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Bouddha-Gautama ou Chakyamouni, sage de l'Inde, né vers l'an 622 av J -C.

mort vers 542, était fils d'un prince du Bahar, de la famille royale des Chakyas, et se
nommait d'abord Siddharta. Les Bouddhistes le regardent comme la 4 incarnation de e

Bouddha ou de la raison suprême. A 29 ans il se retira dans la solitude ce qui le fit


surnommer Chakyamouni (c.-à-d. le Chakya solitaire), et il parvint bientôt à la
perfection de la science ce qui lui valut le nom de Bouddha. Il prêcha sa doctrine dans le
Cachemire, et après avoir fait un grand nombre de disciples, il monta sur un arbre, et
mourut après y être resté deux mois et demi en méditation. Ses préceptes ont été
recueillis par ses disciples. Les Chinois placent Bouddha au XI av. J.-C.e

Bas-relief du musée de Calcutta. Episodes de la vie de Chakya-Muni,


en remontant de bas en haut : naissance, méditation, enseignement, Nirvâna.
D'après une esquisse faite à Calcutta par Th. Pavie.

En bibliothèque - Barth. St Hilaire a donné en 1859 : Du Bouddhisme.

Bouddhisme, doctrine prêchée en Inde vers la fin du V siècle av. J.-C., ou le


e

commencement du VI , par le prince Çâkya-muni, surnommé le Bouddha, c'est-à-dire le


e

Sage. Cette doctrine, devenue bientôt une religion, après s'être répandue dans la
presqu'île indienne, ne tarda pas à se propager au dehors, dans toutes les directions, fut
adoptée dans le Tibet, la Chine, la presqu'île au delà du Gange, Ceylan, et portée jusque
dans les régions habitées par les Grecs, peut-être même jusqu'en Amérique. Expulsée de
l'Inde par le brahmanisme renaissant, elle continua de fleurir dans l'Asie orientale et dans
la haute Asie; elle compte maintenant 200 millions de sectateurs environ. Le
bouddhisme, malgré son immense extension, n'à commencé que dans le siècle présent à
être connu des Européens; aujourd'hui même, sa valeur comme religion, comme
philosophie, comme établissement social, n'est pas encore suffisamment bien appréciée.
Son origine indienne n'est prouvée que depuis peu de temps; tour à tour on l'a considérée
comme une secte théosophiste venue du nord, et comme une contrefaçon nestorienne du
christianisme; on a fait du Bouddha un asiatique, parce qu'il avait les yeux obliques, un
Africain à cause de ses cheveux crépus. L'étude des monuments originaux et
authentiques du bouddhisme a dissipé ces suppositions bizarres ou impossibles. Quatre
savants ont surtout contribué à rétablir la vérité : Schmidt, à Saint-Pétersbourg, en
exposant les faits relatifs à cette religion d'après les livres mongols; Abel Rémusat, à
Paris, en traduisant ou dépouillant les livres chinois; Csoma de Coros, en rapportant de
l'Inde les traductions tibétaines des originaux sanscrits; Eug. Burnouf, en exposant les
faits et les doctrines contenues dans ces originaux eux-mêmes, que Hodgson avait
envoyés du Népal à Paris et à Londres. C'est d'après ces documents, dont quelques-uns
sont antérieurs à l'ère chrétienne, que nous allons exposer les principaux points de la
religion bouddhique.

Les livres de la collection népalaise se divisent en trois classes : les Sûtras simples,
représentant le bouddhisme primitif ou du moins cette doctrine telle qu'elle fut arrêtée
dans le 3 concile; les Sûtras développés, contenant les mêmes récits, mais entourés de
e

beaucoup de circonstances merveilleuses et singulières, témoignant, en outre, par la


langue dans laquelle ils sont écrits, que leur composition est d'une date plus récente; les
Tantras, d'une rédaction moderne, remplis de formules magiques, contrairement à
l'esprit du bouddhisme primitif, et offrant à chaque pas l'alliance de cette religion avec
les cultes de Vishnu et de Shiva. C'est donc dans les Sûtras simples qu'il faut chercher1 la
véritable doctrine du Bouddha.

D'après ces livres, l'Inde, au commencement du VI siècle av. J.-C., était divisée en un
e

grand nombre de petits États indépendants; les guerres d'État à État, causant le ravage
des champs et des villes, la misère et la ruine des familles, étaient la condition ordinaire
des peuples; pour se soutenir sur le trône avec un éclat qui imposât le respect, avec des
ressources pécuniaires propres à entretenir des armées, le plus souvent étrangères et
stipendiées, les râjas étaient poussés non seulement à l'absolutisme, mais à la violence,
au déni de justice, à l'intrigue, à la corruption des juges, en un mot, à cette absence de
sécurité, le plus grand vice des sociétés orientales. La religion n'était un refuge que pour
la caste privilégiée des brahmanes; des autres castes, l'une trouvait dans la guerre et dans
les alliances royales deux moyens de s'enrichir et d'opprimer le peuple, et les autres,
vivant de leur commerce, ne participant que fort peu aux biens de l'esprit, étaient une
proie offerte à l'avidité des castes supérieures. Delà pour ces dernières un extrême
relâchement des moeurs, pour les autres une vie pleine de déceptions, d'amertume, de
désespoir. L'Inde, du reste, était parvenue à une civilisation avancée par ses oeuvres
littéraires qu'elle avait produites et par le développement de son commerce et de son
industrie le luxe avait passé des classes élevées dans les rangs inférieurs de la population
libre luxe auquel la constitution des castes n'était nullement défavorable. Mais l'extérieur
de la richesse ne rendant les hommes ni meilleurs ni plus heureux, les dernières de ces
castes n'étaient pas moins livrées à la misère et au vice.

1
Note de Jacques : de nombreuses écoles bouddhistes réfutent cette exclusion des autres
sources ; le bouddhisme n’ayant aucune autorité souveraine apte à maintenir unifiée la doctrine
et à l’interpréter selon la volonté du fondateur se divise et subdivise en d’innombrables écoles
(on ne saurait ici parler de chapelles ou d’églises, le bouddhisme n’étant pas une religion, une
religion supposant relation avec un dieu personnel).
Le Brahmanisme, dont les hautes doctrines ne descendaient jamais dans les castes
inférieures des marchands, des laboureurs et des esclaves, ne leur offrait aucune
consolation, aucun refuge; au contraire, par la doctrine des existences successives,
admise par toutes les écoles spiritualistes de l'Inde, il leur présentait la sévère
perspective de retours sans fin dans une vie où la malheur était leur lot principal. En
effet, la plus belle de ces théories brahmaniques, celle qui est exposée dans la
Bhagavad-gîtâ, ne promettait la vie éternelle, exempte de renaissances ultérieures,
qu'aux hommes dont la pensée contemplative avait pu, dès cette vie, s'unir, s'identifier
avec Dieu; les personnes de bien, mais d'une vertu moins sublime et aussi d'une pensée
moins philosophique, ne parvenaient qu'au ciel, dont ils jouissaient un temps, pour
recommencer ensuite une vie nouvelle. La science, c.-à-d. la théosophie, étant le
domaine exclusif des brahmanes, on voit que l'avenir annoncé à presque tous les
hommes était une série presque sans fin de renaissances, un avenir sans espoir.

Soustraire le genre humain à cette loi fatale de la transmigration, à ces résurrections


incomplètes qui n'étaient que des retours variés à des misères sans cesse les mêmes;
appeler à un commun et semblable avenir toutes les castes, tous les peuples, et dans
chacun d'eux tous les hommes, telle fut l'oeuvre entreprise, par le bouddhisme. II fallut
donc tout d'abord opposer la pratique à la théorie, mais non à la manière des écoles
brahmaniques, pour qui la pratique ne pouvait être bonne que si elle reposait sur une
théorie parfaite et bien comprise par le bouddhisme la vertu fut en quelque sorte
substituée à la science, par cette déclaration expresse, que la vertu réside dans la pratique
du bien, qu'elle est la même pour tous en théorie, qu'elle se diversifie selon la condition
de chaque homme et les circonstances où il est placé; indépendante de la pauvreté ou de
la richesse, de la puissance ou de l'esclavage, de la peine ou du plaisir, elle l'est encore
de la science et de l'ignorance, au moins quant à la pratique de la vie et à la préparation
du salut. Toutefois, en proclamant ainsi que tous les hommes sont égaux devant la loi
morale, et que la vertu établit entre eux la vraie et première différence, le bouddhisme
fut loin de proscrire la science; les Sûtras la rangent entre les six perfections
transcendantes, à côté de l'aumône, de la pureté, de l'énergie, de la patience et de la
charité. La science fut toujours chez les Indiens un signe de supériorité parmi les
hommes, et les hautes études de théosophie exigées des brahmanes n'ont pas moins
contribué que leurs vertus et leur ascétisme à leur conserver le respect des peuples :
mais, pour les bouddhistes, la vertu est le premier objet à acquérir, la science vient après;
l'une et l'autre est comptée parmi les signes caractéristiques d'un homme supérieur. Le
bouddhisme fut donc une religion pratique opposée à un ascétisme spéculatif, une
doctrine s'adressant à tous, opposée à une théosophie de caste. II en est résulté, dans ces
deux religions, des conséquences tout opposées : l'une est demeurée concentrée dans
l'Inde, jalouse d'être le domaine privilégié des Aryas; l'autre, après avoir ouvert son sein
aux castes déshéritées, s'est répandue au dehors avec un puissant esprit de prosélytisme,
et est devenue la religion dominante de l'Asie.

Le bouddhisme ne s'est pas donné dès l'abord comme un ennemi du brahmanisme : le


Bouddha ne se présentait que comme un réformateur, ou plutôt comme un restaurateur
des croyances brahmaniques. II admet les dieux du panthéon indien; il parle d'eux avec
respect et comme d'êtres supérieurs dont il ne conteste en rien la réalité; ces déités,
sortes d'anges ou de génies qui, pour les brahmanes, étaient bien inférieurs au dieu
unique Brahma, le Bouddha les connaît et les adjure en mainte circonstance; elles
reconnaissent elles-mêmes la sublimité de sa vertu et de sa science, et viennent lui en
rendre hommage. Mais, avec le temps, les nouvelles doctrines se développant furent en
hostilité avec l'ancienne croyance, et la lutte devint violente entre deux religions
prêchant également la mansuétude. Jamais, toutefois, le Bouddha ne s'est donné pour un
dieu, même incarné; et, s'il est vrai que, dans certaines doctrines bouddhiques presque
hétérodoxes, le fondateur de la nouvelle religion soit divinisé, l'immense majorité des
bouddhistes ne lui rendent qu'un culte honorifique, sans mélange de sacrifice ni
d'adoration. L'image du Bouddha que l'on conserve dans un grand nombre d'édifices
sacrés de l'Orient n'est pas une idole; c'est le portrait, prétendu authentique, de Çâkya-
muni, que la piété des fidèles entoure de souvenirs tout humains.

Quel est donc le dieu des bouddhistes? Déjà les brahmanes s'appuyant sur le Véda,
avaient conçu les êtres qui composent l'univers comme consubstantiels, sans leur ôter
toutefois leur personnalité, si ce n'est à la fin des temps; classés dans une immense
hiérarchie, ils avaient au-dessus d'eux l'être absolu et impersonnel qui, dans son inaction
primordiale, était le lien métaphysique et le principe d'unité pour l'univers : c'est
Brahma. Le bouddhisme adoptait cette échelle des êtres. Il fit plus: il ajouta de nouveaux
degrés au panthéon brahmanique, systématisant plus fortement encore cet ensemble déjà
bien systématique; dans les degrés supérieurs des esprits célestes sont placés des êtres en
qui dominent la pureté et la lumière, figures de la vertu et de la science; les déités
brahmaniques, pleines de désirs et de passions, comme celles des Grecs, sont fort au-
dessous de ces êtres parfaits dont la vie est toute de contemplation et tout immaculée.
Au-dessus d'eux y a-t-il quelque chose d'analogue au Brahma impersonnel des temps
antérieurs? Les Sûtras ne le nient pas; ils ne l'affirment pas non plus. La doctrine
bouddhique a donc flotté indécise sur la question de l'unité primitive, question de théorie
pure, qui n'intéresse guère la pratique; et si elle a mis, au-dessus des dieux
brahmaniques, des degrés nouveaux dans sa hiérarchie des êtres, c'est qu'elle n'a pas
trouvé dans ces dieux de désir, comme elle les appelle, des types suffisamment purs de
la vertu et de la science. La question que nous avons posée ne peut pas se résoudre, dans
une religion panthéiste, comme elle se résout chez les peuples occidentaux. Dégager de
toute imperfection terrestre les êtres personnels, c'est le plus qu'une telle religion puisse
faire; et elle ne peut s'expliquer touchant l'unité absolue, sans prêter à la controverse,
perdre son autorité et sortir de sa voie. Aussi le bouddhisme primitif n'a-t-il pas de
doctrine arrêtée sur ce point.

Comment cette religion résout-elle la question de la vie future et de la destinée de


l'homme? L'immortalité de l'âme ne peut pas être entendue dans les religions indiennes,
c.-à-d. panthéistes, comme elle l'est chez nous. En effet, la personnalité humaine, le moi
est conçu, dans les doctrines occidentales, comme caractérisant un être individuel dont la
substance est non seulement distincte, mais séparée de celle des autres êtres, avec qui
elle ne peut jamais s'identifier. La contemplation divine est promise aux justes comme
une suite naturelle de leur identité, contemplation face à face, qui ne peut à aucun titre
devenir une absorption de leur être dans l'être divin. Supposez que la conscience
humaine ne soit pas reçue pour un témoin suffisant de l'identité de la substance, et que
son autorité soit limitée aux seuls phénomènes internes qu'en effet elle nous révèle : la
substance perd aussitôt son individualité; ou du moins rien ne peut plus l'établir, pas
même le principe absolu de la raison, aussi bien applicable à la substance unique et
infinie des panthéistes qu'à la multiplicité des substances des Occidentaux. Ainsi donc,
l'âme étant conçue comme une manifestation passagère de la substance infinie, son
immortalité n'est pas celle d'une substance individuelle et bornée : l'être individuel n'a
d'existence que dans ses relations avec les autres êtres; et comme ces derniers n'ont pas
dans leur fond plus de consistance que lui, il ne dure qu'autant que durent ces relations
elles-mêmes; si elles se suppriment pour quelque cause que ce soit, l'âme est
nécessairement anéantie. Ce principe métaphysique du bouddhisme a été récemment
confondu avec le point de départ de l'épicurisme dont il diffère profondément; et l'on en
a tiré cette conséquence, que le Bouddha était un disciple des sectes matérialistes et
athées, conséquence inadmissible pour qui sait ce que c'est que le panthéisme.

Les relations de l'être humain avec les objets enchaînent l'âme dans les liens de la
matière, et la privent à la fois de sa science en l'éblouissant par leurs apparitions
fantastiques et mensongères, et de sa vertu en lui inspirant les désirs nés du contact et du
plaisir des sens. Au contraire, par la pratique des six vertus transcendantes que nous
avons énumérées, vertus qui constituent l'essence religieuse du bouddhisme, l'homme
prépare et accomplit par degrés son affranchissement; s'il n'a pu l'achever dans la vie
présente, il tenait, selon son mérite, dans une vie déjà meilleure, et, parvenu enfin, à
force de vertu et de science, à se délivrer de la folie du monde, il échappe à la dernière
relation qui l'attachait encore à la vie, et entre dans le nirvâna. Cet état final, duquel on
ne revient plus, est-il un anéantissement absolu? Les diverses écoles bouddhiques n'ont
pas résolu cette question d'une manière uniforme : mais, certainement, les plus anciens
livres orthodoxes donnent le nirvâna comme la destruction de toutes les conditions de
l'existence; et comme la personnalité est une de ces conditions, tout nous porte à croire
que le bouddhisme orthodoxe l'a considéré aussi comme une de ces illusions qui nous
enchaînent à la loi de transmigration, et qu'il en a présenté la destruction comme le terme
désirable de la vertu et de la science.
On peut maintenant concevoir les conséquences morales de la doctrine bouddhique : la
science vraiment bonne n'est plus celle qui, reposant sur le Véda, constituait la théologie
brahmanique, science de caste, accessible à un petit nombre; la vraie science nous
enseigne à reconnaître les vrais biens d'avec les faux; et quand le but moral de la vie est
ainsi reconnu, l'énergie par laquelle nous luttons contre les plaisirs sensuels, nos vrais
ennemis, la pureté par laquelle nous leur demeurons étrangers, la patience qui nous
apprend à supporter les maux imaginaires de la vie, la charité qui fait le lien commun de
l'assemblée des fidèles, l'aumône, conséquence nécessaire de la charité, ces vertus
deviennent les moyens pratiques d'affranchir l'âme et de la conduire au nirvâna. La
partie du dogme qui concerne la morale est certainement le plus beau côté de la doctrine
bouddhique. La pratique des six vertus transcendantes, qui se diversifient et se
subdivisent en cent autres vertus, selon les circonstances de la vie, a exercé sur les
peuples devenus bouddhistes une grande et heureuse influence. On ne doit pas oublier,
en effet, que le régime des castes maintenait une grande partie de la population dans une
sorte de dégradation d'où elle ne pouvait sortir. Le bouddhisme appela chacun au partage
des biens de l'âme, à cette amélioration morale qui est le véritable progrès. Si l'Inde est
retombée sous la domination brahmanique qui pèse encore sur elle, trois grands peuples
sont là pour attester la transformation des moeurs opérée chez eux par le bouddhisme :
ce sont les Chinois, les Siamois, les Mongols, dont la férocité première a été comme
domptée par la douce influence de cette religion. La charité est, en effet, l'âme du
bouddhisme, et il est telle contrée de l'Asie où cette vertu est poussée, même à l'égard
des infidèles et des méchants; jusqu'à l'abnégation et au sacrifice de soi-même. Cette
vertu a introduit dans le génie du bouddhisme l'esprit de prosélytisme: le bouddhiste est
plein d'une ardeur sympathique pour tous les hommes; convaincu de la vérité de sa
croyance, et pour obéir aux préceptes du maître, il ne désire rien autant que la
conversion des hommes à sa propre loi; prosélytisme plein de douceur et tout spirituel,
qui établit entre les bouddhistes et les musulmans la différence de la mansuétude et de la
violence. Le Bouddha se donna pour mission de sauver les hommes en les mettant sur la
voie du nirvâna ou de l'affranchissement; quand on lui proposa de les contraindre à le
suivre, il refusa en disant : "Ma loi est une loi de grâce pour tous", donnant par là à sa
doctrine une portée en quelque sorte universelle, et convoquant dans son assemblée tous
les hommes à la lois. Sa loi possède même une sorte de pouvoir rétrospectif : on ne lit
pas sans étonnement la légende d'un de ses disciples, conversant, dans une vision
surnaturelle, avec sa propre mère morte depuis longtemps, lui enseignant la Loi, et la
convertissant au milieu du choeur des justes.2

L'Assemblée, composée de tous les hommes, égaux entre eux parce qu'ils sont tous nés
de la même manière et aptes au même enseignement, n'a d'autre lien que la Loi; et la Loi
elle-même est enseignée par le Bouddha. Ces trois mots : le Bouddha, la Loi,
l'Assemblée, sont comme les termes sacramentels de cette religion. L'Assemblée des
fidèles, où sont réunis sur le pied d'égalité tous les sexes, tous les âges, toutes les
conditions, comprend des docteurs qui enseignent et un peuple qui écoute; les
prédications, dont Çakya-muni avait donné le modèle, procèdent par légendes et
paraboles, et, en élevant parfois très haut les intelligences, se terminent par des
conclusions morales et pratiques. L'Assemblée réunit des hommes de toutes conditions;
néanmoins le bouddhisme n'abolit pas l'institution politique des castes : car, à Ceylan, les
castes sont florissantes au sein de cette religion. Mais la caste sacerdotale des brahmanes
était, sans contredit„ compromise par la vulgarisation bouddhique de la Loi; or, la caste,
se recrutant dans ses propres rangs, a pour auxiliaire indispensable le mariage; à Ceylan,
pour conserver l'égalité religieuse des castes, les bouddhistes ont à la fois ouvert à toutes
le sacerdoce et institué le célibat des prêtres.

Le culte bouddhique est le plus simple de tous les cultes, et sa simplicité même lui a
permis de se répandre dans de vastes contrées : il ne contient de sacrifices d'aucune
sorte.3 Le temple bouddhique, stûpa, rappelle le vase où furent enfermées les reliques du
maître; il est destiné, soit à en protéger quelque fragment, soit à contenir son image,
devant laquelle on vient déposer une offrande commémorative. Ce culte est tout
honorifique, et; dans son essence primitive, exclut toute pratique superstitieuse. Au
contraire, le culte des Dêvas, dans le brahmanisme; s'ouvrait à toutes les folies que
l'anthropomorphisme et le naturalisme peuvent engendrer. Toutefois, dans les temps
postérieurs, le bouddhisme fit des concessions aux imaginations populaires, contracta
des alliances avec les cultes des dieux, et ouvrit la porte aux superstitions. Par ces
accommodements, la religion du Bouddha : se trouva dénaturée et détournée de son but;
car le culte extérieur, le sacrifice, que le Bouddha avait déclaré inférieur à la morale,
reprit le dessus, et les vertus nouvelles que cette religion avait introduites dans l'Asie
furent de nouveau subordonnées à des pratiques plus voisines de l'impiété que de la
2
Note de Jacques : preuve que le nirvâna – destruction de la personnalité- répugnait au cœur et
à l’esprit de celui qui éprouva cette consolante vision qui contredit la doctrine de
l’anéantissement comme celle d’ailleurs des transmigrations de l’âme humaine.
3
Note de Jacques : il ne saurait y avoir de sacrifice là où il n’y a pas de Dieu personnel à qui le
sacrifice est destiné. D’ailleurs le christianisme a inversé la notion de sacrifice : jusqu’à la venue
du Christ les sacrifices étaient offerts à Dieu, avec la Rédemption c’est Dieu lui-même qui s’offre
en sacrifice afin de sauver les hommes. Jamais homme n’eût pu inventer un tel renversement de
perspective dans l’économie du salut. C’est bien en quoi l’acte de Jésus s’offrant sur la Croix
était scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs. C’est pourquoi dans son « Apologie »
Tertullien a pu écrire que la Croix était à elle seule la preuve irréfutable de la vérité des
évangiles car nul auteur n’aurait pu imaginer un tel évènement : « Le fils de Dieu est mort,
nous pouvons y croire parce que c’est absurde. Mis au tombeau, Il est ressuscité, ça
c’est certain, car c’est impossible. » Tertullien
religion4. Cependant, cette transformation du culte bouddhique fut loin d'être générale en
Orient; certains pays s'y laissèrent entraîner plus que d'autres : c'est ce que l'on remarque
au Tibet et surtout dans l'ancien royaume de Siam.

En résumé, le bouddhisme, donné par son fondateur comme une réforme du


brahmanisme, et appuyé par lui sur des prédications morales, sur sa vertu personnelle, sa
science et ses miracles5, avait pour conséquences des changements profonds dans les
idées, les moeurs et les habitudes de l'Orient. II en modifiait l'état social, en prêchant
l'égalité des hommes, et en instituant une loi commune, un culte universel en opposition
avec les cultes naturalistes auxquels l'Asie était livrée. II modifiait les moeurs et
adoucissait singulièrement les relations sociales des hommes, par cette charité
universelle qu'il apportait le premier dans le monde asiatique, charité fondée, non sur
une sensibilité variable et incertaine, mais sur l'idée même du devoir et sur cette pensée
que le bien fait aux autres et le salut qu'on leur procure ne nous sont pas moins
commandés que notre propre salut. Il modifiait, en particulier, la loi religieuse de l'Inde,
en proposant aux hommes un nouveau moyen d'échapper à la loi de la transmigration,
moyen praticable pour tout le monde, et non plus seulement pour les plus savants d'entre
les brahmanes; la loi se trouvait ainsi vulgarisée et arrachée à la caste qui en avait le
dépôt. Quant à l'état politique, dont toutes les parties reposaient sur la division des
castes, le bouddhisme ne le renversait pas, mais il l'attaquait pour ainsi dire par la tête :
car admettre, comme à Ceylan, des prêtres sortis des derniers rangs du peuple, et surtout
les astreindre au célibat, c'était détruire et dans son essence religieuse et dans sa source
naturelle la caste dominante des brahmanes. Cette dernière conséquence ne fut pas
d'abord aperçue par les peuples de l'Inde, et l'on vit se ranger autour de Çâkya-muni non
seulement des hommes de caste inférieure, mais des Xatriyas et des Brahmanes. La lutte
des deux religions ne commença que plus tard, lorsque la loi nouvelle était déjà acceptée
sur tous les points de la presqu'île cette lutte dura longtemps, puisque le bouddhisme ne
fut définitivement expulsé de l'Inde qu'au Ve siècle de notre ère. Les Djaïnas forment
aujourd'hui dans cette contrée une secte qui, par plusieurs fils, se rattache à la religion du
Bouddha.

Le bouddhisme, prêché d'abord dans l'Inde centrale par son fondateur, le prince
Siddârtha, fils de Cruddhôdhana, roi de Kapilavastu, issu de la lignée solaire d'Ixwaku,
prit ce nom du titre de bouddha, donné généralement à ce sage, qui, lui-même, s'était
nommé Çâkya-muni ou Solitaire de la famille des Çâkyas. Retiré du monde à 29 ans, il
4
Note de Jacques : « de l’impiété » et parfois du démonisme ! Le célèbre et vénéré Dalaï Lama
actuel n’honore-t-il pas discrètement la déesse Palden Lhamo, meurtrière de son fils, connue
pour supprimer les ennemis de la « vrai doctrine » et représentée traversant un lac de sang ? Le
même Dalaï Lama qui, dans un entretien à « Sélection » d’octobre 2003 page 108 déclare : « Je
ne crois pas en Dieu, ni en un créateur ». Nous voici désormais dispensé de lui donner le titre de
« Sa Sainteté ».
5
Note de Jacques : miracles totalement fantaisistes, invraisemblables, extravagants et dénués
de toute finalité morale contrairement à ceux de Jésus Christ et du reste attestés par les « écrits
bouddhiques »de façon contradictoires. (Voir le livre de Barthélémy St-Hilaire : Du Bouddhisme.
Édition Bélénos 2002).Les miracles de Jésus sont pour la plupart destinés à guérir des misères
humaines (« Matthieu 11.5 les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. »)
Ceux attribués à Bouddha, avec les caractères saugrenus précités, n’ont pour but que d’exalter
sa personnalité. On n’aura garde d’oublier,de surcroît, que l’ennemi de l’homme « menteur et
homicide » est capable non de miracles mais de prodiges aptes à séduire les personnes et les
détourner de la vérité et du bien pour lesquels il éprouve une farouche aversion. Sur les
prétendus miracles de Bouddha voir in fine.
passa dans la solitude plusieurs années où il se livra à l'abstinence et à la méditation.
Revenu dans la société des hommes, il prêcha sa nouvelle doctrine dans les cités et les
campagnes, où le suivait une grande foule de peuple. A sa mort, ses disciples, apôtres de
ses idées, recueillirent, pour les rédiger, les actions et les événements de sa vie, ainsi que
ses discours et ses enseignements; puis ils convoquèrent une assemblée de 500 religieux,
qui siégèrent à Râjagriha et formèrent le premier concile bouddhique. Les principaux
traits du bouddhisme furent arrêtés dans cette réunion; mais les points secondaires ne
l'ayant pas été d'une manière définitive, on vit naître un grand nombre de doctrines
divergentes, s'appuyant sur des récits et sur des livres imparfaitement autorisés. Pour
rendre à la religion nouvelle l'unité qu'elle perdait de jour en jour, le plus ardent
propagateur du bouddhisme dans l'Inde, le roi de Pâtaliputra (Palibothra des Grecs), le
grand Açôka, réunit le 2 concile, composé de 700 religieux; l'Assemblée siégea en
e

l'année 110 après la mort du Bouddha; elle fixa le dogme relativement aux premiers
développements de la loi nouvelle, et dressa la liste des livres canoniques. Enfin, 18
sectes s'étant formées encore dans le bouddhisme indien, un 3e concile dut se réunir,
environ 400 ans après la mort de Çâkya-muni, pour examiner leurs doctrines, les mettre
d'accord, et fixer pour toujours le dogme sur tous les points. Ce fut le dernier concile
bouddhique; tous trois sont antérieurs à l'ère chrétienne.

La persécution des bouddhistes dans l'Inde ne contribua pas moins que leur esprit de
propagande à répandre leur foi hors de la presqu'île. On peut attribuer à cette lutte
d'extermination qui les chassa de leur pays la conversion définitive du Tibet et de
Ceylan. Mais il paraît bien que ce fut par, des missions libres et régulières que furent
convertis les peuples de la Chine et de Siam. Dans l'Empire Céleste, le Bouddha fut
connu sous le nom de Fo (Phôt), et, outre le nom de Phôt qu'il porte dans la presqu'île au
delà du Gange, les Siamois lui donnent aussi communément celui de Çamana-Khôdom
(en sanscrit Cramana-gautama), qu'il se donnait lui-même dans ses prédications.

Au temps où le Bouddha prêchait sa doctrine dans les vallées gangétiques, un grand


mouvement d'idées s'opérait dans tout le monde antique; la guerre des Perses, autant
religieuse que politique, ouvrait l'Asie aux Hellènes, et les triomphes de Salamine et de
Platées facilitaient pour les Grecs les lointains voyages vers l'Orient. Quand leurs
hommes de guerre, leurs savants et leurs philosophes accomplissaient ces longues et
fructueuses expéditions, consultant les sages et les prêtres, ils entendaient certainement
l'écho de ces grandes révolutions d'idées, et en rapportaient quelque chose dans leur
pays. Au temps d'Alexandre le Grand la révolution bouddhique était faite; car l'allié de
son successeur Séleucos, le roi Tchandragoupta (Sandra cottus) vivait en plein
bouddhisme. Quels fruits ont produits les relations de l'Orient et des peuples
occidentaux? C'est une question non encore étudiée, mais qui, à tous égards, mérite de
l'être. (E. B., 1877).
Sur les miracles de ou à propos de Bouddha on lira les lignes suivantes de « Le
miracle et ses contrefaçons » du père de Bonniot S.J. dans le chapitre consacré
à ce sujet où il énumère le catalogue des miracles attribués à Sakyamuni
Bouddha :

« En naissant, Sakyamuni ( Bouddha) tomba à terre et fit sept pas. En ce moment le ciel et la
terre tremblèrent fortement. Indra, Brahmâ, les quatre rois du ciel avec toute leur suite et les
dieux, qui leur sont soumis, les dragons, les démons, les génies, vinrent tous entourer et guider le
nouveau-né. Deux rois des dragons firent pleuvoir sur lui une eau tiède à gauche et fraîche à
droite. Sakyamuni fut amené au palais de son père dans un char attelé de dragons; cinq cents
trésors se montrèrent à découvert et un océan de bonnes actions se produisit. Les dieux firent
paraître trente-deux signes, dont voici les principaux : les rues et les chemins se trouvèrent
spontanément nettoyés et les endroits fétides exhalèrent des parfums; les terrains sans eau
produisirent des lotus grands comme les roues d'un char; les vêtements et les garnitures de lit
enfermés dans des coffres en furent tirés et placés en évidence; le soleil, la lune, les étoiles et les
planètes s'arrêtèrent; cinq cents éléphants blancs, qui s'étaient pris d'eux-mêmes dans les filets,
se trouvèrent devant le palais ; cinq cents lions blancs sortirent des montagnes de neige et se
trouvèrent liés à la porte de la ville; les filles des rois des dragons se tinrent en cercle autour
du palais; dix mille vierges célestes parurent sur les murailles du palais tenant à la main des
chasse-mouches de queue de paon ; la douceur et la bonté remplacèrent en un instant les
sentiments durs et féroces des pêcheurs et des chasseurs; toutes les femmes enceintes du
royaume donnèrent le jour à des garçons.
Passons sous silence les détails de la longue vie du Bouddha pour nous appesantir sur
le fait le plus solennel de son existence terrestre. Après des péripéties sans nombre, après avoir
été roi des paons et paon lui-même, après s'être fait manger sous forme de serpent, après avoir
eu l'étrange charité de donner à des bêtes féroces, pour apaiser leur faim, sa tête et même
tout son corps, Sakyamuni, tout mangé qu'il était, se retira dans une solitude, où il vivait dans
la contemplation la plus profonde.

Quand Sakyamuni eut définitivement conquis la dignité de Bouddha, il ne lui restait donc
plus qu'à se plonger dans le Nirvâna, c'est à dire à mourir aux yeux des hommes et à
s'anéantir aux yeux des êtres supérieurs. Sa mort, en effet, ne se fit pas attendre et fut
marquée, comme elle devait l'être, par des prodiges. Son cercueil s'éleva de lui-même,
dans les airs, entra dans la ville de Kits chi par la porte occidentale, en sortit pas celle de
l’orient, rentra par celle du midi et ressortit par celle du nord ; il fit ensuite sept fois le tour
de la ville. La voix du Bouddha se fit entendre du cercueil. Tous les habitants des cieux
assistaient à la cérémonie et versaient des larmes. Enfin, placé sur un bûcher, le
Bouddha l'enflamma lui-même au moyen du feu épuré de la fixe contemplation qui sortit
de sa poitrine; mais ni le cercueil ni les draperies ne furent consumés. Telle fut la fin mer-
veilleuse de la merveilleuse vie de Sakyamuni. »

Sur la nature et la valeur de l’idée de Nirvâna, terme et but de toute la


pédagogie bouddhiste voici ce qu’en dit encore dans « Le miracle et ses
contrefaçons » le père de Bonniot S.J. :

Le Nirvâna ne représente pas une idée absolument propre au bouddhisme; on le retrouve


dans toutes les écoles brahmaniques. Mais tandis que le Nirvâna est pour les brahmes
l'absorption de l'âme au sein du Dieu universel ou sa dissolution dans les éléments du
monde, Sakyamuni fait du Nirvâna le synonyme pur et simple de l'anéantissement. Tel est
le trait distinctif, fondamental, essentiel du bouddhisme : il impose la vertu, et il offre pour
terme à la pratique héroïque de la vertu la destruction, l'anéantissement, qu'il appelle
la délivrance, la rédemption, le Nirvana. Il n'est point nécessaire d'avoir recours à de
profonds raisonnements pour montrer qu'un tel système est en contradiction avec le bon
sens et avec la morale. Il est en contradiction avec le bon sens, car il est contraire à tous les
principes que la pratique assidue du bien soit l'origine du mal suprême, c'est-à-dire du
néant6. Autant dire que la lumière en croissant devient les ténèbres. Il est en contradiction et
en contradiction criante avec la morale, car rien n'est plus capable de paralyser la
pratique du bien 7 que de la récompenser par l'anéantissement, en réservant une existence
sans fin à ceux qui vivent dans la pratique du mal .Au fond, son grand précepte, bien qu'il
ne soit pas explicitement formulé, est celui-ci : Faites le mal, vous aurez la vie éternelle. Il n'en
faut pas tant pour pousser à l'immoralité. Sakyamuni, s'il a été vertueux comme le prétendent
les légendes, ne l'est devenu que par la plus folle inconséquence. Mais ce n'est pas tout ; la reli-
gion du Bouddha est surtout irréligieuse.

Voici maintenant le point de vue de Barthélemy Saint Hilaire dans son traité
« du Bouddhisme » (Édition Bélénos 2002) :

On ne peut chercher dans le nirvâna lui-même qu'un néant éternel et définitif. Si ce n'est pas
là le véritable sens qu'il faut donner au nirvâna des Bouddhistes, qu'on dise alors quel est
positivement celui qu'il y faut attacher. Le Bouddhisme n'a pas de Dieu; il n'a pas même la
notion confuse et vague de l'esprit universel, dans lequel, selon la doctrine orthodoxe du
Brahmanisme, va se perdre l'âme humaine. Il n'admet pas non plus de nature proprement
dite; et il ne fait point cette distinction profonde de l'esprit et du monde matériel; enfin il confond
l'homme avec tout ce qui l'entoure, tout en lui prêchant la vertu. Il ne peut donc réunir l’âme
humaine, qu'il ne nomme même pas, ni à Dieu qu’il ignore, ni à la nature qu'il ne connaît pas
davantage. Il ne lui reste qu'un parti à prendre, c'est de l'anéantir, et pour être bien assuré
qu'elle ne reparaîtra point sous une forme quelconque, dans ce monde qu'il a maudit
comme le séjour de l'illusion et de la douleur, il en détruit tous les éléments, ainsi qu'il a
bien soin de le répéter mille fois lui-même. Que veut-on de plus ? Si ce n'est pas là le
néant, qu'est-ce donc que le nirvâna ?
Je reconnais tout ce qu'il y a de grave dans une telle affirmation; oui, je l'avoue; quand on
pense que le Bouddhisme compte aujourd'hui sur la surface du globe tant de sectateurs, et
qu'il est la croyance du tiers de l'humanité, expliquer le nirvâna comme je le fais, c'est dire
que le tiers à peu près de nos semblables adorent le néant et ne placent qu'en lui leur espoir
contre les maux l'existence. C'est une foi hideuse, sans doute, mais ce n'est pas
calomnier le Bouddhisme que de la lui imputer; et l'histoire se manquerait à elle-même en
reculant devant cette vérité déplorable, qui jette d'ailleurs tant de jour sur les destinées du
monde asiatique.
On le voit donc : la morale et la métaphysique de Çâkyamouni se résument en quelques
théories fort simples, quoique très fausses : les Quatre vérités sublimes, la transmigration,
l'enchaînement mutuel des causes et le nirvâna. Il ne me reste plus qu'à juger la valeur
de ces théories, en rendant justice aux parcelles de vérité qu'elles renferment, et en
condamnant sans pitié tant d'erreurs monstrueuses que couvre vainement une grandeur

6
Note de Jacques : voici comment Alcuin, brillant conseiller ecclésiastique de Charlemagne,
parlait du néant : « -Qu'est-ce qui est et n'est pas en même temps? -Le néant. -Comment peut-il
être et ne pas être? -Il est de nom et n'est pas de fait."
7
Note de Jacques : c’est pourquoi, contrairement à sa revendication de la « compassion », en
fait jamais le bouddhisme n’a engendré ce que l’on nomme chez les catholiques de « bonnes
œuvres ». Dans le « Figaro » du 19 juin 2003 le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir qui a
beaucoup écrit sur le Bouddhisme dit : « Le Dalaï Lama m’a dit combien il admirait, dans le
christianisme, cette dimension du service actif des autres. La compassion bouddhiste ne
produit pas d’œuvres, elle est dans la qualité de la relation ».La belle affaire pour les
malheureux ! Racine n’écrivait-il pas : « La foi qui n’agit pas, est ce une foi sincère ? ».
apparente.

Mais de la doctrine bouddhiste,le plus déplorable est la croyance en la


transmigration des âmes appelée aussi plus improprement réincarnation8.

Voici, très résumée, la définition de ce dogme in «Du Bouddhisme »


Barthélémy Saint Hilaire.

« La première et la plus inébranlable théorie de la métaphysique du Bouddhisme, empruntée


d'ailleurs au Brahmanisme, c'est celle de la transmigration. L'homme a connu une multitude
d'existences les plus diverses, avant de vivre de la vie qu'il mène ici-bas. S'il n'y applique ses
efforts les plus sérieux, il court le risque d'en connaitre une multitude plus grande encore; et
son attention la plus constante et la plus inquiète doit être de se soustraire à la loi fatale
que la naissance lui impose. La vie n'est qu'un long tissu de douleurs et de misères; le salut
consiste à n'y jamais rentrer. Telle est, dans le monde indien tout entier, dans quelque partie
qu'on le considère, à quelque époque qu'on le prenne, la croyance déplorable que chacun
partage, et que professent les Brahmanes et les Bouddhistes de toutes les écoles, de toutes
les sectes, de toutes les nuances, de tous les temps. Le Bouddha subit cette opinion
commune, contre laquelle il ne semble à personne qu'il puisse s'élever la moindre
protestation; et sa seule originalité sous ce rapport ne consiste que dans le moyen nouveau
de libération qu'il offre à ses adeptes.
Mais jusqu'où s'étend cette idée de la transmigration ? L'homme, après avoir perdu la
forme qu'il a dans cette vie, reprend-t-il seulement une forme humaine ? Peut-il indifféremment
reprendre une forme supérieure ? Ou reprendre à un échelon plus bas, une forme animale ?
Peut-il même descendre encore au-dessous de l'animal et s'abaisser, selon ses actions en ce
monde, à ces formes où toute vie disparaît et où il ne reste plus que l'existence, avec ses
conditions les plus générales et les plus confuses ? la réponse peut être décisive: oui,
l'idée de la transmigration s'étend pour le Bouddhisme aussi loin que possible, elle embrasse
tout, depuis le Bodhisattva, qui va devenir un Bouddha parfaitement accompli, et depuis
l'homme, jusqu'à la matière inerte et morte. L'être peut transmigrer sans aucune exception dans
toutes les formes quelles qu'elles soient; et suivant les actes qu'il aura commis, bons ou
mauvais, il passera depuis les plus hautes jusqu'aux plus infimes. Les textes sont si nombreux
8
Note de Jacques : le terme réincarnation est réservé à la croyance en la transmigration dans
d’autres êtres vivants (animaux ou humains).Il n’en est rien dans le bouddhisme où la
transmigration peut aller jusqu’à « revivre » sous forme d’objet (balai, mur …) suivant ce que nos
actions nous ont mérité dans l’existence antérieure !
et si positifs, qu'il n'y a pas lieu au plus léger doute, quelque extravagante que cette idée puisse
nous paraître. »

Il y a dans cette implacable doctrine une erreur de fonds sur la nature de la


souffrance, une inconséquence morale sur la nature de l’expiation et une
conception de l’existence résolument pessimiste et absurde qui débouche
d’ailleurs sur un affreux destin :le néant.

1) On sait combien le problème de la souffrance a troublé et continue de


désarçonner l’humanité. Bien sûr la souffrance est une provocation que l’on
dresse contre la bonté souveraine de Dieu et son Amour infini ; c’est parce
qu’on se trompe – de bonne foi dans la plupart des cas – sur la nature
essentielle de ce tourment qui accable l’humanité que la souffrance est
dressée en accusation du christianisme.Il faut du reste admettre que
s’accompagnant d’une douleur psychologique la souffrance altère
inévitablement l’intégrité du jugement.

Posons d’abord comme absolu préalable ce que n’est pas la souffrance


( dans ce monde) : elle n’est pas un châtiment ( et par là nous nions déjà la
solution bouddhiste). Ecoutons Jésus ( St Luc XIII) : «1 En ce même temps,
quelques personnes qui se trouvaient là racontaient à Jésus ce qui était arrivé à des
Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices.
2 Il leur répondit : Croyez-vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs
que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte ?
3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.
4 Ou bien, ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a
tuées, croyez-vous qu'elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de
Jérusalem ? 5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez,
vous périrez tous également. »

Quelle est,alors, l’origine de la souffrance ? En attribuant à la souffrance sa


vraie cause nous faisons un grand pas vers sa compréhension. Pour le
Bouddhisme la cause en est donc l’existence,l’être, et seul le néant-nivâna
nous en délivrera9.

Pour la pensée chrétienne, et spécialement catholique, la racine de la


souffrance réside dans le Mal moral ou péché , « état d’inconvenance ou de
désordre qui produit la souffrance,la corruption et les autres effets nuisibles »
(article Mal « Dictionnaire de théologie catholique »).Elle n’est donc pas
substantielle à l’existence mais un accident de l’être libre provenant,à
l’origine,de la déviation de sa liberté (« une négation au sein d’une substance »
9
Dans l’univers créé « être » et « souffrance » sont toujours associés et réversibles car la
souffrance est un accident de l’être,une carence d’être due à l’imperfection essentielle de l’être
créé,seul l’Etre incréé possédant le souverain bien impassible. Il est donc compréhensible que
l’erreur bouddhiste sur l’être considéré en soi comme néfaste entraîne l’erreur sur la nature, le
sens et la façon de faire face à la souffrance.
comme l’écrit St Tomas d’Aquin).

La souffrance est entrée dans le monde,non parce que celui-ci est


radicalement mauvais et incurable10 (depuis toujours comme le pensent
bouddhistes et manichéens,ni depuis le péché originel comme le soutiennent
les réformés) mais parce que le péché a engendré ,au-delà même de la
punition de Dieu,la blessure ontologique de la nature par où s’écoule la
souffrance.Mais cette nature viciée,souffrante n’est pas irrémédiablement
corrompue car dès la chute Dieu nous promit la Rédemption. « O felix culpa,
quae talem ac tantum meruit habere redemptorem ! (Heureuse faute, qui a mérité un si grand
rédempteur !Saint Augustin ). » Et par elle la nature fut restaurée d’une manière
plus admirable encore qu’elle n’était à la Création ( paroles de la deuxième
prière de l’Offertoire romain).

On voit ainsi tout le sens de la souffrance qui n’est plus inutile, insensée,
révoltante et absurde mais devient un moyen de s’élever du naturel au
surnaturel, qui distingue dans le Calvaire l’étape vers la gloire et dans la Croix,
non le supplice mais la condition du rachat "L"extrême grandeur du
christianisme vient de ce qu'il ne cherche pas un remède surnaturel contre la
souffrance, mais un usage surnaturel de la souffrance" (la philosophe juive
Simone Weil). La souffrance est la voie vers le ciel :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne
meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Jean 12.24

Certes depuis la chute du genre humain en Adam la souffrance


accompagne l’homme, elle est sa tunique de Nessus et s’insurger contre elle
n’est que s’insurger contre notre humaine nature ; demander à Dieu de nous en
préserver est en quelque sorte une vaine prière, bien qu’il ne nous soit pas
interdit de lui demander les grâces de la proportionner à notre faiblesse. Car
Dieu a fait plus que de nous aider à la subir humainement, il a donné son Fils,
Dieu lui-même pour l’éprouver avec nous et ainsi nous en montrer la valeur, la
nécessité, et le caractère salutaire : « Le fils de Dieu n’est pas venu pour
détruire la souffrance, mais pour souffrir avec nous. Il n’est pas venu pour
détruire la Croix, mais pour s’étendre dessus » Claudel.

2) Ainsi à l’erreur sur la nature de la souffrance (châtiment d’une vie antérieure)


le Bouddhisme ajoute une inconséquence morale révoltante sur la nature de
l’expiation.

La morale a pour fondement le roc solide de la responsabilité


personnelle, il ne saurait y avoir de châtiment légitime et consenti sans la
conscience d’avoir mal agi. Or le Bouddhisme, en faisant de la souffrance
actuelle l’expiation des actes d’une existence antérieure dont on n’a même plus
le souvenir ni la conscience, supprime ce lien moral indispensable au caractère

10
Note de Jacques : Il suffit de citer la répétition de la Genèse à chaque jour de la Création « et
Dieu vit que cela était bon ».
raisonnable, tolérable, en tout cas convenable et juste de la sanction .Celle ci
n’est plus qu’une peine aveugle, d’une invincible fatalité, sans rapport avec sa
cause, où la vie sombre dans un pessimisme dépourvu de lumière et dont on ne
s’étonne plus que l’on cherche à se libérer par l’anéantissement. Quelle autre
perspective en effet, puisque la vie présente produira, inexorablement, une vie
future de souffrance dans un corps dont on ignore même s’il sera humain.
Voici ce qu’en dit excellemment B. Saint Hilaire11 dans « du
Bouddhisme » précité :

« La personne humaine a été méconnue par le bouddhisme dans ses signes les plus extérieurs
et les plus manifestes. Mais elle l'a été bien plus outrageusement encore dans sa nature
intime et dans son essence. La liberté, qui en est le caractère éminent, avec tout le cortège
de facultés et de conséquences qui l'accompagnent, est oubliée, supprimée, détruite.
L'homme agit durant toute cette vie sous le poids, non pas précisément de la fatalité, mais
des existences antérieures dont il a fourni l'incalculable série. Il n'est pas puni du mal ni
récompensé du bien actuel qu'il fait; il paie ici-bas la dette d'une vie passée qu'il ne peut
réformer, dont il subit les résultats nécessaires, et dont il ne se souvient pas, quoiqu'il
puisse en reconnaître les suites fatales. La transmigration le poursuit dans la vie présente; et,
s'il n'y prend garde elle va le ressaisir pour le rejeter encore dans le cercle qu'il a déjà
parcouru, et d'où il ne pourra sortir. Il est vrai qu'il semble dépendre de lui d'écouter le
Bouddha et de se sauver à sa voix, ou de fermer l'oreille et de se perdre. Mais cette option
même, le seul point où l'homme paraisse libre encore, lui est à peine accordée; sa liberté n'est
pas entière dans ce choix décisif; elle est entravée par un passé dont il ne dispose plus, et
l'endurcissement à la loi libératrice qu'on lui prêche, peut-être le châtiment de fautes jadis
commises, et que suit une faute nouvelle. L'homme n'est donc pas libre en cette vie. L'a t-il
jamais été ? A-t-il dépendu de lui au début des choses de commencer ou de ne pas
commencer cet enchaînement d'existences successives ? Qui l'a fait tomber pour la première
fois sous le coup de cette redoutable loi ?
A toutes ces questions le Bouddhisme croit répondre par la fameuse et puérile théorie de
l'Enchaînement connexe des causes réciproques. De degrés en degrés, il remonte de la
mort à laquelle nous sommes soumis ici-bas, jusqu'au néant d'où il fait sortir les êtres, ou
plutôt les ombres qu'il reconnaît en ce monde. Sans doute, c'est la naissance qui engendre
la vieillesse et la mort; et tout naïf que cet axiome puisse paraître, il faut bien accorder
que si l'on n'était point né on ne serait point exposé à mourir. Mais c'est jouer sur les mots
que de dire que la vie est cause de la mort; elle n'en est que l'occasion Sans doute encore
une fois, si l'on ne naissait point, on ne mourrait point; mais la vie est si peu cause de la mort
que vous reconnaissez la mort à son tour pour cause de la vie. La cause devient effet; et cet
effet devient sa propre cause; c'est-à-dire qu'au fond vous vous contredites vous-mêmes, et
que la véritable notion de cause vous échappe comme vous a échappé celle de la liberté.
Le Bouddhisme lui-même semble faire aveu d'impuissance; et dans cette échelle qu'il
parcourt, en la remontant ou en la descendent à son gré, c'est par le néant ou
l'ignorance qu'il débute; c'est par l'ignorance ou le néant qu'il termine. Mais si l'ignorance
est le point de départ de vos recherches, et si elle en est le terme, il est bien permis de
douter de votre prétendue science; si vous partez du néant pour aboutir encore au néant,
il vaudrait mieux avouer que vous ne connaissez rien, et que vous ne croyez à rien. C'est ce
qu'a fait plus tard l'école de la Pradjnâ pâramitâ, plus audacieuse dans son nihilisme et
plus conséquente que le fondateur même du Bouddhisme. Mais Çâkyamouni n'a point osé le
dire, ou plutôt il s'est abusé lui-même en abusant les autres. »

3) Tout cela débouche inéluctablement sur une conception de l’existence


résolument pessimiste et absurde où les ténèbres de la vie ne laissent pas
de place à l’espérance.
11
Barthélemy-Saint-Hilaire (19 août 1805 à Paris - 24 novembre 1895) est un philosophe,
journaliste et homme d'État français. Il fut professeur de philosophie antique au Collège de
France, traduira Aristote et sera ministre des affaires étrangères pendant un an sous Jules
Ferry. Il a aussi écrit « Mahomet et le Coran ».( Wikipedia,encyclopédie par internet).
Parmi les caractères du Bouddhisme, le plus douloureux de tous ceux qu'il présente à notre
observation est sa profonde et irrémédiable tristesse. Quand on ne croit au bien, ni dans
l'homme ni dans le monde, il est tout simple qu'on les prenne l'un et l'autre en aversion, et qu'on ne
cherche de refuge que dans le néant. De là cet aspect désespéré de la vie qui, sous toutes les
formes, se retrouve dans toutes les parties de cette doctrine, et qui l'assombrit sans cesse. On se
croirait dans un sépulcre; et lorsque le Bouddhisme parle de la délivrance, il dit toujours du
Nirvâna, qu'il vient détruire définitivement pour l'homme "ce qui n'est qu'une grande masse de
maux." Dès qu'on se fait de la vie une telle opinion, il semble qu'il n'y ait plus qu'à se
débarrasser de cet odieux fardeau, et que le suicide soit le seul parti que l'homme ait à prendre
en cette affreuse extrémité12. Plus d'une légende nous prouverait qu'assez souvent les adeptes du
Bouddhisme en ont tiré cette conséquence aussi logique qu'absurde. Mais Çâkyamouni, par une
contradiction qui l'honore, a voulu que l'homme employât sa vie à se racheter de la vie même par
la vertu. Il a voulu que, pour cesser de vivre à jamais, on commençât par vivre selon
toutes les lois de la raison, telles du moins qu'il les comprenait, et que l'on conquît une mort
éternelle par l'existence la plus pure et la plus sainte. Celle haute idée qu'il se fait de la vertu,
seul gage du salut éternel, aurait dû, ce semble, éclairer le philosophe. La vie n'est donc pas si
peu de chose qu'il le croit, puisque, après tout, elle permet à l'homme cet admirable emploi de ses
facultés. Mais les ténèbres sont trop épaisses pour que cette lumière, toute vive qu'elle est, les
traverse et les dissipe. Çâkyamouni ne voit dans l'existence que la douleur; et moitié par
compassion pour ses semblables, moitié peut-être aussi par faiblesse et par un assez lâche
retour sur lui-même, il consacre les efforts de son génie à soustraire l'homme à la loi fatale
de la renaissance.
B.Saint Hilaire, précité.

Pour conclure :
Loin de l’image véhiculée par la mentalité contemporaine et les media le
Bouddhisme n’est pas une douce philosophie de l’existence,baignant dans un
océan de compassion et empreint d’un optimisme d’autant plus enviable qu’il
est non-violent.De plus il y a comme une mode du Bouddhisme dont on ne sait
si l’attrait provient de son exotisme d’origine,de la légende d’un fondateur doué
de vertus ascétiques, morales et thaumaturgiques exceptionnelles et devenues
rarissimes de nos jours ou de la décadence de nos spiritualités,ayant sombré
dans une sécularisation qui ne les rend plus attractives pour une âme assoifée
d’absolu.

La description qu’on vient d’en lire révèle plutôt une sombre métaphysique
du réel existant dont on ne parvient à se libérer,au prix de renoncements
incalculables et de macérations épouvantables et anti naturelles qu’en
accédant au pur néant,naufrage de l’être,de la liberté et de la pensée.

12
Note de Jacques : C’est si vrai que le bouddhisme présente l’originalité d’être l’unique religion
où les moines font du suicide par le feu un acte social et politique, comme on l’a souvent vécu
dans les dernières années. Comme moyen de revendication je préfère la non violence de
Gandhi, même si celle ci a débouché, à la fin, sur un bain de sang et une affreuse guerre entre
Inde et Pakistan dont les conséquences ne sont pas encore éteintes.
Cela ne signifie bien sûr nullement que les bouddhistes ou des bouddhistes
ne soient humainement des personnes bonnes,sensibles,optimistes,joyeuses (
on ne voit le Dalaï Lama qu’avec un éternel sourire sur le visage) et tout à fait
fréquentables. Ce n’est pas la première fois,Dieu merci, que des personnes se
démarquent de leur pente idéologique et n’en épousent pas,existentiellement,
les conséquences inéluctables.Ce que nous jugeons c’est le Bouddhisme,
pas les bouddhistes,fidèle en cela à la prescription chrétienne de considérer
les systèmes «Car chaque arbre se connaît à son fruit (Luc 6.44) », pas les
personnes car « Dieu seul sonde les reins et les cœurs ».(Psaume 7,10).

On n’échappe pas,à l’étude du bouddhisme, à la tristesse de constater que


voilà une religion dépourvue de la prière « cette élévation de l’âme vers
Dieu »(St Thomas d’Aquin) ,puisque s’il y a des dieux ils ne sont eux même
que précaires et transitoires. Dépourvue de la contemplation « infusion
amoureuse,secrète et pacifique de Dieu dans l’âme » (St Jean de la Croix) car
que contempler, sans Dieu et sans une nature créée admirable puisque « pure
illusion ». Dépourvue de l’Espérance « la foi que j’aime le mieux » (Péguy) tout
allant vers le nirvâna-néant et,en attendant ,tout étant souffrance et
expiation.Dépourvue enfin de toute base historique car l’étude des livres
canoniques bouddhiques révèlent les lacunes graves des fondements sur
lesquels la pensée s’appuie :

1. Absence de chronologie certaine ou même approximative dans la


rédaction des sources comme aussi dans la naissance et la vie de
Çâkyamouni lui-même : selon les textes nous avons des écarts de
plusieurs siècles. Selon M.Sénart dans « la légende du Bouddha »
tout ce qu’il est possible d’affirmer avec certitude au sujet de Bouddha
se réduit à deux points : 1- le Bouddhisme a eu un fondateur, 2- celui-
ci était un ascète que les enseignements du brahmanisme n’avaient
pu satisfaire.

2. Aucune référence historique ne permet de situer dans le temps la vie


de Çâkyamouni, nous n’y disposons d’aucune des correspondances
abondantes que l’on trouve dans les Évangiles sur les personnages et
évènements historiques contemporains cités (Hérode,Caïphe, Pilate,
Auguste, Félix, Festus… et une foule d’autres contemporains que
l’Histoire a retenus et qui permettent de dater les évènements et leur
conférer une authenticité indéniable13).

3. Les sources canoniques du Bouddhisme sont innombrables et


contradictoires, outre les légendaires et improbables évènements
miraculeux décrits, elles empilent une immense foule de prescriptions
13
Note de Jacques : Plusieurs historiens s’étonnent que l’on puisse encore douter de l’historicité
des Évangiles alors que les évènements dépeints, les détails archéologiques, sociaux,
domestiques, géographiques, les noms cités de personnages reconnus, les mœurs et coutumes
décrites leur confèrent une force de témoignage que l’on est loin de posséder pour des
évènements ou personnages illustres même ultérieurs. Il est des Empereurs romains pour
lesquels on souhaiterait disposer d’une aussi abondante et convaincante documentation. Et
pourtant les rationalistes se contentent du peu pour ceux là.
découlant de l’enseignement de Çâkyamouni. Un moine Tibétain a
évalué au nombre de 84000 les livres saints bouddhistes au Tibet
seul. Une vie humaine ne suffirait pas à lire seulement cet énorme
corpus doctrinal qui surpasse les capacités normales d’une existence.
Comparé au Nouveau Testament qui contient dans environ 500 pages
en gros caractères dans un format in/8, on jugera de l’accessibilité de
la doctrine au commun des mortels. Quand on sait que pour son salut
dans notre religion il n’est demandé que de connaître le « Notre
Père » où figure ce que nous devons demander, le « Credo » qui
contient ce que nous devons croire et les « dix commandements » qui
énumèrent ce que nous devons faire, on conclut que la vérité est
toujours contenue dans la simplicité.

La conclusion finale sera empruntée au beau livre de B. Saint Hilaire :

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