Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
la gestion de portefeuilles
Avril 2002
3 Exemple concret 6
5 Interprétation de R 8
8 Conclusion 14
1 Introduction
Durant la dernière décennie, les sciences actuarielles ont grandement pro-
fité des idées développées par les mathématiques financières: l’utilisation des
produits dérivés dans le domaine de l’assurance est, du moins en théorie,
considérée comme une alternative fort intéressante aux couvertures d’assu-
rance traditionnelles; les actuaires prennent peu à peu conscience de l’im-
portance que peuvent revêtir les modèles à structure finie pour les taux
d’intérêt, et en particulier pour ce qui concerne les produits d’assurance-
vie. L’une des principales activités de l’actuaire consiste en effet à assigner
une valeur à un portefeuille de contrats financiers au dividende incertain. Si
l’actuaire spécialisé en assurance-vie traditionnelle réalise cette tâche lorsqu’il
est confronté à un portefeuille de polices d’assurances sur la vie, l’actuaire
spécialisé en assurance de dommages applique ce procédé lorsqu’il a à s’oc-
cuper d’un portefeuille de sinistres dont les montants ne sont pas encore
déterminés. Il est donc bien naturel d’envisager une activité actuarielle ana-
logue dans le cadre d’un investissement: le rôle de l’actuaire consiste alors à
évaluer le rendement du portefeuille d’investissements.
Toutefois, le rapport entre les sciences actuarielles et la finance ne doit
pas être perçu comme une relation à sens unique. En effet, la finance peut
également tirer bien des profits des concepts actuariels, tout particulièrement
pour ce qui a trait à la théorie actuarielle du risque. Il appert que le concept
de taux de croissance théorique du risque pour un actif peut avoir de multiples
applications, notamment pour
- la projection des résultats d’investissement,
- l’évaluation des réserves de fluctuation quant au rendement d’un por-
tefeuille d’investissement,
- la définition des mesures du risque d’un portefeuille.
Le présent exposé s’inspire grandement d’une méthode rationnelle pro-
posée par Bühlmann (confer la référence [1] de la bibliographie, page 15),
fondée sur les principes des sciences actuarielles, pour déterminer ce rende-
ment, que nous appellerons le taux de croissance théorique du risque.
Il explique comment exprimer les conditions de sécurité sous-jacentes à l’éva-
luation, et comment obtenir ce taux de croissance théorique du risque sur la
base de ces hypothèses subjectives. Il importe de relever que, contrairement
aux pratiques comptables usuelles, l’évaluation actuarielle du rendement d’un
investissement ne peut prendre tout son sens qu’à la condition expresse que
soient pris en considération des portefeuilles complets d’actifs suffisamment
diversifiés pour justifier le raisonnement statistique dont nous ferons ici usage.
3
2 Evaluation d’un portefeuille d’actifs
Il semble essentiel de relever que les techniques d’évaluation des porte-
feuilles d’investissement, telles que proposées par les pratiques comptables
usuelles, ont tendance à générer des résultats par une approche “ascendan-
te”, dans la mesure où la valeur du portefeuille est obtenue en additionnant
les valeurs intrinsèques des actifs qu’il contient. Cette méthode est désuète,
ne serait-ce qu’en regard des produits dérivés, qui peuvent être détenus en
association avec l’actif sous-jacent ou sans celui-ci; la valeur du produit dérivé
de l’entreprise n’est alors pas la même dans les deux cas. Afin de mieux se
représenter ce concept, examinons le problème suivant:
6
XXX
Gk
..
.J
... J
... J
....
..
JJ
...
...
...
....
....
@ , ...
...
@ ,
...
@,
-
0 k n
Fig. 1 – Evolution de Gn dans le temps
Remarques :
Afin de mettre en évidence l’aspect stochastique de ce problème, il faut
prendre comme point de départ le temps t = 0 et s’efforcer de prévoir
la croissance de G0 pendant n intervalles de temps.
Il est évident que l’estimation de Gck permet d’obtenir des réserves de fluc-
tuations cohérentes; ce problème met donc en lumière une manière bien
4
plus élaborée d’arriver à de telles réserves que par le biais des pra-
tiques usuelles qui se basent, par exemple, sur les valeurs initiales,
à savoir Gck = G0 , ou alors sur les valeurs minimales, par exemple
G
ck = min (G0 , Gk ) au temps t = k.
Gk := G0 · Z1 · Z2 · · · · · Zj · · · · · Zk (1)
ck := G0 · W1 · W2 · · · · · Wj · · · · · Wk .
et G (2)
5
3 Exemple concret
Au cours de la dernière décennie, l’Indice Suisse des Performances SPI a
subi les variations suivantes:
1991 + 15,9 %
1992 + 17,6 %
1993 + 50,8 %
1994 − 7,6 %
1995 + 23,1 %
1996 + 18,3 %
1997 + 55,2 %
1998 + 15,4 %
1999 + 11,7 %
2000 + 11,9 %
6
4 Définitions de théorie du risque
Définition 2 Soit R est le niveau de risque du portefeuille, quel que soit
k = 1, 2, . . . , n. On a alors l’égalité suivante:
" −R #
1
E Zk ϕk−1 = 1. (3)
1 + ik
7
5 Interprétation de R
En se penchant à nouveau sur le processus stochastique (Gk )0≤k≤n , ser-
vons-nous de ik , pour k = 1, 2, . . . , n, et, afin de construire un intervalle de
confiance autour de ce processus, posons Finf < 1 et Fsup > 1. Observons
sur la figure 2 que la limite supérieure de l’intervalle de confiance prend
pour ordonnée à l’origine la valeur G0 Fsup alors que sa limite inférieure
est G0 Finf ; de plus, ces deux limites évoluent de concert avec le taux de
croissance théorique du risque.
G0 · Fsup kj=1 (1 + ij )
Q
6 Gn
XXX
J
J
G0 · Finf kj=1 (1 + ij )
Q
G0 · Fsup
J
JJ
@ ,
@ ,
@,
G0
G0 · Finf
-
0 k n
Fig. 2 – Intervalle de confiance pour Gn
8
Démonstration
Remarquons que, d’après l’équation (1) de la définition 1:
Gk := G0 · Z1 · Z2 · · · · · Zj · · · · · Zk
Par ailleurs, puisque nous partons du principe que la sortie se réalisera avec
une probabilité de 1, nous devons également avoir
soit
9
En divisant le tout par (G0 )−R , on obtient
h −R i
(Finf )−R + Fsup − (Finf )−R · P [sortie par le haut] = 1,
ou encore
h −R i
Fsup − (Finf )−R · P [sortie par le haut] = 1 − (Finf )−R .
On en tire aisément
(Finf )R − 1 1 − (Finf )R
P [sortie par le haut] = R = F R ,
F
inf − 1 1 − inf
F sup F sup
1
Application numérique: En choisissant Finf = 2
et Fsup = 2, on obtient
les valeurs suivantes:
10
6 R : une mesure du risque
Admettons que, d’après certains critères, nous nous soyons déterminé
quant au choix de l’intervalle de confiance défini par Finf et Fsup (par
exemple, 12 et 2, respectivement). Le fait de fixer la probabilité de dépas-
sement de la limite supérieure (par exemple à 80%) nous permet d’obtenir,
grâce à la proposition 1, la valeur exacte de R (dans le cas d’espèce, nous
obtiendrions R = 2): afin de déterminer le taux de croissance théorique du
risque au niveau de risque R, il suffit d’appliquer la formule (3) énoncée dans
la définition 2 avec la valeur de R obtenue, et nous trouvons toutes les valeurs
de ik , pour k = 1, 2, . . . , n (confer le tableau de la figure 3, page 10).
Appliquons cette procédure pour le cas où les (Zk )k=1,2,... seraient indépen-
dants et identiquement distribués, et où leur distribution serait log-normale,
d’espérance µ et de variance σ 2 . Evidemment, nous allons dans ce cas obtenir
un taux de croissance qui sera identique quel que soit l’intervalle de temps
considéré...
En posant e−δ = 1+i 1
et en se servant de l’équation (3) énoncée à la
définition 2 du paragraphe 4, nous obtenons:
" −R #
1 h
−δ
−R i
1=E Zk = E e Zk
1+i
= eRδ · E [Zk ]−R
−R
= eRδ · E e−R·log Zk
,
σ2 2
d’où eRδ · e−µR+ 2 ·R = 1 ≡ e0 . Et donc, du fait de la bijection de la fonction
exponentielle, nous arrivons, en identifiant les exposants, à
σ2
R(δ − µ) + · R2 = 0,
2
ou encore, en divisant par R,
σ2
δ =µ− · R.
2
Ce résultat, très intuitif, nous montre que l’intensité de croissance atten-
2
due µ est diminuée de R · σ2 pour donner l’intensité de croissance théorique
du risque δ.
11
7 Procédure non paramétrique
Il est à relever que la procédure développée dans le paragraphe précédent
peut aussi porter ses fruits sans hypothèses paramétriques quant à la distri-
bution des taux de croissance stochastiques. Postulons simplement que les
(Zk )k=1,2,... sont indépendants et identiquement distribués, et que le taux de
croissance théorique du risque est indépendant de l’intervalle de temps k
considéré. Notre équation originelle (confer définition 2) devient alors
" −R # −R
1 1 h
−R
i
1=E Zk = · E (Zk ) ,
1+i 1+i
ou encore " R # R
1 1
E = . (5)
Zk 1+i
Si nous avons relevé n valeurs de Zj , il est alors assez logique d’estimer
la partie de gauche de l’équivalence (5) par
n R
1X 1
Ê = .
n j=1 Zj
Application numérique:
– pour R = 1 (c’est-à-dire pour P [sortie par le haut] = 66,7 %),
10
1 X 1
Ê = ·
10 j=1 Zj
1 1 1 1 1 1 1
= · + + + ... + + +
10 Z1 Z 2 Z3 Z8 Z9 Z10
= 0.84164
1
= ,
1+i
1 1
d’où i = −1= − 1 = 18,82 %.
Ê 0,84164
12
– pour R = 2 (c’est-à-dire pour P [sortie par le haut] = 80,0 %),
10 2
1 X 1
Ê = ·
10 j=1 Zj
2
12 12 12 12 1 2
1 1
= · + + + ... + + +
10 Z1 Z2 Z3 Z8 Z9 Z10
= 0,72199
2
1
= ,
1+i
1 1
d’où i = p − 1 = √ − 1 = 17,69 %.
Ê 0,72199
13
8 Conclusion
Nous avons ainsi établi une manière de déterminer relativement facilement
un taux de croissance théorique du risque pour les actifs. Rappelons que nous
avons eu recours:
– à la distribution de probabilité des taux de croissances stochastiques
Zj (ou à des statistiques données permettant d’en inférer cette distri-
bution),
– au choix, forcément subjectif, du niveau de risque que l’investisseur
serait prêt à courir (autrement dit, à la détermination de la proba-
bilité que le processus stochastique (Gk )0≤k≤n dépasse, par sa limite
supérieure, l’intervalle de confiance auquel il avait été astreint),
– à un intervalle de confiance défini par Finf et Fsup , qui peut être in-
terprété comme une stratégie nous prévenant à quel moment notre
portefeuille d’investissement doit être restructuré.
Au sujet de cette dernière exigence, si l’on définit T comme étant le temps sto-
chastique de séjour dans les limites convenues (c’est-à-dire la durée pendant
laquelle nous désirons garder notre portefeuille sans y opérer de changement),
il semble naturel d’appeler T l’horizon-temps du portefeuille d’investissement.
1. A ce sujet, confer les méthodes développées par Wald pour les tests séquentiels, qui
permettent de calculer précisément E[T ], ou alors confer la référence [5] de la bibliographie,
où Gerber donne une formule exacte pour le calcul de E[T ], cette grandeur n’étant fonction
que de Finf , de Fsup et du taux d’intérêt.
14
Bibliographie
[1] H. Bühlmann. Collective Risk theory for Assets, in North American Ac-
tuarial Journal, janvier 1997.
[2] N. L. Bowers, H. U. Gerber, J. C. Hickman, D. A. Jones, C. J. Nesbitt.
Actuarial Mathematics, Second Edition, The Society of Actuaries, 1997.
[3] H. Schmidli. Characteristics of ruin probabilities in classical risk models
with and without investment, Cox risk models and perturbed risk models,
in 15th Memoirs, Département de Statistiques théoriques de l’Université de
Århus, Danemark, 2000.
[4] B. Bayart. Joli manuel pour LATEX 2ε , in Guide local de l’Ecole Supérieure
d’Ingénieurs en Electrotechnique et Electronique, France, décembre 1995.
[5] H. U. Gerber. Cours de Théorie du Risque II, Ecole des Hautes Etudes
Commerciales, Université de Lausanne, Suisse, 2002.
15