Vous êtes sur la page 1sur 8

Présentation de l’œuvre

La Peau de chagrin est l’un des premiers romans d’Honoré de Balzac, qui lança véritablement
sa carrière. À partir du scénario fantastique d’une peau magique d’onagre qui réaliserait tous
les vœux de son propriétaire, il annonce déjà certaines caractéristiques du roman réaliste en
même temps qu’il offre une réelle réflexion sur le sens de la vie.

1. Les personnages du roman


Raphaël de Valentin

1
1. 1. À quelle classe sociale, selon vous, appartiennent des personnages nommés Raphaël de
Valentin, Eugène de Rastignac ou Pauline de Witschnau ? De quels mondes viennent Aquilina,
Euphrasie ou Jonathas ?
Les noms à particule de Raphaël, Rastignac ou Pauline prouvent qu’ils appartiennent à la
noblesse (d’Ancien Régime, avant 1789, ou des années 1800-1815, appelée noblesse
d’Empire). Aquilina, Euphrasie, Jonathas ou Porriquet appartiennent en revanche au petit
peuple : dans le roman, ils sont ou bien nommés par leur seul prénom ou bien par leur nom de
famille sans particule (celui de Porriquet a un suffixe dénotant une origine populaire). Si l’on
ajoute de grands bourgeois comme le banquier Taillefer par exemple, on constate ainsi que le
roman de Balzac mêle des personnages originaires de mondes socialement opposés.

1.2. À partir des personnages de Taillefer, Finot ou encore Fœdora, montrez que l’argent
construit des rôles sociaux et favorise la duplicité des individus. Faites un tableau en distinguant
pour chacun l’image renvoyée du personnage et la réalité de ses actions.
Pour chacun de ses personnages, l’argent transforme l’image que la société peut avoir d’eux.
Ils passent pour des personnalités positives alors que la réalité est beaucoup plus sombre.

Personnages Image en société Réalité des actions

Fœdora Fœdora apparaît comme une jeune C’est en réalité, du moins pour
femme à la mode dont la bonne Raphaël, un monstre froid incapable
société parisienne s’entiche : « une d’aimer et guidé par ses seuls
femme à marier qui possède près de intérêts : « ni vertueuse, ni fautive,
quatre-vingt mille livres de rentes, qui cette femme vivait loin de l’humanité,
ne veut de personne ou de qui dans une sphère à elle, enfer ou
personne ne veut ! Espèce de paradis » (p. 190) ; « la comtesse est
problème féminin, une Parisienne à un admirable monstre » (p. 212)
moitié Russe, une Russe à moitié
Parisienne ! Une femme chez laquelle
s’éditent toutes les productions
romantiques qui ne paraissent pas, la
plus belle femme de Paris, la plus
gracieuse ! » (p. 148)

Finot Homme décoré, Finot passe pour être Il est en fait un individu ignare,
l’auteur prolixe de nombreuses cynique et médiocre : « il est ignorant
œuvres dans tous les domaines et comme la mule de don Miguel » ; « il
pour un grand investisseur dans les est fin à jouer tout un congrès. En
milieux théâtraux : « ce n’est pas un deux mots, c’est un métis en morale,
homme, c’est un nom, une étiquette ni tout à fait probe, ni complètement
familière au public. […] Mais chut ! il fripon. » (p. 175)
s’est déjà battu, le monde n’en
demande pas davantage et dit de lui :
C’est un homme honorable. » (p. 175)

2
Taillefer Taillefer éblouit ses convives par le En réalité, on le soupçonne de tirer sa
luxe de son hôtel particulier ; il paraît fortune d’un crime. Mais personne
être un homme qui a admirablement n’ose vérifier ces soupçons : « les
réussi : « il est assez riche pour mettre avez-vous assassinés ? lui demanda
de la grandeur dans les petitesses, de Émile. – La peine de mort va, dit-on,
l’élégance et de la grâce dans le vice » être abolie en faveur de la révolution
(p. 75) de Juillet, répondit Taillefer qui
haussa les sourcils d’un air tout à la
fois plein de finesse et de bêtise. » (p.
96)

3
2. La course à la fortune

La carte mentale de la fortune

2.1. Essayez d’appliquer chacun des mots trouvés à un personnage ou un épisode de


La Peau de chagrin.

On réfléchira néanmoins à appliquer les mots tournant autour de l’idée de fortune aux
personnages de Raphaël, Fœdora ou Pauline, mais aussi Rastignac et Taillefer. En ce
qui concerne les épisodes du roman, on songera à celui de l’héritage inattendu de
Raphaël ou au retour du père de Pauline d’Orient.

4
2.2. Choisissez un des personnages du roman et construisez sa fiche d’identité. Vous
veillerez à expliquer en quoi il constitue un type balzacien et vous l’associerez, si
possible, à une représentation iconographique et une citation extraite du texte.
On rappellera néanmoins, par ordre alphabétique, quelques-uns des grands types
balzaciens : artistes, bourgeois, commerçants, criminels, ecclésiastiques, financiers,
journalistes, lorettes, médecins, militaires, nobles, paysans, poètes, policiers ou encore
valets. Ces types ont surtout une dimension sociale à laquelle se mêlent des traits de
caractère (types de l’ambitieux, de l’avare, de la femme entretenue ou du parvenu par
exemple). Un même personnage peut correspondre à plusieurs types à la fois.

2. 3. a) Citez toutes les manières de s’enrichir présentées dans le roman.


Les manières de s’enrichir sont très diverses dans le roman: ce peut être par héritage
(Raphaël), par crime (Taillefer), par mariage (Fœdora ?), par aventure (le père de
Pauline), par ruse (Rastignac).

b) Sont-elles nombreuses ? Sont-elles toutes légales ou morales ?


Les manières de s’enrichir sont assez nombreuses et variées dans le roman, sans être
forcément légales ou morales.

c) Quelle image de la société en ressort d’après vous ?


La société apparaît dès lors comme favorisant les façons cyniques de s’enrichir. Tous
les moyens semblent bons pour gagner de l’argent.

2.4. Y a-t-il une différence entre les trajectoires sociales de Finot, Taillefer, Rastignac et
celles de Raphaël ou encore de Pauline ?
Finalement, tous ces personnages, quelles que soient leurs motivations, s’élèvent dans
la société par la fortune qu’ils acquièrent. Mais certains l’acquièrent d’un coup et de
façon incontestable (Raphaël, Pauline), tandis que d’autres ont une fortune plus
progressive ou incertaine (Finot, Rastignac).

2.5. a) Relisez les passages où Rastignac songe à refaire la fortune de Raphaël (p. 175-178 et
p. 213-217). Quelle différence de caractère existe -t-il entre les deux personnages ?
Raphaël apparaît passif, hésitant, scrupuleux (par exemple à propos de son horreur des salles
de jeu), tandis que Rastignac se montre à l’inverse décomplexé, entreprenant et énergique dans
sa soif d’ambition.

b) En quoi cette différence influe -t-elle sur leurs actions pour gagner de l’argent ?
À l’inverse de Raphaël, Rastignac ne manque pas d’audace ni de souplesse : il provoque donc
les occasions de s’enrichir. Ainsi, c’est lui qui est à l’initiative de l’affaire des mémoires : non
seulement, il se rend au Café de Paris où il sait trouver du beau monde, mais il se rapproche
aussi plus particulièrement de Finot, invente les mémoires de la tante de Raphaël alors que
celui-ci n’a même pas le projet de les écrire, puis formule et conclut le contrat verbalement à la
place de son ami. Plus loin, il explique finalement à Raphaël que l’argent va et vient, qu’on peut

5
en perdre comme en gagner aussi facilement (par exemple au jeu). Il ne montre aucun principe
moral dans sa gestion (par exemple en payant ses dettes).

Le règne du Veau d’or


2.6. a) Relisez la description du banquet (p. 79-81 et p. 95-96) et le passage où le groupe de
femmes apparaît chez Taillefer (p. 98-101). Par un relevé du vocabulaire, montrez que la
fortune va ici de pair avec la débauche.
On retrouve dans ces différents passages le champ lexical de la richesse matérielle complété
par celui de la nourriture et de l’ivresse. Les exemples sont très nombreux, indices d’une
profusion inouïe qui est en soi déjà un signe de débauche : « la soie », « l’or », « de riches
candélabres », « des frises dorées », « des ciselures de bronze », « un vaste surtout en bronze
doré », « les surprises du luxe », « l’éclat de la porcelaine », « les miracles du petit four », « les
délicatesses les plus friandes », « les friandises les plus séductrices », etc.

Mais en plus de l’omniprésence de ce luxe, ce champ lexical est aussi associé à des
considérations morales cyniques qui indiquent une forme de décadence des participants du
banquet : « cent mille livres de rente sont un bien joli commentaire du catéchisme, et nous
aident merveilleusement à mettre la morale en actions », « ma vertu ne va guère à pied », etc.
L’extrême richesse entraîne une profusion excessive, source de perte de repères moraux de la
part des jeunes gens. Ces mêmes jeunes gens finissent par mal se conduire et s’enivrer outre
mesure (« ce fut comme un signal donné par le diable. Cette assemblée en délire hurla, siffla,
chanta, cria, rugit, gronda », p. 96) avant de se tourner vers les femmes : « l’orgie, domptée
pendant un moment, menaça par intervalles de se réveiller » (p. 101).

b) Ces descriptions font-elles l’objet d’une condamnation claire de la part du narrateur ou de


l’auteur ? Qu’en concluez-vous ?
Ces descriptions ne font pas l’objet d’une condamnation claire de la part du narrateur ou de
l’auteur. On en déduit que Balzac, tout comme son personnage Raphaël, est critique vis-à-vis
des fortunes clinquantes, mais aussi fascinés par cette profusion de luxe. La richesse et les
excès qui vont avec ne sont jamais totalement condamnés car le pouvoir de l’argent a ses
attraits.

2.7. a) Seul(e) • Pour quelle raison très concrète Fœdora elle-même s’intéresse-t-elle
à Raphaël et sa famille ? (p. 182)
Fœdora s’intéresse à Raphaël car le cousin de ce dernier, le duc de Navarreins, peut
l’aider dans la reconnaissance officielle de son mariage en Russie. Cette reconnaissance
lui permettrait de préserver à la fois sa fortune et son rang.

b) Qu’est-ce que cela dit de son caractère ?


Comme elle l’avoue elle-même, Fœdora est une personne pour qui la passion ne
compte pas. Elle est indépendante et souhaite le rester, socialement mais aussi
sentimentalement. Elle fait également partie des personnages du roman qui aiment le
luxe dans lequel ils vivent et s’arrangent pour le garder intact.

2.8. a) Pauline, quant à elle, est-elle touchée par cette puissance de l’argent ?

6
Pauline, quant à elle, semble épargnée par les excès de la richesse. Quand elle est
pauvre, elle ne semble pas spécialement attirée par la fortune et va même jusqu’à
donner du peu qu’elle a pour aider Raphaël dans le besoin ; quand elle devient
subitement riche, elle reste la même et ne se comporte pas de façon méprisante,
intéressée ou frivole. L’argent n’a aucune prise sur elle.

b) Le retour de son père change-t-il réellement quelque chose en elle ?


Le retour de son père ne change rien en elle ; elle reste la même qu’a connue Raphaël.

c) Pourquoi selon vous ? Trouvez plusieurs éléments de réponse.


Il y a plusieurs raisons possibles au fait que Pauline reste la même. En ce qui concerne
son caractère, un revirement n’aurait pas été très crédible, sachant qu’elle donnait déjà
à Raphaël alors qu’elle était elle-même dans le besoin. Par rapport à l’économie du
roman, il est important que Raphaël retrouve la même jeune femme qu’il a connue pour
mieux l’opposer à Fœdora. Enfin, relativement à l’image de la femme, on retrouve ainsi
la conception antithétique courante chez les auteurs du XIX e siècle : vis-à-vis de
l’homme, la femme est ou bien dangereuse, voire fatale (Fœdora), ou bien maternelle
et angélique (Pauline). Dans le deuxième cas, l’argent n’a aucune influence sur elle.

Ruine et déchéance
2.9. D’après l’histoire de Raphaël et de sa famille (p. 122-124) mais aussi les paroles
de Rastignac (p. 214), en quoi les dettes sont-elles une fatalité avec laquelle il faut
composer dans la société dépeinte par Balzac ?
Toutes les familles, tous les individus semblent avoir des dettes. La société paraît
fonctionner ainsi ; l’essentiel n’est donc pas de ne pas en avoir puisqu’un tel
affranchissement est difficilement réalisable, mais de les traiter avec une forme de
souplesse. Ainsi, Rastignac, se riant de la ruine et des huissiers, semble-t-il inviter
Raphaël à ne tout simplement pas les rembourser, tout du moins à s’arranger par
différentes intrigues pour en supporter le poids (ce que n’a pas fait le père du jeune
homme de son vivant ) ; le jeu comme l’écriture de faux mémoires font partie de ces
moyens ingénieux et peu scrupuleux dont il use.

2.10. Relisez les pages consacrées au lendemain de fête chez Taillefer (p. 232-234).
Le luxe dont ont joui les invités préserve-t-il du déclin physique ou au contraire
l’accélère-t-il ?
Le luxe ne préserve d’aucune des affres du temps : bien au contraire, il semble
l’accélérer en accroissant les contrastes qui peuvent exister entre l’apparence et la
réalité des individus. Ainsi, le lendemain de l’orgie chez Taillefer, les participants qui
s’éveillent semblent avoir subitement vieilli parce qu’ils ont perdu leur apparence
gracieuse et soignée de la veille : ils s’épouvantent même quand ils se voient tels qu’ils
sont véritablement, sans tous leurs fards, car ils se découvrent plus proches de la mort
qu’ils ne le pensaient.

7
2.11. a) Raphaël devenu riche est-il néanmoins heureux ?
Raphaël riche n’est pas particulièrement heureux car le pouvoir de la peau et l’approche
de la mort l’empêchent de vivre la vie insouciante dont il rêvait.

b) Est-ce l’argent qui lui procure finalement le plus de plaisir ?


Ce n’est pas l’argent qui lui procure finalement le plus de plaisir, mais bel et bien la
passion amoureuse qu’il partage avec Pauline. À ce titre, il était important que cette
passion soit concomitante de sa fortune matérielle.

c) Quel rôle social joue-t-il à son tour et malgré lui ?


Raphaël joue à son tour le rôle du noble fortuné capable de dilapider son argent et de
faire preuve de toutes sortes de lubies incompréhensibles que Jonathas explique à
Porriquet. C’est bien malgré lui qu’il véhicule cette dernière image car il est le seul à
connaître le secret de la peau, qui pourrait justifier son comportement.

2.12. La peau enfin peut-elle apparaître comme un symbole des aléas de la fortune ?
Développez cette hypothèse de lecture.
La peau peut apparaître comme un symbole des aléas de la fortune : elle permet à un
individu ruiné de s’enrichir miraculeusement avant de causer sa mort. Elle symbolise
les hauts et les bas de la vie où un homme peut tout perdre, tout regagner et tout perdre
de nouveau sans autre explication qu’une convergence inouïe des événements. Fortune
est dès lors synonyme de hasard.

Vous aimerez peut-être aussi