Vous êtes sur la page 1sur 11
ASSAINISSEMENT PLUVIAL AU MAROC. QUELLES ALTERNATIVES AUX CANALISATIONS ? _ Resume ‘Les techniques altemati- ‘yes en assainissemcnt pluvial ‘constinient une stratégic nou: vellé on matiére de gestion des ‘eaux pluviales en miliew urbain, Ce sont _des techniques basées sur Vinfiltration et le stockage des eaux météoriques dans le sol ‘support. Ces. concepts innovants en asstinissement pluvial per- ‘metient ine importante réduc- lion des impacts du provessus “d'urbanisation. Dans ce nouveaut cadre, Tassainissement devient ‘un élément incontoumable de Vurbanisme. La présenie note a pour ‘Objet. de présenter les. princi- paux résultats d'une étude de faisabilité de ces techniques dans Je contexte marocain, ‘Nous avons mené cetio Stude au CERGRENE © dans le ca dre du Schéma Directeur Na- tional d’Assainissemem Li- quide. Nous présenterons dans une. premiére partie l'état ac- tuel_du secteur d'assainisse- meot pluvial au Maroc et ses enjeux. Nous développerons | ensuite; dans une deuxiéme Partie, le concept des techni- lies altematives et leur appli- cabilité dans le contexte ma- focain. Et nous. tenminerons: par une présentation des prin- cipaux résultats des études de projets pilotes que nous avons menées sur des. lotissements marocains, Iqbal TOUMI® ETAT ACTUEL AU MAROC Les systtmes d’évacua- tion des eaux mis en oeuvre dans la logique hygigniste du “tout A [’égout" induisent, & Vheure actuelle, d'importantes nuisances qui sont particulitre- ment contraignantes dans le do- maine de lassainissement. En effet, si ces solutions tradition- nelles résolvent le problgme dévacuation des eaux pluviales, il n’en reste pas moins vrai quelles présentent des limites aux plans technique, environne- mental et économique: dans le cadre de la logique d’assaini: ment pluvial classique, ’évolu- tion et le développement urbain ont deux effets principaux: 4) engorgement du systéme d'assainissement, notamment dans les points bas que sont les parties anciennes des _villes, lieux ott les activités économi- ques et sociales sont souvent importantes; cette situation con- duit & des inondations de plus en plus fréquentes; b) la dégradation de ta qualité des milieux récepteurs: en systé- matisant les équipements. sani taires et en développant les acti- vités. industrielles, les flux de pollution dus aux rejets urbains marquent une augmentation pré- occupante, Dans les pays occiden- taux, le constat de cette détério- (RAD Casablanca, Ingénicur do G.RLEF (Ingénicur iat en Génie Rar. ration a é& a Vorigine de Témergence du concept de "ré- seau séparatif", réflexion qui est basée sur la séparation des eaux pluviales et des eaux usées afin que ces demnigres soient traitées par des stations d’épuration, Au Maroc, la mise en place des réseaux sépar: été essentiellement pour favo- riser le ruissellement superfi- ciel, mais elle ne correspond pas aujourd’hui a la gmotiva- tion principale de séparer les eaux pluviales des eaux usées pour ne pas perturber le fonc- tionnement des stations d’épu- ration biologique. Le bilan de cette stratégie d'assainissement pluvial qui est adoptée dans les pays occide taux et qui est héritée au Maroc n’est pas satisfaisant. En effet, seule une partie des eaux usées s'avére étre traitée: les collec- teurs unitaires qui sont és nombreux rejettent, par temps de pluie, A travers les déversoirs dorages un mélange d’eaux usées et d’eaux pluviales direc- cement au milieu récepteur, La situation n’est_ point meilleure dans les zones équi- pées d’un systéme séparatif: les- sivant des surfaces urbaines trés importantes, les eaux pluviales qui ruissellent et qui sont direc- tement rejetées dans le milieu récepteur ont des charges pol- Iuantes du méme ordre de gran- (@)Cente de Recherche pour l Gestion des Ressources Naturelles ot de Environnement: centre commun A PENGREF et "NPC. Paris, France 34 deur que celles des suryerses unitaires. [CHEBBO, 92], De plus, avec T’exten- sion des anciennes zones ur- baines, les systémes classi- ques de canalisations enter- rées rendent obligatoires des émissaires volumineux sur de longues distances et aux coiits parfoisprohibitifs. C'est exactement le cas du centre urbain de Nouaceur. Dans ce cas, le schéma d’assainisse- ment qui a été retenu consiste en un systéme séparatif, les eaux pluviales seront éva- cuées en premier lieu vers un bassin de retenue d'une su- perficie de 2 ha et seront en- suite acheminées vers un af- fluent de l’OQued Bouskoura par Vintermédiaire d’une ga- lerie de 9 1800 mm sur 7 km. Dans le cadre de la premitre phase des travaux d’assainis- sement, le cofit de la réalisa- tion des collecteurs primaires d’eaux pluviales et du bassin de retenue est estimé a 30 millions dhs (H.T). 11 convient de souligner que la situation actuelle au Ma- roc est similaire A ce qu’a connu la France dans les années 1970. Avec Vaccélération du proces- sus @urbanisation, les villes nouvelles ont commencé & se développer. — L’assainissement par conduites conduisaient alors A consentir de lourdes dépenses. dans les ouvrages hydrauliques nécessaires. 4 l’acheminement des eaux pluviales jusqu’a leur exutoire. Ce qui a conduit A la recherche de concepts nouveaux en gestion des eaux pluviales en milieu urbain, {@)TRRse A L'ENPC. Solides ds rej pv Les enjeux de Vassainissement pluvial au Maroc Les statistiques officielles révelent que 85% des centres urbains subissent des. inonda- tions dont 45% sont dues a des insuffisances du réseau d’assai- nissement classique. Par ailleurs, 1a croissance urbaine au Maroc est de 4,5%/an et le processus d’urbanisation est loin d’étre terminé, Face a cette situation, et compte tenu du retard 2 rattraper dans le domaine, les enjeux économiques de l’assainis- sement pluvial sont et seront d'une grande importance. En se cantonnant dans la logique d’assainissement plu- vial classique, cela nécessite- rait la mobilisation de res- sources financigres de plus en lus considérables que les col- lectivités locales, confrontées luctablement 4 l’extension des agglomérations urbaines, auront du mal a assurer. VERS UNE STRAT! NOUVELLE: LES TECHNIQUES ALTERNATIVES EN ASSAINISSEMENT PLUVIAL Sénéque disait: "i n'y a pas de bonnes routes pour qui ne con- nait pas son port" Cette célebre phrase signi- fie que toute action doit avoir un objectif. Ceci, est particuliére- ment vrai en assainissement plu- vial urbain ott la stratégie doit intégrer plusieurs objectifs. Ces objectifs dont a plupart des ac- feurs qui interviennent dans la 1 urbains.Caratéisaton eualabité 192 gestion de l’espace urbain n’ont pas une claire et entitre con- science ont trait: 1, a la protection de la ville con- tre les inondations; 2. Ala maitrise des cofits de l’as- sainissement et au maintien du processus d’urbanisation dans des conditions financigres rai- sonnables pour la collectivité; 3. a la préservation du milieu naturel et a la réutilisation des eaux pluviales. Les techniques alternatives: concepts innovants dans la gestion des eaux pluviales Les techniques alternati- ves en assainissement pluvial, consistent en la multiplication des freins a la convergence ra- pide et & la concentration des flots. Elles permettent ainsi a’ éviter la concomitance des ar- rivées des eaux et de diminuer Vimensité des débits & transiter. Cela se fait par la maitrise des processus hydrologiques de tuissellement en utilisant Pamé- nagement des espaces urbains. Ces techniques qui_sont multiples et diverses consistent en V'infiltration et le stockage des caux dans différents types d’ouvrages. Nous ne pouvons théoriquement pas en faire une liste exhaustive. Cependant, les dispositifs les plus communé- ment utilisés pour la rétention et/ou la percolation des eaux météoriques dans le sol sont: 1. les chaussées a structure ré- servoir (CSR) a revétement po- reux ou classique; ki 2, les structures réservoirs sous les équipements publics (aires de stationnement, aires de jeu...) 3. les toitures stockantes; 4, les tranchées d’infiltration et de rétention; 5. les puits d’infiltration et d’in- jection; 6. les fossés et les noues. Le principe de fonctionne- ment de ces techniques nouvel- les est ts simple et consiste en trois fonctions + la réception des eaux météo- riques et leur injection dans le comps de l’ouvrage; + le stockage temporaire des eaux pluviales recueillies; + l’évacuation différée et & dé- bit régulé des eaux. En fone- tion des conditions physiques du site, cette évacuation peut tre soit par infiltration dans le sol support, soit vers un exutoire désigné a cet effet. Les techniques alternatives. Quel intérét pour le Maroc ? Nous voudrions mettre Vaccent sur quatre caractéristi- ques principales de ces techno- logies qui les distinguent de la solution traditionnelle. Il. s’agit de: 1. permettre des écono- mies dinvestissement impor- tantes par comparaison avec la solution monolithique classique de canalisations enterrées. 2, rendre possible, 4 l’op- posé de la solution traditionnelle qui nécessite de prévoir un grand et unique ouvrage A l’aval de la zone a urbaniser, de s’adapter plus facilement au phasage de urbanisation. En effet, ces nouvelles solutions en assainissement pluvial_urbain Giant locales, elles permettent V’échelonnement dans le temps des équipements de la desserte pluviale au prorata de l’avance- ment de l'aménagement: fone- tionnant suivant le principe de gravité, les réseaux. classiques dassainissement pluvial sont des aménagements rigides ts peu compatibles avec l'Urba- nisme qui réclame, lui, une poli- tique flexible pouvant s'adapter aux réalités socio économiques du moment et aux opportunités que doivent saisir les respon- sables du développement ur- bain, 3. offrir la possibilité de ré- utilisation des eaux météoriques soit directement soit indirecte- ment - c’est le cas de l’infiltration des eaux dans le sol support - par réalimentation des nappes. Phé- nomine qui a toute son impor- tance dans un contexte oit les res- sources en eau constituent de plus en plus une denrée rare qui est, par ailleurs, sollicitée plus que ja- mais pour des impératifs de déve- loppement. 4. préserver le milieu ré- cepteur, point fort et marquant dans les perspectives de change- ment Iégislatif en cours d’étude au Maroc, En effet, les rejets urbains par temps de pluie sont ues pol- lués et représentent une menace au milieu récepteur. Les valeurs annuelles des apports de pollu- (Apart 49 du projet de Code des ux, af. 48,54 et 104 da projet de lo su tion par hectare imperméabilisé et par an ont été estimées dans Je cas d'un réseau séparatif [CHEBBOG., 1992] a: 90 kg de DBOs 630 kg de DCO 665 kg de MES 15 kg de He 1 kg de plomb Les matiéres en. suspen- sion sont les vecteurs dominants de la pollution des eaux de ruis- sellement [CHEBBO G. 1992]. Ces matitres en suspension sont formées principalement de ma- tigres minérales, les matidres or- ganiques (comme les hydrocar- bures) ne représentant que 20% [CONACYT, 1988]. Les nitri- tes, nitrates et phosphates se rencontrent essentiellement sous forme dissoute. [nos] peo [NIK] me] 83.92/83 a 95] 48 a 82) 82 899/95 2.99 Tab. [Pan de te polltion fixés sur les picules en % de a pollution totale (Bude sur tos sites), D'aprés [Bachoc A., Mouchel J.M et al., 1992] Les particules fines (di- mensions inférieures 4 100 mm) possédent la plus grande propor- tion de polluants (> 50% pour la DCO, DBOS, le plomb...). Ces matigres solides présentent une bonne décantabilité [CHEBBO G., 1992]. Les techniques altemati- ves en assainissement pluvial urbain favorisent la dépollution des eaux pluviales © par: Protection et la Mise en Valeur de I’Envronnement (OM. LEGRET, V. COLANDINI, G. RAIMBAULT. Premire approche de effet ds structures reruns srl qualité dee eax pines ot deseo. 1466 Sess ‘sion ds Comité Technique de 36 oe Hy drotechnigue de France. Parks, mars 1993. + la décantation qui est favori- sée par le ralentissement de Vécoulement des eaux dans Ie cas d’ouvrages limitant le débit de fuite allant & Vexu- toire. «les processus épuratoires qui interviennent lors de Pinfil- tration des eaux de ruissel- Jement dans le sol, dans une zone non saturée. Ces pro- cessus sont: la filtration, Vadsorption et les échanges dions et les processus bio- logiques. [Le ROCH F. 1991]. Par ailleurs, ces techniques allégent les écoulements d’cau dans les réseaux classiques exis- tants, limitent les rejets des flots d’eau polluée par les déversoirs dorage des parties unitaires de ces mémes réseaux et diminuent les volumes d’eau a traiter par la station d’épuration. Ceci étant, cone stratégie nouvelle en assainissement plu- vial urbain doit étre percue comme étant expression d'une volonté de gestion économe des ressources en eau du pays plus la qualité de eau est dé- gradée, plus les installations de traitement doivent étre instal- lées préalablement d son utilisa- tion aussi bien pour les fins in- dustrielles que pour !'alimenta- tion en eau potable des hommes. 5. la possibilité de cou- plage et de combinaison des différentes solutions pour ré- pondre de la fagon la plus éco- nomique possible aux contrain- tes physiques et techniques du site de projet. Ainsi, a titre exemple, pour T’assainissement pluvial d’un site au niveau du- quel les études hydrogéologi- ques révélent existence de couches de sol imperméables en surface avec des structures plus filtrantes en profondeur, il est tout & fait envisageable de cou- pler une capacité de stockage suffisante en surface ou proche de la surface, chaussée a struc- ture réservoir ou une tranchée, avec un flux d’évacuation plus Elevé des eaux stockées vers les horizons perméables en profon- deur, puits d’absorption ou dinjection, APPLICABILITE DES TECHNIQUES ALTERNATIVES AU MAROC Ces solutions nouvelles en assainissement pluvial ont un dé- nominateur commun qui les dis- tingue de l'appréhension classi- que des problémes d’évacuation des eaux pluviales: l'assainisse- ment n’est plus une conséquence de l’urbanisation. L’urbanisation, elle, doit prendre en considéra- tion le probléme d’évacuation sol support wrottoir caux-toits Coupe transversale de la chaussée 2 structure réservoir pour le site de Taroudant. 37 ASSAINISSEMENT des eaux pluviales. Il y a donc une implication totale entre l’ur- banisme et 'aménagement des espaces dune part et le contréle et la maitrise des eaux pluviales autre part Cette stratégie de gestion des eaux pluviales doit étre per- ue comme un systéme global, comme une entité de structure complexe qui est constituée d’éléments en interaction, qui fonctionne dans un environne- ment donné. En temps que structure, toutes les techniques altemati- ves s'intégrent dans un systéme assainissement et dans un ca- dre d’aménagement urbain, elles ne sont done pas isolables. Leur fonetionnalité est caractérisée par le multiusage. Ces usages pouvant étre conflic- tuels, les fonctions a assurer sont a identifier avec précision. Elles doivent étre évaluées en dépassant le strict probleme de ! évacuation des eaux pluviales. L’environnement de cette technologie, _|’environnement technique (conditions physiques du site...), social et urbanistique est d’une grande influence sur le choix d’une solution par rapport une autre, sur le mode de con- ception et sur la vie technique des ouvrages. En conséquence, Videntification des modes d'usage, des traits urbanisti- ques du site de projet et des Contraintes et des opportunités du milieu physique doit s' opérer tras t6t dans les études de faisa- bilité, Cela reste tributaire du degré de concertation entre de nombreux hommes a’ éude. aménageur, urbaniste, spicia- liste VRD, hydrogéolngue. géo- technicien, hydrologue «t hydro- biologiste. Cela met en évidence que ces techniques qui présentent un intérét certain pour le secteur d'assainissement marocain de- mandent une nouvelle appré- hension de Paménagement ur- bain et une évolution de la prati- que professionnelle actuelle. Au plan technique La mise en oeuvre des techniques alternatives nécessite une tes grande vigilance de la part du projeteur afin de propo- ser des solutions qui s’adaptent aux réalités sociales des futurs usagers. En effet, certaines tech- niques comme les chaussées & stfucture réservoir avec couche de roulement en enrobé drai- nant, risquent de connaitre des dysfonctionnements —hydrauli- ques (colmatage du corps de la chaussée par les fines, obstruc- tion des limiteurs de débits...) quand elles sont proposées sans structure réservoir — i. put zone de décantation Schéma de principe du fonctionnement des ouvrages adopté pour le cas de Salé 38 ASSAINISSEMENT la prise en compte des caracté- ristiques des populations con- cemées, Le choix concerté des solutions est done trés important pour la réussite des aménage- ments. Dans le cas de_"Iauto- construction", la technique des toitures stockantes devrait étre écartée, En effet, dans ces sitta- tions, P’étanchéification des toi- tures ne répond pas strictement aux normes en vigueur que les opérateurs immobiliers publics respectent. Pour de telles situa- tions, nous proposons de mettre en oeuvre d'autres solutions al- ternatives s’adaptant mieux aux conditions des futurs propriétai- res, Il convient de signaler que dans le cadre de cette nou- velle stratégie d’assainissement pluvial, il n’y a pas de recette ou de “formulation” valable pour tous les types d’aménagement urbain et pour toutes les situa- tions techniques et sociales. Les solutions sont multiples. En fonction du site de projet et de ces conditions (disponibilité en matériaux, propriétés physiques du sol support, proximité d’ar- bres, pente du terrain naturel, eaux de ruissellement chargées en matigres en suspension...) et en fonction du cadre social, nous adoptons l’aménagement qui concilie le mieux les aspects techniques, économiques et pay- sagers. Pour ce qui est de I’entre- tien des ouvrages, il n'est guére supérieur aux interventions ha- bituelles des Espaces Verts et & Ventretien qui est censé étre as- suré pour les ouvrages d’assai- nissement classique. La princi- pale contrainte est au niveau de la coordination des actions et des interventions des. services techniques communaux et des organismes ayant en charge Vassainissement (RADEs et VONEP pour les petites et moyennes agglomérations). Ces techniques utilisant pour l’assai- nissement pluvial des ouvrages appartenant & la collectivité (woiries de lotissement, puits d'absorption sur espace public, noucs...), il est nécessaire d’as- surer une coordination avec ses services techniques. Au plan organisationnel L’approche verticale et cloisonnée qui 2 cours actuel- lement dans le processus d’élaboration des projets d’aménagement urbain et se- lon laquelle I’assainissement pluvial n'est censé étre abordé qu’en phase ultime des études de projet, aprés Elaboration du plan masse nous parait peu convenir 8 l'implantation, & 1a bonne conception et 2 la bonne maintenance des techniques al- ternatives. Bien plus, une telle démarche fait que, l'assainis- sement pluvial, arrivant en dernigre étape, essuie ‘en con- traintes fatales tous les choix techniques opérés ici et 18 lors des phases antérieures, Ce qui a pour effet d’occasionner des surcoits dans les équipements. Ces surcodits étant induits, ils ne sont pas pergus. Pour ce faire, il faudrait établir de réelies procédures de coordination entre le bureau d'études chargé de Vinfra- structure routitre et des ouvra- ges de gestion des eaux et I’ar- chitecteetle paysagiste ayanten charge I’élaboration du plan masse. Cette coordination doit tre menée, trés tot, sous forme de réunions en présence du mai- tre d’ouvrage de lopération; elle doit étre forte d’un échange constructif et synergique devant aboutir & la génération dun tra- vail en commun dont le point de mire est la recherche de Il’amé- nagement qui prend en compte Vensemble des contraintes du projet. Un tel travail en com- mun induit ipso facto une mise en commun des budgets, des responsabilités et des in- vestissements humains et ma- tériels. Au plan Kégislatif Ces concepts nouveaux en assainissement pluvial urbain se distinguent de l'approche classi- que par le fait qu’ils impliquent plus que jamais les considéra- tions urbanistiques dans le pro- bléme d’évacuation des eaux pluviales; les techniques de I’as- sainissement pluvial altematif se définissent dans les mailles les plus fines du tissu urbain et ren- trent dans sa composition. Compte tenu de ce fait, insertion réussie, au Maroc, de ces solutions nouvelles néces- site une plus grande prise en compte de l'assainissement plu- vial lors de I’établissement des différents documents de planifi- cation urbaine (SDAU et plans d’aménagement). En effet, examen de la loi d’urbanisme de 1992 montre qu'elle n’intégre pas la liaison Urbanisme/Assainissement et 39 Vimpact des cofits de I’as nissement sur Iurbanisme. D’autre part, une gestion opti- male et efficace du processus urbanisation, qui est loin @étre terminé au Maroc, néces- site I’établissement d'une réfé- rence obligée aux schémas di- recteurs d’assainissement lors de l’élaboration des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme et des plans daménagement. En d'autres termes, Vaménagement et la gestion de lespace urbain doivent inté- grer dans leur processus de dé- cision la gestion des eaux plu- viales Dans le méme ordre d'idées, nous notons actuelle- ment I’ inexistence: + dune réglementation sp que concemant l’évacuation des eaux pluviales: + de servitude lige a I’écoule- ment des eaux pluviales au niveau des plans d’aménage- ments. Or, une des conditions de réussite de l'utilisation des techniques alternatives est la maitrise du foncier au niveau communal. Ce qui exige la mise en place d'outils d’urbanisme opérationnelpermettant au communes d’exercer_locale- ment sans centralisation des décisions © une surveillance juridique et un controle du foncier. RESULTATS DES ETUDES DE PROJETS PILOTES MENES Ces projets pilotes ont éé effectués dans le cadre du volet “Evacuation des eaux pluviales" du SDNAL. Notre objectif & tra- vers ces études de cas est de met- tre en évidence sur des lotisse- ments marocains que dans la pra- tique, nous avons toute une panoplie de solutions altematives aux réseaux d’assainissement plu- vial classique. Les unes et les au- tres de ces solutions présentent le double avantage d’étre financigre- ment intéressantes (jusqu’a 46% moins chéres dans les cas étu- diés) par rapport aux solutions classiques et de s'intégrer dans Vaménagement urbain en deve- nant, non plus une fonction dis- créte, mais bien au contraire un de ses éléments constitutifs qui Vagrémente et qui l’entichit. + une tranche de 17 ha du lotis- sement "hay errahma exten- sion” & Salé. Le maitre d’ou- vrage de opération est PERAC nord onest. (Etablis- sement Régional d’Aménage- ment et de Construction) Sur ces deux lotissements nous avons mis en oeuvre plu- sieurs variantes d’un assainisse- ment pluvial alternatif et un as- sainissement pluvial classique en réseau unitaire comme ce qui a &€ adopté par les bureaux d'études qui sont en charge des études VRD. Les dimensionnements que nous avons effectués ont pour base de calcul la protee- tion contre un événement plu- vieux d’occurrence décennale. Nous nous sommes rérérés aux données hydrologiques: maro- caines. Parantuer dela 4 4034 b 057.0614 Sag Tasadandr Région It de instruction technique | toide Montana sur assainissement des agglomérations 1977 | Tame 61 0.44 Tab 2: données hydrologiques utilisées Les études que nous avons menées ont porté sur deux lotissements. Nous nous sommes particuligrement inté- ressés aux aspects liés & l'assai- nissement. Les sites de projet sont: Ie Jotissement “hay el mo- hammadi" 4 Taroudant, (38 hha). Le maitre d’ouvrage est la SNEC. (Société Nationale d’Equipement et de Cons- truction). Les différentes solutions proposées ont été mises en oeu- vre, évaluées et comparées 2 la solution classique. Pour le site de Taroudant: + dans une premitre variante, nous avons mis en oeuvre des chaussées & structure réservoir (CSR). Le comps de ces chaus- sées est constitué de maté | riaux non traités: du concassé dur 10/80 ; les paramétres Los Angeles (LA) et Micro Deval (Acwellement au Maroc, les documents de plniication urbaine (SDAU et Plans dAménagerent) sort efaliss dans Ia plupart du temps au niveau central, su ‘mieux a riven répional 40 en présence d’Eau (MDE) re- tenus pour le concassé sont: LA < 30 et MDE < 25; (LA + MDE) < 45. Nous avons opté pour ce matériau pour la raison principale qu’il pré- sente une bonne porosité (35 %) par rapport aux autres matériaux. La couche de con- cassé est recouverte d'une fine couche de granulats de type 10/14 ou 10/20 de fagon A réduire sa rugosité et amé- liorer son réglage. Les épaisseurs de chaus- sées ont comme minimum les épaisseurs nécessaires & la tenue mécanique (25 ct 30 cm en fonction des voiries du lotisse~ ment). En fonction des volumes d'eau & stocker, cette épaisseur minimale est augmentée; pour notre étude, l’épaisseur_maxi- male atteinte est de 70 cm. La couche de roulement est en bé- ton bitumineux; nous avons écarté V'enrobé drainant en sur- face afin d’éviter les risques de colmatage par les “fines” qui pourrait se produire faute d’iré- gularité dans les interventions des services d’entretien (espaces verts, et services techniques mu- nicipaux). Les eaux de ruisselle- ment sont injectées dans le corps de la chaussée par des avaloirs classiques reliés & des drains qui assurent la diffusion des eaux. Nous avons étanchéi- fig le fond de la chaussée par une géomembrane pour prévenir infiltration des eaux dans le sol support qui est limoneux, sensible 4 l'eau; cette mesure permet aussi d’éviter 1a conta- mination du corps poreux de la voirie par les particules fines du sol support, ce qui & long terme, pourrait réduire sa porosité et donc sa capacité de stockage. Les eaux du lotissement sont éva- cuées A un débit de 200 1/s vers Vexutoire qui est un oued situé & 400 m de I’aire d’'aménagement. + dans une deuxigme variante, nous avons couplé la techni- que des CSR aux toitures stockantes. Cela revient & la li- mitation du debit de fuite des descentes de gouttitres. Pour notre étude, nous lavons limi- té 8 6 I/mn: pendant I’épisode pluvieux, les eaux de pluie provenant des toits sont injec- tées dans la chaussée au débit de 6 1/mn; cela comespond au stockage temporaire sur les toits de lames d'eau n’excé- dant pas 8 om. Pour des rai- sons de stabilité mécanique des habitations, nous avons prévu un trop plein de sécurité fonctionnant dés que la lame d'eau stockée atteint 10 cm. Pour le site de Salé. Pour répondre aux condi- tions physiques du site de projet (horizons de sol imperméables en surface et plus filtrants en profondeur), nous avons combi- né la technique des CSR & celle Ipération de Taroudant des puits d’absorption. Cela nous a permis de coupler une capacité de stockage en surface (CSR) avec un flux d’évacua- tion des eaux en profondeur dans le sol support (puits d’ab- sorption). En effet, les eaux stockées temporairement dans le corps de la chaussée sont déversées dans le puits un débit de 10 1/s. Les puits ont une profondeur de 5 m et un diametre de 1,5 sur Ia base des données hydrologiques utilisées Nous remarquons que le stockage temporaire des eaux pluviales dans les toitures per- met une économie importante sur les épaisseurs de concassé au niveau des CSR. Ainsi, pour notre étude, en adoptant cette mesure dans la deuxitme va- inte, nous avons _limité V’épaisseur du corps poreux de la chaussée aux seules épais- seurs nécessaires & la tenue mé- canique des routes. Les principaux résultats de Pévaluation économique Nous soulignons qu’afin d’avoir une méme base de com- paraison avec la solution classi- we sien Varisne Delt ni Coit de operation en dhs) 4234 000, 7 680000 Poureentage en moins rapport 45 } Coit au m* loti (endhsfm*) ng Ppération de Salé i 7 ‘Cofit total de l’opération (en dhs) 2.451 000, +3808 000 Pourcentage en moins rapporté 35.6 [Coin aum*loti(endhsim) 4g 4 ASSAINISSEMENT que en réseau unitaire, nous avons pris en compte le cofit du réseau eaux usées dans le cas des variantes alternatives. Il convient de noter que ces techniques peuvent étre en- core plus intéressantes en per- mettant la réalisation d’écono- mies conséquentes non seule- ment sur le cofit des équipements dans le site de pro- jet mais aussi sur ce que ’on a Vhabitude de qualifier au Maroc par “hors site”. C'est essentielle- ‘ment le cas des multiples situa- tions de projet ott "unique exu- toire se trouve trés éloigné du lieu d’aménagement. En effet, dans de telles si- tuations, grice a I'infiltration des eaux dans le sol support ou le stockage transitoire avec une régulation du débit de fuite, les ouvrages hydrauliques reliant le site d’aménagement 2 son exu- toire peuvent avoir des dimen- sions trés faibles par rapport Passainissement classique. Ain- si, pour le cas de Taroudant nous sommes passés d’un col- lecteur @ 1000 & 400 mm, CONCLUSION ‘Compte tenu de l'ampleur du processus d’urbanisation et de ses perspectives, compte tenu des aspirations nouvelles du Ié- gislateur en matigre de ges- tion des ressources en eau et de protection de l'environnement, ‘ces concepts innovants en assai nissement pluvial urbain présen- tent de nombreux avantages. (x projet de Code des environnement, (La dae de Ter vali st de 10 ans es sont rlisés dans Ia pupa des exe par de bureaux dudes privé 42 Pour que les villes maro- caines puissent suivre les évolu- tions qui se dessinent actuelle- ment dans les grandes agglomé- rations mondiales, il faudrait remettre en question les concep- tions passées et s’orienter vers les solutions nouvelles qui sont, comme nous |’avons bien mis en évidence, porteuses d’enjeux &conomique tres _ importants pour tous: état, collectivités et opérateurs immobiliers publics et privés. L’assainissement dépend dun fait génératéur qui est 'ur- banisation; c'est & travers la maitrise de cet élément que l'on pourra poursuivre I’inéluctable processus d’urbanisation dans des conditions économiques rai- sonnables pour tous, dans une logique de développement dura- ble et de préservation du milieu naturel. Pour cela, les schémas directeurs d'aménagement ur- bain, qui tracent dans ses gran- des lignes et pour les 25 ans & venir le développement urbain, devraient porter plus d’attention au probléme d’assainissement pluvial tout en établissant des relations plus étroites avec la démarche de formalisation des schémas directeurs d’assainisse- ment. Au niveau des plans d’aménagement ©, il faudrait établir plus de relations entre les urbanistes et les aménageurs. Faire entrer cette innova- tion technologique et cette révo- lution éthique dans les habitudes professionnelles —_marocaines nous parait tre une priorité dans le champ du génie urbain en général et des techniques @assainissement en particulier. Pour s’en acquitter, il faudrait qu’un mouvement général luttant Contre toutes les inerties se orée en prenant appui sur deux princi- paux themes: 1. amiver & des réalisa- tions significatives qui par leur exemplarité peuvent entrainer des réalisations plus ambitieuses et qui font, par 12 méme, pro- gresser la capacité technique de mise en oeuvre et de proposi- tion, Ces réalisations donnant occasion de bilans critiques. 2. mettre en contact I’en- semble des acteurs de l’aména- gement urbain pour les informer et les responsabiliser. Nous ne constatons, et nous I’avons bien précisé plus haut, que trop de cloisonnement dans les proces- sus de conception, de décision et de gestion, Cela perpétue un tra- ditionalisme figé et cause des in- capacités face A des difficultés techniques et gestionnelles qui, autrement, peuvent étre aplanies avec facilité et efficacité. Ceci est, & notre sens, d’une extreme importance, car l'avenir de la ville, s'il dépend bien stir, des décisions d’ordre politique, il se fonde dans le creusct d’un dialo- gue entre techniciens et hommes de projets. Dans ce cadre, eu égard A son statut juridique, & ses futures prérogatives et ambitions, Ja future Agence Nationale d’As- sainissement pourrait jouer, au niveau central, un rdle de con- seiller, d°éclaireur et dinstiga- teur en oeuvrant pour la promo- tion juridique et technique de ces concepts innovants en assainis- sement pluvial urbain, 1, le projet de Ioi portant création de "Agence Nationale d'Assinissement tle projet de loi sur la Protection at la Mise en Valeur de ASSAINISSEMENT LISTE BIBLIOGRAPHIQU 1. TOUMI, 1995, Faisabilité des Tech- niques Alternatives cn assainissement pluvial au Maroc. 130 p. CERGRENE (ENGREF/ENPC). Paris, France, J.C. DEUTSH, B. TASSIN, | TOUMI, 1995. SDNAL, "Mission Expertise « Evacuation des eaux plu: viales ».CERGRENE. Paris. LCPC, Graie, CERTU, INSA Lyon, Techni- ques Alternatives en assainissement pluvial. Tec et Doc Lavoisier, 1994. Paris, M, LEGRET, 1993. Assainissement pluvial par des Chaussées & Structure Réservoir, ENPC Paris. Novatech, 1995, Inno- ive Technologies in Urban Storm Drainage. Lyon France. Plan Urbain, 1985. Techniques Alt natives en Assainissement pluvial. Im- pact sur le milieu social et sur l'envi- ronnement, Paris: Editions du Plan ur- bain, 1985. 185 p.

Vous aimerez peut-être aussi