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LITTERATURE
GRECQUE
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DEUXIÈME BDITIOII
UKVUK ET *.U(»UBNTftK
PARIS
LIBRAIRIE ÏHORIN & FILS
ALBERT FONTEMOING, Éditeur
LIBRAIBEDES *G0U8 PRAItÇ*l8B3d"aTIIÉ5E3 W OB
DU COttèOB ne F.àHCE, DB l'BCOIB MME
ROBMAI.B SOPBRIBUBE,
8S U. SOCitï» Us» hlUUHS
niSTOBIQUES.
RUE LE GOFF, 4
4896
Droits de traduction et de reproduction râerrés.
AVERTISSEMENT
nR
J,Á
SECONDE ÉDITION
Maurice Croisbt.
Mars 189G.
PRÉFACE
t. Causeries
du Lundi,t. XII,p. 191.
PRÉFACE VII
II
1. Le petit livre de Tannegul Lefèvre sur les Vit* «tet Poètu grée*
ne saurait faire modifier ce jugement général.
2. Je parle ici surtout des lettrés français, qui tout la loi. pendant
deux siècles, a presque toute l'Europe. Car, pour être juste, il faut
ajouter qu'à l'étranger, et gràee à la forte culture des universités,
les élèves des érudits que je viens de rappeler portaient dans l'étude
de la littérature, quand Us voulait, ut s'en mêler, un goût plua sûr et
plus éclairé. Grimm, par exempte, élève d'Ernesti, jugeait beaucoup
mieux lea Grecs qu'on ne faisait en France à la mémo époque. Voir
d«
Correipond., i« janv. 1765. etc. Mais Ortmm &isait alors moins ces
bruit que Laharpe; et lui-même d'ailleurs portait plutôt en
matières un dogmatisme éclairé qu'un sens profond de l'histoire.
PRÊFACK XIII
1. DanssoumorceauSurla pointesdesanciens(Œuvrescomplo-
tes,éd.DesMalzeaux.
t. V,p. t!8).
t. Cité par É. Egger, Hellénisme en France, t. II, p. 118-119.
XVI PRÉFAOB
Angaste-GaiUanme
Schlegelpour son CoursdeUlliraluredramati-
que.
XXIV PRÉFàOK
l'histoire de la littérature grecque profane; le second
renfermait un précis do la littérature saerée.Cette H»-
toire eut du succès. En 1832, l'autour on donna une se-
conde édition, tellement accrueet transformée quec'était
onréalité un travail tout nouveau. Sous cotte nouvelle
forme, l'ouvrage avait huit volumes, exclusivementcon-
sacrés à la littérature grecque profane Des notices
biographiques assez nombreuses complétaient l'étude
le
bibliographiquo et littéraire dos écrivains grecs. Que
travail doSchcellait rendu des sorvices, c'est incontos-
table. Maisqu'il ait été le aw\decette sorte onFranco pen-
dant plus de trente ans, c'est ce qui prouve à quel point
Car
l'esprit historique fut lent à y pénétrer l'érudition.
cette Histoire, en somme.'n'est qu'une compilationmédio-
cre, œuvre d'un homme laborieux sans doute et cons-
ciencieux, mais sans ouvertured'esprit, sans finesse de
la
goût, sans style, et poucapable même d'apprécier
autour de
portée doschangements quis'accomplissaiont
lui. Quelques hommes, dans l'Université française, au-
de
raientpu,dix ou quinze ans plus tard,rofaire l'œuvre
Schœll et l'améliorer singulièrement. Jo ne citerai que
l'excellent auteur des Éludes sur les Tragiques grecs,
H. Patin. Non qu'il y ait toujours, même dans ce savant
livre, toute la liberté d'esprit et de goût qu'on aimerait
à y trouver: on sent parfois, chez cet érudit si exact,
chez cet historien si bien informé, un esprit classique
aussi grec
quelque peu timide; il n'ose pas toujours être
quA nouale voudrions; ila trop de retours involontaires
et de regards en arrière vers le théâtre secondaire et
insignifiant du xviii8siècle ou vers celui des classiques
PRÉFACE XXV
t. Déjà Leasing avait écrit sur la poésie ancienne des pages plei-
nes de Justesse, mais piotâi (a la façon de Grlmm ou & S'ôxôrûf, <]«•>
éradits, ses maîtres) par exactitude de savoir et bonne éducation du
goût que par un sentiment historique véritable.
PRÉFACE XXVII
C'était la prise do possession do la philologiepar l'esprit
nouveau. On pouvait contester ses couoluaiuua, ao ré-
volter môme contre ©Iles; mais il était impossible de
ne pas admirer la vigueur do cette intelligence qui, en
facedu plus anciQn monumont littéraire do l'antiquité
grecque, reconstruisait avec une pénétration divinatrice
tout l'ensemble des conditions qui l'avaient produit, on-
trait pour ainsi tliro dans l'Ame mémo du poète, puis
dans celles do ses auditeura, et tirait de cotte résurrec-
tion hardio du passé des conséquences saisissantes do
nouveauté. Jamais regard aussi perçant n'avait sondé le
mystère des origines d'uno littérature. Enfin les lettres
pures obéissaient au mômo esprit. Au souil du sièclo,
pour ainsi dire, se drosso (îootlio,dont l'intelligence se.
reine, à la fois haute et hospituliero, capable do tout
comprendra et de tout aimer, est comme l'imago inânio
do l'esprit nouveau.
L'Université do Gœttinguo, grâce u la réunion de
quelques savants d'élite, prit bientôt la tôto du mou-
vement philologique qui sortit do colte révolution
Berlin pourtant avait précédé. Gœllingue eut Wolcker
otOtfried Millier. Maisc'est à Berlin que vivait Bœckh,
lo véritable maître do la philologie allomande du xix*
siècle, et qui eut 0. Millier au nombre do ses disciples.
C'est Otfried Millier qui donna sur l'histoire de la litté-
rature grecque, en 1840,lo premier ouvragequ'on puisse
appeler sans restriction d'aucune sorte un chef-d'œu-
vre. Déjà, sans doute, l'Histoire de la poésie grecque
d'Ulrici, parue un peu auparavant, celle de Bode, com-
mencée alors, mais non terminée, et surtout l'Esquisse
XXVIII PRÉFACE
de la littérature grteque do Bornhardy t, publiée quatre
années plus tôt, étaient des couvresfort remarquables.
MaisUlrioiet Bodo,qui d'aillours laissent docôté la prose
grecque, sont trop souvent ou des métaphysiciens oude
purs érudits. Chez Bernhardy, le stylo-oatd'une abstrac-
tiun rebutante la penséo est en général pénétrante
ut profonde, mais subtilo aussi parfois, presque tou-
jours hérissoo d'uno toratinologio rébarbative de
plus l'élenduo prodigieuso dos notes, véritablos mer-
veilles d'ailleura de savoir et de critique, rend ce
Uvre aussi difficile à lire qu'utile à consulter. Celui
d'Otfr. Millier, composé à la demande d'uno société an-
glaiso et on vue du public anglais, devait être, par sa
destination mémo, clair et lisiblo, savant sans étalage
d'érudition, agréable mente s'il était possible Le talent
do Müller en fit une œuvre d'art. La forme et le fond y
étaient dignes l'un do l'autre. Un savoir immense, at-
testé pard'admirables travaux antérieurs, avait amassé
les matériaux du livre. Un goût exquis les avait choisis
et disposés. L'intelligence ou, mieux encore, lésons dé-
licat des choses grocquas s'y révèle à toutes les pages;
une sensibilité littéraire à la fois discrète et profonde
les anime et les échauffe. Une veine d'éloquence abso-
lument exempte de rhétorique, toute sortie du fond de
l'âme (fï»9si*î«ppwdî,comme dit Pindare), et soutenue
par une connaissance profonde du sujet, court dans tout
le livre et s'y répand. Il faut se reporter à la date où
On sait que
Utteratur,Balle,1836.
I. GrmdristderGrieehitthen
cetimportantouvragen'a cesséd'êtrecorrigé,remanié,étendu.La
qutriémeéditiona commencé i paraîtreen18T6.
PRÉFACE XXIX
III
I. Lestravauxd'EmileEgger,ainombreux
etsi estimables, appar-
tiennentplutôtAl'érudition ditequ'àl'histoirelittéraire
proprement
au sansoùnousprenonsicicemot.
3. n faut ajouter iaainteuaul &celle îiulo, l'ouvrage de M. Max
Egger, Paria, I8S2 [note de ta if édition].
PRÉFACE XXXHI
Avril «887.
Ai.KRBU
CROISET.
i. Les deux collaborateurs dont les nom» eont associés àla pre-
mière page de cette Histoire se aont partagé la tâche de telk sorte
que chacune des grandes divisions de l'ouvrage fût essentiellement
l'œuvre d'un sent d'entre eux, l'autre n'ayant qu'un rôle de révision
et de conseil. Nous espérons que, grâce à une longue habitude de
penser en commun, t'unité de l'ouvrage ne souffrira pas de cette di-
vision du travail. Quoi qu'il en soit, le nom du véritable auteur sera
toujours placé en tête de chacune des parties du livre.
INTRODUCTION
LABAOKURECOUKET SONliKNIE. – SA L.VXtiUE.–
tiHANOKS
HKHIUDES UK I.'IUSTOIHK
I)KSA MTTÉKATUHK
LARAUSOUECQUKKT«OS»OËNIB.
1. Cieéron,de Oratore,54.
2. Id., Brutus,12.
3. Cicéron,in Yerrtm,11,43:Nunquamtam maie est -SifîMlW,
quia
aliquidfaceteet commodedtcant.
LA RACE GRECQUE ET SON GÉNIE t L
ImpiaqueseUrnamtimueruntœcula noctem.
Et pourtant les Romains non plus n'ont
pas été par na-
ture les poètes du mystère. Cette admirable faculté de
14 INTRODUCTION
t. Théognis,4~3-428,
1. «3-428,Bergk.
Berék.
2. Aristote[Problèmes,XXX,1) se demandepourquoiles hommes
supérieurs dans la philosophie,la politique,la poésie ou les arts
sont généralementmélancoliques. Sans doutesonobservationportait
surtout sur des Grecs,mais ellene leur étaitpaa spéciale.Si elle est
complètement juste, cequi peut être mis en doute,ondevraiten con-
clure simplementqueles grandshommesen Grècen'ont pas échappé
traità fait à une loi générale,mais il faudraitbien se garder de
chercherlà un trait de caractèrenational.
LA LANGUE GRECQUE 10
II
u\ i-anuui; ghecque.
t. On peutrenvoyeraujourd'hui,pour l'ensembledesquestionsre-
lativesà la constitutionde la languegrecque,à la Grammairegrec-
quedeK.Brugmann(Handbuch d. klassischen
Atterlhums-Wissenschafl
deJ. vonSfulïer,t. II). Onytrouvera,pourchaquequestion en par-
tieulier,unebonnebibliographie.– Toutce qui concernela pronon-
ciation.doitêtre surtoutétudiédans Blass, VeberdieAtmprachedes
3"éd. 1888.
Gtièi!iiav/tm.
3Q INTRODUCTION
effet principal
y était surtout mélodique. 11 avait pour
do faire prononcer la voyelle accentuée sur un ton plus
se-
aigu. Entre cette voyelle et les autres, l'intervalle,
lon Donys d'Halicarnasse, était d'une quinte Que lé-
lévation de la note sur la syllabe aceontuéo ait eu pou
à pou pour conséquence do faire prononcer cette syllabe
avec plus do force et do l'allonger, c'est ce qui résulte
clairement de l'histoire même do l'accent grec, devenu,
dès los premiers siècles de notre èro, à pou près sem-
blable à ce qu'il est aujourd'hui dans le néo-groc. Cette
transformation fut graduolle, et il n'est pas douteux
bonne heure
qu'elle ait commencé à se produire de
mais il ost certain aussi que, pendant toute la période
classique et encore au temps de Denys d'Halicarnasse,
c'était le caractère mélodique (et non le caractère
au moins
rythmique) qui prédominait dans l'accent,
avec et correction.
parmi ceux qui parlaient élégance
On élevait la voix sur la syllabe accentuée, mais on ne
la renforçait que faiblement. Voilà pourquoi la versifi-
cation grecque classique est complètement indépendante
de Pacconl rien no prouve mieux à quel point celui-
ci différait dans l'antiquité hellénique de ce qu'il est
aujourd'hui. La transformation ultérieure de l'accent
entraîna la disparition de ce système de versification
on est en droit d'en concluro qu'il ne se serait jamais
établi si l'accent eût été à l'origine ce qu'il fut dans la
suite. Quand la syllabe accentuée fut distinguée des au-
tres par un renforcement très sensible de la voix et
les
qu'elle fut devenue la seule syllabe longue du mot,
1. Denysd'Halic, Arrangement desmot»,ti i AiaUxxw piv»5v|>gXo«
*v\{urptlteuei««T»)|iim
*$Xeyo|Uv%>«tairfvtt,&i?TY"«»'Un ton*lePaB*
sagequi est fortcurieux.On y voit notammentque les syllabes frap-
péesdel'accentcirconflexeétaientà la foissignes et graves, c'est-à-
dire que la voix, en les prononçant,passait rapidementd'un ton
élevéà un ton plus bas. L'effet.devaitêtre celuid'unevéritablemo-
dalationmasïcale,d'ana sortedechant atténué.
LA LANGUE GRECQUE 31
vers d'Homère et do Sophocle sonnèrent faux. U fallut
créor un système de versification fondé sur l'accent,
puisque celui-ci avait Ont par tout absorber. Mais pon-
dant do longs sièclos, los trois éléments essentiels de la
musique du langage, à savoir l'intensité du son, sa du-
rée et son acuité, étaient restés distincts et indépen-
dants les uns des autres. L'accent grec était donc
délicat autant quo musical Il so posait avec légèreté
sur les mots sans les écraser ni les déformer. C'était une
liuo note qui faisait ressortir une syllabe, mais qui
laissait discrètement aux autres leur valeur. II était en
outre varié. Au lieu do s'attacher exclusivement, comme
l'accont latin, à la pénultième et à l'antépénultième, il
se portait fréquemment sur les finales; et lorsque cel-
los-ci terminaient un membre de phrase, cotte tonalité
élevée frappait vivement l'oreille Dans l'intérieur des
phrases, au contraire, ollo s'atténuait volontairement,
afin de lier les mots les uns aux autres et de donner au
langage plus do fluidité. En somme, par le caractère
général de l'accentuation, la façon de parler des Grecs
devait produire surtout l'impression d'une facilité élé-
gante et variée.
Le môme caractère se montrait dans la constitution
intime des mots on ce qui concerne le groupement des
sons et leur prosodie. Il suffit de lire comparativement
une phrase de Xénophon et une phrase de Tite-Live
prises au hasard, pour remarquer immédiatement com-
bien diffère dans les deux langues le nombre propor-
cette qua-
qu'à l'origine, dans la période préhistorique,
lité ait môme été voisine d'un défaut. 11devait y avoir
dans la langue grecque trop do sons simples formes
d'une voyelle soit isolée, soit accompagnée d'uué seule
consonne Sous coito forme, ello pouvait manquer un
pou do vigueur et gardor quelque chose d'enfantin.
L'instinct populaire y remédia de bonne heure en res-
sorrant les syllabes, principalement par les contrac-
tions. Dans la poésie épique lu plus ancienne, nous les
archaï-
voyons déjà fort on usage. A côté dos formos
nous en trou-
ques, qui sont ouvertes et décomposées,
vons d'autros plus récentes et plus resserrées (par ex-
ou des anciens onow
emple les génitifs on à côté génitifs
et on oo).On sont que la languo achèvo alors do se dégager
do ses manières primitives ot qu'elle tend à un mode
d'expression plus concis et plus viril. Ce progrès, malgré
certains temps d'arrêt (par exemple chez Hérodote),
s'ost poursuivi dans la périodo historique, et le dialecte
attiquo l'a mené à son terme naturel, fort éloigné en-
core de la gravité un pou pesante du latin *>
Le système primitif des consonnes a quelque peu
souffert de cotte fatalité de la prononciation. Dès la
période préhistorique le sigma, non sonore, entre deux
voyelles, avait presque complètement disparu; et le
digamma, qui a subsisté longtemps dans le parler po-
pulaire et même dans l'orthographe des inscriptions
on dehors des pays ioniens et attiques, n'a exercé que
peu de temps son influence sur la langue littéraire. Il
y avait là le germe d'un inconvénient qui aurait pu de-
venir grave. Les mots, en s'altérant ainsi, s'éloignaient
III
nï»l.dola LUI.Otucvjuo.
– T. I. 4
CHAPITRE PREMIER
LES ORIGINES
SOMSUIHE
I. Aneieimalê de la poésie un Grèce. – II. Les Muses et lu poésie
lliraoa ou piérienne, Orphée et Linos. Musée, Eumolpe et Pamphos.
III. Le culte d'Apollon et la poésie apollinienne. Olon. IV.
Chryaothimis, Philainmon et Tuamyri». La poésie des hymnes.
V. Les Èoliv'na et lus Ioniens en Asie Mineure. – VI. Les hé-
ros. Les aventuras héroïques. Légendes de la Guerre de Troie et
des Hetours. – VII. Les premiers chants épiques. Récits d'ensem-
ble récits épisodiques. Leur groupement spontané.
Il
t. Théogon., v. 39 et sulv.
S. Nous ne parlons pas de quelquas noms qui sont simiileraenl des
persunniOcations de peuples Anlkés, «t'Anltiédon en Bâotio, qui Ht
des hymues; Piâroa, de Piôrie, qui chantâtes Mu»«i(Plul., de Uus., 4).
3. Apollolore, I, 3, t.
4. Praller. Griech. Uythol, t. I, p. 371. Dorgk. Griech. Uler., t. I,
p. 3:
S. Élien, Ilist. tarife (Hereher), Hl. 32. Diod.. III, 59. Ot. HAgiotlc,
fr. 132 (Qoellliog).
C Apollodow, I, 3, 2.
^&~ – CHAPITRE PRBMI8R, fcB3 0RI6IHB8
III
i. Hèrutfote.IV,35.
"LX l'ÛÊàlÈ ÀÎMJLÙNIICNNÏ Ct
question se rapportaient au culte d'Apollon, puisqu'un
y invoquait les vierges hyperboréennes, personnages
légendaires» do son cycle. Ainsi Délos se regardait ello-
mùmo comme le foyer d'une poésie religieuse d'origine
asiatique, qui avait rayonné autour d'ollo sur les lies
«ilchez les lonions, et Apollon, aon dieu, était aussi le
dieu do cotto po5»ie. Ce que Pausnnias nous apprend du
j*lua sur Olon n'ajoute pas grawlVImso à cos faits. Hlui
aliribuo un certain nombre do compositions poétiques,
dmil l'autlionticilé évidomniont n'est rioii moins que
vraisemblable et il le proelamo la plus ancien auteur
d'hymnes qu'il y ait eu on Grèce ». Outre cos hymnes
U'Glon, los Hélions citaient encore d'autres Uymnos an-
cious on l'honneur d'Apollon, par exomplo coux qu'ils
attribuaient à la Sibylle Hérophilo, antérieure à la guorro
do Troie'. Ces faits, rapprochés les uns dus autres, mon-
trant assez combien était furto et vivace parmi les lui-
liitants de cette t!o l'idée qu'une grande poésio religieuse
avait pris naissance chez eux, autour du sanctuaire de
luur dieu.
Jusqu'à quel point cette prétention détienne était-ellu
justilioo par los faits? Il ost impossible aujourd'hui do
dire exactement comment les choses durent so passer
dans des temps aussi reculés. Peut-être d'autres points
du mande gréco-oriental, tels que la Crète par exemple,
auraient-ils eu tout autant de droit que Délos à récla-
mer pour eux l'honneur de cette initiative poétique.
Maisce serait là une dispute do médiocre importance. Co
qu'on ne peut nier, ce semble, d'après les traditions allé-
guées, c'est qu'il y ait eu, dès les temps les plus anciens
de l'établissomont du culte apollinion dans ces paragos,
une poésie liée i ce culte, qui se recun unissait olle-
mémo comniu suumise originairement à dos influences
asiatiques. Ces traditions nous permettent do croire que
la poésie on question était indépendante de colle de»
Muses, dont nous avons parle précédemment. Celloci
se rattachait à la l*iério cellolà à la Lycie; l'uno célé-
brait principaloment Zeus elles dieux do son cyclo, Tau-
tro était «onsuerôu a Apollon. Co sont sans doute deux
manifestations a pou près contemporaines du génie hel-
Ionique, nées tuutos deux d'un môme état général de
civilisation et répondant aux mémos bosoins, mais, au-
tant quo nuua pouvons en juger, duos à dos influouces
diverses et niarquéus pur suite du caractères diu*éronts.
l'lus novateurs que leurs frères d'Europe, les tirées
orientaux se sunt toujours montrés moins sévères qu'eux
dans leurs goûts. Ii est donc vraisemblable que leur
poésie religieuse a du, dès l'origine, séparer, pour ainsi
dire, plus richement, en faisant une plus large part &
l'élément musical. Costco que les traditions anciennes
semblent confirmor, lorsqu'elles attribuent à Apollon la
cithare et à Olon l'invention du vors hexamètre.
La phonninx ou cithare (^ôfpyÇ, x(0*piî ou xiOàpot),
bien qu'inventée selon la légende mythologique par
Hermès est proprement l'instrument d'Apollon. La
poésie ancienne a représenté bien des fois ce dieu jouant
do la cithare, tandis que les .Muses chantent dos hym-
nes Il est donc naturel de penser que cet instrument
1. Hymnehomérique à Hermès,v. 25et suiv.Il est facilede voirque
danscettelégendeHermèsjouele rôled'inventeur,simplementparce
quel'inventionut son attribut essentiel;mais la citharene lui ap-
partient pas.
2. lliade.l, 003 .çipsi'-YT'î«»pt*«î*foc,
?,vIx' 'AnWJtov.– Movffiuv
èiù x«M).Les passagesanaloguessont nom-
9' <*îSitîovâjssi6&|uv<ti
breux; voyez notammentHymneà HêyiaàJ,T. i et anW.; 333et
euiv.; l'infot\j, «m.. V. 41et suiv., Bargk.
LA POÉSIE AP0LL1NIKNNE 08
a été des la plus haute antiquité associé à son culte, et
que l'un et l'autre ont ou, à pou do chose près, lesmômes
destinées. La cithare, fort simple à l'origine, convenait
très bien aux chants primitifs Elle se prêtait à mar-
quer fortemont le rythme, et par suite elle dut contri-
buer au perfectionnement qu'il reçut par la création de
l'hexamètre.
Diverses traditions avaient cours dans l'antiquité au
sujet dosoriginos du vers épique. On on faisait honneur
principalement, soit à la proinierc Pythio de Dolphes,
l'Iiénionoë, soit au lycien Olon Cette socondo attribu-
tion est évidemment la plus vraisemblable Lo collègo
sacortlotal de Delphos, on donnant aux oracles la forme
de vers, se proposait do les rendre à la fois plus faciles
ai retenir et plus mojestuoux; il devait do toute néces-
sité su servir pour cela do mètres déjà connus, déjà fu-
iniliors par conséquent a ceux qui venaient consulter
lu «lieu; et parmi les métros do ce genre, il était impos.
sible qu'il no préférât pas ceux qui étaient consacrés
aux hymnes religieux. La poésie a donc servi do ino-
e IV
t. Travaux,t-9.
2. Cf.la prièred'Achille,Mad,,XVI,233 ZtOSv«,âuBuvrft,Ifc-
tarpxi, tt,M8ivaluv, AuStivr,;(utiwvSj<r/<t|ii?o-j.
3. H£rod., I, 13î M£]fOî ivr,? T.*fi<rtti>: (î% GuffrfJ in«t8« 6t&YO«iqv,
O",v «»!twtvoi Myovoiv tlvai tf.v insoiir.v.
?4 CHAPITRE PHEMIER. – LB8 0R1G1NR8
anciennedespeuple»de l'Orient,p.238)renvoie
1. Maspero(Histoire
à l'ouvraged'Kckstein,tesCaretdan»tanUquité.
LES LÉGENDES DES GRECS D'ASIE 79
1. Hèrod.,1, 14».
2. Hèrod.,I, 14».
i. tR^WÈROS Çf
VI
vit
la poésie épi-
qu'il en ait été Je mémo en Grèce. Quand
ce qu'il
que y prit naissance, la poésie religieuse, «
s.'iiiblo, étuit on état do lui léguer un ensemble de pré-
ceptes et d'exemples, qui durent la Ji*peii*or d'uu long
apprentissage. La matière changea, mais la forint» no
fut d'abord qu'à peine modiQéo. Los premiers chanta
un peu
épiques étaient sana doute de véritables hymnes
une invocation t\ un
plus développés, lia débutaient par
dieu puis ils racontaient uno aventuro héroïque au
litui d'oxpuaor un mytlio; lu dilftntiice était insensililo;
ut il ost U8so*prubablo quo lo passugo d'un genrual'nu-
tru su lit, pour ainsi dire, «utro les mains des aèdus,
sans que coux-ci eussent niéino biou clairement cons-
cionco do la truiisfurinatioii qu'ils accoiiiplissaiont.
Le premier fonds de ces chants était emprunté aux
trudilious anonymes qui circulaient alors partout. Main,
ù coup sûr, les poètes de ces temps anciens, loin de ^'us-
servir à ces traditions, en usaient avec elles très libre-
ment. L'imagination d'un peuple jouno esltropeompItM-
suiito pour refuser à ses poètes la droit d'embellir lort
choses. Ceux-ci, qui sentaient on eux l'esprit d'un dieu
ut qui passaient pour elfoctivemeut inspirés, croyaient
même, dans une cortaino mesure, créor la vérité dos
événements pur lainanîèredont ils les racontaient. Lors-
qu'il n'y a encore dans une nation ni histoire, ni criti-
que, lorsquo tout le passé apparait comme obscur et
vague, il est naturel que colui qui éclaircit le mieux
les faits, qui les présente d'une manière à la fois vrai-
semblable et intéressante, qui les coordonne pour les
rendre plus intelligibles, soit cru de tout le inonde sur
parole, pourvu qu'il respecte les données très générales
de la tradition; et lui-même ne peut guère manquer de
considérer son œuvre comme une révélation divine. Le
germe de la légende était donc seul antérieur aux ré-
odyait, vnr»«9.
88 UHAHTKE PREMIER. –"LES ORIGINES
BIBLIOGRAPHIE
Manuscrits. – Pour l'étude détaillée des manuscrits de
l'Iliade, consulter J. La Roche, Die ftomerm/ie Textkritik im At.
terthum,Leipzig, 1866, appendice. –Résumés utiles: A. Pier-
ron, Iliade, t. 1, Introduction; W. Christ, Iliadis Car mina, Pro-
leg., p. lOu. -Nous ne mentionnerons ici que les manuscrits
les plus importants ou les plus curieux. En voici la liste
par
ordre d'ancienneté probable
1° Plusieurs Papyrus (provenant de tombeaux
égyptiens),
savoir a, un fragment du livre XI, d'une trentaine de vers
environ, trouvé en Egypte dans le Fayûm, et publié par Ma.
haffy en 1891 il peut remonter au m» siècle avant J.-C.
les deux Papyrus de Balissier, appartenant au Musée du
Louvre, l'un probablement antérieur à l'ère chrétienne, et
contenant seulement les débris des 39 premiers vers du
livre I; l'autre, du V siècle ap. J.-C., offrant 61
frag-
ments de vers; c, le Papyrus de Paris (no 3 du Louvre),
ap-
pelé aussi à tort Papyrus de Drovetti, du i« siècle ap. J.-C,
fragment du XIII» livre (28-47, 107-111, 149-173).Ce papyrus
et les précédents ont été publiés in extenso dans les Noticeset
extraits des manuscrits, t. XVIII, 2» partie d, le Papyrus de
Bankes, du i" siècle ap. J.-O., trouvé dans l'Ile d'Éléphan-
tine, XXIV»1., 127-80* e, le Papyrus d'Harris, un peu plus
récent, XVIIIe 1 311-617. – En général, tous ces fragments,
si intéressants par leur antiquité et si curieux au
point de
vue paléographique, sont aussi fautifs que
mutilés la cri-
tique du texte n'a presque rien à en tirer.
2»Le Palimpseste syrien (S, Syriaeus) du British
Muséum, iv
siècle ap. J.-C., fragments des livres XII-XXIV. Édité
par
Cureton, in-folio, Londres, 1851, avec fac-similé.
3» h'Ambntianus, dit Iliade peinte (Iiim
pfcte>, à cause des
«4 CHÀPlTBE Il. – ANALYSE DR î."îtIADR
miniatures dont il est orné; v* siôole ap. J.-C., selon Angelo
Mal; 58 feuillets in-4°, contenant seulement quelques frag-
ment-a du poème.
Ce sont la plutôt des curiosités que des ressources pour
rétablissement du texte. Les manuscrits importants sont
les quatre suivants
4° Le Vendu* ou Mareianm A (Blbllotèquo de Saint-Marc, à
Venise, 431), x« siècle. Manuscrit d'une valeur exception-
nelle, resta inaperçu jusqu'à la Undu siècle dernier, signalé
et réellement découvert par le français d'Anase de Villol-
son, en 1781. 11 contient, outre un texte soigné, les signes
critiques d'Aristarque, et un graud nombre d'anciennes soo-
lies, qui nous donnent la substance des âorlts d'AiusTONi-
oos (liioi <T<u!t«iv'l>ix^«;, i«r siècle uv. J.-G., oxplicatiou des
signos critiques d'Aristarque, selon sa doctrine), de Didymë
Gualcbntèuk (lUoi ti5; 'Apiorrâii^ow môme temps),
(JtoisOwTivç,
d'HÊttouiuN (iXt«xn r.yiVfkiu., h* siôole ap. J.-C.), de Nica-
Non (Ht«) «TTiyui; sur lu poitetuution, même temps). C'est donc
une sorte d'abrogé du l'iuunenso travail critique fait sur
l'Iliade par tes savants les plus autorisés de la période
tilesandrine et romaine
8° Lo Venetusou Marcianus B (Biblioth. de Saint-Marc, 453),
xi* siècle contient toute une série de soolies (les scolies B
de Venise), qui complètent sur quelques points l'immense
recueil du VenetusA.
0° Le LmtrentianuBC (Biblioth. de Florence, XXXII, 3), xi°
siècle, médiocrement correct; quelques bonnes leçons cepen-
dant.
?• Le Laurentianus D (Biblioth. de Florence, XXXII, 1S),
xi" ou xii" siècle, plus rapproché du VenetusA que le pré-
cédent remarquable par l'omission certainement inten-
tionnelle du Catalogue (H, 491-877).
8» Le Genevensis44 (Biblioth. de Genève). La partie primi-
tive date du xm» siècle. Voisin du Laurentianus D, mais plus.
fidèle à la tradition de l'archétype. Ce nis., dont s'était servi
H. Retienne, avait été perdu de vue depuis lors; il a été re-
mis en lumière en 1891 par J. Nicole, qui en a montré la va-
leur (tes scolies genevoises de CIliade, 2 vol., Genève, 1891).
SOIMIAlilB.
I. Nécessita d'analyser les poèmes homériques pour trouver Homère.
Division de VIliade en livres et en sections. Il. Livres 1 /.«
Querelle. Sa valeur et son importance. III. Livres XI-X. Rup-
ture du plan primitif. Sujets variés. IV. Livre XL I\otour à
l'idée principale: La Défaile d'Agamtmnon et de m compagnons en
l'absence d'Achille. V. Livres XII-XV. Développement épiso-
dique de la situation L'Attaque du camp et des vaisseaux.– VI.
Livres XV (ûn)-XVII. La Patratlie. VII. Livres XVIII-XXIV.
La fin du poème ou AehiUUde, constituée autour du récit de la Mort
d'Hector (XXII" livre). VIII. Conclusion.
II
III
d'Iris, qui ordonne aux Troyens de se compter, est tout à fait en dé-
saword avec le dessein de Zeus. Celui-ci vent pousser les Troyens
an combat et leur assurer la victoire il leur fait dire justement ce
qui est le plus propre à les empêcher de sortir de leurs murs (v. 796
et auiv.). – Omissions Il n'est rien dit des Uaucones ni des Lélèges,
alliés importants des Troyens, 'souvent cités dans le poème (X, 489,
829; XX. 96, 389; XXI, 86); rien non plus d'Asteropéos. Nouveau-
tés Kcnomos le devin, tué par Achille dans la rivière (II. 861); in-
connu dans l'Iliade. De marne Amphimaque (II, 871). Otfr. Millier re-
marque en outre que Stasinos n'aurait pas mis à la fin des Chants
eypriens un catalogue des alliés de Troie, comme nous savons par
Proclos qVil le fit, si l'Iliade eut déjà contenu nn catalogue sembla-
ble.
i. Cet épisode se rattache mal à l'ensemble du- poème (Ameis-
Henze.ouv. cita, p. 162). Hélène nomme à Paris quatre héros aehéens,
Agamemnon, Ulysse, Ajax et Idoménée. Les deux premiers sont dé-
crits avec soin; lu troisième, Ajax, si important dans le poème actuel,
n'est qu'indiqué (v. 229) en revanche Idoménée occupe fattention
plus qu'il ne le mérite; et il n'est rien dit de Diomède, qui va être
au premier plan dans le en. V. Mais an réalité, ce n'est pas spécia-
lement la Teixooxonte qui se rattache mal à VIliade actuelle, c'est le
groupe entier des chants III et IV.
LIVRESIII ET IV il?
iront sans aucun dédommagement t, Est.ce là une suite
possible do l'action commencé© La fausse promesse de
victoire faite par Zeus au roi Agamomnon devient de
plus en plus inutile. Celui-ci, bien loin de se laisser
tromporpar les paroles dudieu, n'en tient aucun compte.
S'il y croyait, la convention serait
inacceptable. Com-
ment admettre qu'il renonce, sans mémo
délibérer, à
un succès certain et complot
pour l'espoir très incer-
tain d'un succès beaucoup moindre? Cette invraisem-
blance énorme n'est même pas atténuée
par la seule
excuse poétique qu'elle eût comportée,
o'estàdire par
l'entraînement des passions car la convention estcon
due froidement et solennellement, non entre les com-
battants, mais entre les deux chefs suprêmos. On va
chercher pour cela le vieux Priam dans Troie, on l'a-
mène dans la plaine du Scamandre, et là le est
scellé par un sacrifico et des serments, dont pacte le poète
nous donne tous les détails. Le combat
singulier a lieu
la description on est conforme à un
type que nous re-
trouverons plusieurs fois dans l'Iliade. Paris va être
vaincu et tué, quand Aphrodite le sauve, comme elle
sauvera Knée au cinquième livre. Tandis
qu'elle le
transporte auprès d'Hélène et fait succéder, malgré
cello-ci,l'amour aux combats, Ménélas erre au front de
l'armée troyenne, cherchant vainement son adversaire
disparu. Agamemnon alors réclame des Troyens tfexécu-
tion du pacte et les Achéens
appuient à grands cris sa
réclamation.
Nous nous attendons à ce qu'une
réponse quelconque
lui soit faite. Mais
brusquement le poète nous trans-
porte dans l'assemblée des dieux. Zeus se
moque d'Hère
1.Ona remarquéqu'une telle conventionse
la première comprendraitmieux
annéede la guerre que la dixième. Celaeat vroi. Mais
les invraisemblancesde ce genresontdecellesque tousles
permettentsans scrupule. poètesse
ii8 CHAPITRE II. – ANALYSE DE L'ILIADE
1.Cf.Annuairede l'Association
desÉludesgrecques,1884,p. Si et
nttiv.(Étudessur l'Iliade).
134 CIIAPITRK II. ANALYSE DE L'ILIADE
l'idée pii-
vers lequel tout convergo. Si nous dégageons
mitivo des quelques additions qui l'obscurcissont au-
série d'ôvéne-
jourd'hui, tout se réduit on eflet à uno
ments fort simples qui nous y mènent on droite ligne.
Arès a ranimô le courage des Troyens il marche de-
vant eux avecÉnyo et jette la terreur partout. Diomèdo,
lui-mème, se retire intimidé. Mais alors Hèrô et Athèné
interviennent elles obtiennent l'assentiment do Zeus
et descendent de l'Olympe sur lechamp do bataille. La,
Hère, par son exhortation puissante, rond le courage
aux Achéens, taudis qu'Alhôné do son côte excite do
nouveau Diomède. Elle monte avec lui sur son char à
la place de Sthônélos et la dirige contre Arès. Grâce à
elle, le dieu est vaincu par lo héros, et, blessé, il re-
monte dans l'Olympe la scène qui a lieu entre Zeus et
lui rappelle, par une sorte de symétrie voulue, celle
d'Aphrodite et do Zous à la fin de la première partie.
Ce plan primitif est principalement troublé aujourd'hui
et de
par l'épisode du combat singulier do Tlépolèmo
le reste
Sarpédon(v. 628-698), qui est sans rapport avec
du poème et trahit clairement son origine plus récente1.
Mais il semble bien qu'on outre un certain nombre
d'additions do détail s'y soient introduites peu à peu.
Ce n'est pas le lieu do les signaler ici une à une. Dans
l'ensemble, ce chant des Exploits de Diomède est d'une
belle allure, bien que l'action dos dieux n'y soit pas
mise on scène
toujours suffisamment expliquée et quela
i. Onest fort surpris de rencontrerTlêpolèmeet les Rhodiensiei
et dansle Catalogue Tlépolème,aïs d'Héraclès,appartient
(II, 653-670).
en effotdans la légende,à une générationautre que celledeshéros
dela guerre deTroie.Thesprotedenaissance,il vientà Tyrinthelots
du premierretourdesHéraclides,s'exilede là, par suite d'un meurtre
involontaire,et coloniseRhodes.Il estdonc entrédans l'lliade,avec
les Rhodiens,lesseulsDoriensqui figurentdansle poème,et cela en
unseul passage,quiestcelui du catalogue.Dureste, il n'estplusfait
aucuneallusiondans le reste du poèmeà cette mort de ïlépolèiu*,
quireste ainsi unfait isolé.
LIVRE VÎ 185
IV
pie palissade. Le récit est fort beau, cela est vrai; mais
il y a quelque naïveté à posor comme principe que
tout ce qui est beau dans YIliade appartient néces-
sairoment par là même au poète primitif; la vraie
question est do savoir si cela est beau du mémo genre
de beauté que le premier livre ou le onzième. Or il est
difficilede nier quo les narrations du douzième livre ne
dénotent un art plus savant, ot par là même moins
spontané. L'action est plus on dehors des personnages,
elle n'ost pas aussi complètement faito avec leurs pas-
sions, ollo donno plus de place et d'importance aux
événements, et par suite les phasos moralos n'en sont
pas aussi nettemont marquéos. 11faut ajouter que ce
récit introduit le troyen Polydamas comme un person.
nage connu (v. 60), bien quo son rôle appartienne aux
livres suivants, et qu'il met au premier rang Sarpédon
et ses Lycions, qu'on no voit pas (igurordans les chants
les plus anciens du poème
Avec le treizièmo livre, commence un récit d'un ca-
ractèro nouveau, assez apparent encore sous «.'asinter-
polations presque évidentes, récit qui remplit les livros
XIII et XIV, ainsi quo la première partie du livre XV.
Lo camp est forcé. JI soutblc quo l'action devrait se
précipiter; ollo sa ralentit au contraire. Zeus, voyantles
Troyens victorieux et par conséquent la vongouncoqu'il
a promise a Achille ou voie do horéaliser, détourne ses
regards, Il onrésulto quo les événements cossunt d'être
dirigés ot Ilottont au busard. Poséidon, qui était resté
jusqu'ici fort étranger il l'action, qnoiquo ounomi Am
TroyoïiH, prolllo du eo quo Zottaont distrait pour venir
t, Jo ma«lit*
riuitd>«» futuredu rom|wrt.
v, a.aiHurl>trt»ntriiettou
inorA«*u qui ti'«im»«oitHiml«tt>ittilmmItmtl# yti*m« t»i«|«l«<•!
«n
(wutrwtiMiuu»v«Miila*bttbitu&i» tu»i>ly»^muUiiU^ <(«I*i»<M*I*"
lIlNiK
|Mtrll|MU. l(Hl|l«ltt*IlMU»lmi<IAlî
COtllm»Mil*M<llll»M,tlU|i1|IAn'
v1witii
du a¡\UI"(IIHIII\\lRI
11111/11111.
LIVRE XIII 141
sujet.
Passons sur deux morceaux de raccord
rapidement
suivent immédiatement. Le premier
(v. 367-591) qui
nous montre, à l'aide de vers généralement
(v. 367414)
Patrocle sortant do la tente d'Eurypylo à la
empruntés,
vue du désastre 'les Achéons et se rendant auprès d'A-
chille; c'est une nouvelle scène ajoutée à l'épisode qui
termine le livre XI, comme pour nous en rappeler lo
souvenir et préparer le rôle de Patrocle au livre XVIS.
c'est
Le second morceau (v. 413-391) est fort supérieur;
un beau récit de combat semble avoir pour but do
qui
remettre exactement encore los choses au point où
plus
les avait laissées le grand récit du livre XI; il est remar-
quable on effet qu'il so termine justement par le même
vers (v. 591, cf. xi, 5»5)*.
VI
l><mdr»ducoluiqui formaiti>rln)llivomout
IhlinduclmntXI Apar-
!•<«tu»»fshw,
Uni..1» |* Mu, .j», |, 1()
(in,
146 CHAPITRE II. – ANALYSE DK I/ILIADE
VII
t, Voirl'éditiondeW. Christ.
WTwrxvnr l isi
(v. 343-313), où Polydamas consoillo do rentrer dans
Troio, tandis qu'Hector persiste à vouloir attaquer les
vaisseaux dès que lu jour reparaîtra; d'autre part los
Honneursfunèbres rendus pondant la mémo nuit au
oorpsdo I'atroolo par Achille et les Myrmidons(v. 814-
308).L'une et l'autre do ces deux scènes trahissont une
origine récente. La première Bomble avoir été faite
d'après quelques paroles d'Hector au vingt.deuxièmo
livre (v. 100-104);la secondeest un simplecomplément,
assezinutile par lut-màme, mais qui a du sa naissanco
il un besoin do symétrie. 11fallait que les Achéons,
aiinmo los Troyons, tissent quelquo chose pendant cotte
nuit. Épisodes sur épisodes toute la secondo moitié
du XVIII»livro ost romplie par lo récit de la visito do
Thétis à Héphaistos, ot par la bollo description des ar-
mes que lo dieu forgo pour le héros. Dans l'antiquité
ditjù, Zénndote, frappé do voir combien la description
du houclierétait inutile à l'action, la considérait comme
une addition au toxto primitif On a remarqué on ou-
tre quo toute cotte description semble dénoter un son.
timent de l'art plastique plus avancé que celui dont
témoignent les autres parties do l'Iliade* que, com-
paréoaux parties primitives du poème, eilo trahit un
goût moins aévère et un art plus épisodique; qu'on
i. ScoUe
duvers483.
t. Sur la valellr artistique de cette description. voir le chapitre 31 de
l'ouvrage dlielbig sur l'Épopée homérique. L'auteur en a très bien
montré le vrai caractère. Le poète ne décrit pas une œuvre d'art
réelle; il en compose une de sa façon, mais en s'inspirant librement
de ce qu'il a pu voir, particulièrement des vases en métal d'impor-
tation phénicienne ou des imitations grcques de ces vases. Je crois
toutefois que Helbig iui attribue une part d'invention trop grande.
Pour que le poète composât si largement, il (allait, si je ne me trompe,
que l'art plastique eût déjà produit non seulement des scène» iso-
lées, mais des essais de composition, Aproprement parler. Voilà pour-
quoi il me parait impossible d'attribuer à ce morceau un Age très re-
culé.
-te*cnrenTB«^r«-^K»wt*-wt-ii*itii*©«- –
et de «'expri-
croit y sentir déjà les manières de penser
mer qui domineront dans VOdyuée, Tout cela est vrai;
mais en réalité, c'est sans doute l'épisode de Thétis et
entier faut considérer comme
diléphaistos tout qu'il
un complément plus ou moina tardif. H n'est devenu
nécessaire en effet qu'au temps où les chants primitifs
ont été constitués à l'état do poèmo. Il a fallu expli-
de la Mort
quer alors comment Achille, dans le chant
ttfhclor, était rovetu d'armes divinos et cette expli-
cation, que le publio primitif ne demandait pas parco
qu'il la trouvait dana la légendo, on a pris plaisir s la
mettre en forme d'épitiode dans le poèmo lui-môme.
Il n'y a dans tout le dix-neuvième livre qu'une scène
vraiment utile à l'action générale du poèmo c'est cette
de la Réconciliation d Achilleet dt.Agammnon. Tout le
reato est vido ou rempli de détails sans intérêt. Nous
voyons Tliétis intervenir ollo-mômo pour éloigner les
mouches du cadavre de l'atroclo petite besogne pour
une déesse. Puis, après la réconciliation, le temps ao
à
passe discutor si l'on prendra lo repas, oui ou non,
avant de combattre. Sur ce sujet un débat très long n
lieu Ulysse fait tout un discours plein do sentences
généralos finalement, on décide qu'il faut manger pour
mieux combattre. Achillo soul refuse de prendre aucunn
nourriture. En vain on s'efforco de le faire changer
d'avis; il faut qu'Athèné elle-même intervienne pour
le nourrir d'ambroisie à son insu. Rien n'est moins ho-
ces inventions. Ala On seulement, le récit
mérique que
se relève tout à coup, lorsque lo poète nous montre
Achille s'armant, plein de colère, pour aller chercher
i. XXII,r. 316.Il se pourraitbien«oui quece t«p»qui manque
dansquelquesmanuscrits fat une Interpolation. Dansc«cas,l'épi-
«odôdeThôtiset d'IIéphaiatos et dela fabrication desarma serait
tout simplement nue de cesinvention»merveilleuses qui onttté
aux chanta primitifs, l orsque ceux-ci commencèrent ù
surajoutées
paraîtretropsimples.
IJEVSK XIX IW
ot tuor Hector, malgré la prophétie olïrayante do son
oltovalXanthoa doué pour un instant d* la parole. En
si.tumo,le contre de ce livre, c'est la RrconciHation,Ce
morcoau pourrait être regardé comme plus ancien
que
I» reste, à condition d'admettre que le disooura d'Aga-
Miuiiinonait été largement interpolé Maisfaut-il l'at-
trilmor à l'auteur môme de la Querelle Si l'Iliade a été
ditsl'origine un poèmo continu, une seèno do réconci-
liation y était, dit-on, nécessaire, et c'est pourquoi les
partisans de cette opinion considèrent généralomout
toile quo nous possédons comme un débris do la scène
primitive. A vrai dire, cette prétendue nécessité d'une
réconciliationest tout arbitrairo. Achilloa bien
envoyé
l'atrocle au combat sans consulter personne. Rien ne
l'oinuôcherait, ce semblo, d'y courir maintenant de lui-
im'ino avec ses soldats, sans se concertor avec
Aga-
iticinnou. Et en fait, il agira dans les livres suivants
commes'il était soul, et la réconciliation n'aura aucun
t'Ifot appréciablo sur les événements. Il est donc bion
possiblequ'elle n'ait été imaginée qu'on un temps où le
caractère primitif d'Achille s'est adouci et où des mœurs
jtlus délicates ont rendu désirable cet oubli mutuel dos
injures. Mais, en outre, dans la scène mémo do la ré.
conciliation, le personnage d'Acliillon'est certainement
pas celui que nous attendons. On a peine à croire que
l'autour de la Querelle l'eût représenté si apaisé et que
In nouvelle passion puisque c'est elle qui dompte
l'ancienne ne se fût pas exprimée plus fortement
dans son discours. Toute la scène des
présents et des
Hcnnonts,qui suit la réconciliation, est en rapport étroit
avec celle de l'Ambassadedu livre IX. Toutefoisil est
y
1.Il faudraiten retranchertoutela légendedela naissanced'Hé-
raclès(v.91-136). Nousavons tu an livreXVcoo.èlenles lé.
gendesd'Héraelésavaienteudéjà d'influence
sur les iuterpolalioas
d8
l'JJiade.
154 Cn&PITRKII- ANALYSE
DB1,'IUADB
parlé do l'ambassade comme si elle avait eu lieu la veille
(v. IIS et 195), tandis que d'après le poème elle a lieu
vilectivement l'avant-vciUo, Ce détail indique peut-âlro
qu'au moment où la Hécancitiation a été composée,
Ylliuden'était pas encore complètement formée et que
pur suite la chronologio des événements n'y était pan
fixéecommuelle l'olt aujourd'hui.
Nous voici au livre XX; ici commence le combat qui
doit ao torminer par la mort d'Hector. biais au début (v.
1-74),nous aasiatouaà une assemblée générale dos dieux,
qui, sur l'avis du Zeus, se partagent entre les adversai-
res et descendant dans la plaine, où bientôt ils prendront
part aux combats. Ce morceau est visiblement dostiné
à préparer la Théomaehiedu livre suivant, et par consé-
quant ce que noua aurons a dire do l'origino de cet épi-
sode n'appliquera également taces soixante-quatorze
vers. Suivonadoncl'action AchillecliorchoHector Apol-
lon excite contre lui Énée, et do là un combat singulier
qui remplit la plus grande partie du livre (v. 75-382).
Ce récit, a n'on pas douter, est relativement récent. Ou-•
tre qu'il renferme donombreuses imitations, il n'est rien
moins que dramatique; il altoro te caractère d'Achille,
il arrête l'action, et l'abus dos discours y est manifeste.
Notons aussi un emploi du surnaturel bien moins sim-
ple et bien plus éloigné de la vraisemblance que dans
les parties anciennes do l'Iliade1. L'intention do l'au-
tour semble avoir été de grandir le rôle d'Énée, et bien
loin quo la généalogie de ce héros nous fasse l'offeld'une
interpolation, conformément à une opinion assez com-
pie que los héros qui prennent part aux joux, Agituiemnon sont et Diomé>k
notamment, out été bloaaés tout récemment et qu'ils «o depuis
lors abatenus du combat à plus forte raison doivent-ils être burs d'e-
tat do se mêler aux jeux. Ce sont la dos raisons do stricte vraisem-
blance qui ont. je crois, peu de valeur en tout état du cause, et qui n'eu
auraient aucune et ce chant avait été originairement indépendant,
bien que rattaché A la série. Ce qui eat plus significatif, c'est le roto
important d'Ëuméle, fils d'Admète, et d'Êpéios, constructeur du che-
val de bois, tous deux inconnu dans l'Iliade. saut dans le Catahgtf-
t. On a considéré ces plaintes comme une addition postérieur*!
(Selbel, Die Klag* «m Hector, p. 37 et suiv. Cf. Christ, Protegom., p
87). Rien ne me parait moins vraisemblable. Nécessaires la propor-
tion du développement, elles sont parfaitement dans le ton général
du XXIV» livre. On dit que les aêdes ou chanteurs spéciaux des fu-
nérailles sont qualifiés d'i(£pxou; (Y. 161), et que néanmoins, à propos
d'Andromaque, d'Héeabe. d'Hélène, noua voyons employés les ver-
bes t,nt (v. 753). éRpxe (v. 747), tïfy>x«encore (v. 731), ce qui impliqtw
contradiction. L'objection me semble de peu de valeur. Les aèdes do
profession peuveut commencer par une plainte générale, un threne,
LIVRExuv 161
plaintes, qu'on a exagérée en voulant les réduire en
strophes est remarquable et heureusement appro-
priée à la monotonie naturelle de ladouleur. On célèbre
les funérailles d'Hector, et c'est par cette scène d'une
noble triatesase que s'achève le poème.
Govingt-quatrième livre constitue un ensemble dont
l'unité no parait pas douteuse. La scène entre Priam et
Achilleon est le centro; ce qui précède on forme l'in-
troduction, et ce qui suit on est le dénoùment naturel.
Il y a quelque lentour dans la première partie et los
pursonnagosy sont faiblement caractérisés, mais tout
lu livre plait par la délicatesse et la douceur dos senti-
monts, et lorsque le poète mot Priam en présence d'A-
chille, il atteint sans effort au pathétique le plus su.
Mime.Malgré cela, il parait difficile de l'identifier avec
l'autour du viugt-douxièmo chant et des parties les
plus anciennes do l'Iliade. On a remarqué souvont
combienlo rôle d'Ilormès, insignifiant dans le reste du
poème et considérable au contraire dans l'Odyssée,
prend d'importance dans ce récit du Rachat d'Hector.
C'ust là une observation qui a sa valeur, bien qu'après
tout cette innovation ne soit pas absolument inexplica-
ble, même dansl'hypothèso d'un poète unique. Maislos
indices tirés des caractères littéraires nous semblent
plus décisifs. Le ton général est plus voisin de celui
do l'Odysséeque de celui des parties anciennes do 17-
liade. De nombreuses oxpressions sont même emprun-
tées à tello ou telle partie de ce poème D'ailleurs tout
auquelrêpondlecri de douleurdes femmes;puischacunedes pa-
renteslesplusrapprochées commence à son-tour
unelamentation
par-
ticulière,
à laquellerépondencorelemêmecri({niai <mvix<mo
fuval-
«c).Lesdeuxchosesne«'excluent pas.
1.Kœchly, Optoc. phU., II, p. 65.
2. Christ. Wad. carm., Prêt, p. S*. It fout tain le travail de
rap-
prochement soi-méme, à l'aide des renvois notés an bas des pages.
poar constater combSôn ce XXIV* livre eat iésllewéiil wiaiu <1«VO-
duate.
Hial.
d« I» Lilt. Onoqm. – T. I. Ht
les CHAPITRB II. – ANALYSE DK L'ILUDB
VIII t
FORMATION DE l/lLIADB
SOMMAIRE
I. Opinion traditionnelle sur l'unité primitive de l'Iliade. Objections
préliminaires. Invraisemblance d'une grande composition au temps
où est né le poème. – Il. Discussion des systèmes d'unité primi-
tive. Ntlisoh et Oftried Muller. III. L'SUadt considérée comme
un assemblage de petits poèmes indépendants. Wolf. Dugas-Mont-
bel. Lachmann. Réfutation de cette manière de Toir. IV. Systè-
mes Intermédiaires. Wolf, God. Hermann. Hypothèse de Urote.
Quignlaut et Koeouly – V. Vérité probable. Le premier noyau de
l'Iliade. Chanll liés en série et chants annexes. VI. Chante de
développement. – VII. Chante de raccord.
1. o&h* I, v. 351.
2. Pour serrer de prés cette hypothèse, tout un développement m-
rait nécessaire nous non* bornons Ici A Indiquer l'idée. Qu'on ne
nous oppose pas lea romans modernes publié en feuilletons. Leurs
auteurs n'ont pas affaire à un public rassemblé par hasard pour un
banquet ou uno fêle; quand il y a suspension, chacun des lecteurs
sait qu'il aura la suite à échéance fixe; au contraire, l'aéde grec n'é-
tait jsnsei" s*r de prtrwsw \m f»*w«<»wulIlMira. La régularité mo-
derne change ici les conditions du tout au tout.
RÊFLKX10N8 PRÉLIMINAIRES 17!
ciunplolt Les grands épisodes ao suffisaient à ouxwnc»
iiuH. puisqu'ils ont pu être récités isolément. Pourquoi
vouloir à tout prix quo les autres. qui sont de simples
eouiplémonts, soient nés de liwnèniopensée.olorsmômo
qu'ils s'y rattucliont mai et qu'ils portent la marque
d'il ne origino différante?
Une autre raison qui poussait Wolf à mettre on doute
l'unité primitive do {'Iliade, c'est quo les Grecs, selon
lui, ii'avaionl appria que tardtvomont à oonslruiro un
(•usDiublo,II lui paraissait impossible qu'à une époque
tris rorulôe, un liommo, mémo supérieur, eût pu
ogon-
cor los parties d'une aussi vaste cunstruction poétique.
Smiscotlo forme, l'affirmation a évidemment quelque
chose d'arbitraire. Maia on nous invitant à réfléchir a
l'urt do la composition dans {'Iliade, elle nous mot sur
la vnio d'observations peut-être décisives.
Assurément la plupart dos scènes du poèmo sont liées
les unes aux autres, mais «lies losont souvent si logèrc-
mciit qu'olles nous laissont oublier, lorsquo nous los li-
sons, Inur rotation avec l'onsomblo. Voici par exemple lo
cinquième livro, les Exploits de Diomède. C'est un dos
beaux «pisodes du pobmo. Songeons- nous, on l'admi-
rant, à l'action généralo ot on particulier à la vengeance
il'Acliillo, quo cos succès semblent éloigner indéfini-
ment? Y smigoons-nous au sixième livro, lorsquo Hec-
tor est rentré dans Troio,
lorsqu'il adresse à sa femme
et it son enfant ces adieux touchants? Ces scènes nous
occupent tout ontiers; elles sont quelque chose d'indé-
pendant; olles nous détournent et nous retiennent. Le
même caractère est frappant dans toute l'lliade. Les
épisodes s'y insèrent et se développent avec une liberté
qui équivaut à un véritable oubli do l'ensemble. Mais
si nous examinons chacune des
parties du poème en
elliMiiôme, nous ne trouvons plus rien de cette fagon de
composer flottante et capricieuse, partout du moins où
178 CHAPITRK 111. – FORMATION DE L'IMADK
le caractère homérique est lo plus nettement marqua.
Les grandes soènoasont conduites avec une rectitude
et une simplicité parfaitement conformes a toutes los
habitudes de l'esprit grec. Bien loin de so plairo aux
détours, le poète les néglige parfois plus que nous
no lo voudrions. Lorsqu'il noua raconte la querelle d'A.
gamomnon et d'Achille, il est tout entier à cette que-
relle, seul et unique sujet do son récit, et il ne nous
parle ui dos émotions dos assistants ni du liou où les
chosesae passent la poste même, qui pendant neuf
jours dévaste le camp, est indiquée sommairement,
mais non décrite. Nous sontons un esprit attaché à une
aoule grande idéo, qui no voit rien au delà ni à côté.
La même netteté précise, la même rapidité, la mémo
manière de dégager le principal des accessoires nous
frappe dans le récit du combat final entre Achilleot
Hector au vingt-deuxième livre pas un mot des té-
moins ni do leurs sontimonts pondant toute la narra-
tion proprement dite pas un détour, pas un arrêt;
il n'y a pour le poète et pour nous que doux hom-
mes on présence, l'un déjà vainqueur, l'autro qui
retarde sa mort plutôt qu'il ne défend sa vie; l'action
tend à son dénoùment par une auito do progrès rapi-
des, on droite ligne. Voilà ce qui apparaît clairement
dans toutes los grandes scènes de l'Iliade. Il y a donc
un contraste frappant entre l'art do composer qui se
révèle dans les parties considérées isolément et celui
qu'on cherche dans l'ensemble. Autant l'un eat rapide,
star de lui-même el de son dessein, habile à se passer
d'épisodes et à trouver dans le sujet même l'abondanco
et la variété, autant l'autre est lent, incertain, accou-
quelesparentset les
t. Cesilenceest d'autantplusremarquable
amisd'Hectoraontcernésassisteraucombatdu hautdesmarsd'I-
Uoa.et. qu'ayantle combat,Priamet Hécubeontcherchéà obtenir
deleurfilsqu'ilrentrùtdansla ville.
SY8T&MKDR L'UNITÉ PRIMITIVE 178
lumâ à s'égarer et à suppléer par do petits artifices à
l'absence des grandes lignes. En présence d'une diver-
sitéaussi profonde, on est on droit de dire que cet doux
manièresdo faire n'ont pas pu'se rencontrer simultané*
mont chei un même homme, parce qu'elles sont oon-
tradictoires; et par conséquent l'autourdes grandespur-
tioa du poème ne peut pas être onmême temps l'auteur
do l'onsomblo.S'il avait conçu un tout, quolquo gran-
diosequ'il fat, il l'aurait conçu nécessairenuMil selon
ses habitudes d'esprit. Il ne l'a pas fait pareo qu'on ne
pouvaitpas le fairo de son temps, et nous en revenons
uiiisià la formule mémo de Wolf, justifiée par l'obsor.
vatiun, à savoir que les Grecsont appris plus tard sou.
loniontà construire do grands ensembles.
Cusont là les réflexions générales et préliminaires
qui nous paraissent pouvoir être opposées tout d'abord
à l'opinion traditionnelle. Mais pour la discuter d'un»
mnmoroplus précise et plus offleaco,il faut la considé-
rer dans les systèmes modernes qui lui ont donné une
forumscientifique
II
III
« Dès le xvi* siècle, Soaligor doutait do l'unité des
» compositions homériques A la Un du xva*, d'Au-
» hignao ot Porrault attaquent sur ee point l'opinion
» vulgairo avec plus d'audaco que de bon sons s. Verss
» le. même temps, Bentley tranche la question on trois
» lignes. La Alotte, on 1714, n'est pas éloigné dos
» mêmes doutes. Voltaire, que l'on rencontro partout
moù il faut douter, et même où il no faut pas douter,
» écrit avec insouciance dans son Essai sur h poème
» épique: « Quand Homèro composa l'Iliade (suppose
» qu'il soit l'autour de tout cet ouvrage), il ne fit quo
» mettre en vers une partie do l'histoire et des fables
» doson tomps. » Le fondateur do la philosophio de
» l'histoiro, Vico, par uno sorte d'intuition savanto
» dont sos dovanciers ne coivont pas lui ôtor le mérite,
» car il les connaissait à peine de nom, découvre quo
» lo véritable Homèro n'est autre chose quo la Grèce
» héroïque racontant sos exploits3 il reconnaît volon-
» tiors autant d'Homères qu'il y avait de villes groc-
» quos se disputant l'honneur d'avoir produit le poèmo
» do YIliadeet de l'Odyssée*. »
IV
VI
Suivons à présent la destinée probable de ces premiers
chants. Comment cette action primitive ainsi ébauchée
arriva-t-elle à se développer si largement et à se trans-
former en un poème continu? Par un accroissement
organique, dont on peut, jusqu'à un certain point, ru-
conter l'histoire.
Tous les chants secondaires de l'Iliade, c'est-à-dire
tous eaux qui n'appartiennent pas au noyau primitif,
se divisent en deux groupes, très inégaux par le mérite
et l'importance; il est nécessaire de les bien distinguer
poi- -omprendre la formation du poème. Ce sont les
chants de développement d'une part, et d'autre parties
chants de raccord.
Les chants de développement sont ceux qui ont été
composésd'après les données des chants primitifs pour
1. Poétique,ehap.Vil. "OXov ai *<mm ï*ovàpxnvxal (léiov%a\xi-
Xtwt^v.
2.Il y avait quelquesrapportsévidemmententreune épopéeainsi
construiteet les trilogiesd'Eschylepar exemple.Quellesque soient
lesdifl-Srences.
c'étaitde partit d'autrele mêmegenre de liaison.
m CHAMTIt»III. POftMATïOÎ?
OB LtLtA&lf
créer de nouveaux épisodes à côté des anciens. Leur nais-
sanco peut être expliquée sommairement.
Représentons-nous lo succès et la nouveauté deschanls
primitifs. Si ces chants avaient rassemblée la masse dos
productions épiques antérieures ou eontomporainos, il
n'y aurait eu aucune raison pour qu'ils devinssent le
gorme d'une floraison poétique aussi considérable. Mais
Us on différaient profondément. Ce qui les distinguait
d'une façon éminente, c'était l'intensité de la vie morale.
Liioinino y avait pris avec éclat la prédominance sur
les événements. Tandis que les aèdes antérieurs et con-
temporains racontuiont sans doute avec une certaine sé-
cheresse des faits légendaires, il s'était rencontré un
pofcte da génie, qui, dans le récit d'une querello, d'une
bataille, d'un combat singulier, avait su mettre on jeu
quelques unes des passions les plus fortes do la nature
humaine; par là même, it avait créé quelque chose d'in-
connu et d'inattendu, l'épopée dramatique et morale.
Rien, ce mo semble, ne pout nous rendre l'impression
profonde qu'une telle nouveauté dut produire. Quelle ad.
miration naïvoot enthousiaste pour ces chants, quiétaient
l'imago de la vie, et dans lesquels on voyait et on enten-
dait de véritables passions! Quand leur autoùr out dis-
paru, après los avoir mis au inonde et récités lui-même
successivement, ils rostôrent comme un groupe d'une
beauté incomparable; supériorité qui explique suffisam-
ment pourquoi d'autres aèdes, en les récitant à leur
tour, eurent l'idée de los accroître.
Mais il faut songer de plus que ces aèdes, ou du moins
un bon nombre d'entre eux, semblent avoir appartenu
originairement à une môme famille. Nous aurons à par-
ler plus loin avec quelques détails des Homérides de
Chios. Il importe de dire dès à présent qu'il y out là très
certainement un groupe d'hommes, unis entre eux par
des lions domestiques et religieux, qui furent à l'origine
CHANTS DR DÉVELOPPBI.ENT 19$
les dépositaires des premiers chants de l'Iliade. Grâce
à eux, ces chants se répandirent promptoment soit dans
los villes du littoral, soit dans les îles, et partout sans
doute furent accueillis avec la même faveur. Combien
par suite tes mieux doués de ces aèdes ne durent-ils pas
m sentir vivement sollicités à créer de nouveaux épi-
sodesà côté dos anciens ? L'idée do respecter une couvre
existante, c'est-à-dire de la conserver dans sa forme pre-
mière par égard pour l'originalité de son auteur, est re-
lativoment moderne. Elle ne pout naitre quo lorsqu'une
grande partie du public en vient, par une éducation lit-
téraire uvancée ot délicate, à chercher l'autour dans son
couvre et à s'intéresser à tout co qui distingue sa ma-
nière. A l'origine des littératures, rien de pareil n'a lieu
l'auteur n'est rien, ot l'œuvre est tout. Tout le monda
indistinctement conspire à l'étendre et à lu compléter,
aussi bien ceux qui l'écoutent que ceux qui l'interprù-
tont. Un récit n'est alors pour les auditeurs qu'une série
d'événements qui les touchont ot les passionnent. Ilsne
demandent qu'à y voir apparaitro dos scènes nouvelles
qui en augmentent et on multiplient l'effot; et los chan-
teurs, qui le rodisont les uns après les autres, trouvent
leur intérêt et leur plaisir à satisfaire en cela leur pu-
blic. Appliquons cela aux Homérides ayant, pour ainsi.
dire, dans leur domaine de famille la source de cette
poésie nouvelle qui enchantait alors tous les habitants
des villes ioniennes, comment l'auraient-ils fermée de
leurs propres mains? D'autres sans doute, à côté d'eux,
continuaient à mettre en œuvre l'ensemble de la légende
i. Cettesorted'accroissementd'un premiergroupedechants peut
u produiremêmedanstanpoèmeproprementdit et dufaitde l'auteur.
M.Galusky (articlecité,p. 885)mentionnele faitsuivant: « Wieland,
»danssesentretiensavecWolf,ne niait pas que les choseseussent
»pu se passer telles qu'elles étaient présentéesdansles Prolégomè-
Mi;it misaitm4m<t1\ eu»t des eonndeaMsIntêtéù&ül6tiMur
»lesadditionssuccessives
additionsmAmA A dont s'était «tes forméson poème à'Obtron.
sur »))
intéressantes
Hitf. d*1* lia. Grwqoe.
– T. I. 13
194 CHAPITRE III. – FORMATION DE L'ILIADE
de
perdu le champ de bataille et étaient rejelêa au delà
oo fossé, poursuivis par Hector, Un aède, d'uno remar-
quablo imagination d'ailleurs, un dos plus grands Ho-
m6ritloa après Homère, a trouvé cola trop simple: il a
conçu la ponséo do représenter le camp comme entouré
d'un véritable mur avec dus crénoaux et dos tours puis-
santos, atin d'avoir l'occasion d'ajouter au récit primi-
tif la description biou plus riche on incidontsd'un assaut.
Un ne peut nier qu'il no l'ait fait on vrui poète. Mais
l'invention fondamentale, comme nous l'avons déjà re-
Ims
marqua, trahit, dans son invraisemblance naïve, un
aoiii de nouveauté quo le poète primitif ne pouvait con-
naître ot qui répugnait môme à la nature de son génie,
Dans los derniers livres, presque tous los épisodes célè-
bres, la Fabrication des armes, le Combat des dieux, lo
Combat d'Achille et du Xanthe procèdent d'une inten-
tion analogue. Il avait anfli au promier poète de mettre
Achille on face d'Hector pour tirer du cotte simple in-
vonlion un des plus beaux dramos que l'imagination
humaine ait jamais créés. Il faut à ses successeurs nu
neuve soulevé, une inondation, toute une plaine boule-
versée par les flots, puis la lutte étrange de la flamme
ot do l'oau, c'est-à-dire uno série d'inventions, frappan-
tes assurément, mais extraordinaires. D'un bout à l'au-
tre du poème, nous retrouvons, comme lo précédent
chapilro l'a fait voir, cette double série d'inventions jux-
vé-
taposées, les unos simples, tiréos tout entières de la
rité morale, les autres merveilleuses et plus ou moins
oc-
compliquées. Et, chose remarquable, les premières
les essentielles
cupent ce qu'on peut appeler positions
du poème, tandis que les secondes sont toujours là par
surcroit, témoignant de l'effort fait par d'ingénioux et
brillants successeurs pour développer l'œuvre de leur
inimitable devancier. Tout le groupe des livres XIII, XIV
et XV, qui a pour centre la scène où Hère éloigne Zeus
CHANTS DE DÉVELOPPEMENT 197
du champ do bataille et qui nous montre l'intervention
do Poséidon rendant un instant la victoire aux Achéens,
tout co groupe qui constitue la prinoipale péripétie do
YIliade avant ta Palroclie, me parait devoir son origine
a la tendance quo je signala ici «.
Un autre motif dont l'influence n'a pas été moins
grande dans l'extension des chants primitifs de l'Iliade,
c'est lo besoin do compléter tes parties déjà existantes;
motif qui devint naturellement do plus en plus fort, a
mesura que la groupe toujours grossissant apparut da-
vantage comme un ensemble.
Ce besoin prit d'ailleurs plusieurs formes. ;Une des plus
curiouscs, co fut le désir de justifier certaines allusions
apparentes des chants antérieurs. Souvent los premier*
aèdes, obéissant à co goût de précision qui est si natu.
rel ù la poésie grecquo, avaient imaginé à titro d'exem-
ples dans les discours fictifs do leurs personnages des
faits de pure invention, qui étaient censés s'être accom-
plis précédemment. C'est ainsi qu'Androtnaquo, dans
son entretien avec Hector, rappelle, pour l'engager à
no pas sortir do la ville et à défendre le rempart, que
trois fois déjà los Acbéons ont donné l'assaut au même
endroit Non seulement cet assaut ne figure pas dans
l'Iliade, mais il n'y a rien absolument dans les autres
chants qui se rapporte de près ou de loin à quelque
chose de semblable. C'est donc une fausse allusion,
que le poète s'est permise pour donner plus de force
t. Il est à remarquerque les Grecsn'ont jamais cesséde grossir
ouderetoucherainsileursrécits primitifspour Us rendre plus mer-
veilleuxou plus romanesques.Lorsquel'on compareles légendes,
tellesqu'ellesfigurentdans l'épopée,aveclesmêmeslégendes,telles
qu'onles trouvechezles mythologuesalexandrinson byzantins,on
s'aper«oitde l'importancedecesadditionset deleurnature.Il serait
tortextraordinaireqae la poésieépique,au temps de sa croissance
la plus active,eût échappéà cettetendance.
Lefaitestr«êm«rnpportéavecquelquesdétailset lesnomsdes
hérosachéensqui y ont pris part sont mentionnés;VI, v. 433-437.
198 CHAPITRE III; – FORMATION DK L'ILIADE
VII
SOHMAIRE.
I. Dimensions et proportions du poème. Unité du
sujet. Marche de
l'action. Variété. Et. Le récit. L'ordre et la olartè associés à la
vie et au mouvement. Vérité morale. Simplification hardie. Art de
composition dans les principaux récits. Grandeur et idéal. Les hé-
ros et la foule. III. Descriptions et comparaisons. Discours.
IV. Les personnages. Caractère d'Achille; son
développement. Les
antres héros. Personnages de femmes;
Andromaque, Hécube, Hé-
lène. Valeur morale et nationale des caractères. V. Les dieux.
VI. La langu et la versification.
1. Le Ramayana en
a environquarante millevera; le Mahabharata
a deux cent mille; VIliadeen a moinsdeseizemille.
2. Aristote, Poétique, 83 Arô. xal xwixy itmdmoi Sv? avehi "O(«ipoï
irapà toù{ fiXXout, t# |ttl8i tôv ir<SXe|iov,««drap tyoïrm âpxV tD.oç,
imxn<rïj<rai jtoislv fiXov' Xtav yàp âv (téya *«' oùx eâavvoircav i\uX>.tv tans-
Sat trâ pfjiiïu lUTplâCov xaToncenXer|Uvov *9 icos^tXff. NOv 8' Iv |iipo;
&iroXati>v incivoSioi; niy^xcu noXXotc,otov veSv xaTaXiym xal SiXoiç ir.i--
ooSioi;, ot( Siaia^ëâvti xr\v noh|<nv (W. Christ).
DIMENSIONS DU POÈME 207
mont, n'eût été devant leurs yeux comme un modèle.
Tollo qu'elle est, elle fait naître dans l'esprit une idée
do fécondité, large et pourtant mesurée, d'abondance
contenue, qui entre pour une part dans l'admiration
dont elle est l'objet.
Cotte mesure dans l'abondance est d'autant
plus re-
marquable que l'honneur en revient à toute une série
de poètes fort inégaux en mérite. Après tout, il eût été
possible de grossir encore le puèmo actuel, et il n'était
pas tellement formé quand il parvint à son achèvement,
que tout épisode nouveau en fût nécessairement exclu
d'avance. S'il est resté ce qu'il est, c'est qu'à un certain
moment poètes et public ont senti d'instinct
qu'il n'y
avait plus rien à y ajouter, et qu'en le
développant da-
vantage on l'alourdirait au lieu do l'enrichir. Eu ce
sens, les dimensions de YIliade sont un remarquable
indice de l'esprit do mesure qui a été de bonne heure
nn des traits caractéristiques du génie grec. Il faut re-
connaître d'ailleurs que le jugement naturel des
a dû être éclairé et guidé on cela poètes
par les habitudes de
la récitation publique. Celle-ci
imposait une étendue
nécessaire et à peu près uniforme à chaque chant
isolé
cotte étendue des scènes principales détermina indirec-
tement celle du poème tout entier.
Mais tout cela n'aurait pas suffi à faire
que toutes
les parties du poème vinssent se rassembler d'elles-
mêmes sous le regard, sans cette unité intime
qui fut
créée tout d'abord par l'auteur des chants
primitifs et
que ses continuateurs respectèrent. C'est une pure
discussion de métaphysique littéraire que de se deman-
der, comme on l'a fait trop souvent, si le
sujet du
poèmo est la colère d'Achille, ou le dessein de Zeus,
ou toute autre chose de même
genre. Ni les poètes ho-
mériques, ni leur public, ne se posaient de pareilles
questions. Absolument étrangers à ces abstractions
808 OHAPJTBB IV. – L'ART DANS t 'ILIADE
II
III
1. Iliade, I, 43-49.
2. Iliade. XIII, 23-SO.
DESCRIPTIONS 328
Tel un âne, qui s'est jeté dans une pièce de terre, s'y
obstine malgré des enfants en vain on lui brise des bâtons
sur le dos; il renverse les blés épais tout autour; les en-
fants le frappent à coups redoublés, mais leurs coups sont
sans effet sur lui, et ils ne le font enfin sortir qu'àgrand'peine
quand il s'est repu à son gré. Tel Ajax, le glorieux fils de
Télamon, assailli par les Troyens ardents et par la foule de
leurs alliés, qui frappaient son bouclier de leurs longues
lances, résistait en reculant K »
1. IHade,XL 87 et soi*.
2. Iliade, XI, 558et suiv.
COMPARAISONS 985
i.Jto«fe,XMUet8»iv.
Uiade.XI. 304et suiv.
Htat. de !» un. Gneqn* – T. T. 15
298 CHAffïRE IV. – L'ÀHT DANS L'ILIADE
Un autre «méritent du récit homérique, ce sont les
discours nombreux prêtés aux personnages; ces dis-
cours font de la narration uno sorte do drame. C'est l'i-
mitation de la vie réelle qui les a introduits dans l'épo-
pée; et, par suite, il y en a, comme dans la vie réelle,
de publics et de privés. Souvent le poète roprésonlo
ses personnages s'entretenant los uns avec les autres,
s'exhortant mutuellement, se déliant sur le champ
de bataille ou se faisant connaître de leurs adver-
saires les paroles qu'il leur prête no sont pas alors
des discours à proprement parler, c'est simplement
l'expression spontanée do leurs sentiments. Mais, à côté
de ces entretiens, il y a de véritables discours publics.
Les chefs délibèrent entre eux et exposont leurs opi-
nions dans le conseil, ils s'adressent au peuple assem-
blé et ils discutent devant lui, ou bien encore ils vont
porter officiellement comme ambassadeurs des propo-
sitions au nom de tous. Nous trouvons là l'image des
mœurs du temps. Il y avait déjà une éloquence publique
dans les cités grecques lorsque l'Iliade prit naissance,
et par suite il y a aussi une éloquence publique dans ce
poème lui-même1. Cette éloquence a été admirée à bon
droit dans l'antiquité comme elle l'est de nos jours;
mais elle l'a été d'une manière qui n'est pas toujours
parfaitement juste. Lé passage principal de Quintilien
sur l'excellence oratoire d'Homère est classique On
IV
i. Iliade, I, 85-M.
ACHILLE <J31
mon bras qui les accomplit, mais quand vient le
partage,
à toi la plus large récompense, à moi un faible
salaire, au-
quel je tiens pourtant; c'est ce que je remporte dans mes
vaisseaux après les fatigues de la guerre. Eh bien donc, je
m'en irai en Phthie, car il vaut bien mieux m'en retourner
chez moi avec mes vaisseaux recourbés; et je n'ai
pas l'tn-
tention de rester ici sans honneur pour t'amasser à toi ri.
chesses et profits «.
• Hector, toi qui me fus cher entre tous les frères de mon
mari, je suis l'épouse d'Alexandre issu des dieux, car c'est
lui qui m'a amenée a Troie que ne suis-je morte aupara-
vant! Voioi déjà la virgtlôme année que j'ai quitté mon
pays et jamais, durant oe temps, je n'ai entendu de toi un
soûl mot blessant ou léger. Au contraire, si quelque autre
dans le palais me parlait durement, soit l'un de mes beaux.
frères, soit une de leurs femmes ou l'une de tes sœurs, soit
nui ltellc-méro, car Priam, lui, était toujours pour moi
comme un tendre père, – qui que ce fut, tu le réprimandais,
et tu me protégeais de ta bonté et de tes douces paroles.
Voila pourquoi je pleure à la fois sur toi et sur moi, le cœur
plein d'une amére tristesse car je n'ai plus personne dans
la vaste Troie qui soit pour mol doux et bon comme tu l'é-
tais je fais horreur a tous ». »
t. Iliade,XXII. 216.
2. Iliade,V. 124-128.
JLKsi DiKUX 845
VI
t. A.Flek,Diehomerische
Odystetin der urtprilnglichm Sprachform
Gwllingan,1883,et Oiehomerische
ztcdcrhergitleltt, ttias nacAihrer
350 CHAPITUE IV. L'ART DANS L'iLÏÀDB
Bntttehungbelrachletundmil derurtprùngliehenSpraehformwiedrr-
htrgetMU,Gôttingen,1985-86.
1. Voir la discussionde Monro, Hommeùrammar, £•«tiitfùn.
386,et tea<)bMrvaMens
p. aM, Cauer,eM.
ou»,etM,
lesobservationsde P. CitMef. cité,pp.. 98et 8.
LA LANGUE 01 L'itlADB 851
um>langue composite, mais co n'ont pas un mélange
arbitraire du tout U* dialectos contemporains. Le poète
qui I* parle a souvent le choix entre plusieurs termes,
doqui don no à sa diction beaucoup do souptusso et de
variété, mais ces formes no sont pas prises au hasard
outro Imites collos quo lui offruit l'usage do son
temps;
oncuromoins «ont elles fabriquéespar lui artiflcîolloinenl
a i'aidoli'uliongoinonis ou du raccourcissements cosont
ou dos formes anoionnos eonsorvôos par lu poésie
pour
«in usago particulier ou des formes contemporaines
appartenant au dialoclu du poèto. ||«»i dwte tantôt vu-
tunhiiromunt archaïque, tantôt flilèloà l'usage régnant.
Sa liberté est grande, plus grande assurément, et do
houucoup,que ne lo fut dans la suite en Grècecollo des
écrivains do l'ago ctassiquo, mais c'est une liberté rai-
sonnée ot rcspccttiouHodo la tradition.
Co quo nous disons ici des formes verbales peut
s'ap.
pliijuorégalement ait choix dm mots. Il est visible quo
lus poètes homériques se funt uno règle constante de
ne pus employer le vocabulaire ordinaire, coluido tout
le monde ot do tous losjours, afindo donner leur récit
plus do noblesse. Ils mo"ent en pratique pour cela plu.
simirs procédés traditionnels fort simples. Comme ils
aiment les formos archaïques, ils ont aussi le goût des
termes anciens. Quelquefois, mais exceptionnellement,
ils nous les signalent eux-mêmes comme appartenant
à lu langue des dieux, distincte de celle des hommes
BIUMO0fUI>IIIK
M*Nirs«RiTS. – Nous n'avons
pour VOdyate ni papyrus an.
cien, comme pour Vltiad», nt manuscrit
comparable ou
valeur au Vtnetm A. Los plus anciens manusorits do
l'Odys-
*!« no Hombloiit pas remonter uu delà du xu« aieelo.
Voir,
comme pou.- les mss do l'Iliade, La Roche, Uomer.
Ttxkritik,
p. 433 ot suiv., ot en outro les Pnliqomùnet do soit édition du
l'Odyssée, ainsi que la préface (3« partie) do celle de Huyman.
Gf, DiuJorf, préface des aoolie.s (voir plus
loin). Ils sont
tous sans oxcoptiou médiocrement corrects.
Los plus importants sont lo Patatinuf, les trois manuscrits
do Mitan [Ambrotianf), le Uarleianus, les manuscrits de
Vienne,
«eiui do Hambourg, VAugmtunm de Munich, les manuscrits
de Paris.
Ces manuscrits ne nous donnent par eux-mêmes
que l'é-
tat du texte pendant le moyen-âge byzantin. Mais on
peut,
grâce aux indications qu'ils contiennent, remontfr souvent
plus haut, et il n'y a pas grande exagération à lire
texte alexandrin de l'Odyssée nous est en somme que le
presque aussi
connu que celui de l'Iliade. Au reste, la
remarque faite plus
haut sur les manuscrits de l'IKarfs
s'applique également à
ceux de l'Odyssée. La science philologique a le droit de ne
pas
s'enchatner aujourd'hui à un texte qui ne représente qu'une
tradition médiocrement éclairée.
la
S Éditions.– L'Odyssée se trouve réunie avec l'Iliade dans
savantes ont été indiquées ci-des-
plupart des éditions qui
Florence
sus. Rappelons donc simplement ici celles de
d'Henri Estienne
(t488), des Aides, de Rome (1342-1530),
la source de la
(1366) – cette dernière signalée déjà comme
Vulgate, l'édition de S. Clarke (1729- 1740),améliorée par
Ernesti (1759-1764) et par G. Dindorf (1824), celles de Wolf
une c«»lation du manuscrit har-
(1804-1807),de roreon, avec récension a été re-
léïen (1800), de G. Dindorf (1827), dont la
enûn de Bekker (1858).
produite dans la collection Didot,
BIBLIOGRAPHIE 359
SOMMAIRE.
II
III
1. Ératosthène disait, selon Strabon (I, p. 3t, Meineke), que pour dé-
terminer l'itinéraire d'Ulysse, il faudrait d'abord retrouver l'ouvrier
qui avait cousu l'outre où étaient enfermés les venta. Il y avait beau-
coup de vérité dans ce bon mot; car une fois l'outre ouverte, nous
sommes perdus.
2. Il est à remarquer qu'en effet Circé n'opère pas ses métamor-
phoses par un pouvoir divin qui soit en elle, comme font ordinaire-
ment les dieux homériques, mais à l'aide de drogues et d'une baguette
merveilleuse, ce qui constitue proprement la magie. De là l'épithète de
iroX-jjipiiaxo;(X, 876)qui est caractéristique.
Z. Rftle inutile d'Hermès, r. 27S et saiv. Notez surtout les vois 303-
306. Merveilleux inutile et tout artificiel v. 570-574.
978 CHAP1TRK V. – ANALYSE DE L'ODYSSÉK
IV
I.
1. M.
»t. KtMhhaa
Kîrchfca8
r&ppraeha cscmpteavecraison
psf exesspie
rapprochapar t'tpiM<~*»
STeetaiseB l'épisode
Lostrygonsdu débarquementdes Argonautesà Cyzique,et les ro-
chesPUne'.aedesrochesSymplégades.
LIVREXIII 885
ble nous avertir déjà qu'il y a eu là aussi plusieurs tK>s-
soins auccossifs. L'tHudo des détails et l'observation <|e«
différences littéraires confirment pleinement o««tlo|>ro-
mioro impression, mai» elles ne doivent pas nous faire
méconnaître une véritable unité do conception que no-
tro analyse muttra en lumièro t>t dunt nous rendrons
compte dans lo chapitre suivant.
Lo livre XIII raconte d'abord ta départ d'Ulysso quit-
Imit l'ilo des Phéacions, aa navigation iiuclurnu, son ar-
rivât) a Ithaque où un lo tlépuso oudonni sur ta rivage
aveu»80» trésors, et le prodrgo qui traiWormo on rocher
lu vaisseau phéacien canfcrrtrt6tttant à un ancien oracle.
Cotto promière moitié du livro XIII (v. 1-184) a du êtro
considérée nécessairement comme la On do l'Qdym'e
l>rimitivo par coux qui lu conçoivent coiniuu un poèmo
c(iii)|(Iotet distinct de sa continuation Sans ce coin-
plument on oflbt, co premier poème n'aurait pas do Ai-
luiAinoitt, et par conséquent Co no serait pas un poôrne.
Mais si l'on conçoit los choses d'une manière plus li-
bre, analogue a celle quo nousavonsappliquéc à Iliade,
il n'y a aucuno raison pour couper ainsi en deux le
treizième livre. Au point de vue moral et poétique, les
deux parties en sont réellement inséparables. La se-
condo nous montre lo réveil d'Ulysse dans son Ho, ot
nous fait assister à son entretien avec la déesse Athèné,
sa protectrice, qui vient d'abord à lui sous la forme
d'un jeune pAtre et bientôt se révèle sous son vrai nom.
L'objot do cet entretien est manifestement d'introduire
dans les chants nouveaux le personnage d'Athèné
qui manquait dans un certain nombre des anciens, et
de justifier cette différence, ce que lo poète fait ingé-
nieusement. Athèné allègue qu'elle n'a pas voulu com-
battre Poséidon (v. 341-343). Mais cette justification
i. C'estl'opinionde M.Kirchhoffnotamment.
8*6 CHAPITRE V. – ANALYSEOS L'ODYSSÉE
mônto, tout habile qn'ollo mi, révèlo lo continuateur,
uoucii'ux «loraccorder sos propres conceptions, avec h>
plu* do vraisemblance possible, il de» créations poéti-
quos déjà célèbres t. Tout lu treizième livre porto
d'ailleurs au plus haut degré les caractères qui vont
doiiiinor dans los inoillour* chants do la (lu du poème.
Lo rouit y est pou dramaliquo, mais d'une poésie sint-
|ito «t puro, qui a parfois au grandeur ol qui attacho
par la vérité morulu », 1,'autour au plail aux Notionsros-
semblant à la vérité, tollos que lo récit do puro in-
ventiou fait par Ulysseau jouno pfttro. 11est contour
avant tout, et il l'est avec un grand agrémonl. Lo mer.
vcilloux est pour lui un élément traditionnel qu'il om-
gloio a propos, plutôt qu'une ressource poétique au limi
d'cn user, comme fauteur des chants rolatife & Circ6,
pour le plaisir d'olonuor, il s'en sert discrètement pour
los besoins de son récit, mais il n'y attacha aucune im.
portance, parce que l'intérêt a ses yeux est ailleurs.
C'est par la flnosso délicate du sentimont qu'il oxcoIIk,
et la grâce spirituelle est innée ou lui. I/entretion du
héros et do la déesse, si ingénieusement varié dans ses
diversos phases, est à eut égard un véritable chef-d'tâu-
vre, bien que peut-être le charme n'on puisse être com-
plbtoment senti aujourd'hui que par des esprits bien
préparés.
Une chose importante à noter, c'ost que cet entre-
tien d'Ulysse et d'Athèné est évidemment une intro-
i. Eumée raconte, à partir du vers 420, des choses qu'il n'a pu sa-
voir nous avons déjà noté ce genre d'invraisemblance dans les livras
X et XIÎ. Ce procédé narratif, ans lois admis, «# pouvait en efltet
manquer d'être imité, en raison même de la facilité qu'il donnait au
narrateur.
LIVRE xvi 89i
i. Onpeuten trouverunepreuvededétaildansl'allusionduvers
158quiparaitvier levers28*da livrexfcïl, *v«w> de
nnadifférence
noms(*A|tf2vo|u>(pour*A|tfipttuv),duesansdoutesoità unsouve
nir inexact,soità unefautedetexte.
LIVRE XVIII 997
VI
HiaLdela Liu.Oreoque.– T. T. 20
CHAPITRE VI
FORMATION DE l'OOYSSBB
souwAine.
I. Systèmede l'unitéprimitive Ntlzuchet OtfriedMUller. II. Sys.
tèmedes chante indépendants la Télé'tacMe,les Récits(VUtysst,
leschantsdela secondepartie. III. Essaisdereconstitutiondes
groupesfondamentauxKœohly et Klrehhoff.–IV, Naissancede
l'OdysséeMarnentprimitif.– V. Développement de l'Odysséepar
la continuationdu récit. VI.L'achèvementdu poème.
II
III
IV
I. Voyezau chap.précédentl'analysedulivreIX.
CHANTS PRIMITIFS 331
ceux des livros IX et XI, sont l'élémont primitif do
l'Odyssée, ot ce sont coux-là dont nous nous occupons.
L'Arrivée tf Ulysse chez iesPhéaeiens (livres V-VIII)
on est, dans l'Odyssée, l'introduction naturelle, et c'est
la plus bolle partie du poème. En la comparant avec
certains épisodes des récits d'Ulysse, celui du Cyclope
par exemple, nous sommes frappés de la ressemblance.
Il parait donc naturel d'admettre quo c'est l'autour de
ces récits, qui, encouragé par son succès, a développé
ainsi cette introduction. C'était lui en somme qui avait
donné, par sa précédonto invention, une importance par-
ticulièroau séjour d'Ulysse chez les Phéaciens. Ce thème
iui appartenait; il le mit en œuvre avec la grandeur
d'imagination qu'il avait déjà montrée, mais avec une
liborté toute nouvelle, parce qu'il n'était plus assujetti
à suivre aucun récit antérieur.
Le livre V (avec son début naturel, c'est-à-dire l'As-
sembléedes dieux du premier livre), les livres VI, VII, et
peut-être quelque chose du livre VIII, sauf la part à faire
aux additions et aux remaniements, sont le fruit de cette
grande idée. La pensée dominante du poète fut do met-
tro on lumière le caractère d'Ulysse dans une sorte de
drame librement créé. Il avait raconté déjà ses aventu-
res, il no pouvait y revenir; mais, d'après la légende, sou
héros après avoirerré trois ans, en avait passé septdans
l'île d'Ogygie c'est au terme de ce séjour qu'il plaça
le premier acte de son drame, Calypso, c'est-à-dire l'af-
franchissement. Le second acte, Nausicaa, le troisième,
Ulysse chez Alkinoos, succédèrent naturellement. Il est
impossible de dire aujourd'hui si c'est à tort ou à raison
que quelques critiques croient entrevoir sous ces larges
développements une forme de récits plus simple. Rien
sans doute n'empêche de croire que le poète ait lui-même
peu à pou modifié et agrandi son couvre. L'épisode de
Nausicaa, par exemple, a bien pu n'être ajouté par lui
Hi«t.d« la Utt. Grecque,– T. I. 21
839 CHAPITRE VI. – FORMATION DE L'ODVSSÈE
v
Il en fut de l'Odyssée comme de l'Iliade. Le premier
groupe de chants qui apparut en suscita d'autres par
son succès môme. Mais il y eut une différence notable.
Les premiers chants de l'Iliade laissaient entre eux
des intervalles d'action, que les premiers continuateurs
se mirent naturellement à remplir. Ceux de l'Odyssée
formaient une série plus continue: il n'y avait rien d'in-
téressant à insérer entre l'arrivée d'Ulysse chezles Phéa-
ciens et ses récits»; les récits eux-mêmes pouvaient, il
est vrai, être augmentés, et ils le furent effectivement,
mais ce développement ne se serait pas prolongé sans
monotonie. D'ailleurs, avant de les étendre, il y avait
mieux a faire: c'était de ramoner Ulysse dans sa patrie.
I.« prnrnior groupe de chants avait rendu le personnage
1.Ony inséra pourtant la plusgrandepartie dulivre VIII, en plu-
sieurs fois, maisle videmêmede ce développement accusela stéri-
lité du sujet
CONTINUATION DU BÉCIT 333
VI
80UMAIRE.
I. Étendue et proportions du poème. Unité du sujet; marche de l'ac-
tion. 1/ Odysséemoins variée que l'lliade. II. Le récit. Caractères
nouveaux moins d'émotion et pins de curiosité. Les grandes scè-
nea la Tempête, la Mort des prétendants. Ton général du poème
rareté des comparaisons, vraisemblance et finesse du récit. L'homme
et la nature; l'habitation d'Eumée. Fantaisie. Le naturel dans le
merveilleux le Cyclope. III. Les personnages Ulysse; valeur
poétique et morale de son caractère; sa prééminence dans le poème.
IV. Personnages secondaires les alliés d'Ulysse, Télémaque,
Eumée et Philœtios; ses ennemis, les prétendants. Personnages lé-
gendaires Alkinoos, le roi hospitalier; Nestor et Ménélas. – V.
Les femmes Pénélope Arèté et Hélène; Nausicaa. VI. Les
dieux dans l'Odyssée. Ils sont plus unis et plus moraux que dans
l'Iliade. Différences de détail. Rôle d'Athèné. – VII. La langue de
l'Odyssée.
i. Les différences entre les deux poèmes homériques ont été assez
vivement senties déjà dans l'antiquité pour que deux critiques alexan-
drins, Xénon et Hellanicos, aient mérité le nom de ehorhontes en
ÉTENDUE ET UNITÉ DU POÈME 339
L'Odyssée, considérée dans son ensemble, est, comme
l'Iliade, un poème facile à embrasser d'un coup d'oeil,
èîicrvwisTov.Même ampleur ot môrao mesure à la fois
dans le récit: lorsqu'on le lit de suite, on arrive à la
fin sans avoir rien oublié d'essentiel. Comme l'Iliade
aussi, l'Odyssée se partage naturellement on scènes
dont l'étendue semble avoir été principalement déter.
minée par les habitudes do la récitation publique. Ces
scènes, grâce à la manière dont le poème s'est formé,
so répartissent môme plus facilement en groupes que
celles do l'Iliade, et ce groupement spontané vient en-
core en aide à la mémoire pour retenir la suite des
événements. De là résulte que l'Odyssée est un des
poèmes épiques les plus attrayants, celui peut-être où
l'on se retrouve le plus vite ot avec le moins d'effort.
C'est un de ses mérites que de coûter très peu de peine
pour être bien connu.
Que faut-il penser toutefois de la proportion des par.
ties L'analyse nous a montré combien l'étendue des
scènos particulières y est pou en rapport avec l'influence
qu'elles out sur la marche de l'action. Dans VIliade, il
est vrai, on voit aussi des épisodes secondaires déve-
loppés avec une ampleur qui nous étonne^ mais les
grandes scènes du poème, celles qui attirent le plus le
regard, sont en même temps les plus nécessaires chose
naturelle, puisque l'action a été tout d'abord dessinée
dans son entier par le poète créateur. Il n,'en est pas
de mémo dans l'Odyssée. Là, comme on vient de le
voir,
les scènes particulières semblent choisies et
dévolop-
Il
i. OdjfiiM XXH,'|9»-»O9,
8. ojj/n^ ix, au-a»i.
LE RÉCIT 339
de la vapeur; ainsi l'œil du monstresifflait autour du pieu
'd'olivier'.»a
Si un des poètes do YIliade avait ou à traiter ce pas.
sage, on peut e'ro assuré, co mo sembla, qu'il n'aurait
pas décrit do cotte manière. Co qui l'eût préoccupé,
c'oùt été dotraduire par une comparaison hardie et sai-
sissante la force de la douleur subite qu'éprouvo le
monstre ou l'intensité elïroyablo do ses clameurs. Par
instinct, il aurait cherché l'offot dramatique, là où le
poète de VOdt/sséecherche plutôt la justesse descrip-
tive.
Si cotte manière nouvelle ost inférieure à l'ancienne
par certains côtés, il faut reconnaître qu'elle a mis àla
dispositiondes poètes dos rossources qui ont bien leur
prix. Ce qu'ils perdent on puissance, ils le regagnent
en agrément. Les chants do l'Odysséequi représentent
Ulysse chez Eumôe marquent vraiment l'avénement
d'une poésie nouvelle. C'est dans cette partie du poème
pcut-ôtroqu'il y a le moins d'action mais c'est là aussi
quo se laisse le plus délicatoment sentir ce qu'on pour.
rait appeler le mérite propro do l'Odyssée. L'épopée,
tout en gardant sa noblosso native, se fait là presque
familière; le poèto est tout près do devenir conteur; il
so plaît aux petites choses, et il sait en dégager admi-
rablement tout co qu'ollos contiennent d'aimable ou de
touchant. La nature agreste, qu'on entrevoyait seule-
ment çà et là dans l'Iliade par ces échappées de vue
dont nous avons parlé, prend icibien plus d'importance.
Sans doute, ce n'ost encore qu'un fond de scène, et
l'action reste toujours, pour le narratour comme pour
nous, la chose principale. Mais ce fond de scène n'est
pan un décor indifférent il prête à l'action un char m o
[iiAÏuuiUav,ut U nous occupa uuaot agréablement pour
t Odyuto,IX,301-30».
340 CHAPITRE VII. – L'ART DANS L'ODYSSÉE
III
IV
t. Horace,ÉpUret,1,s, 27.
AMIS KT ENNEMIS D'ULYSSB 365
tre aussi tous doux sous un aspect vivant et intéres-
sant. Il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a pas là en
face d'Ulysse un sou! adversaire digne de lui. Le poète
de !a Télémachien'a pas surpassé à cet égard celui de
la seconde partie. Plusiours des discours tenus dans
l'assombléed'Ithaque au deuxième livres sont pleins de
vigueur. Maisc'est l'action surtout qui dans une épopée
doitmettre en reliof les porsonnages prééminents.
Passons rapidement sur le rôle peu étendu dea ser-
viteurs infidèles, Mélantheus et Mélantho. Mélantheua
est lo modèlo dont MélantUo est la copie. La courto
scènedu XVII*livre, où le chovrior insulto son maitre
déguisé, est excellente, mais ce n'est qu'une scène.
Tous les porsonnages dont noua venons de parler
sont aussi près do la réalité que la poésieépique le per-
met. Il n'en est pas tout à fait de même du roi des
Phéacions Alkinoos, non plus que do Nestor et de Mé-
lUilas.
Alkinoos n'est pas, à proprement parler, un person-
nage qui ait un caractère, et il est aisé do comprendre
pour quollos raisons. Les Phéaciens, sur lesquels il rè-
gno, sont un peuple merveilleux en eux se porannni-
fientplus ou moins distinctement quolquos-uns des rê-
vosque les marins grecs d'Ionio emportaient dans leurs
navigations lointaines et quelques-unes des légendes
qu'ils en rapportaient. Opulence et bien-être, joie per-
pétuelle, palais lambrissés d'or, vergers enrichis par un
été sans cesse renaissant, voilà ce que le poète primi-
tif do l'Odyssée a imaginé pour les caractériser. Alki-
noospar suite est moins pour lui un personnage hu.
main, semblable aux autres, que le représentant idéal
doce peuple, tout idéal lui-même. Son seul caractère
doit consister, et consiste en effet, à se montrer fas-
tunux et hospitalier mnnnn un monarque de féerie.
C'ostun roi riche et heureux, exempt de soucis, chez
356 CHAPITRE; VII. – L'ART DANS L'ODYSSÈB
VI
VU
dansla revued'A.Kuhn,XXVII,2, p M-
1. Artide deH. CoUHz
LA LANQUB DE L'ODYSSÉE 360
BOUIOIRE.
I. Les biographies d'Homère. Il. L'histoire probable l'élément
ôolion et rétament ionien. Les Homérides de Chios. – III. Diffu-
sion de la poésie homérique. Les aèdes. Voyages des Homirides.
Les Créophyliens de Samos. IV. Les rhapsodes. Accueil fait
aux poésies homériques dans diverses cités. Lycurgue, Solon, Pi
sistrate. V. De la chronologie homérique.
en elle-môme,
Après avoir étudié la poésie homérique
il nous reste à rattacher autant que possible l'histoire
de son développement à des lieux et à des temps déter-
minés t.
S'il était prouvé historiquement qu'il y a eu un grand
1. Westermann,Vitarumscriptores,I-V1II,Brunswiek,1845.La
secondebiographie,celledu Pseudo-Plutarque.n'est reproduite
qu'in-
complètement dans cettecollection.– Consultersurtoutesces bio-
graphiesla premièredissertationdeJSengebusch, p. 1-13.
874 CHAP. VIII. – HOMÈRE ET LES JIOMÉR1DES
II
Nous avons vu quoi' Iliade et YQdi/ssée reposaient sur
une légende dont l'origine éolienuo ne saurait étro
mise on doute. L'Iliade on particulier unit les traditions
achéonnesd'Argosàcollosdo la Phthiotide thessalienne.
Elleest donc comme la poésie naturelle do ces Aclicons
'lui so sont réunis pour fonder les colonies éoliennes
d'Asie Mineure >.
Si nous chorchons, parmi les légendes
biographiques
dont il vient d'êtro question, ce qui est en accord avec
». Signatonasimplement,à titre de curiosité, l'opinion de B.
Thiarschqui fait d'Homèreun Une d'Europe.antérieur au retour
*» Héraelides Jahvhacherfur elass.Philologie.
1.1 (1826),p. 433-I68,
et (/~<-fefa~
2eilallerrrud Valerlauddes Hon:Er,Halberstadt,1826et
18liî.
380 U1IAP. VIII. – 1IOMÉHK ET LES HOMÈRIDES
p. 599;Isocraie,
1.PI «Ion,Phèdre,p. 252;/on, p. 530;République,
Éloged'Hélène.6S.
II,
2. Seoliaste,Néméennei, iicifivdctrivovtoot««P1
"OiMipiîôv
Kûvai9ov,oO«çaotsoXXitw» êm»v *«.<«.;« tç&Oa* dî -rip '«««f»
Ut.
3. Eudocie,Violarium,
LES AÈDES 385
III
i. Odyss.,
1. (MyM.,V
VIH, 266 Aùtàp
III,266 AMp t<'H' ~~Mme xcù~v~fSMt.
2. Cettemanièrede chanter,la
i seule
seule qui pniaseconveniran
âve6<4»*roxaXôv àciSeiv.
récit
récit
épique,est encorecelle deschanteursserbeset russes.
3. Odyss.,VIII, 87, 90-91.
388 CHAP. VIII. HOMÈRE ET LES IIOMÉRIDES
1. Welcker,Episch.Cyelus,t. I, p. 297.
2. On nesait que penser de ce Mélésandrede Milet,auteur d'un
Combat des Lapilheset des Centaures,
qu'ÉIien mentionne(Hist.var,,
XI,2)commeantérieurà Homèreet qni n'est citénulle part ailleurs.
Commeil figuredans ce passageà côté de Darèsle Phrygien,son
existenceest plusquesuspecte.
3. Sur tes Gréophyliensde Samos.voir Weleker,ouv. cité,t. 1,
p. 219et suiv., avecles témoignagesanciens.
390 GHAP. VIII. – HOMÈRE KT LES HOMÉRIDES
IV
1. Quandnouslisons,dansAthénée(XIV.e. xu),quedespoésies
d'Archiloque, de Simonide,dEmpédocle ontétérhapsodiétt,celaveut
dire par conséqueutqu'ellesontétérécitéessans accompagnement
muelcaletsurunescène,avecl'appareilordinairedesrhapsodes.
cf. Sengebuscb,
8. Surlesrécitationsrhapsodiques, premièredis-
sertation,p. et, Us, Ml.
8. Plutarque, Lycurgue, Élien, Var Mst., H; Héraclide de Pont,
de Mûl-
Thf\ woXtttiûv, Petit. Laced.. 2, dans les Hittor. graec. firagm.
1er, t. Il.
LES RHAPSODES 393
d'abord quelque résistance à cette poésie vonuo du de-
hors; mais enfin il se taissa séduire complètement, et il
y eut à Sparte, en Crète, à Gyrône, des concours de
rhapsodes, ou tout au moins de solonnolles représenta-
tions rhapsodiquos*. Hérodote mentionne expressément
dos concours de rhapsodes qui avaient lieu h Sicyone au
vi* siècle et que lo tyran ClUthène fit cesser1. Argos,
glorifiée «lana Vfliade, ne dut pas et ro moinshospitalière
pour los rhapsodes, et il n'est pus douteux qu'ils n'aient
ligure dans les fêtes homériques que cette ville, d'après
tut toiuoignuge ancien, célébrait périodiquement Mais
l'accuttil que leur tit Athènos a une importance toute
particulière, à cause de l'inlluonco qu'elle out sur la
constitution ot la conservation du texte écrit des poèmes
d'Homère.
Si nous en croyons Diogèno Lnerco, le grand légis-
lateur d'Athènes, Snlon, no dédaigna pas d'imposer un
règlement public aux rhapsodes. Co seul fait montre
assez quclle importance avaient prise alors leurs ré-
citations. L'État, qui organisait les fêtes publiques et
qui on arrêtait le programme, y faisait place officielle-
ment à l'épopée, en l'obligeant à se montrer dans
6 535. B.
t. Platon, Ion; en particulier, ce qui est dit au 8 (p.
delà de la pé-
°2DGe?art, ainsi compris et pratiqué, vécut bien au à celle
Boriswnt à la cour d'Alexandre,
riode classique. On le voit a
des Halémfcw.el dans les pancgyrfcs WotJeaBW. ft p^homône.
la romaine (C. G., 1583-1587; Athénée.
Tiiespies. pendant période
de <«*# re> *• 2>'
XII, p. 538. et XIV. p. 620; Plut., Prop.
GHRONOLOUIK HOMÉHIQUS 300
fit subir au
pas close pour cola: il est probable qu'on
texte des remaniements de détail plus ou moins inv
la fin du vi» siècle, au moins. Mais
portants, jusqu'à
tout cela n'avait plus, depuis longtemps, qu'une im-
secondaire. Ce qu'on peut appeler « la créa.
portance
tion >»do YIliade est le grand fait littéraire et moral
du ix* siècle.
L'Odyssée, comme nous l'avons vu, est certainement
Toutefois elle
postérieure dans son ensemble à l'lliade.
ne peut l'être de beaucoup. La partie la plus ancienne
du poème, colle qui raconte les voyages d'Ulysse, a dû
naître avant le grand essor do la navigation hellénique
en dehors de l'Archipel, c'est-à-dire avant le mouve-
ment de colonisation du huitième siècle. Elle suppose
une connaissance très vague encore des régions de l'A-
la Sicile, de
frique qui sont à l'occident de l'Égypte, do
l'Itulio méridionale. Tous ces pays no sont entrevus par
le poète qu'au travers des légendes. Cotte partie du
ancienne que la
poème ne peut donc pas être moins
moitié du huitième siècle, et il est plus vrai.
première
semblable qu'elle remonte à la fin du neuvième (un
à la seconde partie, bien que
peu avant 800). Quant
plus récente, elle n'aurait guère pu s'adapter à la pre-
mière, si celle-ci avait eu une longue existence indé-
pendante. D'ailleurs, le fait que nous signalions à pro-
pos de l'Iliade a dû se produire également ici. Quand
une œuvre collective grandit au milieu d'un succès uni-
versel, il y a nécessairement dans sa croissance une pé-
riode d'essor. C'est certainement le spectacle de l'Iliade
en train de prendre sa forme définitive qui a inspiré
l'autour des premiers groupes de chants de l'Odyssée.
Celui-ci ayant ouvert par un coup de génie une voie
nouvelle, d'autres s'y sont jetés aussitôt. La Télémachie,
été le dernier élément consti-
qui semble avoir grand
tutif du poème, est antérieure aux Catalogues hésiodi-
CHRONOLOGIE HOMÉHIQUE 403
LA POÉSIE CYCLIQUE
BIBtIOORAPnlB
SOMIMinE
do la vie; do
loquonce, on un mot le spectacle mémo
l'autre, une simple énumération d'ôvénomonts, qui dé.
sonnais semblait pauvre et insignifiante. C'étaient deux
la poésie do
genres do poésie différents et inconciliables,
l'onfanbo, naVvo,timide, superficielle, et celle do la jou-
nosso, ardente, vigoureuse, pleine d'idées et de passions.
L'œuvre dos poètes cycliques s'explique tout entièro
doux cents ans envi-
par co simple contraste. Pondant
ron, dopuis le milieu du huitième sièclo jusqu'au conv
monoomont du sixième, dos hommes do talent, épris
do la poésie épique, travaillèrent à raccorder ces vieux
chants, tombés dans le discrédit, avec les poèmes bril-
lants et grandioses do l'âge homérique. Ils s'efforcèrent
do rendre, autant quo possible, aux diverses parties dos
Ils voulurent,
légendes leurs proportions primitives.
do l'Iliade et do
pour linsi dire, ramener les récits
dans un grand
l'Odyssée à lour rang de simples épisodes
à la manillre nou-
ensemble, et pour cola, reprenant,
antérieurs ou
velle, les principaux événements, posté-
rieurs à l'action de ces doux poèmes, ils se mirent à
les traiter avec d'amples développements, de façon à
leur rendre l'importance relative qu'ils avaient perdue.
Une toile tentative était sans doute fort naturelle.
En ce temps, où la poésie épique était l'histoire mémo,
il n'y avait aucune raison pour sacrifier certains grands
événements. La Grèce, de plus en plus curieuse de savoir
et do mettre on ordre ses connaissances, voulait embrasser
d'un coup d'œil tout son passé, dont ses grands poètes
Le rapt
épiques vonaient de glorifier quelques parties.
à
d'Hélène, le rassemblement des Grecs Aulis, leur dou-
de villes et les
ble débarquoment on Troade, les prises
incidents divers qui étaient censés avoir rempli neuf
ans avant la querelle par laquelle s'ouvre l'Iliade, et
d'autre part la mort d" Achille, la défaito des derniers
alliés de Priam, et entin la prise môme dilios, tout
IDÉE GÉNÉRALE Hli CYCLE 407
ensuite
monçait. Memnon tuait Antiloquo et périssait dans
do la main d'Achille. Mais celui-ci succombait sa
victoire mémo, atteint par la flèche de Paris que diri-
Alors lo poète décrivait los funérailles
geait Apollon. la
d'Antiloque, puis celles d'Achille, et querelle d'Ulysse
et d'Ajax au sujet de ses armes, avec la mort d'Ajax
Cette série de scènes constituait, d'après Proclus, le
livres, et
poème appelé Êthiopide, qui comprenait cinq
do la Destruction d'Ilios dont
que l'on distinguait alors
nous allons parler.
Il est à peine besoin de dire que cette division ne
saurait être attribuée à Arctinos lui-inôme. Celui-ci ne
il complétait la
composait pas des poèmes distincts
série do chants qui constituaient VIliade par d'autres
chants, qui devaient peut-être, dans sa pensée, s'in-
De même que les
corporer au groupe déjà existant ».
chants do l'Iliade étaient connus sous les noms de Chant
de la querelle, Exploits de Diomède, Patroclie, etc.,
de même sans doute ceux d'Arctinos s'appelaient
sans quo
l'Amazonie, YÊthiopide, la Destruction dllios,
la division de
l'usage do ces dénominations impliquât
son œuvre en plusieurs poèmes formant chacun untout3.
Ce fut donc plus tard que les récits d'Arctinos, n'ayant
leur indépendance
pas été incorporés à l'Iliade, acquirent
défluitive, contrairement à l'intention de leur auteur.
i. Aristote,Poétique,ch.23.Pausanias,X, 25,26,27.Cedernierdé-
crit,dans cespassages,letableaude.Polygnotereprésentantla prise
de Troie,composé,dit-il expressément,d'après la Petite Iliadede
Leschès.
2.Nom.«c'm. et oycliepfcireüq., éd. Didot,p. S9aet sniv., parti-
culièrement fr. 4et 9. Mônélas épargnantHélèneà causede sa beauté
(tr.15)est un sujet dontles arts plastiquesout tiré profit;J. Martha,
Archéologie
a
étosque,
_h.
p. 107. n·r
hui. de la Lut. Greoqa». – 1. 1. «»
413 CHAPITRE IX- – LA POÉSIE CYCLIQUE
le représentait, en dépit de la chronologie, comme ayant
concouru avec ce poète D'après cette légende, il sa.
rait même sorti vainqueur de ce c&aoours. Cet hom-
mage lui était dù Arctinos n'avait fait que continuor
l'Iliade; Leachès, plus hardi, avait tenté de renouveler
ce qui existait déjà, en partie du moins; son succès fut
assez grand pour que son œuvre méritât d'ètre appelée
la Petite Iliade et de figurer sous ce titre à côté do la
grande Iliade. Cela môme «omble indiquer qu'elle ne
s'y rattachait pas très aisément et qu'elle constituait
en fait une série do chants distincte.
Le nom de Stasinos do Chypre est inséparable do ceux
d' Àrctinos et do Leschès a. Aucun renseignement chro-
nologiquo relatif à ce poète ne nous est parvenu mais
la nature mémo de son œuvre, toute pénétrée déjà des
idées qui allaient dominer dans la poésie lyrique, ne
permet pas de le considérer comme antérieur à Loschès.
L'épopée qui lui ost attribuée était connue dans l'auti-
quité sous le nom de Chants cypriens, d'après le lieu de
son origine. Elle so rattachait aussi étroitement à
l'Iliade que collo d'Arctinos, mais elle en différait pro-
fondément par l'esprit. L'objet du poète avait été de réu-
nir dans un récit continu les événements do la guerre
III
IV
80HMAIRB
I, La poésiehésiodiqueestessentiellement
didactique;elle appartient
à la Grècecontinentale. II. Élémentsde la poésiedidactique
avant Hésiode i* Élémentgénéalogique;8*Mythesmoraux.
III. Apologues.Sontonoes.Préceptesteehnlques.– IV. Hésiode.
Légendeset histoire. V. En queltempsa vécuHésiode? î
0. Marckscheffel
dans un livre quej'aurai souventl'occasionde ci-
ter Benvài,Eumdi, Ciiwethônto,
etc., fragmtnta,Le!p?te,<M0.
440 CHAPITRE X. – LA POÉSIE HÉSIODJQUE
II
III
IV
1. "ÏVvcj»
vnrijvavt'iv XaXxttitttov"O|it|pov.
2. 'HvfoSocMofo««'EX!x»v!«tAv8' vn^aaciv XaX-
dvi8T,xtv,H^vif
xiS:Cilov"O|M|pov«
3 Panssjsias,1S, St.
4.Platarque,Fragmenta(Otdot),Comment. surHétiode.e. 26.
458 CHAPITRE X. – LA POÉSIE MÊS1ODI0UB
UIHMUOttAflilt.
•OMMAini!.
I. Analyse du poème de» Travaux tt Jour». II. Unité primllivo du
d'IH»!oJe.-
poème. – III. Des aenUmenU qui Inspirent la poésie
IV. Le* mythes dans les Travaux. V. Mérita descriptif. Corn-
VII.
ment Hésiode a vu la nalure. – VI. La langue d'ilislode.
Autres «uvres de poésie pratique.
des
I. Aucun doute ne s'est élevé dans l'antiquité aor 1'altrltaUoa
au dire de Pauaanlaa (IX, 3t), le seul,
Travtux à Hésiode. C'était,
entre les ouvrage» dont «" *»er°y"il !"«««««*•«i«i fat Ksam* «saxes
du texte est
antbenUque par les Béotiens da l'UdUcon. La tradition
ANALYSE DU POÈMK 4M
Il
III
t. Travaux,v. 276-280.
480 «MAP. XI. LES TRAVAUX KT LES JOURS
cela suflit pour que le poète trouve dons m foi une sourit!
do ooiiQance et do force intérieure. Sun rouvre e*t une
ftpro prédication, poétique ot rcligiouso, débordant d'unt'
Aim* qui ne doute pas. Une chose entre toutes est pour
lui certaine: eaux qui #tint justes sont ri-otbiblponaée par
les dieux et prospèrent, les viotonts et tes purjurvs sont
punis
« SI quel'iu un sait ce qui e»l juste et |»arl«»selo» va *|n*ll
~t
sait, Zou» li la voix retentissante lui acsapk I» bonheur,
Mais celui qui, à l'alU» U« faux témoignages, tuauquo volou-
talroinent à ce qu'il a juré, qui offense la jumioa «l se raiid
gravement coupable, celui-là itelulise après lui qu'une rnco
obnuuro et InKrme. Aucontraire, l'homme Udèle à aon serment
a des fait qui prospérant d'année en année '.•
IV
« OlkA est une vierge, elle est (Utude /eu», et autour d'elU
rigm uiitttlauadfft r<?*|»ectuauie vanératian parmi lot dieux
qui haWlont l'Olympe, Kl lorsqu'un homme l'offenie par
l'outrug» du ntoiuoim», nuMlldt elle vient «'«MOttir aujiréi
de son par*»,Zou*, QU de Cronos, «t elle crie devant lui les
ponsiSoadu Uoiuuia* injuste*, pour qu'U lu ohàlie •. »
1. Travaux, 336-361.
RÉCITS ET DESCRIPTIONS MYTHIQUES 491
«la fat arrangé avec Irdoe par Pallas Mhènè. Dana ton
nain, te dieu i»(e-i»a«»r,
Arglphcmtè», tléimaii1»troiu|i«rleet
1mdl*<x>ur*«4duls«nt* et un ««pritnMUlol<>u*. Put»II l'ap-
palu famweet Pandore,parce que tous le»habitants <Ial'O-
lympa «valent mil en elle Uur*dou«,Maux des hommesIn-
Juntrleuxi. »
Lo mythe des Ages somblobien avoir subi aussi uno
altération analogue. Il est «erlnin qu'on l(Tforme où
nous lo lisons dans los Travaux, il no satisfait pas coin*
pletoinont l'osprit L'idéo généraleest incontestablonioiU
celled'une dégénéreacoiice,à la fuis physique et morale,
dont chaque phaso résulto do la préoédonto mais, sans
parler de l'intercalation d'un Age héroïque qui rompt la
suito naturelle des choses, on no peut nior que iViicliaî-
nomontdos descriptions n'ait quoique choso do nottant.
Celane liondrait-il pas encore à co que l'iinagiiiationdu
poètea trait6 les choses libromont, arrangoant à soit gré
les données anciennes, bien plus d'après ses impres-
sions porsonnollos que d'après la considération exacte
do leur sens primitif? Le second Age,par exemple, l'Age
d'argent, devait être à l'origine un âge do bonheur, dif-
férent toutefois do l'Ago d'or par uno diminution de
force et d'activité. Cette idée d'affaiblissoment a frappé
Hésiodo,et, enla développant à sa manière par des traita
vigoureux et hardis, it a créé une description d'une
beauté à la fois étrange et obscure, dont l'elfot est aussi
grand que la signification en est vague. Un monde peu-
plé d'enfants, mais d'enfants vioillis, à qui l'Âgen'apporte
point la raison, voilà ce qu'il imagine. Dans cette lan-
gueur mêlée de folie et do violences, quelle place pour
le bonheur? et sans le bonheur, que devient le sens
gé-
néral du vieux mythe?'l
« Uneseconderace.bien inférieure,fut faite ensuitepar les
1. Travaux,70-82.
409 C1IAP. XI. – LES TRAVAUX ET LES JOURS
habitante de l'Olympe la ra«s d'argent. Elle n'était égals
a la race d'or ni par la oorps, ni par l'esprit. Durant oant
année*, chaque être, enfant, grandissait auprès de sa mère
eu m jouant sans raison dans «a demeure. Puis, quand la
jeunesse arrivait, quand 1U atteignaient l'Age qui en marque
le début, ils no vivaient plus que peu de temps, souffrant
de leur Irréflexion. Car lia ne pouvaient s'abstenir, tes uns &
l'égard des autres, delà violence téméraire, tta ne voulaient
pas rendre "hommage aux dieux, ni aaorlfler sur les autels
des bienheureux, commele» hommes doivent le faire en sui-
vant les coutumes. Alors Zeus, fils deCronos, les fit dtap«.
rattre, Irrité de ce qu'ils n'honoraient pns («adieux, habitants
de l'Olympe •.»JI
C'est un privilègo pour un poète moraliste, venu dans
un âgo de conceptions encore mythologiques, que do
pouvoir former ainsi des imagea qui intéressent et cap.
tivent les csprits sans les satisfaire. L'obscurité ot l'in.
décision de la pensée, dorrière la clarté vigoureuse de
la pointure, créontuno sortede profondeur mystérieuso,
ou toute une nation va chorcliorpondunt dos siècles une
sagesse qui se dérobe toujours.
1. Mode,XVEtl,5*1-560.
494 CUA1VXI. LES TRAVAUXET LES JOURS
Tout est largo dans cette sereine ot pacifique des.
a
eiiptioti. ka poéstedola naturoainsi comprise quoique»
«litiged'ttâroYquo ot do royal, qui convient admirable»
menta l'épopée. Dans l'Odyssée, nous l'avons remarqué,
les choses sont déjà plus simples. Los établos d'Eumép,
non habitation «utiquo, le mur bas do la cour tutti
la rudu exis-
tapissé des pousses du poirier sauvage, ft demi
tunco qu'il mène là avec ses chions do gardo
rérocos, la nuit passé» auprès du feu, tout cola forme
uu tubloau d'un genre plus familier, où noua voyons do
Otroou ce temps la vie du paysan
plus près co quotlovait
naturelle do l'épopée
grec. Mais, là môme, la grandeur
intervient encore, ol la marcliode l'action, l'importance
dos personnages, l'intérêt des sentiments
dramatique
no laissent aux clétaila descriptifs qu'une valeur accus.
soiro. i
II on ost tout autrement dans les Travaux d'Hésiode.
Ici la naturo n'est plus simplement un fond de tabloaa
ni un décor la vie rustique est le sujet mémodu poème,
Ni
ot la nature avec le paysan sont au premier plan.
l'un ni l'autre d'aillours n'y sont idéalisés commo dans
ni do vastes do-
l'épopée. Plus do lointains horizons idées
mainos, plus do larges descriptions éveillant des
à
do grandeur, d'abondance et d'ordre. Nous sommes
le
Ascra, au pied de l'Hélicon, mauvais pays, nous dit
et glacé on hiver par
poète, brûlé par le soleil en été,
le vent du Nord. On y travaille durement, on y souf-
fre, on y dispute au sol une subsistance incertaine, et
on a grand'peine à s'y défondre des brouillards malsains
et dos intempéries de l'atmosphère. En outre, le paysan
d'Hésiode est pauvre; petit propriétaire économe, qui
ne possède qu'un attelage do bœufs, qui fabriquo lui-
et
même sa charrue, son vêtement do peau do chèvre
ses chaussures. Son champ est étroit et ne ressemble
on rien aux riches campagnes des bords de l'Hermos.
POÈBIt: DE LA NATURE 4U&
V!
Il ne nous reste que quelques mots à dire du poème
des Travaux. Que faut-il penser do la langue dont le
homé-
poète se sert ? En quoi diffère-t-elle de la langue
sont tes caractères q
rique ? quels en propres ?
Le dialecte dont Hésiode fait usage est à pou de chose
vieil io-
près celui des poèmes homériques c'osl le
nien, mélangé de formes archaYques et de mots qui
certainement n'ont jamais ou cours que dans la poésie.
Nous avons déjà fait remarquer l'importance capitale
de ce fait pour la chronologie littéraire8.
G«verbeest ho-
i. Travaux,444 MijxItiitamafvuvnpbç4|uqXixa;.
LA LANGUE D'HÉSIODE! 609
liment dans cette spirituelle façon de parler? Et quand
il recommande do no pas prendre un serviteur trop
jeuuo, avec quelle lîno intelligence du langage popu-
laire no transforme t-il pas une expression d'ailleurs
courante pour nous faire voir son personnage rêvant
aux plaisirs do son Age au Hou de travailler « Un
» homme trop jeune a toujours l'esprit en l'air à la
» poursuite do ses compagnons » A chaque instant,
chez Hésiodo, nous rencontrons do cos vives inven-
tions do stylo. qui révèlent ,lo vrai poète. Il sait faire
beaucoup avec peu do chose, comme tous les grands
artistes; les mots lus plus ordinaires deviennent dos»
criptifs entre sos mains par la façon dont il les appro-
prie à son idée. Veut-il nous représenter la moisson mûre
et abondante du paysan laborieux quo les dieux protè-·
gent? Il un nous montrera pas, comme Virgile, les blés
dorés qui ondulent au loin, car ces grandes imagos lui
sont pou familières mais en un vers tout frappé à son
emproir.te, avec un mot abstrait un peu lourd et un
mot pittoresque fort simple, il nous fera voir les tiges
qui plient souslo poids des épis bien pleins
âii xsvâSpovwr,?t«£u<; viûoitvIpseÇe*.
'1. Travaux,475.
2. Travaux, 480.
3. Signalons aussi quelques expressions énigmatiques, telles que
« le mortel A trois pieds » pour dire « le vieillard », v. S33; « l'ani-
mal sana on », pour désigner un poulpe, v. 524 • l'arbre à cinq bran-
ohes », c'est-à-dire la main, v. 743. Il n'est pas sûr que les passages
et »\\m m tmavent soient d'Hésiode, mais elles n'ont rien qui répa-
gne A sa manière.
4. Quintilien, X, I, 52 Raro assurgit Hesiodus. tamen utiles
DIFFUSION' DE LA POÉ>JilK PRATIQUE 605
Yll
tionassezrécente,misebouslenom du vieuxpoètedesTravaux.OU
friedMillier(ProLad Myth.,p. 193)la considéraitcommeappartenant
à la périodealexandrine.
1. Scol.de Pindare,Pyth., VI, 19.
2. Pind., Pyth., VI.
3. Bachmann,Anecd.Graeca,II, p. 385 (Didot.Ari&toph.fragm.,
XVIII).
008 CHAP. XI. – LES TRAVAUX ET LES JOOBS
SOMMAIRE.
1. Idée de la poésiegénéalogique.– H. Analysede la Théogonie,
III. Unité primitivedu poème.Desseingénéralde l'auteur.Con-
jectures sur la date de l'œuvre. Accroissementsprobables.
IV. Mérite poétiquede la Théogonie. Versificationet languedu
poème. – V. Autrespoèmesgénéalogiquesattribués à Hésiode
les Catalogues,les GrandetÉées,etc. Petites épopéeshéslodi-
ques.
II
Puis il continuait
III
'<)'4t<4tt))K)Mt~')t<t)tft't(t~)~t't"t~("t't't)~)t"f<ft"t't
~))4t.,))t)ti.)))')t.~).tt)«'~HtXt'))t)Wtt)~)''<'<<A"M~.
CHAPITRE XII. – LA THÉOGONIE
588
IV
l< fi<iu.d'IUUti..
du ituiial..il, u.il itJtùUbi)
i Hluk&Qi U&VW
fih~nl(.1
~N(~9~k~~ir'! ~i Iü~ia(,ti.~
I~4~4:nNflya~7v
;111,ilii;
'p~tt)f. :i·7I!
V1~· ~il~
MÉRITE POÉTIQUE 535
t. ~n",tr~lu,k~;lia7~.
536 CHAPITRE XII. – LA THÉOGONIE
f. 1'f'Uff/lll'':'t<<
MÉDITE POÉTIQUE 537
t, ÏM'iicitit, im-M'l,
MÉRITE POÉTIQUE 539
t, ')h<u,i/t,nw,
(m tit hiiIv, Muiihl'iiiiiilynii<|iil(it'àiuVI»,
mm* uvoiih
"innulAm Mnvoftitu Mainloi, doua r>mv
(îniiittioiiM<tit<1t1ltir)n|ii'ii|i<ift|fl
utiUrtMHlit Ï7i*<iw Mit» tfuVIInmkI,ut Ikh |wt|c4 H.Witmi»" ».<i»t
l'Ht'KtMlu
Itt InmulAItitAiHlvutilt lutil,
540 CHAPITRE XII. – LA THÉOGONIE
i. Itzacb,oiw,cittf,p. iliH.
S. Soolbeor,VtrtuehttieVrfltrmtfw Th<mu»i»i* uaahtuwtiu». lierlln.
1817.liiit|i|io, (Setter<«*'théogonie de*llrwd, Ititrlln.iRtt. 0. llnr-
maiut,l'« lle»mdifi>ruwunti<iul»tlmu, I. VUD.A.K;»»ly,
tHHii'tyiM»».,
llediwii lte»l<4m<> fb«t>u»»i«t>|»«i'«A««,Xurloli,i««0(«jim».î«/i*«I-.
t. I). A. l'V.k,fin Mtpi-unuliehefyuwtifitm ma tanung der hniu-
<<)M~'n'fAt"&f"<ff, 1HNH tlrd(tw, t. I~aHrtad. <M~e«'< bprrrohau.
XII,t-Ut.
LANGUE ET VERSIFICATION 5il
1. Marckscheffel, p. 10t.
S.Il n'est pas douteuxque lesÉtet n'aientforméle quatrièmelivre
des Cataloguai.Cela résulte clairementd'un passagede l'argument
du Bouclierd'Héraclè».d'aprèslequelledébut de ce petitpoèmeau-
rait été empruntéà cequatrièmelivre des Catalogue*; or ce début,
commesa form3l'indique,estuneÊde("H ofyitf>oX«it«5»« 84s»o«ï.).
11y avait doncidentitéentreles Ê4e$et le quatrièmelivredesCata-
logues.
POtMKS GÉNÉALOGIQUES DIV8RS 546
mène. Coronia,Mékioniké, Kyrènéet Antiope,appartien-
nent à la Thesaalioou à la Bôotio.En second liou, les
récita y tenaient beaucoup plut do placo. Nou» pouvons
en juger par le fragment emprunté &l'Éée d'Alomène,
qui forme aujourd'hui te début du petit poème intitulé
Bouclier d'Héraclès. Évidemment l'idée généalogique,
•ans êtro absente des Êtes, n'y avait pas lu mémo im-
portance que dan* les Catalogues,
Nous ne possédons plus aujourd'hui los moyons d'in-
formation indispensables pour diacuter suit lu date, suit
t'originu des Catalogues ni des Êtes, Tout co que l'on
peut dire à ce sujet, c'est quo si les allusion» histori-
quos qui figurent dans les fragments n'ont pas «té in-
s6rées après coup dans ces poèmes, on aérait ou droit
do los rapporter avec vraisemblance uu vu* siècle (.
A cos épopées généalogiques au rattachent plus ou
moins directement quelques petits poèmes, quu l'anti-
quité avait pris l'habitude d'attribuer &Hésiode,dovenu
pour elle le représentant du gonro tout entier.
Tel est d'abord le Bouclier d'Héraclès, qui est venu
jusqu'à nous. C'est une composition d'environ cinq cents
vers, dont los. premiers sont empruntés aux fk'es Le
sujet apparent est le combat i'IIéraclès contre Kycnos,
(ils d'Ares, qui arrêtait auprès do Pagases en Thessa-
lie les offrandos dostinées au tomplo de Delphes. En
réalité, l'autour somblo s'élro proposé principalement
de décrire le bouclier d'Iléraclès. Cotte description
(v. 141-319) a donné son nom au poème tout entier;
1.Onpeutvoir4cesujetMarckscheffel, p. !3S;maisil ne fautpaa
Il dlwlmulerqu'enMieceaootlà du questions inmlubloa,oùnous
devonsnouacontenterde déterminationa probables,maisassezva-
gTMB.
«. Argum.. III T«i«'Aoicitat ipxh *» *$ K<n*Uy<?ç ipttai (iix(>.
nlxm v' sa\ C'. Cela serait évident, même sans ce témoignage. Il a
dixmoins l'avantage de nous bien prouver que le Bouclier a'ut pas
une des Éit», ce qui résulte d'ailleurs clairement de la nature même
da poème.
HW. 4* I* Ult. Oftcqat. T. L 35
546 CHàPITJRl XII, Lk THÉOGONIE
BIBLIOORAPHIE
Manuscrits. – Pour les manuscrits des Hymnes et de la
BatrachomyomachU, consulter Baumets ter, Prolégomènes d*»
l'édition des Hymtus mentionnée ol-après et Prolégomènos
orittques delà Balrachomyomachie,et surtout A. Geinoll préface
de son édition des Ilymnet. Un des meilleurs est le ms. de Flo-
rence, Laurentionm, XXXII, 4», LdeBaumeister. Mais le clas-
sement général est encore sujet à contestation. Le manus-
crit de Moscou {Moseovieiuis,aujourd'hui à Leyde), du xiv*
siècle, nous a seul conservé l'Hymne à Dèmêter(voir plus loin,
p. 580) c'est le plus correct en apparence, mais non le plus
fidèle au texleprimttlf;beauooupdele$ons qui lui sont parti-
culières semblent dues à un interpolateur. Il y a en outre
trois manuscrits des Hymna à Paris (2763,2765 et 2833, A, B,
C de Baumeister, xvi« et xiv» siècle); deux à Mitan du xv»
siècle {AmbroMianiD et S de Baumeister) enfin deux au Va-
tican ( Patatinua f79, xv. siècle, et Raginansia 91, du même
temps).
La Balrachomyomachieest ordinairement jointe duns les
manuscrits à VUktde et à YOdyuêe. Mais elle ne figure que
dans des manuscrits relativement récents, où elle est trans-
crite de la manière la plus incorrecte. Ces manuscrits provien-
nent, d'après Baumeister, d'un même archétype alexandrin.
Consulter aujourd'hui sur ce point Ludwich, Batraekomaehiae
archetyput et De codidbus Batraekomaehiae, dans Berliner phi-
lolog. Woehensehrift, I89S, 20*livraison.
558 CHAPITRE XIII.– FIN DE L'AGE ÉPIQUE
Éditions.– Voir Bauraelster, ouvrages oltés. –Les Bymnn
iv« la totmkmvmatki* et les Épigrmmti ont été imprimé*
pour la prunier* fols d»n« l'édition prlnoep* des poéalt.»
d'Homère par Démet riu» Chalooudyle, Floreuoe, IMS.– .m
premières corrections de quelque Importance aont duM A H.
Estlenne, Paris, 1866et 1588.- Il suffira de rappeler, aux vu*
•t au xvai' siècle les nom» de Bar nés, d'Ernestl, de Wolf
l'Hymne d Dimêttr, découvert en 1780, a été publié pour lu
r entière fol» par D. Ruhnken, Leyde, 1781. Mentionnons
aussi, en raison de ses abondants commentaires, l'édition
des Hymntt, d, la BatraeXomyomaekUet des Êpigrammu, duu à
Ilgen, Halte. 17M. – Dana notre sléole, les Uymnn ont été
publiés avec la Batrarhomyomnchiepar A. Matthim, Lotpzlg,
180»; lesHymnciiet les Épjjra ww«ipar God. Hennunn, Berlin.
1809 les Uymnet, les Spigrammet, les PngmtnU et la Butracho-
mymaehk, par Fr. Franke, Leipzig, 1818 (3* vol. des Homtri
tarmHta da G. Dindorf et Fr. Franke), par Bothe (Homeri car-
mina, t. VI, Leipzig, 1835), par G. Dindorf dans la oollection
Dldot (Homtri earmlna, Paris, 1837).Il faut citer t\ part O. Bau-
melater (Batrachomymaehia, Gœttingen, 1852 Hymni, avec un
apparatue critique et des notes, Leipzig, 1860) ne savant a
plus fait que toua ses prédécesseurs pour établir le texte cri-
tique des II y mnes.L'Odyuéed'K Plerron (Paris, 1875) contient,
A la On du second volume, la Hatrachomyomaehie, les Hymnes
et les Èpigrammes le travail de Baumeister y est fréquem-
ment cité et mia à profit.
D'Importante» améliorations ont été apportées dans ces
derniers temps au texte de ces poèmes par E. Abel {Homeri
hymni, epigrammuta, batrachomyomachia,Leipzig, 1886). A. Ge-
moll (DietiomerischenHymnen,Leipzig, 1886, avec un précieux
commentaire critique et explicatif) enfin A. Goodwin (Hymni
Aomerici,Oxford, 1893).
HYMNES HOMÉBIQUKS 55S
aOMMAIRK.
I. Fin del'As»éplqttt.Lmllymntt dit* homérique».l*$Épigrammn,
II. La BalrtKkomifomachh;
la MuyWt, III. L'espritgrecà la
finût l'âgt éplqo*.
II
III
1
y t'
FIN DUTOMEPHEUIER
TABLE DES MATIÈRES
Pag<
Préface • v i-xxxvi
INTRODUCTION
Bibliographie de l'i««fe. 98
I. Nécessité d'analyser les poémes homériques pour trou-
ver Hombre. Division de l'Iliade en livres et sections. 100
II. Livre I la Querelle. Sa valeur et son importance. t03
578 TABLEDESMATIÈRKS
III. Livre» H-X tluptuM du pltro primitif. Sujet» variés, m
IV, Uvre XI: Iletmir a l'itUe principale la P^f«Uf<rA</a-
mmuntut H de ter tumpagnam en l'ftbsane* d'Aeuilte. ISS
V. Livre* XII-XV Dévalappamenl <tyl§ -dlqua d» la Ilot»
lion VAttaqut <la nintp et île» vahteuux, ISS
VI. Livres XV<ftn)-XVIIî In Pahwtif U9
VU. Uvres XV1U-XXI V. I.n II» du pa«ma ou AthilléUI», cons-
titua» autour Ju râcit do 1» JU«rfd'Hector (XXII» livro) i(9
VIII. Canuln^iona 163
Bibliographie de VOdyuée. MT
I. Indépendance des questions relatives à VOdytTt», î<as qua-
tre premiers Uvres 260
TABL8l)E8MATlâRBS 578
II, Uvres V-YIII Ulyua «bai les Piiàgoiana 86»
III. Ltvrw IX-XII: !*• récita d'Utywa ( 'AJmfawàij4*OY«t> 87*
IV, livres X111-XV1 la rentré» d'Ulysse AIilm<|iu> gai
V. Livre» XV1I.XX le* épreuves d*Uly#»o dm* «on jm-
txl» m
VI, Livra» XX1-XXIV 1» v«mge«o« d'1'lyaae SOI
Ctlfcl*.VI. – KoUUATIùN-
MBl,'U(iVSSÉK,
Cn.w. XI. LES Th.waux ct lks Jours «.r l*. I'oêsie puxtkjuk
/J f.
tapriumm- ifintnif de C.lullillon-sur-Seiao.
– Pichat tPptws '• •
BIBLIOTHÈQUENATIONALE
ATELIER DE RELIURE
COTE> '
OCVSAGE
RESTAURÉ
LE rU M 1 V |i^
ItSIJÊ iE I. – – -–•