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Aux originesdu réferelégislatif:

etj urisprudence
interprétation
de 1189*
danslescahiersde doléances

Résumé.- L'auteur se propose de rechercher les origines du < référe iégis-


latif> dans les cahiersde doléancesrédisés en 1789. Après avoir décrit le
systèmeprévu par cette institution, ses ra-cineshistoriquès et ses liens avec
la doctrinejuridique du xvtlt" siècle, on essayed'analyser la contribution
des cahiers de doléancesde 1789 à la création du systèmedu référé législatif
oar I'Assemblée constituanteen 1790. Les cahiersétaient essentiellement
èoncordantsdans la revendication de la séparationentre les pouvoirs légis-
latif et judiciaire. Cela gràce à I'affirmation du monopòle nonnatif de la
loi, de l'abolition des Arréts de règlentent. de la subordination du juge à
la loi et de l'interdiction d'interoréter. Les auteurs des caliiers rranifestent
clairement le souci de reduire le róle politique de Ia masistrature à travers
la lirnitation des fonctions des juges.^Au 1úgeon refusiit le droit d'inter-
preter la loi en lui imposant une application syilogistique. Unificatitln légis-
lative, interdictiond'interpréter,obligationde motiver lesjugements étaient
les revendications les plus fréquentesdans les cahiers de doléancesde 1789
en matièrejudiciaire.'Bien qu-esans systématicité,ni précision technique,
la maiorité des cahiers de doléancesde 1789 manifesta I'adhésion à un
systèn.rejuridique séparant netl.ementlégislation et juridiction. Dans cette
perspective,I'interprétationde la loi, considéréecomme une phase de la
èréationde la règlejuridique, devait nécessairement ètre soustràiteaujuge
et confiée au législateur. Le système du référé législatif, non prér.u expli-
citement par les cahiers. fut la conséquencelogique de cette conception
Junolque.
Mors-cLrs : INtÉRpngr.rtroNDE LA Lot ; JURfDlcrtoN; AsseNlelrE CoNstr-
TUANTE

L'institution du < référé législatif > - déf,rnie par Frangois Gény comme
(( une effeur législative)), tÌn (( incident,éphémèreet presqueoublié> auquel
on ne pouvaitreconnaître < la moindreinfluencepositive> I - a toujourssuscité

* Textede la conference présentéele l8 novembre2006 à la < Sociétéd'Histoiredu Droit >,


M. le Prolesseur
suiteà I'invitationde sonPrésident, Jean-Marie Carbasse, queje remercietres
vivemenl.
l. F. GÉNv,Méthoded'interprétationet sourcesett droit privé psitiJ,2" éd., f, Paris l9l9
(réimpr.Paris,1995),p. 85 et 88.

lp.7s3-2621 P. ALVAZZI DEL FRATE Rev.hist. droít. 86 (2) ayr -juin 2008

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p s w 3 2 - X - M E D T A - C 5 . 0 ' 7 . ' , 1 ' 1 - p 5 . A ' ,.7' 1 4 , 1 A / ' 7 / 2 A 0 8 1 1 H 2 9 - - K : / 0 8 2 I 8 2 _ I _ P H D F _ 2 _ 2 0 0 8 / L T S E R D E F I N E D F O L D E P SN A T I F S _ C A L L I
254 Paolo Alvazzi del Frate

une certainecwiosité auprèsdes théoriciensdu droit. Son applicationa été


très limitée à causede sa complexité,toutefoiscetteinstitutiondémontreeffi-
cacementle caractèreet la rigidité des conceptions juridiquesdes Lumières.
Dans cette interventionnous nous proposons de rechercherles originesdn
référélégislatifdanslescahiersde doléances de 1789.Dansla prernière parlie
de I'exposénousallonsdécrirele systèmeprér.upar cetteinstitution,sesracines
historiques et sesliensavecla doctrinejuridiquedu xvttt"siècle.Ensuitenous
essaierons de montrerla contributiondes cahiersde doléances de 1789à la
créationdu systèmedu référélégislatifpar l'Assembléeconstituanteen 1790.
I. - Le référé législatif - institution typique des théoriesjuridiques des
Lumières' - fut créé par la Constituante avec les lois du 16-24aoùt 1790
(art. 12,tit. II') et du2l novembre-1"'décembre 1790(ar1.2l).Le référéétait
articulé en deux institutionsdifferentes : à savoir le < référé facultatif>
* demandépar un juge du fond en cas de doute interprétatifou de lacune
législative - et le < référéobligatoire) - provoquépar un conflitentreI'inter-
prétationdu Tribunalde Cassation et celledujuge de renvoi.Les deuxréférés
àériventdesmèmesprincipesI. C'estpo.,. [.," nour nousproposons d'en
considérerles origineshistoriquescommunes. ""iu
Le référélégislatifa comportedeux aspects:
a) I'interdictionpour le juge de développerune activitéinterprétativepour
prononcerun jugement.On peut ici parler d'interdictiond'interpréter;

2. Les institutions de droit romain et de droit canon de la relatio ad princiDent sont généra-
lement considérées,à certains égards,comrne des précédentsdu róféré législatif.-ll far-rtcon-sidÉrer
- toutefois -, que les systèmes,juridiques desquels ils dérivaient étaient très différents.
3. Llf. C.-J. DEFÉRRIÈRE, < lnterprétation >,dnns Dicti.onnuire de dnsít et tle Tsra!iquet'otltendtii
I'explication des termes,Je drcit tl'Orclonnatrc:es.tle C'ottluntes& de Prutitnte. n. éd., ll vol..
P a r í s , 1 7 7 1 , p . 6 l - ó 3 ; A . M n l r t t e n D E( ' r t . 4 S s A TT, r n i r é t [ c l ' i n î e r p r é r c t i t , t tt l c . sl o i . c .P a r ì s . l 3 ] 2 :
Ph. A. Mrnr-iu, <i Inteiprétation >>,dansRépertoire unit,ersel et raisonné clejurispnttlentrc- 5" éd."
VIII vol., Paris, 1827, p. 561-566; V. FoucHER, De la législation ert ntatière tl'lnterprétarion
des Loís en Fronce,2" éd., Rennes-Paris,1835 ; D. Dat-loz, < Lois, De I'interprétation des lois >,
dans Répertoire méthodique et olphabétique de legislation, n. éd., XXX vol., Paris, 1853, p. I 89-
203 ; F.-GÉr.rv,Méthode à'intet'píérarion òr .sr.,urteien tlroiî privé positil, op. cit. ; J. B,tnrtlÉletttv,
< De I'interprétation des lois par le législateur >>,Ret'ue du tlroit public et tle la science politíque
en France et à l'éu'anger, XV (1908), p. 456-500 ; L. Le Counrots DU M,rnoln, l,'interprétatiotl
<leslois par le légi.slateur et le prin<ipe la la Sóparoliott dcs Pt,ut,,irs Légi.slatif et Jutlitiaire,
P a r i s , 1 9 0 9 ; I I . D r P n c r , D e l ' i n r e t p i ó t a r i o n l e s / o l s . B n r x e l l e s - P a r i s .l q 2 5 ( r é i i n p r . B r u x e l l e s .
I 978).
4.-Sur le réferé législatifnoìis nous permettons de citer notre volume Giurispntdenza e réJéré
tégislatil in I'rancii nel periodo rivdluzionario e napoleonico, Turin, 2005. L'étude la plus
i r l p o f a n t e s u r c e t l e i n s t i t ú t i o ne s l c e l l e d e Y . - L . H t r l r É , , r u .L e r é . 1 é r 'Iéé g i s l a t i .el t l e s p t t t t n , i r : sl u
juge dans Ie silence de la loi, Paris, 1965. Cf., outre les ouvrages dejà cités à propos des théories
s u i l ' i n l e r p r é t a t i o n ,P h . A . M E R L I N ,< R é f é r é a u l é g i s l a t e u r> , . d a n sR é p e r r o i r eu t t i v e r s e l .r t p . t i t . .
XIV vol.,-p. 368-369; P. CalaurrNnxat, La cassazione civile, l, Storia e legislazioní,Tqin,
1920, I vof , p. 365 et suiv. ; R. C,rnnr or M,rLneRc, Contributiort à la Théorie gértérale de I'Etat
spétialemeni d'après les données Jòurnies par Ie Droit consliÍutionnel f'anqais, Paris, 1920,
I vol., p. 727 et suív.; J. DerounNv, Le rè/éré législariJ err dnit con()ilique, cit. : M. Faune. les
rappnits du potrt'oir légi.slatil et du p',uvoir judiciaire de la.fitt tlc l'Art<ien Régime à Ia pr,>ntul-
p à t i n n , l u C i t d e t i v i l , i h è s e e n d r o í t U n i v e i i t é d e T o u l o u s e ,d a c t . , T o u l o u s e 1 9 . { o ; À 1 . L r s . r c r . ,
Les inten,entions du législaîeur clans le fonctiotnement de Ia ju.rlice, Paris, 1960, p. 30 et suiv. ;
G . G o n I - a , < I p r e c e d e i t i s t o r i c i d e l l ' a ú . l 2 d i s p o s i z i o n ip r e l i m i n a r i d e l c o d i c e c ì v i l e d e l 1 9 4 2
(trn problema di diritto costituzionale ?) >, dani Studi in'memoría clí Carlo Esposíto. III vo[.,
Padórre, 1973, p.885 et suiv. (maintenant dans diritto comparaîo e diritto comune europeo,
M i l a n , G i u f f r è , 1 9 8 1 ) ; S . B E l a t o , E s s a is w ' I e p o t ; o i r c r é a t e w e t n o r n n t i J d u j u g e , P a r i s , 1 9 7 4 ,
p.32 et suiv. ; M. TRopER,La séparatiott des pottvoirs eî I'histoire cortstiîtrtionrrclle.fiangaise,
2" éd., Paris, 1980, p. 58-68; J.-L. H,crpÉnrN,Le Tribunal de c:assaîionet les pottt,oírs sous Ia

Rev. hist. dntít, 86 (2) avr.-juin 2008 P. ALVAZZI DEL FRATE lp.2s3-262)

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11H29--K: /082182-I--RHDF OI] . _ P H D F _ 2 _ 2 C 0 8 .î 9 2 _ P A G E 9 4


2 O O 8/ U S E P . D E F I N E D F O I , D E P . S / N A T I F S _ C A L/ L
P S w l 2 - X - M E D I A - C 5 . O ' 7 . ' l ' 7 - P a . A ' 1 . ' 7 4 - 1 ' 0 / ' 7/ 2 A A 8
Aux origines du référé législatif 255

b) l'obligation de se référerau législateurtoutesles fois que le juge croit


nécessaire d'interpréterla loi ou d'en faire une nouvelle.Il s'agit. dans le
premier cas, d'un doute sur I'interprétationd'une loi existante,et dans le
deuxième,de la mise en lumière d'rtnelacunelégislative.
Il faut tout d'abord préciserque pour la doctrinejuridique de I'Ancien
Régime,le terme< interprétation> correspondait à cetteamplefonctiondujuge
quele irzscomtnunedéfinissaitcommeinterpretatio: il s'agissaitd'une activité
non seulementinterprétative,mais aussinormative.Le juge avait en effet le
pouvoirderésoudreles doutesinterprétatifs, de comblerleslacrures normatives,
d'élargirou de limiter le champd'application de la loi. On distinguaitl'appli-
cationde l'interprétationet on affirmait,commele faisaitRodieren 1679dans
sesQtrestions sur l'Ordonnancede Louis*7V: <<c'estauxjugesà appliquerla
loi aux différentescausesqui se présentent;mais c'est au seul Législater"rr,
c'est-à-direau Roi, à I'interpréter > '. Aujourd'huion considèreque le terme
< interprétation> ne définit que l'attributiond'une significationau textelégis-
latif. Il n'y a pasde lois < claires>. ni < obscures ), toutesles lois doiventètre
interprétées parcequeI'interprétation estunephasenécessaire de I'application
de la loi à l'espèce.Donc,il n'y a pasrl'application sansinterprétation".
Le fondementthéoriquedu référé législatif dérive de la conceptionde la
rigide séparationentrela phasede créationde la règlejuridique (législation)
de celle de son applicationà I'espèceconcrète(jw'idiction).Danscettepers-
pectiveI'interprétation de la loi estconsidérée comrneune activitéde création
de droit, c'est-à-direune activiténomrative.Si l'interprétationest une fonne
de créationde la règlejuridique.elle doit ètre interditeau juge et confiée
exclusi.renrent au législateur.Seulie législateurdétientdoncle pouvoird'inter-
préter ia troi,commeI'afhrmaii la célèbremaxiine du droit rcmain Ejus esí
interpretari,cujus est condere/eges.L,'uniqueforme d'itrterprétation possible
estcellede naturelégislative, dite < authentique > parcequ'eliee-stfourniepar
le législateur, au moyend'uneloi inteqprétative dotéed'unevaliditégénéraìe '.

R é v o l u t í o n ( 1 7 9 0 - 1 7 9 9 ) , P a r i s , 1 9 8 7 , p . 6 0 - 6 4 ; C . B r - o c H - J .H I L A I R E ,< I n t e r p r é t e rl a l o i . L e s
limites d'un grand débat révolutionnaire >>,dans Miscellonea Forensia Ilistorica J. Th. de Smidt,
Amsterdam,-1988, p. 29-48; M. Tnoppn, <La notion de poui'oir judiciaire au début de Ia
Révolution frangaisè >, dans l79l : la prenrière consituilon f'anqaíse- At:tes du colloque de
Dijon 26 et 27 sepremhre 1991, Paris, 1993, p.359-362; M. MIEnscu, I)er sogenannte Référé
lcgislatil. Eina Uirtersut'hung zum Verhàltnis Gesetzgeher, Gesetz untl Ríc'hlerantt seit tlent lB.
Ja hrhundert. Baden-Baden. 2000.
5. M.-A. RoDtER,Questions sur l'Ordonnance de Louis XIV, du mois d'avril l6ó7, rela.tives
aLLttsages cles Cours de Parlement, eî principalement tle c'elui de Toulouse, n. éd., Toulouse,
1 6 7 9 .o . 1 1 .
6. Llf. entre autres F. GÉNv, Méthode tl'ínterprélatíon el sources en druit privé positi/, op.
cit. ; pour la doctrine italienne voir G. Tenpllo, < L'intelpretazione della legge >, dans Ii'attato
dí cliiitn cívile e commerciale, dirigé par A. Ctcu-F. Masstl'lEo et L- MENGoNI,I vol./2 t., Milan,
1980; R. Gu.rsrnr, < Le fonti del diritto e I'irrterpretazione>, dans Tratîalo tli tlirifto prít,ato
par
' G. Iudica et P. Zaîti, Milan, 1993.
7. Srrr l'interprétation authentique on peul rappeler, oulre la bibliographie déjà citée :
F . - A . I s e N t e e n r , - <D e l ' i n t e r p é t a t i o n l é g i s l a t i r e r . R e l r r e d e l ó g i . s l a t i t t ne r d u i t t r i . r p n u l e t t t e .I
(1834-1835), p.'241-261 ; F. t,+rrrvro, (;L'interpretazione.aute,ritica.>,Giurisprutleiza italiana,
L I X ( I 9 0 7 ) , p . 3 0 5 - 3 6 6 ; J . B e n r u É l r t t v , < D e I ' i n t e r p r é t a t i o nd e s l o i s p a r l e l é g i s l a t e u r> >R , evue
d u d r o i t p u b l i c e t d e l a s r ' í e n c ep o l i t i q u e e n F r a n c e e t à l ' é t r a n g e r , X V ( 1 9 0 8 ) , p . 4 5 6 - 5 0 0 ;
C. JÈzr, < Contribution à l'étude du principe de la non-rétroactiviié des lois-Les iois interpréta-
tives >, Revue du tlroit puhlic et de la science politique en France.et.à l'élt'anger, XXXI (1924).
p. 157-190; O. Claccirr, Fonnazione e svilttitpo clèlla tlottrína clella interprétazione autetúica,
òìt. ; C. Le.vec*e, L'interpreîazione autentica delle leggi e deglí o.ltrí atti giuridici, Rome, 1942

lp.2s3-262) P. ALV,\ZZI DEL FRATE Rev. híst. drcit. 86 (2) avr.-juin 2008

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p s w 3 2 - X - M E D T A - C 5 . Q ' 7. ' 71 - P 5 . A ' 7. ' 74 - 1 A / ' l / 2 0 0 8 1 1 H 2 9 - - ( / 0 8 2 1 3 2 _ T _ R H D F _ 2 _ 2 0 0 8 / U S E P . D E F I N E D F O L D E R S , / N A T I F S _ C A L L I / 0 1 _ P . H D F _ 2 , 2 0 0 8 ' 7 9 2P A G È 9 5


256 Paolo Alvazzi del Frate

Une fois le doute interprétatif résolu par le législateur, le juge pourra statuer
sur l'affaire en appliquant la loi interprétative. Le mécanisme théorique était
simple et cohérent.Il avait le but de garantir la < pureté >>de la loi et d'empècher
le risque d'une < comrption > du sens de la loi méme opérée par le juge et la
jurisprudence.
Le référé législatif ne fut pas une création tout à fait nouvelle de la Consti-
tuante. Les racines du référé législatif sont ancienneset se trouvent dans le
droit justinien, le droit canon et le droit frangais.
a) Endroit justinien existaientdéjàles institutionsde I'interdictionde I'irrler-
pretatio et de la relatio ad Principert, à savoir l'obligation de se référer à
I'Empereur en cas de doute interprétatif. Cette obligation était prér,'uepar plu-
sieurs constitutions. Entre autres elle fut établie par la constitution de 1'an 529.
De legibus et constitutionibusprìncipum et edictis (C. L 14.12) : <<legescondere
soli imperatori conce.ssumest, et leges interpretari solum dignunt inrperio esse
oportet... tam conditor quam interpres legunt solus imperator iuste exislintahi^
tur >>;etparlaconstitution T'anta,depromulgationduDigeste : < ,Si...ambiguunt
fuerit vistnt, hoc ad imperiale urlmen per iudices referatur, et ex auctoritate R.
Ar.tgustamanífestetur,ctti soli concessumest legeset condere, et interpretari >
b) En droit canonique l'interprétation authentique a, depuis le Concile de
Trente, un róle très important'. La Bulle Benedictus l)eus de 1563 de Pie IV,
imposa au juge I'interdiction d'interpréteret I'obligation de se réferer au Pape
- qui possédait alors la qualité de législateur - en cas de doute interprétatif.
Ensuite, en 1564 une Congrégation pcur I'exécution et l'interprétation des

(maintenant dans Id.,. Ricerzhe sul sistenia normaií\"o, l\,Íilan, 1984, p. 375-45 1) ; G. Garr,tzzl,
< Sulla interyretazione autentica tlella legge >. dans 5;rrrli giuridit:i. in nrennria tli Al/redo Pts-
s c r i r i . M i l a r r . I 9 5 - Í . n . l 5 | e t s u i v . I C . C r ' 1L. o x t . L u i t t r e r p r e r a : i t , n td, u l l a l c g g e : t t t n p e r t i r t , l n tc
riguorcùt ai rapgtt ti'fra interpretu:i()ne otilr.ttliLo e gìut iipnultn:;:z/e. Milan.-l c)55: C. l'{alzano.
L\nterpretazione della leggé cott particolare.riguaTzlo a'i rappo.r'tíJia itilerpretazione auíeniitrt
e giurispnden:iale, Milan, 1955; G. C,q.stELLzrNo, < lrtterplelazione autentica della legge e
p o ì i t i c a i l e ld i r i t t o < , d a n s P o l Ì t í c a t l e l d i r i n o , l l ( 1 9 7 1 ) , p . 5 9 i - 6 a a ; G . 1 ' a r e l l o , L ' i t t t e r p r e t a - z l o n e
della legge, op. cit.,p.241-285; G. L,tv.,tcx,r, < L'interpretazione autentica nei contributi della
d o t t r i n a g i u r i d i c a i t a l i a n a > , N o m o s , n . s . I ( 1 9 9 6 ) , p . 2 3 - 5 1 ; A . G À R D l N oC , t n l t , 1 / l e g i s l a t o r e
interprete. Problemi attttali in tenn dí interpretazione autenti(a delle leggi, Milan, 1997;
G. VEnoe, L'inrerpretazíone autenticd della legge, Turin, 1997 ; C. M. PolvlNt, Authentic inter-
preîatirttt in cattort law. Reflectirns on a distínctivelv canorùcal institution, Rome, 1999;
P. Arvtzzt oEl Fnnte, L'interpretazione autentica nel XVIII sec'olo. Dívieto di interpretatio e
'riferimento
al legislatore' nell'illuntinismo giuridico, Turin, 2000.
8 . V o i r s u r t o u t E . T À u B L E R< , Relatio ad principem>, K/io, XVII (1921),p. 98-l0l ; J. Gau-
DEMET.(<L'empereur, interprète du droit >, dans Festschrift./ìir Ernsl Rabel, ll, Geschichte der
ontiken Recht und ollgnteitre Rechtslehre, Tùbingen, 1954, p. 169-203; G. Bassaxelll SoMMA-
xtyl,. L'intneratore uníco creatore ed interprete delle lexci e I'auk,rrontia del giudice nel diritto
'referimcnto
g i t r s t i n i a n à o , M i l a n . 1 9 8 3: A . G u z l , t r r N .< ' Historia dèl iegisTativo' : derecho
iomano )), tlans Sor/a1itas.Scritti in ortore tli Antonio Guarino, Vll, Naples, I 985, p. 346'7-3522 .:
R. Ontsreuo, Introduzione allo stuttio del dit'ilkt rontano, Bologne, 1987, p. 59-60 ; F. Anc,,rnle,
ReJèrre ad príncipenr : contriltuto allo studio tlelle epistulae intperialí in età classica, Mllan.
2000.
9. Cf. O. Gt.lccHt, Formazione e sviluppo clella dotu'ina della interpretazione autenti(a in
tliritto canoníco, Milan, 1935; A. Bnr,tts, < De authentica interpretatione codicis J. C. >, dans
J u s P o n t i J ì c i u t nX , V ( 1 9 3 5 ) ,p . l 6 l - 1 9 0 ; 2 9 8 - 3 1 3 , e t X V I ( 1 9 3 6 ) ,p . 7 8 - 1 0 5 ,2 l ' 7- 2 5 6 ; C l r . L e r ee -
vnE, Ie.s potrvoirs du.juge en t{roit canonique. Corúrihutiort historique et t{octrinale à l'étwle du
canon 20 sur la néthòdà et les sources en droit positi/, Paris, 1938 ; j. R. Sctvror, The Principles
oJ Authentic Interpreîation in Canon I7 oJ the Code oJ Canon Lay. A Contmertla6,, W2sl1i1g16n
d.c., l94l ; .I. DEFouRNy,Le réJéré légíslatif en droit canonique. Ende historique sw'les recours
du iuge en t'ast{e dt'ute de tlroit, thèse Université Catholique de Louvain, dact. Louvain-la-Neuve
1947-; C.M. PoLV^Nt. Authentic interpretation in canonlat, op. cit.

Rev.híst.droit, 86 (2) avr.-juin2008 P. ALYA7,ZIDEL FRATE lp 2s3-262)

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PSW32-X-IÍEDIA-C5.Ai .'71-P3.A'/ .'14-IO/1 /2OAB 1LH29--K:,/082182 I F . H D F 2 2 0 0 8 / U S E P . D E F I I I E D F O I , D E R S / N A T I F S - C A L L T0 1 - P . H D F - 2 2 0 0 8 . j 9 2 - P A G E 9 6


Aux origines du référé législatif 257

dispositions du Concile fut créée avec le Motuproprio de Pie IY Alias non-


nullas. Avec la Bulle Immensa aeterni Dei de Sixte V de 1587, la Congrégation
devient \a Congregatio pro executione et interpretalione Concilii Tridentini, à.
laquelle <<lsil dubietas aut dfficultas emerserint, interpt'etandi facultatent,
nobis tamen consultis, impartimur >. La centralité de cette institution est confir-
mée par le c. 17 du Codex iuris canonici de 1917. dédié iustement à I'inter-
ro.
p r é t a i i o na u t h e n t i q u e
c) en droit .frangais. Il faut rappeler I' Ordonnance cit ile de 1667 qui, avec
l'Art. 7 du Titre I"', avait établi que : < Si dans les jugemens des procès qui
seront pendants en nos cours de parlement, et autres nos cours, il survient
aucun doute ou difficulté sur I'exécution de quelques articles de nos ordon-
nances,édits, déclarationset lettres-patentes,nous leur défendons de les inter-
préter : mais voulons qu'en ce cas elles aient à se retirer pardeversnous, pour
apprendre ce qui sera de notre intention >. Il s'agissait - encore une fois - de
I'interdiction d'interpréterles lois et de I'obligation de se référer au législateur.
Les hommes de la Constituanteadmirent les origines romaines et monar-
chiques du réferé législatif. Robespierrelui-mèrne en 1790 proposait d'adopter :
< cette ntaxime, qui n'était poínt étrangère au droit public de Ronte, et
que notre ancien gouvernement méme avait adoptée : la législation
rontaine posait en principe qtte I'interprétation des lois appartenaìt à
celui qui a fait la /oi .' ejus est interpretari legem, qui condidit legem.
On a senti que si une autre autorité que celle du législateur pouvait
interpréter les lois, elle.finirait par les altérer et par élever sa volonté
att-dessusde la sienne ,>" .
Sur le modèle del'Ordonnance civilé.'il y a eu én Europe rJesréformes qui
ont établi f interdiction d'interpréter ei 1'obligatiori dc se référer au lég,isiateui'.
On peut citer, parmi d'autres, le projet.du code r:ivil de Frussecle Frédéric ll
I2;
de 1749 o u l e s L e g g i e C o s t i t u z i o n di u R o y a u m ed e S a r d a i g n ed e C h a r l e s
Emmanuel III de 1770; ou encore le Dispaccio reale du Roi de Naples,
FerdinandlY de 1774
Le but de ces réformes était toujours le méme : empécher à la jurisprudence
de jouer le róle d'une source du droit en confiant au seul législateur I'inter-
prétation de la loi.
Pour conclure cette première partie consacréeà I'Ancien Régime, on peut
citer Philippe-Altoine Merlin qui, dans son Répertoire universel. nous donne
cette définition út référé au législateur. Il s'agit du
< jugement par lequel, avant de se prononcer sLffune question qtri leur
paraissait insolttble, d'après l'antbiguite ou I'instffisance de la loi dont

10. C. 17 - $ l. lega.s authentice interpretatur legislahr el is cuí potestas authenlice inter-


pretandi .fuerit ah eoden contmisa - i 2. [nterprelatio duthentic.t per ntodunt legis exhibíta
'eantlent
vim hahet ac le.r ip.ta et promulgari dehet; si verlta legi.s iil se (erta declaret tottltrnt.
valet retrorsum ; si legeh c'oai'ctet vél e.rterulat nt tluhialn e.rplicet, rton retrotrahitur.
-$3. Interpretatioauîempermodumsentenlioe.judicialisaulactusatlnrirtistraîiviinrepeculiari,
tim legis non habet et Iigal tanlum personds atrlue a/Jit:iÍ res pro quihus .lata est.
1 1 . - 2 5 m a i 1 7 9 0 , d a n l A r c h i v e sl a r l e n t e n î a i í e s , I ' i é r i e , X V v o l . . p . 6 7 0 .
12. Art.7 et art.8. partie 1". livre I"'.

lp.2s3-2621 P. ALVAT.ZIDEL FRATE Rev hist. droit. 86 (2) avr.-juin 2008

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sw32-x-l{EDtA-c5.A1..11-pa.A1.14-1,0/'7/2A08 11H29-K:/082182_I_P.HDF_2_2008/USEP.DEFÌNEDFOLDEP.S.NÀTrFS-CÀLLr.01-P.HDF-2-2008192-PÀGE9?
258 paolo Alvazzi del Frate

elle dérivait, les jttges ordonnaientqu'il en serait référé à I'autorité


investiedu pot;oir législatif [...J il an'ivait assezsouventque les cotu-s
renvoltaientles parties à se pourvoir par-deversle roi pour avoir une
interprétationd.ela loi de laquelledependaitla contestationsottmiseà
leur examen> ".
Quant à la contributionde la doctrinejuridique des Lumièreselle est trop
évidentepour étredémontrée.Il suffit de rappelerla diffusionde la conception
de la fonctionjuridictionnellecomme < syllogismejudiciaire >>et le fait que
le tenne interprétatiorufut considérésynonymede corntption de la loi.
A ce proposon peut citer Montesquieu qui considéraitla fonctionjuridic-
tionnelle< en quelquefaqon,nulle)),parcequele juge n'a pasle droitd'inter-
préter'la loi, mais seulementde l'appliquer à,la lettre.Les juges ne sontdonc
< quela bouchequi prononcelesparolesde la loi ; desètresinanirnés qui n'en
peuventmodérerni la force,ni la rigueur>. Lesjugesdoiventsuivrela letÍre
de la loi: < 11n'y a point de citoyencontrequi on puisseinterpréterune loi.
quandil s'agitde sesbiens,de sonhonneur,ou de savie >>'0.Ou Voltairequi
affirmait- danssonDictionnairephilosophique- la nécessitéque la loi < soit
claire,,.uniforme et précise: l'interpréter, c'est presquetoujours\a corront-
pre >>''.
Ce furent surtoutles juristes.italiens qui menèrentune campagneradicale
contrel'interprétafiordeslois'o. L'interventionla plus explicitefut celle du
milanaisPietroVerri qui publìaen 1l 66 un articleintituléStilla interpretazione
delle leggi dansla revue.I/ Calfé"Il s'agit d'un textede grandintérèt,une sorte
de sommede la théoriede I'interprétation de la doctrinedesLumièresr7. Verri
.'. affirmaitque < le juge devieutlégislateursi on lui pennetctr'interprétei'
la loi >.
Lesrnèrnesthéoriessontprésentées parCesareBecchriadanssoncélèhrelr-cilrí
des délits et des peines de 1764 (en particuliir dans le chap. I\/, inîihrlé
Interpreîazionedelle leggi). Nous pouvonsrappelerencore.pour le milieu
napo.litain,I'cuvre de GaetanoFilangieri,qui se fonde sur la mème concep-
18.
tion

13. Ph.-A. MERLIN, < Réferé au législateur >>,dans Répertoire universel et raís<nné tle iuris-
p r u d e n c e , 5 ' é d . , X I V , P a r i s ,1 8 2 7 ,p . 3 6 8 .
14. IúoNlesqurcv, De l'esprit des Loís, Liv. VI, ch. lll.
15. Volr,,ilnr, < Lois civiles et ecclésiastiques>>,Ditrionrnire philosophiqrra, dans (Euvres
c o m p l è t e sc l e V o l t a i r e , n . é d . p a r L . M o l a n d , X l X , P a r i s . 1 8 7 8 , p . 6 2 6 .
16. Parmi les ouvrages les plus récents sur la pensée juridique des Lumières en ltalie voir
G. Tenrllo, Storia delle culnn'a gíuridíca ntodenta, op. cit. ; P. Comanducci, L'llluminismo
giu'idíco. Antologia dí scritti gitu'idici, Bologne, 1978 ; A. CeveNN,r, Storia del díritîo notlento
in Ewtpa, I vol., Le Jòntí e il pensierctgitu'idíco Mitan, 1982, p. 296 et suiv. ; R. BoNrNl, C/.i.si
del dirilto t'omano, consolidazioni e codificazioni nel Settecenb europeo,2" éd., Bologne, I 988 ;
ld., Giustiniano nella storía : íl milo e la critica nel sefte(ento illuntittísta, Turin, l99l ; M.R. DI
StlrloNp, < diritto >, dans L'Illwnitúsmo- Dizionario storico. Dar Vincenzo Fenone et l)aniel
R o c h e , R o r n e - B a r i ,1 q 9 7 , p . 1 3 7 - 1 4 6 ; I . B I n o c c n l , A I I o t i c c l t a t l e l l ' t ' t d i n e ,p . l o l e t s u i i . ;
U . P e r n o N t o ,L a l o t t a p e r l a c o d i J ì t a : i r r r r ac. i t . . p . 2 8 5 e t s u i v . I A . ( ' r v n H n n . S t o r i a d c l t l i t i r r o
moderno in Euroqa. II vol.. Mitan. 2005.
ì 7 . P . V r n n l , i < S u l l a i n t ó r p r e t a z i o n ed e l l e l e g g i > , d a n s I l C q f / è , l l ( 1 7 6 6 ) , f . X X V l l l .
18. De Gaetano FILANcIERInous pouvons rappeler le volume Riflessioni politíche su I'ultinta
Legge tlel Sovrano che rigttarda Ia ríforma dell'anmittistrozitstte della Giusri:ia, publiée à Naples
e n 1 7 7 4 . C î . P . A w r r z z r o e r -F n , r t g , < G a e t a n oF i l a n e i e r i e t I ' i n t e m r é t a tj o n d e l a l o i . L a t r a d i t i o n
i t a l i e n n ee t I ' i n f l u e n c e d e l a d o c t r i n e f r a n g a i s ea u x ù l t f s i è c l e> , d a n s Z e s g r o . n d s Ì u r í s t e s A
. ctes
tles journées intern.(ttiondlestl'hístoire du droít, Aix-en-Provence, 2006, p. 129-136.

Rev. hist. droit, 86 (2) avr.-juin 2008 P . A L Y A Z Z ID E L F R A T E [ p .2 5 3 - 2 6 2 ]

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3W32-X-MEDÍA-C5.A1.-l'7-P3.A'Ì.'14-1A/'7/2AA8 I1H29--R:/082182 I P . H D F 2 2 0 0 8 / U S E F . D E F I N E D F O L D E R S / N A T l F sC A L L I / 0 1 P,HDr-2-2008.i92-PAGE98 (PS)


Aux origines du référé législatif 259

Pour résumer : la pensée juridique des Lumières fut caractériséepar un


mouvement contre le ròle - considéré coÍune excessif - de la jurisprudence
judiciaire, dans le but de I'affirmation d'un monopole normatif au profit de la
loi. Au nom de la séparation des pouvoirs, les juristes donnèrent un caractère,
pour ainsi dire, < sacré > à la loi, source unique du droit. Par conséquent,
confiance absolue dans le législateur, défiance profonde envers le juge.
L'interprétationjudiciaire fit I'objet de critiques de la part desjuristes pro-
ches à la philosophie des Lumières qui, au nom de la sùretéjuridique, postu-
laient une application syllogistiquede la loi. Dans cette perspective,la seule
interprétation considérée comme legitime fut I'interprétation législative ou
authentique, celle effechrée par 1e législateur lui-mème.
II. - En matière juridique, les cahiers de doléancesprésentésau* États
générauxde 1789 mélent la culture traditìonnellede I'Ancien Régime et cer-
i'ainessuggestionsde la philosophie des Lumières'n Les cahiers du Tiers-état
furent les plus influencéspar la culhrre des Lumières : abolition des privilèges,
constitutionnalisme,séparationdes pottvoirs, codification du droit, unicité de
juridiction, furent les thèmes les plus présentsdans ces cahiers.
Un document off,rciel de 1789, le Résttmé des cahiers sur la réforruejudi-
to, nolts offre une vue d'ensemble sur les
ciaire établi par la chancellerie
revendicationsdes cahiers.On y trouve la requètede I'unification législative
du royaume (<Art. 15. Que les codes civils et criminels soient réfotmés,
simplifiés, rendus intelligibles à tous ... pour ètre ensuite exécutés unifonné-
ment dans tout le royaume >), conclition nécessairepour parvenir à I'uniformité
de la jurisprudence (< Art. 19. Que la jurisprudence soit unifonne dans tor-rs
les tribunaux ; leur défendre d'en introduire une contraire aux lois >) Au jrrge
on aurait dù empècher d'exercer une actiuité normative et donc lui interdire
l'interpretation de la loi (<Art. 18. [empécher atrx juges de] déroger aux
ordonnances oules interpréter >>).Enfin, l'obligation de motiver les jugements
aurait permis d'évaluer et mieux contròler I'activité juridictionnelle
(n Art. 79 bis. Que tout jugement ou affCt rendtl, soit au civil, soit au criminel.
contienneles motifs de la décision>).
juridique >) et
Quant aux rapports entre législation (<<création de la règle
juridiction, les cahiers sont essentiellementconcordantsdans la revendication
de la séparationentre les pouvoirs législatif et judiciaire. Cela gràce à I'affir-
mation du monop6le normatif de la loi, de 1'abolition desArréls de règlement,
de la subordination du juge à la loi et de I'interdiction d'interpréter. Les auteurs

19. Lescahiersde 1789se trouventdanslesArchives parlententaires


de 1787à 1860,par
Ie série,danslesvolumesI-VI. Cf.,e*ntre
J. Mavidale! E. Laurent, A. PestanolNs,
autres, Zes
cahíers cles Etatsgénérara en 1789 et Ia Iégi;lation.crinrínelle, Pari^s,1883 ; A. BnrrrE. Recueíl
de documents reùtiJs à la convocaîion dei Etats généraux de 1789, Itúroduction, Paris, 1894;
E. CsaruproN,La Fí.ance cl'après les cahiers de 17,89,Paris,_l897; H.-L. C,has,sin, Les élections
et les cahierí tle Paris en 1789,4 vol., Paris, 1888-1889; E. Srltcr,tau, Lajusîice en Franc'e
n e n r l a n t I a R ó v o l u t i t t r . t v o l . , l i 7 8 9 - 1 7 9 ) ) , P a r i s , l 9 0 l ; . R . A U B I N . L ' t t t g o t t i . s a l i t t ritt r t l i t a i r e
'd.'apr
ès le.sCahiers de ITRQ-Paris, 1928 : C. lot re ..I^c_s^ Eta.r.s génórntr.rtle Ft atrt'c. I 302- I 7Ro.
E n i d e h i s t , r i l a u ec.o m p o r d t i t ee t d t r c t r i r m l eH , e u l e , 1 9 6 8 : A . L r R I c R e .< 1 7 8 9 : l a j u s t i c e d a n s
toussesétatsir,dansÚneautre justíce.Contribuîionsàl'histoiredela.iusticesouslaRét,olutictrt
l i a n < a i s c , p a r R . B a d i n t e r , P a r i s . 1 9 8 9 .p . 3 9 - 5 5
ZO. puUilenarE.SrLro',rnN,LoiustitèettFrantepetrdantlnRÓr'titrripn,t)p.(it..1.p.489-505.
Ce texte se tròuve auprès des Archives Nationales de France,8a.89, Etats généraztx de 1789.

P. ALVAZN DEL FRATE Rev.hi.st.dntit. 86 r2) avr -jrrin 2008


lp.2s3-2621

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psw32-X-MEDÍA-C5.A1..7.7' p5.0.7.14-7A/'l/2008 ItH29- -Í\:/082182-r-RHDF-2-2008/USEF,DÉTTNEDFOLDSP.S/NATIFS,CALLIio1-F.HDF-2-2008',192-PÀGE99
260 Paolo Alvazzi del Frate

des cahiersmanifestentclairementle souci de réduirele róle politique de la


magistrature à traversla limitationdes fonctionsdesjrrges.Lei cahiàrscher-
chaientà la fois à assurerla garantiede I'indépendance de la.juridictionet à
empècherle risquede son empiétementsur la fonctionlégislative.Au juge on
refusaitle droit d'interpréterla loi en lui imposantuneapplicationsyllogistique.
Cetteconception de lajuridictionétaitdominante danslescahiersdu Tiers-état.
tandis que ceux du Clergé et de la Noblessernontraientune attitude plus
diversifiéeet plus liée à la tradition.Celadérivaitsansdoutedu róle politrque
desétatsprivilégiésdansle système judiciairede l'Ancien Régime.
Pour résumer: unificationlégislative,interdictiond'interpréter. obligation
de motiverles jugementsétaientles revendications les plus fi-équentes dans
les cahiersde doléances de 1789en matièrejudiciaire.Les citations- à ce
propos- pourraientètre innombrables.
Il convientdoncde signalerd'ambléequecesréferences auxcahiersdoivent
ètre considérées seulementcomme des échantillons.Peut étre une recherche
plus approfondie ne serait-ellepas d'une grandeutilité, si I'on considèrele
consensus qui entouraitla nouvelleconceptionde la juridiction.
Pourmieuxcomprendrecestextesil far-rt rappelerqueles auteursdescahiers,
en utilisant les termes< code> et < codification>, pensaientà la réforrnede
la procédurecivile et criminelle,doncà la réformedesOrdonnances de Colbert
de 166'l et 1670.La réformationdes codesqu'ils proposaient n'étaitpas la
rédactiond'un < Code> de droit substantiel civil ou pénal.Jusqu'àla Révo-
lution le terme< Code> était donc synonymede < code de procédure>.
trII. - Af,in d'exemplifierle-caractèredes revendicationsprésentées. nous
nous borneronsà citer quelqu'undes cahiersles plus significaîifs: (( que
I'interprétation de la loi soitLéservóe au législateur,quelesrnotifsdesdécisions
soientexprimésdans les jugements> '' , <<que les juges serontcblieés de
motiver leursjugements[...] que, dansles jugements,la lettrede la loi soit
toujourssuivie,sanspouvoirètreinterprétée par lesjuges>,22 . ,, que les Tri-
bunauxet lesjugesne puissent jamaiss'écarter du textedeslois et sepermettre
d'en introduirede nouvellessousprétextede les interpréter> " ; u q,,., par un
oubli desprincipesde touteconstitution, tous les pouvoirsse sontconfondus
dans le pouvoirjudiciaire; que, sousle prétexted'arr€tsde règlement,les
Tribunau.rsupérieurs se sont attribuéune portiondu ponvoir législatif>24;
< qu'il soit statuéque le juges soienttenusde se conformerà la lettrede la
loi, sanspouvoir s'en écarter,sousaucunprétextert "; ,, il seradéfenduà
toutescoursetj_uridictionsde se permettreaucuneextensionou modification
[des] ... lois >'o; < bornerfies juges] par des lois précisesà n'ètre que les
témoins,les dispensateurs de la loi, et non sesinterprètes ,, " ; ,, qu'il soit fait
un règlementsi clair et si précisqu'il seraimpossibleaux juges .... de s'en

2l. Cahierdu Tiers-étatde la Flandrenraritime,Bailleul, art.6,7, < Législation>>,dansArch.


parl., I s., II vol.,p. 177.
22. Cahierde la ville de Bergues-Saint-Winoc, Art. 7, 11, dansArch.parl., I s.,ll vol., p. I 80.
23. Cahierdu clergéde Beauvais,íhicl.Il, p. 291.
24. Cahierde la noblesse de Blois.ihid. p.381.
25. Cahiergénéraldu Tiersde la sénechàussée de Guyenne,ibid..p.399.
26. Cahierdu Tiers de la ville de Brest,ibid., p. 110.
27. Cahierde la noblesse de Bugey,ióld,ll vol., p.481.

Rev.hist. droit. 86 (2) avr.-juin2008 P. AL.YAZZIDEL FRATE [p.2s3-262]

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p s w 3 2 - X - M E D I A - C 5 . 0 ' 7 . ' 7 ' 7 - p 5 . O t . ' / 4 , L 0 / 1 / 2 A 0 8 7 ! H 2 9 , , K : / 0 8 2 1 8 2 _ r _ R H D F _ 2 _ 2 0 0 8 / U S E R D E F T N E D F O L D E P S , N A T T F S _ C A L L T ' 0 1 _ R H D F _ 2 _ 2 A A Ap. A


19G2E l C 0 ( P S )
Aux originesdu référélégislatif 261

écarter, l'étendre ni interpréter pour quelque cause que ce soit rr " ; ,, qu'il soit
défendu aux Tribunaux de faire des règlements et d'interpréter la loi, sous le
prétexte méme de l'équité u'n ; ,, qu,etoute interprétation ou extension d'une
loi n'appartient qu'au Roi et aux Etats conjointement, et non séparément;
qu'une pareille interprétation ou extension serait, de la part de tout corps ou
30
individu, un crime de lèse-majesté> ; < la France éprouve le besoin d'un
code clair, simple, d'une application facile ... et qui rende le jlg" à sa seule
''
fonction, celle, non d'interprète,mais d'exécuteur de la loi > ; < qu'il n'y
soit plus donnée [à la loi] ni exception, ni extension par aucllne interpréta-
12
tion > ; < [rendre] le juge à sa setrlefonction, celle, non d'interprète,rnais
d'exécuteurde la loi ,) " ; <<laire un code plus clair. moitts contplexeet lnoins
3t
sujet à diversesinterprétations>> ; ( que les ... juges [ne] puissentmodifier
t' juges ... ne pourront nj rnodifier, ni interpréter
ni interpréter les lois r ; u les
r('; < la natiotr
la loi :ils exprimerontles motifs de leur jugemeltt >, [a] -expres-
sément le droit de proposer, consentir et interpréter toutes les lois >>" ; <<les
magistratset le juges exercerontle pouvoir judiciaire sans aucun mélange de
pouvoir législatif ; ils,ne fero^ntpas de règlements,mais pourront en solliciter
t*
auprès du Roi et des Etats ,t ; u les cours ... ne poutront modifier, interpréter,
étendre ou restreindre la loi [...] Tous les jugements en matière civile et cri-
tn < que lesjuges
minelle serontmotivés , , [ne] puissentmodifier ni interpréter
oo
les ... lois > ; u qu'il soit statuéqu'à I'avenir une loi ne puisse ètre rnodifiée
o'
et interprétée que par une autre loi authentique)) ; ( que les ... iuges ne
puissenÎ interprèterni modifier les lois rrt'; r, que défensesseront faites aux
cours souverainesde s'écarterdes dispositionsdeslois par interprétation,exten-
sion, ott de quelque autre manière que ce soit ) :'.
Le cahier de la cornmunauté rJe Mirabeau est particulièretnent significatif
parce qu'on peut y reh'ouvernon seuletnentI'interdiction d'interpréter mais
aussi I'obligation de se réféier au législateur:
< qtt'il ne soil rien Iaisséà I'nrbirraire de.s iuges. lesqttelsnroÍiverorrt
leurs jugentents et en répondront; qu'il soit défendu de conmtenter Ia

2 8 . C a h i e r d u T i e r s d e l a p r o v i n c e d u C a r n b r é s i s ,a t t . 5 0 , í h i d . , l l , p . 5 2 1 .
2 9 . C a h i e r d e l a V i l l e d e V i e n n e , d a n s , 4 r t : h .p a r l . , l s ' , I I I v o l . , p . 8 4 .
30. Cahier du Tiers de la province du Maine, Îit. l"', Cottsîittttion, ihitl., p. 643.
3 1 . C a h i e r d e l a p a r o i s s e< i eC l e m a r t - s o u s - M e u d o nP, a r i s h o r s l e s m u r s , d a n sA r c l t . p a r l . , l s . ,
IV vol.. o. 442.
32. Càhier de la paroisse d'Essonnes, près Corbeil, Paris hors les murs, Résumé général De
Ia lt'i. ibid.. p. 532.
31. Cahiei du Tiers-état du bailliage de N'leudon, Art.2, Législatíon et administration de la
iustice, ihid., p. 706.
3 4 . A d m i n i s t t a t i t , t rd e l a i t t s t i c e ,i h i J . , p . 7 5 3 .
3 5 . C a h i e r d e s h a b i t a n t sd e P a n t i n p r è i P a r i s , a r t . 2 3 , i h i d . , p . 1 8 5 -
3 6 . C a h i e r d e l a n o b l e s s ed e l a s é n é è h a u s s édee P o n l h i e u ,a r 1 .2 0 . d a n s 4 r ' f t . p a r l . . I s . , V v o l . ,
n
' .433.
de la sénéchaussée
37. Cahierdu Tiers-état ihitl.,p. 436.
de Ponthieu,
38. Cahier du peuple de la sénéchausséede Rentres,ad. 35, Tit. lI", Déclaration des droits et
Constitutìon, ibicl., p. 540.
39. Cahiér du iièrs-état de la sénéchausséede Toulon, atlt. l, Législatiott, ihid., p 788.
4 0 . C a h i e r d u V e n d ò r n o i s ,i n A r c h . p a r l . , I s . , V l v o l . , p . 1 2 2 .
4 1 . C a h i e r d e l a c o m m u n a u t éd e l a C i o t a t , a r t . 4 5 , i h ì d . , p . 3 2 5 .
4 2 . C a h i e r d e l a c o m m u n a u t éd e R o q u e v a i r e ,a r t . 3 , i h i d . , p . 4 0 5 .
4 3 . C a h i e r d u T i e r s - é t a t d e s b a i l l i a g è s d e l ' O r l é a n a i s ,J u i r i t e e t T r i h t t n a t t r - a r t . 6 l . i h i t l . .
p. 648.

lp.2s3-2621 P .A L V A Z Z I D E L F R A T E Rev. hist. droit, 86 (2) avr.-iuin 2008

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'-92-FAGE101 (PS)
PSt'132 -X-MEDIA-C5 . 0'7 .'7'7-P5 O'l 1 4 - 1 0 / ' 7 / 2 A O E 1 1 H 2 9 - - K : r ' 0 8 2 1 8 2 I - R H D F - 2 - 2 0 0 8 / U S E P . D E F I N E D F O L D E R S T ' N A T I F S - C A L L I / 0 1 - P ' H D F - 2 - 2 0 0 É
262 Paolo Alvazzi del Frate

loi, ou de I'interpreter pat'les lois ancíennes,ntais que daJtsles cas non


prévus, on soit tenu de ,seretirer pardevers le Roi et les Etats genéraux,
pour qu'il soitfait un arlicle de loi à titre d'addition au code >oo.
C'est aussi le cas du cahier de la Noblessedu bailliage d'Évreux :
( qu'aucun tribunal ne puisse ntodifier, interpréter ou changer auclole
loi ... sous quelque prétexte que ce soit. ntais que tottles interprétations,
changements ou règlements quelcolques émanent du prince, et soient
revétusde la sanction nationales>ar.

CoNcr-usroNs

ni précision
Bienquesanssystématicité, technique.
la majoritédescahiers
de doléances
de 1789manifestaI'adhésion juridiqueseparant
à un systèrne
nettementlégislationet juridiction.Danscetteperspective. I'interprétation
de
la loi, considérée cotnmeune phasede la créationde la règlejuridique,devait
nécessairernent étre soustraiteau juge et confiéeau législateur.Le systèmedu
réferé législatif,non prér,uexplicitementpar les cahiers,fut la conséquence
logiquede cetteconception juridique.
Nous croyonsd'avoir suffisammentdémontréque cette institutiondérive
aussibien de la penséedes Lumièresdu xvttt" siècle.que de la tradition
juridiquede l'AncienRégirne.Celapeutexpliquerle vasteóonsensus dontelle
a fait 1'obietau seinde l'AssembléeConstituante en 1790.

PaoloAlv,,rzzr DEtFRATb-
Universitéde ftome iII

44. Ihid., p. 352.


45. Ibid.

Rev. hist. droit, 86 (2) avr.-juin 2008 P. ALVAZZI DEL FRATE lp.253-262\

Valeurqui restait: 200.50


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