Vous êtes sur la page 1sur 12

Cah. Agric.

2023, 32, 25
© E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple, Hosted by EDP Sciences 2023
https://doi.org/10.1051/cagri/2023018

Disponible en ligne :
www.cahiersagricultures.fr

ARTICLE DE RECHERCHE / RESEARCH ARTICLE

Politique d’import-substitution au blé et compétitivité des farines


panifiables à base de manioc, banane plantain et patate douce
au Cameroun
Eric Joël Fofiri Nzossié1,2,* et Ludovic Temple3,4
1
Université de Ngaoundéré, Département de Géographie, Ngaoundéré, Cameroun
2
UMR 201 Développement & Sociétés, IRD-IEDES, BP. 320, Yaoundé, Cameroun
3
CIRAD, UMR INNOVATION, F-34398 Montpellier, France
4
INNOVATION, Univ Montpellier, Montpellier, France

Résumé – Cette étude a pour objectif de documenter le renouvellement d’une politique alimentaire
d’import-substitution au Cameroun. Elle interroge en quoi la production de farines panifiables à partir de
productions vivrières locales (manioc, banane plantain, patate douce) peut devenir compétitive par rapport
aux importations de blé. Elle utilise pour cela un cadre d’analyse de filière et de cluster alimentaires, ainsi
que des bases de données primaires et secondaires et des enquêtes. Les résultats confirment une tendance à
l’importation croissante de blé, qui présente des risques à l’avenir pour la souveraineté alimentaire. Ils
montrent qu’il est difficile de se concentrer uniquement sur un objectif de substitution à la farine importée.
La production nationale de manioc, de banane plantain et de patate douce fournit encore peu d’excédents
pour répondre aux besoins d’une production industrielle de farines panifiables. En revanche, ces résultats
confirment l’opportunité de développement de clusters constitués de petites unités de transformation
valorisant une diversité de produits locaux à partir des produits amylacés tropicaux.

Mots clés : blé / manioc / plantain / import-substitution / système alimentaire / cluster / Cameroun

Abstract – Wheat import-substitution and competitiveness for cassava, plantain and sweet potato-
based bread flour in Cameroon. This study aims to document the renewal of an import-substitution food
policy in Cameroon. It examines how the production of bread flour from local food crops like cassava,
plantain and sweet potato can become competitive with imported wheat. This study uses a food chain and
cluster analysis framework, coupled with primary and secondary databases and surveys. The results confirm
the trend towards wheat imports, with risks on future food sovereignty. However, it will be difficult to focus
solely on the objective of substituting imported flour. Domestic production of cassava, plantain and sweet
potato still provides little surplus to meet the needs of industrial production of bread flour. Nevertheless,
these results confirm the opportunity to develop clusters made up of small processing units that add value to
a diversity of local products from tropical starch products.

Keywords: wheat / cassava / plantain / import-substitution / food system / cluster / Cameroon

1 Introduction alimentaire par le soutien à la préférence nationale en matière


de consommation. Cet axe est argumenté par l’accroissement
Le secteur agricole et alimentaire fait l’objet au Cameroun structurel des importations alimentaires centrées sur le riz, la
d’une politique publique structurée par différents cadrages farine de blé et de méteil depuis 1961. Ces importations
stratégiques pour promouvoir un pays émergent à l’horizon renforcent le déficit de la balance commerciale et exposent la
2035. Une ambition de cette politique, inscrite dans sécurité alimentaire d’une population à bas revenus à
la Stratégie nationale de développement 2020–2030 l’instabilité croissante des marchés internationaux. Ces
(République du Cameroun, 2020), est d’assurer la souveraineté importations sont d’autant plus paradoxales que l’objectif
d’autosuffisance alimentaire est affirmé depuis l’Indépendance
et que le Cameroun, exportateur de matières premières
*Auteur de correspondance : fofiri_eric@yahoo.fr agricoles, peut produire et transformer une large gamme de

This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC-BY-NC (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0),
which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, except for commercial purposes, provided the original work is properly cited.
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Importaons blé et farines par habitant au


Cameroun
Données FaoStat - Graphique Auteurs
kg blé/hab kg Farine/hab
35
30
25
20
15
10
5
0

Fig. 1. Importations de blé et de farines par habitant au Cameroun.


Fig. 1. Wheat and flour imports per capita in Cameroon.

produits alimentaires. Au regard de cette interpellation macro- – 6 responsables des administrations en charge de l’agri-
économique, cet article questionne en quoi la production de culture et du développement industriel et gestionnaires de
farines panifiables à partir des productions vivrières de manioc projets et programmes agricoles ;
(Manihot esculenta), de banane plantain (Musa x paradisiaca) – 10 sociétés coopératives de producteurs et transformateurs ;
et de patate douce (Ipomoea batatas) peut devenir compétitive – 20 membres du Syndicat patronal des boulangers du
par rapport aux importations de blé centrées sur la farine pour Cameroun et du Groupement patronal interprofessionnel.
la production du pain et des pâtes alimentaires.

2 Cadre conceptuel et méthode


3 Les enjeux de la transformation
Le cadre conceptuel et méthodologique mobilise de structurelle du secteur agro-industriel
manière complémentaire un référentiel d’analyse de la au Cameroun
compétitivité des filières agricoles (Temple et al., 2011,
2023 ; Falciola et al., 2020) et des conditions d’émergence Les importations de blé et de farine de blé augmentent
territorialisée d’unités de transformation alimentaires structurellement depuis 1961, mais l’analyse historique
(Requier-Desjardins et al., 2007 ; Otsuka et Ali, 2020). Nous révèle deux moments clés. À partir de 1995, les importations
utilisons deux sources d’information : tout d’abord les bases de de farine sont remplacées par des importations de blé, en lien
données secondaires de la FAO et celles de l’Institut national avec l’émergence d’une industrie nationale de minoteries.
de la statistique (INS), des ministères de l’Agriculture et du À partir de 2008, on observe une augmentation quasi
Commerce, mais aussi générées par des programmes et projets exponentielle des importations en termes de tonnage et de
agricoles du ministère de l’Agriculture : kilos par habitant (Fig. 1). Entre 2019 et 2022, la forte
– Programme national de développement des racines et augmentation (100 000 tonnes) des importations interroge
tubercules (PNDRT) ; sur les déterminants liés aux marchés internationaux
– Programme d’investissement et de développement des (Dury et al., 2021) et la possibilité de réexportation (Tchad
marchés agricoles (PIDMA) ; et République centrafricaine), cependant peu identifiés par les
– Projet de veille et de renforcement de la sécurité statistiques douanières mobilisables dans la Communauté
alimentaire (PNVRSA) ; économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).
– Projet de développement des chaînes de valeurs agricoles Le Cameroun importe ainsi en 2021 plus de 909 497 tonnes de
(PDC_VA). blé pour une valeur de 283 millions de dollars. La charge en
devises dans la balance commerciale se fait au détriment de
Nous avons ensuite collecté des informations lors biens d’équipements.
d’enquêtes individuelles ou collectives conduites d’avril à La compétitivité étant déterminée par différents attributs
juillet 2021 auprès de structures administratives, coopératives – qualité, coûts de production et de transaction, organisation
et entrepreneuriales : des marchés, externalités socio-économiques (Temple et al.,

Page 2 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Valeur des importaons de blé et farine de blé par habitant au Cameroun (en
dollar)
14,00
Blé (Valeur) Farine blé (valeur)
12,00

10,00

8,00

6,00

4,00

2,00

0,00
1965
1967
1969
1971
1973
1975
1977
1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
2015
2017
2019
2021
Source Données : FAO-Stat - Graphique : Auteurs 2022

Fig. 2. Valeur des importations de blé et farine de blé par habitant au Cameroun (US$).
Fig. 2. Value of wheat and wheat flour imports per capita in Cameroon (US$).

2023) –, elle est souvent révélée par l’évolution relative des L’ambition de politique nationale de renouveler les
parts de marché en volume et en valeur d’un pays (Falciola objectifs de promotion du « Made in Cameroon » dans la
et al., 2020). L’évolution des importations physiques de blé par transformation du secteur agro-industriel par une politique de
habitant révèle une perte de compétitivité de l’agriculture substitution aux importations se trouve ici pleinement justifiée
vivrière camerounaise. L’analyse d’évolution du même pour : (i) réduire le déficit de la balance commerciale ; (ii)
indicateur en valeur différentie trois périodes. Avant 1993, éviter l’extraversion des habitudes de consommation alimen-
les importations en valeur de blé par habitant sont inférieures à taire et la perte de souveraineté alimentaire à l’avenir. Cette
2 $/habitant. Entre 1999 et 2008, elles doublent à 4 $/habitant. ambition interpelle la connaissance du potentiel national
Depuis 2008, elles se situent entre 4 $ et 10 $, avec une d’innovation technologique sur les farines locales.
moyenne de 8 $/habitant (Fig. 2). Cette tendance présente le
risque d’une dépendance structurelle du système alimentaire
3.1 L’import-substitution, socle de développement du
camerounais aux marchés internationaux et donc d’une perte
potentielle de sa souveraineté alimentaire à l’avenir, alors que tissu industriel et économique
ce pays dispose pourtant d’une large gamme de productions Le Cameroun affirme dès son Indépendance en 1960 sa
vivrières, de bonnes potentialités agronomiques et d’une volonté d’investir dans la production agro-industrielle
culture alimentaire identitaire. nationale (Varlet, 2000). La décennie 1970, caractérisée par
Cette tendance confirme des travaux des années 1980 l’interventionnisme de l’État, marque l’ère des sociétés
(Boutrais, 1982) qui, observant l’évolution de la consommation publiques d’encadrement et de formation des paysans
de blé (pain industriel, pâtes alimentaires, beignets, pâtisseries et (Courade, 1983 ; Fofiri Nzossié, 2013). La création de ces
biscuiterie), constataient une massification de la consommation sociétés a contribué à assurer un équilibre relatif de la balance
de pain. Le contrôle du prix du pain bénéficie depuis commerciale jusqu’au désengagement des politiques publi-
l’Indépendance d’une régulation et la farine de blé a acquis ques dans la décennie 1980.
une fonction de stabilisation sociale dans la gouvernance
sociopolitique (exonérations fiscalo-douanières des céréales en
2008), renforçant probablement cette tendance. Cela contribue à 3.2 Revenir sur l’extraversion des habitudes de
solidifier la compétitivité des filières d’importation de blé au consommation
regard des filières de transformation des productions vivrières
locales. Le blé importé bénéficie par ailleurs de subventions Les importations agroalimentaires révélatrices de situ-
significatives dans les pays producteurs. Ce n’est pas le cas des ations d’extraversion des habitudes de consommation alimen-
produits amylacés tropicaux (manioc, banane plantain, patate taire restent principalement focalisées sur l’adoption du riz et
douce). Depuis 2008, le prix à l’importation du blé (calculé par des pâtes alimentaires. Les importations de riz, de 300 000 ton-
division de la valeur des importations sur les volumes) est en nes en 2009, sont passées à 894 485 tonnes en 2019 (INS,
diminution structurelle (Fig. 3). 2021). Elles sont cependant moins significatives que celles du

Page 3 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Prix d’importaon de blé et de farine (dollar/kg)


Source : Données FaoStat - Graphiques auteurs
1000
900 Prix Blé $/kg Prix farine $/kg
800
700
600
500
400
300
200
100
0

2021
1961
1964
1967
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
2015
2018
Fig. 3. Prix d’importation du blé et de la farine (US$/kg).
Fig. 3. Import prices for wheat and flour (US$/kg).

Importaon des pâtes alimentaires au Cameroun (kg/habitant)


1,20

1,00

0,80

0,60

0,40

0,20

0,00
1977

2009
1965
1967
1969
1971
1973
1975

1979
1981
1983
1985
1987
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2001
2003
2005
2007

2011
2013
2015
2017
2019
2021

-0,20
Source : Données FAOSTAT - Graphique : Auteurs

Fig. 4. Importation de pâtes alimentaires au Cameroun (kg/habitant).


Fig. 4. Pasta imports into Cameroon (kg/capita).

blé. Les importations de pâtes alimentaires connaissent en énergétiques du séchage (Tran et al., 2022), à l’incertitude d’un
revanche une augmentation exponentielle depuis 2004 pour approvisionnement régulier en farines locales panifiables, aux
atteindre 26 890 tonnes en 2020 (Fig. 4), cela malgré des différentiels de coût entre la farine de blé et les farines locales
mesures législatives prises en 2013 (Loi n°2013/004 et et à l’ancrage des habitudes alimentaires des consommateurs
n°2014-11) régissant les conditions d’investissement favora- dans les produits à base de farine de blé (pâtes alimentaires).
bles à la production nationale de pâtes alimentaires à partir de Ce dernier argument est cependant controversé (Thiele et al.,
la farine de blé. 2021). Ainsi, au dernier comice agropastoral du Cameroun en
Le constat ci-dessus interpelle l’option stratégique 2011, les dégustations de pain à base de farines locales ont
d’utiliser les farines locales panifiables comme substitut à la révélé l’adhésion des populations au pain enrichi à 10–20 % de
farine de blé. Les diverses tentatives régionales dans cette voie farine de manioc et de maïs (Bimogo, 2020). Par ailleurs, plus
se sont soldées par des échecs liés à une certaine hostilité de la de la moitié de la consommation alimentaire est constituée de
filière classique (moulin, boulangerie), aux contraintes racines, tubercules et céréales, qui fournissent 48 % des
technologiques inhérentes à la faible soutenabilité des coûts calories totales (Ambagna, 2018).

Page 4 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Les tendances à l’amplification et à la multiplication des crises d’autres demandes bioéconomiques potentielles. Ainsi, au
économiques, sanitaires et militaires (pandémie de Covid-19, Cameroun, le manioc commence à être demandé pour extraire
guerre russo-ukrainienne, détérioration des termes de l’échange) de l’amidon à des fins d’usage industriel non agricole :
réhabilitent ainsi l’objectif d’une souveraineté alimentaire, pressings, industries de cartonnerie, plastiques, industries
permettant d’affranchir une économie nationale de sa dépendance agroalimentaires parfois externes (acheteurs chinois).
trop forte à des marchés internationaux contrôlés par quelques Cette faisabilité invite à distinguer deux facteurs de
firmes multinationales, instrumentés comme « arme alimentaire » différenciation entre les trois spéculations ciblées (plantain,
par d’autres, et/ou à un nombre réduit de pays. manioc, patate douce) : le rendement agricole et le taux de
matière sèche transformée. Ainsi, pour chacune des hypo-
thèses d’incorporation, le besoin identifié en farine panifiable
3.3 Les innovations technologiques
détermine le besoin équivalent en matière première agricole. Il
pour la production de farines locales panifiables
se situerait, au regard des hypothèses retenues, entre 119 000 et
Plusieurs institutions d’enseignement et de recherche 476 000 tonnes pour le manioc, 143 000 et 572 000 tonnes pour
nationales et internationales, ainsi que des cadres de stratégie la banane plantain et la patate douce.
publique, documentent différents projets d’investissement
industriel (firmes étrangères ou nationales) pour la production 4.2 Une faible compétitivité des farines locales
de farine panifiable à base de banane plantain, en réalité peu sur les marchés domestiques
mis en œuvre. En revanche, les initiatives d’organisations de
producteurs confirment la professionnalisation de la trans- L’analyse à long terme du prix nominal comparé du manioc
formation agro-artisanale de manioc, de banane plantain et de (tubercules), de la banane plantain et de la farine de manioc
patate douce par de petites et moyennes entreprises (PME). aboutit à deux conclusions.
Depuis quelques années, la qualité des farines panifiables à Tout d’abord, le prix de la banane plantain fraîche étant
base de manioc et de banane plantain (taux d’humidité, règles quasiment le double de celui du manioc frais, les potentialités
d’hygiène, maîtrise du blanchiment, conditionnement/embal- d’usage de la banane plantain pour produire de la farine à usage
lage) s’est beaucoup améliorée. Mais en raison de l’atomisa- industriel sont improbables au regard du coût de la matière
tion de ces PME, l’évaluation de l’offre agro-artisanale reste première.
difficile. Au-delà des facteurs d’émergence suscités, ces En second lieu, le prix du manioc frais a doublé entre 2012
initiatives mobilisent des chercheurs nationaux sur les et 2021, tendance également observée pour la farine de manioc
conditions de solidification du secteur des PME, elles qui a atteint 400 FCFA/kg au consommateur en 2021.
bénéficient de financements de projets étatiques pour les L’augmentation du prix du manioc frais répond à un usage
activités de transformation (Projet de développement des croissant du manioc dans l’élaboration de nombreux produits
racines et tubercules, Projet d’investissement et de dévelop- locaux (Gari, Bibolo, Miondo, cossettes de manioc) qui
pement des marchés agricoles), et sont soutenues par le structurent le développement d’un secteur agro-artisanal basé
plaidoyer de la société civile pour la consommation du « Made sur l’évolution des habitudes alimentaires (Fig. 5) et
in Cameroon ». Au regard du potentiel agrotechnologique, exportateur sur le marché régional.
l’implémentation de la politique de transformation structurelle L’évaluation de la compétitivité par évaluation comparative
du secteur implique une meilleure connaissance de la demande des prix entre farine de blé et farines locales à partir des prix sur
nationale en farine locale panifiable. les marchés domestiques montre que le kilo de farine de manioc
varie de 750 à 1000 FCFA et celui de la banane plantain et de la
patate douce de 750 à 1700 FCFA, à Douala et Yaoundé. Ces prix
4 L’évaluation de la demande potentielle sont très élevés comparativement à celui du kilo de farine de blé
en farines locales et les opportunités (350 à 550 FCFA). Il révèle pour partie la non-compétitivité
de marché actuelle des farines locales. D’autres éléments de compétitivité
hors prix seraient cependant à analyser au niveau institutionnel
4.1 Quelle demande nationale en farines panifiables ? concernant les facteurs culturels, anthropologiques, techniques,
technologiques et nutritionnels (Tab. 1).
Pour documenter la demande nationale en farines, l’étude a
Ces résultats mettent en évidence un ensemble de facteurs
retenu quatre hypothèses d’incorporation de farines locales
défavorables pour les farines locales d’ordre fiscalo-douanier,
dans les produits de boulangerie et de pâtisserie, respective-
technico-technologique, nutritionnel, commercial, écono-
ment à 5 %, 10 %, 15 % et 20 %. Suivant les hypothèses
mique ou de différentiel de subventions publiques. Ils sont
d’incorporation ci-dessus, les besoins en farines locales en
autant de défis pour le développement des farines locales.
2020 seraient respectivement de 35 000, 71 000, 107 000 et
143 000 tonnes. Le Syndicat national des patrons de boulan-
gerie du Cameroun exprimait quant à lui, suite à des 5 Les défis de la mise en place
concertations gouvernementales pour la mise en place d’une d’une politique d’import-substitution
inter-profession des farines locales en 2018, un besoin annuel
de 50 000 tonnes en farines locales panifiables, ciblé sur la La faisabilité d’une politique d’import-substitution par la
boulangerie et la pâtisserie avec un taux d’incorporation production de farines locales interroge en soi la disponibilité de
minimum de 10 % de farines locales. La faisabilité de cette la matière première agricole, c’est-à-dire simultanément celle
substitution interroge la disponibilité de la matière première au de la production agricole et celle de la performance des
regard de la capacité d’ajustement de la production, mais aussi équipements de transformation d’autre part.

Page 5 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

700

600

500

400

Manioc frais (moy. Douala- 300


Yaoundé-Baffoussam)
Farine de manioc (moy. Douala- 200
Yaoundé)
Plantain 100

0
juil-12

juil-13

juil-14

juil-15

juil-16
janv-16

juil-17

juil-18

juil-19

juil-20
janv-12

janv-13

janv-14

janv-15

janv-17

janv-18

janv-19

janv-20
Source Données : INS - Calculs : L.Temple - E.Fofiri 2022

Fig. 5. Prix au consommateur du manioc frais et de la farine de manioc sur les marchés de Yaoundé au Cameroun (FCFA/kg).
Fig. 5. Consumer prices for fresh cassava and cassava flour on Yaoundé markets in Cameroon (FCFA/kg).

Tableau 1. Analyse comparative des facteurs de compétitivité entre farine de blé et farines locales.
Table 1. Comparative analysis of competitiveness factors between wheat flour and local flours.

Facteur de compétitivité Farine de blé Farines locales

Exonérations fiscales sur les importations de blé dur Oui Non concernées
Exonérations fiscales sur l’importation des équipements de Oui Non concernées
minoteries
Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les farines locales Oui Oui
distribuées dans les grandes surfaces
Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les équipements de Non concernée Non déterminé
transformation de fabrication locale
Niveau de performance des équipements de transformation Non concernée Très faible, voire nul
de fabrication locale pour la production à grande échelle
Propriétés organoleptiques/nutritives de la farine Faibles Propriétés nutritives spécifiques pour l’alimentation
infantile en cas d’urgence (crise), pour l’alimentation
diététique
Existence d’une structure faîtière capable de porter un Oui Oui (plusieurs inter-professions de producteurs portent
plaidoyer auprès des instances nationales de régulation du individuellement le plaidoyer auprès des ministères
marché sectoriels)
Facteur culturel et anthropologique (influence du Fortement positif Faiblement établi
mimétisme sur le choix des consommateurs)

Source : auteurs (avril 2022).

5.1 Manioc et banane plantain : deux spéculations au développement de l’industrie artisanale (transformation en
davantage porteuses d’enjeux de sécurité alimentaire bâton, gari, farine pour la boule). Une dizaine de variétés
que de transformation industrielle cultivées circulaient en milieu paysan. De nos jours, selon les
statistiques, le manioc constitue la principale culture vivrière au
En 1929, les recherches agronomiques relevaient déjà la Cameroun depuis les dix dernières années. La production
place privilégiée du manioc dans les agrosystèmes locaux augmente rapidement depuis 2005 et atteint 500 000 tonnes en
(Hédin, 1929), tant dans l’alimentation que pour sa contribution 2019 (Fig. 6).

Page 6 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Fig. 6. Évolution de la production de manioc et de banane plantain (tonnes).


Fig. 6. Evolution of cassava and plantain production (tons).

Fig. 7. Évolution des rendements de manioc et de banane plantain au Cameroun (tonnes/ha).


Fig. 7. Evolution of cassava and plantain yields in Cameroon (tons/ha).

Dans l’ensemble, les rendements restent faibles dans les rendement (multiplication et distribution aux producteurs de
exploitations familiales agricoles : 10 à 15 tonnes/ha (Fig. 7). 11 millions de boutures de variétés améliorées en 2019).
Ils varient entre 25 et 30 tonnes/ha pour les variétés à haut L’évaluation annuelle des besoins en semences améliorées, sur
rendement (8034, 8017, 8061, 92/0326, 96/1414, 95/0109), la base du scénario maximal d’incorporation de farine locale à
essentiellement destinées à la transformation avant consom- 20 % dans les produits de boulangerie et de pâtisserie,
mation, et pour différentes variétés améliorées douces (TME atteindrait cependant 190 millions de boutures pour 19 000 ha à
419, TME 693). emblaver.
En terme de tendance, les rendements ont chuté de 16 à En dépit de la dizaine de variétés améliorées mises au point
6 tonnes/ha entre les années 1990 et 2005. Ils augmentent par la recherche, la production des semences certifiées reste
depuis 2005 pour atteindre environ 14 tonnes/ha, cette une véritable gageure, conséquence de deux facteurs : la très
augmentation étant renforcée par les appuis institutionnels faible disponibilité des semences de prébase d’une part,
(programmes et projets agricoles). L’intervention étatique l’échec de la structuration d’une véritable filière semencière
depuis 2014 soutient la vulgarisation de variétés à haut d’autre part. Il en résulte une utilisation dominante des variétés

Page 7 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Producon de manioc et de banane plantain (kg/habitant)


Source Données : Faostat - Graphique Auteurs
250

200

150

100

50

Plantain ton/hab Manioc ton/hab


0
1965
1968
1971
1974
1977
1980
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010
2013
2016
2019
Fig. 8. Production de manioc et de banane plantain (kg/habitant).
Fig. 8. Cassava and plantain production (kg/capita).

dites « tout venant », à faible rendement et peu adaptées aux produits pour la campagne agricole 2021, selon la Direction de
exigences de la transformation. En 2021, le parc en matériel la réglementation et du contrôle de qualité des intrants et
végétal était d’environ 11 millions de boutures certifiées de produits agricoles. Tant pour le manioc que pour la banane
manioc pour une superficie à emblaver de 1100 ha. Les plantain, la production disponible par habitant est en
semences constituent donc un obstacle à la production de augmentation depuis 2003 (Fig. 8), ce qui indique une
farine panifiable à base de manioc. amélioration de la productivité physique du travail.
La production de banane plantain, quant à elle, suit une En plus des contraintes concernant la production de ces
évolution comparable à celle du manioc pour atteindre deux spéculations, la transformation de l’excédent mobilisable
4 millions de tonnes par an en 2020. La banane plantain est pour la production de la farine panifiable rencontre également
au cœur de deux enjeux relatifs d’une part à la sécurité des difficultés techniques relatives à la performance des
alimentaire (aliment complet, indispensable à la nutrition des équipements.
enfants, qui évite les carences nutritionnelles) et d’autre part à
l’amélioration du revenu des acteurs de la filière. En 2019, la
culture sur 346 000 ha (FAO) restait extensive, avec des 5.2 Une faible performance technique
rendements de 4 à 7 tonnes/ha dans les plantations villageoises des équipements de transformation
en association et 25 à 30 tonnes/ha dans les exploitations qui
intensifient par la maîtrise de nouvelles techniques culturales, La faible industrialisation du processus constitue le
les densités ou l’usage de nouveaux matériels de plantation principal goulet d’étranglement pour accroître l’offre en
(Kwa et Temple, 2019). La banane plantain a bénéficié farines de haute qualité. La transformation reste pour
d’investissements de recherche au sein du Centre africain de l’essentiel artisanale. Elle est mise en œuvre dans des unités
recherches sur bananiers et plantains (CARBAP) et de soutiens techniques fragmentées, mobilisant des équipements peu
publics via un plan national d’appui aux pépinières. Les intensifs en capital. Les initiatives de transformation semi-
rendements ne cessent d’augmenter depuis 1993, avec une industrielles existantes utilisent encore des équipements peu
accélération forte de cette augmentation à partir de 2005. À la performants pour automatiser la chaîne de production. Cette
différence du manioc, la faible adoption de nouvelles variétés filière de transformation mobilise trois catégories d’acteurs :
ou de l’usage accru d’intrants (engrais et pesticides) lie – des producteurs agricoles qui transforment de petites
potentiellement l’augmentation de rendement à la massifica- quantités d’excédents de leur production pour fabriquer des
tion de l’usage des plants issus de fragmentation de tiges (PIF) beignets et gâteaux destinés aux exhibitions (foires,
(Soule et al., 2022) – un million de plants certifiés ont été dégustations) et au petit commerce de rue. Dans la

Page 8 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

prolongation de l’économie domestique, ils diversifient les Au regard de l’atomisation spatiale de la production
revenus pour des populations en situation de précarité ; agricole (manioc, banane plantain) dans de petites et moyennes
– des réseaux de sociétés coopératives et d’associations de exploitations familiales ou entreprises artisanales, mais aussi
producteurs (une vingtaine pour la farine panifiable). Leur de la diversité des produits de transformation demandés sur les
expansion est entravée par l’absence de garantie de marché marchés locaux, des investissements agro-industriels pour
permettant l’accès aux financements bancaires pour spécialiser des unités de transformation sur la fabrication de
investir dans des équipements performants, l’acquisition farine sont peu viables. En revanche, la densification du tissu
de la matière première et l’expertise technique ; actuel de PME agro-artisanales qui structurent le secteur de la
– des micro-initiatives industrielles d’expérimentation, transformation est une opportunité centrale pour solidifier
comme celle du Centre régional d’initiative et de formation l’intégration sectorielle de la transformation à partir d’une
en agriculture et technologies innovantes (CRIFAT), offre agricole atomisée et diversifiée. La faible structuration
investi dans la production industrielle de la banane plantain spatiale et institutionnelle de ce secteur agro-artisanal
(475 ha) et de manioc (265 ha) pour la production de farines interroge la façon dont la notion de cluster pourrait orienter
de haute qualité. une politique publique d’accompagnement.
La notion de cluster (Chiffoleau et Touzard, 2007 ;
Laperche et al., 2010) renvoie aux synergies de concentrations
Du point de vue technique, les investissements dans la géographiques et organisationnelles de PME qui mutualisent
transformation, en augmentation, sont impulsés par des appuis des ressources et qui, par des relations de « coopétitions »,
institutionnels aux équipementiers, par la formation des réalisent des économies d’agglomération territoriale et des
acteurs par le PNDRT et l’International Institute of Tropical externalités technologiques positives en termes d’innovations
Agriculture (IITA) pour la fabrication d’équipements de (Torre et Zimmermann, 2015). Ces concentrations peuvent se
transformation du manioc, par l’appui au montage de chaînes révéler à différentes échelles territoriales selon la localisation
de production de farine ou par la formation d’entrepreneurs des ressources, mais aussi selon les polarisations que peuvent
dans des incubateurs d’entreprises à Douala. Les équipements créer les infrastructures d’accès à l’énergie (en cas de
de fabrication locale restent encore peu adaptés pour une mécanisation des procédés), à l’eau, mais aussi les infra-
production à moyenne et grande échelle. Différents points structures routières et numériques qui structurent les densités,
faibles sont relevés par les utilisateurs : absence d’intégration la régularité des interactions et donc la communauté de
entre les composantes (broyage, fermentation, séchage, pratiques et d’apprentissage territorialisée. Ces sources
ensachage/étiquetage...) fonctionnant isolément et nécessitant d’efficacité compensent alors potentiellement les économies
des manipulations non hygiéniques hors normes sanitaires d’échelle liées à une spécialisation dans de grandes entreprises.
internationales ; insuffisance de référentiels technico-écono- L’implémentation de ces clusters dans l’agriculture
miques (tonnage de farine produite par heure) ; calibrage du tropicale (Reardon et al., 2009 ; Feyaerts et al., 2020) impose
temps de séchage pour les séchoirs électriques ; coûts d’intensifier une politique décentralisée d’aménagement
énergétiques ; dégradation de la qualité de la farine (acidifica- territorial créant les conditions localisées d’interaction de
tion, noirceur) ; multiplication des séquences de broyage pour services publics actuellement fragmentés dans différents
obtenir la granulométrie standard de la farine. L’investisse- ministères : vulgarisation, recherche agronomique, appui à la
ment dans des innovations technologiques comme le « Flash production. La notion de cluster, au-delà d’une réalité
Dryer » (Abass, 2022), introduit par le Centre de coopération sectorielle, recherche les sources d’efficacité inhérentes aux
internationale en recherche agronomique pour le développe- complémentarités liées à la diversité des activités (Ramirez
ment (CIRAD), reste peu activé par les équipementiers locaux et al., 2018 ; Otsuka et Ali, 2020). La densification des startups
faute de relais : formation et suivi des équipementiers, sur le manioc dans plusieurs villes interpelle les conditions de
financements et entretien des équipements. structuration et de spécification localisées de ces clusters. De
manière complémentaire, elle appelle des expériences comme
5.3 La clusterisation comme innovation celle de la « Plateforme interprofession de la chaîne de valeur
pour développer les farines locales panifiables manioc Cameroun » (PIP-CV) (FAO, 2009), qui met en
relation des acteurs dépendants (exploitations familiales
Les rendements du manioc et de la banane plantain peuvent agricoles, coopératives de production et de transformation,
encore augmenter, vu les potentiels de productivité, en PME et PMI) et expérimente différentes fonctionnalités utiles
poursuivant la transformation des systèmes de production. à la clusterisation (Fig. 9).
Un levier d’accélération de cet accroissement est à rechercher L’équilibre fonctionnel du modèle cluster reposerait ainsi
dans l’adoption inégale de certaines technologies de produc- sur l’interaction permanente entre les acteurs des chaînes de
tion sur l’ensemble du territoire. valeur ciblées au sein d’un espace territorial construit comme
Le prix de la banane plantain en frais restant significativement unité géographique adaptée à la structuration d’une action
plus élevé que celui du manioc, les perspectives de transformation collaborative autour d’une ou plusieurs spéculations. Un
sont économiquement plus probables pour le manioc, dont la élément de blocage étant parfois l’accès à la terre, les
diversité et la multiplicité des produits de transformation offrent de collectivités territoriales décentralisées (communes et régions)
possibles économies de gamme (complémentarité entre produits peuvent activer des acquisitions foncières sur le domaine
qui permettraient de mieux amortir des investissements en capital national et les mettre à disposition (en bail) aux entrepreneurs
sur de nouveaux équipements) au sein d’unités de transformation impliqués (producteurs indépendants, coopératives, entrepri-
agro-artisanales. ses agro-artisanales, agro-industriels).

Page 9 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Fig. 9. Interconnectivité des acteurs-partenaires au sein du cluster selon la plate-forme PIP-CV Manioc-Cameroun (Relations professionnelles,
commerciales et de conseil interne).
Fig. 9. Inter-connectivity of actor-partners within the cluster according to the Cassava-Cameroon PIP-CV platform (Professional, commercial
and internal advisory relationships).

La densification ou solidification de ces formes de doit toutefois être utilisée prudemment et tenir compte des
clusterisation impose d’innover dans la nature des partenariats effets controversés de la clusterisation relevés par Martin et
sur la fourniture de biens et services (financements, intrants, Sunley (2003) et Motoyama (2008).
équipements, récoltes, conseils, terre) et sur les mécanismes de
financement pour investir dans un contexte de faible
accessibilité des PME et PMI au secteur bancaire commercial. 6 Conclusion
Elle constitue ainsi un levier activable de développement des
filières manioc, banane plantain et patate douce (accroissement L’augmentation des importations de blé et de pâtes
de la fourniture de semences, intensification de la production, alimentaires par habitant au Cameroun implique de soutenir
innovation technologique sur le segment de la transformation, des politiques alimentaires et agricoles qui évitent une
sécurisation du marché). dépendance alimentaire accrue aux marchés internationaux
La mobilisation de cette notion de cluster comme levier et un risque de perte de souveraineté alimentaire, dans un
d’activation de la compétitivité des farines locales panifiables contexte de croissance du marché intérieur nourri par la

Page 10 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

croissance démographique et les marchés urbains. Les Références


perspectives d’investissements agro-industriels dans l’import-
substitution de céréales sont peu probables. En revanche, les Abass A. 2022. Processors’ experience in the use of flash dryer for
potentialités de développement de clusters, constitués de cassava-derived products in Nigeria. Frontiers in Sustainable Food
petites unités de transformation valorisant une diversité de Systems 5: 17. https://doi.org/10.3389/fsufs.2021.771639.
produits à base de farine panifiable obtenue à partir du manioc, Ambagna J. 2018. L’utilisation des enquêtes de conditions de vie des
de la banane plantain et de la patate douce, sont des ménages pour l’analyse de la consommation alimentaire et de la
perspectives structurantes de création d’emplois. sous-alimentation : illustrations sur les données Camerounaises.
Les transformations des systèmes de production et les Thèse de doctorat, Montpellier Supagro, France, 180 p.
réserves de productivité mobilisables sur les produits amylacés Bimogo F. 2020. Chapitre 29. Cameroun : du pain béni aux farines
locaux (manioc, banane plantain), mais également la structura- locales : histoire d’une success story annoncée. In : Frimousse S,
tion en cours d’un secteur de transformation par la densification ed. Africa Positive Impact. Agir pour un meilleur impact sociétal.
de petites unités de transformation adossées au renforcement des Caen (France) : EMS Editions, « Académie des Sciences de
organisations de producteurs, offrent des perspectives d’évolu- Management de Paris », pp. 306–316. https://doi.org/10.3917/ems.
tion importantes (Mathieu et al., 2021). Ces dynamiques sont frimo.2020.01.0306.
émergentes. Leur accélération demande une évolution des Boutrais J. 1982. Consommation et production de blé au Cameroun.
orientations des politiques publiques et une meilleure coordina- Une difficile indépendance alimentaire. Revue de Géographie du
tion des soutiens de la coopération internationale. Les trois Cameroun 3(1): 67–80.
Chiffoleau Y, Touzard J. 2007. Réseaux d’entrepreneurs et innovation
spéculations locales analysées, structurantes des habitudes
dans un cluster : une approche par les relations de conseil.
alimentaires locales, consolident un secteur de transformation
Economies et sociétés 41(9): 1485–1506.
qui évite les risques d’une dépendance potentielle et non Courade G. 1983. La constitution d’empires agro-industriels étatiques
nécessaire à l’égard de céréales technologiquement contrôlées depuis l’indépendance au Cameroun : Politique de développement
par les pays industriels et bénéficiant de subventions publiques rural et/ou national. African Economic History 12: 33–48. https://
peu réplicables. La croissance de la consommation de pâtes doi.org/10.2307/3601315.
alimentaires (rapidité de cuisson et durée de conservation) Dury S, Zakhia-Rozis N, Giordano T. 2021. Les systèmes
répond aux besoins d’une population au mode de vie qui alimentaires aux défis de la crise de la Covid-19 en Afrique :
s’urbanise. Elle donne des indicateurs de qualité pour le enseignements et incertitudes. Cahiers Agricultures 30: 8. https://
développement et la compétitivité de produits de transformation doi.org/10.1051/cagri/2020052.
basés sur les produits amylacés tropicaux. Falciola J, Jansen M, Rollo V. 2020. Defining firm competitiveness: A
La production du manioc, de la banane plantain et de la multidimensional framework. World Development 129: 104857.
patate douce dégage encore peu d’excédents pour répondre aux https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2019.104857.
besoins de production de farines locales panifiables. De fait, FAO. 2009. Study of quality management systems for cassava value
une politique d’import-substitution, même partielle, impose chains in Cameroun – Study case for Chikwangue and Saka Saka.
d’interroger la capacité de l’agriculture à approvisionner Feyaerts H, Goedele VdB, Miet M. 2020. Global and local food value
simultanément le marché du frais (intérieur et transfrontalier chains in Africa: A review. Agricultural Economics 51(1): 43–57.
en Afrique centrale) et le marché d’une industrie à la recherche https://doi.org/10.1111/agec.12546.
d’économies d’échelles, et donc de massification des Fofiri Nzossié EJ. 2013. Les déterminants de l’offre alimentaire
approvisionnements en matières premières à bas coût. Une vivrière dans les villes du Nord-Cameroun. Thèse de doctorat,
polarisation sur un objectif strict de substitution à la farine Université de Ngaoundéré, Cameroun, 441 p. Disponible sur :
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01092376.
importée apparaît en soi trop réductrice par rapport aux réalités
Hédin L. 1929. La culture du manioc au Cameroun. Revue de
structurelles de transformation du modèle alimentaire et aux
botanique appliquée et d’agriculture coloniale, 9ᵉ année, 93: 311–
opportunités de développement que structure sa diversité. 314. https://doi.org/10.3406/jatba.1929.4739.
L’objectif n’est pas de rechercher la performance écono- Institut National de la Statistique, INS. 2021. Rapport 2020 sur le
mique d’une transformation de matières premières agricoles commerce extérieur du Cameroun, 11 p. Disponible sur : https://
(blé, maïs principalement), dont les conditions de production ins-cameroun.cm/wp-content/uploads/2021/09/Note-Commerce-
(techniques, entrepreneuriale, semences, subventions) sont exterieur-2020_VF_.pdf.
contrôlées par des économies d’échelle localisées dans les pays Kwa M, Temple L. 2019. Le bananier plantain. Enjeux socio-
d’agriculture industrielle, mais davantage de rechercher la économiques et techniques. Quæ, CTA, Presses agronomiques de
performance économique dans la transformation d’une matière Gembloux, 6 p.
première diversifiée (manioc, patate douce, plantain...), par des Laperche B, Sommers P, Uzunidis D. 2010. Innovation networks and
économies de gamme au regard des opportunités qu’offre la clusters: The knowledge backbone. Bristol (UK): Peter Lang,
diversité des attentes, structurée par l’évolution des habitudes et 227 p.
des modèles de consommation alimentaire. Martin R, Sunley P. 2003. Deconstructing clusters: Chaotic concept or
La consolidation d’un secteur agroalimentaire local de policy panacea. Journal of Economic Geography 3: 5–35. https://
transformation suggère également de mieux analyser la doi.org/10.1093/jeg/3.1.5.
multiplicité des produits possibles et leur complémentarité Mathieu B, Zenabou G, Hamadou L, Alim AYY, Amadou NM. 2021.
technologique dans les unités de transformation, au regard de Caractérisation de l’artisanat agro-alimentaire de la ville de Garoua
l’évolution des critères de qualité qu’impose l’urbanisation (Nord, Cameroun). Journal of Applied Biosciences 159: 16429–
progressive des modes de vie. 16437. https://doi.org/10.35759/JABs.159.7.

Page 11 de 12
E.J. Fofiri Nzossié et L. Temple : Cah. Agric. 2023, 32, 25

Motoyama Y. 2008. What was new about the Cluster Theory? What in Cameroon. International Horticultural Congress (IHC 2022).
could it answer and what could it not answer? Economic Angers, France: ISHS, 31 p. Disponible sur : https://agritrop.cirad.
Development Quarterly 2: 353. https://doi.org/10.1177/ fr/601985/.
0891242408324373. Temple L, Lançon F, Palpacuer F, Paché G. 2011. Actualisation du
Otsuka K, Ali M. 2020. Strategy for the development of agro-based concept de filière dans l’agriculture et l’agroalimentaire. Econo-
clusters. World Development Perspectives 20: 100257. https://doi. mies et sociétés, Série AG Systèmes agroalimentaires 33: 1785–
org/10.1016/j.wdp.2020.100257. 1797.
Plateforme Inter-professionnelle de la Chaîne de Valeur Manioc au Temple L, Dabat MH, Avadi A. 2023. Intégration de la traçabilité
Cameroun (PIP-CV). 2020. Cassava development corporation dans les méthodes d’analyse de filières : quels défis pour la
(CADECO), littérature grise, 80 p. bioéconomie dans les pays en développement. Technologie
Ramirez M, Bernal P, Clarke I, Hernandez I. 2018. The role of social Innovation (in press)
networks in the inclusion of small-scale producers in agri-food Thiele G, Dufour D, Vernier P, Mwanga RO, Parker ML, Schulte
developing clusters. Food Policy 77: 59–70. https://doi/org/ Geldermann E, et al. 2021. A review of varietal change in roots,
10.1016/j.foodpol.2018.04.005. tubers and bananas: Consumer preferences and other drivers of
Reardon T, Christopher B, Berdegué J, Swinnen J. 2009. Agrifood adoption and implications for breeding. International Journal of
industry transformation and small farmers in developing countries. Food Science & Technology 56(3): 1076–1092. https://doi.org/
World Development 37(11): 1717–1727. https://doi.org/10.1016/j. 10.1111/ijfs.14684.
worlddev.2008.08.023. Tran T, Abass A, Taborda Andrade LA, Chapuis A, Precoppe M,
République du Cameroun. 2020. Stratégie Nationale de Développe- Adinsi L, et al. 2022. Cost-effective cassava processing: Case study
ment 2020–2030. Pour la transformation structurelle et le of small-scale flash-dryer reengineering. In: Thiele G, Friedmann
développement inclusif, 230 p. Disponible sur : https://minepat. M, Campos H, Polar V, Bentley JW, eds. Root, tuber and banana
destiny-innovation.com/fr/cat_doc/prospective-et-planification- food system innovations. Cham (Switzerland): Springer. https://doi.
strategique/. org/10.1007/978-3-030-92022-7_4.
Requier-Desjardins D, Sautier D, Touzard JM. 2007. Dossier Torre A, Zimmermann JB. 2015. Des clusters aux écosystèmes
Systèmes agroalimentaires localisés. Économies et sociétés (29): industriels locaux. Revue d’économie industrielle 152: 13–38.
1465–1484. https://doi.org/10.4000/rei.6204.
Soule Adam N, Temple L, Kwa M, Mathe S. 2022. Functional Varlet F. 2000. Institutions publiques et croissance agricole au
analysis to strengthen an agricultural innovation process: The case Cameroun. Thèse de doctorat, Université de Montpellier, ENSA,
of seedlings from stem fragments plantain propagation technology 320 p.

Citation de l’article : Fofiri Nzossié EJ, Temple L. 2023. Politique d’import-substitution au blé et compétitivité des farines panifiables à base
de manioc, banane plantain et patate douce au Cameroun. Cah. Agric. 32: 25. https://doi.org/10.1051/cagri/2023018

Page 12 de 12

Vous aimerez peut-être aussi