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LUXEMBOURG

De Profundis
… au seuil des ténèbres, je t’attendrai
Pierre Decock

Biographie de l’auteur

Né en Belgique en 1959, Pierre Decock a désormais la nationalité


luxembourgeoise. Il travaille au Grand-Duché depuis 1985. Ce diplômé en histoire
contemporaine et informaticien a plusieurs passions : la peinture, le
dessin (on lui doit plusieurs bande-dessinées et illustrations,
notamment pour la revue Zack) et l’écriture.

Avec son roman Toccata, il a obtenu le Prix des lecteurs de la Grande


Région 2008. De Profundis est son nouvel ouvrage.

Informations générales

Publié en 2009 aux éditions Op der Lay, l’ouvrage comporte 140 pages.

Présentation de l’éditeur

Op der Lay est une maison d’édition luxembourgeoise spécialisée dans la


littérature et la musique luxembourgeoise.

Résumé

De Profundis est le premier volume des aventures de Joao Da Costa Rebelo, un


jeune policier luxembourgeois d’origine portugaise. De son passé, nous en
apprenons peu ; après sa sortie de l’école de police, Joao passe de service en
service au sein de la police du Grand-Duché du Luxembourg. Il parvient
finalement à intégrer la PJ.

Lors de l’arrestation du tueur en série Abel Schreiner, Joao est gravement touché
et tente de se remettre de ses blessures. Mais un évènement vient accélérer sa
remise sur pieds : le tueur s’est évadé de la prison de Schrassig. Dès lors, Joao
n’a plus qu’une obsession : se remettre en piste coûte que coûte, quitte à braver
l’interdiction de reprendre le travail de ses supérieurs.

Son collègue et ami Mike Wagner, lui-même sur l’enquête, fait tout pour lui
faciliter la tâche et le réintégrer discrètement dans les affaires.

Bien que déterminé à retrouver le tueur, Joao ne manque pas de remarquer une
belle femme iranienne, Selma Soleimani. Traquée par la police de son pays
d’origine, elle se méfie d’abord du jeune policier puis s’appuie sur lui pour éviter
l’expulsion. Le jeune héros va rapidement tomber sous le charme de cette
femme à la fois sublime et brillante, qui vit avec ses enfants.
Sur le papier, rien de bien nouveau, en apparence, au royaume du thriller… mais
rapidement, l’enquête de Joao va le mener sur de nouvelles pistes, qui semblent
bien s’éloigner du tueur sur lequel tout le pays concentrait son attention…

Extraits

«Les choses se mettent en place. Je suis encore quelque peu hésitant dans mon
approche, mais je ne peux me permettre un faux pas.
Bientôt, tout sera prêt. Il me restera à saisir l’occasion favorable. C’est une
question d’heures et j’attends cet instant avec impatience. Cette dame aime le
grand Art et les barbouillages… Elle va être servie.
Mais ne sois pas jalouse : tu ne le sais pas encore mais tu comptes parmi les
élues. Voici plusieurs jours que je t’observe. Aujourd’hui, je sais tout de toi. Où tu
habites, les lieux que tu fréquentes, qui sont les gens que tu aimes et ceux que
tu détestes. Pardonne-moi, mais je n’ai pu résister : en ton absence je me susi
glissé chez toi. N’as-tu pas remarqué, sur le meuble à côté de la porte d’entrée,
cet objet qui avait changé de place ? C’était moi. Maintenant, je suis là, tout prêt.
As-tu entendu ce léger bruit près de la cuisine ? Cela aussi c’est moi. »

*****

« Alors, Monsieur Da Costa… Racontez-moi…


- Oui ?
- Ce que vous avez vécu, êtes vous en mesure de l’exprimer ?
- Bien sûr.
- Hmmmm.
(…)
- Qu’est-ce que cet évènement évoque pour vous ?
- Une blessure au dos.
(…)
- Hmmmm.
Ce « hmmmm » est une incantation thérapeutique qui signifie à peu près « je
vois ce que vous voulez dire, mais dites m’en plus ». En l’occurrence, Thierry
Dieschbourg ne voyait rien du tout. »

Critiques

Grand-Duché, quand tu nous tiens.

De manière surprenante, le principal atout de ce roman ne réside pas dans la


force du thriller, mais plutôt dans la facilité avec laquelle Pierre Decock nous
promène de part et d’autre du Grand-Duché du Luxembourg.
Cela passe par la géographie du pays et des lieux « visités » ou évoqués par
Joao dans le cadre de son enquête, mais aussi par les références diverses au
fonctionnement des institutions policières et d’autres secteurs.

Echternach, Luxembourg, Esch-sur-Alzette, évocation de la Sûre à Bollendorf-


Pont ou de la Moselle à Wasserbillig, les étapes de la promenade policière à
laquelle il nous convie seraient longues à lister ici. Mais quoi de plus jouissif que
de quitter pour une fois les villes surexploitées en matière de thriller (sous toutes
ses formes), New-York, Paris ou encore Londres.

Viennent ensuite les références plus directes à des services de police ou d’Etat :
la CFL pour les transports, la SREC (le service de recherche pour les enquêtes
criminelles), l’ASTI, les services de renseignement Spetzeldengscht nous permettent de
nous plonger dans un pays souvent méconnu par les Européens.

De la même manière, Pierre Decock nus offre une panoplie de personnages


souvent hauts en couleur (à l’image d’Isabelle « la tornade », sœur délurée mais
dévouée du héros) ou de la sublime iranienne, qui esquissent sous nos yeux un
portrait multiculturel du pays, parsemé de phrases dans des langues aussi
différentes que le français, le portugais ou le farsi.

La diversité n’est pas l’apanage des origines et nationalités

Elle est aussi dans les milieux au sein desquels évoluent des personnages,
d’autant que ces derniers sont loin d’être particulièrement novateurs en termes
de fiction existante (hormis peut-être le chat Tarzano, au comportement étrange
et attachant avec Joao!). Decock a ajouté une dimension supplémentaire à la
trajectoire croisée de ces existences liées les unes aux autres, d’une manière ou
d ‘une autre : la force des divers réseaux, depuis les employés de l’EPT (télécoms
du Luxembourg) à la MKZ Bank, de l’hôpital Kirchberg à la prison de Schrassig,
des milieux d’affaires aux avocats.

L’auteur a sans conteste mené un long travail d’investigation auprès de ces


milieux, en particulier pour l’appréhension de l’hôpital, des fonctionnements de la
police et du centre pénitentiaire, ce qu’il n‘oublie pas d’ajouter à la liste des
remerciements située à la fin de l’œuvre.

De Profundis est-il vraiment un thriller ?

On est en droit de se poser la question. Promenons-nous, explorons, rions parfois,


tremblons (un peu) : mais l’intérêt est ailleurs. Du thriller, on accorderait
volontiers la présence d’un tueur impitoyable et celle de quelques flics au
tempérament un peu trop libres ou stéréotypés pour être crédibles. Mais la
qualité du roman ne réside donc pas, selon moi, dans le suspense de l’œuvre…
qui n’est finalement qu’une longue attente déçue, comme une promesse
développée de page en page et qui finirait en pétard mouillé.

Mais revenons sur le titre, énigmatique s’il en est. « De Profundis »... religieux ou
profane ? Oublions un instant la connotation religieuse de l’expression latine, et
intéressons-nous à un certain Oscar Wilde qui, depuis sa cellule pénitentiaire,
écrivait de longues lettres à son jeune amant, à la fin du XIXe siècle.

Lettre. Attente. Dépendance et amour destructifs. La forme choisie par Decock


dans son roman, l’alternance de brefs chapitres et de lettres menaçantes mais
passionnées pourraient bien s’apparenter à la démarche de Wilde. Mais ne
parlons pas tueur(s), ce serait plus qu’anachronique. Contentons-nous de rêver
sur des titres mystérieux.

Et après ?

Ce roman a selon moi un potentiel encore inexploité : Joao est destiné à être le
héros de plusieurs volumes d’aventure, ce qui pourrait bien lui donner une
épaisseur beaucoup plus convaincante.
Pierre Decock a créé un univers qu’il nous invite chaque jour à compléter, et c’est
bien là l’idée novatrice du prolongement de son roman sur Internet. Son site
www.joaodacosta.lu nous propose quelques pistes d’exploration et invite les
Internautes et lecteurs à participer à un forum, échanger leurs idées..

L’avenir du livre papier serait-il… la communauté numérique ? Decock l’Européen


semble nous y inviter…

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