le figaro mardi 16 novembre 2021
Entreprises
Avec sa constellation Starlink,
Elon Musk veut offrir des services
d’internet haut débit à bord
des avions de ligne. Un marché
où s’affrontent déjà les opérateurs
de satellites de télécoms.
Véronique Guillermard
£@vguillermard
Aéronautique « Oui, nous dis-
cutons avec les compagnies aérien-
nes de l’installation de Starlink. Fai-
tes-leur savoir si vous le souhaitez
sur votre avion de ligne ! » C’est par
ce message sur Twitter qu’Elon
Musk a confirmé qu’il s’attaquait
au marché de la connectivité à
bord des avions. Après avoir
ébranlé l’industrie des lanceurs
spatiaux avec SpaceX et celui de
l’automobile avec les voitures
électriques Tesla, le milliardaire
américain s’attaque au marché de
l’internet haut débit dans l’aéro-
nautique commerciale. Cela, avec
Starlink, sa constellation géante,
qui compte 1 700 satellites, en or-
bite basse, sur un total de 12 000 à
terme.
Elon Musk ambitionne de deve-
nir un fournisseur d’internet haut
débit à un prix ultracompétitif,
partout dans le monde. Que ce soit
pour fournir de la connectivité aux
foyers pas ou mal raccordés par les
moyens terrestres, aux entrepri-
ses, aux institutions, mais aussi aux
objets mobiles tels que les
avions. La constellation a testé ses
premiers services en 2019 avant
d’en lancer une première version
fin 2020. La signature des premiers
contrats avec des compagnies est
espérée en 2022, une fois obtenu le
feu vert des autorités de la sécurité
aérienne aux États-Unis et en Eu-
rope. Chaque système (installation
des antennes de réception et des
terminaux) doit être certifié par
type d’avion. Le patron de SpaceX
cible d’abord les Boeing 737 Max et
les Airbus A320neo qui représen-
tent 70 % de la flotte mondiale.
Mais il est clair que son objectif est
de servir tous les appareils partout.
Concentration en vue
Starlink devient concurrent de
Thales et de Panasonic, coleaders
mondiaux des loisirs multimédia
de bord (IFE) et de leurs fournis-
seurs, les opérateurs de satellites
de télécoms tels que Intelsat, Eu-
telsat, Inmarsat ou encore SES ain-
si que les intégrateurs de services
tels que GoGo. Ces acteurs histori-
ques ont déjà équipé 9 000 appa-
reils opérés par 115 compagnies,
soit 30 % de la flotte mondiale.
Plus de 80 % de ces avions sont
connectés via un satellite, le solde
via des stations terrestres en-
voyant le signal à des antennes
placées sous le ventre des avions
(technologie dite ATG, Air-to-
Ground).
Mais la promesse de surfer sur
internet, commander en ligne, re-
Intelsat se renforce à bord
d’Air France-KLM
Intelsat défie ses concurrents
européens sur leurs terres.
L’opérateur de satellites
de télécoms américain a été
sélectionné par Air France
pour installer son système
d’internet à haut débit
à bord des 60 Airbus A220,
commandés par la compagnie
tricolore. « Air France-KLM
devient, avec 187 appareils
connectés dont plus de
140 chez Air France, notre plus
important client en Europe »,
se félicite Dave Bijur, « senior
vice-président » Aviation
commerciale d’Intelsat.
Au terme d’un accord
avec Airbus, les antennes de
réception et les équipements
dans la cabine passagers
sont montés directement
sur les A220 assemblés à
Mirabel au Québec et à Mobile
(Alabama) aux États-Unis.
En Europe, Intelsat, qui équipe
25
SpaceX se lance
dans la bataille
garder des films ou jouer en strea-
ming, envoyer des mails, conver-
ser en visio sur Teams ou Zoom…
de l’avion
connecté
en vol, comme si l’on était dans
son salon ou son bureau, est parfois
déçue. La connexion n’est pas tou-
jours stable, le débit parfois trop
lent, et les bugs, nombreux.
L’accès à une connexion stable,
fiable et puissante est désor-
mais imminent. Cela, grâce à l’ar-
rivée des constellations, de satel-
lites géostationnaires (GEO, à
36 000 km de la Terre) de troisiè-
me génération, plus puissants, à
large bande passante, capables de
servir de vastes régions et de sui-
vre chaque avion individuelle-
ment. Ainsi qu’au développement en orbite basse à plus faible latence, débit, à bord de 600 avions. « Nous équipement est toutefois inopérant Le patron de SpaceX
d’antennes de réception plus per- explique Denis Bonnet, directeur serons présents avec des offres is- lorsqu’un avion survole les mers. cible d’abord les Boeing
formantes. Du coup, le marché de- de l’innovation des activités avio- sues de nos satellites haut débit GEO Le marché, très encombré avec des 737 Max et les Airbus
vrait tripler en valeur, à 6 milliards niques de Thales. Il y aura une com- E10B et Konnect VHTS qui seront opérateurs de satellites de télé- A320neo qui
de dollars, dont 2 milliards pour les plémentarité de services. Les satel- lancés l’année prochaine, en vue coms, certains régionaux, des représentent 70 %
lites GEO de dernière génération d’une mise en service l’année sui- constellations toujours plus nom-
de la flotte mondiale,
infrastructures (ventes de satelli-
mais son objectif
tes) d’ici à 2030, selon une étude pourraient diriger leur puissance vante, mais aussi via notre partici- breuses, est en tout cas voué à se est de servir tous
d’Euroconsult. considérable sur des zones au trafic pation de 23 % dans la constellation concentrer. Une poignée d’acteurs les appareils partout.
L’arrivée de SpaceX dans le jeu très dense (les grands aéroports par One Web qui offrira l’internet haut survivront. Certains ont déjà com- NicoElNino/Shutterstock
de la connectivité aérienne est pri- exemple) tandis que les satellites en débit à bord des avions à l’horizon mencé à s’organiser afin de
se au sérieux par les acteurs histo- orbite basse les compléteraient sur 2023 », résume Michel Azibert, di- rester dans la course à l’instar
riques. « Les constellations, telles des zones moins denses, grâce à leur recteur général délégué d’Eutelsat. d’Intelsat qui a racheté GoGo, spé-
que Starlink mais aussi la canadien- couverture continue, même au-des- À côté des satellites GEO et des cialiste de l’intégration de solu-
ne Telesat, dont nous sommes par- sus des pôles. » Thales, en partena- constellations, quel sera l’avenir tions de connectivité et de l’ATG,
tenaires, feront partie du paysage. riat avec SES et via le satellite SES de la connectivité fournie par les mais aussi d’Eutelsat et de Thales
Nous pensons que les satellites GEO 17, a déjà déployé FlytLive, une so- systèmes ATG ? Moins coûteux qui se sont associés à des
coexisteront avec ces constellations lution innovante d’internet haut pour les compagnies aériennes, cet constellations. ■
« devrait
Le marché
tripler
en valeur
à 6 milliards
de dollars
d’ici à 2030
Euroconsult,
»
cabinet de
référence sur
le marché spatial
quelque 3 000 avions dans
le monde, a déjà gagné des
contrats auprès de British
Airways et Iberia (groupe IAG),
ainsi que de Virgin Atlantic.
L’américain veut aussi
répondre au besoin des low
cost Ryanair et easyJet,
qui souhaitent installer à bord
de leurs flottes « un système
d’internet haut débit, léger
et peu coûteux ». Intelsat
propose aussi d’installer
un équipement d’internet
rapide, lors des opérations
de maintenance sur les avions
qui sont déjà en service. Pour
prendre de nouvelles parts
de marché en Europe, Intelsat
compte sur la technologie
« 2 KU » plus puissante, qui
permet de servir de larges
régions et de « suivre chaque
avion individuellement »,
précise Dave Bijur.
A
V. GD.