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AlnrruMussEr*
IFlHrl[.
exécutéssur dessupportsfragiles, ont rarementsurvécuau baptêmedu
*EHESS,
Paris pq3
feu, au climat humide de la forêt, à la vie quotidiennedes troupesen Eneffet,Iamiseenvaleur,|,omissionouIadéformationdecertainsélé-
perceptionparticulièrede
marcheou au retourà la paix civile.La guerreleur donnait un sens,la ments peuventêtre la conséquenced'une
paix lesrendaitinutiles. |,espace,liéeauxconnaissancespratiquesetthéoriquesmaisaussià|a
Lorsd'un séjourréaliséau Nicaragua,au début des années'l99O, lesmembresde
et de leurshéritiers,
culturedescombattantssandinistes
dans le cadrede mon travailsur le déplacementdes viilesà l'époque Ence SenS,la carten,estpasseu|e-
|a croisadenationaled,alphabétisation.
coloniale,j'ai été accueillipar leschercheurs de l'lnstitutd'histoire(lHN), mentunéchodéformédumonderée|:e||eestlerefletdesonconcepteur
à un moment donné de
qui m'ont ouvert les portesde leur bibliothèque.En fouillantdansles et, en fin de compte, l'image d'une société
archivesde l'époquecontemporaine,j'ai eu la surprisede découvrir son histoire.
diversplans,dessinset croquisélaborésà rafin des années1970 par la
guérillasandiniste. Lacartographie desguérilleros n'avaitdonc pascom-
plètementdisparudansla tourmenterévolutionnaire. Héritierde l,ancien LEC U ÉR IT | T N O, ET LET ER R IT OIR E
LA C AR T E
Institutd'histoiresandiniste, l'lHN avaitreçuen dotationdesdizainesde
manuscrits qui, sansson intervention, recensétoutesles
auraientété dispersés ou détruits. Au coursde mes différentsséioursà Managua'i'ai
La collectionétait complétéepar une autresériede cartes,tout aussipas-
cartesdel,lnstitutd,histoirequiconcernaientlafindesannées1970etle
sionnantes, qui avaientété composées en 1980,quand lesjeunesrévolu- débutdesannéesl980,afind'endresseruninventairecompletetde
tionnaires,vainqueursen 1979 desforcesgouvernementales, avaient voirquelleétait|aproportionduterritoirenationa|couvertepar|acarto.
lancéleurgrandecroisadenationaled'alphabétisation de
pour éduquerles graphiesandiniste.On peut ainsiidentifierlesgrandeszonesd'action
populations ruralesoubliéespar l'ancienrégime. présente'fautede combat-
L guérillaet lesespacesoù elle n'étaitpas
Ce vasteensemble,richeen informationssur resméthodesde combat pasd'intérêtstratégique'
tantsou parceque cesrégionsne présentaient
des guérilleros, maisaussisur leur perceptionde lespaceet sur la géo-
Danscedomaine,i|nefautcependantpasfaired,erreurd,interprétation
graphie nicaraguayennedes annéesde guerre, n,a pas encore été exclusifdes cartesde la guérilla,dont
car l,lhnca,n,estpasle dépositaire
dépouilléni analysé. ll s'agitpourtantd'un extraordinaire gisementpour au coursdes actionsde
tous ceuxqui s'intéressent une grande partiea été détruiteou dispersée
aux étudesgéopolitiques en général,et à leur partieest conservée
applicationen Amériquecentraleen particulier. gu"ri", ou aprèsla défaitede Somoza'Une autre
L'aspectqualitatifd,une (au ministèrede la
telle étude ne doit pasêtre négligé,et lesquestionsqui se posentpour dans des archivesauxquellesje n'ai pas eu accès
comprendreà la fois lesméthodesutilisées et lessystèmesde représenta- ParexemPle).
Défense,
tion choisispar lesguérilleros,sont nombreuses.on peut en effet se
demandersi lescombattantsdisposaient Une dominante : les villes du littoral Pacifique
d'une sémiorogiegraphique
commLIne,ou bien si chaquegroupeconfectionnaitde manièreisolée
son propre matérielen utilisantdessymboles,des signeset des dessins Autotal,l'lhncapossèdedix-septcartesutiliséespardesguérilleros
la façade
qui lui étaientpropres.La questionde l'échelleutiliséepour représenter sandinistesentreI 978 et 1979.Ellescouvrentessentiellement
Pacifiquedu pays,et plus particulièrementlescentresurbains'ce qui
lesterritoires, essentielle pour lesgéographes comme peut l,êtrela chro- économiquede base'En
nologie pour leshistoriens, occupeici une placecentrale: euelle était correspondà une donnéedémographiqueet
en valeur le versant
l'échellela plusadaptéeaux besoinsde la guerre,si cettenotionabstrai- effet, malgré de récentestentativespour mettre
te avait un sens pour des hommes et des femmes qui, en théorie, Atlantiquedupays,tardivementrattachéauterritoirenationa|,|esdépar.
concentrentl'essentielde la popu-
n'avaientpasde connaissances particulièresdansce domaine? tementssituéssur le versantPacifique
o/o totaIe s,entassent près
Dansla même perspective, il apparaîtnécessairede voir jusqu,àquel |ationet des activités: sur 15 de la superficie
siècle,le réseau urbain
point les indications topographiques, lesdétailsarchitecturaux ou la dis- des deux tiersde la population.À l'aubedu XXl"
proximité des lacsde la dépres-
tribution spatialedes différentsobjetsportéssur la cartecorrespondent à restedomine par.quutiuvillessituéesà
la réalitédu terrain.En casde différences notabres,ils'agit de savoirsi I sioncentra|e:Managua(unmil|iond,habitantssanscompter|es|oca|ités
(72 000)'
celles-ciont une signification autreque la simplemaladresse du dessinateur.
l Le6n(124 000),Masaya(90 000) et Cranada
périphériques),
35
94
sur cesdix-septcartes,six concernent
directementdes quartiersde ra
capitare' Deux représe.ntentre
gros bourg de Tisma (CNr-0071
PNI-0092),sirué dans re déparrËm.ni et
o"izuruyu. ;";; àutres, r",
villesde Le6n(ravire et re Fortin,
gurnirànde ra carde nationare)
Masaya.Lesautrestocalités.";;r;;;;.sont et de
Nandasmo,Bonanzaet Diria(figure : Cranada, Matagalpa,
n" 1;. Dun, cet ensemble,seules
Matagarpa'Esteri et Bonanzauppirti"nnuntà un autre
phique que le ri*orar pacifique, domainegeogra-
."rui J" tu cordirero;;ri;;r:;pour
deux premières,et re piémont au res
n èoriittrrarsaberia(versant pacifique)
pour la troisième.Saufexception,
ce sont
dupavs,
reprus
,ouuun,
capitares
dereur
Jilli"î1,ï,ti:ïilrïï,:î
entendu, ta prépondérancede
cescroquisne signifie
armées'estrimitéeaux centres à;;;;; la lutte
urbains: Ëlretraduitseurement ra
te, pour lesguérilreros, nécessi_
d'étabrirdesrerevés
T.
précisafinde combattredans
un mirieusouventmarconnu,étroitemenf
contrôrépar resforcesarmées
somozistes.
TNSLIAU N. I : rq POPULATION
DES VILLESCNRTOCRNPHIÉIS
PAR LA CUÉRILLA
)",
Lommunecrééeaprès1921 .:q
ir ia ( Cr anada ) pnRLncuÉRrrLe
Ftcumx'l : Lts tspncrscnRrocRepHtÉs tt pARLES
BRIcADES
DEsAUVETACE
HtsroRtour.
Esteli(cap.)' tourist ique de la ville de Crenade (PNl-0095). Quant au plan de
anada ( c ap.) Bonanza,il avaitété réalisé, dansle cadrede son travailde prospection,
Le6n(cap.) par un ingénieurd'une entreprisenord-américaine, la NeptuneMining
anagua(cap.d,Etat) Company.La présence de telsdocumentsdanslesarchives de la guérilla
montreque certainscommandants avaientaccèsaux informations théo-
riquementréservées aux autoritéssomozistes. ll estcependantrévélateur
M at agalpa ( c ap .) de constaterque ces carteset planssont des documentsde travailet
N andas m o ( M a s a y a ) d'urbanismeélaboréset utilisésà l'échellelocale.Jen'ai pastrouvéde
rsma(Masaya) carted'état-majordétournéepar la guérilla,ce qui sembleraitprouver
1 cap.: cadltè que le contrôlede l'informationcartographique étaitplusstrictà l'échel-
le nationale qu'au niveaumunicipal.
5ur cesdix-septcartes,quatre ll faut ajouterà cet ensembleun certainnombrede documentsde tra-
sont desdocumentsofficiersdérobés
par ta quérita aux services vail (croquis,figures,tableaux)qui, sansêtredes cartesà proprementpar-
de r'État.c'esr re casde tr;;J;;,
villeau I : B 000, où apparaissent prande ler,ont serviaux guérilleros sandinistes.ll s'agitparexempled'une rapide
des indications ,unur.it", u,
rouge ou au crayon bleu (pNr-0gg). .ruyon description de l'intérieurde la Banquecentralede Managua(PNl-0078);
Desfrèchessignarentrespoints
d'accès et les objectifs à attaqr"r. deszonesdesservies par lesémissions de RadioSandino(PNl-0083);ou
Oï,rouve de même un plan
Masaya au I ;5 000 et un plan de des plansd'un appareilrécepteurTSH(CNl-0066).Deux dessinsrudi-
de la ville d,Esteliau I : Z 500,
aucunesurcharge,ainsiqu'une sans mentaires représentent desterrainsqui appartenaient à la familleSomoza,
cartede Masayaréarisée a p*ti," d,une
photographieaérienne.Lessandinistes l'un à ChicoPel6n(CNl-0067),l'autre à SanRafaeldel Sur(CNl-0068).
ont par aiteursdétournéun pran
96
'v+
)CKl AUJJI A r^lnc LA !UCtrlLLA
LA L An l v!KAr nlE çA
t
tionnelledansla sémiologie cartographique, lespistesd,atterrissage sonr
indiquéespar le dessind'un avion et d'une mancheà air. La route du
sud, qui rejointMasayaen passantpar le lieu_dit.16 Montafrita, est
qualifiéede mejorentroda(meilleureentrée).
Curieusement cettecartene présente aucuneindication d,ordretopo-
,9,;i$1' graphique.Ni lesreliefs(certespeu accentués danscetterégion),ni les
pointsd'eau(d'autantplusprécieuxqu'ilssont rares)ne sontfigurés.De
*(4 4 -'
même,on ne trouveaucuneinformationsur lessurfaces cultivées nr sur
g't"A
lesespaces boisésqui pourraient,en casde besoin,servirde refugeaux
combattants.Lesvestigesde la forêt originellesont ici peu importants
car presquetouteslesterresdisponibles ont été misesen cultureou ser_
-t vent de pâturageau bétail.pour cesraisons,la guérillade la régionde
Masayaétaitavanttout une guérillaurbaine.Enfait, l'attentiondesgué-
\r rillerosse portaitsur un autretype de renseignement. comme la ptupart
t-
I deshaciendas appartenaità de grandesfamiiles,liéesde prèsou de loin
Frcunrn' 3 : Cnaruor LnRÉcroN
oe Ttsvn (pNl_0092). au régimede Somoza,il s'agissait de lesidentifier(leurnom est indiqué
sousceluide la propriété)pour mieux lescombattre.Enoutre,le dessi-
du 1 :40 000. si l'on comparece documentavecune carte
actuelrede nateuravaitpour tâchede répertorier lesprincipauxsoutiens de la dicta-
l'lneter (lnstitutoNicaragùense de EstudiosTerritoriales),
on constate ture, en particulierlesjuecesde mesta,cespetitsfonctionnaires
que lesdonnéestranscrites par le dessinateur ruraux
correspondent de manière qui étaientlesyeuxet lesoreillesdu gouvernement danslescampagnes.
. *. t
D EL'EPSÀ L'EPA
,' ; i ' i
*. Lavictoirefinaledessandinistes Somozan'a pas
et la fuite d'Anastasio
1
mis un termeà l'élaboration, par de nouveauxacteursdu ieu révolution-
i,Jti naire,de cartesmanuelles ou . informelleso, qui correspondaientà de
nouveauxbesoinset qui permettaientde continuer la lutte engagée
:i
-t
'?
Sl contrela dictature.En passantprovisoirement de I'EPS(arméepopulaire
sandiniste)à l'tPA (arméepopulaired'alphabétisation),les héritiers
déclarésde 5andinoont tentéde démontrerque la politiquepouvaitêtre
la continuationde la guerrepar d'autresmoyens,maisilssesont heurtés
Ftcu ReN" 4 : Prn NDETr s M A( pNl- 0097) . à de nouvellesdifficultés,en partieprovoquéespar l'oppositionrésolue
Àz
desÉtats-Unis à la miseen placede leurprogrammesocio-économique.
r\./ k?
4bf
A l nrN Mussrr Ln cnR ro c R npH l E ç A 5E R TA U S S IA FA IR ËLA c U E R ILLA
jeunes
En lançantune grandeCroisade nationale d'alphabétisation, au lende- Ministèrede l'éducation.Dansun premiertemps,centcinquante
main de leurarrivéeau pouvoir,lessandinistes poursuivaient plusieurs furent recrutés.Portéspar l'enthousiasme de la désireux
victoire, de
oblec-
tifs : renforcerleur légitimitépopulaireen montrantqu'ilss'intéressaient montrerleur valeuret de sacrifierleur confort matérielsur l'autel de la
en
prioritéaux populationslesplusdéshéritées; profiterde l'occasion pour dif- Révolution, tousd'êtreaffectésdansleszoneslesplusdif-
ils réclamèrent
fuserdansleszonesruralesun discours socialiste
" > qui n,allaitpaspartout ficiles.Pourrépondreà leurattentesansfairede jaloux,lespostesfurent
de soi; utiliserlescompétences desjeunesdiplômésde la viilepour menerà donc attribuéspar tirageau sort.Au total, 214 professeurs et étudiants
bien leurprojet;fairerencontrer desurbainset desruraux,et lesunirsurle ont participéà l'actiondesdifférentesbrigades.Chaque participant était
thème de la révolution,afin de renforcerle caractèrenationaletfédérateur lâchédansla nature,maisil restaitsousle contrôled'un chefd'escadron,
du sandinisme; donnerune leçonde réalisme socialauxjeunesgensissus de à qui il devaitrendrecomptede sesactivitésquotidiennes et des progrès
la bonne bourgeoisienicaraguayenne, enthousiasmés par la chute de de sa mission.Danscetteperspective, l'heureuxélu s'engageait à rédiger
somoza,maisqui n'avaitjamaisprisconscience de la gravitédesprobrèmes un journalde bord, destinéà être remisà seschefsimmédiats la fin de
à
rencontrés par lescommunautés rurales. sonséjour.
Le proletavaitaussipour but de sauvegarder la mémoiredes hauts- Même si leur intérêtest souventtrès inégal,cescarnetsgardentle
faitsde la révolution,en enregistrant sur bandemagnétiquelesrécitsde souvenird'une périodeparticulièrement nicaraguayen-
fastede l'histoire
tous ceux qui avaientparticipéà la lutte contre somoza.Au sein des ne. L'lhncaen a conservé une soixantaine.lls montrentà la foisla ferveur
équipesd'alphabétisation, on forma desgroupesbaptisés,. brigadesde d,unejeunesse prêteà se dévouer pour la Cause,maisaussilesdifficultés
sauvetagehistorique (brigodasde rescotehistorico). comme l'indiquait rencontrées par de ieunescitadinspour se faireaccepter dansun monde
"
le manuelà l'usagedesbrigadistes, éditéà cetteoccasionpour servirde dont ils ignoraientlescodes,lesrites,lestraditions.Quelquessemaines
guide et de modèleaux enquêtesde terrain:.. l'un des objectifsde la passées au fin fond de la montagneou de la forêtsuffirentsouventpour
croisadenationaled'alphabétisationest de préserverla mémoire de que viennentlespremiersdoutes(problèmesd'impréparation, accueilpar-
I'insurrection populairesandiniste Chaqueparticipant puislespremières
locales), désillusions (hosti-
". avaitpour tâche foismitigédespopulations
de remplirun questionnaire trèsdirectif,diviséen quatrechapitres: avecleshommesdela Contra)' Dès le 9
.l lité des!uyrunr,affrontements
. ldentification(n" de l'entrevue, ficheindividuelle,...) avri|198o,JosédeIaCruzBacanotaitainsidanssoniournaIqUeSes
du
2. Localisation (localité,quartier...) compagnonsde la régiond'Achuapa,petitevillesituéeaux confins
3. caractéristiques Managua, à la
démographiques et socio-economiques de la localité, domaineréellementèontrôlépar le pouvoir centralde
4. Antécédentset développementde l'insurrection populaire(attitude frontièreentre lesdépartementsde Leôn et d'Esteli,avaientrencontre
des habitantspendantla guerre,relations aveclessandinistes...). descontre-révolutionnaires' ll parled'attaqueset mêmede violscommis
Lespointstroiset quatreregroupaient à eux seulsquarante-cinq chargées de l'alphabétisationdespaysans du
ques- contrelesjeunesétudiantes
tions différentes, que chaqueenquêteurdevaitposeraux personnesinter- district.
rogées.Cette enquête,quand elle a été menéeà bien, est une source par-
Lesjeunesgensétaientlogéschezl'habitant,dansdesconditions
inestimable de renseignements sur l'économie,la sociétéet la culturedu Le chocculturela été immense pour ces étudiants,venus de
foisdifficiles.
Nicaragua au début des années 1 9g0. une étude systématiquede villesdu pays,qui devaient des
affronter diffi-
la capitaleou desprincipales
l'ensembledesarchives sonoresconservées à l'lhncase révèlerait richeen comme l'écrivait dans
Mariade la Cruzsilva,installée
cultésinattendues.
informations de premièremainsur la situationdu paysà un moment clé l,hacienda el Naranio(départementde Rivas),le 9 avril1980,quelques
de son histoire. joursaprèsson arrivée: .. Loscampesinosde estesector,y supon9oque
que
los de todo nuestropais,por lascondicionesde pobrezay hambre
c'est
Deux mondes se rencontrent han vivitjo,comen cualquiercosa >)(lHN-0040)' Le problème'
qu'elledevaitpartagerleursrepas"' Quant à SusanaBojorgeMayorga'
Lesgrandesmanceuvres liéesà ra croisadenationaled,alphabétisa- envoyéeà Elostional(villagede la Côte Pacifique situéà proximitéde la
tion commencèrentle 2 avril 1990. Un Institutd,étudessandinistes frontièrecostaricienne),elledoit se rendreà l'hacienda ElManzanilloen
(ancêtrede l'lhnca)fut fondé à cetteoccasion,en collaboration
avecle barque,moyende|ocomotionqu,e||eempruntepour|apremièrefoisde
4oû 4t9
sa vie. Là, elle est obligée de dormir dans un hamac, car sa famille Touslesbrigadistes notentdansleurscahiersqu'ilsont noué de véri-
d'accueilne disposepas d'un lit véritable(lHN-0044).Deuxmoisaprès tablesliensaffectifsavecleurshôtes- maison peut se demanderquelle
son arrivéedansleslieux,ellen'estpasencorehabituéeaux charmesde est la part du discoursconvenudanscestextessusceptibles d'être lus par
la vie rurale.Ëllenote ainsidansson cahier,à la date du 1 1 luin 1980 : lesdéléguéssandinistes. lls paraissent néanmoinssincères, notamment
quand Joséde la Cruz Baca, à la fin de son séjour, parlede sa famille
" Estedia no fue divertido.Comenzoque lasgallinasse metieronal cuar- pues
historia, estaml
to donde duermo y me ensuciarontoda la ropa de cama.Tuve que adoptive: " De mis padresyo quisieraescribiruna
lavarlo". De la même manière,JoséJaimeCorea,installéà Morillo,dans familiaes demasiada buenagentey estoyorgullosode estarentreellos,
le départementdu RioSanJuan,signalequ'il a été obligéd'apprendreà' (17-8-80).Ce n'estpassansémotionqu'arrivele momentde la séparation,
pêcher,à laverson linge et à faire la cui sine,activitésqu'il n'avaitpas unefoisterminéela tâched'alphabétisation et de recueildestémoignages
l'habituded'exercerchezlui. Conviépar safamilled'accueilà moudrele historiques : o Porfin y graciasa Diosestoyen Managua,sanoy salvo.
ma'isaveclesmoyensdu bord, il sort épuiséde l'expérience, lesmainsen Hoy sali de madrugadacon destino a Ledn y Managua.La alegriase
sang,lesmuscles desbrastétanisés (lHN-0050). combinocon llantoy tristezatanto mia como la mi gentea la que tanto
De fait, la vie quotidiennedans lescampagnesnicaraguayennes est estimo por lo bien que me trataron y el calorfamiliar que en todo
partout difficile: à ElWailo (régiond'Achuapa),Joséde la CruzBacadort momentosenti" (21-B-80).
peu car ily a un tuberculeuxcouchédans la pièceà côté, qui tousse
L'apprentissage d'une géographie mal connue
touteslesnuits.En outre, il doit allerpuiserl'eaudu puitspour se laver
chaquematin,ce qui n'estpasune tâcheagréablequandon est habitué
Cesjeunescitadinstransplantésdans ce qu'on pourraitappelerle
à tournerun robinetpour obtenirle précieuxliquide.De même,le jeune
o ruralprofond, ont du mal à sefamiliariser avecleurnouveaumilieude
brigadisteest effaréde voir comment conduisentles chauffeursde
vie. lls découvrentavec étonnement la et la complexité(géogra-
diversité
camionsqui assurentune grandepartiedu transportdesvoyageurs, dans
phique, sociale,culturelle,économique)de leur propre pays.Cette
ceszonesoù la voitureest un objet rareet ou lestransportspublicsres-
découverteempiriquede la géographielocalene se fait passanssouf-
tent peu développés, pour ne pasdire inexistants: Llegamosal Sauce
" francesphysiques,moralesou psychologiques. Quant aux autoritéschar-
con vida por milagrosya que la irresponsabilidad del choferde Ia Psicola ellesont en généralmal
géesd'organiserla Croisaded'alphabétisation,
a quienestacompafriale dio un armaparamatarcomo es el camionque régions,
évaluélesproblèmesposéspar le reliefou le climatde certaines
maneja,por nadala usacontranosotros,puesestesujetomanejaa 100
ainsi que par la faiblessegénéraledes infrastructuresde transport.
y 120 kms x hora,en caminocomo el de SauceAchuapa (lHN-00'19, des unset la maladresse desautresfont que la prisede
" L'impréparation
8-7-1980). contactse révèlesouventdélicate pour lesnouveauxarrivés.
Cependant,malgré lesdifficultés,des amitiésprofondesse nouent Expédiéà Achuapa,dansune zone ruralemontagneuse isolée,losé
entre les membres des brigadesd'alphabétisationet leursfamilles de la Cruz Bacane pouvaitque regretterles erreurscommisespar les
d'accueil.Passéquelquessemaines, Joséde la Cruz Bacacommenceà ( camarades techniciens de la brigade: ilsont élaboréson programme
"
apprécierleshabitantsde la régiond'Achuapa. Le28 juillet1980,c'estla d,alphabétisation sanstenir compte du temps nécessaire pour franchir
fête au village.De manièresansdoute naiVe,le jeune homme avoueà la desdistances qui semblentcourtessur une carte,maisque deschemins
fois son manquede connaissance des us et coutumesdes paysans, mais épouvantables rendentbeaucoupplus longues.Le 21 avril,il note à ce
aussisonattachementà la populationlocale,mêmes'il conserve pour la sujetque, pour se rendreau lieu-ditElWaylo(ElCuaylo),il a souffertmille
décrirele vocabulaire d'un entomologiste découvrantle fonctionnement maux : < paraestaren estelugar,pasémis aventuras,una de lascuales
d'une ruche ou d'une termitière: .. Me fije como es una fiestaen el me dejo como resultado variasampoyasy un dedo retorcidopor lo espe-
campo,analiseprofundamente el modo de bailarde estagente,la humilda cial que es estecamino.Ademasque me perdf en estamontaRa,pues
y su inmensaalegriaentremediode esteambientey tambienme di cuenta aqui la gentete dicesigala trochay alliva recto,el problemaes cuando
que no bastaun buen local,licoresde losfinosy mantelessumamente se presentanlosgauchosde caminoy los portonesallique de planohay
carosparateneruna granfelicidad". que ponerselaspilas,. Enfait, danscesparagesaccidentés, il fallaitsix
414
LA C AR T O G R A P H I E
\tr tt7
l'industriesucrière(bodegade azucor,fabrico).Tout autour de cet espace
consacré à la productionet à la sociabilité,se distribuentleslieuxde rési-
dencedesemployéset desouvriersagricoles,lescolonias. À la hauteurde
la colonioAmalia,l'indication,. tiroteosfuertes> prouveque la guerre
avaitlaissédes marquesindélébiles sur lesmaisonsde la communauté.
Encoreune fois,lesélémentsdu reliefsont inexistants, mis à part le
tracé d'un cours d'eau (el rio),qui est peut-êtrele rio Carbonara.Le
contexte géographiqueexplique là encore ce défaut d'information,
puisquel'ingedoestsituédansune plainecôtièrepeu accidentée qui s'incli-
ne légèrementdu nord au sud,pour rejoindreune zonebasseamphibieoù
dominela mangrove.Lesaltitudesmoyennesne dépassent pasuneving-
taine de mètres,même si on atteintsoixante-dixmètresà Chichigalpa.
Certes,comme on l'a vu plushaut,la géographiephysiquen'étaitpasle
pointfort de Lobato(ni celledesautresmembresde la Croisade nationa-
le d'alphabétisation).On peut cependants'étonnerde voir que desélé-
mentsimportantsde l'aménagement du territoirerégionalne sont pas
figurés.C'est notamment le cas de la ligne de chemin de fer reliant
Chinandegaà PuertoEsparta,en passantpar SanAntonio.De même,
aucuneindicationne permetde repérerles nombreuxcanauxd'irriga-
tion qui, dans un espaceconsacréà la culturede la canneà sucre,for-
ment un réseauparticulièrement dense.
Cesoublisou cesmaladresses apparentes s'expliquentpar la nature
même du document.Eneffet,la cartographiemilitantedesbrigadistes
ne prétendaitpasreprésenter des paysages urbains(ou ruraux),ni établir
des relevés topographiques précis,ni dresserun tableauéconomiqueen
règlede la régionvisitée. pour leursauteurs
ll s'agissait <<men-
de localiser
talemento les maisonsdes personnes interrogées dansle cadrede leur
campagnede rescate histôrico.Plusque des cartes,leurscroquisétaient
donc, avanttout, desaides-mémoires dont le contenuspatialpassaitle
plussouventau secondplan.
1 20 a^HIED( n Ec
tL4
^ ^ r i ô '^ ',r
contrôleréeldu chef-lieu et où vont rapidementprospérer lesfoyersde la
guérillaanti-sandiniste. On apprendainsiqu'en partantd'Achuapail faut
1
ll quatreheureset demiepour atteindreSantaCruz(au nord-ouest) et seu-
lementdeux heurespourserendreà SanNicolas(à l'est),alorsque,surla
cartemanuscrite, SanNicolasparaîtplus éloignéque SantaCruz.Une
comparaison avecla feuilleau 1 : 50 000 nous permetde constaterque
la distanceAchuapa-SanNicolasest d'environ cinq kilomètresà vol
d'oiseau,contretreizekilomètrespour Achuapa-Santa Cruz.Le graphe
paraîtdonc ici plusconformeà la réalitéque la carteinitiale.
Cependant,malgrétous sesefforts,l'auteurdu graphene respecte
t'. pas les règlesde représentation qu'il s'estimposées,puisquelesseg-
i 1: ç-
i* ''
I
mentsde droiteutiliséspour matérialiser les tempsde parcoursvarient
souventd'un point à l'autre.En effet,s'il faut bien une heure,soit un
segmentde 4,5 centimètres,pour allerd'Achuapaà Wisquiliou à Rio
Arriba,le trait ne mesureplusque 3,5 centimètres (pourla même durée)
i
tI - . en ce qui concerneOjo de Agua, et seulementtrois centimètrespour
Achuapa-Sabanade la Villa. Or, logiquement, les quatre localités
I
r-
t-
t
devraientêtre représentées
Cettedifférence
à égaledistance< temporelle" du chef-lieu.
s'expliqueparceque la représentation isochronique est
ici pondéréepar la priseen compte des distancesréelles.En effet,à
I
peinedeux kilomètres séparent Achuapad'Ojo de Aguaou de Sabana de
la Villa,alorsqu'il faut franchirentre5,5 et six kilomètres pour atteindre
Wisquiliou RioArriba.Ce déphasage dansle tempset dansl'espaceest
en partie provoquépar l'état des voiesde communication,qui influe
directementsur lestemps de parcourseffectifs:alorsque Wisquiliest
placéesur la principaleroutede la région,qui mèneà Leônyio El Sauce,
seulun étroitsentierrelieSabanade la Villaau restedu monde.
La remarqueestvalablepour l'ensemble des localités
répertoriéessur
la carte et sur le graphe.Ainsi,onze centimètresmatérialisentles six
heuresde marchenécessaires pour allerà Ël Cuaylo,alorsque lescinq
heurestrentequi séparentAchuapade LosAraditos,à l'ouestde la zone
étudiée,sont représentées par un segmentde droitelong de -l9,5 centi-
mètres.Ce déséquilibreapparentcorrespondà la priseen considéra-
tion de donnéesspatiales objectives:LosAraditossesitueen fait à treize
kilomètresà vol d'oiseaud'Achuapa,alorsqu'ElCuayloest à moinsde
dix kilomètres.Cetteperceptiondu territoire,biaiséepar lestempsde
parcourseffectifs, expliqueen grandepartielesdéformations subiespar
la carte initiale.En effet,on constateque les pointssituésà I'estde la
ii feuille,c'est-à-dire dansla partiela plustourmentéede la région,appa-
. L l" raissenten proportion plus distants d'Achuapaque les localitésde
FrcuRE
B : cRApr'rE (CNl-004
D'AcHUApA l'ouest,pourtantpluséloignées en valeurskilométriques. Moinsacciden-
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122
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Notes
I L'lnstitutd'Histoiredu Nicaraguas'appelledésormais
l'lnstitutd'histoiredu Nicaraguaet
d'Amériquecentrale(IHNCA).
, nom s ne s ont pa sd o n n é si c i . Q u a n d i l ss o n t i n d i q u é ss u r
2 Pou rd es ra is onsév ident esles
une carte,ilsont été masqués.
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