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mort vers 542, était fils d'un prince du Bahar, de la famille royale des Chakyas, et se
nommait d'abord Siddharta. Les Bouddhistes le regardent comme la 4 incarnation de e
Sage. Cette doctrine, devenue bientôt une religion, après s'être répandue dans la
presqu'île indienne, ne tarda pas à se propager au dehors, dans toutes les directions, fut
adoptée dans le Tibet, la Chine, la presqu'île au delà du Gange, Ceylan, et portée jusque
dans les régions habitées par les Grecs, peut-être même jusqu'en Amérique. Expulsée de
l'Inde par le brahmanisme renaissant, elle continua de fleurir dans l'Asie orientale et dans
la haute Asie; elle compte maintenant 200 millions de sectateurs environ. Le
bouddhisme, malgré son immense extension, n'à commencé que dans le siècle présent à
être connu des Européens; aujourd'hui même, sa valeur comme religion, comme
philosophie, comme établissement social, n'est pas encore suffisamment bien appréciée.
Son origine indienne n'est prouvée que depuis peu de temps; tour à tour on l'a considérée
comme une secte théosophiste venue du nord, et comme une contrefaçon nestorienne du
christianisme; on a fait du Bouddha un asiatique, parce qu'il avait les yeux obliques, un
Africain à cause de ses cheveux crépus. L'étude des monuments originaux et
authentiques du bouddhisme a dissipé ces suppositions bizarres ou impossibles. Quatre
savants ont surtout contribué à rétablir la vérité : Schmidt, à Saint-Pétersbourg, en
exposant les faits relatifs à cette religion d'après les livres mongols; Abel Rémusat, à
Paris, en traduisant ou dépouillant les livres chinois; Csoma de Coros, en rapportant de
l'Inde les traductions tibétaines des originaux sanscrits; Eug. Burnouf, en exposant les
faits et les doctrines contenues dans ces originaux eux-mêmes, que Hodgson avait
envoyés du Népal à Paris et à Londres. C'est d'après ces documents, dont quelques-uns
sont antérieurs à l'ère chrétienne, que nous allons exposer les principaux points de la
religion bouddhique.
Les livres de la collection népalaise se divisent en trois classes : les Sûtras simples,
représentant le bouddhisme primitif ou du moins cette doctrine telle qu'elle fut arrêtée
dans le 3 concile; les Sûtras développés, contenant les mêmes récits, mais entourés de
e
D'après ces livres, l'Inde, au commencement du VI siècle av. J.-C., était divisée en un
e
grand nombre de petits États indépendants; les guerres d'État à État, causant le ravage
des champs et des villes, la misère et la ruine des familles, étaient la condition ordinaire
des peuples; pour se soutenir sur le trône avec un éclat qui imposât le respect, avec des
ressources pécuniaires propres à entretenir des armées, le plus souvent étrangères et
stipendiées, les râjas étaient poussés non seulement à l'absolutisme, mais à la violence,
au déni de justice, à l'intrigue, à la corruption des juges, en un mot, à cette absence de
sécurité, le plus grand vice des sociétés orientales. La religion n'était un refuge que pour
la caste privilégiée des brahmanes; des autres castes, l'une trouvait dans la guerre et dans
les alliances royales deux moyens de s'enrichir et d'opprimer le peuple, et les autres,
vivant de leur commerce, ne participant que fort peu aux biens de l'esprit, étaient une
proie offerte à l'avidité des castes supérieures. Delà pour ces dernières un extrême
relâchement des moeurs, pour les autres une vie pleine de déceptions, d'amertume, de
désespoir. L'Inde, du reste, était parvenue à une civilisation avancée par ses oeuvres
littéraires qu'elle avait produites et par le développement de son commerce et de son
industrie le luxe avait passé des classes élevées dans les rangs inférieurs de la population
libre luxe auquel la constitution des castes n'était nullement défavorable. Mais l'extérieur
de la richesse ne rendant les hommes ni meilleurs ni plus heureux, les dernières de ces
castes n'étaient pas moins livrées à la misère et au vice.
1
Note de Jacques : de nombreuses écoles bouddhistes réfutent cette exclusion des autres
sources ; le bouddhisme n’ayant aucune autorité souveraine apte à maintenir unifiée la doctrine
et à l’interpréter selon la volonté du fondateur se divise et subdivise en d’innombrables écoles
(on ne saurait ici parler de chapelles ou d’églises, le bouddhisme n’étant pas une religion, une
religion supposant relation avec un dieu personnel).
Le Brahmanisme, dont les hautes doctrines ne descendaient jamais dans les castes
inférieures des marchands, des laboureurs et des esclaves, ne leur offrait aucune
consolation, aucun refuge; au contraire, par la doctrine des existences successives,
admise par toutes les écoles spiritualistes de l'Inde, il leur présentait la sévère
perspective de retours sans fin dans une vie où la malheur était leur lot principal. En
effet, la plus belle de ces théories brahmaniques, celle qui est exposée dans la
Bhagavad-gîtâ, ne promettait la vie éternelle, exempte de renaissances ultérieures,
qu'aux hommes dont la pensée contemplative avait pu, dès cette vie, s'unir, s'identifier
avec Dieu; les personnes de bien, mais d'une vertu moins sublime et aussi d'une pensée
moins philosophique, ne parvenaient qu'au ciel, dont ils jouissaient un temps, pour
recommencer ensuite une vie nouvelle. La science, c.-à-d. la théosophie, étant le
domaine exclusif des brahmanes, on voit que l'avenir annoncé à presque tous les
hommes était une série presque sans fin de renaissances, un avenir sans espoir.
Quel est donc le dieu des bouddhistes? Déjà les brahmanes s'appuyant sur le Véda,
avaient conçu les êtres qui composent l'univers comme consubstantiels, sans leur ôter
toutefois leur personnalité, si ce n'est à la fin des temps; classés dans une immense
hiérarchie, ils avaient au-dessus d'eux l'être absolu et impersonnel qui, dans son inaction
primordiale, était le lien métaphysique et le principe d'unité pour l'univers : c'est
Brahma. Le bouddhisme adoptait cette échelle des êtres. Il fit plus: il ajouta de nouveaux
degrés au panthéon brahmanique, systématisant plus fortement encore cet ensemble déjà
bien systématique; dans les degrés supérieurs des esprits célestes sont placés des êtres en
qui dominent la pureté et la lumière, figures de la vertu et de la science; les déités
brahmaniques, pleines de désirs et de passions, comme celles des Grecs, sont fort au-
dessous de ces êtres parfaits dont la vie est toute de contemplation et tout immaculée.
Au-dessus d'eux y a-t-il quelque chose d'analogue au Brahma impersonnel des temps
antérieurs? Les Sûtras ne le nient pas; ils ne l'affirment pas non plus. La doctrine
bouddhique a donc flotté indécise sur la question de l'unité primitive, question de théorie
pure, qui n'intéresse guère la pratique; et si elle a mis, au-dessus des dieux
brahmaniques, des degrés nouveaux dans sa hiérarchie des êtres, c'est qu'elle n'a pas
trouvé dans ces dieux de désir, comme elle les appelle, des types suffisamment purs de
la vertu et de la science. La question que nous avons posée ne peut pas se résoudre, dans
une religion panthéiste, comme elle se résout chez les peuples occidentaux. Dégager de
toute imperfection terrestre les êtres personnels, c'est le plus qu'une telle religion puisse
faire; et elle ne peut s'expliquer touchant l'unité absolue, sans prêter à la controverse,
perdre son autorité et sortir de sa voie. Aussi le bouddhisme primitif n'a-t-il pas de
doctrine arrêtée sur ce point.
Les relations de l'être humain avec les objets enchaînent l'âme dans les liens de la
matière, et la privent à la fois de sa science en l'éblouissant par leurs apparitions
fantastiques et mensongères, et de sa vertu en lui inspirant les désirs nés du contact et du
plaisir des sens. Au contraire, par la pratique des six vertus transcendantes que nous
avons énumérées, vertus qui constituent l'essence religieuse du bouddhisme, l'homme
prépare et accomplit par degrés son affranchissement; s'il n'a pu l'achever dans la vie
présente, il tenait, selon son mérite, dans une vie déjà meilleure, et, parvenu enfin, à
force de vertu et de science, à se délivrer de la folie du monde, il échappe à la dernière
relation qui l'attachait encore à la vie, et entre dans le nirvâna. Cet état final, duquel on
ne revient plus, est-il un anéantissement absolu? Les diverses écoles bouddhiques n'ont
pas résolu cette question d'une manière uniforme : mais, certainement, les plus anciens
livres orthodoxes donnent le nirvâna comme la destruction de toutes les conditions de
l'existence; et comme la personnalité est une de ces conditions, tout nous porte à croire
que le bouddhisme orthodoxe l'a considéré aussi comme une de ces illusions qui nous
enchaînent à la loi de transmigration, et qu'il en a présenté la destruction comme le terme
désirable de la vertu et de la science.
On peut maintenant concevoir les conséquences morales de la doctrine bouddhique : la
science vraiment bonne n'est plus celle qui, reposant sur le Véda, constituait la théologie
brahmanique, science de caste, accessible à un petit nombre; la vraie science nous
enseigne à reconnaître les vrais biens d'avec les faux; et quand le but moral de la vie est
ainsi reconnu, l'énergie par laquelle nous luttons contre les plaisirs sensuels, nos vrais
ennemis, la pureté par laquelle nous leur demeurons étrangers, la patience qui nous
apprend à supporter les maux imaginaires de la vie, la charité qui fait le lien commun de
l'assemblée des fidèles, l'aumône, conséquence nécessaire de la charité, ces vertus
deviennent les moyens pratiques d'affranchir l'âme et de la conduire au nirvâna. La
partie du dogme qui concerne la morale est certainement le plus beau côté de la doctrine
bouddhique. La pratique des six vertus transcendantes, qui se diversifient et se
subdivisent en cent autres vertus, selon les circonstances de la vie, a exercé sur les
peuples devenus bouddhistes une grande et heureuse influence. On ne doit pas oublier,
en effet, que le régime des castes maintenait une grande partie de la population dans une
sorte de dégradation d'où elle ne pouvait sortir. Le bouddhisme appela chacun au partage
des biens de l'âme, à cette amélioration morale qui est le véritable progrès. Si l'Inde est
retombée sous la domination brahmanique qui pèse encore sur elle, trois grands peuples
sont là pour attester la transformation des moeurs opérée chez eux par le bouddhisme :
ce sont les Chinois, les Siamois, les Mongols, dont la férocité première a été comme
domptée par la douce influence de cette religion. La charité est, en effet, l'âme du
bouddhisme, et il est telle contrée de l'Asie où cette vertu est poussée, même à l'égard
des infidèles et des méchants; jusqu'à l'abnégation et au sacrifice de soi-même. Cette
vertu a introduit dans le génie du bouddhisme l'esprit de prosélytisme: le bouddhiste est
plein d'une ardeur sympathique pour tous les hommes; convaincu de la vérité de sa
croyance, et pour obéir aux préceptes du maître, il ne désire rien autant que la
conversion des hommes à sa propre loi; prosélytisme plein de douceur et tout spirituel,
qui établit entre les bouddhistes et les musulmans la différence de la mansuétude et de la
violence. Le Bouddha se donna pour mission de sauver les hommes en les mettant sur la
voie du nirvâna ou de l'affranchissement; quand on lui proposa de les contraindre à le
suivre, il refusa en disant : "Ma loi est une loi de grâce pour tous", donnant par là à sa
doctrine une portée en quelque sorte universelle, et convoquant dans son assemblée tous
les hommes à la lois. Sa loi possède même une sorte de pouvoir rétrospectif : on ne lit
pas sans étonnement la légende d'un de ses disciples, conversant, dans une vision
surnaturelle, avec sa propre mère morte depuis longtemps, lui enseignant la Loi, et la
convertissant au milieu du choeur des justes.2
L'Assemblée, composée de tous les hommes, égaux entre eux parce qu'ils sont tous nés
de la même manière et aptes au même enseignement, n'a d'autre lien que la Loi; et la Loi
elle-même est enseignée par le Bouddha. Ces trois mots : le Bouddha, la Loi,
l'Assemblée, sont comme les termes sacramentels de cette religion. L'Assemblée des
fidèles, où sont réunis sur le pied d'égalité tous les sexes, tous les âges, toutes les
conditions, comprend des docteurs qui enseignent et un peuple qui écoute; les
prédications, dont Çakya-muni avait donné le modèle, procèdent par légendes et
paraboles, et, en élevant parfois très haut les intelligences, se terminent par des
conclusions morales et pratiques. L'Assemblée réunit des hommes de toutes conditions;
néanmoins le bouddhisme n'abolit pas l'institution politique des castes : car, à Ceylan, les
castes sont florissantes au sein de cette religion. Mais la caste sacerdotale des brahmanes
était, sans contredit„ compromise par la vulgarisation bouddhique de la Loi; or, la caste,
se recrutant dans ses propres rangs, a pour auxiliaire indispensable le mariage; à Ceylan,
pour conserver l'égalité religieuse des castes, les bouddhistes ont à la fois ouvert à toutes
le sacerdoce et institué le célibat des prêtres.
Le culte bouddhique est le plus simple de tous les cultes, et sa simplicité même lui a
permis de se répandre dans de vastes contrées : il ne contient de sacrifices d'aucune
sorte.3 Le temple bouddhique, stûpa, rappelle le vase où furent enfermées les reliques du
maître; il est destiné, soit à en protéger quelque fragment, soit à contenir son image,
devant laquelle on vient déposer une offrande commémorative. Ce culte est tout
honorifique, et; dans son essence primitive, exclut toute pratique superstitieuse. Au
contraire, le culte des Dêvas, dans le brahmanisme; s'ouvrait à toutes les folies que
l'anthropomorphisme et le naturalisme peuvent engendrer. Toutefois, dans les temps
postérieurs, le bouddhisme fit des concessions aux imaginations populaires, contracta
des alliances avec les cultes des dieux, et ouvrit la porte aux superstitions. Par ces
accommodements, la religion du Bouddha : se trouva dénaturée et détournée de son but;
car le culte extérieur, le sacrifice, que le Bouddha avait déclaré inférieur à la morale,
reprit le dessus, et les vertus nouvelles que cette religion avait introduites dans l'Asie
furent de nouveau subordonnées à des pratiques plus voisines de l'impiété que de la
2
Note de Jacques : preuve que le nirvâna – destruction de la personnalité- répugnait au cœur et
à l’esprit de celui qui éprouva cette consolante vision qui contredit la doctrine de
l’anéantissement comme celle d’ailleurs des transmigrations de l’âme humaine.
3
Note de Jacques : il ne saurait y avoir de sacrifice là où il n’y a pas de Dieu personnel à qui le
sacrifice est destiné. D’ailleurs le christianisme a inversé la notion de sacrifice : jusqu’à la venue
du Christ les sacrifices étaient offerts à Dieu, avec la Rédemption c’est Dieu lui-même qui s’offre
en sacrifice afin de sauver les hommes. Jamais homme n’eût pu inventer un tel renversement de
perspective dans l’économie du salut. C’est bien en quoi l’acte de Jésus s’offrant sur la Croix
était scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs. C’est pourquoi dans son « Apologie »
Tertullien a pu écrire que la Croix était à elle seule la preuve irréfutable de la vérité des
évangiles car nul auteur n’aurait pu imaginer un tel évènement : « Le fils de Dieu est mort,
nous pouvons y croire parce que c’est absurde. Mis au tombeau, Il est ressuscité, ça
c’est certain, car c’est impossible. » Tertullien
religion4. Cependant, cette transformation du culte bouddhique fut loin d'être générale en
Orient; certains pays s'y laissèrent entraîner plus que d'autres : c'est ce que l'on remarque
au Tibet et surtout dans l'ancien royaume de Siam.
Le bouddhisme, prêché d'abord dans l'Inde centrale par son fondateur, le prince
Siddârtha, fils de Cruddhôdhana, roi de Kapilavastu, issu de la lignée solaire d'Ixwaku,
prit ce nom du titre de bouddha, donné généralement à ce sage, qui, lui-même, s'était
nommé Çâkya-muni ou Solitaire de la famille des Çâkyas. Retiré du monde à 29 ans, il
4
Note de Jacques : « de l’impiété » et parfois du démonisme ! Le célèbre et vénéré Dalaï Lama
actuel n’honore-t-il pas discrètement la déesse Palden Lhamo, meurtrière de son fils, connue
pour supprimer les ennemis de la « vrai doctrine » et représentée traversant un lac de sang ? Le
même Dalaï Lama qui, dans un entretien à « Sélection » d’octobre 2003 page 108 déclare : « Je
ne crois pas en Dieu, ni en un créateur ». Nous voici désormais dispensé de lui donner le titre de
« Sa Sainteté ».
5
Note de Jacques : miracles totalement fantaisistes, invraisemblables, extravagants et dénués
de toute finalité morale contrairement à ceux de Jésus Christ et du reste attestés par les « écrits
bouddhiques »de façon contradictoires. (Voir le livre de Barthélémy St-Hilaire : Du Bouddhisme.
Édition Bélénos 2002).Les miracles de Jésus sont pour la plupart destinés à guérir des misères
humaines (« Matthieu 11.5 les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. »)
Ceux attribués à Bouddha, avec les caractères saugrenus précités, n’ont pour but que d’exalter
sa personnalité. On n’aura garde d’oublier,de surcroît, que l’ennemi de l’homme « menteur et
homicide » est capable non de miracles mais de prodiges aptes à séduire les personnes et les
détourner de la vérité et du bien pour lesquels il éprouve une farouche aversion. Sur les
prétendus miracles de Bouddha voir in fine.
passa dans la solitude plusieurs années où il se livra à l'abstinence et à la méditation.
Revenu dans la société des hommes, il prêcha sa nouvelle doctrine dans les cités et les
campagnes, où le suivait une grande foule de peuple. A sa mort, ses disciples, apôtres de
ses idées, recueillirent, pour les rédiger, les actions et les événements de sa vie, ainsi que
ses discours et ses enseignements; puis ils convoquèrent une assemblée de 500 religieux,
qui siégèrent à Râjagriha et formèrent le premier concile bouddhique. Les principaux
traits du bouddhisme furent arrêtés dans cette réunion; mais les points secondaires ne
l'ayant pas été d'une manière définitive, on vit naître un grand nombre de doctrines
divergentes, s'appuyant sur des récits et sur des livres imparfaitement autorisés. Pour
rendre à la religion nouvelle l'unité qu'elle perdait de jour en jour, le plus ardent
propagateur du bouddhisme dans l'Inde, le roi de Pâtaliputra (Palibothra des Grecs), le
grand Açôka, réunit le 2 concile, composé de 700 religieux; l'Assemblée siégea en
e
l'année 110 après la mort du Bouddha; elle fixa le dogme relativement aux premiers
développements de la loi nouvelle, et dressa la liste des livres canoniques. Enfin, 18
sectes s'étant formées encore dans le bouddhisme indien, un 3e concile dut se réunir,
environ 400 ans après la mort de Çâkya-muni, pour examiner leurs doctrines, les mettre
d'accord, et fixer pour toujours le dogme sur tous les points. Ce fut le dernier concile
bouddhique; tous trois sont antérieurs à l'ère chrétienne.
La persécution des bouddhistes dans l'Inde ne contribua pas moins que leur esprit de
propagande à répandre leur foi hors de la presqu'île. On peut attribuer à cette lutte
d'extermination qui les chassa de leur pays la conversion définitive du Tibet et de
Ceylan. Mais il paraît bien que ce fut par, des missions libres et régulières que furent
convertis les peuples de la Chine et de Siam. Dans l'Empire Céleste, le Bouddha fut
connu sous le nom de Fo (Phôt), et, outre le nom de Phôt qu'il porte dans la presqu'île au
delà du Gange, les Siamois lui donnent aussi communément celui de Çamana-Khôdom
(en sanscrit Cramana-gautama), qu'il se donnait lui-même dans ses prédications.
« En naissant, Sakyamuni ( Bouddha) tomba à terre et fit sept pas. En ce moment le ciel et la
terre tremblèrent fortement. Indra, Brahmâ, les quatre rois du ciel avec toute leur suite et les
dieux, qui leur sont soumis, les dragons, les démons, les génies, vinrent tous entourer et guider le
nouveau-né. Deux rois des dragons firent pleuvoir sur lui une eau tiède à gauche et fraîche à
droite. Sakyamuni fut amené au palais de son père dans un char attelé de dragons; cinq cents
trésors se montrèrent à découvert et un océan de bonnes actions se produisit. Les dieux firent
paraître trente-deux signes, dont voici les principaux : les rues et les chemins se trouvèrent
spontanément nettoyés et les endroits fétides exhalèrent des parfums; les terrains sans eau
produisirent des lotus grands comme les roues d'un char; les vêtements et les garnitures de lit
enfermés dans des coffres en furent tirés et placés en évidence; le soleil, la lune, les étoiles et les
planètes s'arrêtèrent; cinq cents éléphants blancs, qui s'étaient pris d'eux-mêmes dans les filets,
se trouvèrent devant le palais ; cinq cents lions blancs sortirent des montagnes de neige et se
trouvèrent liés à la porte de la ville; les filles des rois des dragons se tinrent en cercle autour
du palais; dix mille vierges célestes parurent sur les murailles du palais tenant à la main des
chasse-mouches de queue de paon ; la douceur et la bonté remplacèrent en un instant les
sentiments durs et féroces des pêcheurs et des chasseurs; toutes les femmes enceintes du
royaume donnèrent le jour à des garçons.
Passons sous silence les détails de la longue vie du Bouddha pour nous appesantir sur
le fait le plus solennel de son existence terrestre. Après des péripéties sans nombre, après avoir
été roi des paons et paon lui-même, après s'être fait manger sous forme de serpent, après avoir
eu l'étrange charité de donner à des bêtes féroces, pour apaiser leur faim, sa tête et même
tout son corps, Sakyamuni, tout mangé qu'il était, se retira dans une solitude, où il vivait dans
la contemplation la plus profonde.
Quand Sakyamuni eut définitivement conquis la dignité de Bouddha, il ne lui restait donc
plus qu'à se plonger dans le Nirvâna, c'est à dire à mourir aux yeux des hommes et à
s'anéantir aux yeux des êtres supérieurs. Sa mort, en effet, ne se fit pas attendre et fut
marquée, comme elle devait l'être, par des prodiges. Son cercueil s'éleva de lui-même,
dans les airs, entra dans la ville de Kits chi par la porte occidentale, en sortit pas celle de
l’orient, rentra par celle du midi et ressortit par celle du nord ; il fit ensuite sept fois le tour
de la ville. La voix du Bouddha se fit entendre du cercueil. Tous les habitants des cieux
assistaient à la cérémonie et versaient des larmes. Enfin, placé sur un bûcher, le
Bouddha l'enflamma lui-même au moyen du feu épuré de la fixe contemplation qui sortit
de sa poitrine; mais ni le cercueil ni les draperies ne furent consumés. Telle fut la fin mer-
veilleuse de la merveilleuse vie de Sakyamuni. »
Voici maintenant le point de vue de Barthélemy Saint Hilaire dans son traité
« du Bouddhisme » (Édition Bélénos 2002) :
On ne peut chercher dans le nirvâna lui-même qu'un néant éternel et définitif. Si ce n'est pas
là le véritable sens qu'il faut donner au nirvâna des Bouddhistes, qu'on dise alors quel est
positivement celui qu'il y faut attacher. Le Bouddhisme n'a pas de Dieu; il n'a pas même la
notion confuse et vague de l'esprit universel, dans lequel, selon la doctrine orthodoxe du
Brahmanisme, va se perdre l'âme humaine. Il n'admet pas non plus de nature proprement
dite; et il ne fait point cette distinction profonde de l'esprit et du monde matériel; enfin il confond
l'homme avec tout ce qui l'entoure, tout en lui prêchant la vertu. Il ne peut donc réunir l’âme
humaine, qu'il ne nomme même pas, ni à Dieu qu’il ignore, ni à la nature qu'il ne connaît pas
davantage. Il ne lui reste qu'un parti à prendre, c'est de l'anéantir, et pour être bien assuré
qu'elle ne reparaîtra point sous une forme quelconque, dans ce monde qu'il a maudit
comme le séjour de l'illusion et de la douleur, il en détruit tous les éléments, ainsi qu'il a
bien soin de le répéter mille fois lui-même. Que veut-on de plus ? Si ce n'est pas là le
néant, qu'est-ce donc que le nirvâna ?
Je reconnais tout ce qu'il y a de grave dans une telle affirmation; oui, je l'avoue; quand on
pense que le Bouddhisme compte aujourd'hui sur la surface du globe tant de sectateurs, et
qu'il est la croyance du tiers de l'humanité, expliquer le nirvâna comme je le fais, c'est dire
que le tiers à peu près de nos semblables adorent le néant et ne placent qu'en lui leur espoir
contre les maux l'existence. C'est une foi hideuse, sans doute, mais ce n'est pas
calomnier le Bouddhisme que de la lui imputer; et l'histoire se manquerait à elle-même en
reculant devant cette vérité déplorable, qui jette d'ailleurs tant de jour sur les destinées du
monde asiatique.
On le voit donc : la morale et la métaphysique de Çâkyamouni se résument en quelques
théories fort simples, quoique très fausses : les Quatre vérités sublimes, la transmigration,
l'enchaînement mutuel des causes et le nirvâna. Il ne me reste plus qu'à juger la valeur
de ces théories, en rendant justice aux parcelles de vérité qu'elles renferment, et en
condamnant sans pitié tant d'erreurs monstrueuses que couvre vainement une grandeur
6
Note de Jacques : voici comment Alcuin, brillant conseiller ecclésiastique de Charlemagne,
parlait du néant : « -Qu'est-ce qui est et n'est pas en même temps? -Le néant. -Comment peut-il
être et ne pas être? -Il est de nom et n'est pas de fait."
7
Note de Jacques : c’est pourquoi, contrairement à sa revendication de la « compassion », en
fait jamais le bouddhisme n’a engendré ce que l’on nomme chez les catholiques de « bonnes
œuvres ». Dans le « Figaro » du 19 juin 2003 le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir qui a
beaucoup écrit sur le Bouddhisme dit : « Le Dalaï Lama m’a dit combien il admirait, dans le
christianisme, cette dimension du service actif des autres. La compassion bouddhiste ne
produit pas d’œuvres, elle est dans la qualité de la relation ».La belle affaire pour les
malheureux ! Racine n’écrivait-il pas : « La foi qui n’agit pas, est ce une foi sincère ? ».
apparente.
On voit ainsi tout le sens de la souffrance qui n’est plus inutile, insensée,
révoltante et absurde mais devient un moyen de s’élever du naturel au
surnaturel, qui distingue dans le Calvaire l’étape vers la gloire et dans la Croix,
non le supplice mais la condition du rachat "L"extrême grandeur du
christianisme vient de ce qu'il ne cherche pas un remède surnaturel contre la
souffrance, mais un usage surnaturel de la souffrance" (la philosophe juive
Simone Weil). La souffrance est la voie vers le ciel :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne
meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Jean 12.24
10
Note de Jacques : Il suffit de citer la répétition de la Genèse à chaque jour de la Création « et
Dieu vit que cela était bon ».
raisonnable, tolérable, en tout cas convenable et juste de la sanction .Celle ci
n’est plus qu’une peine aveugle, d’une invincible fatalité, sans rapport avec sa
cause, où la vie sombre dans un pessimisme dépourvu de lumière et dont on ne
s’étonne plus que l’on cherche à se libérer par l’anéantissement. Quelle autre
perspective en effet, puisque la vie présente produira, inexorablement, une vie
future de souffrance dans un corps dont on ignore même s’il sera humain.
Voici ce qu’en dit excellemment B. Saint Hilaire11 dans « du
Bouddhisme » précité :
« La personne humaine a été méconnue par le bouddhisme dans ses signes les plus extérieurs
et les plus manifestes. Mais elle l'a été bien plus outrageusement encore dans sa nature
intime et dans son essence. La liberté, qui en est le caractère éminent, avec tout le cortège
de facultés et de conséquences qui l'accompagnent, est oubliée, supprimée, détruite.
L'homme agit durant toute cette vie sous le poids, non pas précisément de la fatalité, mais
des existences antérieures dont il a fourni l'incalculable série. Il n'est pas puni du mal ni
récompensé du bien actuel qu'il fait; il paie ici-bas la dette d'une vie passée qu'il ne peut
réformer, dont il subit les résultats nécessaires, et dont il ne se souvient pas, quoiqu'il
puisse en reconnaître les suites fatales. La transmigration le poursuit dans la vie présente; et,
s'il n'y prend garde elle va le ressaisir pour le rejeter encore dans le cercle qu'il a déjà
parcouru, et d'où il ne pourra sortir. Il est vrai qu'il semble dépendre de lui d'écouter le
Bouddha et de se sauver à sa voix, ou de fermer l'oreille et de se perdre. Mais cette option
même, le seul point où l'homme paraisse libre encore, lui est à peine accordée; sa liberté n'est
pas entière dans ce choix décisif; elle est entravée par un passé dont il ne dispose plus, et
l'endurcissement à la loi libératrice qu'on lui prêche, peut-être le châtiment de fautes jadis
commises, et que suit une faute nouvelle. L'homme n'est donc pas libre en cette vie. L'a t-il
jamais été ? A-t-il dépendu de lui au début des choses de commencer ou de ne pas
commencer cet enchaînement d'existences successives ? Qui l'a fait tomber pour la première
fois sous le coup de cette redoutable loi ?
A toutes ces questions le Bouddhisme croit répondre par la fameuse et puérile théorie de
l'Enchaînement connexe des causes réciproques. De degrés en degrés, il remonte de la
mort à laquelle nous sommes soumis ici-bas, jusqu'au néant d'où il fait sortir les êtres, ou
plutôt les ombres qu'il reconnaît en ce monde. Sans doute, c'est la naissance qui engendre
la vieillesse et la mort; et tout naïf que cet axiome puisse paraître, il faut bien accorder
que si l'on n'était point né on ne serait point exposé à mourir. Mais c'est jouer sur les mots
que de dire que la vie est cause de la mort; elle n'en est que l'occasion Sans doute encore
une fois, si l'on ne naissait point, on ne mourrait point; mais la vie est si peu cause de la mort
que vous reconnaissez la mort à son tour pour cause de la vie. La cause devient effet; et cet
effet devient sa propre cause; c'est-à-dire qu'au fond vous vous contredites vous-mêmes, et
que la véritable notion de cause vous échappe comme vous a échappé celle de la liberté.
Le Bouddhisme lui-même semble faire aveu d'impuissance; et dans cette échelle qu'il
parcourt, en la remontant ou en la descendent à son gré, c'est par le néant ou
l'ignorance qu'il débute; c'est par l'ignorance ou le néant qu'il termine. Mais si l'ignorance
est le point de départ de vos recherches, et si elle en est le terme, il est bien permis de
douter de votre prétendue science; si vous partez du néant pour aboutir encore au néant,
il vaudrait mieux avouer que vous ne connaissez rien, et que vous ne croyez à rien. C'est ce
qu'a fait plus tard l'école de la Pradjnâ pâramitâ, plus audacieuse dans son nihilisme et
plus conséquente que le fondateur même du Bouddhisme. Mais Çâkyamouni n'a point osé le
dire, ou plutôt il s'est abusé lui-même en abusant les autres. »
Pour conclure :
Loin de l’image véhiculée par la mentalité contemporaine et les media le
Bouddhisme n’est pas une douce philosophie de l’existence,baignant dans un
océan de compassion et empreint d’un optimisme d’autant plus enviable qu’il
est non-violent.De plus il y a comme une mode du Bouddhisme dont on ne sait
si l’attrait provient de son exotisme d’origine,de la légende d’un fondateur doué
de vertus ascétiques, morales et thaumaturgiques exceptionnelles et devenues
rarissimes de nos jours ou de la décadence de nos spiritualités,ayant sombré
dans une sécularisation qui ne les rend plus attractives pour une âme assoifée
d’absolu.
La description qu’on vient d’en lire révèle plutôt une sombre métaphysique
du réel existant dont on ne parvient à se libérer,au prix de renoncements
incalculables et de macérations épouvantables et anti naturelles qu’en
accédant au pur néant,naufrage de l’être,de la liberté et de la pensée.
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Note de Jacques : C’est si vrai que le bouddhisme présente l’originalité d’être l’unique religion
où les moines font du suicide par le feu un acte social et politique, comme on l’a souvent vécu
dans les dernières années. Comme moyen de revendication je préfère la non violence de
Gandhi, même si celle ci a débouché, à la fin, sur un bain de sang et une affreuse guerre entre
Inde et Pakistan dont les conséquences ne sont pas encore éteintes.
Cela ne signifie bien sûr nullement que les bouddhistes ou des bouddhistes
ne soient humainement des personnes bonnes,sensibles,optimistes,joyeuses (
on ne voit le Dalaï Lama qu’avec un éternel sourire sur le visage) et tout à fait
fréquentables. Ce n’est pas la première fois,Dieu merci, que des personnes se
démarquent de leur pente idéologique et n’en épousent pas,existentiellement,
les conséquences inéluctables.Ce que nous jugeons c’est le Bouddhisme,
pas les bouddhistes,fidèle en cela à la prescription chrétienne de considérer
les systèmes «Car chaque arbre se connaît à son fruit (Luc 6.44) », pas les
personnes car « Dieu seul sonde les reins et les cœurs ».(Psaume 7,10).