par les relations
suivantes :
Propriété 5.5.1 — Densités volumique et surfacique de courant d’aimantation.

− −
~jA (~r) = ∇ ∧ →
M (~r) et ~jsA (~r) = →

M (~r) ∧~next , (5.5)

où ~next est le vecteur unitaire normal à la surface S de l’échantillon et orienté vers l’extérieur (de
l’échantillon vers le vide). La seconde formule est définie uniquement sur la surface extérieure
de l’échantillon. La densité de courant volumique ~jA est en A.m−2 , et la densité de courant
surfacique ~jsA est en A.m−1 (comme l’aimantation).

Le principe de la démonstration est similaire à celle pour les charges de polarisation dans un isolant.
La démonstration est détaillée dans le livre [1].

5.6 Vecteur excitation magnétique


Notons qu’il existe d’autres courants que les courants d’aimantation. Il s’agit des courants libres
circulant par exemple dans la bobine utilisée pour appliquer un champ magnétique à l’échantillon.
L’équation de Maxwell-Ampère contient ces courants libres et peut se réécrire :
!

− ~B(~r)
∇∧ ~ = ~jlibre (~r) ,
−M (5.6)
µ0

~ r) défini par :
d’où l’intérêt d’introduire un nouveau champ vectoriel H(~

Definition 5.6.1 — Vecteur excitation magnétique (A.m−1 ).

~
~ r) = B(~r) − M(~
H(~ ~ r) . (5.7)
µ0

A l’échelle mésoscopique, il est utile de travailler avec ce champ "excitation magnétique" H(~~ r) qui
ne "voit" que les courants libres. C’est le champ que peut contrôler l’expérimentateur en réglant les
courants libres dans les bobines ou en électro-aimant par exemple.
A partir de l’équation locale à rotationnel ci-dessus, on peut démontrer l’équivalent du théorème
d’Ampère pour le vecteur excitation magnétique H(~ ~ r).
50 Chapter 5. Dipôles magnétiques et aimantation

Propriété 5.6.1 — Théorème d’Ampère pour l’excitation magnétique.

~jlibre · −

Z ZZ
H(~ ~ = Ilibre ,
~ r) · dl avec Ilibre = dS (5.8)
L S

5.7 Susceptibilité magnétique et perméabilité magnétique


Ici on retrouve les mêmes idées que pour la susceptibilité électrique, sauf que l’on va regarder
maintenant la réponse magnétique (en terme d’aimantation) à une sollicitation magnétique décrite
~ r):
par le vecteur excitation magnétique H(~

Definition 5.7.1 — Susceptibilité magnétique d’un milieu linéaire homogène.

~ r) = [χm ] H(~
M(~ ~ r) (5.9)

La matrice (ou tenseur) de susceptibilité [χm ] agit sur les trois composantes du champ excitation
magnétique. Dans un milieu LHI (linéaire homogène isotrope), cette matrice est simplement
l’identité multipliée par un nombre. Fait remarquable : ce nombre, appelé simplement suscep-
tibilité magnétique, peut être soit positif (paramagnétisme) dans certains matériaux, et négatif
(diamagnétisme) dans d’autres matériaux.
On peut décrire la réponse magnétique de la matière en utilisant le couple de champs (~B, H).
~
On obtient alors la relation linéaire :

~B(~r) = µ0 (H(~
~ r) + M(~
~ r)) = µ0 (1 + χm )H(~
~ r) = µ0 µr H(~
~ r), (5.10)

ce qui permet de définir le tenseur de perméabilité magnétique relative [µr ] du matériau comme:
[µr ] = 1 + [χm ].
Lorsqu’on évoque le magnétisme, on pense immédiatement à un aimant, mais en fait la plupart
des matériaux ont des propriétés magnétiques plus ou moins marquées. Certains matériaux sont
paramagnétiques: l’aimantation induite est orientée dans le même sens que le champ magnétique
extérieur appliqué. D’autres matériaux sont diamagnétiques: une très faible aimantation induite
se développe dans le sens opposé au champ magnétique appliqué. Il existe aussi des matériaux
ferromagnétiques qui possèdent une aimantation spontanée en l’absence de champ magnétique
appliqué (en dessous d’une certaine température Tc ). Les supraconducteurs ont aussi des propriétés
magnétiques spectaculaires comme l’effet Meissner: écrantage complet d’un champ magnétique
extérieur appliqué (diamagnétisme parfait). Le paramagnétisme, le diamagnétisme, et le ferromag-
nétisme sont présentés de manière concise mais très profonde par Richard Feynman dans son cours
de physique (Chapitres 34 à 37 de [2]).

5.8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons introduit le concept d’aimantation pour décrire un échantillon constitué
d’une collection de dipôles magnétiques. Il existe deux descriptions équivalentes, c’est à dire qui
donnent le même champ magnétique créé par l’ensemble des dipôles de l’échantillon. Dans la
première description, on doit spécifier les valeurs du champ d’aimantation M ~ sur tout le volume
V de l’échantillon. Dans une seconde description, on a uniquement des courants dans le vide
localisés essentiellement dans les zones où l’aimantation est inhomogène. La répartition de ces
courants, dits d’aimantation (ou parfois ampériens), est donnée par les formules Eq. (5.5).
Enfin, un échantillon dans un champ magnétique va développer une aimantation qui dépend
linéairement du champ d’excitation magnétique via un tenseur de susceptibilité magnétique. Dans
les milieux LHI, ce tenseur se résume à un nombre qui peut être positif (paramagnétisme) ou négatif
5.8 Conclusion 51

(diamagnétisme). Il s’agit de substances faiblement magnétiques où existe une relation linéaire


entre champ et aimantation. Nous reparelerons plus tard du ferromagnétisme qui est un phénomène
fondamentalement différent et beaucoup plus intense.
6. Equations de Maxwell dans la matière

Dans les deux chapitres précédents, nous avons abordé cette question en nous plaçant en statique
et donc en distinguant effets électriques (chapitre 4) et magnétiques (chapitre 5). Nous allons
reprendre cette étude en généralisant aux régimes dynamiques (variables dans le temps) pour
lesquels la distinction entre électrique et magnétique disparaît au profit d’équations couplées pour
le champ électromagnétique. Cela donne lieu aux phénomènes d’induction électromagnétique et
surtout à la propagation d’ondes électromagnétiques dans la matière.
Nous nous intéressons donc au champ électromagnétique dans la matière, c’est à dire dans
des milieux (dilués ou denses) constitués d’un très grand nombre d’atomes ou de molécules. En
principe, il faudrait décrire la matière au niveau microscopique par la mécanique quantique et en
déduire les propriétés macroscopiques dans le cadre de la mécanique statistique. Cependant, il
est aussi possible de rester au niveau classique et d’obtenir des informations importantes sur la
propagation des champs électromagnétiques dans la matière.
• Dans un premier temps, il faudra définir des champs macroscopiques, c’est à dire lissés
(moyennés spatialement) à des échelles intermédiaires/mésoscopiques. En effet, nous avons
décrit la matière par certaines densités volumiques de moments dipolaires électriques polari-
sation ~P et magnétiques (aimantation M).~ Or ces champs de polarisation et d’aimantation
ont été définis avec une résolution spatiale de l’ordre de la taille de la cellule élémentaire
dτ, typiquement entre 10 nm minimum et quelques micron(s) maximum. Cette échelle de
longueur dépendra du contexte, du niveau de résolution ∆τ 1/3 souhaité. Par exemple dans
l’étude de propagation d’ondes, on veillera à ce que la résolution reste inférieure à la longueur
d’onde. Par cohérence, si nous cherchons à écrire des équations du champ électromagnétique
dans la matière, il faut définir des champs lissés en gommant/perdant l’information sur les
détails à plus petite échelle.
• Dans un second temps, nous distinguerons entre charges et courants libres (contrôlés et
réglables par l’expérimentateur) d’une part et d’autre part : les charges de polarisation
(charges liées à la réponse de la matière) et les courants ampériens également liés à la réponse
de la matière. Les charges libres sont celles sur lesquelles l’expérimentateur peut avoir un
certain contrôle, comme par exemple les charges sur les armatures d’un condensateur. Il est
54 Chapter 6. Equations de Maxwell dans la matière

possible de les faire varier. Les charges de polarisation (aussi appelées liées) sont les charges
qui apparaissent spontanément dans la matière en réponse à la présence de charges libres.
On séparera aussi les courants libres (contrôlés par l’expérimentateur comme les courants
circulant dans des bobines) et les courants d’aimantation (courants créés par la matière en
réponse au champ appliqué par l’expérimentateur).
• Enfin, grâce à ce lissage des champs et à cette séparation, nous pourrons exprimer les équa-
tions de Maxwell pour les champs lissés avec uniquement les termes sources libres contrôlés
par l’expérimentateur. Les charges liées (de réponse de la matière) auront été absorbées dans
de nouveaux vecteurs ~D et H. ~ Le prix à payer est l’introduction de nouveaux champs (nou-
velles inconnues) qui reflète le fait que le ratio entre charges libres et liées reste dépendant du
matériau. Il faut donc introduire une fonction de réponse qui donnera pour chaque matériau le
rapport entre la réponse (en polarisation par exemple) sur la sollicitation électrique (mesurée
par la champ électrique par exemple). Ce sera le cadre phénoménologique de la réponse
linéaire. Dans les chapitres suivants, nous utiliserons des modèles microscopiques pour
calculer ces fonctions de réponses.

6.1 Champs macroscopiques lissés


On part des équations de Maxwell microscopiques, c’est à dire celles qui comportent les densités
totales de sources en termes de particules ponctuelles élementaires, typiquement des protons et des
électrons. On rebaptise les champs microscopiques, résolus à l’échelle des protons et des électrons,
par les lettres minuscules {~e,~b}, car nous aurons besoin et réserverons les majuscules pour les
champs lissées (dits macroscopiques) {~E, ~B}.

Propriété 6.1.1 — Les équations de Maxwell pour les champs microscopiques.



− ~
∇ · b(~r,t) = 0 , (6.1)

− ∂~b(~r,t)
∇ ∧~e(~r,t) = − , (6.2)
∂t

− 1
∇ ·~e(~r,t) = ρ(~r,t) , (6.3)
ε0

− ~ ∂~e(~r,t)
∇ ∧ b(~r,t) = µ0~j(~r,t) + µ0 ε0 , (6.4)
∂t

Dans la matière on ne peut pas décrire ou suivre les positions de toutes les charges, et les champs
microscopiques {~e,~b} seraient très irréguliers avec des forces divergences au niveau des électrons
et des protons. On va donc adopter une approche de champ lissé à une échelle mésoscopique. Cela
signifie que l’on moyenne le champ microscopique sur une échelle spatiale grande par rapport à
la taille des atomes mais petite par rapport aux échelles macroscopiques. Le champ électrique
macroscopique est défini comme

~E(~r) = h~ei∆τ = 1 1
ZZZ ZZZ
d~ρ ~e(~ρ ) et ~B(~r) = h~bi∆τ = d~ρ ~b(~ρ ) (6.5)
∆τ ~ρ ∈∆τ ∆τ ρ∈∆τ

où l’intégrale porte sur un volume ∆τ mésoscopique autour de~r. On peut utiliser des procédures de
lissage plus subtiles consistant ) à utiliser une fonction de filtrage plus douce (ici nous avons pris
une fonction créneau qui passe abruptement de 1 à 0 à aux frontières du cube ∆τ.
6.1 Champs macroscopiques lissés 55

6.1.1 Maxwell-flux
La procédure de lissage ou moyenne spatiale est linéaire et commute donc avec les opérateurs
différentiels linéaires pour donner :

− →
− →

h ∇ ·~b(~r,t)i = ∇ · h~b(~r,t)i = ∇ · ~B(~r,t) = 0 (6.6)

6.1.2 Maxwell-Faraday
La même propriété de commutation entre les moyennes h...i donne :


− ∂~b(~r,t) →
− ∂ ~B(~r,t)
h ∇ ∧~e(~r,t)i = −h i =⇒ ∇ ∧ ~E(~r,t) = − (6.7)
∂t ∂t

6.1.3 Maxwell-Gauss
La densité de charge totale inclue charges libres et charges liées (dites aussi de polarisation) :

− → −
hρ(~r,t)i = ρlibre (~r,t) − ∇ · P (~r,t) , (6.8)

Nous ré-injectons cette expression dans l’équation de Maxwell-Gauss:



− →
− →
− 1 →
− 
h ∇ ·~e(~r,t)i = ∇ · h~e(~r,t)i = ∇ · ~E(~r,t) = ρlibre + (− ∇ ~P) (6.9)
ε0
En regroupant les divergences et en définissant le champ déplacement électrique, on peut réécrire
l’équation Maxwell-Gauss sous la forme :

Propriété 6.1.2 — Maxwell-Gauss modifiée et déplacement électrique.




∇ · ~D(~r,t) = ρlibre (~r,t) , avec ~D(~r,t) = ε0 ~E(~r,t) + ~P(~r,t). (6.10)

6.1.4 Maxwell-Ampère
Dans les chapitres précédents, nous avons présenté la notion de polarisation d’un milieu dans un
contexte statique. Il est cependant possible et même très intéressant de polariser un milieu à l’aide
d’un champ variable. C’est typiquement le cas lorsqu’une onde électromagnétique pénètre dans
un isolant. Dans ce cas le champ de polarisation acquiert une dépendance temporelle et s’écrit
donc ~P(~r,t). Les formules donnant les charges de polarisation (ou charges liées) restent valables
mais il apparaît un phénomène supplémentaire lié au mouvement des charges sous l’influence du
champ variable. On a un courant de polarisation qui s’exprime comme la dérivée temporelle de la
polarisation (vérifiez que les unités coïncident bien) :

Definition 6.1.1 — Courant de polarisation (en A.m−2 ) .

~
~j pol (~r,t) = ∂ P(~r,t) (6.11)
∂t
Ce courant est assez particulier car le mouvement des charges est une oscillation interne aux
molécules. Les électrons restent dans la molécule (il n’y a pas ionisation) mais le nuage électronique
oscille légèrement de part et d’autre du centre des noyaux sous l’influence du champ de l’onde qui
change très rapidement de sens.
Ce courant de polarisation vient se rajouter au courant de charges libres et aux courants
d’aimantation. Nous pouvons donc écrire la densité de courant totale sous la forme suivante :
~ →

~j(~r,t) = ~jlibre (~r,t) + ∂ P(~r,t) + ∇ ∧ M(~
~ r,t) , (6.12)
∂t
56 Chapter 6. Equations de Maxwell dans la matière

qui regroupe les courants libres, les courants de polarisation et d’aimantation. Nous ré-injectons
cette expression dans l’équation de Maxwell-Ampère microscopique et prenons la moyenne spatiale
:

− 1 − ~B(~r,t)
→ →
− ~ ~
h ∇ ∧ ~b(~r,t)i = ∇ ∧ ~ r,t) + ∂ P(~r,t) + ε0 ∂ E(~r,t)
= ~jlibre (~r,t) + ∇ ∧ M(~ (6.13)
µ0 µ0 ∂t ∂t
En regroupant les termes en rotationnels entre eux, et les termes en dérivée temporelle entre eux,
nous obtenons :
~
Propriété 6.1.3 — Maxwell-Ampère modifiée et définition de H.


− ~
~ r,t) = ~jlibre (~r,t) + ∂ D(~r,t) ,
∇ ∧ H(~ avec ~ r,t) = ~B(~r,t) − µ0 M(~
µ0 H(~ ~ r,t). (6.14)
∂t

6.2 Equations de Maxwell dans la matière


Nous sommes maintenant en mesure d’écrire les équations d’évolution des champs électrique et
magnétique macroscopiques en collectant les quatre équations lissées obtenues précédemment :

Propriété 6.2.1 — Equations de Maxwell dans la matière.




∇ · ~B(~r,t) = 0, (6.15)

− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (6.16)
∂t


∇ · ~D(~r,t) = ρlibre (~r,t), (6.17)


~ r,t) ∂ ~D(~r,t)
∇ ∧ H(~ = ~jlibre (~r,t) + . (6.18)
∂t

On remarque que ε0 = 8, 85.10−12 F.m−1 et µ0 = 4π.10−7 H.m−1 ont disparu, mais c’est juste le
résultat du jeu de réécriture des champs. Il semble aussi que dans ce tour de passe-passe les charges
liées ou de polarisation aient disparu. En fait elles sont cachées dans les vecteurs déplacement
électrique et excitation magnétique.
Mathématiquement, nous avons écrit les équations de Maxwell dans la matière en introduisant
de nouvelles grandeurs, comme le vecteur déplacement électrique ~D(~r) ou l’excitation magnétique
~ r). Pour décrire l’isolant par un système fermé d’équations, il faut ajouter des relations entre la
H(~
réponse de l’isolant (sa polarisation et son aimantation) et les causes (le champ électrique pour la
polarisation, la champ magnétique pour l’aimantation)). On doit donc compléter les équations de
Maxwell macroscopiques par des relations constitutives, déjà rencontrées dans le cas de la statique :

~D(~r) = ε0 εr ~E(~r) et ~ r) = χm H(~


M(~ ~ r). (6.19)
Ces relations peuvent être postulées de manière phénoménologique (dans cette Partie II), ou
dérivées à partir d’un modèle microscopique (voir Partie III). Nous avons déjà écrit ces relations
en régime statique. En régime variable dans le temps, il est tentant de simplement les écrire en
remplaçant les champs par leurs valeurs instantanées comme si ces relations restaient vraies à
chaque instant. C’est ce qu’on appelle le régime quasi-statique. En fait, il va s’avérer (voir chapitre
suivant) que la réponse des milieux n’est pas instantanée, et donc ces relations ne peuvent pas
être écrites "localement en temps t". Nous verrons au chapitre suivant, qu’elles s’écrivent comme
un produit de convolution en temps, et comme un produit ordinaire dans l’espace de Fourier des
pulsations. Cela traduit qu’un matériau donné répond différemment à diverses pulsations (couleurs).
6.3 Une version alternative 57

6.3 Une version alternative


On peut aussi écrire les équations de Maxwell en ne conservant que les champs macroscopiques ~E
et ~B et en faisant apparaître les vecteurs polarisation et aimantation :

Definition 6.3.1 — Equations de Maxwell sans les vecteurs D et H .




∇ · ~B(~r,t) = 0, (6.20)

− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (6.21)
∂t
→− 1 1→ −
∇ · ~E(~r,t) = ρlibre (~r,t) − ∇ · ~P(~r,t), (6.22)
ε0 ε0

− ∂ ~P(~r,t) →
− ~
~ r,t) + µ0 ε0 ∂ E(~r,t) .
∇ ∧ ~B(~r,t) = µ0~jlibre (~r,t) + µ0 + µ0 ∇ ∧ M(~ (6.23)
∂t ∂t
Ce sont les équations pour le champ électrique et magnétique macroscopiques en présence de
champs de polarisation et d’aimantation et de charges libres. Elles doivent être complétées par les
relations constitutives. C’est ce que nous ferons au chapitre suivant en tenant compte des effets de
retard de la réponse.

6.4 Conclusion
Nous avons obtenu des équations de Maxwell pour les champs lissés avec uniquement les termes
sources libres contrôlés par l’expérimentateur. Les charges liées (de réponse de la matière) ont été
absorbées dans de nouveaux vecteurs ~D et H.~ Le prix à payer est l’introduction de nouveaux champs
(nouvelles inconnues) qui reflète le fait que le ratio entre charges libres et liées reste dépendant
du matériau. Il faut donc introduire une fonction de réponse qui donnera pour chaque matériau le
rapport entre la réponse (en polarisation par exemple) sur la sollicitation électrique (mesurée par la
champ électrique par exemple). Ce sera le cadre phénoménologique de la réponse linéaire. Dans
les chapitres suivants, nous utiliserons des modèles microscopiques pour calculer ces fonctions de
réponses.
7. Réponse linéaire phénoménologique

Dans ce chapitre, nous commençons par présenter quelques propriétés très générales des fonctions
de réponse linéaire, comme la dispersion et la dissipation, en restant à un niveau phénoménologique.
Puis, nous discuterons de la propagation de la lumière dans les milieux en appliquant les équations
de Maxwell dans la matière Eqs. (6.2.1) complétées par les relations constitutives Eqs. (6.19).
Dans la partie III, nous analyserons quelques modèles microscopiques de matériaux et nous en
déduirons des expressions particulières de ces fonctions de réponse.

7.1 Dispersion temporelle


On a vu apparaître la notion de coefficient de réponse de type susceptibilité reliant la réponse d’un
milieu (sa polarisation ou son aimantation) à l’excitation (le champ électrique). Dans ce paragraphe,
on discute plus en détail cette notion très générale dans le cadre de la théorie de la réponse linéaire.
En présence d’une sollicitation variable dans le temps, la matière répond avec un certain retard
temporel. On peut donc écrire la polarisation à la date t comme une intégrale sur les valeurs du
champ excitateur aux instants antérieurs à t :
Z ∞
~P(t) = ε0 dτ χ̃(τ)~E(t − τ), (7.1)
0

où χ(τ) est une fonction décroissante de τ (attention cette fonction porte des unités contrairement
à la susceptibilité que nous avons utilisée jusqu’ici). La variable d’intégration τ représente le
délai temporel entre l’excitation et la réponse. Cette relation intégrale est tout à fait linéaire mais
elle n’est plus instantanée. Elle se simplifie si on passe dans l’espace de Fourier en écrivant les
décompositions en modes de Fourier harmoniques :

dω dω
Z ∞ Z ∞
~E(t) = ~E(ω)e−iωt , et ~P(t) = ~P(ω)e−iωt . (7.2)
−∞ 2π −∞ 2π

Il faut bien noter que les amplitudes vectorielles ~E(ω) et ~P(ω) sont complexes et peuvent donc
comporter des déphasages relatifs arbitraires entre elles.
60 Chapter 7. Réponse linéaire phénoménologique

On obtient en injectant la représentation de Fourier du champ électrique dans l’équation


constitutive Eq. (7.1) :

Z ∞ Z ∞
~P(t) = ε0 dτ χ̃(τ) ~E(ω)e−iω(t−τ) (7.3)
0 −∞ 2π
Z ∞ 

Z ∞
= ε0 dτ χ̃(τ)e iωτ ~
E(ω)e−iωt , (7.4)
−∞ 2π 0

et on peut ainsi exprimer l’amplitude du mode ω de la polarisation comme:


Z ∞
~P(ω) = ε0 χ(ω)~E(ω) avec χ(ω) = dτ χ̃(τ)eiωτ . (7.5)
0

Cette dépendance en ω de la susceptibilité est appelée la dispersion temporelle. On vient de


voir qu’elle est intimement liée au retard de réponse de la matière, c’est à dire aux processus
microscopiques de réponse et de relaxation. Notons aussi que χ(ω) est la transformée de Fourier
de χ̃(τ): ce sont des fonctions différentes (d’ailleurs l’une est sans unités et l’autre est homogène à
l’inverse d’un temps). Si la réponse de la matière était instantanée χ̃(τ) = 2χ0 δ (τ), on aurait alors
χ(ω) = χ0 indépendante de ω (cela peut arriver dans les situations où on peut négliger les effets de
retard). Enfin, une conséquence importante de la dispersion temporelle de χ(ω) va être le fait que
l’indice optique n(ω) va lui même dépendre de la fréquence.

7.2 Caractère complexe de la fonction de réponse


On peut décomposer la susceptibilité électrique χ(ω) = χ1 (ω) + iχ2 (ω) en parties réelle χ1
et imaginaire χ2 . La fonction de réponse χ(ω) est "le coefficient de proportionnalité" entre
les représentations complexes de deux grandeurs physiques réelles, donc les parties réelle χ1
et imaginaire χ2 ont une signification physique importante (contrairement à la représentation
complexe ou de Fresnel d’une grandeur oscillante dont celle la partie réelle est physique, et la partie
imaginaire est redondante).
Prenons le champ électrique ~E(t) = ~E0 cos(ωt) avec ~E0 réel, et écrivons la réponse, i.e. la
polarisation instantanée du milieu ~P(t) = Re[~P(ω)e−iωt ], comme :

~P(t) = ε0 Re[χ(ω)~E0 e−iωt ] = ε0 Re[χ(ω)e−iωt ]~E0 = ε0 (χ1 (ω) cos(ωt) + χ2 (ω) sin(ωt)) ~E0 (7.6)

Il est clair que la partie réelle χ1 (ω) quantifie la réponse en phase avec l’excitation électromag-
nétique. Dans le modèle de l’électron élastiquement lié, la fonction χ1 (ω) présente une forte
discontinuité à la fréquence propre. En revanche, la partie imaginaire χ2 (ω) décrit la réponse
en quadrature de phase avec l’excitation. Dans le modèle de Lorentz, χ2 (ω) présente un pic
à la fréquence propre, dont la largeur est donnée par le taux d’amortissement γ = 1/τ. Ceci est
généralisable à n’importe quelle fonction de réponse linéaire caractérisant le rapport d’amplitude
et de déphasage de deux grandeurs oscillantes à la même fréquence : impédance d’un élément de
circuit, fonction de transfert d’une portion de circuit électrique, polarisabilité, constante diélectrique,
conductivité optique, etc...

7.3 Equation de propagation dans un milieu matériel LHI


On va écrire les équations de Maxwell à l’intérieur d’un isolant neutre, donc dépourvu de charges
et courants libres. Cet isolant sera modelisé comme un milieu LHI de permittivité diélectrique
εr (ω) et de perméabilité magnétique relative µr (ω). On a donc les équations suivantes pour les
champs macroscopiques dépendant des variables spatio-temporelles (~r,t) :
7.3 Equation de propagation dans un milieu matériel LHI 61

Propriété 7.3.1 — Isolant LHI sans charges libres (en variable temporelle).


∇ · ~B(~r,t) = 0, (7.7)

− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (7.8)
∂t


∇ · ~D(~r,t) = 0, (7.9)


~ r,t) ∂ ~D(~r,t)
∇ ∧ H(~ = (7.10)
Z ∂t ∞
~D(t) = dτ ε0 ε˜r (τ)~E(t − τ) (7.11)
0
Z ∞
~B(t) = ~ − τ)
dτ µ0 µ̃r (τ)H(t (7.12)
0

Les deux dernières équations traduisent une relation linéaire avec retard (non locale en temps = non
instantanée) qui est exprimée mathématiquement par un produit de convolution. Cela donne une
structure compliquée aux équations (intégro-différentielles...). Pour remédier à cette difficulté, on
peut passer en Fourier pour la variable temporelle. Comme on l’a vu, les produits de convolution
deviennent de simples produits algébriques entre les transformées de Fourier temporelles des
champs, notées ~E(~r, ω), ~B(~r, ω), ~D(~r, ω), etc.

Propriété 7.3.2 — Isolant LHI sans charges libres en variable fréquentielle.




∇ · ~B(~r, ω) = 0 (7.13)


∇ ∧ ~E(~r, ω) = iω ~B(~r, ω) (7.14)


∇ · ~D(~r, ω) = 0 (7.15)


~ r, ω)
∇ ∧ H(~ = −iω ~D(~r, ω) (7.16)
~D(~r, ω) = ε0 εr (ω) ~E(~r, ω) (7.17)
~B(~r, ω) = µ0 µr (ω)H(~
~ r, ω) (7.18)

Dans ces équations εr (ω) et εr (ω) sont, respectivement, les transformées de Fourier (les spectres)
des noyaux temporels de réponse ε˜r (τ) et ε˜r (τ).
On peut maintenant découpler ces équations selon la méthode habituelle en calculant le rota-
tionnel du rotationnel du champ électrique (par exemple). Pour ne pas surcharger les écriture on va
omettre les arguments (~r, ω) pour les champs et la variable ω pour les permittivité et perméabilité.
D’une part, les équations de Maxwell-Faraday puis Maxwell-Ampère conduisent à :


− →− →
− →
− 2
~ = µ0 µr ω 2 ~D = εr µr ω ~E
  
∇ ∧ ∇ ∧ ~E = iω ∇ ∧ ~B = iω µ0 µr ∇ ∧ H (7.19)
c2
Et d’autre part, on a :

− → −  → − →
− 
∇ ∧ ∇ ∧ ~E = ∇ ∇ · ~E − ∆~E = −∆~E (7.20)


− →

La nullité de la divergence du champ électrique provient de ∇ · ~D(~r, ω) = ε0 εr (ω) ∇ · ~E(~r, ω) = 0
et du fait que le milieu est homogène (sinon on ne pourrait pas sortir la permittivité relative de la
divergence).
On a donc l’équation suivante pour le champ électrique :
62 Chapter 7. Réponse linéaire phénoménologique

Propriété 7.3.3 — Equation de Helmholtz pour la propagation du champ électrique.

n2 ω 2
∆~E(~r, ω) = − 2 ~E(~r, ω) avec n2 (ω) = εr (ω)µr (ω) (7.21)
c
Cette équation implique que les ondes monochromatiques à la pulsation ω se propagent dans le
milieu à la vitesse c/n(ω), où on reconnaît l’indice optique n(ω). On a montré ici l’expression de
cet indice comme produit de certaines fonctions de réponse électrique et magnétique, dont il hérite
de la dépendance en fréquence des fonctions de réponse électrique et/ou magnétique.

7.4 Conclusion
L’idée centrale est que la dynamique du champ électromagnétique correspond à une propagation
dans le vide à la vitesse c (dans tous les référentiels). Lorsqu’une onde électromagnétique traverse
de la matière, elle agit sur les atomes de cette matière en orientant les dipôles atomiques (électriques
et/ou magnétiques). Ces dipôles créent un champ électromagnétique qui se superpose au champ
incident et donne un champ total qui est le seul observable et semble se propager à une vitesse
différente de c et qui dépend de la réponse des atomes du milieu.
III
Modèles microscopiques

8 Isolants : modèle de Lorentz . . . . . . . . . 65


8.1 Polarisabilité d’un atome
8.2 Polarisation
8.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réac-
tive de la susceptibilité dynamique

9 Métaux : modèle de Drude . . . . . . . . . . 69


9.1 Modèle de Drude AC et conductivité optique
9.2 Lien avec le modèle de Lorentz des isolants
9.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réac-
tive de la fonction de réponse

10 Interfaces entre matériaux . . . . . . . . . . . 73


10.1 Rappel : relations de passage pour les champs
macroscopiques lissés
10.2 Problème de diffusion (scattering) à une interface

Bibliography . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Articles
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8. Isolants : modèle de Lorentz

Dans ce chapitre, nous étudierons un premier modèle d’interaction lumière matière, purement
classique et du au physicien néerlandais H.A. Lorentz, qui permet de décrire la propagation d’une
onde électromagnétique (IR, visible ou UV) dans un matériau isolant. Nous discuterons les
phénomènes optiques (dispersion, absorption), les grandeurs qui les caractérisent (indice optique)
et les relierons aux ingrédients microscopiques du modèle de H.A. Lorentz. Pour simplifier, on
se bornera par considérer de la matière diluée et isotrope, comme un gaz atomique par exemple.
Lorentz a aussi étudié la propagation de la lumière dans la matière dense comme les solides mais
cela va au-delà de ce cours.

Un peu d’histoire... Les équations de Maxwell ont fasciné Lorentz qui a décidé de les utiliser
pour bâtir une théorie de la matière et de la lumière en interaction à une époque où l’hypothèse
atomique n’était pas validée, mais où on venait de découvrir l’électron.
Dans les années 1875, Lorentz a formulé une théorie de l’interaction onde électromagnétique-
matière entièrement basée sur la physique classique: le rayonnement électromagnétique y est
décrit par les équations de Maxwell et la matière par des oscillateurs harmoniques. Ces derniers
vibrent à des fréquences propres bien définies et se comportent comme des dipôles électriques
oscillants pouvant émettre ou absorber des ondes électromagnétiques. A l’époque de Lorentz on ne
connaissait pas l’origine de ces dipôles, mais on peut maintenant les associer à différents types de
degrés de libertés microscopiques: les dipôles atomiques correspondant aux électrons liés autour
des noyaux (fréquences typiques dans l’UV), les dipôles correspondant aux vibrations des atomes
(typiquement dans IR), et les dipôles associés aux électrons libres (pas de fréquence correspondant
à une force de rappel mais une fréquence plasma qui dépend de la densité électronique). Nous
supposons pour commencer que l’on peut isoler un type d’oscillateurs caractérisé par une fréquence
propre bien définie ω0 (et donc ignorer les oscillateurs ayant d’autres fréquences).

8.1 Polarisabilité d’un atome


Considérons un modèle très simple de l’atome. La pulsation ω0 correspond à une raie de transition
bien définie de cet atome. On considère un électron lié à un noyau atomique par une force de rappel
66 Chapter 8. Isolants : modèle de Lorentz

de type élastique et soumis à la force électrique due à l’onde électromagnétique. La dynamique est
décrite par l’équation suivante:
d 2~r d~r
m 2
+ mγ + mω02~r = −e~Eω cos(ωt) , (8.1)
dt dt
où −mω02~r représente la force de rappel élastique, −e~Eω cos(ωt) la force due au champ électrique
de l’onde (à polarisation rectiligne), et −mγd~r/dt une force d’amortissement. Le coefficient
γ = 1/τ est un taux de relaxation décrivant le retour à l’équilibre si on débranche le champ
électrique. C’est le champ macroscopique qui apparaît car dans un milieu dilué il n’y a pas de
différence importante entre ce champ et le champ local ressenti par l’électron.
En injectant une solution forcée ~r(t) = rω e−iωt~u, et on obtient pour le dipôle microscopique
~p(t) = −e~r(t):
e2 ~Eω e−iωt
~p = = ε0 α(ω)~Eω . (8.2)
m(−ω 2 − iωγ + ω02 )
La polarisabilité atomique α(ω) (définie ci-dessus) s’exprime comme:
e2
α(ω) = , (8.3)
mε0 (−ω 2 − iωγ + ω02 )
et son unité est celle d’un volume, souvent de l’ordre du volume microscopique du dipôle (typique-
ment en nm3 ).

8.2 Polarisation
Dans un milieu homogène, on passe au vecteur polarisation macroscopique (densité volumique de
moment dipolaire électrique) en multipliant le dipôle élémentaire par la densité volumique d’atomes
N dans le milieu:

~P = N~p = Ne2 ~Eω e−iωt


(8.4)
m(−ω 2 − iωγ + ω02 )
On en déduit la susceptibilité diélectrique complexe (sans unités):
Ne2 1
χ(ω) = Nα(ω) = , (8.5)
mε0 (ω02 − ω 2 − iωγ)
puis immédiatement la constante diélectrique complexe (permittivité diélectrique relative):
Ne2 1
εr (ω) = 1 + χ(ω) = 1 + 2
. (8.6)
mε0 (ω0 − ω 2 − iωγ)
On voit apparaître une fréquence typique:

Definition 8.2.1 — Pulsation plasma.


s
Ne2
ωP = (8.7)
mε0

Cette pulsation caractérise la densité d’électrons N dans le système. Comme il y a un électron


par atome dans notre modèle, N est aussi la densité volumique d’atomes du gaz. Cette fréquence
plasma jouera un rôle très important pour les métaux et les plasmas pour lesquels il n’y a pas
d’autre fréquence caractéristique: ω0 = 0.
On peut alors écrire la constante diélectrique sous la forme :
8.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réactive de la susceptibilité
dynamique 67
Propriété 8.2.1 — Constante diélectrique du modèle de Lorentz.

ωP2
εr (ω) = 1 + , (8.8)
ω02 − ω 2 − iωγ

mettant en jeu les trois fréquences caractéristiques: le fréquence de résonance ω0 , la fréquence


plasma ωP , et le taux d’amortissement γ.
En l’absence d’amortissent (γ = 0), le dénominateur s’annule en ω = ω0 ce qui créé une
singularité à la résonance. En présence de

8.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réactive de la susceptibilité


dynamique
Dans ce paragraphe, on sous-entend la dépendance en pulsation des fonctions de réponse mais on
écrira χ1 = χ1 (ω) et χ2 = χ2 (ω) pour ne pas surcharger.
Dans un milieu isolant, les courants sont les courants de polarisation décrits par le terme ∂ P/∂t.
La densité volumique de puissance transférée du champ électromagnétique vers la matière s’écrit
en valeur instantanée à la date t :

∂ ~P(t) ~
· E(t) = ε0 ω −χ1 sin(ωt) cos(ωt) + χ2 cos2 (ωt) ~E02

(8.9)
∂t
Lorsqu’on prend la moyenne temporelle sur une période T = 2π/ω, seule la partie en cos2 (ωt)
contribue et :

∂ ~P(t) ~ ε0 ~E02
h · E(t)i = ω χ2 , (8.10)
∂t 2
qui a bien la dimension d’une densité volumique de puissante. On voit que c’est la partie imaginaire
de la susceptibilité qui correspond à l’échange d’énergie de l’onde vers la matière. Dans le modèle
de Lorentz, χ2 (ω) présente un pic à la pulsation propre qui traduit donc une absorption efficace de
l’onde par l’oscillateur lorsqu’il y a résonance.
9. Métaux : modèle de Drude

On s’intéresse maintenant à la réponse électromagnétique d’un milieu conducteur (métal, plasma)


qui contient une certaine densité de porteurs de charge libres de se déplacer sous l’influence
des forces électromagnétiques. On se limite à une seule espèce de porteurs, par exemple le gaz
d’électrons d’un métal. Dans un plasma, il y a en général au moins deux types de porteurs,
typiquement les électrons et les ions positivement chargés.

9.1 Modèle de Drude AC et conductivité optique


Le modèle de Drude consiste à considérer l’action d’un champ électrique sur des porteurs de
charges mobiles. L’équation du mouvement d’un porteur de charge s’écrit :

d~v m
m = q~Eω cos(ωt) − ~v , (9.1)
dt τ
en présence d’une force exercée par une onde électromagnétique harmonique oscillant à la pulsation
ω. Cette force se limite à la force électrique q~Eω cos(ωt), car la force magnétique est plus petite
d’un facteur v/c, le champ magnétique de l’onde étant en B = E/c. Ce modèle est formellement
le même que le modèle de Lorentz dans lequel on a enlevé le terme de force de rappel élastique :
ω0 = 0. C’est normal car on veut décrire des électrons libres d’un métal, et non les électrons liés
d’un isolant. Notre analyse du modèle de Lorentz reposait sur la notion de dipôle électrique et de
vecteur polarisation. Pour un métal, les électrons sont fortement délocalisés, et la réponse en terme
de courants électriques semble plus naturelle que celle de dipôle.
On va donc écrire les équations pour le courant ~j(t) = Nq~v(t),

d~j 1 ~ Nq2 ~Eω


+ j= cos(ωt), (9.2)
dt τ m
et on passe en notation complexe :

Nq2 τ ~
(−iωτ + 1) ~jω = Eω , (9.3)
m
70 Chapter 9. Métaux : modèle de Drude

D’où finalement une relation constitutive :


~jω = σ (ω)~Eω , (9.4)

de type réponse linéaire avec une conductivité (AC ou optique) dépendant de la fréquence comme :

Nq2 τ/m σ0
σ (ω) = = . (9.5)
(1 − iωτ) (1 − iωτ)
Cette équation constitutive doit être complété par le fait que dans un métal, l’électroneutralité
est rétablie très rapidement devant toutes les autres échelles temporelles, ce qui permet de poser
ρ = 0. Pour savoir comment une onde peut se propager dans un métal il suffit d’écrire les équations
de Maxwell complétées par ces relations constitutives. En particulier en évaluant le rotationnel du
rotationnel du champ électrique, nous obtenons une équation d’évolution pour le champ électrique :

 
iωτ
c k Eω = ω 2 +
2 2~ 2 ~
ω Eω , (9.6)
1 − iωτ P
dans laquelle apparaît la pulsation plasma :

Nq2 σ0
ωP2 = = . (9.7)
mε0 ε0 τ
Ainsi on a vu apparaître deux grandeurs, la conductivité statique σ0 et la pulsation plasma ωP , qui
sont deux paramètres permettant de quantifier la densité N de porteurs de charges libres dans le
système, ainsi que les caractéristiques de ces porteurs (via leur charge q et leur masse m). On peut
utiliser l’un ou l’autre selon le contexte.
On doit analyser les différents régimes possibles.

9.1.1 Regime AC basse fréquence : ω  1/τ


On peut négliger ωτ  1 au dénominateur mais il faut le conserver au numérateur :
σ0
c2 k2 = ω 2 + iωτωP2 ' iωτωP2 = iω

, (9.8)
ε0
car le terme en ω domine le terme en ω 2 à basse fréquence. On donc une relation de dispersion qui
conduit à un vecteur d’onde k ayant une partie imaginaire :
r
σ0 ω
k = (1 + i) . (9.9)
2c2 ε0
La longueur de pénétration :
s s
2c2 ε0 2
δ= = , (9.10)
σ0 ω σ0 µ0 ω

tend vers zéro pour un conducteur idéal σ0 → ∞.

9.1.2 Regime de relaxation : 1/τ  ω < ωP


Dans la limite ωτ  1, on a la relation de dispersion :

c2 k2 = ω 2 − ωP2 < 0 ,

(9.11)

d’où un vecteur d’onde imaginaire pur.


9.2 Lien avec le modèle de Lorentz des isolants 71

9.1.3 Regime haute fréquence (transparent) : 1/τ  ωP < ω


Au-dessus de la pulsation plasma, on a

c2 k2 = ω 2 − ωP2 > 0 ,

(9.12)

et donc le vecteur d’onde redevient réel et il y a propagation : le gaz d’électrons de conduction


devient transparent à l’onde électromagnétique.

9.1.4 Conclusion, remarques :


On voit que la dispersion résulte d’une compétition entre le terme en ω 2 qui vient du courant de
déplacement toujours présent (y compris dans le vide) et qui favorise la propagation, et entre le
terme en −ωP2 qui est lié à la matière (proportionnel à N). On remarque que le terme en −ωP2 porte
un signe opposé au terme de courant de déplacement : il a donc tendance à empêcher la propagation
et peut même la supprimer complètement lorsque la densité de matière est assez forte : ωP > ω.
On a envisagé uniquement ce que l’on appelle les modes transverses électriques puisque l’on
a fait dès le départ l’hypothèse ρ = 0, ce qui revient à div~E = 0 et donc ~k ⊥ ~E. Il existe aussi un
mode longitudinal dans lequel le champ électrique est parallèle au vecteur ~k et qui correspond à des
oscillations de la densité de charge.

9.2 Lien avec le modèle de Lorentz des isolants


Nous avons vu que les métaux contiennent des électrons libres de se déplacer dans tout l’échantillon.
Ces électrons libres sont responsables du phénomène de conduction électrique et dominent la
réponse du métal à une onde électromagnétique. Nous avons écrit une relation constitutive exprimant
la réponse linéaire en courant à un champ électrique. Le coefficient de proportionnalité étant la
conductivité (ac ou optique) σ (ω). Cependant, ces électrons de conduction peuvent aussi être
décrits par le modèle de Lorentz à condition d’éliminer la force de rappel, c’est à dire de prendre
ω0 = 0. Dans la théorie classique, il y a un caractère un peu arbitraire de la séparation entre
électrons liées et électrons de conductions dans la théorie classique.
Un métal solide (ou liquide) est aussi un milieu dense, cependant les électrons de conduction
forment un fluide impliquant que le champ local ressenti par un électron est égal au champ lissé
macroscopique. Donc contrairement au cas des isolants, nous ne devons pas faire la correction de
type Clausius-Mossoti et on obtient simplement:

Ne2 1 ωP2
εr (ω) = n(ω)2 = 1 − = 1 − (9.13)
mε0 (ω 2 + iωγ) (ω 2 + iωγ)
Pour les fréquence au-dessous de la la fréquence plasma, l’indice est imaginaire pur et le métal
sera parfaitement réfléchissant. Pour les fréquences au-dessus de la fréquence plasma, l’indice
devient réel et le métal (ou plutôt le gaz d’électrons de conduction) devient parfaitement transparent.
Si on néglige l’amortissement, on obtient: Pour un amortissement nul γ = 0 (ou très faible), on
obtient:
Ne2 1 ωP2
εr (ω) = n(ω)2 = 1 − = 1 − (9.14)
mε0 ω 2 ω2
En fait, il existe une relation entre la constante diélectrique (ou la susceptibilité χ(ω)) et la
conductivité σ (ω). En effet on peut écrire l’équation de Maxwell-Ampère en considérant que les
courants sont de la forme σ ~E ou bien ∂ ~P/∂t, on a donc la relation :
iσ (ω)
χ(ω) = , (9.15)
ε0 ω
72 Chapter 9. Métaux : modèle de Drude

qui relie susceptibilité et conductivité d’un même matériau.


Vérifions cette relation sur l’exemple du gaz électronique d’un métal pour lequel nous avons
obtenu d’une part (modèle de Drude) :

Nq2 τ/m σ0
σ (ω) = = . (9.16)
(1 − iωτ) (1 − iωτ)

et d’autre part (modèle de Lorentz avec ω0 = 0) :

Ne2 1 ωP2
χ(ω) = εr (ω) − 1 = − = (9.17)
mε0 (ω 2 + iωγ) (−ω 2 − iωγ)

9.3 Analyse énergétique : parties dissipative et réactive de la fonction de


réponse
Selon le type de fonction de réponse considérée....conductivité susceptibilité.... Dans un conducteur,
ou plus généralement, si l’on décide de décrire les courants par une relation d’Ohm locale ~j = σ ~E,
la densité volumique de puissance cédée par le champ électromagnétique à la matière s’écrit en
instantané à la date t :

~j(t).~E(t) = (σ1 cos(ωt) + σ2 sin(ωt)) ~E02 (9.18)

Lorsqu’on prend la moyenne temporelle sur une période T = 2π/ω, seule la partie en cos2 (ωt)
contribue et on a donc :

σ1 ~E02
h~j(t).~E(t)i = , (9.19)
2
On rappelle qu’en théorie classique, il existe une sorte d’ambiguité ou de liberté sur la représen-
tation des courants conduisant à deux types de description pour un même système: soit en terme de
susceptibilité soit en termes de conductivité. La relation générale étant :

iσ (ω)
χ(ω) = , (9.20)
ε0 ω
on voit que les deux formules obtenues sont parfaitement compatibles et donnent la même puissance
volumique moyenne, puisque χ2 = σ1 /ε0 ω.
10. Interfaces entre matériaux

Dans un problème de diffusion (au sens de scattering en anglais) on a typiquement une onde (ou une
ou plusieurs particules) qui arrive de l’infini et qui s’approche d’une zone d’interaction pour donner
naissance à une ou plusieurs ondes (ou particules) diffusées qui s’éloignent de la zone d’interaction.
Ici l’objet diffuseur est une interface entre deux milieux.

10.1 Rappel : relations de passage pour les champs macroscopiques lissés


Les équations de Maxwell dans la matière ont la même structure que les équations analysées
ci-dessus à la différence du fait que les termes sources impliquent seulement les charges libres et
les courants libres, et que certains coefficients numériques différent (les µ0 et ε0 ). On n’a donc pas
à refaire tout le travail et on trouve tout de suite que:

Propriété 10.1.1

Dz (x, y, 0+ ) − Dz (x, y, 0− ) = σl (x, y) , (10.1)

où σl est la densité surfacique de charges libres sur l’interface (en z = 0)en C.m−2 .

Propriété 10.1.2

Hx (x, y, 0+ ) − Hx (x, y, 0− ) = jSly , (10.2)


+ −
Hy (x, y, 0 ) − Hy (x, y, 0 ) = − jSlx , (10.3)

où jSlx et jSyx sont les composantes des courants surfaciques libres en A.m−1 .

10.2 Problème de diffusion (scattering) à une interface


10.2.1 Généralités et position du problème
On considère deux milieux, notés 1 et 2, occupant respectivement les demi-espaces z > 0 et z < 0.
On veut savoir comment une onde incidente de type OPPM donc de vecteur d’onde~ki et de pulsation
74 Chapter 10. Interfaces entre matériaux

ω bien définis venant du milieu 1 va réagir à la présence d’une discontinuité de milieu en z = 0.


L’interface va donner lieu à une onde réfléchie dans le milieu 1, caractérisée par {~kr , ω} et à une
onde transmise dans le milieu 2, caractérisée par {~kt , ω}.
Conservation de la pulsation. Tout d’abord, il faut remarquer que toutes les ondes oscillent
temporellement à la même pulsation ω. Ceci est du à la linéarité des équations de Maxwell et au
fait que l’interface est statique. Au niveau plus microscopique, on peut dire que l’onde incidente
provoque un mouvement forcé (accéléré) des charges à la pulsation ω. Ces dernières rayonnent
donc des ondes à la même pulsation. Mathématiquement, les équations de passage des champs en
z = 0 doivent être vérifiées pour toute date t ce qui implique ce synchronisme des différentes ondes
incidente, réfléchie et transmise.
Conservation du vecteur d’onde tangentiel. Par ailleurs, l’objet diffuseur a une géométrie
très particulière: c’est un plan (z = 0) et il y a donc invariance par translation dans ce plan. Ceci
implique que les ondes incidente, transmise et réfléchie ont la même composante tangentielle du
vecteur d’onde. Cette conservation de ~k tangentiel en conjonction avec les relations de dispersions
dans les milieux 1 et 2, fixe la direction des vecteurs d’onde réfléchi et transmis par rapport à la
direction du vecteur d’onde incident: ce sont les lois de Snell-Descartes.
Calcul des coefficients de transmission et réflexion. On peut calculer les amplitudes des
ondes réfléchie et transmise. Celles-ci sont proportionnelles à l’amplitude de l’onde incidente. On
définit donc des coefficients de réflexion r et de transmission t. Pour cela on écrit la structure des
ondes incidente, réfléchie et transmise. Pour les champs électriques on a

~Ei (~r,t) = ~Ei0 ei(~ki .~r−ωt) , (10.4)


~Er (~r,t) = r~Ei0 e i(~kr .~r−ωt)
, (10.5)
~Et (~r,t) = t ~Ei0 ei(~kt .~r−ωt) , (10.6)

et pour les champs magnétiques, on utilise la relation issue de Maxwell-Faraday:




~Bi (~r,t) = ki ~ i(~ki .~r−ωt)
∧ Ei0 e , (10.7)
ω


~Br (~r,t) = r kr ∧ ~Ei0 ei(~kr .~r−ωt) , (10.8)
ω


~Bt (~r,t) = t kt ∧ ~Ei0 ei(~kt .~r−ωt) , (10.9)
ω
Ensuite on exprime les relations de passage pour les composantes tangentielles et normales des
divers champs.

10.2.2 Interface entre deux diélectriques en incidence normale


On considère deux isolants d’indices réels n1 et n2 occupant respectivement les demi-espaces z > 0
et z < 0. On veut savoir comment une onde incidente de type OPPM en incidence normale (venant
de z = ∞ par exemple) va être réfléchie et transmise par l’interface z = 0. Le vecteur d’onde incident
est donc ~ki = −k1~uz (avec k1 > 0), le vecteur d’onde de l’onde réfléchie est ~kr = k1~uz , et celui de
l’onde transmise dans le milieu 2 s’écrit ~kt = −k2~uz (avec k2 > 0). On considère une polarisation
rectiligne, par exemple selon ~ux . Donc:
~Ei (~r,t) = Ei0 ei(−k1 z−ωt)~ux , (10.10)
~Er (~r,t) = rEi0 ei(k1 .z−ωt)~ux , (10.11)
~Et (~r,t) = tEi0 ei(−k2 z−ωt)~ux , (10.12)
10.2 Problème de diffusion (scattering) à une interface 75

et les champs magnétiques sont:

~Bi (~r,t) = −n1 Ei0 ei(−k1 z−ωt)~uy , (10.13)


c
rE i0
~Br (~r,t) = n1 ei(k1 .z−ωt)~uy , (10.14)
c
~Bt (~r,t) = −n2 tEi0 ei(−k2 z−ωt)~uy , (10.15)
c
où on a utilisé les relations de dispersion dans les milieux 1 et 2.
A incidence normale, tous les champs sont purement tangentiels à l’interface ce qui simplifie
les calculs. De plus dans un isolant les courants surfaciques sont nuls et on a donc continuité
des champs électriques et magnétiques tangentiels (voir problème 4 pour les cas plus compliqués
d’incidence oblique). Cela donne:
~Ei (z = 0,t) + ~Er (z = 0,t) = ~Et (z = 0,t), (10.16)
~Bi (z = 0,t) + ~Br (z = 0,t) = ~Bt (z = 0,t), (10.17)

ce qui donne deux équations permettant de déterminer les deux inconnues r et t:

1 + r = t, (10.18)
n1 (1 − r) = n2t, (10.19)

d’où les coefficients en amplitude:


n1 − n2 2n1
r= , avec t= . (10.20)
n1 + n2 n1 + n2

10.2.3 Interface vide-métal parfait


Ici l’onde transmise sera évanescente. A rédiger.
Bibliography

Articles
Books
[1] Michel Bertin, Jean-Pierre Faroux, and Jacques Renault. Electromagnétisme tome IV : milieux
diélectriques et milieux aimantés. Dunod, 1984, pages 4–10 (cited on pages 43, 49).
[2] Richard Feynman. Electromagnétisme 2. Dunod, 1964 (cited on page 50).

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