Au sommaire
— rencontre avec un magicien, entretien exclusif avec Jacques
— Bergier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
— l’énigne des migrations polynésiennes, Jacques Dieu . . . . 7
— notre cahier chan-chan
— au pays des pyramides, Pierre Honoré . . . . . . . 13
— chan-chan, la mystérieuse, Marcel Holmet . . . . . . 18
— mégalithes oubliés des îles baléares, Robert Dehon . . . . 26
— la grande pyramide, une utile mise au point, Jacques Victoor . . 30
A la recherche
De kadath
« C’était en 1933. Le petit étudiant juif avait un nez pointu, chaussé de lunettes rondes derrière lesquel-
les brillaient des yeux agiles et froids. Sur son crâne rond se clairsemait déjà une chevelure pareille à un
duvet de poussin. Un effroyable accent, aggravé par des hésitations, donnait à ses propos le comique et
la confusion d’un barbotage de canards dans une flaque. Quand on le connaissait un peu mieux, on
éprouvait l’impression qu’une intelligence boulimique, tendue, sensible, follement rapide, dansait dans
ce petit bonhomme malgracieux, plein de malice et d’une puérile maladresse à vivre, comme un gros
ballon rouge retenu par un fil au poignet d’un enfant. « Vous voulez donc devenir alchimiste ? », deman-
da le vénérable professeur à l’étudiant Jacques Bergier. »
C’était en 1973. Attablés dans un snack des Champs-Elysées, nous écoutions Jacques Bergier.
Nous avions retrouvé le même personnage décrit affectueusement par Louis Pauwels. Même
accent rocailleux, même gentillesse, même regard pétillant d’intelligence. Il avait fait à KADATH
un accueil aussi chaleureux qu’inattendu : un homme si occupé, tellement sollicité de partout,
allait-il se donner la peine de nous envoyer des encouragements ? Oui, par retour du courrier, il
nous disait tout le bien qu’il pensait de notre action, et nous invitait à son bureau. Nous avions
beaucoup de questions à poser à Jacques Bergier. Il avait fait, quelques mois auparavant, une
intervention très remarquée dans un débat à l’ORTF. Connaissant la différence de méthode qui
l’éloigne d’un Robert Charroux ou d’un Erich von Däniken, nous avions entrevu un début d’expli-
2 cation, et nous ne pouvions qu’applaudir. Mais il allait nous en apprendre plus. Car cet homme,
lorsqu’il se manifeste en public, a une attitude de prime abord paradoxale. Et c’est souvent à cet
aspect que s’arrête le lecteur ou le téléspectateur moyen. Comme pour Salvador Cali, on ne
comprend pas et on préfère sourire. Et pourtant...
Ce qui nous avait toujours gênés, c’est que les journalistes ne posaient jamais à Jacques Bergier les
questions qui auraient pu résoudre ces apparents paradoxes. On s’arrête à l’aspect insolite, voire
folklorique du personnage. Bien sûr, il a sa part de responsabilité. Lorsqu’il se présente, ne vous
offre-t-il pas une carte de visite rédigée en ces termes : « Jacques Bergier, amateur d’insolite et scri-
be des miracles » ? Mais il faut aller au-delà de l’anecdote. Car on ne passe pas sa vie, sans raisons,
à se balader aux frontières du fantastique, sans avoir une petite idée derrière la tête, bref sans faire
usage d’une méthode. C’est cette méthode que nous voulions lui faire dévoiler, ou du moins en
recueillir des bribes. Jacques Bergier s’est ouvert à nous sans la moindre réticence. Plus nous lui
posions de questions, plus il nous fournissait d’exemples (avec références précises, il faut le souli-
gner), et plus se dessinait une méthode de prospection. Elle nous a fascinés, car elle fleure bon l’air
pur : Bergier ouvre toutes grandes les fenêtres de l’imagination -- et il en faut actuellement dans le
monde étouffant de l’archéologie. Aucune idée n’est assez folle quand il s’agit de tout remettre en
question. De cet entretien, nous avons recueilli deux articles. L’un sera l’interview qui suit, avec des
éclaircissements et des orientations d’ordre général. L’autre sera un article exclusif, signé Jacques
Bergier, que nous vous proposerons dans un prochain KADATH, et où il expose ses vues sur la né-
cessité des « hypothèses folles » en archéologie, pour en arriver à un début d’explication sur ce qu’il
appelle les « intermédiaires ». Nous croyons que c’est la première fois qu’on lira un « ce que je
crois » de Jacques Bergier, et c’est pour nous un grand honneur.
*
**
Un hebdomadaire de la capitale a parlé, à notre sujet, de « réactivation archéologique ». L’expression ne
nous déplaît pas. Mais nous n’en étions pas encore arrivés à ce stade. Maintenant, c’est chose faite.
Avec des gens comme Jacques Bergier ou Marcel Homet, il pouvait difficilement en être autrement. Car,
jusqu’à présent, nous n’avons fait que vous proposer, « gentiment », quelques éléments d’une remise
en question du passé de l’humanité. Nous en tenons encore une masse en réserve. Mais il ne suffit pas
d’être approuvé, il faut aussi provoquer des réactions. C’est pourquoi nous allons mettre le doigt sur
quelques véritables scandales concernant la vérité historique, scandales qui se portent bien, merci, car
les plus luxueux livres d’art en regorgent, tout en les ignorant. Le Professeur Marcel Homet, en butte
depuis plus de trente ans aux pontifes assis derrière leurs bureaux, craignait de nous voir nous heurter à
des gens comme ceux du Musée de l’Homme. Tant pis pour nous ! Nous avons l’enthousiasme de la
jeunesse et l’écoute du public. Peut-être aussi les temps sont-ils mûrs pour nous ? Nous avons été ahu-
ris de découvrir, au fil des longs entretiens que nous avons eus avec Marcel Homet, la trame qui se
noue pour reléguer dans l’ombre l’œuvre de gens considérés par ailleurs comme d’incontestables cher-
cheurs. Simplement parce que, sur le terrain, leurs fouilles ont mis à jour des pièces qui ébranlent les
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théories patiemment élaborées sous les voûtes du Palais de Chaillot.
Le Musée de l’Homme est une merveille. On y retrouve, avec un luxe de détails, tous les aspects
de l’art humain. Mais quelle indigence dans les explications qu’on vous fournit ! N’y cherchez pas
les fresques du Tassili, elles sont camouflées derrière celles de Lascaux. Ne cherchez pas de
traces de Glozel, les tablettes sont dans les caves. Ne cherchez pas la magnifique statue rame-
née de l’île de Pâques par Alfred Métreaux : les palissades vous guideront de façon à ce que
vous ne la voyiez pas, cachée dans le fond du hall d’entrée. Et la pauvre tête pascuane ramenée
par Pierre Loti, elle se range dans les « peuplades primitives ». Ne cherchez pas Chan-Chan,
toute l’histoire péruvienne dérive de Chavin. C’est ce qu’a décrété le duo pensant du Musée, feu
Paul Rivet, et son fidèle disciple Jacques Soustelle. Alors que la science officielle refuse d’accor-
der aux civilisations précolombiennes la moindre ancienneté, elle fait inexplicablement l’exception
pour Chavin. En niant un bon nombre d’évidences, cela arrange tout le monde, coupe court à
toute spéculation concernant Tiahuanaco ou Chan-Chan, et maintient en place les théories.
Pour entrer au Musée de l’Homme, il s’agit de montrer patte blanche. Chan-Chan ne jouit pas de ce
privilège. Aussi faudra-t-il forcer la porte. Car, ce que vous explique notre cahier spécial, est
le fruit de longues années d’effort sur place, et qui plus est, confirmé aujourd’hui par les fouilles d’u-
ne équipe américaine. Nous avons prié le Professeur Homet de souligner au passage ces confirma-
tions a posteriori. Mais lorsqu’en ces temps, il sollicitait l’aide du Musée de l’Homme, Paul Rivet lui
répondit : « Je suis au regret de vous faire savoir qu’il m’est absolument impossible de vous aider
pour votre prochaine expédition, attendu que le Musée de l’Homme n’a pas actuellement de crédits
disponibles. J’espère néanmoins, que vous voudrez bien, à votre retour, nous faire connaître le ré-
sultat de vos recherches et, également, dans la mesure de vos possibilités, enrichir nos archives
photographiques, comme vous l’avez fait déjà si aimablement avant la guerre. » Faut-il ajouter que,
par la suite, ce n’est que l’enrichissement des archives qui intéressa le noble organisme, et en au-
cun cas le résultat des recherches ? Car celles-ci remettaient en question la préséance de la civilisa-
tion de Chavin. Cette chronologie classique, nous l’avions d’ailleurs reprise dans notre petit mémen-
to du premier numéro de KADATH. Aujourd’hui, nous la remettons en question, du moins en ce qui
concerne Chavin et Chan-Chan. Il ne s’agit pas là d’une erreur de notre part. C’est plutôt un aspect
de notre méthode et, je crois, de la dynamique de notre revue : procéder par étapes. C’est de
l’archéologie vraie, mais parallèle.
IVAN VERHEYDEN.
Rencontre avec un magicien
KADATH. L’ORTF a diffusé, voici quelques mois,
le film tiré du livre d’Erich von Däniken,
« Souvenirs du futur ». Dans le débat qui a suivi,
vous vous êtes violemment heurté à ceux que le
téléspectateur croyait être de votre bord. A tel
point que pour certains, votre attitude d’avocat du
diable était parfaitement incompréhensible. Pou-
vez-vous nous expliquer pourquoi ?
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les nie qui forme l’ensemble des terres du Pacifique a 7
résultats d’une expédition originale s’imprimèrent été divisée en quatre zones raciales : la Microné-
sur tous les téléscripteurs des agences de pres- sie, la Mélanésie, l’Australie et la Polynésie. La
se : un radeau construit en bois de balsa avait Micronésie, ou les « petites îles », se situe au nord
traversé le Pacifique. L’expédition du Kon-Tiki fit de l’équateur. Elle se compose des îles Marshall,
beaucoup de bruit à l’époque et son chef, le Nor- Mariannes, Carolines, Palaos et Gilbert. La Méla-
végien Thor Heyerdahl, fut considéré comme un nésie, c’est-à-dire îles des Noirs, comprend de
héros. Ses récentes expéditions dans l’Atlanti- vastes archipels qui s’échelonnent autour de la
que, à bord du Râ, ont remis en mémoire son Nouvelle-Guinée : l’archipel Bismarck, les îles
exploit de l’année 1947. Parti de Callao au Pérou, Salomon, la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-
le 28 avril, le Kon-Tiki s’échoua sur les récifs de Hébrides, les îles Fidji et l’archipel de la Louisade.
Raroïa, le 7 août de la même année. Quel était La Polynésie embrasse tout le reste des îles du
donc le but de l’expédition ? Le grand public, Pacifique. Celles-ci s’inscrivent dans un immense
parfois aidé par la presse mais aussi par le film triangle situé à l’est et au centre de l’Océan. Le
ramené par Heyerdahl, n’y vit souvent qu’un mer- sommet est composé de l’archipel des Hawaii au
veilleux exploit sportif. Et pourtant... l’objectif prin- nord de l’équateur. La base du triangle est une
cipal était de prouver que les Indiens d’Amérique droite qui va de l’île de Pâques, au sud-est, à la
du Sud avaient atteint les îles du Pacifique il y a Nouvelle-Zélande, au sud-ouest. A l’intérieur, nous
plusieurs centaines d’années. Cette hypothèse trouvons des groupes importants tels que les Sa-
fut à l’origine de nombreuses controverses. En moa, les Tonga, les Marquises, les Tuamotus, les
réalité, Thor Heyerdahl ne démontrait pas néces- îles Cook, Australes et de la Société.
sairement d’où étaient venus les Polynésiens,
mais bien comment ! En cela, l’expédition fut une
merveilleuse expérience. Car, comme le faisait si (1) C’est Eric de Bisschop qui nous explique la
bien remarquer Eric de Bisschop, le problème différence entre un marin et un navigateur. Le
polynésien étant avant tout maritime, c’est en premier se sert d’une embarcation pour courir
marin qu’il faut l’étudier. (1) vers le large, attiré par le mystère des horizons
et de ce qu’il peut y avoir au-delà... (exemple : le
Polynésien). Le second se sert d’un bateau pour
Avant d’examiner les diverses théories relatives se déplacer sur l’eau, avec une destination défi-
aux migrations, il est intéressant de reconnaître nie « qu’il sait pouvoir atteindre » (exemple :
l’Océan Pacifique (voir la carte au verso). L’Océa- l’Egyptien).
Selon le professeur américain D.L. Oliver, ce fu- ont donc pu aller très tôt très loin. Aux îles Ma-
rent des négroïdes, appelés Négritos qui, les pre- riannes, l’archéologue Spoehr a obtenu, pour un
miers, peuplèrent l’Océanie. Ces Négritos étaient échantillon, la datation de 1527 avant J.C. Le
de petite taille et avaient le crâne court savant pense que ces îles ont pu être peuplées il
(brachycéphale). Ils étaient apparentés aux né- y a quatre mille ans, à une époque où l’on parlait
groïdes d’Afrique et occupaient le sud de l’Asie encore sumérien en Basse-Mésopotamie. Primi-
avant la dernière glaciation. Ils furent refoulés vers tifs ou pas, ces peuples venus de l’ouest étaient
les diverses parties de la Malaisie, franchirent les déjà de fameux marins et cela depuis plusieurs
détroits et occupèrent la Nouvelle-Guinée, l’Aus- millénaires.
tralie et les îles voisines. Les négroïdes océaniens
sont aussi divisés en deux familles bien distinc- Le problème polynésien.
tes : celle des Négritos et celle des Papous. Ceux- Dans un chapitre consacré à l’île de Tahiti et aux
ci seraient restés sédentaires et certains types mœurs et caractère de ses habitants, Bougainville
purs ont été retrouvés récemment dans les vallées écrit à la fin du XVIIIe siècle : « Le peuple de Tahiti
inaccessibles de la Nouvelle-Guinée. Les Négritos est composé de deux races d’hommes très diffé-
devenus nomades envahirent les îles du Pacifi- rentes, qui cependant ont la même langue, les
que. Cette première migration dura probablement mêmes mœurs et qui paraissent se mêler ensem-
plusieurs millénaires. Les moyens utilisés pour ble sans distinction. La première, et c’est la plus
atteindre les îles orientales demeurent un problè- nombreuse, produit des hommes de la plus gran-
me. Peut-on admettre que des hommes dits primi- de taille... Rien ne distingue leurs traits de ceux
tifs des époques classiques mésolithique et néoli- des Européens ; et, s’ils étaient vêtus, s’ils vivaient
thique aient pu s’embarquer à bord de bateaux ou moins à l’air et au grand soleil, ils seraient aussi
radeaux et découvrir l’île de Pâques ? blancs que nous... La seconde race est d’une taille
médiocre, a les cheveux crépus et durs comme du
Jusqu’en 1950 environ, les fouilles archéologi- crin ; sa couleur et ses traits diffèrent peu de ceux
ques dans le Pacifique semblaient superflues. On des mulâtres ». Première constatation : une race à
ne pouvait imaginer que ces peuples primitifs peau blanche, une autre à peau foncée. Cette
aient pu laisser des objets intéressants. Et c’est différenciation se retrouvait dans toutes les îles
ainsi que sans avoir recours à l’archéologie, on formant l’actuel triangle polynésien. Ayant embar-
élabora de nombreuses théories. C’est avec sur- qué des indigènes avec eux comme pilotes, Bou-
8 prise que l’on constata en 1957-58 et grâce à la gainville et ensuite Cook, constatèrent que lors-
datation au radiocarbone, que les Marquises qu’ils arrivaient dans une autre île, leur pilote se
étaient déjà habitées au IIe siècle avant J.-C. faisait très bien comprendre par les habitants.
Comme l’explique Henri de Saint-Blanquat, Seconde constatation : une même langue était
« l’archéologie du Pacifique, ayant vu ses recher- donc parlée dans toutes les îles. Cook fit même
ches s’amplifier, ses résultats se multiplier au quelques comparaisons entre le malais et le poly-
cours des dernières années, a provoqué à son nésien. D’autres, plus tard, reprirent cette compa-
tour bien des surprises. Surprises à l’image de raison et l’approfondirent. Ainsi naquit l’embryon
celle que les archéologues ont éprouvée en dé- d’une théorie, dite officielle, du peuplement de la
couvrant l’itinéraire suivi par les techniques de Polynésie par l’ouest. Car le problème des migra-
l’agriculture pour arriver dans certaines îles de la tions polynésiennes est surtout un problème de
Sonde (Java et Sumatra). L’île de Bornéo a ainsi savants ; en quelque sorte une rivalité de théories
reçu l’agriculture non pas de l’ouest, comme on et d’hypothèses concernant l’origine d’un peuple
aurait pu le croire, non pas de Java, mais des dont les traces du passage restent encore très
Philippines qui l’avaient elles-mêmes reçue de la vagues.
Chine. La diffusion s’est donc faite plus aisément
et plus rapidement par mer. Or, il semble bien, à Depuis la découverte du Pacifique par les Euro-
la lumière des connaissances actuellement ac- péens, à peu près tous les pays du monde ont été
quises, que l’itinéraire suivi par les ancêtres de la proposés comme berceau pour ces Polynésiens à
civilisation polynésienne ait lui aussi évité, court- peau blanche. Pour une meilleure compréhension
circuité le bloc trop compact des îles de la Sonde. du problème, nous avons divisé l’étude des hypo-
Ceci pour une première et fort simple raison : le thèses en quatre questions :
Néolithique, niveau technique avant lequel les a. Sont-ils originaires de l’ouest, c’est-à-dire de
hommes n’ont pas pratiqué la navigation, a été l’Asie ?
connu sur les côtes de l’Indochine avant de l’être b. Sont-ils originaires de l’est, c’est-à-dire de
en Malaisie et dans les îles de la Sonde. Il s’en- l’Amérique du Sud ?
suit que des îles comme les Philippines, par c. Sont-ils autochtones, et ont-ils entrepris des
exemple, ont pu être atteintes avant des régions voyages d’exploration vers l’Asie et l’Amérique
pourtant plus rapprochées des masses continen- du Sud ?
tales. Pour le Néolithique, cette route marine a d. Sont-ils les derniers survivants d’un vaste conti-
représenté un raccourci. » Ces premiers marins nent disparu ?
A côté et parallèlement à ces questions de base, Cap à l’est. 9
nous en trouvons d’autres également sans répon- Un chercheur voulant trouver l’origine des Polyné-
se définitive, telles que : colonisation et dispersion siens à l’ouest se heurte déjà à plusieurs problè-
successives dans les îles, époques d’arrivée, etc. mes : viennent-ils d’Asie, de l’Indonésie, de l’Inde,
L’étude poussée des divers moyens de transport de l’Egypte ou d’Europe ? Tous ces pays ont été
(bateaux, radeaux, pirogues) et l’évolution de proposés ! La plupart des polynésiologues ont
ceux-ci, ainsi que des méthodes de navigation choisi l’ouest et quelques-uns font figure de chefs
utilisées pourra donner la solution de l’origine des de file.
Polynésiens. Il n’est pas permis d’étudier leurs — William Ellis publia en 1829 ses « Polynesian
migrations avec le même esprit qu’on étudiera Researches ». Etudes importantes sur la Polyné-
l’histoire des migrations européennes. « Même à sie en général et analyses plus particulières des
travers les déserts d’Asie, écrit Marcel Brion, nous îles de la Société, les Tubuai ou Australes, la Nou-
suivons à la piste d’année en année, presque de velle-Zélande et les Hawaii. Il soutient la thèse
jour en jour, les vagabondages des Huns, des d’une origine sud-est asiatique. Néanmoins, il ad-
Mongols. Nous retrouvons leurs pistes à travers met que certaines expéditions furent organisées
les cultures et les langues. Nous reconnaissons vers l’Amérique du Sud, suivies d’un retour vers le
leur main dans tel monument qu’ils ont édifié, ou centre du Pacifique.
tel autre qu’ils ont démoli. Le tracé de leurs voya- — de Quatrefages a écrit dans son ouvrage « Les
ges, sur une carte, constitue un réseau si précis Polynésiens et leurs Migrations » (1866) qu’ils ne
que nous ne les perdons pas de vue un seul ins- peuvent être venus que de la Malaisie.
tant ». L’histoire des Polynésiens s’inscrit dans un — Abraham Fornander publia à Londres en 1878
territoire de cent quatre-vingt millions de kilomè- un volumineux ouvrage : « An Account of the Poly-
tres carrés, environ le tiers de la surface de la nesian Race : its Origin and Migrations ». D’origi-
terre. La mer est l’élément commun des dix mille ne suédoise, l’auteur se fixa aux îles Hawaii et se
îles. Les migrations sont donc avant tout mariti- maria avec Pinao Alanakapu, une alii ou chef fé-
mes et l’élément humain est d’abord marin. Ses minin. C’est sa femme qui l’initia aux traditions,
connaissances de la navigation seront étroitement généalogies et chants des îles Hawaii. Après avoir
liées à celles des vents, des courants et des cons- récolté tous les renseignements du folklore ha-
tellations. Lorsque les archéologues et les marins waiien, Fornander fit des comparaisons entre la
auront comparé leurs recherches respectives, un culture hawaiienne et les autres îles polynésien-
pas immense sera franchi. nes ainsi qu’avec les autres races de la terre. Le
résultat de ses recherches fait trois volumes totali- ple et de la culture de la Polynésie, a tendu non
sant plus de 900 pages. On peut en déduire que seulement à masquer la complexité du problème
les Polynésiens sont issus de deux très anciens mais aussi à faire oublier les nombreuses autres
peuples : les Cushites et les Aryens pré-védiques. possibilités. Bien que cette controverse ait stimulé
Pendant une période de plusieurs siècles, ils oc- la recherche sur la Polynésie, un effet second, et
cupèrent le sud-est asiatique, les îles de la Sonde néfaste, a pour résultat d’annuler les résultats
et pénétrèrent par le détroit de Torrès dans le Pa- éventuels de ces nouveaux et vigoureux efforts.
cifique à la fin du Ier siècle après J.-C. Une période On a tendance actuellement à interpréter toute
de dix siècles fut nécessaire pour coloniser suc- connaissance nouvelle pour en faire un argument
cessivement les Fidji, les Samoa, les Tonga, les dans la querelle est-ouest, comme si l’un et l’autre
Hawaii (Ve s.), et enfin, les Marquises et les îles ne pouvaient pas se rencontrer, et comme si au-
de la Société (XIe s.). cune autre interprétation n’était possible ».
— Percy Smith est considéré comme un des plus
importants chercheurs et porte la paternité de la
théorie officielle. Il fonde en 1891 la « Polynesian
Society » de la Nouvelle-Zélande. Sa première
théorie est publiée en 1910 dans son « Hawaiiki »,
et sa seconde en 1921. Celle-ci a paru dans le
« Journal of the Polynesian Society », volume
XXX, et est en quelque sorte la version définitive
et indiscutable de l’origine et des migrations des
Polynésiens. Selon P. Smith, les Polynésiens sont
Caucasiens et également une branche de la race
proto-aryenne de l’Inde. Chassés de ce pays vers
le début du IVe siècle av. J.-C., ils émigrèrent vers
l’Indonésie. Vers 65 de notre ère, ils quittent Su-
matra, Java, Bornéo et les Célèbes pour gagner
les îles Hawaii. Un second groupe atteint les Fidji,
les Samoa et les Tonga vers 450. Le reste de la
Polynésie fut envahi entre 700 et 900.
10 — Lesson considère la Nouvelle-Zélande comme
le berceau de la race polynésienne. La thèse de
Lesson s’inscrit pratiquement dans le cadre d’une
origine autochtone, du fait que la Nouvelle-
Zélande se situe dans le triangle polynésien.
Connaissances maritimes.
BIBLIOGRAPHIE.
Nous avons, tout au long de cet exposé, insisté
particulièrement sur l’aspect marin attaché aux P.H. BUCK - « Les migrations des Polynésiens » -
études des migrations polynésiennes. Les ouvra- Payot 1952.
Robert C. SUGGS - « The hidden worlds of Polyne-
ges consacrés aux embarcations utilisées lors des sia » - Mentor Book, New York 1965.
grandes traversées sont peu nombreux. Les au- « Lords of the blue Pacific » - Cassel, London
teurs des premiers récits concernant l’exploration 1963.
du Pacifique ne nous ont laissé que très peu d’in- « Les civilisations polynésiennes » - La Table
formations sur la science de la navigation des ronde - 1962.
anciens Océaniens. Quelques chercheurs isolés, Dr. C.H.M. Heeren-Palm - « Zwerftochten door de
tels Alain Gerbault et Eric de Bisschop avaient dès Zuidzee » - Boom & Zoon, Meppel 1956.
les années trente compris que les Polynésiens Eric de BISSCHOP - « Cap à l’est », Plon 1958.
étaient les « possesseurs d’une science merveil- « Vers Nousantara », La Table ronde 1962.
leuse. Ils connaissaient toutes les étoiles du ciel. BOUGAINVILLE - « Voyage autour du monde » -
Collection 10/18, Paris 1966.
Ils connaissaient l’art de se diriger presque sans Thor HEYERDAHL - « Sea routes to Polynesia » -
instruments sur les mers » (3). La recherche de George Allen and Unwin, London 1968.
cette science maritime est revenue à la mode de- « L’Expédition du Kon-Tiki » - Albin Michel 1951.
Henri MAGER - « Le monde polynésien » - Schlei-
cher Frères, Paris 1902.
(2) Voir les n° 1 et 3 de KADATH. D.L. OLIVER - « Les îles du Pacifique » - Payot
(3) Alain Gerbault - « Un paradis se meurt », p. 236. 1952.
LE PASSE PRESENT
Le littoral du Pérou est aujourd’hui encore une les premiers Espagnols arrivés dans le pays. Au
région sèche, sablonneuse, presque désertique. Pérou, on peut entrer de plain-pied dans le domai-
Là, pas trace de cette végétation exubérante, en- ne de l’archéologie. Là, pas de contes brodant au-
vahissante qui, dans d’autres contrées méso- tour de villes disparues sans laisser la moindre
américaines, engloutit des villes entières en quel- trace, comme au Mexique où, pendant des siècles,
ques siècles. Là, pas de jungle qui puisse enseve- ils furent les seuls témoins rappelant le souvenir de
lir les anciennes civilisations sous son fouillis de civilisations englouties. Là, les innombrables et
verdure impénétrable. Les témoins du passé y minuscules fragments patiemment rassemblés par
gisent nus, sous le ciel torride. Quand on part les archéologues, ont restitué le visage d’un autre
aujourd’hui, par avion, de Trujillo pour longer la peuple indien : celui des Chimus.
côte du Pacifique, on distingue dans l’étroite plai-
ne littorale du Pérou des pyramides qui surgissent Le Grand Chimu.
les unes après les autres, dix, vingt, trente, cent, Les Chimus avaient autrefois établi leur empire
des centaines, sur le ruban de sable large de sur le littoral du Pérou, en rassemblant ce que l’on
cinquante kilomètres et long de 1.500. a appelé les petits royaumes, dispersés dans les 13
vallées. Cela, les anciennes chroniques nous l’ont
Près de l’embouchure du Jequetepeque, dans les appris. Ces principautés, comme celles de Lam-
ruines d’une ville qui pourrait bien être l’antique bayeque, Chirastal, Quito, avaient été fondées par
Pacatnamu, on en dénombre, d’avion, plus de des hommes venus de la côte mexicaine du Paci-
soixante-dix. Quand on survole les vestiges de ce fique sur des radeaux, et établis en Amérique du
qui fut la grande Chan-Chan, ce sont des douzai- Sud au début de notre ère. Appartenant à l’épo-
nes de ces édifices qui apparaissent. Dans la val- que archaïque du Mexique, ils apportaient avec
lée de Chiras, une pyramide de briques à trois eux la légende du grand déluge — peut-être mê-
étages et haute de 120 mètres repose sur une me avaient-ils quitté leur pays en raison de cette
base qui a 90 mètres de côté. C’est celle de Chi- catastrophe — et ils s’établirent dans la région
ra, non loin de Sujo. Dans la vallée de Casma, on que l’on appela par la suite « pays chimu ».
a trouvé les ruines d’une pyramide qui a dû sur-
passer autrefois toutes les autres dans le voisina- Au point de vue archéologique, on divise ces an-
ge par sa hauteur, celle de Mojeke. Elle n’est plus ciennes civilisations côtières du Pérou en cultures
aujourd’hui qu’un amas de terre. Il en va de même de Salinar, de Gallinazo, de Mochica (ou protochi-
du temple dédié au dieu Pachacamac, orgueil des mu, vers -400) et Chimu tardif. Ces Chimus
princes de Guismanca dans le passé, et des in- étaient à l’origine, des roitelets ou des chefs de
nombrables petites pyramides élevées en l’hon- tribu établis dans des châteaux-forts et des tem-
neur de ce dieu qui était plus grand que tous les ples le long du rio Moche. Ils parlaient le mochica,
autres. Ecroulé aussi le temple du dieu de Rimac. qui devint par la suite la langue de toute la région
côtière. C’était également le nom de leur peuple
Mais ce ne sont là que quelques-unes des innom- avant qu’il ne prît celui de Chimu.
brables pyramides de cette région. Elles se distin- Au cours des siècles, ils triomphèrent de tous leurs
guent de celles de l’Amérique Centrale par le fait voisins et arrivèrent à dominer l’ensemble de la ban-
qu’elles sont construites en adobe, en brique crue de côtière péruvienne. D’après les anciennes chroni-
séchée au soleil, exactement comme celles de ques, un de leurs plus grands souverains vécut à la
Hauwara et de Illahun au bord du Nil... Un escalier fin du Ve ou au début du VIe siècle de notre ère.
extérieur escalade leur flanc pour conduire à la Connu sous le nom de « Grand Chimu », il étendit
plate-forme qui supporte le temple. La plupart de considérablement ses domaines. Le terme de Chi-
ces ruines sont à notre époque telles que les virent mu, qui signifie simplement « grand chef », fut
La Pyramide du Soleil ou Huaca del Sol.
appliqué par la suite non seulement au souverain Arrivés devant lui, ils constatèrent qu’il était
mais au peuple entier lorsqu’il établit sa supréma- construit en briques et conclurent qu’il serait bien
tie sur tous les royaumes du littoral. difficile et pénible de le démolir pour chercher
ses trésors cachés. Sans hésiter, ils détournè-
Les siècles passèrent. La puissance des Chimus rent le cours du Moche pour que le rio se jetât
ne cessait de grandir, de même que leur richesse, contre la pyramide et fit leur travail. L’entreprise
aussi leur empire était-il celui de l’or et le plus vas- réussit pleinement : les murs s’écroulèrent, de
te de tous quand les Incas arrivèrent. Ceux-ci le leurs débris un trésor fut retiré... et disparut dans
détruisirent alors que Chimo Capac en était le roi. la poche des Espagnols. Ceux-ci trouvèrent des
Les chroniqueurs rapportent qu’au début du XVe armes en argent et de la vaisselle en alliage d’or
siècle, Chimo Capac perdit une bataille contre et de cuivre, ainsi qu’une figure d’or pur qui,
14 l’lnka Tupac Yupanqui, et que ce fut la fin de l’em- selon le chroniqueur La Calancha, « était haute
pire chimu. Mais sa civilisation et son art survécu- d’une aune à partir de la ceinture et avait l’appa-
rent encore pendant longtemps, puisqu’ils ne dis- rence d’un évêque ». Il ne restait de la pyramide
parurent définitivement qu’à l’époque espagnole. pillée qu’un amas de terre. Les pluies ont achevé
de ronger les murs, et c’est sous cet aspect que
L’empire lui-même avait duré près de quinze siè- nous voyons les ruines aujourd’hui.
cles et l’on divise son histoire en trois grandes
périodes. La première, archaïque, s’étend depuis Les conquérants espagnols raflèrent un butin par-
l’arrivée dans le pays et la conquête des terres ticulièrement riche à la Huaca de Toledo, le tom-
jusqu’à 500 après J.-C. environ ; la seconde est beau royal des Chimus. Gobelets, coupes, figures
celle de l’apogée sous le régime du Grand Chimu et un poisson, le tout en or, leur tombèrent entre
de la fin du Ve au IXe siècle, et enfin la troisième les mains, un trésor dont la valeur du seul métal
s’achève avec la conquête inca, vers le milieu du dépassait les cent millions de francs belges. Dans
XVe siècle. Ce que les hommes de la Conquista le temple de Moche, ils volèrent de l’or et de l’ar-
trouvèrent dans ce vieux pays nous est décrit par gent pour 300.000 pesetas-or. Dans un autre,
les chroniqueurs. Escobar Corchuelo et ses compagnons s’emparè-
rent de 600.000 pesetas de cuivre et d’or —
La chasse aux trésors. « sans compter ce qu’ils ne racontèrent pas »,
Les premiers « voyageurs » qui traversèrent ces déclare un chroniqueur désabusé. La petite pyra-
plaines côtières du Pérou où avait fleuri l’ancien mide dite de la Lune, à côté de la grande, ne tenta
empire des Chimus, furent les Espagnols. C’est en pas les Espagnols : elle leur parut secondaire et
1602 que leurs guerriers brutaux apparurent, sous indigne de leurs efforts…
la conduite de Montalva, non pas pour admirer le
paysage ni se réjouir à la vue des édifices anti- Chan-Chan, la ville des serpents.
ques, mais uniquement pour chercher de l’or. Ce que les soldats espagnols pillards avaient
Lorsqu’ils arrivèrent dans le voisinage de l’actuelle laissé fut retrouvé par les voyageurs des siècles
Trujillo, ils reconnurent les silhouettes de grandes suivants. Ils découvrirent ce qui n’avait visible-
pyramides. L’une d’elles, la Pyramide du Soleil, ment pas intéressé leurs prédécesseurs : la capi-
haute de vingt mètres, se dressait sur une plate- tale du roi des Chimus, Chan-Chan. Elle couvre
forme qui en mesurait autant. Ce gigantesque une superficie de 18 km2. Située entre Trujillo et
édifice attira les Espagnols. la côte du Pacifique, à huit kilomètres environ au
nord du rio Moche, elle a été autrefois un port,
mais la sédimentation et l’exhaussement du ter-
rain l’ont éloignée de l’océan.
Métallurgie et Orfèvrerie.
Dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque de
16 Lima, l’historien Miguel Feyjoo nous décrit les
« jardins d’or, d’argent et de pierres précieuses »
dont étaient agrémentés les palais et les temples
de Chan-Chan. On y voyait des épis de maïs en
or, dont les barbes étaient si finement ciselées
qu’elles frémissaient au moindre vent. Les fleurs
avaient des tiges d’argent ciselé et des pétales
en or. Les arbres, de la hauteur d’un homme,
avaient leurs troncs et branches en argent, les
feuilles et les fruits en or. Sur les branches
étaient posés des oiseaux dont les plumes fré-
missaient, et dont les yeux étaient faits de pier-
res précieuses. Il y avait aussi des insectes aux Masque d’or d’une momie chimu.
ailes mobiles au moindre vent. Tout cela était si
parfaitement soudé que les plus fortes tempêtes Pour le bronze aussi, les techniciens sont surpris.
n’en détruisaient rien, car les soudures, réalisées On en connaît la composition : 86 % de cuivre et
à l’aide de sels de cuivre appliqués sous la cha- 14 % de zinc. Rien d’extraordinaire. Toutefois,
leur, résistaient à tout effort. comme ils ne connaissaient ni le fer ni l’acier, les
artisans ont dû employer le procédé du martela-
Les musées d’Europe et d’Amérique nous mon- ge, comme les céramiques nous l’ont montré.
trent d’importantes collections artistiques en mé- Mais de là à obtenir des instruments et des ar-
tal provenant de l’Empire de Chan-Chan. On est mes à la dureté et au fil identiques à ceux qui
donc assez bien renseigné sur leurs productions. sortent de nos modernes usines... Autre fait : il
Toutefois, peu de textes nous sont parvenus est impensable que des procédés comme celui
quant aux procédés employés. Là encore, les dit « à la cire perdue » aient pu être imaginés en
céramiques ne demandent qu’à parler. C’est vertu de ce que l’on nomme le « déterminisme
ainsi que nous voyons des ouvriers penchés sur industriel ». Or, ce procédé tout particulier, que
des pièces métalliques ; ils tiennent entre les l’on retrouve en diverses contrées de l’Eurasie et
mains des instruments non identifiables. Mais même en Afrique, les Mayas le possédaient, de
par différentes couleurs et autres indications, on même que les Chimus de Chan-Chan. D’où le
s’aperçoit qu’ils dorent ou argentent des métaux, tenaient-ils ? Par ailleurs, ils avaient inventé — ou
et ce avec une telle adresse que leur travail peut reçu ? — une méthode de fabrication de fours et
être comparé aux résultats apportés par le pro- de moules en argile réfractaire, ce qui leur per-
cédé moderne de la galvanoplastie. On les voit mettait, à 1 000°C, de réaliser des sujets de gran-
aussi approcher l’une de l’autre deux pièces de taille, en or, tels des jaguars ou des serpents.
des Chimus de Chan-Chan
C’est le même procédé qui leur permettait de
fabriquer de hautes idoles, ainsi que des cannes
de commandement, dont la grosse poignée, bou-
le d’or massif, s’ornait de pointes du même métal,
tellement dures et aiguës qu’elles constituaient
une redoutable arme de guerre. Bref, les Chimus
de Chan-Chan paraissaient capables de réaliser
tout ce qu’ils désiraient.
Médecine.
Comme pour les palais et tant d’autres choses
n’existant actuellement plus que sous forme de
ruines, ce sont les céramiques qui nous rensei-
gnent ; tandis qu’au Musée archéologique de
Cuzco, des centaines de crânes retrouvés dans
les tombes nous apportent d’indéniables aspects
d’une chirurgie parfaitement développée. Comme
l’a indiqué Mircea Eliade, « connaître le mythe,
c’est connaître la vie ». Et les médecins de l’anti-
que Pérou — comme ceux d’ailleurs de l’Afrique
noire — avaient pour base de leurs traitements,
la « connaissance du mythe ». En effet, pour
connaître le mal, il fallait en connaître l’origine...
non pas, par exemple, comment on avait pris
froid, mais bien l’origine cosmique du mal. Et
donc, le médecin devait remonter le temps. Ce
qui se compliquait d’autant plus que, presque
toujours, ces mythes comportaient le serpent.
Bref, s’il est exact que les médecins chimus
connaissaient certains médicaments, ceux-ci ne
seront efficaces qu’après incantation. 17
Voici, sur une céramique, un homme qui se pen-
che sur un individu couché au crâne complète-
ment rasé, et qui, une grosse boule de feuilles
dans la bouche, semble endormi. L’homme de- Hache votive figurant une trépanation.
bout tient à la main un couteau en forme de « T »
légèrement incurvé. On peut penser qu’il est en
train d’opérer celui qui, couché, est insensibilisé
par cette boule de feuilles de coca qu’il a mâ- La plus grande partie des arts et des sciences
chées. Donc, le chirurgien ouvre un volet dans la des Chimus de Chan-Chan n’était appuyée sur
boîte crânienne ; délicatement, il retire la tumeur aucun document didactique. Avec cependant
qu’il sait exister là, referme le volet et cautérise. une restriction : il existe certainement dans les
Cela peut sembler extraordinaire car, pour cela, il livres d’histoire écrits sur les murs et les palais de
faut connaître parfaitement l’anatomie du cer- Chan-Chan, des documents relatifs à l’applica-
veau. Et pourtant, les médecins actuels, qui ont tion des sciences que l’on a pu relever chez eux.
étudié les crânes trépanés de Cuzco, sont d’ac- Et il est assuré qu’un nouveau Champollion ap-
cord sur ce point : nombre de patients des chirur- porterait bien des surprises. Toutefois, l’exemple
giens chimus ont été trépanés plusieurs fois, et à que l’on possède de l’Égypte pharaonique, où la
chaque fois, ils ont survécu. plupart des hiéroglyphes ont été déchiffrés, tend
à prouver que l’on ne pourrait découvrir que des
Je termine par un autre exemple. Là encore, un récits d’applications pratiques des sciences, les-
homme, insensibilisé, est couché sur le sol. Il a le quelles ne sont même pas évoquées, comme par
ventre ouvert, le chirurgien pratique une laparoto- exemple celles caractérisant les mathématiques
mie. Que l’on ne sursaute pas, l’intervention est célestes appliquées, entre autres, à la Pyramide
terminée, ce que nous indique une autre cérami- de Chéops. De ce fait, cette partie de leur civilisa-
que montrant le chirurgien, qui vient de prendre, tion montrait, non une ascension, mais une déca-
dans un bassin à côté de lui, une grosse fourmi dence, où seules des traditions aveuglément
noire qu’il tient par son corselet. Comme il ne respectées permettaient certaines réalisations.
possède pas de catgut, il présente à la pince de la
fourmi deux bords de l’intestin soigneusement On est donc bien en droit de se demander quel
réunis. L’insecte mord et, immédiatement, l’opéra- peuple, en quelle région précise, avait pu édifier
teur coupe le corselet. Ainsi, de fourmi en fourmi, une telle civilisation...
l’intestin est recousu... Et l’opéré guérit, les céra-
miques le prouvent. MARCEL HOMET.
ARCHEOLOGIE PARALLELE
CHAN-CHAN, LA MYSTEREUSE
Professeur Marcel Holmet
22
Ce livre est actuellement épuisé, mais les auteurs l’ont refondu en fonction des toutes
dernières découvertes sur le terrain. L’ouvrage, qui doit paraître avant la fin de l’année,
s’intitulera « 120 menhirs et dolmens en Gaule-Belgique », et sera préfacé par M. E. Legrand,
président du Touring Club Royal de Belgique. En voici la trame :
Ce livre de 256 pages, illustré de 80 photos, cartes et plans, peut être d’ores et déjà
commandé auprès de Prim’édit, au prix de souscription de 300 FB, frais d’envoi compris.
25
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Mégalithes oubliés
des îles Baléares
Les îles Baléares — Majorque, Minorque et Ibiza — sont à juste titre réputées pour leur infrastructure
touristique, et qui s’en plaindrait hormis le « Jet-Set», nonchalant, déphasé par les centaines de milliers de
vacanciers qui y vont chercher le soleil. Ainsi donc, si vous vous échappez des cocktails et des naïades,
visitez les vestiges primhistoriques étonnants que vous offrent les paysages majorquins.
Les sites mégalithiques des îles Baléares sont à en Anatolie, révélaient que les premières commu-
examiner, à la fois, pour leur originalité et dans le nautés agraires organisées en bourgades dataient
contexte du bassin méditerranéen. La Mer Médi- de 6.500 ans : c’était Chatal Hüyük. Si cette derniè-
terranée présente, en effet, dans certaines de ses re découverte était toujours dans la lignée de la
îles, des vestiges mégalithiques : la Corse, Malte prépondérance du Croissant Fertile — soit la nais-
et les Baléares. Bien sûr, la côte nord-africaine est sance des premières organisations communautai-
aussi au rendez-vous, mais, bien que la richesse res dans un arc de cercle réunissant les rives
historique et préhistorique du bassin méditerra- orientales de la Méditerranée aux portes de l’Asie,
néen soit relativement bien connue, il est remar- du Golfe Persique à la Turquie — il n’y avait pas
quable que les traces de la civilisation mégalithi- bouleversement ni autodafé de livres d’archéologie.
que fassent figure de parent pauvre auprès des Nous y reviendrons plus loin. Malgré tout, l’escala-
autres recherches archéologiques. A ce point de de continue puisqu’en 1966, l’archéologue Dragon
vue, j’aimerais ajouter que la Mare Nostrum nous Srejovic découvre quarante et une habitations dis-
révélera encore bien des surprises, tant histori- posées en fer à cheval sur des terrasses descen-
ques que géologiques. Je n’en veux pour preuve dant vers le Danube : ce sont les fouilles de
que les recherches du Professeur Kenneth J. Hsü Lepenski Vir. En 1967, 1.250 mètres carrés sont
26 qui rapporte qu’il y a six millions d’années, la Mé- déblayés et trente-trois sculptures s’ajoutent à la
diterranée était devenue un lac aride. Grâce à une collection. Les datations : 8.000 ans avant J.-C.,
sonde perforante, le géologue de l’Institut Fédéral des hommes avaient déjà construit un véritable
Suisse de Technologie (Zurich) avait pu détermi- hameau. Ce qu’il y a de surprenant, c’est que les
ner que les échantillons de graviers, d’anihidrite, maisons affectent une forme trapézoïdale, totale-
de gypse et de sel gemme ramenés d’une profon- ment inconnue jusqu’alors, et le matériau de cons-
deur de 400 m sous le niveau de la mer et à 3.000 truction est une sorte de béton.
m de profondeur, étaient les résidus de l’évapora-
tion de l’eau du bassin primitif. Le Prof. Hsü arri- Cette longue parenthèse fermée, revenons-en aux
vait, en avril 1973, à la conclusion que des brè- îles Baléares et aux problèmes de peuplement de
ches survinrent là où se trouve le détroit de Gibral- celles-ci qui, somme toute, sont les mêmes que
tar et qu’une fantastique cascade provenant de les hypothèses concernant la sédentarisation des
l’Atlantique remplit à nouveau le bassin méditerra- peuples méditerranéens. Selon Jacques Mauduit,
néen en une centaine d’années. Dès octobre « la Mésopotamie et plus spécialement le delta de
1971, M. Xavier Le Pichon, du Centre Océanologi- l’Euphrate furent tôt peuplés par un groupe d’hom-
que de Bretagne, arrivait à des conclusions simi- mes au crâne rond, bien différents des Sémites
laires. Notons également que le plateau majorquin pasteurs venus du désert et qui devaient, après
est un prolongement de la cordillère alpine et ima- des millénaires de luttes, les supplanter ». Les
ginez le tableau surhumain. Sumériens aboutirent dans le delta mésopotamien
et leurs légendes reprises par la Bible, dans la
Il n’empêche qu’actuellement beaucoup de choses Genèse et dans l’Exode (XXVII, 12-22 et XXIV, 5)
sont remises en question dans le bassin de la rapportent déjà leur culte pour les mégalithes. En
« Grande Bleue ». Officiellement, ce sont les Su- effet, les monuments mégalithiques sont particu-
mériens qui, 5.000 ans avant notre ère, inventèrent lièrement nombreux en Palestine et en Jordanie et
les premières communautés agricoles, puis la pre- doivent actuellement servir de blockhaus, comme
mière forme d’écriture. C’était, semblait-il, nos véri- ce fut le cas en Bretagne pendant la Deuxième
tables aînés puisque la civilisation que Champollion Guerre Mondiale. Je m’empresse d’ajouter que le
avait cru née en Egypte ne datait, après tout, que culte des mégalithes révélé par la Bible n’explique
de 3.000 ans. Dès 1961, les fouilles menées par en rien leur construction et si les instances officiel-
les archéologues anglais James et Arlette Mellaart les émettent — que dis-je, « tolèrent » — l’hypo-
thèse que c’est en ces lieux bibliques que naquit un talaïot comporte un étage : il s’agit plutôt d’un
la civilisation mégalithique et que celle-ci fut im- « bel-étage », une ouverture dans le sol de celui-ci
portée en Europe un demi-millénaire plus tard, soit donnant sur une piécette en contrebas. L’accès au
vers -2500, il s’avère que les vérifications de data- talaïot est ménagé par une porte dont l’aspect
tions ont prouvé que les dolmens et menhirs pa- dolménique est frappant. Un bloc de pierre plus
lestiniens sont postérieurs à ceux de Bretagne. long que les autres est placé au-dessus d’un es-
Cette révélation est d’importance capitale en ce pace réservé et repose par ses extrémités sur les
qui concerne le courant est-ouest soutenu jusqu’à blocs mitoyens. Une telle pierre dépasse facile-
présent. La solution de Jacques Mauduit est donc, ment, vous en conviendrez, cinq tonnes. Il n’est
pour ma part, une hypothèse de travail limitée au pas rare qu’il y ait deux issues, l’une en bel-étage,
bassin méditerranéen. En ce cas, je suis d’accord l’autre, sorte de galerie, se faufilant en spirale vers
pour supposer que les mégalithes se sont propa- la pièce en sous-sol pour aboutir à l’extérieur. Par
gés d’île en île pour aboutir aux Baléares, but de contre, ce qui fait la grande originalité des talaïots,
notre voyage dans le temps. c’est le mode de toiture, car une « grande tour »
27
Les dénominations des mégalithes majorquins est souvent couverte : au centre de celle-ci est
tournent autour de deux mots : les talaïots et les élevée une colonne formée de quartiers de roches
taulas. Talaïot signifie « grande tour » en langage dégrossis et empilés : la hauteur atteint aisément
local ; il en existe de quadrangulaires et de circu- les trois mètres. Le sommet de la colonne, un
laires. Le mode de construction fait appel à des aplat d’un mètre de diamètre, sert de reposoir à
blocs de pierre de taille très respectable puisqu’il de longues plaques de roc de quelque 2,5 mètres
n’est pas rare d’en trouver dont les mensurations de long qui s’appuyent en éventail à la fois sur la
atteignent un mètre de long sur 60 à 70 cm de colonne et sur les murs. Nous sommes donc en
haut, la largeur étant d’environ 80 cm. Ces blocs présence d’une méthode autre que celle de la
sont dégrossis et présentent une forme d’hexaè- voûte en encorbellement que nous trouvons dans
dre, ou encore façonnés en arrondi pour permet- les bories provençaux ou encore au cairn de
tre la construction d’un talaïot circulaire. Ainsi, en Plouézoc’h en Bretagne. Notons également que
superposant ces masses selon la méthode cyclo- ce procédé architectural n’est point simple et exi-
péenne et en les cimentant à l’aide d’un mélange ge une idée bien arrêtée du plan de construction
sec, la tour s’élève souvent à plus de cinq mètres et un choix de matériau précis. Les sites talaïoti-
de haut, sur un diamètre variant de cinq à une ques apparaissent aussi en structure de hameau
douzaine de mètres. Souvent également, fortifié (les tours étant reliées par un ou plusieurs
chemins de ronde fortifiés grâce aux mêmes blocs sible. Il est à noter que l’on ne trouve point trace
de pierre et s’élevant à plus de trois mètres de d’orientation bien précise dans les constructions
hauteur. Adossés à la muraille de protection, s’é- talaïotiques. Si j’ai pu relever à certaines tours
difient des pièces d’habitation de la même facture des angles indiquant les quatre points cardinaux,
architecturale : murs de près d’un mètre d’épais- je ne puis généraliser et il est à souligner en
seur, blocs de pierre, etc. Elles comportent chacu- rouge que, malgré le magnifique travail réalisé
ne une ou plusieurs colonnes « à tambour », des par la Société d’Archéologie de Palma de Mallor-
cloisonnements et un seuil d’entrée. Le hameau ca (Directeur : M. G. Rosselo Bordoy) et des
en lui-même est ceinturé par une muraille de instances officielles espagnoles, il reste (c’est un
moindre importance, un périmètre défensif achève leitmotiv) énormément de travail. Pensez que le
l’aspect stratégique. répertoire des Monuments Préhistoriques et Proto-
historiques de Majorque présente un répertoire de
1.475 articles !
LA GRANDE PYRAMIDE :
UNE UTILE MISE AU POINT
La devinette de la pyramide dite de Chéops à Devant l’énumération de cette assemblée de
Gizeh a déjà fait couler des fleuves d’encre. Je géants, il est permis de se poser quelques
me propose d’y ajouter un petit ruisselet, consa- questions. La construction de la Grande Pyrami-
cré à un aspect bien particulier de ce véritable de par le roi Chéops suscite déjà une admira-
dilemme de l’archéologie parallèle. Il ne sera tion qui engendre le doute. Mais que penser
question cette fois ni de son origine, tant contro- alors du roi Snéfrou, à qui l’on attribue la pater-
versée, ni de son procédé de construction, mais nité des troisième, quatrième et cinquième
plutôt de son message chiffré : que faut-il lire géants de cette liste... Et, pour revenir à notre
dans ce célèbre monument ? Quelles sont les sujet, on peut se demander pourquoi toujours
limites de la raison saine dans l’interprétation des on s’attache à démontrer les mirifiques particu-
larités de la pyramide de Chéops, rejetant ainsi
30 mensurations et de la situation géographique de
cette super-vedette de l’archéologie ? Cette mise dans l’ombre ses brillants dauphins ? Est-ce
au point me semble fondamentale. C’est en effet parce que la Grande Pyramide détient le record
à partir d’une conclusion claire sur ce sujet que de gigantisme ? J’incline plutôt à penser que
l’on pourra ensuite commencer à envisager le l’engouement qu’elle engendre provient du fait
problème de la datation et de l’identité des cons- que, jusqu’à présent, on n’a pas pu démontrer
tructeurs. Si ceux-ci ont laissé un message dans qu’elle ait jamais été utilisée comme tombeau. En
le colosse, il importe évidemment de ne pas pas- effet, vide de toute dépouille royale et vierge
ser à côté, et surtout, de ne pas s’égarer dans le d’inscriptions, la seule allusion à Chéops que
délire d’interprétation trop souvent élaboré par les l’on y trouve est un cartouche à la craie men-
« prêtres de la pyramidologie ». tionnant le nom du roi sur la paroi d’une des
chambres de décharge prévues dans la cons-
A tout seigneur, tout honneur : si l’on classe par truction pour protéger la « chambre du roi ».
ordre de grandeur les pyramides d’Egypte, voici Comme, d’autre part, le système de galeries de
les sept premiers du classement : la Grande Pyramide est unique, il devient com-
1. La Grande Pyramide, attribuée à Chéops, IVe préhensible que le monument ait ouvert la porte
dynastie, deuxième roi. à toutes les spéculations. Parmi celles-ci, les
constatations et les hypothèses soulevées par
2. La pyramide attribuée à Chephren, IVe dyn.,
les « chiffres » de la pyramide sont du plus haut
quatrième roi.
intérêt.
3. La pyramide de Dahchour, attribuée à Snéfrou,
IVe dyn., premier roi.
Situation géographique.
4. La pyramide rhomboïdale, également attribuée La pyramide de Chéops est située à 29°58’51" de
à Snéfrou. latitude nord et 31°9’ de longitude est par rapport
5. La pyramide de Meidoûm, toujours attribuée à Greenwich. A partir de cette localisation, on
au même Snéfrou. constate que le méridien nord-sud passant par le
6. La pyramide attribuée à Mykérinos, IVe dyn., sommet du monument divise en deux parties éga-
cinquième roi. les le delta du Nil, tandis que les prolongements
7. La pyramide de Saqqarah, attribuée à l’archi- des diagonales de la pyramide renferment exacte-
tecte Imhotep, grand vizir de Djéser, IIIe dyn., ment ce delta. Ceci constitue la toute première
premier roi. raison de s’étonner du génie des constructeurs.
En outre, le méridien de Gizeh, ou méridien 30, l’observatoire construit en 1577 par Tycho-Brahé
est la « ligne idéale de partage des terres émer- à Uranienbourg présente une erreur d’orientation
gées ». Cela signifie, en clair, que de part et d’au- de 18’, et que l’observatoire de Paris n’est pas
tre de ce méridien, on trouve une quantité égale mieux loti, on ne peut manquer de s’émerveiller.
de terres. Pour ne rien gâter, le parallèle de Gi- En effet, pour réaliser cela, il faut viser l’étoile po-
zeh, ou 30° parallèle, est celui qui traverse le plus laire avec précision, c’est-à-dire, avant tout, la
de terres émergées. Gizeh est donc le « point connaître ; à l’époque, il devait s’agir d’Alpha du
zéro du globe, et notre système de calculs basé Dragon. D’ailleurs, la disposition du couloir d’en-
sur Greenwich est peu rationnel... Ce contexte trée, dit « couloir descendant », est à ce point de
géographique est étonnant lorsqu’on sait que les vue un excellent « télescope ». L’observateur as-
Egyptiens croyaient que la terre était rigoureuse- sis dans ce couloir voit en effet se découper de-
ment plate ! vant lui la portion de ciel qui contient la polaire.
Faut-il pour autant déclarer que la Grande Pyrami-
Il faut cependant ajouter que la Grande Pyramide de n’est qu’un observatoire ? Je ne le pense pas.
n’est pas bâtie exactement sur le 30° parallèle, Lisons Michel-Claude Touchard : « Mis à part le
mais à deux kilomètres au sud de celui-ci. La calme de ce recoin peu fréquenté et l’obscurité du
raison de ce très léger décalage nous est donnée couloir au bout duquel se découpe un petit bout
par l’abbé Moreux, qui fut directeur de l’observa- de ciel digne d’attention, les avantages de l’instal-
toire de Bourges, et « pyramidologiste » (1) : « Si lation sont inexistants. »
l’architecte avait calculé la place du monument
de façon qu’un observateur placé au pied de
l’édifice vît le pôle du ciel à une hauteur de trente
degrés exactement, il aurait dû précisément tenir
compte d’un phénomène connu sous le nom de
réfraction atmosphérique. En raison de la densité
des couches d’air, un rayon lumineux entrant
dans notre atmosphère est dévié de sa route ;
nous ne le voyons donc pas à son emplacement
réel. Or, dans le cas qui nous occupe, le calcul
montre que le milieu de la pyramide doit être théori-
quement à 29°58’51" et 22/100°. » C.Q.F.D., 31
on ne pourrait être plus précis et, dans notre es-
prit, les constructeurs des pyramides ressem-
blent de plus en plus à des maîtres architectes-
astronomes-géographes-mathématiciens. Il faut
cependant reconnaître objectivement que si la
pyramide s’était trouvée exactement sur le 30°
parallèle, le sol sablonneux n’aurait pu la soute-
nir, tandis que le sol rocheux du plateau de Gizeh
lui convient à merveille. Et c’est sans doute pour
la même raison que le monument fut édifié à 1°9’
à l’est du méridien 30, et non pas exactement sur C’est l’astronome (et pyramidologiste !) Proctor
celui-ci, d’autant plus que, sur le méridien en qui, en 1888, avait émis cette idée. Mais dire que
question, la pyramide n’aurait plus coïncidé par- la pyramide de Chéops fut construite uniquement
faitement avec le delta du Nil. Comme nous le pour lorgner Sirius et la polaire dans un miroir
voyons, le problème n’est pas aussi simple qu’il d’eau à l’angle des couloirs descendant et ascen-
n’apparaît à première vue. Quoi qu’il en soit, les dant, puis qu’elle fut surélevée pour servir de tom-
marges d’erreur sont minimes. beau à Chéops, ne tient pas debout. Dans un mê-
me ordre d’idées, l’orientation de la Grande Pyra-
Orientation. mide est motivée, selon certains, par son utilisa-
La Grande Pyramide oriente ses quatre faces vers tion comme cadran solaire : à l’équinoxe en effet,
les points cardinaux avec une précision stupéfian- le soleil se pose sur la pointe du monument pour
te. Sa face nord est orientée selon le nord géogra- un observateur placé au milieu du côté nord. Bar-
phique (donc mieux que la boussole !) avec une barin signale que le 14 octobre à midi, l’ombre
erreur de 3’6" seulement. Si l’on songe au fait que apparaissant sur la face nord signale aux paysans
du delta du Nil que les semailles peuvent com-
mencer. Je pense que ces particularités ne doi-
(1) Le terme « pyramidologiste », qui peut paraître vent pas être considérées isolément, mais qu’il
péjoratif, désigne les francs-tireurs de l’égyptolo- faut les verser au dossier déjà épais du monu-
gie, ceux qui font des déductions « non officiel- ment. Il serait en effet absurde de considérer le
les », et parfois erronées. géant comme un simple cadran solaire. Une telle
débauche d’efforts ne se conçoit pas lorsqu’on sait Mais les pyramidologistes ne se sont pas contentés
qu’en Egypte, le début des semailles coïncide de ces données. Ces érudits du XIXe siècle se sont
avec le retrait de la crue du Nil, tout simplement. acharnés à découvrir dans l’édifice ce que la scien-
ce de leur époque enseignait. Pour cela, dans une
Mensurations extérieures. sorte de démarche « magique », ils n’ont pas hésité
Un examen attentif des mesures extérieures de la à créer pour la pyramide une unité de mesures
pyramide va retenir à présent toute notre attention. spéciale : la « coudée pyramidale ou sacrée », qui
Les chiffres officiels considérés actuellement com- vaut 0,6356 mètre, soit... 25 pouces anglais ! Cette
me exacts sont ceux du « Survey of Egypt » ou coudée, ils l’ont divisée, évidemment, en 25
cadastre égyptien. Ils diffèrent dans une assez « pouces pyramidaux » valant chacun... un pouce
large mesure de ceux des pyramidologistes, qui anglais ! Inutile d’ajouter que l’inventeur de ce tour
d’ailleurs ne s’entendent pas entre eux sur les de passe-passe, l’astronome Piazzi-Smith, était
mensurations du monument. Dès lors, je dresserai anglais... Il n’en fallut pas plus pour que les autres
comme suit la « fiche technique » de la pyramide : pyramidologistes (Werner, Barbarin, Lagrange,
― 203 assises de blocs, donnant un poids total Davidson, et même le scrupuleux abbé Moreux) lui
approximatif de 6 millions de tonnes ; emboitent le pas avec enthousiasme. Et pourtant,
l’honnêteté impose de dire que le déclic de cette
― hauteur : 146,77 mètres ;
trouvaille n’est pas entièrement imaginaire. En ef-
― côté de base : 230,364 mètres ; fet, dans l’antichambre qui mène à la chambre du
― pente : 51°50’. roi, une plaque de granit fait saillie sur la paroi : son
Avant de tirer des conclusions de ce bilan impres- épaisseur vaut un pouce pyramidal, et sa longueur,
sionnant, il importe de savoir en quelles unités il 25 pouces, soit une coudée pyramidale. Etrange
faut convertir ces chiffres pour obtenir une base hasard ou « révélation » ? Détail insignifiant ou
de discussion valable. L’unité de mesure en vi- signe subtil destiné aux initiés ? La Grande Pyrami-
gueur à l’époque supposée de la construction de est décidément semée d’embûches pour l’esprit.
(environ — 2700) est la « coudée royale », valant En voici une autre.
0,5235 mètre. Et de fait, les mesures de l’édifice
constituent des nombres ronds de coudées roya- Les auteurs précités s’appuient également sur
les : 440 pour le côté de la base, 280 pour la hau- Ezéchiel pour justifier leur coudée pyramidale. On
teur. Retenons aussi que la coudée royale se divi- trouverait selon eux, dans le Livre d’Ezéchiel, la
32 se en sept « palmes » valant donc chacune
0,0748 mètre. Fort de ces données, il est permis
valeur de la coudée pyramidale, soit une coudée
royale classique + un palme. Objections :
de se lancer dans quelques calculs simples.
— Un palme = un septième de coudée, soit
0,0748 mètre. Or, en additionnant cela à 0,5235
En divisant la somme des quatre côtés par le dou- mètre, on n’obtient pas 0,6356 mètre.
ble de la hauteur de la pyramide, on obtient — Consultons Ezéchiel (XL, 5). Dans la Bible de
440 X 4 : 280 X 2 = 3,1428, soit la limite supérieu- Crampon, on lit : « ... et l’homme avait à la main
re fixée par Archimède au rapport de la circonfé- une canne à mesurer de six coudées, graduée en
rence à son diamètre. Il est à noter en passant
coudées et palmes. » Bien malin qui déduira la
que, dans le papyrus mathématique de Rhind coudée pyramidale de ce texte. Dans la Bible de
(Moyen-Empire), la valeur de pi est 3,1605. En Jérusalem, par contre, la traduction est différente :
d’autres termes, le calcul de la surface d’un cercle « ... or l’homme tenait dans la main une canne à
se faisait en élevant au carré les 8/9 du diamètre.
mesurer, de six coudées d’une coudée et un pal-
L’approximation donnée par la pyramide est donc me ». Même en admettant — ce qui ne figure nulle
meilleure. D’autre part, les mensurations de la part — qu’Ezéchiel, dans sa « vision du temple
pyramide renferment le « nombre d’or » : futur » a décrit la coudée pyramidale, on retombe
surface de la base surface latérale de toute manière sur la première objection, à sa-
= = 1,618. voir que les pyramidologistes n’étaient pas très
surface latérale surface totale forts en calcul. Il est important de mettre le doigt
sur cette fantaisie, car les déductions des pyrami-
Nous pouvons dès lors gratifier les constructeurs dologistes, à partir des coudées et pouces pyrami-
de la Grande Pyramide d’une qualification supplé- daux, sont proprement ahurissantes. En voici
mentaire : c’étaient des esthètes accomplis. Enfin, quelques exemples :
il faut signaler la distance Terre-Soleil, 149,4 mil-
— Le périmètre de base de la pyramide = 36.524
lions de km, soit un milliard de fois la hauteur de
pouces pyramidaux, soit cent fois le nombre de
Chéops, avec une approximation raisonnable, et
jours de l’année solaire.
peut-être extraordinaire si nous connaissions avec
précision l’épaisseur du revêtement qui a disparu. — Le côté de base = 365,24 coudées pyramida-
Ceci au cas où cette distance était vraiment les, soit une année solaire.
connue des Egyptiens. Car rien ne l’indique puis- — La somme des diagonales du carré de base
que Ptolémée l’estimait à 8 millions de km ! = la durée de la révolution des équinoxes, etc.
Je ne m’étendrai pas davantage, le reste est du celui de Mykérinos et la droite qui joint ces deux
même calibre. D’ailleurs, même si la coudée pyra- centres, un triangle rectangle dit « triangle sacré
midale était une réalité, je ne vois pas comment pythagoricien ». En effet, ses côtés sont en pro-
justifier sa subdivision en 25 pouces, puisque la gression arithmétique 3, 4, 5, de sorte que
coudée royale classique se subdivise en sept pal- 32 + 42 = 52. Nous trouvons donc ici la formulation
mes. Je pense avoir suffisamment prouvé que les pure et simple du théorème de Pythagore. J’ai qua-
unités choisies par les pyramidologistes sont tota- lifié ce triangle de sacré parce que, dans la tradition
lement arbitraires et qu’avec leur méthode on ne de l’époque, 3 représentait Osiris, 4 Isis et 5 Horus.
tardera pas à découvrir dans l’édifice la hauteur de
la Tour Eiffel... Une dernière estocade : leurs men- Certains se sont demandés si la Grande Pyramide
surations de base en mètres sont fausses égale- n’était pas une borne géodésique témoignant d’un
ment. Ainsi, Barbarin donne, pour la hauteur de la cataclysme passé, une sorte de monument éternel
pyramide, 148,20 mètres au lieu des 146,77 mè- commémorant un épisode capital de l’histoire de
tres actuellement admis. l’humanité. Je m’explique brièvement : si vous
possédez un globe terrestre, vous constaterez que
Il est donc bien entendu que les seules déductions l’axe des pôles est incliné de 23°27’ par rapport à
que l’on puisse valablement prendre en considéra- la verticale. Ceci résulte d’un basculement de la
tion à partir des mensurations extérieures de la terre à une époque assez mal précisée. Ce bascu-
pyramide sont celles que j’ai données en début de lement, cette inclinaison sont d’ailleurs à l’origine
paragraphe, c’est-à-dire celles qui ne découlent des saisons. Impossible d’entrer ici dans les dé-
pas de la coudée pyramidale. Or, les déductions tails, mais il est à signaler que les couloirs ascen-
en question sont une simple résultante des excep- dant et descendant de la pyramide de Chéops
tionnelles qualités esthétiques du monument. Se- forment chacun un angle de 26° avec le sol de
lon M.C. Touchard, « les architectes de l’Ancien Gizeh. Supposons que, au temps présumé de la
Empire ne recherchaient rien d’autre que la simpli- construction, les Egyptiens l’aient estimé à 26° :
cité. Puis, brusquement, on s’aperçoit que leur cette propriété entraînerait des conséquences
génie les amena à ce point de perfection où l’em- inattendues. En effet, si on prolonge abstraitement
pirisme débouche sur la vérité mathématique pu- chacun de ces deux couloirs dans les deux sens,
re. » C’est évidemment une manière de voir la une simple construction géométrique sur papier
chose. Je préfère quant à moi renverser l’argu- montre que :
ment et dire que les architectes — qu’ils soient ― le prolongement supérieur du couloir descen- 33
égyptiens ou non — avaient de telles notions dant rejoint le pôle céleste actuel ;
scientifiques, qu’ils ont construit un monument ― le prolongement inférieur du couloir descen-
dont les splendides proportions débouchent sur la dant s’enfonce sous terre pour ressortir à l’air
simplicité, bref sur la Beauté avec un grand B. libre à l’endroit exact de l’ancien équateur, soit
l’équateur d’avant le basculement, qui coïnci-
Angulations. dait donc avec le plan de l’écliptique ;
Le méridien passant par le centre de la pyramide ― le prolongement supérieur du couloir ascen-
de Chéops constitue avec le parallèle passant par dant rejoint le plan de l’écliptique ;
― le prolongement inférieur du couloir ascendant unités choisies dans ce cas précis : que ce soit en
pénètre sous terre pour refaire surface à l’en- mètres ou en pouces pyramidaux, la différence
droit précis du pôle nord terrestre actuel. doit être une constante dans toutes les unités. Or,
Un regard attentif au schéma joint vous permettra en y regardant de plus près, on constate que la
de comprendre cette notion quelque peu aride. Si différence de hauteur du plafond entre la grande
cette théorie, émise par Paul Poësson, correspond galerie et le couloir ascendant est en réalité de
à une réalité voulue, alors la pyramide prend un 280 pouces pyramidaux, et que la hauteur du
sens tout à fait nouveau, puisqu’elle devient un cône manquant atteint 370 pouces. Dès lors, on
croquis indiquant des repères d’avant et d’après le ne peut plus considérer le facteur-déplacement
basculement des pôles. comme une constante, et Davidson devient un
chevalier de l’à-peu-près…
Mais deux arguments « contre » sont à mention-
ner, au nom de l’objectivité : Le dernier point à soulever concerne les galeries
1) 26° = la moitié de 52°. Et la pente extérieure et les chambres qui sillonnent l’intérieur de la
de la pyramide est de 51°50’, pour des motifs pyramide. Comme nous allons le voir, elles ont
d’équilibre esthétique, semble-t-il. On peut tourné la tête à plus d’un pyramidologiste, au point
donc supposer que l’angulation du couloir as- de donner lieu à un incroyable délire d’interpréta-
cendant répond au même motif esthétique. tion. S’il faut en croire ces auteurs, les couloirs
2) 26° serait l’ancienne hauteur d’Alpha du Dra- ascendant et descendant, la grande galerie, la
gon, polaire de l’époque. L’angulation du cou- chambre souterraine et les chambres dites de la
loir descendant y serait donc simplement liée. reine et du roi forment une espèce d’almanach du
A mon avis, cet argument ne détruit cependant futur où la Genèse, puis l’ère chrétienne sont pro-
pas la théorie énoncée, puisqu’il s’agissait bien phétisées en détail, avec un intéressant mélange
d’indiquer à un bout le pôle céleste, et à l’autre de politique... européenne et britannique ! Par
l’ancien équateur. contre, on ne trouve aucune trace dans ces prévi-
sions, des faits qui intéressent directement l’histoi-
re de l’Egypte, à savoir les invasions des Perses,
De toute manière, nous nous trouvons en l’occurren-
d’Alexandre, de César, de l’Islam et de Napoléon.
ce devant ce qu’on peut appeler des « coïncidences
exagérées » qui suggèrent une volonté consciente Et, si la guerre de 14-18 figure en bonne place
de la part des bâtisseurs. Autant je réfute la coudée dans la pyramide, on n’y décèle par contre aucune
34 pyramidale, autant je reste perplexe devant cette trace des guerres d’Israël contre l’Egypte…
angulation aux prolongements significatifs. De plus,
la pyramide de Chéops n’est pas le seul monument Mais, me direz-vous, quelle idée « géniale » a
au monde à participer de cette « théorie des 26° », donné naissance à cet invraisemblable fatras ? Eh
loin s’en faut. bien, la méthode diffère selon les pyramidologis-
tes, ce qui est déjà suspect au départ, vous en
Mensurations intérieures. conviendrez. Ces messieurs ne sont d’accord que
C’est ici que les Romains s’empoignèrent et ne se sur un point : il faut diviser le parcours en question
firent aucun mal ! En effet, tout ce qui suit est basé en pouces pyramidaux, avant de « lire » les évé-
sur la fameuse coudée pyramidale que j’ai déjà nements dans le monument. Ensuite, la pyramide
vilipendée plus haut avec vigueur. En conséquen- devient une auberge espagnole : chacun y décou-
ce, rien de tout ceci ne me paraît fondé. Mais il vre ce qu’il a apporté, grâce à sa petite méthode
faut en parler pour couper les ailes une fois pour personnelle. Un élève de Piazzi-Smith fut même
toutes à un sacré canard ! surpris limant l’angle d’un couloir, afin de
« vérifier » une hypothèse du maître !
Commençons par le « facteur-déplacement de
Davidson ». Celui-ci avait retrouvé pour plusieurs « L’école biblique de Lagrange » fait démarrer
mesures intérieures un décalage de 286 pouces l’almanach au niveau de l’entrée de la pyramide et
pyramidaux. Ainsi en allait-il pour l’axe des cou- attribue à cet endroit la date du Déluge, en l’occur-
loirs, qui se trouve légèrement à l’est de l’axe cen- rence — 2528 (?). Chaque pouce pyramidal repré-
tral du monument ; la différence de plafond entre sente ensuite une année solaire, ce qui donne :
la grande galerie et le couloir ascendant (toujours
286 pouces) ; la hauteur du cône qui manque au ― entrée du couloir ascendant = — 1.516 =
sommet de la pyramide ; et enfin, chaque côté de exode des Juifs hors d’Egypte ;
la base possède en son milieu une sorte de ― milieu du couloir ascendant = — 758 =
« rentrant » de 35,76 pouces pyramidaux dispersion des dix tribus d’Israël ;
(multiplié par huit, cela fait 286 !) ― entrée de la grande galerie = 0 = naissance
du Christ, etc., etc.
Il s’agirait là d’une anomalie, répétée avec soin et Le reste est de plus en plus fou. Sachez seule-
que les architectes auraient glissée dans leurs ment que, par exemple, la longueur du passage
plans, en guise de clin d’œil. Peu importent les horizontal vaut 1.512 pouces pyramidaux, soit 7 X
216, soit 7 X (6 X 6 X 6), et que 666 est le portée philosophique ? On respire, et on retrouve
« nombre » de la Bête de l’Apocalypse...Passons. la raison…
« L’école Rose-Croix de Werner » démarre égale- Le lecteur me pardonnera d’avoir terminé cet arti-
ment à l’entrée du monument, mais gratifie ce cle par une incursion dans l’absurde. Le but de
point d’une autre date : — 2.170, soit la date sup- ces quelques pages était de mettre en évidence le
posée de la construction de la pyramide. Ensuite, fait que la pyramide dite de Chéops contient en
un pouce pyramidal vaut une année lunaire elle-même suffisamment d’énigmes vraies et indu-
(354,35 jours) jusqu’au pied du grand degré, et un bitables sans qu’il faille en rajouter encore. Cer-
mois lunaire (29,53 jours) du grand degré à la tains pyramidologistes se sont égarés à partir de
chambre du roi, avec, pour ce dernier parcours, données valables. D’autres ont déliré dans les
une nouvelle complication puisque le compte se fumigations de l’occulte. Quant à la science offi-
fait cette fois... à rebours ! Gageons qu’en introdui- cielle, si elle accepte notre opinion dans ses gran-
sant l’une ou l’autre variante dans cette méthode, des lignes, elle refuse pourtant de s’extasier : pour
je découvre illico dans la pyramide les dates de elle, il n’est pas anormal qu’un peuple égyptien
toutes les victoires belges au Tour de France ! peu nombreux et aux moyens scientifiques et
techniques limités, ait construit en peu de temps
« L’école de Davidson et Barbarin » part d’un un colosse bourré de données esthétiques, géo-
point fictif obtenu en prolongeant vers le bas l’ex- métriques, astronomiques, géodésiques et philo-
revêtement de la pyramide et le couloir ascen- sophiques. Nous nous permettons, dans une pre-
dant, jusqu’à leur intersection. Ce point est daté mière démarche, de remettre cette attitude en
— 4.000, début de « l’ère adamique ». Ensuite, question. Mais il faudra revenir un jour sur les pro-
un pouce pyramidal vaut une année solaire jus- blèmes de la véritable origine et des procédés de
qu’au grand degré (+ 1.844), à partir de quoi il est construction de cet extraordinaire monument.
dévalué et ne vaut plus qu’un mois lunaire, car,
disent les auteurs, à partir de 1.844, les événe- JACQUES VICTOOR.
ments se précipitent... Le fond de la chambre du
roi correspond alors à l’an 1953 et l’on apprend
par ailleurs que le sommet du grand degré (2 août
1909) représente le jour où le tsar Nicolas II pas-
se la grande revue navale de Cowes avec le roi BIBLIOGRAPHIE 35
d’Angleterre Edouard VII, tandis que l’entrée du
premier passage bas (nuit du 4 au 5 août 1914) ● Les uns...
représente l’expiration de l’ultimatum de l’Angle- J.P. Lauer, « Le problème des pyramides
terre à l’Allemagne ! En poursuivant ce survol, on d’Egypte », (Payot, 1948).
apprend qu’un certain Bruck a trouvé une concor- F. lhek, « La pyramide de Chéops a-t-elle
dance entre la pyramide de Chéops et une livré son secret ?» (CELF, 1951).
J. Vercoutter, « L’Egypte ancienne », (Coll.
« période quinquaséculaire » de 516 ans qui équi- « Que sais-je ? », 1968).
vaudrait à la durée de demi-vie d’un « peuple- M.C. Touchard, « Les pyramides et leurs
chef » ! ? ! Ne riez pas, lecteur, ceci est affligeant. mystères», (Planète-Histoire 1966 et Ma-
rabout n° 355).
« L’archéologie mystérieuse » (Coll.
Les hypothèses les plus plausibles quant à la si- Bibliothèque de l’Irrationnel, Ed. Denoël,
gnification des couloirs et des chambres de la 1972).
Grande Pyramide sont finalement celles de Mars- P. Poésson, « Le testament de Noé »,
ham Adams et de Mme Blavatsky. Le plan inté- (Coll. Enigmes de l’Univers, Laffont,
rieur du monument serait une illustration du 1972).
« Livre des morts » égyptien : le couloir descen-
dant et la chambre souterraine symboliseraient la ● ... et les autres
chute de l’humanité vers l’ignorance et le mal ; C. Lagrange, « La Concordance », (Paris,
1893).
mais le couloir ascendant serait une issue possi- « La mathématique de l’histoire», (Paris,
ble vers la lumière, couronnée par la grande gale- 1900).
rie ; le grand degré symboliserait la fin de l’ascen- Abbé Th. Moreux, « La science mystérieuse
sion spirituelle, avec stagnation et retour au chaos des pharaons », (Doin 1923).
(marche courbée dans les couloirs bas). La pyra- P. Brunton, « L’Egypte secrète », (Payot,
mide serait alors un temple initiatique où l’on célé- 1947).
brait les mystères, avec la chambre du roi comme H.P. Blavatsky, «La doctrine secrète»,
(1948).
Saint des Saints où, peut-être, on initiait la famille
G. Barbarin, « Le secret de la Grande Pyra-
royale. Le « sarcophage vide » serait-il alors une mide », (J’ai Lu, n° 216).
sorte de baptistère. Si l’extérieur de la pyramide « L’énigme du Grand Sphinx » (J’ai Lu
est consacré à la science, l’intérieur aurait-il une n° 229).
Ami lecteur, nous désirons mieux connaître votre avis. Divers échos nous ont appris que
d’aucuns estiment certains articles trop ardus à lire, tandis que d’autres nous félicitent pour
leur haute teneur scientifique.
Mais KADATH doit plaire à tous. C’est pourquoi nous avions introduit le système du
« cahier », afin de pouvoir pousser certaines investigations plus loin que ne le permet un
article de difficulté moyenne. Si vous parcourez vos premiers numéros de KADATH, vous
constaterez que ce sont essentiellement ces articles-là qui exigent un plus grand effort de
concentration. Mais dans le dosage des articles, nous essayons de contre-balancer cela
par d’autres textes plus aisés à lire.
De plus, nous avons mis en chantier une rubrique d’initiation à l’archéologie et la préhistoi-
re, à l’intention des lecteurs peu familiarisés avec certains termes que nous utilisons, peut-
être, sans assez y prendre garde. Et enfin, au prochain numéro sera annexé un question-
naire-sondage, par lequel vous nous direz ce que vous avez préféré dans KADATH, et ce
que vous désirez y voir traité en priorité.
Mais d’ores et déjà, n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions, les articles étant,
malgré tout, programmés un certain temps à l’avance.
ABONNEMENTS
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