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Histoire y Migracion Langer
Histoire y Migracion Langer
Histoire y Migracion Langer
Langer
Graciela Graschinsky de Cohan
Dans Topique 2002/3 (n o 80), pages 63 à 79
Éditions Association Internationale Interactions de la Psychanalyse (A2IP)
ISSN 0040-9375
ISBN 2913062997
DOI 10.3917/top.080.0063
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En tant que psychanalystes, nous avons hérité de Sigmund Freud un intérêt
très spécial pour l’histoire. Notre tâche, lente et minutieuse à la façon de l’archéo-
logue, démolit et bâtit ces axes qui rangent les symptômes, les rêves, la vie.
Cet intérêt nous permet de travailler les concepts universels dans l’espace
artisanal du processus analytique et finalement, transmettre une histoire singu-
lière, résultat de la création que le sujet bâtit à partir de son propre paradoxe.
Penser chaque sujet dans son individualité et traversé par sa propre histoire
inter personnel, implique situer les coordonnées spécifiques de sa vie.
Dans ce cadre, l’un des événements qui établit un « avant » et un « après »,
c’est le changement migratoire.
Si nous tenons compte que le fait d’être étranger est le symbole de l’altérité
qui nous constitue des sujets, assumer cet exil dans un autre pays, dans un autre
cadre culturel et social est un défi qui laisse des traces non seulement chez les
protagonistes mais aussi chez leurs héritiers.
En général, on considère deux types de migrations : la migration volontaire
ou celle qui est forcée. Dans les deux situations, le fait de devenir immigré,
devenir quelqu’un d’« étrange » ou un étranger quand on choisit de changer le
lieu de naissance pour un autre, peut entraîner des résonances affectives impor-
tantes. La présence forte du sentiment de culpabilité du fait d’avoir osé défier
la destinée tout en créant un propre endroit. Le soulagement et l’espoir de se
placer dans un point de départ unique et original.
Paradoxalement, quand il s’agit d’une migration forcée par la persécution
(politique religieuse, raciale, etc.), les frontières entre le monde familial et ce
qui est étrange deviennent réelles, pas imaginaires.
Les conséquences de l’exil dans la vie de Marie Langer, médecin psycha-
nalyste formée dans l’Institut de Psychanalyse de Vienne, qui est arrivée à
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L’EXIL ET SES PÉRIPÉTIES
Marie-Elizabeth Langer (née Glass) est née à Vienne en 1910 dans une
famille de la haute bourgeoisie.
La première migration familiale qui paraît dans son autobiographie est
celle de son grand-père maternel qui est né dans un char dans lequel la famille
parcourait l’Empire Austro-Hongrois puisque la loi empêchait les Juifs de
posséder des propriétés. À partir de 1848, un changement dans les lois
permet à la famille Glass de s’installer à Vienne et un peu plus tard, elle réussit
à avoir une situation économique aisée et atteindre un bon niveau social et
culturel.
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artistes jusqu’à ce que l’arrivée du nazisme a obligé Marie et sa famille à partir.
Je mentionnerai seulement quelques immigrés : Popper, Mahler, Einstein, Freud.
Parallèlement à cette ambiance bouillonnante et novatrice, l’Autriche devait
faire face à une forte crise économique qui a eu des conséquences très graves
pour la famille de Marie. Ses parents ont dû émigrer en Tchécoslovaquie et
ainsi, à 17 ans, elle reste seule dans l’appartement de ses parents :
« Je pouvais signer mes autorisations pour manquer à l’école et j’étais libre
de faire tout ce dont j’avais envie même si cela n’était pas tout à fait vrai parce
que, après tout, dans mon for intérieur je continuais à obéir à mes parents.» 1
Voilà sa première séparation du groupe familial, point de départ de ce qui
deviendra une vie marquée par des migrations forcées. Pourtant, dans chacune
d’elles, elle démontre posséder une grande variété de stratégies et une énorme
créativité, qui évoque, peut-être, le modèle d’identité avec son grand-père
maternel, nomade et plein d’énergie, qui a réussi à enraciner la famille à Vienne.
Dans ces années d’après-guerre et étant donné le type d’éducation qu’elle
a reçu, ses préférences politiques s’orientent vers le socialisme. Cependant,
choquée après avoir entendu Hitler à l’occasion d’un meeting, elle décide
d’adhérer au parti communiste.
« Être entrée dans le parti représentait la possibilité de trouver une nouvelle
ambiance, de nouvelles valeurs, de la solidarité conçue comme une pratique
quotidienne, cela signifiait que ma vie avait du sens au-delà de l’aspect
personnel ». 2
Et elle cite sa maîtresse qui lui disait :
« Les gens disent que tu ne dois pas te mêler de la politique, qu’elle est sale.
Pourtant, si tu ne participes pas activement à la politique, on se servira politi-
quement de toi.» 3
Plus tard elle affirmera que le fait d’appartenir au Parti Communiste
Autrichien et de militer dans la clandestinité lui ont appris, bien avant la guerre
et l’exil, à percevoir le danger. Je me demande si ce permanent état d’éveil
1. Langer M., del Palacio J., Grimberg E., Memoria, Historia y Diálogo Psicoanalítico,
Folios Ed., México, 1981, p. 36.
2. Id., ibid, p. 43.
3. Id., ibid, p. 44.
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avoir participé à une rencontre de médecins pacifistes. Deux fois, au moins, elle
risque sa vie traversant des frontières pour conduire d’importants dirigeants de
son parti.
Parallèlement à la militance, elle obtient son diplôme de médecin à l’âge
de 24 ans. Elle fait ses premières pratiques dans la salle de femmes de la Chaire
de Psychiatrie dirigée par Heinz Hartmann. Est-ce la possibilité d’aider gratui-
tement les femmes les plus pauvres l’une des raisons qui l’ont rapprochée de
la psychanalyse ? Ce qui est certain, c’est que, en 1934, la thérapie analytique
atteint les secteurs le plus défavorisés de Vienne.
En partant de l’expérience développée d’abord par Ferenczi et après, à
Berlin, par la Polyclinique Psychanalytique dans les années 20, on avait créé
la Polyclinique Psychanalytique de Vienne.
Cette institution, appuyée et dirigée par Paul Federn et Hélène Deutch entre
autres, répondait à la tendance généralisée à cette époque-là d’aider les secteurs
le plus pauvres en leur donnant un meilleur service médical qui comprendrait
les aspects psychologiques. À partir de son inauguration, il a éveillé des résis-
tances au milieu psychiatrique à cause de la psychanalyse pratiquée par des gens
qui n’étaient pas médecins. Cependant, peu de temps après, l’institution a gagné
beaucoup de prestige et elle a commencé à former et contrôler les jeunes
candidats. Les conséquences ont été la diffusion de la psychanalyse et une riche
production de la pratique clinique.
La même année, Marie Langer commence son analyse didactique avec
Richard Sterba qui provient de l’Ambulatoire Psychanalytique de Berlin,
où à côté de W. Reich et O. Fenichel constituent le centre d’activité marxiste
de la psychanalyse allemande. Marie est interviewée par Anna Freud et elle
est admise à l’Institut de la Société Psychanalytique de Vienne avec d’autres,
35 candidats, dont 21 femmes. Elle assiste aux cours donnés par Helen Deutch
et elle s’intéresse spécialement à ses études sur la nature féminine. En plus, elle
fait des contrôles cliniques avec Jeanne Groot (née Lampl) et Ernest Krist,
entre autres.
L’expérience des Cliniques Psychanalytiques Communautaires gratuites
a été interdite par le nazisme et elle est tombée dans l’oubli dans l’histoire de
la psychanalyse. Quant à la relation entre la politique et la pratique analytique,
Marie nous dit :
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décision très importante ; pour préserver la psychanalyse, la société et ses
intégrants, on interdisait aux analystes d’exercer toute activité politique illégale
et d’analyser des gens qui se trouveraient dans une situation analogue. Cette
mesure, myope du point de vue politique, a mis les intégrants de la société dans
un état d’anomie, dans un grave conflit de fidélité vis-à-vis non seulement de
leur idéologie politique – s’ils en avaient une – mais aussi de leur éthique
professionnelle. Il est resté dans la pratique trois impasses face à l’analysant
qui militait illégalement : interrompre le traitement, lui interdire de continuer
à exercer sa militance politique ou accepter, dans une alliance non explicite, de
poursuivre son activité mais sans en parler. Ainsi, pour sauver les valeurs de la
psychanalyse on attaquait ces mêmes valeurs dans leur essence.» 4
Pour cette raison, elle n’a pas participé à la célébration de l’anniversaire
de Freud, en 1936, et même si elle a continué la formation, elle a été presque
complètement absorbée par sa militance politique jusqu’à son départ pour
l’Espagne.
Étant donné qu’elle prend la décision de quitter Vienne pendant une période
d’effondrement social et politique, on pourrait penser que pour une jeune fille
de 26 ans habituée à agir dans une ambiance qu’elle connaissait bien, le fait de
partir ait été une expérience traumatique, c’est-à-dire cette circonstance
inattendue trouble la vie psychique et l’individu ne sait pas comment s’y
prendre. Freud utilise le mot « hilflosigkeit » pour définir la sensation d’être
au bord d’un gouffre, sans aucune aide externe, ce qui associe le délaissement
à une situation de danger.
La fonction de base du système psychique est celle de rétablir l’équilibre
troublé par un stimulus externe. L’intensité du choc ressenti par l’individu
dépend de la façon dont sont conjugués son passé et son présent. Il y a des gens
qui ont une plus grande tendance à être écrasés du point de vue traumatique par
les stimulus externes, mais en général, chaque individu a son propre seuil de
rupture.
C’est plus tard que le sujet associe à l’événement son caractère traumatique
et cette lecture dépendra de son histoire.
4. Langer M., El analizando del 2000 . Rev. Arg. de Psicoanalítico. Tomo XXV, n° 3/4, 1968,
p. 629.
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présents dans les émigrations, ne peuvent pas être concrétisés dans l’exil et la
situation d’étranger acquiert plus de force. Le fait d’avoir émigré sain et sauf
n’est justifié que si la douleur de l’exil « a valu la peine ». L’exilé a l’énorme
poids de légitimer et justifier sa permanence dans le pays qui l’a reçu. En consé-
quence, la possibilité de donner un sens et surmonter l’éloignement de l’exil
est un chaînon important dans la propre histoire.
« Nous avons atterri en Espagne sans comprendre très bien ce qui se passait.
Je n’ai jamais vu une ville aussi gaie, si pleine de musique et d’enthousiasme.» 6
Plus tard, c’est la réussite du nazisme en Europe et à la fin de l’année 1939,
Marie est en Uruguay. Heureusement, cette migration a inclus ses parents et sa
sœur. Mais, ils subissent le premier impact dans leur condition d’étrangers à
peine arrivés : on avait promis à Marie que son mari, aussi bien qu’elle,
pourraient exercer la médecine en Uruguay. Pourtant, quand ils s’installent
dans ce pays, ils constatent qu’ils ne peuvent pas travailler sans valider leur
diplôme, ce qui implique des années de préparation et d’étude.
Ainsi, cette jeune femme de 28 ans, qui arrivait à son lycée viennois
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enveloppée dans un manteau de fourrure et emmenée par son chauffeur en
voiture est obligée, pour survivre dans ce pays lointain et subvenir aux besoins
de sa famille, à cuisiner pour d’autres exilés qui, de même qu’eux, subissent
l’énorme douleur d’une migration forcée.
Quand on vit une expérience traumatique semblable à celle de Marie Langer,
il faut élaborer de nouveau nos propres points de repère. Dans plusieurs cas, la
sortie du pays d’origine et le voyage étaient déjà des situations absolument
nouvelles qui défiaient l’équilibre psychique. En plus, la coupure des supports
d’identité avec le groupe familial et social du pays d’origine faisait perdre un
cadre d’appui significatif. À cela, il fallait ajouter la méconnaissance de la
langue. Heureusement, Marie et son mari avaient eu la chance d’apprendre
l’espagnol. Pourtant, le reste de la famille n’a pas eu la même chance, ce qui
limitait l’adaptation initiale. Sa mère a installé une pension à Montevideo et sa
sœur a réussi à transformer son passe-temps viennois en une profession,
devenant la première femme chauffeur d’Uruguay.
Ces quelques renseignements servent à illustrer comment l’immigré fait de
son mieux pour s’adapter à une situation à laquelle il n’est pas toujours préparé.
Il est soumis à des conciliations et à des accommodements qui le mènent à
incorporer des habitudes et des valeurs nouvelles, une autre langue, une autre
façon d’élever ses enfants au détriment de tout ce qu’il apporte de son pays
d’origine. Il est presque obligé à faire face, consciemment ou inconsciemment
à un conflit de fidélités. S’il s’adapte complètement, il trahira ses racines, il
perdra les liens généalogiques qui soutiennent sa filiation à une famille et à une
culture déterminée. S’il garde les paramètres de sa propre culture tout en refusant
ce qui est nouveau, il risque d’être marginalisé dans le pays où il s’est installé.
Un événement fortuit met Marie de nouveau en contact avec la psycha-
nalyse : elle est invitée à faire une conférence à Montevideo sur la psychanalyse
et le marxisme. Elle reprend ainsi une activité qu’elle croyait oubliée.
Marie, accompagnant son mari qui trouve de meilleures chances de travail
à Buenos Aires 7 se met en contact avec un groupe d’intellectuels et de médecins
qui sont profondément intéressés à la psychanalyse.
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au cours desquels le fantôme de la clandestinité de mon cabinet était toujours
présent. J’ai acquis la nationalité argentine après la guerre, et même si pour des
raisons politiques on peut annuler cette nationalité à un étranger, je me sentais
déjà une citoyenne argentine. Quand en 1959 (à l’âge de 49 ans) j’ai réussi à
faire valider de nouveau mon diplôme de médecin à Mendoza, j’ai acquis la
pleine légalité avec la possibilité d’être la présidente de l’Association...
J’aimerais une fois parler de ce que sont les conséquences de l’exil, j’étais une
citoyenne de deuxième classe ».9
Quelques années s’écoulent où les intérêts sociaux et politiques semblent
endormis.
À cette époque-là, les responsabilités inhérentes au développement de la
famille, la menace de se sentir marginalisée dans sa condition d’étrangère sans
le diplôme qui l’habilite pour exercer la médecine, le fait d’être femme et en
plus, de gauche, rendaient plus grave la sensation d’exclusion, si fréquente
dans ce type de migrations. Pour pouvoir surmonter cette situation, elle a fait
appel à une double exigence : d’un côté, elle a été le plus réservée possible par
rapport à la manifestation de ses idées marxistes ; de l’autre, elle s’est consacrée
entièrement au travail clinique, didactique et institutionnel.
« Mais la guerre terminée, il y a eu une coupure : effectivement, pendant
plusieurs décennies, j’ai centré mon dévouement et ma fidélité non sur la
politique mais sur une « militance » institutionnelle-analytique, sans pour autant
rompre complètement les liens avec la gauche.» 10
C’est pendant cette période-là, de 1944 à 1971, qu’elle accumule une
nombreuse production écrite. J’ai compté presque 40 ouvrages parmi lesquels
je tiens à mentionner son texte plus connu : « Maternité et Sexe ».
8. N. B. : Elle a été critiquée parce qu’elle n’avait pas terminé sa formation à l’Institut
Psychanalytique Autrichien, ce qui met en évidence qu’on ignorait la réalité qu’on vivait entre
1937 et 1939. Freud a dû émigrer à Londres en 1938 et en 1939 beaucoup d’analystes qui sont
restés à Vienne sont morts dans des camps de concentration. Si elle y était restée terminer ses
études, elle aurait eu le même sort.
9. Langer, Id., ibid., p. 82.
10. Langer, Id., ibid., p. 79.
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formation analytique.
Il faut mentionner de façon spéciale les contes de science-fiction de Marie
Langer ; la création littéraire sera une espèce de voie ouverte à travers laquelle
elle pourra exprimer ses idées et sentiments les plus intimes par rapport à la
problématique de la discrimination :
« Je crois que tous les psychiatres et psychanalystes sommes d’accord que
la souffrance moderne de l’« homme civilisé », riche de sensibilité n’est pas
associée au domaine sexuel même si celui-ci est souvent atteint après, mais au
domaine des sentiments ; la réalité impose un barrage affectif... Pouvez-vous
imaginer un parachutiste abandonné dans le territoire ennemi, un Juif dans un
camp de concentration, un cosmonaute dans l’immense solitude de l’espace qui
gardent intacte leur sensibilité sans subir les effets de la psychose ? Ce qui peut
aider l’homme à garder sa lucidité, c’est un barrage absolu de ses sentiments
ou bien une profonde foi en l’humanité et sa cause, mais cette capacité n’est
pas trop fréquente. Et même ainsi, il devra acquérir une bonne capacité d’indif-
férence pour se défendre au niveau psychologique et pouvoir trouver ou
maintenir l’activité que sa cause lui exige ».11
Heureusement pour nous, Marie a pu s’appuyer sur sa profonde conviction
et foi en l’humanité.
11. Goligorsky et Langer, Ciencia ficción. Ed. Paidós, 1969. Buenos Aires. P. 147.
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« J’ai pensé que c’était le retour, j’ai pensé que je retournais à l’endroit que
j’avais quitté. J’y ai pensé toute la nuit. Le lendemain, j’ai accepté... « Cette
décision a marqué le début de mon retour à la politique ».12
À cette époque-là, de 1964 à 1974, Buenos Aires, comme la Vienne des
années 20, était un centre d’activité politique intense. Un groupe de jeunes
analystes a créé un mouvement qui a donné naissance à « Plataforma » et
« Documento », précipitant la rupture avec l’institutionnalisation de la psycha-
nalyse, telle qu’elle était structurée par l’Association Psychanalytique Argentine.
Marie Langer s’identifie à ces psychiatres et psychologues qui essayaient
de modifier les structures de la pratique de la santé mentale, sensibilisés au
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contexte social et politique et qui lui faisaient rappeler sa propre posture face
à la structure institutionnelle viennoise.
Probablement, elle s’est reconnue elle-même quand elle dirigeait Sterba,
entre autres, se trouvant dans la même impasse qu’en 1936 : la psychanalyse
ou la politique.
Ainsi, comme avant, la même opposition se répétait : d’un côté, le groupe
des vieux analystes dont elle faisait partie et de l’autre, les jeunes, enthousiastes
et voulant organiser quelque chose qui ressemble aux Polycliniques ou les
Ambulatoires Psychanalytiques de Berlin et Vienne.
Dans ce sens, elle oriente son travail de recherche vers l’activité groupale,
tâche qu’elle concrétise lors de la création, avec d’autres collègues, de
l’Association Argentine de Psychothérapie de Groupe, ayant le but de récupérer
l’esprit des premiers instituts psychanalytiques et les Polycliniques.
Au-delà de la présence silencieuse de l’expérience traumatisante, j’imagine
l’effort qu’elle a dû faire pour prêter toute sa capacité de symbolisation au
besoin de récupérer les traces de la perte lors de son exil. C’était, je crois,
l’unique chance de changer son histoire.
Elle a pris le défi lié à son passé et, cohérente avec son intégrité éthique,
elle a choisi, à partir de ce moment-là, l’option d’une psychanalyse qui ne
s’oppose pas à ses idéaux politiques.13 Pour cela, elle décide de démissionner
à son poste de Membre Enseignant de l’Association Psychanalytique.
Voilà comment, entourée des jeunes membres de « Plataforma » et « Docu-
ment », travaillant à la Fédération Argentine de Psychiatres, elle se permet pour
la première fois dans son exil argentin de déployer avec intensité toute l’énergie
de ses intérêts politiques et sociaux qu’elle avait retenue les dernières années.
Dans cette période, je m’arrête un moment pour analyser une circonstance
particulièrement significative. En 1971, on organise le Congrès International
à Vienne, pour la première fois après la guerre. Pour Marie, comme d’ailleurs
pour tant d’autres analystes viennois (Anna Freud, par exemple), le fait de
retourner à la ville qui les avait expulsés 33 ans avant, avait une connotation
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trouve des raisons très personnelles et d’autres probablement communes à
beaucoup de gens parmi nous, ceux qui avions émigré. Nous avons dû refaire
notre position, pendant un certain moment nous avons manqué de diplôme
national qui nous permette de travailler légalement, nous n’étions pas sûrs et
nous nous sentions étranges dans ce nouveau pays. Nous ne connaissions pas
assez son histoire ni sa structure politique, notre accent révélait que nous étions
étrangers. Nous en avions assez de lutter et nous avions très peur ».15
« Mais j’ai choisi la solution la plus facile : accepter, en échange de mon
idéologie, une Weltensdaung psychanalytique, même si celle-ci, selon Freud,
n’existe pas en tant que telle. On ne peut pas nier que Freud avait raison ».
Elle termine ainsi :
« Pour que notre science puisse survivre dans la nouvelle société qui appro-
che et pour qu’elle puisse contribuer à aider dans ce qui arrive dans un autre
domaine, cette fois-ci nous ne renoncerons ni au marxisme ni à la psychanalyse ».
« J’ai arrêté de lire. D’abord le silence... J’ai appris qu’on ne perd pas
seulement dans une rupture, on y gagne aussi.» 16
Dans son autobiographie elle dit :
« Nous sommes psychanalystes et nous trouvons importante la psycha-
nalyse. Nous avons constaté qu’elle sert pour que l’homme se connaisse
lui-même mieux et qu’il connaisse mieux l’autre, pour qu’il se mente moins ».
Ce sont des années intenses où l’on peut surmonter la rupture dans la trans-
mission entre la génération des années 30 en Europe et la génération des 70 en
Amérique ; Marie rompt le silence et se permet la continuité d’une lutte vitale
pour elle ; mais elle est à nouveau obligée de partir.
En 1974 éclate la persécution politique plus dramatique de l’histoire
argentine du XXe siècle. Le danger de « disparaître » (euphémisme avec lequel
on faisait allusion à la torture et à l’assassinat des militants et opposants au
régime), l’oblige, plus en raison d’une décision familiale que par sa propre
volonté, à reprendre le chemin de l’exil.
Cette migration n’est pas facile non plus et avec ses mots elle nous rappelle
la douleur et la culpabilité de ceux qui sauvent leur vie en s’exilant.
« ... j’ai appris que j’étais dans la liste de la triple « A ». Je suis partie, mais
pendant longtemps je me suis sentie coupable et j’avais honte de ne pas être
restée pour terminer ma mission.» 17
Elle choisit le Mexique où habite sa fille aînée. Depuis ce moment-là jusqu’à
sa mort, elle développe une intense activité et elle réussit à lier ses grands
intérêts, la psychanalyse et le marxisme. Il est vraiment émouvant qu’elle ait
pu concrétiser son rêve précisément au Mexique puisque c’est le premier pays
qu’elle a choisi quand ils quittaient l’Europe en 1939 :
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« Quand nous avons appris que Lázaro Cárdenas avait ouvert le Mexique à
tous les réfugiés politiques et raciaux, je me suis réveillée de ma dépression.
On va partir à zéro, j’ai dit à Max...
Quand nous avons débarqué en Uruguay, il nous a suffi de présenter le visa
mexicain que nous avions demandé dès l’Europe.» 18
Quand Marie Langer est arrivée à Buenos Aires, l’Amérique était le refuge
pour les Européens qui s’échappaient du nazisme. Aujourd’hui, par contre, nos
pays voient en Europe la possibilité de l’épanouissement personnel.
Il y a une migration de retour après un idéal difficile à atteindre. Dans
plusieurs cas, elle devient une répétition non élaborée des antérieures et, très
probablement, une expérience traumatique qui s’ajoute au déracinement et au
sentiment d’« expatriés » qui accompagne les immigrés.
Même si quand – selon Julia Kristeva – nous provenons tous d’une terre
inconnue et nous continuons à être attachés par mille liens énigmatiques à notre
patrie inconsciente. « Inquiétant, l’étranger est en nous-mêmes, nous sommes
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nos propres étrangers, nous sommes des êtres divisés ».19
ÉPILOGUE
On m’a dit : on se voit chez Mimi mercredi à 6 heures du soir. J’ai demandé,
incrédule : quelle Mimi, Marie Langer ? Oui.
En juin 1977, j’étais au Mexique avec beaucoup d’Argentins, Chiliens et
Uruguayens. J’essayais d’affronter une migration forcée à cause des conditions
politiques en Amérique du Sud.
En raison de la répression organisée par le gouvernement militaire de mon
pays, l’Argentine, le manque d’information sur le sort de beaucoup d’intellec-
tuels, scientifiques et psychanalystes était total. De là, mon étonnement quand
j’ai appris que Marie Langer était à Mexico, comme tant d’autres dont quelques-
uns partagent cette rencontre.
Installée depuis quelques années dans une belle maison qui traduisait l’esprit
chaleureux de sa propriétaire, Mimi avait transformé ce coin de la ville en un
refuge solidaire pour tous ceux qui venaient de Buenos Aires, Córdoba,
Montevideo, Santiago de Chile.
Un jour par semaine, elle réunissait tous les analystes pour faire ce
qu’elle appelait le Contrôle. Ils travaillaient sur le matériel des analysants
qui se rendaient à un service qui dépendait de l’Université Nationale Auto-
nome de Mexico. Mais en plus, cela nous permettait de rétablir les liens pro-
fessionnels et sociaux momentanément perdus après le changement de pays.
On redevenait psychanalystes. Nous établissions des liens de soutien, on repre-
nait les amitiés perdues, on pouvait connaître les caractéristiques particu-
lières du milieu et de la culture mexicains, les tournures du langage, la pratique
clinique.
De ces réunions, j’ai gardé un souvenir qui est resté pendant ces 23 ans
écoulés : celui qui évoque le bruit des sirènes provenant de la rue. Cela faisait
peur au groupe, qui restait silencieux après avoir interrompu la discussion.
Mimi nous rassurait gentiment : « c’est une ambulance. Ne vous inquiétez pas.
Ici, la sirène de la police est différente. »
Ainsi, elle imposait le critère de la réalité : elle rappelait ceux qui avaient
échappé de la répression policière qu’ils étaient sains et saufs. Mais en même
temps, elle soulignait que c’était un autre pays, mettant en contexte l’expé-
rience migratoire. La gentillesse affectueuse de son style simple et naturel
réussissait son objectif et on retournait au travail.
Marie reste mon modèle ; il est possible d’offrir des mots à la muette
présence de l’expérience traumatique, tout en liant le présent au passé, en le
transformant en souvenir qui peut dissoudre la douleur de la perte.
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Ce que j’ai écrit est le témoin de ma dette envers Marie lors de ces ren-
contres : donner un sens plein à l’éthique de l’analyste jusqu’au point où chacun
puisse la défendre.
BIBLIOGRAPHIE
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78 TOPIQUE
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Dans le contexte de ce choc culturel vécu par l’immigré, tout son effort est au servi-
ce d’une adaptation pour laquelle il ne peut pas être préparé internement. Il est soumis à
des accommodements et adaptations qui le mènent à incorporer de nouvelles valeurs et
habitudes, une autre langue, au détriment de ce qui lui est propre. Il s’affronte à un conflit
de fidélité ; s’il adapte complètement, il trahira ses racines, autrement, il sera marginali-
sé. À tout cela, il faut ajouter, dans la migration causée par l’exil, un sentiment très fort
d’exclusion. Ceux qui sont obligés de quitter leur pays pour des raisons politiques ou reli-
gieuses, ont, en plus de la perte de leur monde familial, le sentiment troublant de se sen-
tir coupables d’être survivants. La perte couvre tout de la sensation nostalgique qu’il sera
impossible de s’adapter aux conditions du nouveau pays. Mais en même temps, les immi-
grés sont reconnaissants d’être sains et saufs alors que d’autres n’ont pas eu la même
chance.
Si nous acceptons que chaque sujet est une caisse de résonance des attachements trau-
matiques qui se produisent entre le pays d’origine et le pays d’adoption, nous ne pouvons
pas ignorer les traces que les mouvements migratoires forcés laissent dans leur histoire.
Une expérience migratoire peut avoir des connotations positives, comme une référence
passée de héros et pionniers, ou négatives, comme un événement présent, sans connota-
tions historiques, sans liens de cause et condamnée à la répétition. Le Docteur Marie
Langer a pu redonner un sens à cette expérience quand elle a dû faire face à un deuxième
exil de Buenos Aires à Mexico en 1974, encore pour des raisons politiques.
La transmission de l’histoire des psychanalystes pionniers dans nos pays est une
forme de remémoration, de retrouver le passé, de voir tous les anneaux de la chaîne géné-
rationnelle ; le fait de savoir d’où nous venons en nous appropriant nos racines nous per-
met de construire le désir pour l’avenir de la psychanalyse.
Bref, l’auteur trouve que pour comprendre les liens avec les générations pionnières de
la psychanalyse qui ont subi l’exil, il est utile de considérer les différences entre le pré-
sent et le passé, entre le pays qui expulse et celui qui accueille.
Mots-clés : Migration – Déracinement – Expérience traumatique – Marie Langer –
Histoire psychanalyse latino-américains.
GRACIELA GRASCHINSKY DE COHAN – 79
HISTOIRE, MIGRATION ET DÉRACINEMENT : LE LEGS DE MARIE LANGER
Summary : The author of this article uses Freudian notions of the traumatic situation
and abandonment to study the effects of forced migration on the development of European
psychoanalysis in the second half of the twentieth century. The article will throw light on
the effects of exile as reflected in the biography of an analysand of Dr Sterba, Dr Marie
Langer, who came to Buenos Aires in 1937, and we will see how this initially traumatic
situation became for her an enriching experience and left an important legacy for Argentinean
and Mexican psychoanalysts.
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In the context of the cultural shock experienced by the immigrant, all the latter’s efforts
are spent on adapting to a change that he/she is not mentally prepared for. The immigrant
is subjected to changes and compromises that force him/her to take on board new values
and customs, a new language, in ways that may often run contrary to what he/she is used
to. The immigrant finds him or herself in a position of divided loyalty ; adapting totally to
the new environment means betraying one’s own roots, but not adapting means becoming
ostracised. To this must be added, especially in cases of exile, a strong feeling of exclusion.
Those who are forced to flee their country for political or religious reasons suffer not only
from the loss of their family environment but also from the strange feeling of guilt at having
survived. This sense of loss includes the feeling of nostalgia that makes it seem impossible
to adapt to the new living conditions of another country. At the same time, immigrants of
this kind are always grateful still to be alive, while others were not always quite so lucky.
If we hold that each individual functions like a resonance chamber for the traumatising
correspondences that are established between the home country and the land of adoption,
it seems impossible to overlook the traces that forced migration leaves on the personal
history of the migrant. Migrating can have positive effects, like references to past heroes
and pioneers, or negative effects, seen as a purely present experience devoid of historical
connotations, with no causal explanation and seemingly fated to be ever-repeating. Doctor
Marie Langer was able to endow her experience with meaning when she was faced with
exile for the second time, forced to flee from Buenos Aires to Mexico in 1974, again for
political reasons.
The transmission of the history of these pioneering psychoanalysts in our countries
becomes a kind of commemorative act, a way of rediscovering the past and revisiting all
the different links in the trans-generational chain ; knowing where we come from by appro-
priating roots for ourselves allows us to build up our desire to see a future for psychoanalysis.
In short, the author of this article believes that if we are to understand the links we have
with the pioneering generations of psychoanalysis that were forced into exile, then we must
also consider the differences between past and present, between the country that forced them
into exile and that which offered them a new home.
Key-words : Migration – Uprooting – Traumatising experience – Marie Langer – the
History of Psychoanalysis in Latin-America.