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Entreprises le figaro samedi 17 - dimanche 18 février 2024 21

Valérie Collet

Le groupe, piloté
par Carlos Tavares,
a fait de son soutien
à la mesure du
gouvernement une
véritable opération
de marketing.

A
vec une de part de mar-
ché « de plus de 70 % »
sur les ventes de
voitures électriques en
­
leasing social, Stellantis
a décroché le gros lot de
ce dispositif gouvernemental. Face à
cette offensive commerciale, Renault

Dragos Iancu/Alamy via Reuters Connect


n’a pas su tirer son épingle du jeu. Pas su
ou pas voulu. Sur les 50 000 c ­ ommandes
enregistrées par les constructeurs en à
peine deux mois, Stellantis a engrangé
environ 35 000 contrats et Renault a en
a totalisé un peu plus de 10 000. Tous
deux étaient sur la ligne de départ au
même moment.
Plusieurs raisons expliquent ce désé-
quilibre. D’abord, l’offre de modèles éli-
gibles à cette super-subvention (13 000 eu-
ros par véhicule) était très inégale. Stel-
lantis a ouvert en grand les portes de son
magasin, en proposant d’abord neuf mo-
dèles électriques de ses cinq marques Le groupe Stellantis propose plusieurs modèles de voitures électriques en leasing social, notamment la Fiat 500 à 89 euros par mois.
Peugeot, Citroën, Opel et Fiat et même
Jeep. Les montants des loyers de location

Stellantis, promoteur et grand


longue durée proposés faisaient le grand
écart et donnaient le choix entre une pe-
tite Fiat 500 à 49 euros par mois et une
Peugeot 2008 ou une Jeep Avenger à

gagnant du leasing social français


149 euros. ­Quelques jours plus tard, le
groupe ajoutait trois « ludospaces » - des
­monospaces dérivés de véhicules utilitai-
res - de Citroën, Peugeot et Opel à son
offre. Les clients éligibles, dont le revenu
annuel par part fiscale ne d ­ épasse pas Mais au-delà de l’offre de véhicules, Contrairement à Renault, Stellantis l’idée et l’a, depuis, améliorée. » Aujour- Succès pour Stellantis
15 400 euros, pouvaient ainsi opter pour le concept de leasing social a été s’est servi du leasing social pour en faire d’hui, le patron de Stellantis réitère son
une véritable opération de marketing.
Ventes en leasing social par constructeur
l’un des douze v­ éhicules. ­largement soutenu par la direction de soutien à ce dispositif que le gouverne-
­Stellantis, alors que Renault était plus Au fil des semaines, comme dans une ment a arrêté en début de semaine. Groupe 35 000
Scepticisme de Renault que sceptique sur la pertinence d’une course de rallye, le groupe a donné des « Nous avons mis toute notre puissance et Stellantis
En face, la vitrine de Renault n’était pas aide publique d’une telle importance indications sur son classement et le celle de nos entités bancaires pour réussir. Groupe 10 000
bien garnie : deux voitures seulement : destinée aux ménages modestes. La nombre de contrats signés. Le nombre C’était une excellente initiative pour dé- Renault
la Twingo électrique - à 40 euros par direction du Losange aurait plutôt
­ de voitures ainsi commandées est de- fendre la liberté de mouvement et la mobi- Volkswagen 3 500
mois - dont la production va s’arrêter imaginé un leasing social avec des
­ venu un indicateur commercial prou- lité propre, résume-t-il. Nous sommes
en mars prochain en attendant une voitures
­ d’occasion récentes. vant que les marques savent désormais prêts à soutenir toute initiative qui aidera Hyundai 1 500
prochaine édition en 2026, et la Megane Avec les modèles électriques, se pose vendre des voitures électriques de ma- les ménages. Nous serons aux côtés du
E-Tech - 150 euros par mois - fabriquée la question de la « valeur résiduelle » nière abordable… grâce au généreux gouvernement pour la renouveler. » Autres Groupe
Renault
en France. Mi-janvier, le Losange s’est du véhicule une fois le contrat de coup de pouce de l’État. En 2024, le gouvernement a fermé le
décidé à ajouter deux autres modèles : ­location arrivé à son terme au bout de ban du leasing social en raison de son
la ZOE (100 euros par mois) - dont la trois ans. Bonus écologique coût pour les finances publiques. Il a 24,6 %
production sera stoppée fin mars - et le Certains distributeurs se demandent Il est vrai que Carlos Tavares avait confié ouvert celui du bonus écologique,
Kangoo E-Tech (150 euros). Pas de quoi par ailleurs comment ils géreront le en juillet dernier au Figaro avoir été beaucoup moins généreux. Celui-ci a Part de marché
rattraper Stellantis. retour s­imultané de 50 000 voitures
­ à l’initiative de cette mesure destinée été raboté à 4 000 euros pour tous les des véhicules
48 % particuliers*
Il est vrai que le catalogue électrique dans trois ans. Dans quel état à f­aciliter l’accès aux véhicules élec­ - clients à l’acquisition d’un véhicule
de Renault n’est pas aussi épais que reviendront-elles ? À quel prix
­ trique aux « foyers contraints » finan- électrique et maintenu à 7 000 euros
en France
en 2023
­celui de son concurrent. Les prochains ­pourront-ils les r­evendre d’occasion ? cièrement : « Avec la ë-C3 et peut-être pour les ménages modestes. Reste à
véhicules à batterie de Renault suscep- Les conces­sionnaires de Renault et de d’autres modèles encore, nous pourrons savoir combien de foyers pourront
­ 27,4 %
tibles de correspondre à l’offre de Stellantis, comme ceux des marques du proposer des formules de leasing social, ­profiter du leasing social en 2025. Le
leasing social ne sont pas encore groupe Volkswagen (Volkswagen, expliquait le directeur général du grou- gouvernement avait prévu une montée
Groupe
­commercialisés. La R5 électrique arri- ­Cupra et Skoda) et de Hyundai entrés pe. Je le souhaite d’autant plus que c’est en puissance progressive. Pour sa Stellantis
*Toutes motorisations
vera dans les concessions à l’été. La 4L dans la danse fin janvier, ont été surpris notre entreprise qui a imaginé ce système ­première année, il est déjà en haut de la
Sources : constructeurs, PFA
sera lancée en 2025. de l’afflux de clients potentiels. et l’a proposé à l’exécutif qui a repris courbe budgétaire, à 650 millions. ■

Eutelsat poursuit sa transition ardue vers l’internet spatial


Véronique Guillermard

L’opérateur de satellites a perdu de l’argent lors du premier semestre mais a signé d’importants contrats de connectivité.

C
hanger de modèle économique L’opération a été finalisée en septembre nération. Le passage d’une génération de gressé : + 10,5 % pour les services aux engager la plus vaste opération de rac-
est une entreprise complexe. 2023. Le semestre reflète donc l’intégra- satellites à l’autre se fera par étapes, afin gouvernements, + 35,6 % pour la connecti- cordement d’un territoire, l’Australie, à
L’opérateur français de satellites tion de OneWeb sur trois mois et se com- d’assurer la continuité de service. Ce qui vité mobile, + 9,7 % pour l’internet fixe. Ce une constellation. Eutelsat a signé avec
Eutelsat en fait l’expérience, pare difficilement avec celui de 2022- entraîne une révision à la baisse de 30 % qui confirme notre pivotage », détaille Eva l’américain Hughes pour apporter l’in-
alors que les investisseurs s’interrogent 2023. D’où un travail d’explication mené des besoins de financement : « Nous pré- Berneke. De même, la physionomie du ternet haut débit à bord des avions, et
sur sa capacité à se transformer. De lea- auprès des investisseurs. voyons entre 600 et 700 millions par an à carnet de commandes (3,9 milliards fin avec Speedcast (bateaux de croisière).
der de la vidéo (chaînes de télé) diffusée Depuis l’annonce de la métamorphose partir de 2026-2027, contre 700 à 850 mil- 2023, contre 3,4 milliards un an plus tôt) Contrairement à Starlink, Eutelsat n’a
par satellite, le groupe est devenu un du groupe en géant de l’internet spatial lions initialement », précise Eva Berneke. reflète la montée en puissance de la pas d’offre grand public. Le groupe se po-
géant mondial de l’internet spatial, suite multi-orbites, un profil atypique qui as- connectivité. « La vidéo représente 46 % sitionne comme partenaire des États, des
au rachat de OneWeb, opérateur de la
constellation éponyme. « Nous sommes
socie la flotte de satellites en orbite géo­-
stationnaire (GEO, à 36 000 km de la Ter-
« Nous travaillons de nos commandes, contre 60 % il y a un
an. La contribution de la connectivité spa-
entreprises et des opérateurs tels qu’Oran-
ge, dont la filiale Nordnet s’appuie sur les
en train de pivoter d’un modèle à l’autre. re) d’Eutelsat avec les engins en orbite
avec une centaine de tiale augmente et répond à une forte de- capacités du satellite Eutelsat VHTS pour
Notre profil de risque évolue, de stable, ré- basse de OneWeb, le titre Eutelsat n’a distributeurs, qui vendent mande », assure Eva Berneke. vendre des services internet aux particu-
munérateur et à faible croissance, à celui cessé de se dévaluer (- 50 % depuis 2021, à des milliers de clients Or, la constellation OneWeb, qui a liers. « Nous travaillons avec une centaine
plus risqué et à fort potentiel de croissance année de la première prise de participa- notre service internet, achevé son déploiement avec plus de de distributeurs, qui vendent à des milliers
sous leur marque »
et de profit, de fournisseur de solutions de tion dans OneWeb). Et sa note a été dé- 630 satellites, n’a pas encore montré tout de clients notre service internet, sous leur
connectivité », a expliqué Eva Berneke, gradée, notamment par l’agence Fitch et son potentiel. « La couverture mondiale marque », explique Eva ­Berneke. Parmi ces
directrice générale du groupe Eutelsat, ce Goldman Sachs. L’avertissement sur les Eva Berneke atteindra 90 % mi-2024 », précise Eva distributeurs, des ­sociétés ukrainiennes.
vendredi, en présentant les résultats se- résultats 2023-2024 émis fin janvier - Directrice générale du groupe Eutelsat Berneke. Ce qui la place en position de OneWeb pourrait-il devenir le parte-
mestriels 2023-2024 (clos en décembre). justifié par des retards pris dans le dé- numéro deux mondial derrière Starlink naire internet fiable des armées de Kiev ?
Ces comptes ont viré au rouge, affi- ploiement des antennes de réception ter- Dans ce contexte, Eutelsat avance des (5 000 satellites), la constellation de Spa- Ces dernières dépendent de Starlink,
chant une perte semestrielle nette de restres de OneWeb - n’a rien arrangé. Les arguments qui, selon lui, montrent que le ceX. Se déclarant « très confiante » sur la dont le signal a plusieurs fois été coupé, à
191,3 millions d’euros pour un chiffre marchés estiment qu’Eutelsat se finance- nouvel ensemble avance dans le bon croissance à venir sur la période 2024- la demande d’Elon Musk, le patron de
d’affaires de 572,6 millions, en hausse de ra à des taux plus élevés. D’ailleurs, le sens. L’activité vidéo a représenté 58 % 2028, la directrice générale assure que les SpaceX. « Nos terminaux ne sont pas inté-
1,2 % (+ 8,4 % du premier au deuxième coût moyen de sa dette a augmenté de des ventes semestrielles mais a baissé de clients ont bien accueilli l’offre de grés aux armées de Kiev. Mais nous avons
trimestre). Pas de quoi rassurer les mar- 2,7 % à 3,1 % d’un semestre à l’autre. Or, 8 %, en raison de la concurrence des of- connectivité combinée (orbites haute et la capacité de les servir. Nous regardons ce
A

chés, qui avaient déjà accueilli fraîche- Eutelsat va devoir investir pour financer fres de streaming telles que celles de Net- basse). Plusieurs contrats ont été signés, sujet », conclut Eva Berneke, sans autre
ment la fusion entre Eutelsat et OneWeb. OneWeb 2 et ses satellites de nouvelle gé- flix. « Nos trois autres marchés ont pro- notamment avec l’opérateur Telstra pour précision à ce stade. ■

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