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194 5 D'ORIENT tume se perdit dans Jes monastéres et, sous leur influence, eut tendance a disparaitre du peuple. C'est durant cette période, sans doute, que fut composé I"Yrowdxuas du monastére studite, oit était le foyer des zélotes. Le jeune de l’Assomption y fut naturellement passé sous silence, et peut-ttre cette omission était-elle envisagée dans la perspective de cette codification. Le Typicon studite servit ensuite de modele a celui de la Laure athonite, et ainsi les moines de la Sainte-Montagne durent i’avoir au début aucune connais- sance d'un jetne de l'Assomption. Les autres Typica suivirent ces modéles. Quand la veritable union se fit sous le patriarche Nicolas 1], trois quarts de sigcle avaient passé : le jeone déchu n'avait plus force de loi. Plus tard, beaucoup plus tard, les querelles étant depuis longtemps apaisées, les moines de Athos furent un jour intrigués par le texte du synode d’union : ils s‘adressérent Nicolas III. L’on connait la suite. Cette hypothése se fortifie du tait que, tandis que le jeane de la Koimesis a disparu chez les Studites et par suite a été ignoré des Athonites qui recurent d'eux leurs statuts, il a subsisté, c'est Nicon qui nous lapprend (1), chez les moines de 'Olympe, tout a fait réfractaires & Tinfluence studite, et plus accueillants aux accom- modements de I' « économie ». En attendant quelque fait historique non encore découvert ou toute autre hypothése plus satisfaisante, nous soumettons celle au lecteur comme étant au moins de nature A expliquer, dans une certaine mesure, la longue éclipse A Byzance, ville si dévote & Marie, du jedne de la Dormition. (0) Mat, Serip, Vet. Nows Colt, 1. IV, p. 163-165 Au lendemain de la conquéte de Constantinople Les tentatives d’union (1208-1214) Le cardinal Benoit de Sainte-Suzanne ne dut pas prolonger sa mission au dela de la fin de 1207. Le 17 mars suivant, Innocent IT, écrivant eh effet 4 Théodore Lascaris pour le presser de faire la paix avec Henri de Flandre, disait qu'il avait intention d’envoyer a Constantinople un Iégat chargé d'arranger cette affaire (2). Il ne semble pas que le Pape ait mis ce projet & exécution, car on ne trouve aucune trace de lenvoi d'un légat quelconque avant Vannée 1213 Cependant, Innocent III se préoccupait vivement de consolider Vempire latin de Constantinople dont la fragilité lui inspirait de Justes inquiétudes. Il continuait A voir dans cette fondation récente une solide base pour des opérations éventuelles contre les armées musulmanes, opérations qui devaient aboutir finalement la déli- vrance de la Palestine. Le 6 décembre 1208, il écrivait au patriarche ‘Thomas Morosini pour lui demander d’empécher les Grecs de favo riser le despote Michel d'Epire. Henri de Flandre, qui faisait alors la guerre a ce prince, s‘était plaint de ses procédés fort peu che- valeresques. Michel avait attiré dans une embuscade le connétable de empire, Amédée Buffa, et une centaine de guerriers qu'il avait indignement traités. Les uns avaient été battus de verges, autres emprisonnés, quelques-uns mis & mort. Le connétable, son chapelain et trois chevaliers avaient été crucifiés. Le des pote ne devait ses succés qu’au secours que lui apportaient les mervenaires occidentaux en quéte d'aventures et de profits. C’est grace & eux qu'il avait pu attaquer Henri de Flandre jusque dans son camp, qu'il avait ravagé les campagnes et qu’il avait fait déca- piter tous les prétres latins qu'il pouvait prendre, et jusqu’d un éveque nommé et déjd confirmé. D’aprés les renseignements qu'Henri de Flandre a communiqués au Pape, Théodore Lascaris ne se conduit guére mieux. Avec Tappui des mercenaires latins qu'il a pu recruter, il ne cesse de harceler l'empire de Constanti- nople et, s'il en faut croire la rumeur publique, il a méme fait écor- (1) Ch, Bohos dOrient, 1983, t XXXUL p, S22. (2) Ep. Xp ats PE © CCXML, 196 fchos DloRIENT AU LENDEMAIN DE LA CONQUETE DE CONSTANTINOPLE 197. cher un personnage important tombé entre ses mains. Les Grees n’ont jamais voulu coopérer 4 la récupération de la Palestine, bien que Rome les en ait vivement sollicités. Pour plaire 4 Saladin, Yempereur Isaac l'Ange a méme fait construire une mosquée dans sa capitale. Pour toutes ces raisons, Innocent [If demande a Thomas Morosini de faire une obligation rigoureuse et sous peine d'excommunication A tous les Latins de ne donner aucune aide aux Grecs, et surtout au despote Michel d’Bpire, dans leur lutte contre Henri de Flandre. Par contre, celui-ci doit assurer 4 ses troupes une solde suffisante pour empécher que, réduits A la misére, ses soldats ne soient sollicités de passer & Tennemi dans Yespoir de plus grands bénéfices. Ceux qui enfreindront cet ordre devront étre excommuniés (1). Le meme jour, le Pape donnait la méme consigne 4 tous les archevéques, évéques et autres prélats de Pempire d’Orient (2). Malgré la menace d’excommunication, les mercenaires latins continuérent & renforcer les troupes des diverses, principautés grecques. On ignore méme si la sentence pontificale jamais rendue effective par le patriarche ow les éveques latins Lunion durait tant bien que mal dans les régions soumises au pouvoir des Occidentaux, mais cette union était plus apparente que réelle, car la masse du clergé et du peuple se tenait a l'écart de la hiérarchie latine et regardait volontiers du coté de Nicée ot résidait le patriarche Michel Autorianos que l'on considérait comme le seul chet légitime de I'Eglise grecque. Innocent III avait eu beau multiplier ses appels A Henri de Flandre et aux évéques latins pour rendre effective la soumission des Byzantins, rien ne pouvait réduire les résistances. II se résolut a porter reméde une situation équivoque qui menacait d’étre dangereuse si on ta laissait se prolonger. Le 29 septembre 1213, il écrivait 4 'empereur Henti de Flandre pour lui annoncer Penvoi d'un légat, le cardinal Pélage d’ Albano. I lui demandait de le recevoir avec tous les honneurs dus au représentant du Saint-Siége et de suivre ses conseils (3). Le meme jour, il annongait sa décision A tous les archevéques, évéques, abbés et autres prélats de empire de Constantinople et il en pro- fitait pour dire son sentiment sur I'Eglise grecque. Illustre jadis (0) Bp. XIE ay: B. Les COXVE, col. KIM, 183; P-L & COXVE, col 353, (3) Eb. XVI, 2043 P- Lt. CCRVI, col. ora, : par sa doctrine au point qu'on pouvait la considérer comme une maitresse de la foi, elle était tombée dans erreur et était sortie du bercail du Seigneur. Dieu cependant a eu pitié d’elle et 'a ramenée & la chaire de saint Pierre et A T'unité avec 'Bglise romaine. Pour travailler plus eflicacement & sa réforme, le Pape envoie comme légat Pélage, éveque d’Albano. Celui-ci a tout pou- voir pour régler toutes choses et pour faire les changements néces- saires. Les prélats doivent donc le recevoir comme si c’était le Pape lui-meme (1). Le choix n'était peutetre pas trés heureux. Espagnol, le car~ dinal Pélage d’Albano gardait de son origine une certaine raideur que n’avait point atténuée un long séjour & Rome. Son caractére Stait a Topposé de celui de Benoit de Sainte-Suzanne. Il est vr que celui-ci n’avait obtenu aucun résultat sérieux malgré son habi- eté et son esprit de conciliation Le légat se mit presque aussitot en route pour Constantinople, oi il dut arriver avant la fin de Pautomne. Il avait pris avec lui le meme interpréte que son prédécesseur, c'est-a-dire Nicolas @Otrante. II avait d’autant plus de raisons de se hater que le sige de Constantinople était vacant depuis la mort de Thomas Morosini (1211) et que les compétitions empéchaient la nomination un titulaire. Il fallait donc ramener la paix dans les esprits et faire cesser un état de choses préjudiciable aux intéréts de I'Eglise catholique et A sa considération auprés des Byzantins. Ce résultat ne fut du reste atteint que deux ans plus tard Le cardinal Pélage n’attendit pas si longtemps pour travailler A rendre effective union des Eglises. Malheureusement, il employa volontiers les moyens de coercition qui ne firent qu’exaspérer les résistances : fermeture des églises, emprisonnement des clercs récalcitrants, expulsion des moines (2), etc. Cette fagon de faire ne tarda pas A inquiéter sérieusement 'empereur Henri de Flandre, soucieux de se concilier les bonnes graces de ses sujets. Siinterposant entre le légat et les orthodoxes, il fit accepter une combinaison qu'll croyait capable de satisfaire tout le monde. Les (1) Bp. XVI, 108; 161. col. go2-g0. (2) On a un exemple de ces expulsions de moines dans une lettre d’Honorius 111 A un Abbé cstercien de Constantinople & propos du monasttre de Rufnianes = Monas- Terlum de Rujlano, quod, remols monachis graces, Romane rebeliibus Ecclesiae, Pelagius, Albanensie episcopus, lute apostolicae sedis iy paribus Romanizelegatus, iis ‘ontulita. 39 mars 1282, Annsies Cisterctenser, 1232, V, 7. IL eut dauttes expulsions, ‘au témoigaage de Nicolas Mesarites dont nous parlerons plus loin, 198 cuos D'oRIENT Grees recurent ordre d'acclamer le Pape dans leurs églises, non point pendant le service'divin, ce qui eat équivalu & une recon naissance formelle de son autorité, mais aprés la messe, ce qui enlevait 4 la manifestation tout caractére religieux. Ayant obtenu cette concession de la part du clergé gree de Constantinople, Vempereur fit relacher tous les prisonniers. L’union ne fut pas plus effective qu’auparavant, mais du moins la teanquillité publique fut assurée, résultat qui suffisait au souverain. On peut toutefois se demander ce qu’en pensait le légat et sil estimait que cette soumission apparente suffisait aux yeux de l'Eglise romaine. La mission du cardinal Pélage ne se bornait pas obtenir Ia reconnaissance de l'autorité pontificale par les Grecs de Constan- finople. Il devait entrer en relations avec coux de empire de Nicée, de maniere étendre et 4 fortifier Vunion. Le plan était parlaitement congu. Dans le cas ot Vempereur Théodore Lascaris et le patriarche Miche! Autorianos auraient accepté de reconnaitre Vautorité du Pape, ils n’auraient pas manqué d'attirer & leur suite la grande majorité des Byzantins naturellement portés a voir en eux leurs chefs civils et religieux. Alors commencérent des tracta- tions qui durérent plus de soixante ans avant d’aboutir & union éphémeére conclue au second concile de Lyon (1274) Ce n'est guére qu'une année aprés la nomination du cardinal Pélage que s'engagérent les premieres négociations. Elles ne nous sont guére connues que par le récit qu’en fit au peuple d’Ephése Nicolas Mésarités (1). Il était d'ailleurs partaitement qualifié pour en parler, puisqu'il y avait pris une part prépondérante. Le patriarche Michel Il Autorianos était mort quelques jours avant VAssomption de 1214. Le 28 septembre, avait lieu lintronisation de son successeur, Théodore II Irénicos (28 sept. 1214-janv. 1216). ‘Théodore Lascaris partit presque aussitot pour une courte cam- pagne en Paphlagonie. Quelques jours plus tard, arrivérent & Nicée des négociateurs latins envoyés de Constantinople pour demander la paix (eloivny Gnzaivees, elorivny walGyees), c'est-a-dire pour amenet une entente des deux Eglises. Is furent bientot suivis par les 1) Nicolas Mesarits était devenu référendaire du patriarcat apeés Tavénement de Michel Auterianos en raot, puis i avait é€ promd & a métropole @'Ephése au plus tard puisquil signe une’ piece synodale'en cetabre de cette année, Son rect a ele publié plusieurs reprises, ntre autres par A. Melsenderg. Newe Quellon tur Gecko ‘es lateinischen Katsortums und der Kirehenunion. TI. Dey ericht des Nikolaos Mesa ‘rules ber die politischen und hirchlichen Erelgnisse des Jahres 1214. Musich, 1938. C'est Teteste que noug suivrons dane cette étude AU LENDEMAIN DE L.A CONQUETE DE CONSTANTINOPLE 199, délégués des moines qui habitaient sur les bords de la Propontide et que le cardinal Pélage avait expulsés de leurs maisons parce quills refusaient de reconnaitre union. Avertis sans doute du depart de Tambassade latine, ils crurent que Tintervention de Vempereur leur ferait rendre justice. Théodore Lascaris rentra bientot, s’entretint pendant deux jours avec les envoyés du cardinal Pélage, qui rentrérent aussitot 4 Constantinople. I éeouta ensuite les délégués des moines qui lui exposérent longuement leur triste situation. Enfin il décida denvoyer une ambassade 4 Constantinople pour répondre aux avances du cardinal Pélage et la confia a Nicolas Mésarites. Celui-ci se mit en route par Nicomédie, tomba aux mains d'une bande de voleurs et finit par arriver sain et sauf & Byzance. Il débarqua au port de I'Acropole of le recurent le clergé latin et des évéques grecs dépendant de la métyopole «’Héraclée de Thrace. Parmi eux il reconnut Nicolas ’Otrante, qui avait déja été l'interpréte du cardinal Benoit de Sainte-Suzanne lors des dis- cussions de 1206. On Je fit monter sur un cheval blanc richement caparaconné et on le conduisit en grande pompe 4 Sainte-Sophie ou Vattendait le légat pontifical. 11 ne semble pas avoir été indif- férent ni aux acclamations des Grecs ni aux égards que lui temoi- gnérent les Occidentaux. Il note avec complaisance qu'il fut Phote du cardinal dans le triclinium de Thomaités qui était devenu In résidence du patriarche latin, qu'l y fut fort bien traité et que les vins de Chio, d’Eubée, de Lesbos et de Monembasie ne furent pas ménagés. Le lendemain eut lieu la présentation officielle. Le cardinal prit place sur un trdne richement orné et Nicolas Mesarités en fit autant sur un trone de méme hauteur et de méme richesse. L’envoyé de ‘Théodore Lascaris commenca par demander au légat comment lui, simple évéque de la petite ville d’Albano, il n’était pas venu au- devant du métropolite d'Ephése, exarque d’Asie et possesseur d’un siége apostolique. Pélage répondit, en montrant ses chaussures rouges, que les représentants de Rome devaient passer avant tous les autres chefs d’Eiglise, parce que Yempereur Constantin avait donné a ses titulaires le droit de porter les chaussures impériales. Il exhorta aussi les Grecs & reconnaltre T'autorité supréme du successeur de saint Pierre. Nicolas Mésarités, retroussant sa robe jusqu’aux genous, montra lui aussi ses chaussures et fit remarquer ‘que si elles étaient rouges & T'intérieur parce qu'il représentait 200 EcHOS D'ORIENT Vempereur, en revanche elles étaient grises & lextérieur comme it convenait 4 de véritables serviteurs du Christ qui a voulu prendre Papparence de Fesclave. A en croire, cette legon d’humilité aurait causé quelque émotion dans lassemblée. Nicolas d'Otrante lui demanda alors pour quelle raison il était venu 4 Constantinople. Il répondit que sa mission était de prendre la défense des moines chassés de leurs couvents par les Latins; que Cétaient des innocents qui avaient tout quitté pour suivre le Christ et qui maintenant erraient misérables sans pouvoir trouver un abri. Il fit ensuite un grand éloge de Théodore Lascaris, qui tr vaillait 4 restaurer Punit de Tempire grec détruite par divers membres de la famille impériale qui s'étaient taillé des princi- pautés; il venait récemment encore de soumettre la Paphlagonie. Or, il demandait avec instance que l'on cessat de persécuter les moines. Le cardinal Pélage déclara que si 'empereur de Nicée était pret A se montrer un vrai fils de Rome, non seulement les moines ne seraient pas inquiétés, mais les églises seraient rou- vertes et le clergé grec pourrait librement officier dans son rite (1). Quelques jours se passérent, durant lesquels le légat du Pape prépara la réponse qu'il devait faire & la lettre que lui avait adressée ‘Théodore Lascaris. Pendant ce temps, Nicolas Mésarites s‘occu- pait de transporter au tombeau de sa famille les restes de sa mére qu'il avait perdue sept ans plus tot. Le cardinal Pélage voulut, avant d'envoyer sa réponse & Nicée, savoir ce que les Grecs pensaient de la question des azymes. II demanda donc une discussion publique qui eut lieu le 22 novembre, fete de sainte Cécile. Nous ne la connaissons que par le récit de Nicolas Mésarités qui se donne naturellement le beau role. Il con~ damna formellement Temploi des azymes dans le sacrement de 1 Bucharistie, sous prétexte que les azymes ne sont que du pain mort et done incapables de représenter le Christ qui est non seulement vivant, mais la source de la vie. A len croire, cette déclaration, Ionguement développée, troubla quelque peu les Latins. Il reprocha encore & ceux-ci de s’en tenir aux symboles de la loi mosaique, alors qu'ils ont été abrogés par lé Christ. Ils vont contre l'ensei- gnement des Péres, particuligrement de saint Grégoire de Nazianze, qui sont formels a cet egard. L'Eglise grecque, fidele a la doctrine de ses docteurs, sait montrer la réalité vivante sous la lettre morte (1) A. Hinsewnene, of, cil, p. 21-26 pi ta AU LENDEMAIN DE LA CONQUETE DE CONSTANTINOPLE 201 du texte sacré. La discussion prit fin sur cette déclaration quelque peu prétentieuse (1) Trois jours plus tard, il y eut une nouvelle entrevue, non pour reprendre la controverse, mais pour décider le départ d’une ambas- sade qui devait porter 4 Théodore Lascaris la réponse du cardinal Pélage. Du coté des Latins il y avait, en dehors de Nicolas dOtrante, qui faisait fonction dinterpréte, un prétre espagnol, juriste éminent, dont Nicolas Mésarités ne donne malheureusement ‘pas le nom. Grecs et Latins traversérent ensemble la Propontide et abordérent le meme jour A Pyle. Le lendemain, ils renoncérent & prendre la route de Nicée, comme ils en avaient Tintention. Le bruit courait en effet que lempereur se trouvait de nouveau en Paphlagonie. Ils se dirigérent donc de ce coté, mais non sans appréhension, car les chemins n’étaient pas sors. Les Turcs fai- saient de fréquentes incursions et pillaient souvent les rives du Sangarios. La petite troupe arrive cependant sans encombres A Heéraclée du Pont oft se trouvait 'empereur. Théodore Lascaris, regut les envoyés latins avec beaucoup d'honneurs. En sa présence ‘on discuta de nouveau sur la situation de l'Bglise et sur la primauté romaine. Les Latins dirent aux Grecs : « Puisque Rome est la mére de toutes les Eglises, comment se fait. que sa fille, Constantinople, veuille se separer d'elle? » Nicolas Mésarités répliqua : « Saint Pierre n'est le maitre religieux que de Rome et non de l'univers, sinon Antioche, Jérusalem et les autres villes qu'il a évangélisées, pourraient revendiquer les mémes priviléges. Sans doute Rome a exercé la primauté, mais parce qu'elle était alors la capitale de Yempire. Cette situation s'est toutefois quelque peu modifiée depuis que Constantin a fait de Byzance sa capitale. — Puisque vous reconnaissez la primauté de Rome, pourquoi de vous-mémes vous séparez-vous delle? — Parce qu'au bon grain de son enseigne- ment se trouve mélée de la zizanie. Il faut faire disparaitre celle-ci pour que union puisse se rétablir. — Quelle zizanie? — L'addi tion du Filioque au Symbole de Nicée-Constantinople. » Le porte- parole des Grees essaya alors de démontrer que cette addition faisait croire A deux principes dans la Sainte Trinité. Les envoyés latins répondirent avec raison que leur Eglise avait sur ce point exactement la méme doctrine que I'Bglise grecque. 11 s'ensuivit une discussion assez subtile et quelque peu vaine sur les opérations (2) A Hssewoans, op. ff, po 27-32 | | | | | | | | | | 202 EcHos p'oRIENT des trois personnes divines. Nicolas Mésarités, incapable de prendre ses adversaires en faute sur la doctrine proprement dite, en fut réduit & critiquer les exemples donnés par eux pour expli- quer l'enseignement de I’Eglise latine (1). Cette discussion, dont le résumé n'occupe pas moins de douze pages dans le récit de Nicolas Mésarités, n'aboutit & aucun résultat coneret. Les envoyés du cardinal reprirent bientot le chemin de Constantinople, largement défrayés par lempereur. Quant au métropolite d'Ephése, il rentra 4 Niege au milieu des rigueurs de Mhiver, car on était déja au mois de décembre. Le patriarche Théodore II Irénicos, a qui il remit une lettre des Occidentaux, lui fit un accueil trés froid. Nicolas Mésarités n'avait pas réussi dans la mission qu'il lui avait confige. Le cardinal Pélage refusait, en effet, de lui reconnaitre le titre de patriarche de Constantinople et ne lui donnait que celui d'archevéque des Grecs. Le métropolite d’Ephése se trouva tout d'un coup isolé dans la capitale. Ses amis, les archevéques d’Asie Mineure qui étaient venus a Nicée pour Félection du patriarche, étaient déjd rentrés chez eux. L’empereur revint cependant quelque temps aprés pour convoler en secondes noces avec la princesse Philippa, fille de Roupen, roi de Petite-Arménie. Aprés les fétes, Nicolas Mésarites rontra dans sa ville d'Fephése et C'est peut-etre alors qu'il fit le long récit grace auquel nous connaissons les négociations unionistes de 1214. Celles-ci peuvent donner une idée de toutes les autres. On y voit les memes assauts de courtoisie dans les réceptions, les memes joutes oratoires oi défilent toujours les mémes arguments, les mémes soucis d'éloquence et de dialectique. Chaque parti reste néanmoins sur ses positions : Rome, parce qu'elle a conscience de posséder la vérité et qu'elle doit faire triompher ses droits; Byzance, parce que son orgueil l'empéche de se soumettre a un prélat étranger. La politique rapproche quand le danger menace plus directement Yempire d’Orient et divise quand il n'y a plus rien 4 craindre. C'est l'histoire de plusieurs siécles et elle ne prend fin quien 1453 avec la chute de Constantinople. R. Janes. G) A. Hrasennens, of fp. Big UEglise orthodove et la primauté. rom wy a enue dEphase Il. — Le coneile et le Pape Aen croire Met le métropolite d’Athénes, tout scandalisé par le ton de lencyclique pontificale, rien, dans la conduite des Péres du concile, n’autorise 4 penser qu'ils eussent de a primauté romaine une conscience quelconque. L’auteur de la réponse nous permetira de controler briévement quelques-unes de ses affirmations ou de ses négations. Nous savons que dans les luttes antinestoriennes le protagoniste du camp catholique, en Orient, fat saint Cyrille. Or, on veut que Veveque d’Alexandrie ait traité d’égal A égal avec le Pape, & Ja difference prés de la primauté d'honneur La conduite de l'éveque d’Alexandrie fut d’abord le silence, et volontiers levt-il gardé, n’était Vinsolence de T'herétique. Apres plusieurs démarches auprés de Nestorius, il songea, il est vrai, A fulminer contre lui sa propre excommunication, mais, s'il ne le fit pas, c'est parce qu'il jugea que son action ne pouvait se mesurer A importance qu’avait prise cette affaire et parce que Phérétique lui-méme avait alerté Rome. Il sentit, en effet, et on pourrait sans doute le Iui reprocher, qu’aprés tout une sentence de l'éveque d’Mlexandrie ne serait qu'un geste du synode égyptien (1), mais il savait aussi que, par le recours de Phérétique au Pape, cette affaire devenait d'importance catholique et lui échappait. Dans une lettre, écrite aprés le concile, A Acace de Bérée, il affirme, mais comme sur un ton de défense, que ce ne fut pas lui qui le premier en rétéra A Rome, mais Nestorius (2), laissant clairement entendre la portée et importance d’un recours au Pape. Mais devant la conduite de Vhérétique cherchant 4 gagner A sa cause le Siége Apostolique, saint Cyrille ne pouvait plus se taire ou se contenter d'une action partielle au résultat plus que problématique. Et cest alors qu'il écrivit & Célestin, profitant d'ailleurs d'une réponse quill ui devait. Dans cette lettre, Met Chrysostome ne voit rien de bien saillant 4 vantage de Rome (p. 2344). Il trouve toute naturelle et dénuée (0) Mast, IV, 1000 D. Semwarrz, I, I, 1109020. (@) Sonwanrz, LT, 7409. ECHOS D'ORIENT Revue trimestrielle d’ Histoire de Géographie et de Liturgie orientales \ Tome 32 - 1933 PARIS Réimprimé avec Vautorisation de institut Frangais d'Etudes Byzantines par EUROPERIODIQUES, S.A. 72, Bd. Sénard, 92-Saint Cloud, France et SWETS & ZEITLINGER N.V. | ‘Amsterdam ~ 1971 ® e

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