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Cours EM S5-2
Cours EM S5-2
Jérôme Cayssol
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1 Equations de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz 10
1.2 Conservation de la charge 12
1.3 Relations de passage à une interface 13
1.3.1 Analyse des équations de Maxwell à divergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3.2 Analyse des équations de Maxwell à rotationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.4 Potentiels scalaire et vecteur 15
1.4.1 Introduction des potentiels scalaire et vecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.4.2 Equations dynamiques (de Poisson) pour les potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4.3 Solutions des équations de Poisson pour les potentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.5 Energie électromagnétique 17
1.5.1 Densité volumique de puissance cédée par le champ à la matière chargée 17
1.5.2 Densité locale d’énergie du champ u(~r,t) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5.3 Vecteur de Poynting . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.5.4 Loi de conservation locale de l’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.5.5 Expressions de u(~r,t) et du vecteur de Poynting en fonction des champs . . . . 18
1.6 Conclusion 19
3 Rayonnement électromagnétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
3.1 Rayonnement d’une charge accélérée 30
3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant 30
3.2.1 Approximation dipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.2.2 Calcul du potentiel vecteur ~A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2.3 Calcul du potentiel scalaire V dans la jauge de Lorenz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
3.2.4 Calcul des champs ~E et ~B d’un dipôle oscillant . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
3.2.5 Analyse des différents termes en fonction de la distance . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle oscillant 33
3.4 Conclusion 35
Bibliography . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Articles 77
Books 77
I
Equations de Maxwell et
rayonnement
1 Equations de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz
1.2 Conservation de la charge
1.3 Relations de passage à une interface
1.4 Potentiels scalaire et vecteur
1.5 Energie électromagnétique
1.6 Conclusion
3 Rayonnement électromagnétique . . . . 29
3.1 Rayonnement d’une charge accélérée
3.2 Champ total créé par un dipôle électrique oscillant
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle
oscillant
3.4 Conclusion
1. Equations de Maxwell
déduirons les conséquences tout au long de notre progression dans les chapitres suivants.
Ce chapitre est organisé de la manière suivante. Nous commencerons par énoncer les équations
de Maxwell tout en définissant les termes sources (densités volumiques de charges et de courants).
Nous montrerons ensuite que les équations de Maxwell impliquent la conservation locale de la
charge électrique. Nous introduirons une description du champ électromagnétique en termes
de certaines fonctions, appelées potentiels électromagnétiques (scalaire et vectoriel). Nous
établirons les équations dynamiques pour ces potentiels (équations de Poisson) et en donnerons
certaines solutions (solutions des potentiels retardés). Enfin, nous définirons certaines grandeurs
énergétiques associées au champ électromagnétique, comme la densité locale d’énergie et le vecteur
de Poynting.
Il faut compléter ces équations par les équations de la dynamique de chaque charge qi (équations
de Newton) incluant la force exercée par le champ électromagnétique :
d~vi (t)
mi = qi (~E(~ri (t),t) +~vi (t) ∧ ~B(~ri (t),t)) (1.5)
dt
1.1 Equations de Maxwell et forces de Lorentz 11
Ici on a supposé l’absence de toute autre force que les forces électromagnétiques. H.A. Lorentz a
eu l’idée de considérer que les charges sont portées par des entités élémentaires ayant une masse, à
une époque où l’électron avait été découvert mais où l’existence des atomes faisait encore débat.
Lorentz supposait que la matière était constituée d’oscillateurs portant un certain dipôle électrique
et caractérisés par une fréquence propre. Nous reviendrons en détail sur ce modèle classique de
l’interaction lumière-matière (chapitre 8).
Définissons maintenant les densités volumiques de charge et de courant qui interviennent dans
les équations de Maxwell-Gauss et Maxwell-Ampère respectivement. La densité volumique totale
de charge ρ(~r,t) est définie de la manière suivante.
i=N
ρ(~r,t) = ∑ qi δ (~r −~ri (t)) (1.6)
i=1
A chaque instant t fixé, cette densité indique où se trouvent les particules chargées et donne les
charges qi portées. On a souvent qi = −e (électrons) ou qi = e (ions, protons). L’intégrale de cette
densité sur un volume (V ) est la charge électrique totale contenue dans ce volume. Il s’avèrera utile
d’utiliser des versions lissées de cette densité de charge dans lesquelles on aura filtré (c’est à dire
gommé, éliminé) les détails au-dessous d’une certaine échelle de longueur (la résolution spatiale
après lissage).
On définit aussi une densité de courant volumique comme :
i=N
~j(~r,t) = ∑ qi~vi (t) δ (~r −~ri (t)) (1.7)
i=1
Cette fonction vectorielle décrit où se trouvent les particules chargées en mouvement et donne les
éléments de courants portés qi~vi (t). Le flux de ~j à travers une surface (S ) est appelée intensité du
courant et se mesure en ampères (A). L’intensité correspond bien à la quantité de charge nette qui
traverse la surface S (avec un signe fixé de manière conventionnelle) par unité de temps.
• Les N équations de Newton-Lorentz Eq. (1.5) sont des équations différentielles ordinaires,
c’est à dire contenant des dérivées totales par rapport au temps.
• Les (quatre) équations de Maxwell (Eq. (1.1) et suivantes) sont des équations aux dérivées
partielles (EDP) du premier ordre qui relient entre elles les dérivées spatiales et temporelles
des composantes des champs, ainsi que les densités de charge ρ(~r,t) et de courant électrique
~j(~r,t). Notons que sous cette forme, nous avons quatre équations de Maxwell, deux vecto-
rielles (celles avec les rotationnels) et deux scalaires (celles avec divergence). Cela revient à
12 Chapter 1. Equations de Maxwell
On a donc :
Propriété 1.2.1 — Loi de conservation locale de la charge électrique.
∂ ρ(~r,t) →
−
+ ∇ · ~j(~r,t) = 0 . (1.10)
∂t
On reconnaît une équation de conservation locale, ici de la charge. L’idée de la conservation de
la charge est très simple. Si une charge disparaît dans une petite région de l’espace, cela signifie
qu’une charge doit apparaître dans une petite région voisine de la première. Un courant doit
s’écouler de la première région vers la seconde région. En faisant un bilan sur un petit volume dτ,
on peut obtenir une équation exprimant que le taux de variation de la charge dans dτ est relié au
flux du courant sortant de ce petit volume. Très simplement, si un courant positif sort du volume, la
charge va diminuer. Si le courant sortant est négatif, la charge interne va augmenter.
Historiquement, c’est un peu le processus inverse qui a guidé Maxwell. Celui-ci a rajouté le
terme de courant de déplacement dans Maxwell-Ampère afin que la charge soit conservée.
σ (x, y)
Ez (x, y, 0+ ) − Ez (x, y, 0− ) = , (1.13)
ε0
D’où:
Propriété 1.3.3 — Sauts (éventuels) des composantes tangentiemmes du champ mag-
nétique.
Attention, le vocabulaire ici peut-être source de confusions. Le vecteur ~j, de composantes ji avec
i = x, y, z, décrit des courants volumiques 3D mais ce vecteur ~j est appelé densité surfacique de
courant car il représente l’intensité du courant par unité de surface transverse au flot du courant 3D
! L’unité de ji (i = x, y, z) est A.m−2 . En revanche, le vecteur ~jS décrit des courants physiquement
2D s’écoulant dans le plan 0xy (d’équation z = 0). L’unité de jSi (i = x, y) est donc A.m−1 comme
1.4 Potentiels scalaire et vecteur 15
le montre la formule Eq. (1.22) (en effet ces courants surfaciques portent une intensité électrique
qui tranverse une section 1D).
La composante tangentielle (dans le plan de l’interface Oxy) du champ magnétique peut donc
présenter une discontinuité en présence d’une accumulation de courants surfaciques s’écoulant
dans le plan Oxy.
L’équation de Maxwell-Faraday s’analyse de manière tout à fait similaire et conduit à la conclu-
sion que la composante tangentielle à l’interface du champ électrique est toujours continue à
cause de l’absence de terme source:
Propriété 1.3.4 — Continuité des composantes tangentielles du champ électrique.
Propriété 1.4.1 — Expression des champs en fonction des potentiels scalaire et vecteur.
→
− ~ →
−
~B(~r,t) = ∇ ∧ ~A(~r,t) et ~E(~r,t) = − ∂ A(~r,t) − ∇V (~r,t) , (1.27)
∂t
Note: La théorie de l’électromagnétisme de Maxwell est en fait déjà relativiste. Par exemple, la
quantité vectorielle ~A et la quantité scalaire V forment un quadrivecteur (ou 4−vecteur) noté (~A,V ).
Les composantes de ce dernier se transforment comme le quadrivecteur (~r,t) lors des changements
de référentiels inertiels.
16 Chapter 1. Equations de Maxwell
1 ∂2 ~ − →
→ − ~
1 ∂V
∆ − 2 2 A(~r,t) − ∇ ∇ · A(~r,t) + 2 = −µ0 ~j(~r,t) (1.28)
c ∂t c ∂t
1 ∂2 ∂ → − ~
1 ∂V 1
∆ − 2 2 V (~r,t) + ∇ · A(~r,t) + 2 = − ρ(~r,t) (1.29)
c ∂t ∂t c ∂t ε0
Il est tout à fait logique que ces équations dynamiques pour les potentiels soient des EDP linéaires
d’ordre deux, puisque les équations de Maxwell sont des EDP d’ordre un pour les champs d’une
part, et que d’autre part les (composantes des) champs sont des dérivées partielles premières des
potentiels. Il est possible d’imposer certaines conditions sur le choix du couple de potentiels (V, ~A),
par exemple d’imposer la nullité de la combinaison suivante :
→
− →− 1 ∂V
∇ · A (~r,t) + 2 = 0. (1.30)
c ∂t
Cela définit la jauge de Lorenz (parfois attribué à Lorentz qui a également travaillé sur cette jauge
qui est d’ailleurs invariante par les transformations de Lorentz). Les équations aux potentiels
se simplifient alors et deviennent des équations de type équations d’onde de d’Alembert inho-
mogènes (c’est à dire avec des termes sources). Il est alors naturel de penser que ces équations
possèdent des solutions de type ondes qui sont excitées/entretenues par des termes sources (charges
et courants).
• En présence de sources occupant une région d’extension finie de l’espace, on peut écrire une
solution de ces équations de Poisson inhomogènes sous la forme :
1 ρ(P,t − PM/c)
ZZZ
V (~r,t) = dτ , (1.31)
4πε0 P∈V PM
et
ZZZ ~j(P,t − PM/c)
~A(M,t) = µ0 dτ . (1.32)
4π P∈V PM
Notons que la force magnétique de Lorentz ne travaille pas (force orthogonale à la vitesse) même
sur les charges mobiles, et que la force électrique ne fournit pas de travail aux charges immobiles.
Remarquez aussi que la force électrique ne travaille que sur les charges mobiles. La densité de
puissance est ~j.~E en W.m−3 .
∂ u(~r,t) →
− → −
+ ∇ · Π (~r,t) = ~j.~E (1.36)
∂t
qui comporte un terme "source" du à l’échange d’énergie du champ avec la matière.
Pour obtenir cette équation on considère un volume macroscopique V fixe.
• On exprime l’énergie U(t) contenue dans ce volume à la date t, ainsi que U(t + dt). Puis, on
évalue la différence :
∂ u(~r,t)
ZZZ
U(t + dt) −U(t) = dt dτ (1.37)
∂t
• L’énergie électromagnétique rayonnée vers l’extérieur de V entre t et t + dt s’exprime
comme un flux (intégrale surfacique) que l’on peut transformer en intégrale volumique de la
divergence :
~Π(~r,t).−
→ →
− ~
ZZ ZZZ
dS dt = ∇ · Π(~r,t) dτ dt (1.38)
• D’autre part :
! !
→
− ~ ~B2
~B.( ∇ ∧ ~E) = ~B · − ∂ B =−
∂
, (1.43)
∂t ∂t 2
Ainsi on a :
! !
→
− ~E ∧ ~B ∂ ε0 ~E 2 ~B2
∇· =− + − ~j · ~E , (1.44)
µ0 ∂t 2 2µ0
1.6 Conclusion
Les équations de Maxwell du champ électromagnétique complétées par les équations de Newton-
Lorentz des charges électriques forment la théorie de l’électromagnétisme (ou électrodynamique)
classique. Elles sont simples à énoncer et concises. Cependant elles renferment un problème à
N corps très complexe dans lequel chaque charge interagit à distance et de manière retardée avec
toutes les autres. Pour avancer, nous aurons besoin de modéliser la matière et l’interaction lumière
matière (parties II et III de ce cours).
2. Ondes dans le vide
Nous nous intéressons à une conséquence immédiate et cruciale des équations de Maxwell :
√
l’existence d’ondes électromagnétiques se propageant dans le vide à la vitesse 1/ ε0 µ0 =
c. Il est remarquable que les ondes électromagnétiques puissent exister sans support matériel
contrairement aux autres types d’ondes (acoustiques, mécaniques,...). Cependant, cela suppose
qu’en-dehors de la région vide considérée, des charges accélérées ont donné naissance à ces ondes
à un moment donné. Nous étudierons dans le chapitre suivant (chapitre 3) ce problème de l’origine
du rayonnement.
Le chapitre est organisé de la façon suivante. Nous commencerons par montrer que les équations
de Maxwell, dans toute région dépourvue de sources (ρ = 0 et ~j = ~0), impliquent que le champ
électrique obéit à une équation d’onde de type équation de d’Alembert homogène (c’est à dire
sans second membre). Nous discuterons un type d’onde très particulier et important : les ondes
planes progressives et monochromatiques (OPPM) qui sont caractérisées par un vecteur d’onde
~k et une pulsation ω uniques.
∂ 2 ~E(~r,t) 1 ∂ 2 ~E(~r,t)
∆~E(~r,t) = µ0 ε0 = (2.7)
∂t 2 c2 ∂t 2
Nous reconnaissons la forme typique d’une équation de propagation d’onde à la célérité (vitesse)
c. Ce type d’équation est aussi appelée équation de d’Alembert car ce dernier l’a écrite pour la
première fois afin de décrire les vibrations d’une corde ou plus généralement d’un milieu continu
déformable. Au chapitre précédent, nous avions aussi rencontré une équation de propagation
pour les potentiels scalaire et vecteur. Ici, nous avons mis en évidence la propagation d’ondes
directement au niveau des champs sans passer par les potentiels. Cela est naturel car il s’agit du
même phénomène physique simplement vue à travers deux représentations différentes (potentiels
vs champs).
On peut appliquer la même recette standard pour obtenir une équation découplée pour le champ
magnétique. D’une part :
→
− →− ∂ →
− ∂ 2~B(~r,t)
∇ ∧ ∇ ∧ ~B(~r,t) = µ0 ε0 ∇ ∧ ~E(~r,t) = −µ0 ε0 (2.8)
∂t ∂t 2
Et d’autre part une formule d’analyse vectorielle donne :
→
− → − → − →−
∇ ∧ ∇ ∧ ~B(~r,t) = ∇ ∇ · ~B(~r,t) − ∆~B(~r,t) = −∆~B(~r,t) , (2.9)
1 ∂ 2~B(~r,t)
∆~B(~r,t) = 2 (2.10)
c ∂t 2
Mathématiquement, en manipulant les équations de Maxwell, nous avons obtenu des équations
découplées d’ordre 2 pour les champs électrique et magnétique respectivement. Notons que dans ce
processus, nous avons gagné en clarté car les champs ne sont plus couplés entre eux, ce qui nous a
permis de réaliser qu’il doit y avoir des solutions ondulatoires. Cependant, nous avons aussi perdu
de l’information en passant des 4 équations de Maxwell (8 équations scalaires) aux 2 équations de
propagation pour ~E et ~B (6 équations scalaires).
Historiquement Maxwell a tout de suite constaté que la valeur de la vitesse indiquée par "le
√
rapport des unités électriques et magnétiques" 1/ ε0 µ0 était très proche de la valeur de vitesse
de la lumière (c) qui venait d’être mesurée précisemment par Hippolyte Fizeau (1849) et Léon
Foucault (1862). En effet dans notre système international d’unités :
1 µ0 1
= 9 · 109 et = 10−7 donc = 9 · 1016 = c2 (2.11)
4πε0 4π ε0 µ0
2.2 Ondes planes progressives et monochromatiques 23
Il en a déduit que la lumière devait probablement consister en des ondulations d’un certain
milieu appelé éther luminifère, ou fluide des actions électriques et magnétiques... Nous savons
maintenant que ces ondes peuvent se propager dans le vide sans avoir besoin d’invoquer un
hypothétique support matériel tel que "l’éther".
Cette OPPM est caractérisée par un vecteur d’onde unique ~k et une pulsation bien précise ω.
L’amplitude E0 et le déphasage ϕ.
On a choisi une onde polarisée rectilignement selon la direction de ~u pour simplifier (nous dis-
cuterons des états de polarisation plus compliqués dans un paragraphe dédié).
Lorsqu’on injecte une OPPM dans l’équation d’onde, on s’aperçoit tout de suite que les périodes
spatiales et temporelles d’une onde ne sont pas indépendantes : elles sont reliées par une formule
dite relation de dispersion. En injectant Eq. (2.12) dans l’équation de d’Alembert on obtient :
ω2 ω2
−k2 + 2 E0 cos(~k ·~r − ωt + ϕ) ~u = −k2 + 2 ~E(~r,t) = ~0 (2.13)
c c
On peut bien avoir une onde non triviale (d’amplitude E0 non nulle), mais à la condition qu’une
certaine relation soit vérifiée entre la norme du vecteur d’onde et la pulsation.
ω2
k2 = (2.14)
c2
Cette relation est caractéristique d’un milieu non-dispersif, ici le vide.
Dans le vide, la relation de dispersion est donc simplement la relation de proportionnalité entre
pulsation et norme du vecteur d’onde : ω = ck. On dit que le vide est un milieu non dispersif. Cela
signifie que les ondes de différentes pulsations s’y propagent à la même vitesse. On dit qu’un milieu
est dispersif lorsque les ondes de différentes pulsations (ou longueurs d’ondes) s’y propagent à des
vitesses différentes. Qualitativement, on peut comprendre que le vide (continu, isotrope, homogène
et sans échelle de longueur caractéristique) ne puisse pas privilégier certaines longueurs d’onde.
La relation de dispersion est une notion très générale de la physique ondulatoire qui n’est
ni restreinte aux ondes électromagnétiques, ni à la physique classique. En effet, il existe des
relations de dispersion pour les ondes à la surface d’un fluide, pour les ondes acoustiques, pour
les phonons dans les solides, etc... De plus, via la dualité onde-corpuscule, cette notion s’étend
aussi à la physique quantique (particules élémentaires, physique des solides). Par exemple, on
peut parler de la relation de dispersion d’un électron dans le vide, de la relation de dispersion d’un
électron dans un semiconducteur, etc... De manière générale, la relation de dispersion indique
24 Chapter 2. Ondes dans le vide
comment se propage une onde dans un milieu donné (qui peut être le vide dans le cas des ondes
électromagnétiques). Nous verrons plus loin dans ce cours que dans les milieux matériels, les ondes
peuvent avoir des relations de dispersion plus compliquées/riches que ω = ck. Par exemple, on sait
expérimentalement que les ondes de différentes couleurs, contenues dans la lumière blanche, ne se
propagent pas à la même vitesse dans du verre (prisme).
∂
←→ −iω et ∇ ←→ i~k (2.16)
∂t
Ainsi les équations aux dérivées partielles deviennent de simples équations algébriques pour
une OPPM donnée ( on pourrait dire aussi pour un mode de Fourier donné). Ainsi les équations de
Maxwell dans le vide (Eq. (3.17) et suivantes) s’écrivent dans l’espace réciproque :
Propriété 2.3.1
→
−
i k · ~B(~k, ω) = 0, (2.17)
→
−
i k ∧ ~E(~k, ω) = iω ~B(~k, ω), (2.18)
→
−
i k · ~E(~k, ω) = 0, (2.19)
→
−
i k ∧ ~B(~k, ω) = −iω µ0 ε0 ~E(~k, ω) (2.20)
On voit que les champs sont transverses dans le vide, c’est à dire contenus dans la plan
orthogonal à la direction de propagation ~k. De plus, les champs électrique et magnétique sont
orthogonaux. En conclusion, les 3 vecteurs {~k, ~E(~k, ω), ~B(~k, ω)} forment un trièdre trirectangle.
En introduisant le vecteur unitaire ~n défini par ~k = k~n (où k > 0 est le module du vecteur
d’onde), on peut exprimer le champ magnétique en fonction du champ électrique ou inversement:
2.4 Aspects énergétiques d’une OPPM 25
Propriété 2.3.2
→
− →
−
~B(~k, ω) =k ~~ n ~~
∧ E(k, ω) = ∧ E(k, ω), (2.21)
ω c
2→
−
~E(~k, ω) = − c k ∧ ~B(~k, ω) = −c→
−
n ∧ ~B(~k, ω), (2.22)
ω
(2.23)
ε0 ~E 2 (~r,t) ε0 E02
= cos2 (kz − ωt) (2.26)
2 2
qui est une quantité toujours positive comportant une oscillation à 2ω autour d’une valeur moyenne
non nulle.
La partie magnétique de la densité d’énergie s’écrit :
La parties électrique et magnétique portent donc la même densité d’énergie à chaque instant.
La densité d’énergie électromagnétique totale instantanée est donc :
~ ~ 2
~Π(~r,t) = E(~r,t) ∧ B(~r,t) = E0 (~r,t) cos2 (kz − ωt)~uz . (2.29)
µ0 µ0 c
26 Chapter 2. Ondes dans le vide
Dans une OPPM, on a une relation à tout instant entre la vecteur de Poynting et la densité
d’énergie électromagnétique :
qui indique que de l’énergie est transportée dans la direction de propagation à la vitesse c.
Les valeurs instananées des champs et des grandeurs énergétiques oscillent très vite, notam-
ment dans les domaines optiques ω ' 1014 rad.s−1 . La valeur moyenne temporelle du vecteur
de Poynting et de la densité d’énergie s’obtiennent facilement grâce aux formules précédentes
:
Propriété 2.4.1 — Valeurs moyennes (sur une période temporelle T ) des grandeurs én-
ergétiques.
ε0 E0 2 ε0 E02
h~Πi = c ~uz , huem i = , (2.31)
2 2
Ces valeurs sont indépendantes de la position (ceci est due à la structure "idéale" d’OPPM).
~E(~r,t) = E0x cos(~k ·~r − ωt + ϕx ) ~ux + E0y cos(~k ·~r − ωt + ϕy ) ~uy (2.32)
Via un changement d’origine des phases, il est possible de voir que seule la différence de phase
∆ϕ = ϕy − ϕx compte. On peut donc écrire en représentation complexe :
L’état de polarisation de l’onde dépend de la différence de phase ∆ϕ entre les deux composantes
et de leurs amplitudes respectives. On se place dans un plan d’onde, par exemple z = 0 pour une onde
ayant ~k = k~uz et on regarde la courbe décrite par l’extrémité du vecteur ~E(x, y, z = 0,t) = ~E(~0,t)
au cours du temps dans ce plan.
1) Si ∆ϕ = 0, le champ électrique oscille toujours le long de la même direction repérée par
l’angle tan α = E0y /E0x (si E0x 6= 0).
2) Si ∆ϕ = π/2, le champ électrique décrit une ellipse (si E0x 6= E0y ) ou un cercle (si E0x = E0y ).
Les axes de l’ellipse sont selon x et y.
3) On peut toujours décomposer un état de polarisation dans la base de deux états de polarisations
indépendants. Par exemple comment exprimeriez vous un état de polarisation rectiligne en
fonction des états de polarisation circulaires ?
4) Pour modifier l’état de polarisation, on fait passer l’OPPM dans une lame d’un matériau
"actif" qui introduit une différence de phase supplémentaire entre les composantes. Si cette
2.5 Etats de polarisation 27
lame est comprise entre x = 0 et x = e, on regarde quelle est la nouvelle différence de phase
en x = e pour obtenir l’état de polarisation en sortie.
3. Rayonnement électromagnétique
Dans le chapitre précédent, nous avons vu que la lumière, plus généralement le champ électromag-
nétique, peut se propager sous forme d’ondes dans des régions vides de matière, telles que le vide
interstellaire ou une enceinte à vide en laboratoire. Cependant nous n’avons pas traité la question
de la production (émission) de ces ondes électromagnétiques par des sources matérielles. Il s’agit
de comprendre comment ces ondes peuvent être engendrées, par exemple au sein d’une étoile ou
dans le filament d’une ampoule électrique, dans une lampe spectrale. En principe, le bon cadre
pour comprendre ces processus d’émission par les atomes est la physique quantique. Cependant,
la physique classique apporte aussi sa réponse (partielle) à ce problème : ce sont les charges
électriques accélérées qui engendrent le rayonnement électromagnétique. Par exemple, une
particule dans un synchrotron émet du rayonnement, qui peut d’ailleurs être utilisé pour sonder la
matière (grands instruments). Autre exemple, une particule qui est stoppée dans de la matière émet
aussi un rayonnement dit de freinage (brehmstrahlung). Enfin, des charges oscillantes dans une
antenne émettent aussi des ondes (principe de l’antenne radio). C’est un sujet passionnant et très
vaste, que nous ne ferons qu’aborder ici dans les très grandes lignes.
Dans ce chapitre, nous discutons brièvement du champ électromagnétique rayonné par une
charge en mouvement. Cependant, même le problème d’une seule charge se déplaçant en rayonnant
est très compliqué à cause des effets de retard et de la réaction du rayonnement sur le mouvement
de la particule. Heureusement dans le cadre simplifié de l’approximation dipolaire électrique, il
est possible de calculer complètement le champ électromagnétique créé par un dipôle (atomique)
oscillant. Cette approximation correspond à des tailles de sources très petites par rapport aux
longueurs d’onde rayonnées. Ceci est vrai pour les atomes (taille 10−10 m) émettant dans le visible
(longueur d’onde 10−7 m). Cela est aussi vérifié pour des antennes radio de taille macroscopique
(plusieurs mètres) et émettant des longueurs d’onde de plusieurs dizaines ou centaines de mètres.
Ce calcul nous conduira à identifier une contribution du champ qui décroît plus lentement avec
la distance (typiquement en 1/r) qu’un champ statique (en 1/r2 pour une charge non nulle et en
1/r3 pour un dipôle). C’est cette composante qui constitue le champ rayonné et permet ainsi de
transmettre une puissance non nulle sur de grandes distances, nous permettant par exemple de voir
les étoiles dans le ciel.
30 Chapter 3. Rayonnement électromagnétique
expressions dans lesquelles les positions et vitesses des diverses particules sont à prendre aux
divers temps antérieurs :
ri
ti0 = t − . (3.2)
c
La difficulté d’appliquer ces formules provient du fait qu’à chaque instant d’observation t, il faut
ré-évaluer pour chaque particule le temps antérieur ti0 . Dans ces formules, on a à gauche les
potentiels à une date d’observation t (disons le présent) et à droite des informations sur les positions
et vitesses des particules dans des passés (à ti0 < t) légèrement différents entre eux.
des particules et peut aussi s’écrire : vi c car vi ' a/T . On suppose donc des particules en
mouvement non-relativiste dans le référentiel d’étude.
En pratique, on peut aussi écrire cette seconde condition a λ = cT . En conclusion, l’approximation
dipolaire a un régime de validité correspondant à des sources de taille a petite par rapport à la fois à
la distance d’observation et à la longueur d’onde de la lumière émise.
~A(M,t) = µ0 qi~vi (t 0 ) µ0 r
4π ∑ r = 4πr ∑ qi~vi (t 0 ) avec t0 = t −
c
. (3.4)
i i
−→
où OPi (t 0 ) repère la charge qi à la date t 0 . Ce moment dipolaire dépend du temps (puisque les
charges bougent) et sa dérivée temporelle s’écrit :
d~p(t 0 ) i=N
= ∑ qi~vi (t 0 ) . (3.6)
dt 0 i=1
On peut donc écrire le potentiel vecteur Eq. (3.4) à la date t et au point M en fonction de la dérivée
temporelle du moment dipolaire à la date t 0 = t − r/c :
Propriété 3.2.1
→
− µ0
d~p
˙ 0)
µ0 ~p(t r
A (M,t) = = avec t0 = t − (3.7)
4πr dt 0 t0 4π r c
La notation (...)t 0 signifie que l’expression entre parenthèse est évaluée en t 0 . La notation pointée
˙ 0 ) signifie la dérivée de ~p(t 0 ) par rapport à t 0 . A partir de maintenant nous pouvons considérer
~p(t
dans le cadre de l’approximation dipolaire que le dipôle source est ponctuel et placé à l’origine O du
système de coordonnées. En gros, le vecteur potentiel "reproduit" en M les oscillations/variations
du dipôle source ~p avec un retard temporel OM/c = r/c.
Hypothèse sur la polarisation du mouvement des charges sources ~p(t) selon une direction
fixe: dans la suite on considère que le dipôle source oscille de manière périodique dans le temps et
selon une direction fixe, notée par convention Oz. On peut donc écrire :
Il s’agit d’une hypothèse pour simplifier les calculs. On pourrait aussi faire les calculs pour un
dipôle dont le moment à un mouvement de rotation. Cela aurait des conséquences sur la polarisation
32 Chapter 3. Rayonnement électromagnétique
du rayonnement émis. On a donc dans la suite une polarisation du vecteur potentiel suivant l’axe 0z
imposé par les oscillations unidirectionnelles de la source :
µ0 ṗ(t − r/c)
A(M,t) = = A(r,t) . (3.9)
4π r
On note que cette fonction A(r,t) dépend de r via le dénominateur r et aussi via le retard −r/c dans
l’argument de ṗ.
Propriété 3.2.2
1 p ṗ r
V (M,t) = cos θ 2
+ avec t0 = t − . (3.12)
4πε0 r rc t0 c
On reconnaît le terme statique en p cos θ /r2 d’un dipôle électrique statique. On remarque que la
partie dynamique, liée à la dérivée de p, décroît en 1/r seulement, donc plus lentement que le terme
statique.
Propriété 3.2.3
~B(M,t) = µ0 sin θ ṗ
+
p̈
~uϕ avec t0 = t −
r
(3.14)
4π r2 rc t0 c
Le champ électrique s’obtient à partir des potentiels Eq. (3.7) et Eq. (3.12) :
3.3 Champ électromagnétique rayonné par un dipôle oscillant 33
Propriété 3.2.4
~E(M,t) = 2 cos θ p ṗ
+ 2 ~ur +
sin θ p ṗ p̈
+ 2 + 2 ~uθ avec t0 = t −
r
(3.15)
4πε0 r 3 r c 4πε0 r 3 r c rc c
t0 t0
−−→
Le champ électrique est dans le plan méridien défini par l’axe du dipôle Oz et OM = ~r. Le
champ magnétique est orthogonal à ce plan méridien. Dans la limite statique, nous reconnaissons
l’expression typique du champ d’un dipôle électrique en p cos θ /r3 dans Eq. (3.15). Notons aussi
que dans la limite statique, il n’y a pas de champ magnétique car son expression Eq. (3.14) ne
comprend que des dérivées (première et seconde) de p.
Tous les termes sont alors des fonctions sinusoïdales dont les amplitudes sont reportées ci-
dessous (à droite des flèches) :
p p0
→ (3.17)
r3 r3
ṗ ω p0 p0 r
→ = 2π (3.18)
r2 c r2 c r3 λ
p̈ 2
ω p0 r 2
2 p0
→ = 4π (3.19)
rc2 rc2 r3 λ
Il est important de noter que l’approximation dipolaire stipule que a est à la fois plus petit que r et
que λ mais ne dit rien sur le rapport r/λ . On peut donc définir trois zones autour de la source selon
que la distance r est beaucoup plus petite, comparable ou beaucoup plus grande que la longueur
d’onde λ :
• Zone statique définie par r λ . Ce sont les termes statiques en 1/r3 qui dominent dans le
champ électrique car le facteur (r/λ ) est petit. Ces termes sont absent du champ magnétique.
• Zone intermédiaire définie par r ' λ .
• Zone de rayonnement r λ . Ce sont les termes en p̈/r qui dominent car le facteur (r/λ )
est grand. Ces termes sont liés à l’accélération des charges (dérivée seconde du moment
dipolaire) et caractérisés par une décroissante lente en 1/r.
→
− µ0 ( p̈(t 0 ))2 sin2 θ r
Π ray (M,t) = ~ur avec t0 = t − (3.21)
16π 2 c r2 c
Il est toujours dirigé vers l’extérieur et le dipôle rayonne donc de l’énergie vers l’extérieur. La
puissance totale rayonnée est non nulle même à très grande distance car le vecteur de Poynting
décroît seulement en 1/r2 tandis que l’onde illumine sur surface 4πr2 . L’intensité lumineuse est
anisotrope (facteur en sin2 θ ), conséquence de la nullité des champs selon l’axe du dipôle et de leur
caractère maximal dans le plan équatorial.
On peut calculer la puissance instantanée rayonnée à t à travers une sphère de rayon r centrée
sur le dipôle émetteur :
→
− −
→ µ0 ( p̈(t 0 ))2 sin2 θ r
ZZ Z π
Pray (t) = Π ray (M,t) · dS = 2πr2 sin θ dθ avec t 0 = t − (3.22)
0 16π 2 c r2 c
D’où finalement :
Propriété 3.3.2 — Puissance instantanée rayonnée à travers une sphère .
Propriété 3.3.3 — Puissance moyenne rayonnée (à travers une sphère) pour un dipôle
harmonique à la pulsation ω .
p20 ω 4
Z T
1
hPray i = Pray (t) dt = (3.26)
T 0 12πε0 c3
On voit que la puissance moyenne émise augmente en ω 4 . C’est une conséquence directe du fait
que la puissance est reliée au carré de l’accélération qui est elle-même en ω 2 pour un mouvement
harmonique.
3.4 Conclusion 35
3.4 Conclusion
A travers l’exemple du dipôle oscillant, nous avons vu que des charges accélérées peuvent émettre
un rayonnement pouvant se transmettre à de très grandes distances. Les champs rayonnés sont en
effet inversement proportionnels à la distance (en 1/r) ce qui donne un flux d’énergie rayonnée
(vecteur de Poynting) en 1/r2 .
Dans ce chapitre, nous n’avons pas cherché à savoir d’où provenait le mouvement accéléré
des charges sources. Dans la suite de ce cours nous aurons souvent la situation suivante. Une
onde électromagnétique est incidente sur un échantillon de matière. Cette onde pénètre dans le
matériau et imprime un mouvement forcé aux dipôles atomiques (ou moléculaires) de l’échantillon.
Ces dipôles oscillants se mettent alors à rayonner eux-mêmes. Ce champ rayonné se superpose au
champ incident pour constitué le champ électromagnétique total.
II
Dipôles et champs
macroscopiques dans la
matière
Très souvent on peut décrire la matière comme une collection d’entités neutres telles que les
atomes ou les molécules. Cela est le cas dans les isolants car les électrons y sont piégés dans les
atomes. Cette description devra être modifiée pour les plasmas (stellaires ou de laboratoire) et les
conducteurs (métaux, semiconducteurs, électrolytes) car ces systèmes contiennent des porteurs de
charge mobiles qui s’échappent des atomes et peuvent parcourir des distances macroscopiques (voir
chapitre 9).
Dans ce chapitre, nous nous limiterons aux isolants. Notre but est de comprendre la réponse
d’un isolant neutre à un champ électrique extérieur. L’expérience de base correspondante consiste à
introduire un échantillon isolant dans un condensateur (plan par exemple) permettant de réaliser un
champ extérieur uniforme. Un isolant sera décrit comme comme une collection macroscopique
d’un grand nombre de dipôles atomiques/moléculaires microscopiques. Nous étudierons donc
tout d’abord le dipôle électrique comme modélisation des propriétés électriques d’un atome ou
d’une molécule neutre. En champ nul, un atome ne possède pas de moment dipolaire électrique
pour des raisons de symétrie. L’application d’un champ électrique extérieur déforme les nuages
électroniques et peut induire un moment dipolaire électrique atomique, typiquement proportionnel
au champ électrique. En revanche, certaines molécules possèdent déjà un moment dipolaire non
nul (molécules polaires) même en champ nul. Bien que neutre, un tel dipôle atomique (même
statique) crée un champ électrique et subit aussi les actions d’un champ électrique externe. Dans un
second temps, nous décrirons l’aspect collectif de l’isolant en introduisant une densité locale de
moment dipolaire électrique, mesurée par un nouveau champ vectoriel ~P, appelé polarisation.
Enfin, nous montrerons l’existence d’une description alternative mais équivalente d’un isolé en
terme de charges de polarisation (ou charges liées). Enfin, nous introduirons l’idée générale de
réponse linéaire qui consiste à postuler une relation linéaire entre l’effet de polarisation (le vecteur
~P) et sa cause : le champ électrique ~E. Le coefficient de proportionnalité s’appelle la susceptibilité
électrique (notée par la lettre grecque "chi" : χ) et mesure la plus ou moins grande facilité avec
laquelle un matériau répond à un champ électrique.
40 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation
i=N
−→
~p = ∑ qi OPi (4.1)
i=1
Il est facile de voir que pour une entité neutre cette quantité est indépendante de l’origine O choisie
pour repérer les charges. Le moment dipolaire électrique s’exprime en C.m (coulomb.mètre).
On peut aussi regrouper les charges positives ensemble dont la charge totale positive sera notée
q, et le centre de charges positives P (même définition qu’un barycentre mais en remplaçant la
masse des particules par leur charge). On fait de même avec les charges négatives, dont la charge
totale sera forcément (−q) et sera située en un point N, centre des charges négatives. Ainsi on peut
−→
représenter le moment dipolaire électrique en fonction de q et du vecteur NP :
i=N
−→ −→ −→
~p = ∑ = q OP + (−q) ON = q NP , (4.2)
i=1
Cette expression permet de voir que l’on aura un moment non nul dès que les centres de charges
positives et négatives ne coïncident pas. On peut aussi l’utiliser pour obtenir un ordre de grandeur
des moments dipolaires atomiques. En effet la longueur NP est de l’ordre du nanomètre ou de
l’angstrom et q est de l’ordre de la charge élémentaire donc :
Pour le champ créé loin du dipôle, c’est à dire à des distances très grandes par rapport à la taille de
celui-ci, r a, on peut faire les développements limités en a/r (petit paramètre sans unités) :
−→ −−→ !
1 1 1 OP.OM
= −
→ −
−→
= 1+ (4.5)
PM 1/2 r r2
r 1 − 2 OP.r2OM
et
−→ −−→ !
1 1 1 ON.OM
= −→ −−→ 1/2
= 1+ (4.6)
NM r r2
r 1 − 2 ON.r2OM
Donc :
−→ −−→ −→ −−→ ! −→ −−→
q OP · OM ON · OM qNP · OM
V (M) = − = . (4.7)
4πε0 r r2 r2 4πε0 r3
Finalement :
42 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation
Propriété 4.2.1 — Potentiel électrique créé par un dipôle statique . Dans l’approximation
dipolaire :
~p ·~ur p cos θ
V (M) = 2
= (4.8)
4πε0 r 4πε0 r2
où p = qa est la norme du moment dipolaire ~p.
Il faut remarquer la décroissante en 1/r2 du potentiel, donc plus rapide que la décroissance en 1/r
d’une charge seule. On remarque aussi la dépendance angulaire liée à ~p ·~ur = p cos θ . La direction
privilégiée de l’axe du dipôle introduit une anisotropie dans le potentiel créé.
En prenant l’opposé du gradient de V (M), on obtient le champ électrostatique créé par le dipôle
(ici exprimé dans la base locale) en M :
Propriété 4.2.2 — Champ électrique créé par un dipôle statique. Dans l’approximation
dipolaire :
~E(M) = 1 2p cos θ
~ur +
p sin θ
~uθ (4.9)
4πε0 r 3 r3
On remarque la décroissante en 1/r3 du champ, donc plus rapide que la décroissance en 1/r2 d’une
charge seule (et non nulle). Les lignes de champ électriques ont une symétrie axiale de révolution
(cylindrique) autour de la droite (PN), elles constituent des arcs qui partent de la charge positive et
reconvergent vers la charge négative (à l’extérieur du dipôle).
On retrouve bien sûr les termes statiques du calcul du chapitre 3. Nous avons fait le calcul
direct car dans cette limite statique il est bien plus simple que le calcul complet du dipôle variable
dans le temps.
Si le dipôle est libre de s’orienter, on voit qu’il est préférable pour minimiser l’énergie que le
vecteur moment dipolaire électrique ~p soit de mêmes direction et sens que le champ électrique
extérieur (à l’endroit où se trouve le dipôle microscopique).
le vecteur polarisation, comme la densité volumique de moment dipolaire électrique par unité de
volume :
Definition 4.4.1 — Champ de polarisation d’un échantillon isolant (en C.m−2 ).
Cette polarisation est donc un champ vectoriel défini sur l’échantillon et forcément nul dans le vide
hors de l’échantillon.
obtenu en sommant les potentiels créés par tous les dipôles de moment ~P(A)dτA contenus dans
l’échantillon V . On a appliqué la formule (4.8) au moment dipolaire total ~P(A)dτA contenu dans
chaque cellule dτA , puis sommé sur toutes les cellules composant l’échantillon V (principe de
superposition). Par ailleurs, on a l’identité vectorielle :
→
− →
− →
−
∇ · ( f ~a) = f ∇ ·~a +~a · ∇ f (4.13)
valide pour tout champ vectoriel ~a et fonction f suffisamment "lisses", et que l’on va ici appliquer
pour ~a = ~P et f = 1/AM. On obtient :
~P
! −→
→
− 1 →− →
− 1 →
−
~ ~ 1 ~ ~ AM
∇A· = ∇A ·P+P· ∇A = ∇A ·P+P· (4.14)
AM AM AM AM AM 3
dont le dernier terme peut être transformé en intégrale sur la surface de l’échantillon :
→
−
1 (− ∇ A · ~P) 1 ~P ·~next
ZZZ ZZ
V (M) = dτA + dSA . (4.16)
4πε0 A∈V AM 4πε0 A∈S AM
Mathématiquement, nous avons effectué une sorte de généralisation de l’intégration par parties. On
peut maintenant interpréter les deux termes obtenus. Ils possèdent des intégrands à décroissances en
44 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation
1/AM, ce qui est la signature typique de potentiels créés par des charges isolées (et non de dipôles
qui seraient en 1/AM 2 ). Le premier terme est donc le potentiel que créerait une distribution
→
−
volumique de charges dans le vide de densité volumique égale à − ∇ · ~P. Le second terme est le
potentiel que créerait une distribution surfacique de charges dans le vide de densité surfacique
égale à ~P ·~next .
où la seconde formule est définie sur la surface extérieure de l’échantillon (V ), ~next étant le
vecteur unitaire normal à la surface de l’échantillon et orienté vers l’extérieur (de l’échantillon
vers le vide). La densité volumique ρ pol est en C.m−3 et la densité surfacique σ pol en C.m−2 .
Notons :
• En volume, ces charges de polarisation correspondent à des inhomogénéités de polarisation
du milieu. Si le champ ~P est uniforme, alors il n’y a pas de densité volumique de charges.
• En surface, la polarisation doit passer d’une valeur généralement non nulle dans l’isolant à
une valeur nulle dans le vide. Cette variation spatiale de ~P va se traduire par des charges
surfaciques. Ces charges liées de surface peuvent être considérées comme les terminaisons
des dipôles proches de la surface.
On peut aussi vérifier que la somme de toutes les charges de polarisation est globallement nulle.
La charge totale en volume, correspondant donc à la densité volumique de charges de polarisation,
s’écrit :
→
−
ZZZ ZZZ ZZ ZZ
ρ pol (~r) dτ = − ∇ · ~P(~r) dτ = − ~ ext = −
~P · dS σ pol (~r)dS , (4.18)
ce qui signifie que la charge totale de polarisation (volumique + surfacique) est globalement
nulle; et, l’isolant est resté neutre :
ZZZ ZZ
Q pol = ρ pol (~r) dτ + σ pol (~r)dS = 0 . (4.19)
où [χ] est une matrice (ou tenseur) s’appliquant sur les trois composantes du champ électrique. En
général, le vecteur polarisation ~P n’est pas parallèle à ~E. Physiquement, cela est du au fait que le
milieu est "plus susceptible" dans certaines directions que dans d’autres.
Dans les milieux isotropes, cette matrice est proportionnelle à l’identité et on a donc simplement:
où χ est un nombre sans unité (en général positif). Les vecteurs polarisation et champ électrique
sont alors parallèles de même sens, ce qui correspond au fait que les dipôles électriques s’orientent
ou se créent dans le même sens que le champ électrique dans un espace isotrope par ailleurs (c’est à
dire en l’absence de champ électrique). Les matériaux isotropes typiques sont les gaz, les liquides,
et les cristaux à symétrie cubique.
En conclusion, il est très important d’insister sur le fait que la relation constitutive Eq. (4.20)
relie la polarisation et le champ électrique après établissement de l’équilibre électrostatique. En
effet, si l’on analyse par la pensée ce qu’il se passe lors de l’établissement d’un champ électrique,
on voit qu’il y a une sorte de retro-action. Le champ créée une polarisation au sein du matériau, et
cette polarisation crée à son tour un champ supplémentaire, qui va créé une polarisation...
Dans ces équations, on appelle [εr ] le tenseur de permittivité relative. Dans un milieu homogène et
isotrope, ce tenseur se réduit à un coefficient de permittivité relative εr .
A partir de l’équation locale à divergence ci-dessus, on peut démontrer l’équivalent du théorème
de Gauss pour le vecteur déplacement électrique.
46 Chapter 4. Dipôles électriques et polarisation
On peut également déduire ce cette équation locale de l’équation de Maxwell-Gauss (ou du théorème
de Gauss associé) la relation de passage du champ de déplacement électrique ~D à une interface : la
composante normale du champ ~D a un saut proportionnel à la densité surfacique de charges libres.
4.8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons adopté tout d’abord un point de vue purement descriptif. Nous avons
introduit le concept clef de vecteur polarisation pour décrire un échantillon isolant constitué d’une
collection de dipôles électriques. Il existe deux descriptions équivalentes : i) en termes de densité
de dipôles électriques (vecteur polarisation) ou ii) en termes de charges de polarisations (ou
charges dites liées). La correspondance entre les deux descriptions est donnée par les formules Eq.
(4.17).
Enfin, la seconde grande idée importante de ce chapitre est l’écriture de relations constitutives
dans le cadre de la théorie de la réponse linéaire. Elle exprime que la réponse de la matière isolante
(mesurée par le vecteur polarisation ~P) est proportionnelle à sa cause : le champ excitateur (~P). Ces
coefficients sont sans unités (car on a mis en facteur ε0 ). Ils nous renseignent sur la façon dont
le matériau répond à une excitation électrique statique. On verra plus tard en régime dynamique,
que cette réponse dépend de la pulsation du champ électrique excitateur. Il existe une fonction
de réponse χ(ω), et une fonction εr (ω), qui décrivent comment la matière réagit à une excitation
électrique de pulsation ω (onde électromagnétique par exemple, ou encore un échantillon placé
dans un condensateur soumis à une tension alternative), voir chapitre 6.
5. Dipôles magnétiques et aimantation
Le dipôle électrique est un objet composite que l’on peut considérer comme une paire de deux
charges opposées. En revanche, il semble qu’il n’existe pas de charges magnétiques ou de
monopoles magnétiques isolés dans la nature. Jusqu’à présent, de tels pôles sont toujours ap-
pariés à l’image des pôles nord et sud d’un aimant. Si l’on brise l’aimant en deux, on obtient deux
aimants ayant chacun un pôle nord et un pôle sud. Dirac a envisagé la possibilité de monopoles
magnétiques isolés mais toutes les tentatives de détection de tels monopoles microscopiques ont
échoué à ce jour. En magnétisme, l’objet le plus élémentaire est donc le dipôle magnétique.
Au niveau classique, on peut le concevoir comme une boucle de courant. Ainsi notre modèle
magnétique de l’atome sera celui d’une boucle de courant.
La logique de ce chapitre est la même que celle du chapitre précédent sur le dipôle électrique. Il
s’agit de comprendre maintenant la réponse d’un matériau à l’application d’un champ magnétique.
L’expérience de base correspond à l’introduction d’un échantillon dans une bobine créant un champ
magnétique. Le plus simple est de considérer un champ magnétique uniforme. Sous l’action
du champ magnétique, les atomes orientent leur dipôles magnétiques ou acquièrent des dipôles
magnétiques induits. C’est le phénomène d’aimantation. Si les moments magnétiques sont orientés
dans le même sens que le champ, on parle de paramagnétisme. Dans le cas où les dipôles sont
induits en sens contraire du champ magnétique, on parle de diamagnétisme. Le ferromagnétisme
sera traité à part. Nous allons commencer par décrire un dipôle magnétique statique attaché par
exemple à un atome ou une molécule. Nous donnerons le champ magnétique créé par un tel
dipôle, et aussi discuterons son couplage avec un éventuel champ magnétique externe. Dans un
second temps, nous décrirons la matière (du point de vue du magnétisme) comme une collection
de dipôles magnétiques, et définirons une densité volumique de moment dipolaire magnétique :
~ Nous introduirons une description alternative mais équivalente du milieu aimanté
l’aimantation M.
en termes de courants ampériens volumiques et surfaciques. Cela nous conduira naturellement à
distinguer les courants libres (circulant dans les bobines et contrôlables par les expérimentateurs et
expérimentatrices) et les courants ampériens liés à la réponse de la matière.
48 Chapter 5. Dipôles magnétiques et aimantation
i=N
1 −→
~m = ∑ OPi ∧ qi~vi = I ~S (5.1)
2 i=1
Les lignes de ce champ magnétique ont une symétrie axiale de révolution (cylindrique) autour de
l’axe du dipôle magnétique (z), et constituent des arcs qui partent du pôle nord pour reconverger
vers le pôle sud.
Propriété 5.3.1 — Energie de couplage d’un dipôle magnétique avec un champ ex-
terne.
Si le dipôle est libre de s’orienter, on voit qu’il est préférable pour minimiser l’énergie que le
vecteur moment dipolaire magnétique ~m soit de même direction et de même sens que le champ
magnétique extérieur (à l’endroit où se trouve le dipôle microscopique). C’est ce que fait une
boussole, ~m étant le moment magnétique de l’aiguille aimantée de la boussole et ~Bext le champ
magnétique terrestre.
→
− ∑ ~mi
M (~r) = i , (5.4)
∆τ
où la somme porte sur les dipôles magnétiques (atomiques ou moléculaires) ~mi inclus dans la
cellule de volume ∆τ, centrée sur la position~r.
où ~next est le vecteur unitaire normal à la surface S de l’échantillon et orienté vers l’extérieur (de
l’échantillon vers le vide). La seconde formule est définie uniquement sur la surface extérieure
de l’échantillon. La densité de courant volumique ~jA est en A.m−2 , et la densité de courant
surfacique ~jsA est en A.m−1 (comme l’aimantation).
Le principe de la démonstration est similaire à celle pour les charges de polarisation dans un isolant.
La démonstration est détaillée dans le livre [1].
~ r) défini par :
d’où l’intérêt d’introduire un nouveau champ vectoriel H(~
~
~ r) = B(~r) − M(~
H(~ ~ r) . (5.7)
µ0
A l’échelle mésoscopique, il est utile de travailler avec ce champ "excitation magnétique" H(~~ r) qui
ne "voit" que les courants libres. C’est le champ que peut contrôler l’expérimentateur en réglant les
courants libres dans les bobines ou en électro-aimant par exemple.
A partir de l’équation locale à rotationnel ci-dessus, on peut démontrer l’équivalent du théorème
d’Ampère pour le vecteur excitation magnétique H(~ ~ r).
50 Chapter 5. Dipôles magnétiques et aimantation
~jlibre · −
→
Z ZZ
H(~ ~ = Ilibre ,
~ r) · dl avec Ilibre = dS (5.8)
L S
~ r) = [χm ] H(~
M(~ ~ r) (5.9)
La matrice (ou tenseur) de susceptibilité [χm ] agit sur les trois composantes du champ excitation
magnétique. Dans un milieu LHI (linéaire homogène isotrope), cette matrice est simplement
l’identité multipliée par un nombre. Fait remarquable : ce nombre, appelé simplement suscep-
tibilité magnétique, peut être soit positif (paramagnétisme) dans certains matériaux, et négatif
(diamagnétisme) dans d’autres matériaux.
On peut décrire la réponse magnétique de la matière en utilisant le couple de champs (~B, H).
~
On obtient alors la relation linéaire :
~B(~r) = µ0 (H(~
~ r) + M(~
~ r)) = µ0 (1 + χm )H(~
~ r) = µ0 µr H(~
~ r), (5.10)
ce qui permet de définir le tenseur de perméabilité magnétique relative [µr ] du matériau comme:
[µr ] = 1 + [χm ].
Lorsqu’on évoque le magnétisme, on pense immédiatement à un aimant, mais en fait la plupart
des matériaux ont des propriétés magnétiques plus ou moins marquées. Certains matériaux sont
paramagnétiques: l’aimantation induite est orientée dans le même sens que le champ magnétique
extérieur appliqué. D’autres matériaux sont diamagnétiques: une très faible aimantation induite
se développe dans le sens opposé au champ magnétique appliqué. Il existe aussi des matériaux
ferromagnétiques qui possèdent une aimantation spontanée en l’absence de champ magnétique
appliqué (en dessous d’une certaine température Tc ). Les supraconducteurs ont aussi des propriétés
magnétiques spectaculaires comme l’effet Meissner: écrantage complet d’un champ magnétique
extérieur appliqué (diamagnétisme parfait). Le paramagnétisme, le diamagnétisme, et le ferromag-
nétisme sont présentés de manière concise mais très profonde par Richard Feynman dans son cours
de physique (Chapitres 34 à 37 de [2]).
5.8 Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons introduit le concept d’aimantation pour décrire un échantillon constitué
d’une collection de dipôles magnétiques. Il existe deux descriptions équivalentes, c’est à dire qui
donnent le même champ magnétique créé par l’ensemble des dipôles de l’échantillon. Dans la
première description, on doit spécifier les valeurs du champ d’aimantation M ~ sur tout le volume
V de l’échantillon. Dans une seconde description, on a uniquement des courants dans le vide
localisés essentiellement dans les zones où l’aimantation est inhomogène. La répartition de ces
courants, dits d’aimantation (ou parfois ampériens), est donnée par les formules Eq. (5.5).
Enfin, un échantillon dans un champ magnétique va développer une aimantation qui dépend
linéairement du champ d’excitation magnétique via un tenseur de susceptibilité magnétique. Dans
les milieux LHI, ce tenseur se résume à un nombre qui peut être positif (paramagnétisme) ou négatif
5.8 Conclusion 51
Dans les deux chapitres précédents, nous avons abordé cette question en nous plaçant en statique
et donc en distinguant effets électriques (chapitre 4) et magnétiques (chapitre 5). Nous allons
reprendre cette étude en généralisant aux régimes dynamiques (variables dans le temps) pour
lesquels la distinction entre électrique et magnétique disparaît au profit d’équations couplées pour
le champ électromagnétique. Cela donne lieu aux phénomènes d’induction électromagnétique et
surtout à la propagation d’ondes électromagnétiques dans la matière.
Nous nous intéressons donc au champ électromagnétique dans la matière, c’est à dire dans
des milieux (dilués ou denses) constitués d’un très grand nombre d’atomes ou de molécules. En
principe, il faudrait décrire la matière au niveau microscopique par la mécanique quantique et en
déduire les propriétés macroscopiques dans le cadre de la mécanique statistique. Cependant, il
est aussi possible de rester au niveau classique et d’obtenir des informations importantes sur la
propagation des champs électromagnétiques dans la matière.
• Dans un premier temps, il faudra définir des champs macroscopiques, c’est à dire lissés
(moyennés spatialement) à des échelles intermédiaires/mésoscopiques. En effet, nous avons
décrit la matière par certaines densités volumiques de moments dipolaires électriques polari-
sation ~P et magnétiques (aimantation M).~ Or ces champs de polarisation et d’aimantation
ont été définis avec une résolution spatiale de l’ordre de la taille de la cellule élémentaire
dτ, typiquement entre 10 nm minimum et quelques micron(s) maximum. Cette échelle de
longueur dépendra du contexte, du niveau de résolution ∆τ 1/3 souhaité. Par exemple dans
l’étude de propagation d’ondes, on veillera à ce que la résolution reste inférieure à la longueur
d’onde. Par cohérence, si nous cherchons à écrire des équations du champ électromagnétique
dans la matière, il faut définir des champs lissés en gommant/perdant l’information sur les
détails à plus petite échelle.
• Dans un second temps, nous distinguerons entre charges et courants libres (contrôlés et
réglables par l’expérimentateur) d’une part et d’autre part : les charges de polarisation
(charges liées à la réponse de la matière) et les courants ampériens également liés à la réponse
de la matière. Les charges libres sont celles sur lesquelles l’expérimentateur peut avoir un
certain contrôle, comme par exemple les charges sur les armatures d’un condensateur. Il est
54 Chapter 6. Equations de Maxwell dans la matière
possible de les faire varier. Les charges de polarisation (aussi appelées liées) sont les charges
qui apparaissent spontanément dans la matière en réponse à la présence de charges libres.
On séparera aussi les courants libres (contrôlés par l’expérimentateur comme les courants
circulant dans des bobines) et les courants d’aimantation (courants créés par la matière en
réponse au champ appliqué par l’expérimentateur).
• Enfin, grâce à ce lissage des champs et à cette séparation, nous pourrons exprimer les équa-
tions de Maxwell pour les champs lissés avec uniquement les termes sources libres contrôlés
par l’expérimentateur. Les charges liées (de réponse de la matière) auront été absorbées dans
de nouveaux vecteurs ~D et H. ~ Le prix à payer est l’introduction de nouveaux champs (nou-
velles inconnues) qui reflète le fait que le ratio entre charges libres et liées reste dépendant du
matériau. Il faut donc introduire une fonction de réponse qui donnera pour chaque matériau le
rapport entre la réponse (en polarisation par exemple) sur la sollicitation électrique (mesurée
par la champ électrique par exemple). Ce sera le cadre phénoménologique de la réponse
linéaire. Dans les chapitres suivants, nous utiliserons des modèles microscopiques pour
calculer ces fonctions de réponses.
Dans la matière on ne peut pas décrire ou suivre les positions de toutes les charges, et les champs
microscopiques {~e,~b} seraient très irréguliers avec des forces divergences au niveau des électrons
et des protons. On va donc adopter une approche de champ lissé à une échelle mésoscopique. Cela
signifie que l’on moyenne le champ microscopique sur une échelle spatiale grande par rapport à
la taille des atomes mais petite par rapport aux échelles macroscopiques. Le champ électrique
macroscopique est défini comme
~E(~r) = h~ei∆τ = 1 1
ZZZ ZZZ
d~ρ ~e(~ρ ) et ~B(~r) = h~bi∆τ = d~ρ ~b(~ρ ) (6.5)
∆τ ~ρ ∈∆τ ∆τ ρ∈∆τ
où l’intégrale porte sur un volume ∆τ mésoscopique autour de~r. On peut utiliser des procédures de
lissage plus subtiles consistant ) à utiliser une fonction de filtrage plus douce (ici nous avons pris
une fonction créneau qui passe abruptement de 1 à 0 à aux frontières du cube ∆τ.
6.1 Champs macroscopiques lissés 55
6.1.1 Maxwell-flux
La procédure de lissage ou moyenne spatiale est linéaire et commute donc avec les opérateurs
différentiels linéaires pour donner :
→
− →
− →
−
h ∇ ·~b(~r,t)i = ∇ · h~b(~r,t)i = ∇ · ~B(~r,t) = 0 (6.6)
6.1.2 Maxwell-Faraday
La même propriété de commutation entre les moyennes h...i donne :
→
− ∂~b(~r,t) →
− ∂ ~B(~r,t)
h ∇ ∧~e(~r,t)i = −h i =⇒ ∇ ∧ ~E(~r,t) = − (6.7)
∂t ∂t
6.1.3 Maxwell-Gauss
La densité de charge totale inclue charges libres et charges liées (dites aussi de polarisation) :
→
− → −
hρ(~r,t)i = ρlibre (~r,t) − ∇ · P (~r,t) , (6.8)
6.1.4 Maxwell-Ampère
Dans les chapitres précédents, nous avons présenté la notion de polarisation d’un milieu dans un
contexte statique. Il est cependant possible et même très intéressant de polariser un milieu à l’aide
d’un champ variable. C’est typiquement le cas lorsqu’une onde électromagnétique pénètre dans
un isolant. Dans ce cas le champ de polarisation acquiert une dépendance temporelle et s’écrit
donc ~P(~r,t). Les formules donnant les charges de polarisation (ou charges liées) restent valables
mais il apparaît un phénomène supplémentaire lié au mouvement des charges sous l’influence du
champ variable. On a un courant de polarisation qui s’exprime comme la dérivée temporelle de la
polarisation (vérifiez que les unités coïncident bien) :
~
~j pol (~r,t) = ∂ P(~r,t) (6.11)
∂t
Ce courant est assez particulier car le mouvement des charges est une oscillation interne aux
molécules. Les électrons restent dans la molécule (il n’y a pas ionisation) mais le nuage électronique
oscille légèrement de part et d’autre du centre des noyaux sous l’influence du champ de l’onde qui
change très rapidement de sens.
Ce courant de polarisation vient se rajouter au courant de charges libres et aux courants
d’aimantation. Nous pouvons donc écrire la densité de courant totale sous la forme suivante :
~ →
−
~j(~r,t) = ~jlibre (~r,t) + ∂ P(~r,t) + ∇ ∧ M(~
~ r,t) , (6.12)
∂t
56 Chapter 6. Equations de Maxwell dans la matière
qui regroupe les courants libres, les courants de polarisation et d’aimantation. Nous ré-injectons
cette expression dans l’équation de Maxwell-Ampère microscopique et prenons la moyenne spatiale
:
→
− 1 − ~B(~r,t)
→ →
− ~ ~
h ∇ ∧ ~b(~r,t)i = ∇ ∧ ~ r,t) + ∂ P(~r,t) + ε0 ∂ E(~r,t)
= ~jlibre (~r,t) + ∇ ∧ M(~ (6.13)
µ0 µ0 ∂t ∂t
En regroupant les termes en rotationnels entre eux, et les termes en dérivée temporelle entre eux,
nous obtenons :
~
Propriété 6.1.3 — Maxwell-Ampère modifiée et définition de H.
→
− ~
~ r,t) = ~jlibre (~r,t) + ∂ D(~r,t) ,
∇ ∧ H(~ avec ~ r,t) = ~B(~r,t) − µ0 M(~
µ0 H(~ ~ r,t). (6.14)
∂t
On remarque que ε0 = 8, 85.10−12 F.m−1 et µ0 = 4π.10−7 H.m−1 ont disparu, mais c’est juste le
résultat du jeu de réécriture des champs. Il semble aussi que dans ce tour de passe-passe les charges
liées ou de polarisation aient disparu. En fait elles sont cachées dans les vecteurs déplacement
électrique et excitation magnétique.
Mathématiquement, nous avons écrit les équations de Maxwell dans la matière en introduisant
de nouvelles grandeurs, comme le vecteur déplacement électrique ~D(~r) ou l’excitation magnétique
~ r). Pour décrire l’isolant par un système fermé d’équations, il faut ajouter des relations entre la
H(~
réponse de l’isolant (sa polarisation et son aimantation) et les causes (le champ électrique pour la
polarisation, la champ magnétique pour l’aimantation)). On doit donc compléter les équations de
Maxwell macroscopiques par des relations constitutives, déjà rencontrées dans le cas de la statique :
6.4 Conclusion
Nous avons obtenu des équations de Maxwell pour les champs lissés avec uniquement les termes
sources libres contrôlés par l’expérimentateur. Les charges liées (de réponse de la matière) ont été
absorbées dans de nouveaux vecteurs ~D et H.~ Le prix à payer est l’introduction de nouveaux champs
(nouvelles inconnues) qui reflète le fait que le ratio entre charges libres et liées reste dépendant
du matériau. Il faut donc introduire une fonction de réponse qui donnera pour chaque matériau le
rapport entre la réponse (en polarisation par exemple) sur la sollicitation électrique (mesurée par la
champ électrique par exemple). Ce sera le cadre phénoménologique de la réponse linéaire. Dans
les chapitres suivants, nous utiliserons des modèles microscopiques pour calculer ces fonctions de
réponses.
7. Réponse linéaire phénoménologique
Dans ce chapitre, nous commençons par présenter quelques propriétés très générales des fonctions
de réponse linéaire, comme la dispersion et la dissipation, en restant à un niveau phénoménologique.
Puis, nous discuterons de la propagation de la lumière dans les milieux en appliquant les équations
de Maxwell dans la matière Eqs. (6.2.1) complétées par les relations constitutives Eqs. (6.19).
Dans la partie III, nous analyserons quelques modèles microscopiques de matériaux et nous en
déduirons des expressions particulières de ces fonctions de réponse.
où χ(τ) est une fonction décroissante de τ (attention cette fonction porte des unités contrairement
à la susceptibilité que nous avons utilisée jusqu’ici). La variable d’intégration τ représente le
délai temporel entre l’excitation et la réponse. Cette relation intégrale est tout à fait linéaire mais
elle n’est plus instantanée. Elle se simplifie si on passe dans l’espace de Fourier en écrivant les
décompositions en modes de Fourier harmoniques :
dω dω
Z ∞ Z ∞
~E(t) = ~E(ω)e−iωt , et ~P(t) = ~P(ω)e−iωt . (7.2)
−∞ 2π −∞ 2π
Il faut bien noter que les amplitudes vectorielles ~E(ω) et ~P(ω) sont complexes et peuvent donc
comporter des déphasages relatifs arbitraires entre elles.
60 Chapter 7. Réponse linéaire phénoménologique
~P(t) = ε0 Re[χ(ω)~E0 e−iωt ] = ε0 Re[χ(ω)e−iωt ]~E0 = ε0 (χ1 (ω) cos(ωt) + χ2 (ω) sin(ωt)) ~E0 (7.6)
Il est clair que la partie réelle χ1 (ω) quantifie la réponse en phase avec l’excitation électromag-
nétique. Dans le modèle de l’électron élastiquement lié, la fonction χ1 (ω) présente une forte
discontinuité à la fréquence propre. En revanche, la partie imaginaire χ2 (ω) décrit la réponse
en quadrature de phase avec l’excitation. Dans le modèle de Lorentz, χ2 (ω) présente un pic
à la fréquence propre, dont la largeur est donnée par le taux d’amortissement γ = 1/τ. Ceci est
généralisable à n’importe quelle fonction de réponse linéaire caractérisant le rapport d’amplitude
et de déphasage de deux grandeurs oscillantes à la même fréquence : impédance d’un élément de
circuit, fonction de transfert d’une portion de circuit électrique, polarisabilité, constante diélectrique,
conductivité optique, etc...
Propriété 7.3.1 — Isolant LHI sans charges libres (en variable temporelle).
→
−
∇ · ~B(~r,t) = 0, (7.7)
→
− ∂ ~B(~r,t)
∇ ∧ ~E(~r,t) = − , (7.8)
∂t
→
−
∇ · ~D(~r,t) = 0, (7.9)
→
−
~ r,t) ∂ ~D(~r,t)
∇ ∧ H(~ = (7.10)
Z ∂t ∞
~D(t) = dτ ε0 ε˜r (τ)~E(t − τ) (7.11)
0
Z ∞
~B(t) = ~ − τ)
dτ µ0 µ̃r (τ)H(t (7.12)
0
Les deux dernières équations traduisent une relation linéaire avec retard (non locale en temps = non
instantanée) qui est exprimée mathématiquement par un produit de convolution. Cela donne une
structure compliquée aux équations (intégro-différentielles...). Pour remédier à cette difficulté, on
peut passer en Fourier pour la variable temporelle. Comme on l’a vu, les produits de convolution
deviennent de simples produits algébriques entre les transformées de Fourier temporelles des
champs, notées ~E(~r, ω), ~B(~r, ω), ~D(~r, ω), etc.
Dans ces équations εr (ω) et εr (ω) sont, respectivement, les transformées de Fourier (les spectres)
des noyaux temporels de réponse ε˜r (τ) et ε˜r (τ).
On peut maintenant découpler ces équations selon la méthode habituelle en calculant le rota-
tionnel du rotationnel du champ électrique (par exemple). Pour ne pas surcharger les écriture on va
omettre les arguments (~r, ω) pour les champs et la variable ω pour les permittivité et perméabilité.
D’une part, les équations de Maxwell-Faraday puis Maxwell-Ampère conduisent à :
→
− →− →
− →
− 2
~ = µ0 µr ω 2 ~D = εr µr ω ~E
∇ ∧ ∇ ∧ ~E = iω ∇ ∧ ~B = iω µ0 µr ∇ ∧ H (7.19)
c2
Et d’autre part, on a :
→
− → − → − →
−
∇ ∧ ∇ ∧ ~E = ∇ ∇ · ~E − ∆~E = −∆~E (7.20)
→
− →
−
La nullité de la divergence du champ électrique provient de ∇ · ~D(~r, ω) = ε0 εr (ω) ∇ · ~E(~r, ω) = 0
et du fait que le milieu est homogène (sinon on ne pourrait pas sortir la permittivité relative de la
divergence).
On a donc l’équation suivante pour le champ électrique :
62 Chapter 7. Réponse linéaire phénoménologique
n2 ω 2
∆~E(~r, ω) = − 2 ~E(~r, ω) avec n2 (ω) = εr (ω)µr (ω) (7.21)
c
Cette équation implique que les ondes monochromatiques à la pulsation ω se propagent dans le
milieu à la vitesse c/n(ω), où on reconnaît l’indice optique n(ω). On a montré ici l’expression de
cet indice comme produit de certaines fonctions de réponse électrique et magnétique, dont il hérite
de la dépendance en fréquence des fonctions de réponse électrique et/ou magnétique.
7.4 Conclusion
L’idée centrale est que la dynamique du champ électromagnétique correspond à une propagation
dans le vide à la vitesse c (dans tous les référentiels). Lorsqu’une onde électromagnétique traverse
de la matière, elle agit sur les atomes de cette matière en orientant les dipôles atomiques (électriques
et/ou magnétiques). Ces dipôles créent un champ électromagnétique qui se superpose au champ
incident et donne un champ total qui est le seul observable et semble se propager à une vitesse
différente de c et qui dépend de la réponse des atomes du milieu.
III
Modèles microscopiques
Bibliography . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Articles
Books
8. Isolants : modèle de Lorentz
Dans ce chapitre, nous étudierons un premier modèle d’interaction lumière matière, purement
classique et du au physicien néerlandais H.A. Lorentz, qui permet de décrire la propagation d’une
onde électromagnétique (IR, visible ou UV) dans un matériau isolant. Nous discuterons les
phénomènes optiques (dispersion, absorption), les grandeurs qui les caractérisent (indice optique)
et les relierons aux ingrédients microscopiques du modèle de H.A. Lorentz. Pour simplifier, on
se bornera par considérer de la matière diluée et isotrope, comme un gaz atomique par exemple.
Lorentz a aussi étudié la propagation de la lumière dans la matière dense comme les solides mais
cela va au-delà de ce cours.
Un peu d’histoire... Les équations de Maxwell ont fasciné Lorentz qui a décidé de les utiliser
pour bâtir une théorie de la matière et de la lumière en interaction à une époque où l’hypothèse
atomique n’était pas validée, mais où on venait de découvrir l’électron.
Dans les années 1875, Lorentz a formulé une théorie de l’interaction onde électromagnétique-
matière entièrement basée sur la physique classique: le rayonnement électromagnétique y est
décrit par les équations de Maxwell et la matière par des oscillateurs harmoniques. Ces derniers
vibrent à des fréquences propres bien définies et se comportent comme des dipôles électriques
oscillants pouvant émettre ou absorber des ondes électromagnétiques. A l’époque de Lorentz on ne
connaissait pas l’origine de ces dipôles, mais on peut maintenant les associer à différents types de
degrés de libertés microscopiques: les dipôles atomiques correspondant aux électrons liés autour
des noyaux (fréquences typiques dans l’UV), les dipôles correspondant aux vibrations des atomes
(typiquement dans IR), et les dipôles associés aux électrons libres (pas de fréquence correspondant
à une force de rappel mais une fréquence plasma qui dépend de la densité électronique). Nous
supposons pour commencer que l’on peut isoler un type d’oscillateurs caractérisé par une fréquence
propre bien définie ω0 (et donc ignorer les oscillateurs ayant d’autres fréquences).
de type élastique et soumis à la force électrique due à l’onde électromagnétique. La dynamique est
décrite par l’équation suivante:
d 2~r d~r
m 2
+ mγ + mω02~r = −e~Eω cos(ωt) , (8.1)
dt dt
où −mω02~r représente la force de rappel élastique, −e~Eω cos(ωt) la force due au champ électrique
de l’onde (à polarisation rectiligne), et −mγd~r/dt une force d’amortissement. Le coefficient
γ = 1/τ est un taux de relaxation décrivant le retour à l’équilibre si on débranche le champ
électrique. C’est le champ macroscopique qui apparaît car dans un milieu dilué il n’y a pas de
différence importante entre ce champ et le champ local ressenti par l’électron.
En injectant une solution forcée ~r(t) = rω e−iωt~u, et on obtient pour le dipôle microscopique
~p(t) = −e~r(t):
e2 ~Eω e−iωt
~p = = ε0 α(ω)~Eω . (8.2)
m(−ω 2 − iωγ + ω02 )
La polarisabilité atomique α(ω) (définie ci-dessus) s’exprime comme:
e2
α(ω) = , (8.3)
mε0 (−ω 2 − iωγ + ω02 )
et son unité est celle d’un volume, souvent de l’ordre du volume microscopique du dipôle (typique-
ment en nm3 ).
8.2 Polarisation
Dans un milieu homogène, on passe au vecteur polarisation macroscopique (densité volumique de
moment dipolaire électrique) en multipliant le dipôle élémentaire par la densité volumique d’atomes
N dans le milieu:
ωP2
εr (ω) = 1 + , (8.8)
ω02 − ω 2 − iωγ
∂ ~P(t) ~
· E(t) = ε0 ω −χ1 sin(ωt) cos(ωt) + χ2 cos2 (ωt) ~E02
(8.9)
∂t
Lorsqu’on prend la moyenne temporelle sur une période T = 2π/ω, seule la partie en cos2 (ωt)
contribue et :
∂ ~P(t) ~ ε0 ~E02
h · E(t)i = ω χ2 , (8.10)
∂t 2
qui a bien la dimension d’une densité volumique de puissante. On voit que c’est la partie imaginaire
de la susceptibilité qui correspond à l’échange d’énergie de l’onde vers la matière. Dans le modèle
de Lorentz, χ2 (ω) présente un pic à la pulsation propre qui traduit donc une absorption efficace de
l’onde par l’oscillateur lorsqu’il y a résonance.
9. Métaux : modèle de Drude
d~v m
m = q~Eω cos(ωt) − ~v , (9.1)
dt τ
en présence d’une force exercée par une onde électromagnétique harmonique oscillant à la pulsation
ω. Cette force se limite à la force électrique q~Eω cos(ωt), car la force magnétique est plus petite
d’un facteur v/c, le champ magnétique de l’onde étant en B = E/c. Ce modèle est formellement
le même que le modèle de Lorentz dans lequel on a enlevé le terme de force de rappel élastique :
ω0 = 0. C’est normal car on veut décrire des électrons libres d’un métal, et non les électrons liés
d’un isolant. Notre analyse du modèle de Lorentz reposait sur la notion de dipôle électrique et de
vecteur polarisation. Pour un métal, les électrons sont fortement délocalisés, et la réponse en terme
de courants électriques semble plus naturelle que celle de dipôle.
On va donc écrire les équations pour le courant ~j(t) = Nq~v(t),
Nq2 τ ~
(−iωτ + 1) ~jω = Eω , (9.3)
m
70 Chapter 9. Métaux : modèle de Drude
de type réponse linéaire avec une conductivité (AC ou optique) dépendant de la fréquence comme :
Nq2 τ/m σ0
σ (ω) = = . (9.5)
(1 − iωτ) (1 − iωτ)
Cette équation constitutive doit être complété par le fait que dans un métal, l’électroneutralité
est rétablie très rapidement devant toutes les autres échelles temporelles, ce qui permet de poser
ρ = 0. Pour savoir comment une onde peut se propager dans un métal il suffit d’écrire les équations
de Maxwell complétées par ces relations constitutives. En particulier en évaluant le rotationnel du
rotationnel du champ électrique, nous obtenons une équation d’évolution pour le champ électrique :
iωτ
c k Eω = ω 2 +
2 2~ 2 ~
ω Eω , (9.6)
1 − iωτ P
dans laquelle apparaît la pulsation plasma :
Nq2 σ0
ωP2 = = . (9.7)
mε0 ε0 τ
Ainsi on a vu apparaître deux grandeurs, la conductivité statique σ0 et la pulsation plasma ωP , qui
sont deux paramètres permettant de quantifier la densité N de porteurs de charges libres dans le
système, ainsi que les caractéristiques de ces porteurs (via leur charge q et leur masse m). On peut
utiliser l’un ou l’autre selon le contexte.
On doit analyser les différents régimes possibles.
c2 k2 = ω 2 − ωP2 < 0 ,
(9.11)
c2 k2 = ω 2 − ωP2 > 0 ,
(9.12)
Ne2 1 ωP2
εr (ω) = n(ω)2 = 1 − = 1 − (9.13)
mε0 (ω 2 + iωγ) (ω 2 + iωγ)
Pour les fréquence au-dessous de la la fréquence plasma, l’indice est imaginaire pur et le métal
sera parfaitement réfléchissant. Pour les fréquences au-dessus de la fréquence plasma, l’indice
devient réel et le métal (ou plutôt le gaz d’électrons de conduction) devient parfaitement transparent.
Si on néglige l’amortissement, on obtient: Pour un amortissement nul γ = 0 (ou très faible), on
obtient:
Ne2 1 ωP2
εr (ω) = n(ω)2 = 1 − = 1 − (9.14)
mε0 ω 2 ω2
En fait, il existe une relation entre la constante diélectrique (ou la susceptibilité χ(ω)) et la
conductivité σ (ω). En effet on peut écrire l’équation de Maxwell-Ampère en considérant que les
courants sont de la forme σ ~E ou bien ∂ ~P/∂t, on a donc la relation :
iσ (ω)
χ(ω) = , (9.15)
ε0 ω
72 Chapter 9. Métaux : modèle de Drude
Nq2 τ/m σ0
σ (ω) = = . (9.16)
(1 − iωτ) (1 − iωτ)
Ne2 1 ωP2
χ(ω) = εr (ω) − 1 = − = (9.17)
mε0 (ω 2 + iωγ) (−ω 2 − iωγ)
Lorsqu’on prend la moyenne temporelle sur une période T = 2π/ω, seule la partie en cos2 (ωt)
contribue et on a donc :
σ1 ~E02
h~j(t).~E(t)i = , (9.19)
2
On rappelle qu’en théorie classique, il existe une sorte d’ambiguité ou de liberté sur la représen-
tation des courants conduisant à deux types de description pour un même système: soit en terme de
susceptibilité soit en termes de conductivité. La relation générale étant :
iσ (ω)
χ(ω) = , (9.20)
ε0 ω
on voit que les deux formules obtenues sont parfaitement compatibles et donnent la même puissance
volumique moyenne, puisque χ2 = σ1 /ε0 ω.
10. Interfaces entre matériaux
Dans un problème de diffusion (au sens de scattering en anglais) on a typiquement une onde (ou une
ou plusieurs particules) qui arrive de l’infini et qui s’approche d’une zone d’interaction pour donner
naissance à une ou plusieurs ondes (ou particules) diffusées qui s’éloignent de la zone d’interaction.
Ici l’objet diffuseur est une interface entre deux milieux.
Propriété 10.1.1
où σl est la densité surfacique de charges libres sur l’interface (en z = 0)en C.m−2 .
Propriété 10.1.2
où jSlx et jSyx sont les composantes des courants surfaciques libres en A.m−1 .
1 + r = t, (10.18)
n1 (1 − r) = n2t, (10.19)
Articles
Books
[1] Michel Bertin, Jean-Pierre Faroux, and Jacques Renault. Electromagnétisme tome IV : milieux
diélectriques et milieux aimantés. Dunod, 1984, pages 4–10 (cited on pages 43, 49).
[2] Richard Feynman. Electromagnétisme 2. Dunod, 1964 (cited on page 50).