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CChangement de fonction morpho-syntaxique : Je cas du morphéme de "état construit en berbere* Karim dehab Université Ottawa 1. Introduction Dans le présent papier, nous allons dscuter du changement de fonction ‘srammaticale d'un ancien morphéme de genre (masculinsingulier)w- (ou sa variante ys) en berbée!Disparu dans certain dalectes, ce morphime a survécu dans d'autres avec une nouvelle fonction morpho-syntexique,indiquant un type deformenominale, ‘raditonnellement désignée par tat constuit (ou état li). La présente analyse se veut un complément dune étude globale sur 'éat construt en berbére(Achab 2000). I1s'agit ici de démontrer Forigine du morphéme en question en tant qu’ancienne marque de gente, préciser les contextes dans lesquels ila cesst de jouer ce rle, et enin préciser les motifs ayant mené i sa résupération dans la langue pour lui assigner ce nouveau r6le qui est d'indiquer la forme d'état Dans certains pariers comme le touareg, ce morphéme afi par disparate y compris ddan la forme annexée (Prasse, 1974), Dans d'autres, comme le parler de Siva (Caoust, 1920) et de Ghadameés (Lanfiy, 1972) c'est toute cetteakerance d'état qui ‘a cbdé , avec des consequences sur certain fais symtaxiques comme le phénoméne extraction (voir Guerssl, 1994) Lerapprochement entrece morphéme w-quicaractérise la forme annexée des Cee ius Nicci de remarqcspresigcases ela pant de L. Gala, M. Guess 4. Qualls. Brag M.A. Quis sont ose eri " Leberbe(o oma) es lalangue prs on Agus du Nord te de rae mghecbia, Parceails deT Egypte jug au ls Caan dela Matera sg au Niger ie beaucoup eda peo det arabe dep arm des Arabs a Vlei Elec ajo bl mores en diercets alc, paps sur psieus Hs sur ne arepographigu vaste. es prncipaux dale sot: anace ou tunes, ou sa de Algeve nord u Nie & do ‘tai, Barkin so et en Mauna) rbot (oe aby ay nad eA) rch est lpia), sab (oa alin, oii aokelhit e tamanoh (a Maz) anet (LYS), as oust ayn), email dacs ead aniston ee de Dyk respective 31 Karim Acheb noms msculis et So oie en tan que marque de genre adit évoqé danse pase (A. Base (1932, 1982, 1957), A Basset & Picard (1948), Vyssh (1957) plus écemment encore dans des tudes phosoogiques(Guessel (1976, 1983, 1987, 1092), Dll et Jebbour (1991) et Djebbour (1991). Cependat, et @ exception notable de Vycch (1957), ces ude se sont limitées&aanoncer hypothe, ans pour autam examiner profondément, El st ayjourd hui encore loin de air ensemble des berérsnts ayant consid In question et danse cde asser recat, ce morphime a me & constr come “ane novation ds pales ds ord” (Char, 199549. Comme nos ans levi psi, e crate nrguat de ce momphéme «st i principalement au changement auniveaudesa fonction orpho-syataiqus, qi 4 double re out pa a chute de la oye intial ou préradiale es noms a forme die constnit (vir seton 3), Nous dtendrons done ike selon lagu a ‘nature du morphéme w- est bel et bien ancienne* et pan-berbére, mais que son rdle de smarqueu '&at constitu tri 1Ladscussion se déoulera comme suit nous commencerons par expser es fais is &ahemance marpho-syatique die da rev const ou annexe ( Jnpari2) Nous défendrons ensuite hyposhis de ancien tle de marque de gene rascal du morphéme en consideration (partie 3). Ala hair de ces deux ) Incontestablement, dans ces cas précis, le morphéme w-joue pleinemeat le rble de rmarqueur de état construt, Pour ces mémes raisons le traitement de cette voyelle est simile dans es ‘noms commengant par une consonne autre que lef, une des marques du féminin, * Vode note peice 5 (oie entre sures Gurl (1976, 1983), Bader et Kestonce (1987), ebour (1988, 19911958), Del & Jettour (1991) e Tanga (199), 54 (Changement de fonction morpho-syntaxiqu en berbére pour la plupart des noms propres’. I existe, eependant, un petit nombre de noms communs commencant par une consonne comme la, fad, et et qui son 'silleus asezintigant. Notre hypthése pour ces cas de figure est qu la voyell inal s'est efac€ y compris dans la forme Hib, ce que sembleat confirmer cemaines pares comme fis /fis (main) selon le ares dialecales “Tandis que Fexamen des données lexiales nous pemetra de replaces le ‘morphéme n+ en tant que marque de genre masclin sur le plan dachronique, point «que nous dscuterons dans la section 3, examen sytaxigue dela distribution de ces deux formes dans la langue nous aidera 4 comprendre la raison eto la ogique du changement au niveau de la fonction grammatical ou symtaxique du morphéme We. ‘ins, conven de rappelerbriévement fa dstrbuton complémentie de ces deux formes atematives. Ces situations sont de 4 types que nous résumons dans (3) GB) a NPsujt postverbal b. _NPobjet d'une classe de preposition (classe A, voir inf) & —NPobjet doublant le citigue accusatit_ 4 NP-complément de nom Ces situations s'opposent donc & celles exigeant a forme libce éouméréesc- apres (a NP-sujet préeverbal *Notons au passage une Goston dans este ces denis, Us nom comme Me Megan soa ass de omen amaguran ison ex aes btatvs e , Lat ‘uct ent des omen annex omen megan repetveret, Un are excpie t fuece phénoméned ltersance a tndance css das les noms prores x api i / Wal (Gat sont portant des pris zabe rlauvement eens) et ot le send consti Sans tues ane seated promi, Aur Muse revo deus pinned. * Jeremie L. Galand d'or airé on atentin sarees exemple. "contre ao langues segues cate meet stint selene aux Sutures esiives 55 Karim Achab », NP-objet de prepositions (classe B par opposition la classe A, voir supra) c. NP-objet (4a) est génécal tous les parler ayant conservé I forme construe, (4e) est, spéciique a certains parlers comme le Kabylie et le mozabite, (4b) représete un eas particulier ence sens que la plupart des éléments prépostionnels requirent leur objet ‘la forme consrute il existe en cependant un petit nombre requérant la forme libre et ceci est général tous les parlers. Pour des raisons purement techniques, nous <ésignerons les premiers par éléments prépositionnels de clase A et les seconds par ‘léments prépositionnels de classe B. Dans Guerssel (1987, 1992) seul es éléments appartenant & classe B (je. requérant la forme libre) sont considérées comme de aes prépositons® tandis que Oubslla (1988) ls consdérent comme des nominau. La diffrence entre ces deux clases d'éléments peut dre d'ordre diachronique en ‘opposant une origine prépositionnelle & une autre nominale, Comme me I’ fait remarquer L. Galand(p.c.), il est fort possible que ceux appartenant ala classe A seraientissus d’anciensnominaux, et ceux dat cen’ était pas le cas seraienttaiés de la ote, tandis que les cements de la classe B seraient ds Yorgine concus comme es prépositons dont le rle serait inroduire une position symaxique oblique. Les situations dans (4) montrent que la forme construite apparatt dans des contextes dont le nom annexé se trouve en relation spécfique par rapport & une catégorie-éte qui est en méme temps son précédent, Cette carégorie peut tre Agr- sujet (situation (4a), Agr-objet (situation (48), un élément prépositionnel de classe ‘Acou bien un nom (44), voir fra). Dans un autre travail sur alterance d'état et TVordre des mots (Achab 2000), nous avons montré que cetealtemance est motivée avant tou par des considérationssyntaxiquescontrarement a ce qui est stipulé dans es analyses Iu attribuant des raisons purement phonétques", Sans rentrer dans les * Cave aparenant a clase A (i. requérnt a me conse so consis comme ds argos morpolgigues de eas par Ose Pc). "Bien que ces analyses riven jsement le process de cate del vole ini at nen cd morpheme w= 8 at ibe. La deri nde et lle de Brugstl (1999), 56 CChangement de fonction morpbo-syntaxique en berbére Aéails ici, nows avons conclu que les noms annexés forment des segments et \dépendent de leurs antécédents avec lesquels il forment des catégores par entice Cette dépendance fait qu’s se comportent comme des éléments enaphoriques. De ce ‘ait, les noms &étet libre, qui sont des expressions référentoles 4 part entre, sont exclues de ces postions. Nous avons eabli que la voyellepré-radicale des noms annenés est précsément I'elément qui partage les traits symaxiques avec ces aniéeédens", La seule solution pour se conformer au principe du lage est alors de supprimer cette voyelle. Une fois supprimée, les noms annexés deviennent des Géments purement explicati, ce qui & nos yeux juste pleinement I'expression ‘table, et juste tte, parL.Galand (1966). Comme nous le verrons plus bin cette conclusion ra 'encontre de celle atente par K, Prasse (1994) en relation avec des données touaréyues, selon laquelle a voyellebréve des mots annexés dans ces parlers serait issue de la voyele intial (voir parte 3, p. 8). 2. Le morphéme w- et la marque de genre ‘Comme nous avons mentonné précédemment, lamorphologie du féminin et colle du masculin s'opposent au niveau de leur schémes. Tandis que le masculin est constituésans affixes morpho-phonologiques, lenom fémininest constitué de forme adicleintégrée das le schéme (—rcomme le montent respectivement ls exemples (6) suivants (5) a amazigh —_(berbire, mms. se.) b. tamazight —(berbare, n. fem. se.) ‘Lenom féminin (Sb) se dstngue par ses propres marques constinant son schéme. Le ‘nom masculin (Sa) se distingue par V'absence de marques, par opposition & leur présence dans le genre féminin, Cette absence de marques ne signifie pas que le rmasculin n'a pas de schéme, mais que les marques de celu-ci sont vides. En effet, * Guersel (1987, 1992) duce aproctnnt tees deat dees, 37 Karim Achab plusieurs études de phonologie (voir entre autres Guerss! (1976 &1983), Bader et Kenstowicz (1987) ainsi que Dell et Jebbour (1991)) postulent Vexistence d'un segment dans la représentation sous-jacente dela forme libre, antrieurement la représentation du ratical du mot. Guerssel (id) Dell et Jebbour (op. cit. : 125-126) ‘pstulent méme une condition phonologique de priorité dela préfixation du glide w= (notre morphéme) sur effacement de a voyellepré-radicale lors de a formation de la forme annexée. Ceci nous permet de postuer, au minimum, la représenttion (6) ci-aprés pour le schéme du masculin Oe existe encore deux types de données lexcaes dans la langue impliquant le rmorphéme w- & initale du mot et qui sont de nature & confirmer le schéme donné dans (6). Le premier type est constiué d'une classe ¢'éléments fonctiomnels appartenant aux catégories DP (déterminants) et dont la représentation du trait de {genre masculin par le morphéme wne permet aucun doute. Ces éléments sont résumés dans le tableau (7) ci-aprés, leur équivalent feminins sont domnés A titre comparatif Masculin Féminin wa fwagi (celui) ‘a/tagi (celle) vwadi/wahi (ceuistibas) | tadt/ ahi (ceetabas) inna (clu inna (celle) Singuler | winnar (untel, déini) | sinmar (une tlle, dfinie) wi a (celles- et waghzazsignifian espectivement “morsure (ou ation de smordre)” et “iteron maraicher” ”. Wieych conelue par Taypothése selon laquelle ces complexes seraient cuméme d'anciens déterminants autonome, plus précisément articles définis, qui se serait tardivement fgés au radical du mot (Vycich, 1957 : 145) Peu importe si a formation de tes noms a eu lie de cette facon ou pas, ce qui importe davantage pour notre discussion ici c"est que ces données mectent bien en Evidence le lien entre le morphéme + dea forme construite ta marque de genre masculin, D'une par, la classe des determinants dans le tableau (7) monteeat que le ait de genre masculin est véhculé par le morphime w- par ‘opposition a eh da éminin éhiculé parle morphéme -. D'aute part, lasubsistance "Dane wage acta es mot resent rare, Mis cst qu’ are ignorance cn tan uc teriarophoas- dle nue. Last (1920) a Goon ne ise, in dere exhaustive de pas ‘de ote E Bagel (199) ats ben nae que autres sea encore daar poe eu queen inet es sources poets (poems, oponymes,lenigue specials comme es ome de planes cones, ee). Laser noah née rcleve wn cota aoe par dun nen dieonnare, Pure eens opus extant ver Braap: © Traduction doonée pr, Alo, meninnse par Brags (199), 59 Karim Achab 4e certains noms masculins ayant pour intial e phonéme in’ montre que jusqu’a un stade donné de V'évoluton de la langue, ce trait morpho-phonologique de genre ‘mascuin nat pas spécifique au déterminant comme c'est cas actuellement, mais iat be et bien général & tous ls nominaux (Ce morphéme serait alors tomb & 'tat live mais conservé& état annexé, contrairement au préfixe- du féminin maintenu dans les deux formes pour des raisons

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