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DROIT COMMERCIAL

Licence 3
Année universitaire 2023 - 2024
Cours de Madame Édith BLARY – CLÉMENT

Équipe pédagogique :
Audrey BUECHE
Gonzague GRAVE-RENAUD
Cindy MALOLEPSY

INTRODUCTION AU DROIT COMMERCIAL

TERMINOLOGIE A MAITRISER

Clause attributive de compétence, clause compromissoire, commercialité, compétence d'attribution,


compétence ratione loci, compétence ratione materiae, compromis, conciliation, contredit,
médiation, usage contra legem, usage secundum legem, usage praeter legem.

REVOIR

Cours : Introduction au droit commercial


Tableau de l’organisation judiciaire

I. Les sources du Droit des affaires

Bibliographie indicative :

- D’AVOUT (L.), « La France et l’Allemagne en quête d’un droit des affaires commun ;
Réflexions sur le développement progressif de l’Europe juridique », JCP E, 30 mai 2019, p.
22-38
- BERGÉ (J.-S.), « Pour un code européen des affaires : de quoi parle-t-on ? », RDC, 2018,
p. 617-618
- CANIVET (G.), « Principe fondamentaux et transposition des directives communautaires »,
colloque à Budapest, 1-3 octobre 2009
- CANIVET (G.), « La réception par le juge des pratiques juridiques », LPA, 27 nov. 2003, p.
46.

1
- KAHN (P.), Rapport français, Association Capitant, 1983, Tome XXXIV, « Le rôle de la
pratique dans la formation du droit » , p. 237.
- LEFEBVRE-TEILLARD (A.), « Cambacérès et le code de commerce », in Le code de
commerce, 1807-2007. Livre du bicentenaire, Dalloz, Paris, mai 2007, p. 3-17
- MATHIEU (B.), « Les rapports normatifs entre le droit communautaire et le droit national :
bilan et incertitudes relatifs aux évolutions récentes de la jurisprudence des juges
constitutionnel et administratif français », RFD Const., octobre 2007, p. 675-693
- MASSOT (J.), « Le contrôle de la transposition des directives : vide ou trop-plein ? », D.,
2006, p. 2337
- MOUSSERON (P.), « Droit des usages », coll. Droit des usages, Lexisnexis, avril 2021, p.
390.
- MOUSSERON (dir.), Usages, Chronique JCP E 2015, 1217.
- MOUSSERON (P.), « Les vigoureux usages des réseaux de distribution », JCP G., mars
2011, p. 273.
- MOUSSERON (P.) (dir.), « Les usages en droit de l’entreprise », coll. FNDE, Lexisnexis,
2010.
- MOUSSERON (P.), « Les usages sont-ils encore une source de droit commercial ? », RJ
com. 03/04 2014, n° 2, p. 97.
- SALES (E.), « La transposition des directives communautaires : une exigence de valeur
constitutionnelle sous réserve de constitutionnalité », RTD eur., 2005, p.597-621
- SALAH (M.), « L’usage contra legem », LPA, 8 nov. 1991, p. 6.
- INSTITUT DES USAGES, « Un usage : La clause de garantie de passif », Revue de
jurisprudence commerciale, Mars/avril 2016, n°2, p. 170.
- ZATTARRA-GROS (A.-F.), « Le Code de commerce et l’Europe », Revue juridique de
l’océan Indien, novembre 2008, p. 11-17

Fiches d’arrêts :

- Cass. com., 21 mars 2018, n°17-12.744


- Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-12.272
- Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-72.426
- Cass. com., 9 janv. 2001, n° 97-22.668
- Cass. com., 9 janv. 2001, n° 97-22.212

II. Le règlement des différends commerciaux

Pour aller plus loin :

- BABONNEAU (M.), « Justice commerciale : d'échevinage, il n'y aura point », Dalloz


actualité, 26 avril 2013.
- CROZE (H.), « Le retour (de la compétence matérielle) des tribunaux de commerce »,
Procédures, 2001, n°6, p.5.
- DEGOS (L.) et AKCHOTI (D.), « Conflits de juridictions – L'art délicat de la clause
attributive de juridiction », JCP G, 2013, 105
- DEHARO (G.), « Stratégie judiciaire et performance de l'entreprise : approche dynamique
de droit processuel appliquée à l'entreprise », RTD Com., 2013, p. 177

2
- FILIOL DE RAIMOND (M.), « Litige entre commerçants = juridiction consulaire »,
RLDA n°44, déc. 2009, Actualités, 2618, p.24.
- FRICERO (N.), « Les tribunaux de commerce à l'aune du Pacte pour la compétitivité », D.
2013, p.168.
- MARTINEAU-BOURGNINAUD (V.), « L’extension de la compétence des tribunaux de
commerce à l’aube du XXIe siècle », BJE, 31 juillet 2022, n° 4, p. 1 et s.
- MOUSSERON (P.), « Le réveil des clauses de différend », Cont. Con. Conso., Mai 2021,
n°5, dossier 14.
- REINHARD (Y.), « Compétence et sociétés commerciales », Procédures, avr. 2011, p.18.
- SCHILLER (S.), « Tribunaux de commerce et Code de commerce », in Quel code de
commerce pour demain ? : bicentenaire du code de commerce, 1807-2007 : actes du
colloque, Litec, 2007.
- VALLENS (J.-L.), « Vers une nouvelle réforme des tribunaux de commerce ? », D. 2014, p.
1264.
- Interview de Daniel TRICOT, président de chambre honoraire à la Cour de cassation, « 200
ans du Code de commerce et 60 ans de la chambre commerciale »,
http://justice.gouv.fr/justice-civile, 16 oct. 2007.
- VALLENS (J.-L.), QPC : La constitutionnalité des dispositions législatives du code de
commerce relatives au « mandat des juges des tribunaux de commerce » et à « la discipline
des juges des tribunaux de commerce » : CC., 4 mai 2012, n° 2012-241, QPC, RTD com.
2012, p. 621.

Fiches d’arrêts :
- Cass. 1re civ., 30 septembre 2020, n°18-19.241
- Cass.1re civ., 13 mai 2020, n °18-25.966
- Cass. com., 14 novembre 2018, n°16-26115
- Cass. com. 6 déc. 2016, n° 15-16577
- Cass. com., 10 juill. 2007, n° 06-16.548
- Cass. com., 30 mars 2022, n° 20-11.776
- Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-23.509

Exercices : Résoudre les cas pratiques

1/ Madame ANNE, jeune lilloise, a conclu le 6 avril 2020 un contrat de franchise pour l’exploitation
d’un fonds de commerce sous l’enseigne « Étoile dorée », avec la société STAR, immatriculée au
Registre du commerce et des sociétés de Paris. Dans ce contrat de franchise, figure une clause
attributive de juridiction rédigée comme suit :

« Tous les différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci sont soumis
au tribunal de commerce de Paris ».

Le 30 novembre 2022, par une fusion-absorption, la société STAR a été absorbée par la SA
PRINCE.
Après avoir faire constater que Madame ANNE vendait des produits d’une marque concurrente et
lui avoir notifié d’avoir à payer la somme de 9 000 euros au titre de marchandises impayées, la SA
PRINCE a assigné Madame ANNE devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir la

3
résiliation du contrat de franchise aux torts de la franchisée, le paiement de marchandises impayées
et le versement de diverses indemnités ainsi que la réparation du préjudice moral.
Madame ANNE vous consulte afin de savoir si elle peut contester la compétence du tribunal de
commerce de Paris et d’autre part, si la représentation par avocat est obligatoire devant le juge
consulaire.

2/ La SA ARÔME fabrique et distribue des parfums et cosmétiques grand public. Le dirigeant,


Monsieur PLUTON décide de rédiger deux textes :
• l’un destiné à ses clients qu’il intitule « conditions générales de vente » dont les clauses
seront reproduites au dos de ses factures,
• l’autre pour ses fournisseurs appelé « conditions d’achat » qui figureront sur les bons de
commande.
Il sait que pour faciliter le règlement des éventuels conflits, il peut insérer des clauses attributives de
compétence, des clauses compromissoires ou des clauses de conciliation préalable. Il a imaginé les
clauses suivantes :

« Toute contestation relative 8 l’interprétation ou 8 l’exécution du présent contrat sera


soumise au Tribunal de commerce de Lille Métropole. Toutefois, les parties s’engagent 8
soumettre leur différend, préalablement 8 toute instance judiciaire, 8 des conciliateurs
désignés par chacune d’elles, 8 moins qu’elles ne s’entendent sur la désignation d’un
conciliateur unique ».

« Tous différends nés 8 l’occasion du présent contrat, y compris ceux relatifs 8 son
existence, sont réglés par voie d’arbitrage ».

Il vous consulte pour savoir si les clauses telles qu’il les a imaginées sont valables et s’il peut
insérer indifféremment l’une ou l’autre des clauses ci-dessus reproduites dans les deux contrats.

3/ Un couple de retraités vend à Madame IRIS un fonds de commerce de vente de fleurs. L’acte de
vente contient une clause compromissoire aux termes de laquelle « Les différends qui viendraient 8
se produire 8 propos de la validité, de l’interprétation, de l’exécution ou de l’inexécution, de
l’interruption ou de la résiliation du présent contrat, seront soumis 8 l’arbitrage conformément au
rDglement d’arbitrage du CMAP – Centre de médiation et d’arbitrage de Paris – prDs le Chambre
de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France, dont les parties ont eu connaissance et elles
déclarent adhérer ».
Un litige survient. Madame IRIS met en œuvre la clause compromissoire. Les vendeurs s’y
opposent et concluent à la nullité de la clause compromissoire. Qu’en pensez-vous ?

4
LES TRIBUNAUX DE COMMERCE
Interview de Daniel Tricot, président de chambre honoraire à la Cour de
cassation

A l’heure actuelle, quel bilan pouvez-vous dresser des soixante ans d’existence de la chambre
commerciale de la Cour de cassation ?
« Le bilan, c’est un peu le colloque qui l’a tiré, l’idée c’est bien sûr que le code de commerce
existe depuis 200 ans, les juridictions commerciales des tribunaux de commerce depuis 444
ans. Mais peut-être le fait qu’il y ait eu en France une chambre commerciale et financière
devenue ensuite chambre commerciale, financière et économique a eu une influence nette sur la
personnalisation, sur l’identification du droit commercial. Et les travaux de ce colloque l’ont
démontré dans des domaines comme le droit des sociétés, comme le droit des procédures
collectives, comme le droit des contrats. Il y a là véritablement un enrichissement par les
tribunaux, les juges du fond et la Cour de cassation. En fait quand la Cour de cassation et sa
chambre commerciale valident une solution ou en précisent la portée, elles contribuent à la
construction du droit commercial. »

Quel rôle a joué la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation dans la


recodification du code de commerce ?
« A titre personnel, un certain nombre de membres de la chambre commerciale ont participé aux
travaux de la codification du code de commerce. Moi-même, quand j’étais conseiller à la
chambre commerciale, j’étais membre de la commission supérieure de codification et j’ai
particulièrement travaillé, avec d’autres, à la codification. Il est apparu que la codification du
code de commerce - c’est-à-dire le fait de refaire à droit constant le code de commerce -
supposait aussi qu’on fasse en même temps un code monétaire et financier. Et c’est grâce à ces
deux codes qu’on a réussi cette opération, qui a d’abord consisté à rassembler en un seul livre ou
deux livres (deux codes) la plupart des textes applicables au droit des affaires. Ce que l’on
constate et ce qui a été souvent assez évoqué aujourd’hui, c’est qu’il y a bien des notions comme
celle de la cessation de paiements comme celle de la confusion de patrimoines qui ont été
inventées par la jurisprudence et qui ont été reprises par le législateur dans le code. Et quand la
solution est reprise en général, elle l’est à droit constant, c’est une officialisation. Ils dégagent les
quelques règles que la jurisprudence a déjà posées pour les mettre sous forme de loi. C’est une
sorte de consécration par le législateur de la jurisprudence. Mais il arrive que le législateur
écarte au contraire des solutions de jurisprudence. On a beaucoup parlé du soutien abusif. Il est
clair que la dernière loi de 2005 a supprimé le soutien abusif pour en faire autre chose, avoir
recours à d’autres notions. »
En quoi les rapports de la chambre commerciale avec les autres chambres contribuent-ils à
l’élaboration de la jurisprudence ? Peut-on parler d’un droit unifié, d’une cohérence ?
« C’est indispensable de parler d’un droit unifié et d’une cohérence et c’est ce que j’ai essayé
de montrer. La chambre commerciale est l’une des six chambres, elle s’intègre dans l’ensemble
de la Cour de cassation et il ne faut pas qu’elle aboutisse à faire une jurisprudence
spécifique. Ce qui est vrai c’est que, par divers mécanismes, la chambre commerciale a une
approche différente du contentieux et elle peut, soit dans son domaine spécifique du droit des
affaires, soit plus généralement dans le domaine du droit des obligations, influencer les solutions.
Par exemple, la notion de crédit en droit des affaires a une grande importance ; en droit civil c’est
quasiment inconnu. La perception du temps a une très grande importance aussi : si vous
expliquez à un civiliste qu’une créance a finalement été payée parce qu’elle a été payée un an
5
plus tard, il va vous dire que l’exécution a été assurée, l’obligation a été respectée. Mais si vous
dîtes ça à un commercialiste il va vous rire au nez ! Il va vous dire « ce que je veux c’est l’argent
au jour où vous me le devez, à l’échéance, pas un an plus tard » car un an plus tard, cette créance
a déjà perdu le tiers, la moitié, les trois quarts ou un morceau de sa valeur. Ce n’est plus la même
chose. Les commercialistes sont très sensibles à cet aspect du temps, les civilistes beaucoup
moins. »
La jurisprudence de la chambre commerciale reflète-t-elle la réalité économique et sociale
actuelle ?
« J’espère bien ! On fait tout pour que cela le soit, j’ai arrêté mes fonctions il y a quelques
semaines mais cela ne changera pas avec le nouveau président car il ne faut pas croire que c’est le
président qui fait la jurisprudence ! C’est la chambre bien sûr, mais j’espère bien. Et ce que nous
pouvons faire, c’est dans des dossiers où il y a des problèmes nouveaux, susciter des
interventions d’administrations, d’organismes professionnels, pour qu’ils nous expliquent
comment ils voient le problème de manière que nous puissions, quand on le jugera, avoir une
information la plus complète possible. Si je donnais l’exemple des plateformes logistiques, quand
on change le transport alors que traditionnellement le transport ça veut dire « je prends une
marchandise chez l’expéditeur, moi transporteur et je l’emmène chez le destinataire. »
Maintenant il existe plein de transports qui se font avec l’intermédiaire d’une plateforme
logistique au sein de laquelle on va étiqueter, conditionner, changer les emballages, peut-être
même transformer le produit… que devient le contrat de transport en aval et en amont de cette
plateforme ? Les obligations nées du contrat de transport doivent-elles être appréciées de la
même manière ou pas selon qu’au milieu de l’opération de transport il y a une plateforme
logistique ? C’est la question qui va être tranchée dans quelques semaines ou quelques mois par
la chambre commerciale. Mais elle sera tranchée avec une consultation grâce à l’avocat général et
une communication à toutes les parties des positions de chaque agent économique de manière à
ce que la chambre puisse faire un droit concret, pragmatique, appliqué, utile. »

6
Cour de cassation, Chambre commerciale
Audience publique du 21 mars 2018, n° de pourvoi : 17-12.744

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 décembre 2016), que, la société civile immobilière CV
l'Avenue des Cottages (la société CV) ayant été mise en liquidation judiciaire et M. X... ayant été
désigné comme liquidateur, la société Prophal a présenté une offre de reprise portant sur un terrain à
bâtir ; qu'une ordonnance du juge-commissaire a autorisé M. X... à céder amiablement ce terrain à la
société Prophal, moyennant le prix visé dans l'offre, lequel ne comprenait pas le montant de la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) ; que, cette société ayant refusé de régler le montant de la TVA sur le prix de
cession, M. X... l'a assignée pour qu'elle soit condamnée à signer l'acte de vente après avoir réglé cette
somme ; que M. Y..., créancier hypothécaire de la SCI CV, est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, de constater que la société Prophal s'est
acquittée du prix de la cession et de le condamner à signer la vente alors, selon le moyen, que selon un
usage constant entre commerçants, les prix s'entendent hors taxes, sauf convention contraire ; qu'il est
de plus constant que si le vendeur est débiteur de la TVA envers l'administration, c'est l'acquéreur du
bien qui acquitte la taxe auprès du vendeur, à charge pour ce dernier d'en reverser le montant auprès
de l'administration fiscale ; qu'en considérant qu'à supposer que la transaction litigieuse soit assujettie
à la TVA cette taxe devait être, en l'absence de stipulation contractuelle contraire convenue par les
parties, supportée par le vendeur, quand, en l'absence de convention contraire des parties, le prix de
vente s'entendait en premier lieu hors taxes et la taxe à la valeur ajoutée devait être acquittée en
second lieu par l'acquéreur auprès du vendeur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans
sa rédaction en vigueur antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 283 du
code général des impôts ;

Mais attendu que, la cession ayant porté, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, sur un immeuble
appartenant à une société civile immobilière, le liquidateur de celle-ci ne peut utilement faire grief à la
cour d'appel de ne pas avoir tenu compte d'un usage constant entre commerçants ; que le moyen n'est
pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en
ses première et deuxième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

7
Cour de cassation, Chambre commerciale
Audience publique du 31 mars 2015, n° de pourvoi : 14-12.272

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2013), que la société X... et Cie (la société X...)
exploite un fonds de commerce de bijouterie, joaillerie et horlogerie et distribue plusieurs marques de
montres de luxe ; que la société Vannucci ayant ouvert, à proximité, une bijouterie proposant à la
vente des montres des mêmes marques, la société X... et son gérant, M. X..., se prévalant des contrats
de distribution sélective conclus avec certains fabricants dont les sociétés Cartier, Rolex et Chaumet,
ont assigné la société Vannucci en concurrence déloyale et la société Chaumet en responsabilité
contractuelle ; que cette dernière a demandé, à titre reconventionnel, la résiliation du contrat de
distribution sélective qu'elle avait conclu avec la société X... ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu que la société X... et M. X... font grief à l'arrêt du rejet de leur demande au titre de la
concurrence déloyale alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'un usage professionnel ne dispense pas le juge d'examiner si les règles en vigueur
dans le domaine considéré ont été respectées ; qu'en se bornant, pour exonérer de toute responsabilité
la société Vannucci au titre de la vente de montres au mépris d'un réseau de distribution sélective, à
faire état d'un usage qui permettrait à un bijoutier de se soustraire occasionnellement aux contraintes
relatives à l'existence d'un tel réseau, sans indiquer l'origine de cet usage et sans rechercher si la mise
en œuvre de cet usage ne contrevenait pas de manière disproportionnée à la protection du distributeur
agréé, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base
légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en relevant qu'un usage professionnel permettait à un bijoutier de « vendre occasionnellement
un produit non distribué par celui-ci et fourni par un confrère pour répondre à une demande
particulière d'un client », tout en constatant qu'en l'espèce, les montres en cause n'avaient pas été
fournies par « un confrère » de la société Vannucci, mais qu'elles provenaient de la société Vannucci
elle-même, via son établissement situé à Bastia, de sorte que l'usage litigieux, à le supposer avéré, ne
pouvait donc être invoqué par la société Vannucci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales
de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en estimant que la société X... ne rapportait pas la preuve de l'existence de ventes répétées
effectuées par la société Vannucci en violation des contrats d'exclusivité qu'elle invoquait, tout en
constatant que deux constats d'huissier étaient produits aux débats, établissant que la société Vannucci
avait vendu une montre Cartier et une montre Rolex en violation des conventions d'exclusivité conclus
au profit de la société X... de sorte que le caractère réitéré des manquements, et leur imputation à la
société Vannucci, se trouvaient nécessairement établis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences
légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

8
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Vannucci, qui n'était pas distributeur agréé des marques
Rolex et Cartier, avait vendu une montre de marque Cartier, en août 2007, et une montre de marque
Rolex, en novembre 2008, l'arrêt relève que ces ventes n'ont pas été initiées par la société Vannucci,
laquelle ne proposait pas ces marques en vitrine et n'avait fait que répondre à des demandes
particulières de clients ; qu'il relève, encore, que ces deux reventes s'inscrivent dans le cadre d'un
usage en matière de joaillerie selon lequel un bijoutier peut vendre occasionnellement un produit non
distribué par lui et fourni par un confrère, pour répondre à une demande particulière d'un client, et
qu'il n'est pas établi que la société Vannuci aurait procédé à d'autres ventes de montres en violation
d'accords de distribution sélective ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a pu
déduire qu'aucun acte de concurrence déloyale n'était caractérisé à l'encontre de la société Vannucci, la
cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche mentionnée à la première branche qui n'était pas
demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la
condamnation, in solidum, de la société Vannucci et de la société Chaumet au paiement de dommages-
intérêts alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 6° du code de commerce, "engage
la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur,
commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de participer
directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur
lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit
de la concurrence" ; que dans ses écritures d'appel, la société X... faisait valoir que la société Chaumet,
qui avait conclu avec elle un contrat de distributeur agréé le 1er janvier 2004, avait violé par la suite
ce contrat, avec la complicité de la société Vannucci, en désignant cette dernière en qualité de
distributeur agréé, alors que la bijouterie Vannucci se trouvait implantée à quelques centaines de
mètres de la bijouterie X... ; qu'en écartant cette argumentation au motif que « l'agrément d'un second
distributeur à Ajaccio était pour la société Chaumet économiquement justifié et ne peut s'analyser
comme une manœuvre déloyale vis-à-vis de la société X... », cependant que le fait que l'agrément d'un
second distributeur à Ajaccio soit, du point de vue de la société Chaumet, économiquement justifié,
n'était pas en soi de nature à exonérer celle-ci, et la société Vannucci, de toute responsabilité envers la
société X..., au titre de la proximité des deux points de vente, la cour d'appel s'est déterminée par un
motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société X... et M. X... aient
recherché, devant la cour d'appel, la responsabilité de la société Vannucci sur le fondement de l'article
L. 442-6 I 6° du code de commerce ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit en tant
qu'il concerne cette société ;

Et attendu, ensuite, que la responsabilité d'un fournisseur au titre de l'agrément prétendument fautif
d'un nouveau distributeur ne relève pas des dispositions de l'article L. 442-6 I 6° du code de commerce
qui sanctionnent la participation à la violation de l'interdiction de revente hors réseau; que l'arrêt
retient exactement qu'en agréant la société Vannucci, la société Chaumet n'a pas violé l'interdiction de
revente hors réseau, ni directement ni indirectement, et n'a, dès lors, pas engagé sa responsabilité au
titre de ce texte ;
9
D'où il suit que le moyen, irrecevable en tant qu'il concerne la société Vannucci, n'est pas fondé pour
le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen,
pris en sa première branche, ni sur les troisième et quatrième moyens qui ne sont manifestement pas
de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

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Cour de cassation, Chambre commerciale
Audience publique du 22 mars 2011, n° de pourvoi : 09-72.426

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 septembre 2009), que la société Alternagro, spécialisée dans le commerce
d'aliments pour le bétail, a allégué que la société du Haut Verneuil, par trois appels téléphoniques en date des 5, 12 et
23 novembre 2007, lui aurait passé trois commandes d'aliments pour le bétail pour des montants respectifs hors taxe
de 1 696,80 euros, 1 702,40 euros et 1 696,80 euros ; que, par ordonnance du 13 mai 2008, le président du tribunal a
enjoint à la société du Haut Verneuil de payer à la société Alternagro la somme de 5 376,72 euros ; que, sur
opposition, le tribunal, réformant l'ordonnance, a rejeté la demande de la société Alternagro ;

Attendu que la société du Haut Verneuil fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Alternagro la
somme de 5 376,27 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article 1315 du code civil, que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que cette règle
doit recevoir application toutes les fois que la preuve d'un acte juridique n'est pas imputable à celui auquel on
l'oppose ; qu'il doit en aller ainsi même lorsque le demandeur fonde sa prétention sur des documents qui n'émanent
pas de lui mais de son propre sous-traitant ; que pour condamner l'Earl du Haut Verneuil à payer la somme de 5
376,27 euros à la Sa Alternagro, la cour d'appel s'est fondée sur les bons de commandes adressés par la Sa Alternagro
à son mandataire, la société agricole du Vexin Normand, ainsi que sur des bons de fabrication et de livraisons établis
par la société Agricole du Vexin Normand ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que l'article 1315 du code civil, impose à celui qui se prévaut d'une obligation d'en rapporter la preuve ; que le
simple silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas en lui-même, reconnaissance de ce fait ; que pour
reconnaître l'existence des trois ventes, la cour d'appel s'est fondée sur l'absence de contestation de la part de l'Earl
du Haut Verneuil dans sa lettre adressée à la Sa Alternagro ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge
de la preuve et violé le texte susvisé ;

3°/ que selon l'article 1341 du code civil, la preuve d'un acte juridique conclu après le 1er janvier 2005, d'une valeur
supérieure à 1 500 euros, doit être rapportée par écrit ; qu'en outre, cet écrit doit répondre à la formalité du double
original de l'article 1325 du code civil, lorsque l'acte juridique est un contrat synallagmatique ; que selon l'article L.
110-3 du code de commerce, ces règles s'appliquent dans les actes mixtes lorsque c'est la partie commerçante qui
entend prouver contre la partie non commerçante ; que si la société anonyme est effectivement une société
commerciale par la forme, l'article L. 324-1 du code rural fait de l'Earl une société civile ; que dès lors, lorsqu'une
société anonyme entend rapporter la preuve d'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1 500 euros à l'encontre
d'une Earl, seul l'écrit est admissible ; que pour faire droit à la demande de la Sa Alternagro et condamner l'Earl du
Haut Verneuil à payer à celle-ci la somme de 5 376,27 euros, la cour d'appel s'est fondée sur des éléments qui ne
constituent pas des écrits, mais qui s'apparentent, au mieux, à un aveu extrajudiciaire ; qu'en statuant ainsi, la cour
d'appel a violé l'article 1341 du code civil, ensemble les articles L. 110-3 du code de commerce et L. 324-1 du code
rural ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de
preuve qui lui étaient soumis et sans se fonder exclusivement sur des pièces émanant de la société Alternagro que la
cour d'appel a statué comme elle a fait ;

11
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que les trois commandes litigieuses invoquées par la société Alternagro à
l'encontre de la société du Haut Verneuil portaient sur des ventes d'aliments pour le bétail, la cour d'appel, usant de
son pouvoir souverain d'appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique
résultant de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le
bétail, a estimé que ces commandes pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et
signé par le client, la société du Haut Verneuil ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

12
Cour de cassation, Chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 janvier 2001, n° de pourvoi : 97-22.212

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Bastia, 21 octobre 1997), que la société Mimi transports ayant été mise
en redressement judiciaire, le tribunal de commerce de Bastia a, par jugement du 24 octobre 1995,
ayant acquis force de chose jugée, arrêté le plan de redressement de cette société par cession de son
entreprise au profit des sociétés Méditerranée poids lourds et Furiani-transports (les cessionnaires)
et a nommé M. de Moro Giafferi commissaire à l'exécution du plan ; que par requête, celui-ci a
demandé au tribunal d'interpréter sa décision en disant si le prix de cession du parc de véhicules doit
s'entendre hors taxes ou toutes taxes comprises ;

Attendu que les cessionnaires reprochent à l'arrêt d'avoir dit que le prix de cession de l'entreprise,
arrêté à 1 400 000 francs, s'entendait hors taxes, alors, selon le moyen :

1° que, sauf convention expresse contraire, le paiement de la TVA, qui n'est pas un accessoire du
prix, incombe au vendeur ; qu'en l'état de motifs d'où il ressortait qu'une telle convention n'avait pas
été stipulée en l'espèce, les juges du fond ne pouvaient mettre la TVA à la charge des repreneurs ;
que l'arrêt a violé l'article 1593 du Code civil, par fausse application ;

2° qu'en l'absence de convention contraire, la charge de la TVA pèse sur le vendeur et que le prix
stipulé s'entend toutes taxes comprises ; qu'en l'espèce, l'offre de rachat faite par les cessionnaires et
entérinée par le tribunal était de 1 400 000 francs, ce prix comprenant la TVA, faute de précision ;
qu'aucune convention contraire n'avait été stipulée et que l'intention des parties de déroger à cette
règle ne pouvait résulter d'une mention contenue dans le rapport d'un expert, lequel n'était pas partie
à la convention ; qu'en se fondant sur ce rapport pour décider que le prix de 1 400 000 francs était
hors taxes, l'arrêt a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, procédant à l'interprétation nécessaire de l'offre de cession qui ne portait pas la
mention hors taxes ou toutes taxes, l'arrêt retient que, selon un usage constant entre commerçants,
les prix s'entendent hors taxes, sauf convention contraire ; qu'en l'état de ces seules appréciations, la
cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

13
Cour de cassation, chambre commerciale
Audience publique du mardi 9 janvier 2001, n° de pourvoi : 97-22.668

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Attendu, selon l'arrêt déféré (Bordeaux, 14 octobre 1997), que la société Préposrêve (la société) a
confié à M. X... la fabrication et la mise au point de filières constituant l'outillage nécessaire à la
fabrication de profilés ainsi que des profilés, à partir de ces filières ; que M. X... ayant assigné la
société en paiement de factures, celle-ci a demandé que M. X... soit condamné à lui restituer les
filières et à lui payer des dommages-intérêts ; que la cour d'appel, retenant que la société n'était pas
propriétaire des filières, a rejeté ces demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle ne pouvait se prévaloir de la propriété des
filières alors, selon le moyen :

1° que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et obligent à
toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation selon sa nature ; qu'en affirmant
qu'il est d'usage, dans la profession de fileur d'aluminium, que les filières restent la propriété du
fabricant, sans constater cependant que les parties avaient entendu expressément adopter l'usage
considéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du
Code civil ; 2° qu'en toute hypothèse, la seule constatation selon laquelle les filières restent en
général la propriété du fabricant ne pouvait faire échec à un éventuel accord contractuel passé entre
le fabricant et son client sur la vente de ces filières ; qu'en statuant comme elle a fait sans
rechercher, comme il lui était demandé si la création ou la fabrication des filières litigieuses n'avait
pas été facturée par M. X... à la société qui en était devenue propriétaire après règlement des
factures correspondantes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et 1582 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Préposrêve commercialise des produits profilés et
qu'elle a confié à M. X... la mise au point de " filières " constituant l'outillage nécessaire à la
fabrication de profilés ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les deux parties au
contrat étaient des professionnels exerçant dans le même secteur d'activité, la cour d'appel, qui
n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante dont fait état la seconde branche, a fait une
exacte application des textes visés dans la première branche du moyen en décidant, après avoir
relevé que les filières en cause constituaient un outil qui, selon les usages établis par les attestations
de la Chambre des métiers de la Gironde et du Groupement des lamineurs et fileurs d'aluminium,
demeure la propriété du fabricant, que la société ne peut se prévaloir de la propriété des filières ;
que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches : (Publication sans

intérêt) ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

14
Cour de cassation, Première chambre civile
Audience publique du 30 septembre 2020, n° de pourvoi : 18-19.241

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2018), Q... Y... est décédé en Espagne le [...], en l’état
d’un testament authentique du 16 novembre 2006, instituant pour héritiers, chacun pour un tiers, son
fils W... , sa fille L... , et ses deux petits-fils S... et H... , et désignant M. B... , notaire, en qualité
d’exécuteur testamentaire.

2. Faisant grief à son frère d’avoir dilapidé la fortune familiale et à M. B... d’avoir engagé sa
responsabilité professionnelle, Mme Y... les a assignés, le 5 juin 2014, devant le tribunal de grande
instance de Nanterre.

3. Le 30 décembre 2015, elle a également assigné en responsabilité devant ce tribunal la société


d’avocats espagnole PWC Landwell-PricewaterhouseCoopers Tax & Legal Services (la société PWC),
à laquelle elle avait donné mandat, aux termes de deux offres de services des 28 novembre 2008 et 20
juin 2010, de la conseiller dans les opérations de succession de son père ouvertes en Espagne.

4. La société PWC a décliné, à titre principal, la compétence de la juridiction étatique, sur le


fondement d’une clause compromissoire stipulée aux contrats, et, subsidiairement, celle des
juridictions françaises.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société PWC fait grief à l’arrêt d’écarter l’application de la clause compromissoire en raison de
son caractère abusif et de dire la juridiction étatique française compétente, alors « qu’en vertu du
principe compétence-compétence, il appartient à l’arbitre de statuer, par priorité, sur sa propre
compétence, le juge étatique étant sans pouvoir pour le faire, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste
de la clause d’arbitrage ; que l’appréciation du caractère abusif d’une clause d’arbitrage au sens de la
directive n° 93/13 CEE du 5 avril 1993 suppose un examen par le juge des conditions dans lesquelles
la clause a été négociée et conclue, incompatible en tant que tel avec la constatation de son caractère
manifestement nul ou inapplicable ; qu’il en résulte que le juge étatique saisi d’un litige opposant des
parties liées par une clause compromissoire ne peut retenir sa compétence après avoir statué lui-même
sur le caractère abusif prêté à la clause, cet examen relevant de la seule compétence de l’arbitre ;
qu’en écartant l’application de la clause d’arbitrage insérée au contrat liant les parties, et en retenant la
compétence du juge étatique, au prétexte qu’elle serait manifestement abusive, après avoir cependant
procédé à un examen de son applicabilité incompatible avec l’office du juge étatique et relevant de la
seule compétence de l’arbitre, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé, ensemble l’article 1448
du code de procédure civile. »
15
Réponse de la Cour

7. L’article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses


abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un
consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par
leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes,
s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

8. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné la nature et


l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux
consommateurs, l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles
nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public (arrêt du
20 septembre 2018, OTP Bank et OTP Faktoring, C-51/17, point 89).

9. Compte tenu, également, de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la


protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de
son article 7, § 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens
adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus
avec les consommateurs par un professionnel (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-
26/13, point 78, ainsi que du 21 décembre 2016, T... P... e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, point
56).

10. Au nombre des moyens adéquats et efficaces devant garantir aux consommateurs un droit à un
recours effectif doit figurer la possibilité d’introduire un recours ou de former opposition dans des
conditions procédurales raisonnables, de sorte que l’exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des
conditions, notamment de délais ou de frais, qui amenuisent l’exercice des droits garantis par la
directive 93/13 (arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, point 46).

11. Selon la Cour de justice, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, les


modalités procédurales visant à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit
communautaire relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe de
l’autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins
favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et
qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits
conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (CJCE, 26 octobre
2006, N... E... , C-168/05, point 24, CJCE 16 mai 2000, Preston e.a., C-78/98, point 31, et 19
septembre 2006, Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, point 57).

12. Il résulte de l’article 1448 du code de procédure civile, applicable à l’arbitrage international en
vertu de l’article 1506 du même code, sauf si les parties n’en sont autrement convenues, que lorsqu’un
litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se
déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est
manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
13. La règle procédurale de priorité édictée par ce texte ne peut avoir pour effet de rendre impossible,
ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire
que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder.

16
14. Dès lors, la cour d’appel qui, après en avoir examiné l’applicabilité, en tenant compte de tous les
éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison
de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l’article 1448 du code de procédure
civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d’assurer la pleine efficacité du droit
communautaire de protection du consommateur.

15. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

16. La société PWC fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 2° / qu’une clause n’est présumée ne pas avoir fait l’objet d’une négociation individuelle, à charge
pour le professionnel de rapporter la preuve contraire, que si elle est standardisée ; que, pour retenir
que la clause d’arbitrage litigieuse était manifestement pré-rédigée et en déduire qu’il appartenait à la
société Landwell-PWC Espagne de rapporter la preuve de l’existence d’une négociation individuelle,
la cour d’appel s’est bornée à relever qu’elle était partiellement similaire, dans ses modalités, à la
clause d’arbitrage figurant dans les conditions générales de l’offre de services et à celle figurant dans
la seconde offre de services conclue entre les parties ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher s’il ne
résultait pas de l’insertion de la clause litigieuse au sein d’une clause particulière, spécialement
rédigée pour les besoins de la prestation de services sollicitée par Mme Y... , et de sa rédaction en
langue française, que la clause n’était pas standardisée au sens de l’article 3 de la directive n° 93/13
CEE du 5 avril 1993, de sorte qu’il n’appartenait pas à la société Landwell-PWC Espagne d’en
démontrer le caractère individuellement négocié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de ce texte ;

3°/ que n’est pas abusive la clause qui a fait l’objet d’une négociation individuelle ; qu’en se bornant à
affirmer de manière générale que compte tenu de sa situation personnelle, Mme Y... n’était pas en
mesure de négocier dans un rapport équilibré les termes de la clause litigieuse et qu’il importait peu, à
cet égard, qu’elle ait été assistée par un tiers dans les discussions relatives aux modalités
d’intervention de la société Landwell-PWC Espagne, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si
au regard des compétences professionnelles de M. X... , comme de ses liens avec Mme Y... ,
l’assistance de ce dernier n’avait pas été de nature à conférer à celle-ci un réel pouvoir de discussion,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la directive n° 93/13 CEE
du 5 avril 1993 ;

4°/ que n’est pas abusive la clause qui a fait l’objet d’une négociation individuelle ; qu’en déduisant
de la circonstance que Mme Y... ne maîtrisait pas langue espagnole que celle-ci n’avait pu négocier la
clause litigieuse, cependant que les échanges préalables à la conclusion du contrat avaient eu lieu en
langue française et que l’offre de services qui lui avait été soumise l’était également, ce dont il
résultait que la langue n’avait pu constituer un obstacle au pouvoir de négociation de Mme Y... , la
cour d’appel, qui s’est prononcée en considération d’un élément impropre en l’espèce à exclure toute
négociation individuelle, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 de la directive n°
93/13 CEE du 5 avril 1993. »

Réponse de la Cour

17
17. L’arrêt constate, d’abord, qu’aucun des courriels échangés entre les parties antérieurement à la
signature du contrat ne fait état du recours à une procédure arbitrale pour le règlement des différends.
Il relève, ensuite, que la clause compromissoire stipulée dans l’offre de services du 28 novembre
2008, rédigée en français, donnant compétence à la cour d’arbitrage civil et commercial de Madrid
(CIMA) reprend les termes de l’article 15.2 des conditions générales en langue espagnole, et que la
seconde offre de services du 22 juin 2010, ne comportant la même clause que dans les conditions
générales en langue espagnole, cet élément conforte le caractère standardisé d’une clause type dans les
contrats rédigés par la société PWC. Il retient, enfin, que, résidant en France, ne maîtrisant pas
l’espagnol et désireuse de bénéficier en Espagne de conseils éclairés sur une succession complexe et
litigieuse, Mme Y... n’était pas en mesure de négocier dans un rapport équilibré, les termes d’une
clause compromissoire pré-rédigée par la société cocontractante, peu important la présence, à ses
côtés, d’un employé de banque.

18. En l’état de ces constations et appréciations souveraines, tenant compte de la nature des services
prévus au contrat et de toutes les circonstances qui en ont entouré la conclusion, la cour d’appel qui a
estimé, sans inverser la charge la preuve, que la société PWC ne démontrait pas que la clause
standardisée obligeant le client non-professionnel à saisir, en cas de différend, une juridiction arbitrale,
avait fait l’objet d’une négociation individuelle, a légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième à septième branches

Enoncé du moyen

19. La société PWC fait grief à l’arrêt de rejeter l’exception d’incompétence des juridictions
françaises et de renvoyer les parties devant le tribunal déjà saisi, alors :

« 1°/ que les dispositions de l’article 17, 1), c, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012
sont inapplicables au contrat de prestation de services juridiques conclu par une personne avec un
avocat ; qu’en retenant, sur ce fondement, la compétence des juridictions françaises du domicile de
Mme Y... pour connaître du litige l’opposant à société Landwell-PWC Espagne, société d’avocats
exclusivement inscrits à un barreau en Espagne, dans le cadre du contrat de prestation de services
juridiques conclu entre elles, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que le professionnel n’est considéré comme dirigeant son activité vers l’Etat membre où est
domicilié le consommateur avec lequel il a conclu un contrat que si sa volonté d’établir des relations
commerciales avec les consommateurs d’un ou de plusieurs autres États membres, au nombre
desquels figure celui sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, est caractérisée ; que
cette volonté ne peut être établie qu’au terme d’une appréciation concrète et globale de l’activité du
professionnel ; qu’en se bornant en l’espèce à déduire de l’appartenance de la société Landwell-PWC
Espagne, en tant que franchisé, à un réseau mondial d’entités de cabinets d’avocats indépendants et
autonomes, que celle-ci dirigeait son activité vers plusieurs Etats membres dont la France, la cour
d’appel, qui s’est prononcée par un motif impropre à caractériser sa volonté d’établir des relations
commerciales avec les consommateurs domiciliés dans d’autres Etats membres, a privé sa décision de
base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

4°/ que si la mention selon laquelle le professionnel offre ses services ou ses biens dans un ou
plusieurs États membres nommément désignés, la nature internationale de son activité ou la mention
d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres peuvent
constituer des indices de la volonté d’établir des relations commerciales avec les consommateurs d’un
18
ou de plusieurs autres États membres, le juge doit procéder à une appréciation globale et concrète de
son activité ; qu’en se fondant en l’espèce sur la seule mention, figurant sur le site internet de la
société Landwell-PWC Espagne, présentant le réseau « PWC Tax & Legal services » comme le
principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que la société Landwell-PWC
Espagne exercerait ses activités dans des Etats étrangers, sans s’expliquer, ainsi qu’elle y été invitée,
sur la circonstance qu’en sa qualité de société d’avocats inscrits à un barreau en Espagne seulement,
elle n’exerçait ses activités que dans le seul ressort territorial de l’Espagne, la cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre
2012 ;

5°/ que le juge doit caractériser la volonté du professionnel d’établir des relations commerciales avec
les consommateurs d’un ou de plusieurs autres États membres en procédant à une appréciation globale
et concrète de son activité ; qu’en se bornant à relever que le site internet de la société Landwell-PWC
Espagne mentionnait un préfixe international et présentait le réseau « PWC Tax & Legal services »
comme le principal consultant juridique et fiscal dans le monde, pour en déduire que le professionnel
démarchait une clientèle étrangère et exerçait ses activités dans des Etats étrangers, cependant que ces
circonstances étaient insuffisantes pour établir à elles seules, que la société Landwell-PWC
Espagne dirigeait ses activités vers d’autres Etats membres, la cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

6°/ que pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l’Etat du domicile du
consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet
Etat en particulier ; que cette constatation ne peut résulter d’éléments de communication étrangers au
professionnel concerné et établis postérieurement à la conclusion du contrat litigieux ; qu’en se
fondant en l’espèce sur la circonstance que la société Landwell-PWC Espagne offrait les services d’un
avocat français se présentant comme spécialiste des relations hispano-françaises, cependant que cette
présentation, tirée du curriculum-vitae personnel de M. A... établi après qu’il eut quitté la
société Landwell-PWC Espagne et postérieurement à la seconde offre de services conclue avec
Mme Y... le 22 juin 2010, était insusceptible de caractériser la communication faite par la
société Landwell-PWC Espagne elle-même préalablement à la conclusion du contrat litigieux et,
partant, sa volonté de démarcher, à cette époque, une clientèle domiciliée en France, la cour d’appel a
statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 17 et 18 du
règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ;

7°/ qu’enfin, pour fonder la compétence dérogatoire des juridictions de l’Etat du domicile du
consommateur, le juge doit caractériser la volonté du professionnel de diriger ses activités vers cet
Etat en particulier ; qu’en retenant que la société Landwell-PWC Espagne bénéficie de membres en
France où ces derniers exercent leur activité, sans rechercher si les sociétés membres du réseau
« PWC Tax & Legal services » exerçant leur activité en France sont des personnes juridiques
autonomes et distinctes de la société Landwell-PWC Espagne, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale au regard des articles 17 et 18 du règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. »

Réponse de la Cour

20. Aux termes de l’article 18, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du
Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale, l’action intentée par un consommateur contre l’autre
partie au contrat peut être portée soit devant les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel
est domiciliée cette partie, soit, quel que soit le domicile de l’autre partie, devant la juridiction du lieu
où le consommateur est domicilié.
19
21. Selon l’article 17, § 1, ces dispositions déterminent la compétence lorsque le contrat a été conclu
avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur
le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers
cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de
ces activités.

22. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que les dispositions des articles 17 à 19 du
règlement n° 1215/2012 régissant la compétence en matière de contrats conclus par les
consommateurs s’appliquent à tous les types de contrats, excepté celui précisé à l’article 17, § 3, de ce
règlement (CJUE, 3 octobre 2019, I... K... , C-208/18, point 48 ; 2 mai 2019, Pillar Securitisation, C-
694/17, point 42), de sorte que les contrats de prestation de services juridiques entrent dans leur
champ d’application.

23. Après avoir constaté que la société PWC est une société de droit espagnol, l’arrêt relève, par
motifs propres et adoptés, qu’elle appartient à un réseau international d’entités d’avocats qui exercent
leurs services professionnels sous la marque « PWC » et qu’elle est membre de la société de droit
anglais Pricewaterhouse Coopers International limited. Il retient, ensuite, que celle-ci indique sur son
site Internet le préfixe international de son numéro d’appel de l’étranger et présente son service
juridique PWC Tax & Legal services comme étant le principal consultant juridique et fiscal dans le
monde, présent dans des centaines de marchés, tant nationaux qu’internationaux. Il ajoute, enfin, que
celle-ci offre à sa clientèle les services d’avocats français, dont celui qui, se présentant comme
spécialiste des relations hispano-françaises, a été le co-signataire de l’offre de services adressée à
Mme Y... .

24. En l’état de ces énonciations et constatations faisant ressortir que la société


d’avocats PWC dirigeait son activité professionnelle au-delà de la sphère territoriale de son barreau de
rattachement, en proposant ses services à une clientèle internationale, domiciliée notamment en
France, de sorte qu’en sa qualité de consommateur, Mme Y... , domiciliée en France, pouvait porter
son action devant les juridictions françaises, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

20
Cour de cassation, Première chambre civile
Audience publique du 13 mai 2020, n° de pourvoi : 18-25.966

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 21 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 28
septembre 2016, pourvoi n° 15-20.938), et les productions, par acte sous seing privé du 28 février
2005 stipulant une clause compromissoire, la société Boulangerie S... (la société S...) a cédé à la
société Kimmolux mille six cent quatre-vingt-six actions qu’elle détenait dans le capital de la société
Au Bon pain de France (la société Au Bon pain).

2. Suivant un second acte sous seing privé du même jour, la SCI Les Moines (la SCI) a vendu à la
société Kimmolux un immeuble à usage industriel et commercial donné à bail à la société Au Bon
pain.

3. L’article 4 du contrat de cession d’actions stipulait que la non-réalisation de la vente, si elle était du
fait exclusif du cédant, entraînerait la résiliation de la cession des actions de la société Au Bon pain et
que le montant payé à ce titre serait remboursé intégralement, augmenté des intérêts au taux légal en
vigueur.

4. L’acte de vente n’ayant pas été suivi d’un acte authentique dans le délai de six mois à compter de sa
conclusion, exigé par l’article 42 de la loi du 1er juin 1924, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-
306 du 4 mars 2002, la société Kimmolux a assigné la société S... et la SCI devant le tribunal de
grande instance de Sarreguemines en annulation de la convention de cession d’actions et en paiement
de certaines sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner
la cassation.

Mais sur la première branche du moyen

Enoncé du moyen

6. La société Kimmolux fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors « que
l’exception tirée de l’existence d’une clause compromissoire est régie par les dispositions qui
gouvernent les exceptions de procédure ; que, par suite, en relevant que le moyen tiré de l’existence
d’une clause compromissoire n’avait pas à être soulevé in limine litis, dès lors qu’il constituait une fin
de non-recevoir, la cour a violé les articles 73, 74, 122 et 123 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 74 du code de procédure civile :


21
7. L’exception tirée de l’existence d’une clause compromissoire est régie par les dispositions qui
gouvernent les exceptions de procédure.

8. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Kimmolux, l’arrêt retient que le moyen tiré de
l’existence d’une clause compromissoire constitue une fin de non-recevoir, le défaut de saisine
préalable d’une juridiction arbitrale faisant échec à celle d’une juridiction étatique, et non une
exception d’incompétence entrant dans le champ d’application des articles 74 et 75 du code de
procédure civile, les juridictions étatiques ne pouvant se déclarer incompétentes au profit d’une
juridiction arbitrale et qu’en conséquence, il n’a pas à être soulevé in limine litis.

9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties,
par la cour d’appel de Colmar ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la
cour d’appel de Nancy ;

22
Cour de cassation, Chambre commerciale
Audience publique du 14 novembre 2018, n° de pourvoi: 16-26115
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur contredit, que la société à responsabilité limitée Fresh delices
(la société Fresh delices), anciennement dénommée Le Portable télécom, ayant pour gérante Mme
Stéphanie X..., épouse Y... (Mme Y...), a été liée, entre mars 2001 et mars 2005, à la Société française
de radiotéléphone (la société SFR) par des contrats de partenariat et de distribution ; qu'à partir de
mars 2007, un litige prud'homal a opposé la société SFR à Mme Y..., cette dernière sollicitant la
requalification des contrats de partenariat et de distribution en contrats de travail ; que la société SFR
a été condamnée à payer à Mme Y... diverses sommes au titre d'indemnités de licenciement et de
rupture sans cause réelle et sérieuse ; qu'au cours de la procédure prud'homale, la société SFR a
assigné la société Fresh delices devant le tribunal de commerce afin qu'il soit statué sur les
conséquences de la décision prud'homale sur l'exécution des contrats de partenariat et de
distribution ; qu'après la liquidation amiable de la société Fresh delices, la société SFR, reprochant à
Mme Y... d'être à l'origine du préjudice que lui avait causé l'inexécution par la société Le Portable
télécom de ses obligations contractuelles et, à Mme Yvette X... (Mme X...), nommée liquidateur,
d'avoir commis une faute dans l'exercice de ses fonctions, les a assignées devant le tribunal de
commerce de Paris, lequel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mmes Y... et X... ; que
ces dernières ont formé un contredit ;

Sur le premier moyen :


Vu l'article L. 721-3 du code de commerce ;

Attendu que pour accueillir le contredit, l'arrêt retient que l'action de la société SFR dirigée contre
Mme Y... relève de la juridiction civile dès lors qu'elle n'a pas la qualité de commerçante et que les
faits qui lui sont reprochés ne constituent pas des actes de commerce ni ne se rattachent à la gestion
de la société par un lien direct ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les manquements commis par le gérant d'une société commerciale à
l'occasion de l'exécution d'un contrat se rattachent par un lien direct à la gestion de celle-ci, peu
important que le gérant n'ait pas la qualité de commerçant ou n'ait pas accompli d'actes de commerce,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :


Vu l'article L. 721-3 du code de commerce ;

Attendu que pour retenir la compétence de la juridiction civile, l'arrêt énonce, que, bien que l'action
en responsabilité dirigée contre le liquidateur soit régie par l'article L. 237-12 du code de commerce,
le liquidateur n'a pas la qualité de commerçant et n'accomplit pas des actes de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le liquidateur, comme le gérant, agit dans l'intérêt social et réalise des
opérations se rattachant directement à la gestion de la société commerciale, la cour d'appel à violé le
texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par la demanderesse ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre
2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT le contredit mal
fondé et le rejette ;

23
Cour de cassation, chambre commerciale
Audience publique du mardi 6 décembre 2016, n° de pourvoi: 15-16577

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de contredit, (Paris, 17 mars 2015), que MM. X... et
Y... ont cédé, avec les autres actionnaires, la totalité des parts formant le capital social de la société
Aliasource à la société Linagora ; que prétendant qu'ils avaient violé les engagements de non-
concurrence stipulés à leur charge dans l'acte de cession, la société Linagora a assigné MM. X... et Y...
en restitution du prix de cession et de la valeur des droits sociaux cédés ainsi qu'en réparation de son
préjudice devant le tribunal de commerce de Paris, conformément à la clause attributive de
compétence convenue ; que MM. X... et Y... ont soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du
tribunal de commerce de Toulouse, en contestant l'application de la clause attributive de compétence,
faute par eux d'avoir la qualité de commerçants ;

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de dire leur contredit mal fondé et de renvoyer l'affaire
devant le tribunal de commerce de Paris alors, selon le moyen :

1°/ que sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession
habituelle ; que MM. X... et Y... faisaient valoir qu'associés de la société Aliasource, ils ne faisaient
pas de façon usuelle des actes de commerce et que la seule cession d'actions de leur société à la
société Linagora ne pouvait en aucun cas suffire à leur conférer la qualité de commerçant, écartant
ainsi le jeu de l'article 48 du code de procédure civile, et qu'en l'absence de leur qualité de
commerçants, la clause d'attribution de compétence territoriale était réputée non écrite ; qu'en relevant,
pour retenir que MM. X... et Y... avaient la qualité de commerçants et que la clause attributive de
compétence territoriale était donc valable, qu'ils avaient créé la société Aliacom, devenue Aliasource,
société commerciale ayant comme activité principale la prestation de services informatiques et qu'ils
étaient les « garants » et « les hommes clés de la société » Aliasource, dont le président directeur
général était M. X..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, insuffisants à établir leur
qualité de commerçants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de
commerce ;

2°/ que les juges ne peuvent mettre à la charge d'une partie la preuve d'un fait négatif ; que MM. X...
et Y... soutenaient qu'ils n'avaient pas la qualité de commerçants car ils ne faisaient pas, de façon
usuelle, des actes de commerce ; qu'en retenant que ceux-ci n'établissaient pas qu'ils ne participaient
pas à l'exploitation de l'entreprise, la cour d'appel, qui a mis à leur charge la preuve d'un fait négatif
impossible à rapporter, a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ que MM. X... et Y... ayant contesté avoir la qualité de commerçants, c'était à la société Linagora
qu'il incombait de rapporter la preuve de cette qualité ; qu'en mettant à leur charge la preuve de ce

24
qu'ils ne participaient pas à l'exploitation de l'entreprise, la cour d'appel a interverti la charge de la
preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la cession, qui confère le contrôle de la société
Aliasource à la société Linagora, constitue un acte de commerce ; qu'il constate que MM. X... et Y...
ont créé la société commerciale Aliasource, ayant pour principale activité la prestation de services
informatiques, sont désignés dans le protocole de cession comme les " garants " notamment du passif
et comme les " hommes clés " de celle-ci, et participent à l'exploitation de cette entreprise à titre
professionnel, pour en déduire que, se livrant de manière habituelle à des actes de commerce, ils ont la
qualité de commerçants ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement
justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que c'est sans inverser la charge de la preuve incombant à MM. X... et Y...,
demandeurs au contredit, ni leur imposer la preuve d'un fait négatif, que la cour d'appel a constaté
qu'ils ne prétendaient pas ne pas avoir participé à l'exploitation de l'entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;

25
Cour de cassation , Chambre commerciale
Audience publique du mardi 10 juillet 2007, n° de pourvoi: 06-16548

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 avril 2006), rendu sur contredit, que M. Pierre X..., en
son nom et en se portant fort des autres actionnaires, a cédé à la société AFAC la totalité des actions
composant le capital de la société anonyme d'expertise comptable Cabinet Pierre X..., devenue la
société X... et associés ; que la convention de cession comportait un engagement des cédants de
s'interdire pendant dix ans d'exercer aucune prestation de services auprès des clients ; que s'estimant
victimes d'une violation de la clause de non-concurrence, la société X... et associés, ses dirigeants,
M. Y... et Mme Z..., et la société AFAC ont assigné M. Pierre X..., son épouse, Mme A... (M. et
Mme X...), leur fils M. Hervé X... et les sociétés ABS entreprise, MAV consulting, Cabinet B... et
M. B... devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts ; que cette juridiction a
rejeté l'exception d'incompétence en faveur du tribunal de grande instance ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal de
commerce en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par M. Y... et
Mme Z... alors, selon le moyen :

1°/ que les achats de meubles en vue de leur revente ne sont réputés actes de commerce au sens de
l'article L. 110-1 du code de commerce que si l'achat a été effectué à des fins spéculatives ; qu'en
énonçant que la seule cession des actions de la société d'expertise comptable X... et associés était
réputée acte de commerce par application de ces dispositions, sans constater leur achat préalable
dans un but spéculatif, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 411-4 et R.
311-1 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que la cession d'action modifiant le contrôle d'une société n'est assimilée à un acte de commerce
que si elle couvre une cession d'un fonds de commerce ; que tel n'est pas le cas de la cession d'une
société d'exercice d'une profession libérale à laquelle ne peut être attaché aucun fonds de commerce
; qu'en estimant néanmoins que la cession de la société d'exercice d'expertise comptable, profession
libérale, devait être assimilée à un acte de commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 411-4 3°
et R. 311-1 du code de l'organisation judiciaire ;

3°/ que les litiges relatifs à un acte de commerce ne relèvent de la compétence commerciale qu'à
l'égard des parties qui l'ont conclu ; en sorte qu'en justifiant la compétence commerciale pour
connaître de l'action introduite par M. Y...et Mme Z..., par la seule circonstance inopérante qu'ils
étaient co-demandeurs aux côtés des sociétés signataires de l'acte de cession de parts, la cour
d'appel a violé derechef les textes susvisés ;

4°/ que les litiges relatifs à la cession de la totalité des parts sociales d'une société commerciale
n'entrent dans le champ d'application de l'article L. 411-4 2° du code de l'organisation judiciaire que
s'ils opposent les parties à l'acte de cession ; que par suite, vainement justifierait-on l'arrêt par les
dispositions de l'article L. 411-4 2° dont la cour d'appel ne pouvait, sans les violer, faire application
en présence d'un acte de cession auquel ni M. Y... et Mme Z... n'étaient parties ;

26
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 411-4 2° du code de l'organisation judiciaire, devenu
l'article L. 721-3 2° du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations
relatives aux sociétés commerciales ;

Attendu que selon les constatations de l'arrêt, le litige qui oppose les cédants des actions d'une
société anonyme aux dirigeants de la société cédée, porte sur la clause de non-concurrence contenue
dans la convention de cession, ce dont il résulte qu'en application du texte précité, ce litige, né à
l'occasion d'une cession de titres d'une société commerciale, relève de la compétence du tribunal de
commerce ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se
trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

27
Cass. com., 30 mars 2022, n° 20-11.776

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 octobre 2019), la SARL Vista, créée à parts égales entre, d'un
côté, la SARL LM investissement, ayant pour associé unique M. [K], et, de l'autre, M. et Mme [E],
détient la totalité des titres de la SARL Cleo et de la SAS Ocle, lesquelles exploitent chacune un fonds
de commerce d'optique et de lunetterie.

2. Ces deux dernières sociétés avaient, respectivement, pour gérant et président M. [E], lequel était par
ailleurs lié, ainsi que son épouse, à la société Vista, ayant pour gérant M. [K], par un contrat de travail.

3. Le 18 mars 2015, par décisions de l'associé unique, M. [E] a été révoqué de ses deux mandats
sociaux pour différents motifs liés à l'exercice d'une activité concurrente au sein d'une société A2M
créée avec son épouse. Puis, le 28 mars 2015, M. et Mme [E] se sont vu notifier leur licenciement pour
faute grave par la société Vista.

4. Le 29 septembre 2015, cette dernière a assigné la société A2M ainsi que M. et Mme [E] devant un
tribunal de commerce en responsabilité sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil,
demandant leur condamnation solidaire au paiement de certaines sommes en réparation de divers
détournements dont M. et Mme [E] se seraient rendus les auteurs au profit de la société A2M. M. [K]
et la société LM investissement ont été appelés à la cause, et les sociétés Cleo et Ocle sont intervenues
volontairement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par
une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce
compétent pour connaître du litige, alors « qu'en se fondant sur la seule circonstance que les sociétés
Ocle et Cleo, filiales de la société Vista, reprochaient à Mme [E] de s'être comportée en dirigeant de
fait, pour écarter la compétence de la juridiction prud'homale, sans rechercher si elle s'était
effectivement comportée en dirigeant de fait ou si elle avait agi dans le cadre de ses fonctions salariées
au sein de la société Vista, consistant à superviser la gestion des filiales de cette dernière, la cour a
privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 1411-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt énonce que, bien que n'étant titulaire d'aucun mandat social au sein des sociétés Cleo et Ocle,
Mme [E] ne prétend pas que ces sociétés ne peuvent agir en responsabilité à son encontre à raison des
fautes de gestion qu'elle aurait commises en tant que dirigeante de fait.

8. Ayant, pour écarter l'exception d'incompétence dont elle était saisie, rappelé à bon droit que les
tribunaux de commerce sont compétents pour connaître des actions en responsabilité engagées par des
sociétés commerciales contre leurs dirigeants de fait, la cour d'appel, qui n'a pas tenu pour établi que
Mme [E] serait dirigeante de fait des sociétés Cleo et Ocle, une telle question ressortissant au bien-
fondé de l'action dirigée contre elle et non à la compétence de la juridiction saisie pour en connaître, a
exactement retenu que le tribunal de commerce était compétent pour connaître des demandes des
sociétés Cleo et Ocle contre Mme [E].

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

29
Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-23.509

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2020), la société Factofrance a conclu un


contrat d'affacturage avec la société Européenne Food, le 14 mai 2009.

2. Dans l'exercice de sa mission, le mandataire ad hoc désigné le 10 juin 2013 par le président
d'un tribunal de commerce a, au cours du mois de juillet 2013, découvert l'existence d'un
dispositif d'émission de fausses factures portant sur près de 28 millions d'euros, dont 21
millions avaient, selon la société Factofrance, déjà été financés.

3. Le 24 juillet 2013, la société Factofrance a suspendu le financement des créances remises


par la société Européenne Food, puis l'a repris après avoir conclu avec cette société, le 25
juillet 2013, un accord, réitéré le 5 août 2013, prévoyant la mise en place d'un mécanisme
destiné, notamment, à apurer sa dette de 21 millions d'euros.

4. Les 25 septembre et 30 octobre 2013, le tribunal de commerce de Créteil a mis la société


Européenne Food en redressement puis liquidation judiciaires, la société SMJ étant désignée
en qualité de liquidateur.

5. Imputant à la société Factofrance une faute ayant causé à la collectivité des créanciers un
préjudice équivalent à la totalité de l'insuffisance d'actif de la société Européenne Food, le
liquidateur l'a assignée en responsabilité civile délictuelle, devant le tribunal de commerce de
Nanterre.

6. La société Factofrance a soulevé l'incompétence territoriale de ce tribunal au profit du


tribunal de commerce de Paris, en application de la clause attributive de compétence stipulée
dans le contrat d'affacturage et le protocole d'accord.

7. M. [D] a été désigné liquidateur de la société Européenne Food, en remplacement de la


société SMJ.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le liquidateur de la société Européenne Food fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de


commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, en application
de la clause attributive de compétence, alors « que, agissant au nom et dans l'intérêt collectif
des créanciers, le liquidateur judiciaire, qui engage une action en responsabilité délictuelle en
réparation du préjudice subi par l'ensemble des créanciers, n'est pas tenu par une clause
attributive de compétence territoriale convenue entre le débiteur dessaisi et le défendeur à
l'action ; que la société SMJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire, exerçait en l'espèce une
action en responsabilité délictuelle en réparation des préjudices subis par l'ensemble des
créanciers de la société Européenne food du fait des agissements fautifs de la société
Factofrance, qui, en instrumentalisant une procédure de mandat ad hoc pour réduire son
encours, avait retardé l'ouverture de la procédure collective en aggravant l'insuffisance d'actif,
et annihilé toute possibilité de désintéressement des autres créanciers ; qu'en retenant que les
clauses attributives de compétence territoriale insérées aux actes conclus entre les sociétés

30
Européenne food et Factofrance étaient applicables à cette action, au motif, inopérant, que les
fautes invoquées contre la société Factofrance auraient été commises "dans le cadre" de ses
"relations contractuelles" avec la société Européenne food, la cour d'appel a violé l'article 48
du code de procédure civile, ensemble l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure
à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 641-4 et L.
622-20, alinéa 1er, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, l'article 1165 du code civil, dans
sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 48 du code
de procédure civile :

9. Lorsque le liquidateur agit contre un tiers au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers du
débiteur mis en liquidation judiciaire, dans l'exercice du monopole que lui confèrent les deux
premiers textes susvisés, il résulte de la combinaison des deux derniers textes que la clause
attributive de compétence stipulée dans un contrat conclu, avant l'ouverture de la procédure
collective, entre le débiteur et le tiers cocontractant ne lui est pas opposable.

10. Pour faire application de la clause attribuant compétence au tribunal de commerce de


Paris, stipulée dans le contrat d'affacturage du 14 mai 2009 et le protocole d'accord du 5 août
2013, conclus entre les sociétés Européenne Food et Factofrance, l'arrêt retient que la
circonstance que le liquidateur de la première société ait assigné la seconde sur le fondement
de l'article 1240 du code civil n'est pas de nature à justifier que cette clause soit écartée, dès
lors que les griefs invoqués par le liquidateur contre la société Factofrance tiennent à des
fautes que celle-ci aurait commises dans le cadre des relations contractuelles existant entre les
sociétés Factofrance et Européenne Food, notamment en dépassant le taux des retenues de
garantie prévu par le contrat d'affacturage et en le faisant entériner par les accords des 25
juillet et 5 août 2013. Il en déduit que, l'objet du litige étant relatif au comportement de la
société Factofrance dans le cadre de l'application du contrat d'affacturage, amendé par le
protocole d'accord, la clause attributive de compétence doit recevoir application, même si le
liquidateur de la société Européenne Food n'y est pas partie.

11. En statuant ainsi, alors que, dans son assignation introductive d'instance comme dans ses
conclusions d'appel, le liquidateur, qui agissait contre la société Factofrance sur le fondement
de la responsabilité civile délictuelle, demandait le paiement de dommages-intérêts
correspondant au montant de l'insuffisance d'actif de la société Européenne Food, en se
prévalant d'une faute commise par la société Factofrance au préjudice de la collectivité des
créanciers et consistant à avoir instrumentalisé et détourné de sa finalité la procédure de
mandat ad hoc ouverte au profit de la société débitrice, afin de réduire son encours, ce qui
avait retardé l'ouverture de la procédure collective de la débitrice et, partant, privé ses
créanciers de la chance d'être payés dans le cadre d'un plan de redressement, aggravé
l'insuffisance d'actif de la débitrice en diminuant le gage commun des créanciers, et créé une
apparence trompeuse de solvabilité créatrice d'un passif nouveau, tous éléments desquels il
ressort que, l'action du liquidateur étant exercée au nom et dans l'intérêt collectif des
créanciers, tiers aux contrats contenant la clause attributive de compétence, celle-ci n'était pas
opposable au liquidateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

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12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile,
il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et
627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la
Cour de cassation étant en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige sur la
compétence, par application de la règle de droit appropriée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les
parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la société Factofrance au profit du tribunal


de commerce de Paris et DIT que le tribunal de commerce de Nanterre est compétent pour
connaître de l'action exercée par le liquidateur de la société Européenne Food ;

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