Vous êtes sur la page 1sur 4

Blessure de sucre

Notes :
- L’histoire tourne autour d’une adolescente qui remplace la réalité par son imagination. La
« vie réelle » n’a que peu de couleurs (surtout des tons de gris) dans les décors et costumes,
et une lumière terne, tandis que les « images » créés par la jeune fille sont toujours plus
colorées, avec une lumière plus vive.
- L’adolescente est la seule à voir les « images » qu’elle s’invente. Ces dernières devraient
donc toujours être placées devant elle, tandis que la « vie réelle » devrait se trouver dans son
dos, ou hors de son champ de vision.
- Tout au long de l’histoire, la lumière du jour décline, car l’intrigue se passe dans la soirée.

1 – EXTÉRIEUR / FIN D’APRÈS MIDI, CINEMA


L’histoire commence sur l’extérieur d’un cinéma, désert. Quelques marches descendent des portes
d’entrée en verre jusqu’à la rue. Une affiche de « Juno » est placardée au mur, bien en évidence.
Après un moment d’attente, une foule apparaît de l’autre coté des portes et se déverse sur le trottoir.
A la queue du groupe, une adolescente sort à pas lents, l’air rêveur, un vague sourire aux lèvres. Elle
s’arrête en haut des escaliers, tandis que les derniers spectateurs la dépassent et s’éloignent. Elle ne
bouge pas un instant, pensive, puis regarde de coté, et son sourire s’élargit.
En bas des marches, vers la droite, un couple d’enfants de son âge est assis sur le bord d’un bac à
fleurs. La fille a un ventre rond, manifestement enceinte. Elle et le garçon bavardent et rient, la
bonne humeur émane d’eux. Leurs deux guitares sont appuyées contre le bac.
L’adolescente reste un moment à les regarder, puis descend les marches, dépasse le couple et quitte
le champ de la caméra. On s’aperçoit alors que le couple était en fait deux hommes, adossés au mur.
Le bac de fleurs a disparu. Ils ne se parlent pas, ils ne se regardent pas, ce sont deux étrangers.

2 – EXTÉRIEUR / FIN D’APRÈS MIDI, CHAMP DE CONSTRUCTION


L’adolescente marche le long d’un trottoir, les yeux légèrement baissés, l’air paisible. Elle évolue
parmi les passants, qui vont vite et ne se regardent pas. Petit à petit, elle tourne la tête, regardant
quelque chose à coté d’elle. Elle s’arrête.
Tout près d’elle se trouve l’entrée d’un terrain vague. C’est un grand espace dégagé, recouvert
d’herbes folles poussant dans toutes directions, certaines assez hautes pour atteindre le genou. Une
palissade entoure l’endroit, avec un simple « trou » qui permet l’accès. A l’intérieur, deux enfants
s’activent à construire une étrange machine. L’un apporte des planches, tandis que l’autre est assis en
hauteur et cloue deux bouts de bois ensemble. L’engin en question est une machine volante, avec une
coque, une voile ressemblant un peu à celle d’un cerf-volant, et deux manettes pour conduire.
L’assemblage fait penser aux machines de Myasaki, sorties du « Château dans le Ciel ».
L’adolescente les regarde un instant, attendrie, presque fascinée. Elle finit par détourner la tête,
dépasse l’entrée, et quitte le champ de la caméra. On s’aperçoit alors que le terrain vague était en fait
un chantier en construction. Les dimensions sont les mêmes, mais l’herbe est remplacée par de la
terre battue. L’espace est rempli d’ouvriers, de machines, de matériel, etc.

3 – EXTÉRIEUR / FIN D’APRÈS MIDI, TROTTOIR


L’adolescente continue son chemin parmi les passants, les magasins, les restaurants. Elle marche
tranquillement, apparemment pas atteinte par l’affairement et le chaos de la ville. Petit à petit, une
musique se fait entendre. La jeune fille la remarque, et s’arrête.
Il y a un platane sur le bord du trottoir. Il est d’apparence courante : écorce marron clair, feuillage
clairsemé, taille moyenne. A coté de l’arbre, protégée par l’ombrage, une femme habillée de
vêtements colorés se tient debout et chante « Volver ». Elle est belle, d’une beauté forte, et donne
l’impression de tenir à la vie sans jamais baisser les bras.

FEMME (chante)
Y aunque el olvido
Que todo destruye
Haya matado mi vieja ilusión,
Guardo escondida
Una esperanza humilde
Que es toda la fortuna
De mi corazón.

Volver
Con la frente marchita
Las nieves del tiempo
Platearon mi sien.
Sentir
Que es un soplo la vida
Que veinte años no es nada
Que febril la mirada
Errante en las sombras
Te busca y te nombra.
Vivir
Con el alma aferrada
A un dulce recuerdo
Que lloro otra vez.

La jeune fille, debout devant la chanteuse, reste un instant pour l’écouter, admirative. Elle finit par
s’éloigner, d’abord doucement, puis à un rythme régulier, et quitte le champ de la caméra. On
s’aperçoit alors que la chanteuse était une femme habillée de plusieurs morceaux de vêtements, le
visage marqué par l’alcoolisme, et qui fait la manche. Le platane a disparu. A sa place se tient un
réverbère sur lequel s’appuie la mendiante.

4 – EXTÉRIEUR / DÉBUT DE SOIRÉE, PLUS LOIN SUR LE TROTTOIR


L’adolescente évolue maintenant dans la ville avec un peu plus de pesanteur, et un peu plus
lentement. Elle semble toujours perdue dans ses pensées, mais son sourire est plus grave, plus
réfléchi. Un bruit éloigné et indéfinissable se fait entendre. La jeune fille fronce les sourcils, s’arrête,
et lève la tête.
Au dessus d’elle, le ciel gris clair est dégagé, bien qu’encombré ici et là de bâtiments ou poteaux
électriques. On voit alors deux dragons surgir, l’un rouge sombre, l’autre vert émeraude. Ils volent
haut, mais assez proche pour qu’on puisse concevoir leur taille imposante. Tel des vautours, ils
volent en cercles autour du quartier.
La jeune fille, la tête toujours levée, les regarde avec une mine soucieuse. Elle fait une moue
inquiète, reprend sa marche, et quitte le champ de la caméra. Le plan revient sur le ciel. On voit qu’à
la place des dragons, le ciel se couvre de nuages gris, annonciateurs d’orage. Un coup de tonnerre se
fait entendre.
5 – EXTÉRIEUR / DÉBUT DE SOIRÉE, DEVANT UNE ALLÉE
L’adolescente continue son chemin, la tête baissée, un air préoccupé maintenant affiché sur ses traits.
Son rythme de marche a encore ralenti. La lumière autour d’elle est presque sombre. Son regard,
posé sur le sol, rencontre quelque chose. Elle s’arrête.
Il y a une ruelle qui débute près de la jeune fille, sale et mal éclairée. Un vieil homme est assis par
terre, adossé au mur. Sa tête est recouverte d’une cotte de maille, il est habillé d’une armure marquée
d’une croix rouge, et une épée est au sol à son coté. En face de lui, des coupes en or, certaines
décorées de pierres précieuses, sont posées sans ordre distinct par terre. Le vieil homme a la tête
baissée et l’air triste.

ADOLESCENTE
Ca va ?

VIEIL HOMME
Ca passera… avec le temps…

ADOLESCENTE
Je peux faire quelque chose ?

VIEIL HOMME
Non, ça ira, merci… Il faut que je garde les coupes, qui le fera, sinon ?
Pause.
VIEIL HOMME
On se sent un peu seul, c’est tout.

La jeune fille lui fait un sourire triste. Elle s’apprête à dire quelque chose, mais se ravise, et finit par
reprendre sa marche. Elle quitte le champ de la caméra. On s’aperçoit que les coupes étaient en fait
des bouteilles cassées. Il y en a un grand nombre, jetées pêle-mêle au sol, ainsi que des bouts de
verre qui tapissent la ruelle. Il y a plusieurs taches de liquide sur le mur. Adossée sur celui d’en face,
là ou se tenait le vieil homme, une poupée sale et abîmée gît par terre.

6 – EXTÉRIEUR / SOIR, TROTTOIR DEVANT UN MUR


L’adolescente marche maintenant lentement, la tête basse, les traits tirés. Elle semble toujours perdue
dans ses pensées, mais a perdu son expression sereine. Elle regarde devant elle pour tourner à une
coin de trottoir, et s’arrête net.
Deux hommes sont en face d’elle, un peu plus loin sur le trottoir, et sont filmés en noir et blanc. Le
premier, qui se tient droit et fier, porte un costume de militaire avec un brassard marqué d’une croix
gammée. Le deuxième, reculé contre le mur, porte un chapeau souple et une veste simple, sur
laquelle a été cousue l’étoile de David. Le militaire tient un pistolet, qu’il pointe sur l’autre homme.
Ce dernier essaye de reculer encore plus, faisant de petits bruits apeurés. Le militaire le regarde
froidement, et tire. L’homme s’écroule au sol. L’autre rengaine son arme sans porter à sa victime la
moindre attention. Il tourne la tête vers l’adolescente, marque une pause, puis s’en va.
La jeune fille reste un instant pétrifiée, les yeux rivés sur le corps étendu par terre. Petit à petit, elle
s’avance, toujours avec le regard fixé sur lui, terrifiée. Une fois à coté de lui, elle arrive à détourner
la tête. Elle tremble très légèrement en le dépassant, puis s’éloigne et quitte le champ de la caméra.
On s’aperçoit alors qu’il n’y avait personne sur le trottoir. La ou se tenait l’homme à l’étoile de
David, on peut voir un tag sur le mur, qui énonce : « connard d’immigré ».
7 – EXTÉRIEUR / SOIR, PIED D’UN IMMEUBLE
L’adolescente marche maintenant très lentement. La peur a disparu de ses traits, remplacée par une
grande lassitude. Elle ne lève plus les yeux pour traverser. Elle s’arrête en face d’un bâtiment,
soupire, et lève la tête.
Elle est au pied d’une montagne, noire, sombre, inquiétante. Quelques nuages de brume l’entourent,
et on peut voir une bâtisse se dresser à son sommet, biscornue, ressemblant un peu à une maison
hantée. Un éclair passe derrière elle. La jeune fille reste un moment à regarder l’ensemble,
découragée. Un homme vient se tenir à coté d’elle. Il est habillé en noir et a les cheveux noir, et des
ciseaux dépassent de ses manches, là où devraient se trouver ses mains. Elle se tourne vers lui. Il lui
sourit. Elle finit par sourire aussi. Il lui tend le bras, et elle le prend par la main, en posant la sienne
sur l’une des poignées des ciseaux. Ils regardent tout les deux devant eux, marchent vers la
montagne, et disparaissent du champ de la caméra. On s’aperçoit alors que la montagne était en fait
un immeuble, d’apparence complètement classique, rempli d’appartements.

8 – INTÉRIEUR / SOIR, PALIER D’UN ÉTAGE


L’adolescente et l’homme aux ciseaux, se tenant toujours l’un à l’autre, marchent le long d’un
couloir rempli de portes sur chaque mur. Ils s’arrêtent devant une porte. Une rumeur de cris venant
de l’autre coté se fait entendre. La main de la jeune fille se serre sur les ciseaux, puis elle ouvre, et ils
entrent.

9 – INTÉRIEUR / SOIR, APPARTEMENT


Dans l’appartement, un couple se dispute. L’homme comme la femme parlent à grands cris, penchés
l’un vers l’autre, gesticulant avec des mouvements secs. L’adolescente ferme la porte, et fait
quelques pas en avant. Ses parents ne lui prêtent aucune attention. Elle les regarde un moment, sans
bouger, tandis qu’ils continuent à tempêter. L’image de l’homme eux ciseaux, la main dans la sienne,
vacille, puis disparaît. Elle dépasse ses parents sans bruit, et va dans sa chambre.

10 – INTÉRIEUR / SOIR, CHAMBRE


Sa chambre est plutôt étroite. Une petite fenêtre offre une vue sur un autre immeuble. La couleur des
cloisons et du sol est terne, les meubles sont simples et purement utilitaires. Les murs sont presque
recouverts d’images de films de tout les genres : posters, découpages de journaux et magasines,
photos, cartes postales, et autres sont collés partout, se chevauchant quelquefois.
L’adolescente entre, et ferme la porte. On entend toujours la dispute, maintenant étouffée. Elle reste
un instant appuyée contre sa porte, le regard baissé, puis se dirige vers sa radio et met un CD en
route, dont on ne voit pas le titre. Elle va s’allonger sur son lit, et ferme les yeux. La chanson qu’elle
avait entendue plus tôt (scène 3) commence à jouer. On entend plus la dispute.
La caméra commence à tourner autour du lit. La femme qui chantait cette chanson sous le platane
chante maintenant à coté du lit, entourée de musiciens. A coté d’eux apparaît un champ de fleurs
jaune, dans lequel se tient un homme seul. A coté de lui apparaît une créature allongée, ressemblant
un peu à un dragon chinois. A coté de lui apparaît un cow-boy. La caméra tourne de plus en plus vite
alors que d’autres images apparaissent, tandis que les meubles, le sol, et les murs disparaissent pour
ne laisser que le lit et l’adolescente allongée dessus. Comme la vitesse de la caméra augmente, les
images se mélangent. Fondu au blanc.

FIN

Vous aimerez peut-être aussi