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« Pour une Eglise synodale : communion, participation et mission »

Rencontre des religieux de la zones à la demande du CDR

Sr Isaïe Marie

A la fin du Document Préparatoire au Synode, nous sommes invités à ouvrir l’évangile et


à regarder les rapports entre Jésus, la foule et les Apôtres.
- Jésus va à la rencontre, surtout des exclus, et se met à l’écoute de tous.
- La foule, c’est l’ensemble des personnes qui suivent et parfois poursuivent Jésus,
elle est le 1er interlocuteur de Jésus.
- Apôtres : ils ne sont pas choisis pour être séparés mais pour la communion. Ils ne
sont pas là pour mettre un filtre à la présence de Jésus, mais au contraire pour facili-
ter la rencontre avec Lui.

Aucun de ces 3 « acteurs » ne peut quitter la scène. S’il y en a un qui est mis de côté, on
tombe dans une corruption de l’Eglise.
- Sans Jésus, il ne reste qu’un contrat entre les apôtres et la foule : on tombe dans la
politique
- Sans les apôtres, la foule réduira Jésus à un mythe ou à une idéologie
- Sans la foule, les apôtres deviendront une secte.

Il y a un quatrième acteur : celui qui divise, qui apporte sur la scène la division. A l’an-
nonce de la Croix, des disciples quittent Jésus, ou la foule change d’humeur. Le défis est de
tout faire pour se soustraire à ce 4ème acteur ; cela demande une conversion permanente.

Un 2ème passage est proposé à notre méditation : celui de Pierre et Corneille.


Corneille (Ac 10-11) : Corneille le païen, mais surtout un craignant-Dieu, envoie (mission)
ses serviteurs à Jaffa pour appeler (vocation) Pierre.
Pierre, après sa vision, doit sortir de sa manière de voir religieuse ; il doit opérer une
conversion, douloureuse, mais qui favorise la communion. Il ne comprendra sa vision
qu’en rencontrant Corneille le païen.
Dans ce récit, la parole a une place importante entre Pierre, Corneille puis l’Eglise de Jéru-
salem. Pierre raconte les faits, mais aussi comment il l’a vécu de manière intérieure, à
l’écoute de la Parole de Dieu. Et tous sont gagnés dans ce même processus de conversion.
Il y a quelques années, un évêque venu nous rendre visite en communauté disait sous
forme de boutade :
« Il y a eu Vatican I pour mettre en lumière la primauté de Pierre, avec l’infaillibi-
lité pontificale
Ensuite il y a eu Vatican II pour mettre en lumière la collégialité des évêques.
Aujourd’hui, il nous faut passer à Vatican III pour mettre en oeuvre la synodali-
té. »…
Cette synodalité qui repose sur « l’infaillibilité in credendo » du sensus fidei des fidèles, dira
même le pape François ! La boucle est bouclée.

Nous y sommes… Ce n’est pas Vatican III, mais nous y sommes…


En fait, ces 3 éléments participent à une Eglise synodale : pas de synodalité sans le service
de la présidence. L’expérience collégiale du Concile s’est poursuivie dans la mise en
oeuvre du synode des évêques. Et aujourd’hui, il nous faut élargir le concept de synodalité
pour inclure tout le peuple de Dieu.

Ce n’est pas Vatican III car le Doc Préparatoire nous indique que cet itinéraire « s’inscrit
dans le sillage de l’“ aggiornamento ” de l’Église proposé par le Concile Vatican II" mais
nous sommes quand même à une nouvelle étape de prise de conscience du chemin de
conversion à faire, personnellement et pour toute l’Eglise, notamment pour une gouver-
nance de l’Eglise plus à même de répondre aux défis pastoraux de notre temps.

En effet, Paul VI, dans son encyclique ecclésiam suam, (1964) n° 10-12 appelait à un renou-
vellement de l’Eglise, une
« correction des défauts que cette conscience, en s'examinant à la lumière du mo-
dèle que le Christ nous en a laissé, dénonce et rejette. ».
Et il engageait alors l’Eglise dans un dialogue avec le monde.

LE DIALOGUE, appel à une conversion pastorale :

Ce mot de dialogue est le maitre-mot du « pari réformateur » de pape François, comme


l’écrivait une théologienne.
Pour pouvoir dialoguer avec le monde, il faut, disait François « des pasteurs pénétrés de
l’odeur de leurs brebis »1. Or, à ce niveau là, les laïcs ont un rôle primordial à jouer : par
leur insertion dans le monde, ils ont une proximité avec ce monde blessé, en souffrance,
traversé par de nombreux soucis et préoccupation et jouent un rôle tout à fait décisif pour
discerner le chemin que doit prendre la mission de l’Église.

Par conséquent, le pape exhorte chacun à une conversion pastorale, pour une Eglise en
sortie (EG 27), c’est-à-dire capable de dialoguer avec le monde.

1 François, homélie de la messe chrismale de 2013


« La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se com-
prendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus mission-
naires ». (Ev. Gaud. n°27)
Et pour cela,
« Une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les com-
posantes du Peuple de Dieu est impensable »2
Il faut la participation de tous : clercs, religieux, laïcs… avec une écoute attentive des « mi-
norités »…

Ainsi, il indique pour chaque niveau de cette structure ecclésiale, des pistes de conversion.
Il s’agit de faire
« un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habi-
tudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un
canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-pré-
servation. »3
Pour la paroisse, par exemple :
« Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie
du peuple… »
Particulièrement significatif, le n°31, sur le rôle de l’évêque :
« L’évêque doit toujours favoriser la communion missionnaire dans son Église
diocésaine (…) Par conséquent, parfois il se mettra devant pour indiquer la route
et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois il sera simplement au milieu de
tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances il
devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et –
surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de
nouveaux chemins. »4
Le pape aime en effet à rappeler que le sensus fidei est inhérent à tout baptisé, ayant reçu
l’onction. « Le Peuple de Dieu est saint à cause de cette onction que le rend infaillible “in
credendo”»5.

Il interroge par exemple sur la mise en oeuvre du CIC :


« il devra stimuler et rechercher la maturation des organismes de participation
proposés par le Code de droit Canonique6 et d’autres formes de dialogue pastoral,

2 Doc Prép, I.2


3 EvGaud n°27
4 EvGaud n°31
5 EvGaud n°119
6 NDR:
- Can. 460 - Le synode diocésain est la réunion des prêtres et des autres fidèles de l'Église particulière choisis
pour apporter leur concours à l'Évêque diocésain pour le bien de la communauté diocésaine tout entière.
- Can. 498 sur le Conseil économique qui réclame la présence d’au-moins 3 laïcs.
- Can 511-512 : Le Conseil pastoral (diocésain) se compose de fidèles qui soient en pleine communion avec
l’Église catholique, tant clercs ou membres d’instituts de vie consacrée, que laïcs surtout.
- Can 538 sur le Conseil pastoral paroissial
avec le désir d’écouter tout le monde, et non pas seulement quelques-uns, tou-
jours prompts à lui faire des compliments. »
Et au n°32 : il s’interroge aussi sur la conversion de la papauté, avec notamment l’« exces-
sive centralisation » du mode de gouvernance actuel de l’Eglise.

Ainsi, comme nous le constatons, toutes les structures, toute la vie de l’Eglise doivent inté-
grer de plus en plus la participation de tous les baptisés dans l’exercice des 3 munera,
comme le demandait le Concile dans LG 34-36.7

Le pape prend a bras le corps cette question et une de ses réponses (outre le fait qu’il a in-
troduit des laïcs dans différents dicastères) est d’engager toute l’Eglise dans un chemin de
synodalité :
« La synodalité, c'est marcher ensemble et c'est ce que le Seigneur attend de l'É-
glise au troisième millénaire. »8

Ainsi, dans son discours de 2015 pour le 50ème anniversaire du synode des évêques, le
pape indiquait :
=> « Le chemin synodal commence en écoutant le Peuple ». Il invoque pour cela le prin-
cipe de l’Eglise ancienne selon lequel « Ce qui touche tout le monde doit être traité par
tous ».
=> « Le chemin du Synode continue en écoutant les pasteurs (…) gardiens, interprètes et
témoins de la foi de toute l’Église, qui doivent savoir discerner avec attention parmi les
mouvements souvent changeants de l’opinion publique ». Pour eux, il demande « à l’Es-
prit Saint le don de l’écoute : écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ;
écoute du peuple jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle ».
=> « Enfin, le chemin synodal culmine dans l’écoute de l’Évêque de Rome, garant de
l’obéissance et de la conformité de l’Église à la volonté de Dieu, à l’Évangile du Christ et à
la Tradition de l’Église ».

7 Surtout le munus docendi (prophétisme, enseignement, apostolat)


- Le munus sanctificandi (sanctification des choses terrestres)
- Mais aussi, et c’est peut être là qu’il y a le plus de chemin à faire, le munus regendi (participation
au gouvernement)
Les auteurs du Code de 1983 « ont évoqué la possibilité de conférer à des laïcs un pouvoir de juri-
diction, sans toutefois l’exprimer clairement dans le Code ». Cette problématique est particulière-
ment sensible, dans un contexte où les laïcs n’ont bien souvent qu’une autorité délégué dans les
services qu’ils rendent. Or, de par leur insertion dans le monde, les laïcs sont plus à même d’expri-
mer « leurs joies et leurs espérances, leurs douleurs et leurs angoisses. Ils doivent pouvoir eux-
mêmes s’exprimer sur les questions qui les touchent de près et sur lesquelles ils ont tant à dire ».

Ainsi, dans quelle mesure les laïcs peuvent-ils participer à la gouvernance de l’Église dans une
perspective d’authentique co-responsabilité ?

8 François, à la Commission Internationale de Théologie, 2019, cité par Nathalie Becquart


Ainsi nous voyons plusieurs mots ressortir : Dialogue, écoute et communion. Car profon-
dément, la synodalité est, comme le dit la Commission Théologique Internationale (CTI),
« l’expression d’une ecclésiologie de communion ». Il imprime dans nos manières de faire,
de gouverner notamment, un mode moins pyramidal, moins clérical, plus inclusif.

Ainsi la CTI définissait la synodalité comme un nouveau modus vivendi et operandi qui
« se réalise à travers l'écoute communautaire de la Parole et la célébration de l'Eu-
charistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la partici-
pation de tout le peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinction des
divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l'Église. »

Et le pape de préciser :
« La pratique de la synodalité (…) est la mise en œuvre, dans l'histoire (…), de l'É-
glise comme mystère de communion, à l'image de la communion trinitaire »9.
Et il cite Jean-Paul II,
« Une spiritualité de la communion consiste avant tout en un regard du cœur por-
té sur le mystère de la Trinité qui habite en nous, et dont la lumière doit aussi ê tre
perçue sur le visage des frères qui sont à nos côtés »

Le pape donne alors plusieurs exemples pratiques d’écoute :


« partager les joies et les souffrances des frères; deviner leurs désirs et prendre
soin de leurs besoins; leur offrir une amitié véritable et profonde. La spiritualité
de la communion est également la capacité de voir surtout ce qu'il y a de positif
dans l'autre, pour l'accueillir et le valoriser comme un don de Dieu; c'est savoir
donner une place à son frère, en portant ensemble les fardeaux les uns des autres.
Sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de la communion servi-
raient à bien peu de chose."

On voit la place que le pape veut donner à la minorité. Nous ne sommes donc pas dans un
processus démocratique où la voix du plus fort l’emporte au profit non d’abord du bien
commun, mais des intérêts du plus grand nombre.

En cela, François poursuit l’intuition du pape Jean-Paul II qui voulait « « faire de l'Église la
maison et l'école de la communion »10 pour le nouveau millénaire, et qui disait de la vie re-
ligieuse que nous devions être justement des « experts en communion »11 :

La CIVCSVA précisait alors dans Repartir du Christ 28sq


« Nous rappelons que l'une des tâches confiées aujourd'hui aux communautés de
vie consacrée est celle «de développer la spiritualité de la communion d'abord à l'inté-
rieur d'elles-mêmes, puis dans la communauté ecclésiale et au-delà de ses limites,
en poursuivant constamment le dialogue de la charité, surtout là où le monde

9 François, à la Commission théologique Internationale, 2019, cité par Nathalie Becquart


10 Jean-Paul II, Novo Millenio Ineutunte, n°43
11 Jean-Paul II, Vita consacrata
d'aujourd'hui est déchiré par la haine ethnique ou la folie homicide ». Il s'agit
d'une tâche qui demande des personnes spirituelles intérieurement forgées par le
Dieu de la communion pleine d'amour et de miséricorde, et des communautés
mûres où la spiritualité de communion est la règle de vie. »

Quelques exemples sont donnés :


- Nos relations apparaissent moins formelles et l'accueil et la compréhension mutuelle
sont facilités.
- On redécouvre également la valeur divine et humaine du fait d'être ensemble gratui-
tement, en tant que disciples, hommes et femmes, autour du Christ Maître, en toute
amitié et en partageant aussi les moments de détente et de loisirs.
- On remarque, en outre, une communion plus intense entre les diverses communautés
au sein des Instituts.
- Les communautés multiculturelles et internationales, appelées à «entretenir le sens de
la communion entre les peuples, les races, les cultures», sont déjà une réalité positive
dans bien des cas, où l'on fait l'expérience de la connaissance, du respect, de l'estime,
de l'enrichissement mutuels. Elles se révèlent comme des lieux d'entraînement pour
l'intégration et l'inculturation, et elles constituent en même temps un témoignage de
l'universalité du message chrétien. »

Nous pouvons poursuivre cet examen de conscience avec les questions posées dans les 10
pôles thématiques essentiels à la synodalité, que pose le Doc Prep
Et nous réfléchissons sur plusieurs niveaux (à partir de notre expérience de communauté
religieuse) :
- La synodalité en tant qu’elle informe notre manière d’être, de vivre et d’agir : vivons-
nous sur telle ou telle question une « culture synodale ».
- La synodalité en temps qu’elle informe les structures : est-ce que nos structures ecclé-
siales rendent compte de ce processus de participation par le plus grand nombre
- La synodalité en tant que processus… touche-t-on dans notre Eglise locale une dyna-
mique synodale. Est-ce qu’on sent une volonté d’avancer ?

Et n’oublions pas : de porter notre réflexion sur les 2 perspectives :


- À l’intérieur de notre microcosme ecclésial
- Comment arrivons-nous à rejoindre, à écouter les personnes extérieures ?

Conclusion :
La synodalité est un chemin de conversion du cœur et de l'esprit, qui réclame un entraîne-
ment ascétique à l'accueil et à l'écoute réciproque.
« Si la sagesse juridique, en posant des règles précises à la participation, manifeste
la structure hiérarchique de l'Église et repousse les tentations d'arbitraire et les
prétentions injustifiées, la spiritualité de la communion donne une âme aux élé-
ments institutionnels en proposant la confiance et l'ouverture pour répondre plei-
nement à la dignité et à la responsabilité de chaque membre du peuple de Dieu.
»12

12 CTI, La synodalité dans la vie et dans la mission de l'Église, mars 2018.

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