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COMITE DE REDACTION :

ivan verheyden, rédacteur en chef


jean-claude berck, robert dehon,
jacques dieu, guy druart, patrick ferryn,
jacques gossart, jacques victoor
AVEC LA COLLABORATION DE :
willy brou, paul de saint-hilaire
professeur marcel holmet,
pierre méreaux-tanguy,
albert van hoorenbeeck,alfred weysen
MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

Au sommaire
— rencontre avec un magicien, entretien exclusif avec Jacques
— Bergier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
— l’énigne des migrations polynésiennes, Jacques Dieu . . . . 7
— notre cahier chan-chan
— au pays des pyramides, Pierre Honoré . . . . . . . 13
— chan-chan, la mystérieuse, Marcel Holmet . . . . . . 18
— mégalithes oubliés des îles baléares, Robert Dehon . . . . 26
— la grande pyramide, une utile mise au point, Jacques Victoor . . 30
A la recherche
De kadath

« C’était en 1933. Le petit étudiant juif avait un nez pointu, chaussé de lunettes rondes derrière lesquel-
les brillaient des yeux agiles et froids. Sur son crâne rond se clairsemait déjà une chevelure pareille à un
duvet de poussin. Un effroyable accent, aggravé par des hésitations, donnait à ses propos le comique et
la confusion d’un barbotage de canards dans une flaque. Quand on le connaissait un peu mieux, on
éprouvait l’impression qu’une intelligence boulimique, tendue, sensible, follement rapide, dansait dans
ce petit bonhomme malgracieux, plein de malice et d’une puérile maladresse à vivre, comme un gros
ballon rouge retenu par un fil au poignet d’un enfant. « Vous voulez donc devenir alchimiste ? », deman-
da le vénérable professeur à l’étudiant Jacques Bergier. »
C’était en 1973. Attablés dans un snack des Champs-Elysées, nous écoutions Jacques Bergier.
Nous avions retrouvé le même personnage décrit affectueusement par Louis Pauwels. Même
accent rocailleux, même gentillesse, même regard pétillant d’intelligence. Il avait fait à KADATH
un accueil aussi chaleureux qu’inattendu : un homme si occupé, tellement sollicité de partout,
allait-il se donner la peine de nous envoyer des encouragements ? Oui, par retour du courrier, il
nous disait tout le bien qu’il pensait de notre action, et nous invitait à son bureau. Nous avions
beaucoup de questions à poser à Jacques Bergier. Il avait fait, quelques mois auparavant, une
intervention très remarquée dans un débat à l’ORTF. Connaissant la différence de méthode qui
l’éloigne d’un Robert Charroux ou d’un Erich von Däniken, nous avions entrevu un début d’expli-
2 cation, et nous ne pouvions qu’applaudir. Mais il allait nous en apprendre plus. Car cet homme,
lorsqu’il se manifeste en public, a une attitude de prime abord paradoxale. Et c’est souvent à cet
aspect que s’arrête le lecteur ou le téléspectateur moyen. Comme pour Salvador Cali, on ne
comprend pas et on préfère sourire. Et pourtant...
Ce qui nous avait toujours gênés, c’est que les journalistes ne posaient jamais à Jacques Bergier les
questions qui auraient pu résoudre ces apparents paradoxes. On s’arrête à l’aspect insolite, voire
folklorique du personnage. Bien sûr, il a sa part de responsabilité. Lorsqu’il se présente, ne vous
offre-t-il pas une carte de visite rédigée en ces termes : « Jacques Bergier, amateur d’insolite et scri-
be des miracles » ? Mais il faut aller au-delà de l’anecdote. Car on ne passe pas sa vie, sans raisons,
à se balader aux frontières du fantastique, sans avoir une petite idée derrière la tête, bref sans faire
usage d’une méthode. C’est cette méthode que nous voulions lui faire dévoiler, ou du moins en
recueillir des bribes. Jacques Bergier s’est ouvert à nous sans la moindre réticence. Plus nous lui
posions de questions, plus il nous fournissait d’exemples (avec références précises, il faut le souli-
gner), et plus se dessinait une méthode de prospection. Elle nous a fascinés, car elle fleure bon l’air
pur : Bergier ouvre toutes grandes les fenêtres de l’imagination -- et il en faut actuellement dans le
monde étouffant de l’archéologie. Aucune idée n’est assez folle quand il s’agit de tout remettre en
question. De cet entretien, nous avons recueilli deux articles. L’un sera l’interview qui suit, avec des
éclaircissements et des orientations d’ordre général. L’autre sera un article exclusif, signé Jacques
Bergier, que nous vous proposerons dans un prochain KADATH, et où il expose ses vues sur la né-
cessité des « hypothèses folles » en archéologie, pour en arriver à un début d’explication sur ce qu’il
appelle les « intermédiaires ». Nous croyons que c’est la première fois qu’on lira un « ce que je
crois » de Jacques Bergier, et c’est pour nous un grand honneur.
*
**
Un hebdomadaire de la capitale a parlé, à notre sujet, de « réactivation archéologique ». L’expression ne
nous déplaît pas. Mais nous n’en étions pas encore arrivés à ce stade. Maintenant, c’est chose faite.
Avec des gens comme Jacques Bergier ou Marcel Homet, il pouvait difficilement en être autrement. Car,
jusqu’à présent, nous n’avons fait que vous proposer, « gentiment », quelques éléments d’une remise
en question du passé de l’humanité. Nous en tenons encore une masse en réserve. Mais il ne suffit pas
d’être approuvé, il faut aussi provoquer des réactions. C’est pourquoi nous allons mettre le doigt sur
quelques véritables scandales concernant la vérité historique, scandales qui se portent bien, merci, car
les plus luxueux livres d’art en regorgent, tout en les ignorant. Le Professeur Marcel Homet, en butte
depuis plus de trente ans aux pontifes assis derrière leurs bureaux, craignait de nous voir nous heurter à
des gens comme ceux du Musée de l’Homme. Tant pis pour nous ! Nous avons l’enthousiasme de la
jeunesse et l’écoute du public. Peut-être aussi les temps sont-ils mûrs pour nous ? Nous avons été ahu-
ris de découvrir, au fil des longs entretiens que nous avons eus avec Marcel Homet, la trame qui se
noue pour reléguer dans l’ombre l’œuvre de gens considérés par ailleurs comme d’incontestables cher-
cheurs. Simplement parce que, sur le terrain, leurs fouilles ont mis à jour des pièces qui ébranlent les
3
théories patiemment élaborées sous les voûtes du Palais de Chaillot.
Le Musée de l’Homme est une merveille. On y retrouve, avec un luxe de détails, tous les aspects
de l’art humain. Mais quelle indigence dans les explications qu’on vous fournit ! N’y cherchez pas
les fresques du Tassili, elles sont camouflées derrière celles de Lascaux. Ne cherchez pas de
traces de Glozel, les tablettes sont dans les caves. Ne cherchez pas la magnifique statue rame-
née de l’île de Pâques par Alfred Métreaux : les palissades vous guideront de façon à ce que
vous ne la voyiez pas, cachée dans le fond du hall d’entrée. Et la pauvre tête pascuane ramenée
par Pierre Loti, elle se range dans les « peuplades primitives ». Ne cherchez pas Chan-Chan,
toute l’histoire péruvienne dérive de Chavin. C’est ce qu’a décrété le duo pensant du Musée, feu
Paul Rivet, et son fidèle disciple Jacques Soustelle. Alors que la science officielle refuse d’accor-
der aux civilisations précolombiennes la moindre ancienneté, elle fait inexplicablement l’exception
pour Chavin. En niant un bon nombre d’évidences, cela arrange tout le monde, coupe court à
toute spéculation concernant Tiahuanaco ou Chan-Chan, et maintient en place les théories.
Pour entrer au Musée de l’Homme, il s’agit de montrer patte blanche. Chan-Chan ne jouit pas de ce
privilège. Aussi faudra-t-il forcer la porte. Car, ce que vous explique notre cahier spécial, est
le fruit de longues années d’effort sur place, et qui plus est, confirmé aujourd’hui par les fouilles d’u-
ne équipe américaine. Nous avons prié le Professeur Homet de souligner au passage ces confirma-
tions a posteriori. Mais lorsqu’en ces temps, il sollicitait l’aide du Musée de l’Homme, Paul Rivet lui
répondit : « Je suis au regret de vous faire savoir qu’il m’est absolument impossible de vous aider
pour votre prochaine expédition, attendu que le Musée de l’Homme n’a pas actuellement de crédits
disponibles. J’espère néanmoins, que vous voudrez bien, à votre retour, nous faire connaître le ré-
sultat de vos recherches et, également, dans la mesure de vos possibilités, enrichir nos archives
photographiques, comme vous l’avez fait déjà si aimablement avant la guerre. » Faut-il ajouter que,
par la suite, ce n’est que l’enrichissement des archives qui intéressa le noble organisme, et en au-
cun cas le résultat des recherches ? Car celles-ci remettaient en question la préséance de la civilisa-
tion de Chavin. Cette chronologie classique, nous l’avions d’ailleurs reprise dans notre petit mémen-
to du premier numéro de KADATH. Aujourd’hui, nous la remettons en question, du moins en ce qui
concerne Chavin et Chan-Chan. Il ne s’agit pas là d’une erreur de notre part. C’est plutôt un aspect
de notre méthode et, je crois, de la dynamique de notre revue : procéder par étapes. C’est de
l’archéologie vraie, mais parallèle.
IVAN VERHEYDEN.
Rencontre avec un magicien
KADATH. L’ORTF a diffusé, voici quelques mois,
le film tiré du livre d’Erich von Däniken,
« Souvenirs du futur ». Dans le débat qui a suivi,
vous vous êtes violemment heurté à ceux que le
téléspectateur croyait être de votre bord. A tel
point que pour certains, votre attitude d’avocat du
diable était parfaitement incompréhensible. Pou-
vez-vous nous expliquer pourquoi ?

JACQUES BERGIER. Oui, j’ai fait tout un scanda-


le en me disputant avec Charroux et von Däniken,
parce que, selon moi, ils y vont un peu fort ! Re-
marquez, il y a pire. Ganzo, qui à part ça est un
poète et un sculpteur de talent, est venu me voir
un jour. Il avait trouvé une civilisation disparue en
Forêt de Fontainebleau. Il m’apportait des traces
de cette civilisation, dont une plaque en cérami-
que, où étaient gravées les lettres mystiques
« W » et « C ». Evidemment, là... Non, je crois
que l’attitude de votre revue est la bonne. Car
enfin, je veux bien qu’on puisse déplacer de petits Coso, etc. —, ont été apportés à travers l’espace,
objets par la force de la volonté, mais pas dépla- ou même à travers le temps. Seulement, si vous
cer les statues de l’île de Pâques, qui pèsent des voulez, c’est de la mythologie de science-fiction ou
dizaines de tonnes. Il y a tout de même la conser- de bande dessinée ; c’est remplacer une mytholo-
vation de l’énergie ! A la limite, on ne peut pas gie par une autre. L’hypothèse n’est pas toujours
avoir plus d’énergie qu’il n’y en a dans le corps très convaincante. Il me paraît difficile de croire que
4 humain. Mais surtout, le problème véritable et qui, si des extraterrestres nous ont visités, on n’ait pas
à mon avis, n’a pas encore été posé, c’est ce que observé leurs instruments ou quelque chose d’ana-
j’appelle le problème des intermédiaires. Autre- logue, maintenant que nous sommes dans le cos-
ment dit, moi je veux bien que les statues de l’île mos. Vous me direz qu’il y a des alignements sur la
de Pâques ou le grand menhir de Locmariaquer lune, dont vous parlez dans votre numéro deux, qui
aient été mis en place par antigravitation... cela, je sont réellement curieux. Ça ne résout tout de mê-
veux bien. Mais avant d’arriver à l’antigravitation, il me pas en masse le problème terrestre. Prenez les
faut passer par des étapes : l’électricité, la machi- gigantesques dalles de Baalbeck. Elles ont été
ne à vapeur, etc., peut-être considérées d’une découpées, il y a des traces de scie. Si c’étaient
façon tout à tait différente, mais néanmoins analo- des extraterrestres, ils l’auraient au moins décou-
gue. Or, on ne trouve pas de machine à laver pée au laser ou au chalumeau atomique !... A mon
fossile, ni de locomotive fossile, rien ! avis, il faudrait en archéologie — ce que je ne pré-
tends pas être —, un Pasteur ou un Darwin. Il nous
K. Précisément, à propos de machines à laver, faut une hypothèse réellement folle, comme l’évolu-
vous parlez dans « Le livre de l’inexplicable » de tion des espèces ou la transmission des maladies
l’objet de Coso. Ne pourrait-il s’agir d’une forme par des microbes.
de « machine à laver fossile », disons un résidu
technique ? K. Nous publions des extraits d’anciens textes
sacrés. Vous les connaissez, bien sûr, mais pen-
J.B. Certainement ! Mais un résidu technique de sez-vous que l’étude des livres dits « mythiques »
qui ? L’objet de Coso a l’air d’être un générateur peut fournir d’autres renseignements ?
électromagnétique, vieux de 75.000 ans. Mais on
n’arrive pas à cela sans intermédiaire... De plus, il J.B. Sûrement. Tenez, il y a un livre maudit qui
a été découvert dans un coin où on a fouillé pas vient de paraître et dont je croyais moi-même qu’il
mal dans les débris « techniques » : à l’époque de était mythique. C’est le « Livre des trois impos-
cet objet, les gens n’ont pas le feu, ils ont tout juste teurs », les soi-disant imposteurs étant Mahomet,
des outils de silex. Une fois de plus, les intermé- Moïse et Jésus. Le livre en question, il y a à peu
diaires manquent. Alors, évidemment, on peut pro- près trois cents personnes qui ont été brûlées de-
poser, comme je l’ai fait dans « Les extra-terrestres puis le XIVe siècle, pour l’avoir possédé. Même
dans l’histoire », que ces objets — qui sont en Sprague de Camp avait dit qu’il était mythique et je
nombre limité : la machine d’Anticythère, l’objet de n’en avais pas parlé dans « Les livres maudits ».
Eh bien, les Russes en ont retrouvé un exemplai- J.B. Je reçois constamment des trucs des Soviéti-
re, des étrangers l’ont racheté tout de suite et en ques, et ce qui est bien, c’est qu’ils restent malgré
ont publié des reproductions. Ce qui démontre tout prudents et n’inventent pas trop de choses.
une fois de plus que tous les mythes ne sont pas Ce qui est plus difficile, c’est d’établir des contacts
des mythes. Prenez le Nécronomicon, par exem- avec les Chinois, car ils ont une pensée absolu-
ple. C’est une production romancée d’El Alach, qui ment différente. Ils ont digéré le marxisme, ils en
a été mis à mort par les musulmans au IXe siècle, ont sorti une espèce de néo-religion absolument
pour « communications avec le dehors » : c’est incompréhensible. Mais là, il existe des choses
dans les attendus. Alhazred est inventé par Love- très curieuses. Par exemple, je leur ai posé une
craft, mais El Alach, sur qui Alhazred a été copié, question qui m’intrigue beaucoup, pourquoi est-ce
est authentique... nous qui avons inventé le magnétomètre, la ma-
L’Ecole Centrale de Paris me propose de mettre chine à vapeur ou les avions, et pas eux, puis-
des fonds à ma disposition, sous forme d’heures qu’ils avaient tous les éléments en main. Ils
d’ordinateur, afin d’y introduire toutes ces choses- avaient des expériences de laboratoire et tout, et
là et de voir s’il n’y a pas de correspondances. puis brusquement, ils ont cessé d’inventer le pro-
Savez-vous, par exemple, que j’ai trouvé dans un grès technologique. En un siècle ou deux, c’était
livre italien sur les Etrusques, paru bien après la fini, alors qu’avant cela, ils avaient des séismogra-
mort de Lovecraft, le nom de Cthulhu, un de ses phes, des boussoles magnétiques, l’imprimerie,
Grands Anciens. Or, cela avait été découvert en les fusées. On a des traces de tout cela, des mas-
1942, et jamais signalé avant. Il serait vraiment ses de volumes à l’Unesco, y compris des points
intéressant de reprendre tout cela par ordinateur. où ils étaient en avance sur nous : le miroir magi-
Il serait intéressant aussi que les gens ne gardent que qui transmettait des images d’un coin à l’au-
pas indéfiniment leurs secrets. D’autant plus que, tre, l’alchimie (ils fabriquaient des bronzes d’alumi-
trop souvent, il me semble que ce sont des se- nium), et puis plus rien... Alors, la thèse officielle,
crets primaires. Prenez la quête du Graal: à mon celle de Needham, est une thèse marxiste. Il pré-
avis, il est absurde de rechercher un Graal maté- tend que, parce qu’en Chine il n’y avait pas de
riel qu’on puisse tenir entre ses mains. Il s’agit prolétariat à proprement parler, il n’y avait pas de
plutôt d’une force, d’une atmosphère, d’une idée. lutte de classes, donc pas de moteur de progrès.
Remarquez, les Allemands l’ont fait. Pendant Bon, moi je veux bien. Mais quand j’en ai parlé à
l’occupation, ils ont retourné les Pyrénées à la des Chinois, ils m’ont répondu : « C’est un imbéci-
recherche du Graal. Ceci étant dit, il y a certaine- le érudit. La réalité, c’est que les liens avec les 5
ment quelque chose dans l’idée même, il y a par Immortels ont été coupés ». Alors je leur ai de-
exemple l’Ordre du Graal, qui est quelque part, qui mandé si on ne peut en savoir plus. « Oh ! nous
conserve un certain ordre des choses, et dont on allons publier », disent-ils. Ils ont peut-être publié,
parle de temps en temps... mais on ne reçoit rien ! De même, ils ont déclaré à
un moment donné avoir identifié des inscriptions
K. Parlant d’une autre difficulté pour obtenir des dans le roc, représentant des engins volants qui
renseignements, comment faites-vous pour véri- dateraient de 43.000 ans. J’espérais les voir avec
fier les informations en provenance des pays com- nous à une conférence internationale de savants
munistes ? en mai 70 à New York, mais au dernier moment,
on a reçu une belle lettre sur parchemin, disant
que, comme on avait invité les délégués de For-
mose, ils ne viendraient pas.

K. Revenons à nos propos du début. Parmi les


« hypothèses folles » que vous avancez, il y a
celle d’une civilisation de « plasmoïdes ».

J.B. Oui, mais ce seraient aussi des extraterres-


tres. Evidemment, il y a tout de même la possibili-
té difficilement concevable, d’une civilisation telle-
ment différente, qu’on en retrouve des objets sans
savoir ce que c’est.

K. Pourrait-il y avoir une civilisation tellement diffé-


rente, que nous ne réussirions jamais à en trouver
de traces ?

J.B. Il est extrêmement difficile de concevoir quel-


que chose qui ne laisse aucune trace, étant donné
la finesse de nos moyens d’investigation.
Vous savez qu’on mesure la vitesse du vent d’il y vision de ces terrains glacés, il invente l’enfer. Cela
a 30.000 ans, par les variations dans les isotopes mériterait d’être exploré. Voir, par exemple, s’il y a
d’oxygène. Alors, que dire d’une centrale de cent une correspondance sérieuse entre les hiérogly-
mégawatts, même si elle utilisait des énergies phes de l’île de Pâques et ceux de Mohenjo-Daro,
cosmiques ? J’ai un grand ami, qui s’appelle Fran- et si oui, émettre cette hypothèse. Ce serait de la
çois Bordes, et est un paléontologue extrêmement télépathie, non seulement dans l’espace, mais aus-
distingué, mais aussi un grand auteur de science- si dans le temps, puisqu’il y a une différence de
fiction, sous le pseudonyme de Francis Carsac. combien de siècles ? Mais là, au moins, ce serait
Bordes n’est pas du tout d’accord avec mes idées, une hypothèse ouverte. Je le répète : si on ne fait
et il m’a envoyé l’autre jour un travail qu’il avait fait pas une percée en partant des idées réellement
publier dans « La revue du Quaternaire ». Il a folles, eh bien, on restera indéfiniment où on est.
retrouvé en Dordogne des traces de campements J’ai l’impression que la science officielle va un jour
d’il y a 20.000 ans, avec les trous des piquets de avoir un coup dur, et sera obligée de faire une révi-
tente. Et il m’a dit : « Si je retrouve des piquets de sion déchirante de ce qu’on croit savoir, car sinon,
tente vieux de 20.000 ans, je trouverai bien une on ne s’en tirera jamais.
locomotive ou une machine à laver ! »
Ou alors, il faut en revenir à René Guénon. J’ai
fait récemment un effort d’impartialité pour évaluer
Guénon. Il m’avait beaucoup irrité par son racis-
me, par son insolence, par sa façon de dire : « je
n’ai pas à donner de références, c’est moi, l’initié,
qui parle », ce qui est toujours extrêmement gê-
nant. Je n’aime pas les gens qui ne donnent pas
de références. Mais malgré tout, j’ai relu à peu
près tout Guénon. Eh bien, il y a là des choses
curieuses, et en particulier la référence constante
au fait que la géographie de la terre ne serait pas
totalement connue, qu’il y aurait une géographie
sacrée, et des pays, voire même des continents
autres que ceux que nous connaissons. Il a une
6 autre idée qui paraît très intéressante, c’est celle
de la « cristallisation ». C’est-à-dire que, selon lui,
les lois naturelles ont changé, dans un passé très
récent, mettons cent mille ans. Et plus on remonte
vers le passé, plus la nature est malléable et obéi-
rait à la simple volonté humaine. Eh bien, rien que
ça expliquerait pas mal de choses, des monu-
ments géants et ainsi de suite. Il a peut-être vingt K. C’est votre conclusion ?
ou trente idées folles comme ça, qui mériteraient
d’être réexaminées de sang-froid. Personnelle- J.B. Oui. Je dirige actuellement, chez Albin
ment, je n’y crois pas. Mais Guénon, c’est un point Michel, deux collections. L’une, intitulée « Les
de vue qui mériterait d’être décrit dans KADATH chemins de l’impossible », marche très bien. L’au-
en tant qu’hypothèse folle, à condition de bien dire tre est une collection scientifique, « Science par-
que cela n’engage pas la rédaction. lante », et ça n’a pas pris du tout. Le public a l’air
d’être indifférent, sinon hostile, envers la science.
K. Certains articles de KADATH vous ont-ils déjà C’est un phénomène général, et je me demande
rappelé l’une ou l’autre de ces « hypothèses fol- s’il n’est pas explicable par l’attitude insolente que
les » ? prend la science. Après tout, les savants sont des
fonctionnaires payés par le contribuable, et quand
J.B. Oui. Prenez, par exemple, dans le numéro on leur pose une question sur quelque chose qui
deux, ces sites de Mohenjo-Daro et l’île de Pâques, intéresse le public : les civilisations disparues, les
qui sont séparés par une trop grande distance pour extraterrestres ou autre chose, ils traitent les gens
que l’alphabet ait pu être communiqué. Je ré- d’imbéciles et répondent par des injures. Alors, j’ai
ponds : Oui..., par des moyens naturels ! Mais s’ils l’impression que le public le leur rend bien...
étaient télépathes ? Car cela peut aller assez loin.
Imaginez un chamane de Sibérie, dans son climat (propos recueillis par I. Verheyden et P. Ferryn)
glacé, qui communique par télépathie avec un sor-
cier de l’Amazonie, et qui voit autour de lui un mon-
de abondant, avec de beaux fruits partout, le soleil
luisant et de la végétation luxuriante. Il invente le
paradis... Pendant ce temps-là, l’autre qui a une
anciens rois de la mer

L’ENIGNE DES MIGRATIONS


POLYNESIENNES
Nous inaugurons ici une nouvelle rubrique. Afin de mieux présenter les énigmes de l’archéologie sous
forme de faisceaux — qui, nous l’espérons, finiront bien par converger —, nous y avons regroupé les
articles en rapport avec la mer : expéditions transatlantiques avant Christophe Colomb, mystérieuses
cartes de Pirî Réis, migrations polynésiennes. Il y a d’ailleurs de fortes chances pour qu’ils se révèlent
être un lien entre de nombreux mystères de la primhistoire, cette histoire que les océans ont balayée, et
que nous révèlent peu à peu les courants marins et les vestiges sur les îles. Ce premier essai, qui doit
mettre en évidence le caractère marin de la civilisation polynésienne, ne peut servir que d’introduction à
d’autres, où seront étudiées les traces laissées par ces rois qui régnaient sur deux tiers du monde :
l’Océan.

D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-


nous ? (titre d’un tableau de Paul Gauguin, Tahiti
1897).

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les nie qui forme l’ensemble des terres du Pacifique a 7
résultats d’une expédition originale s’imprimèrent été divisée en quatre zones raciales : la Microné-
sur tous les téléscripteurs des agences de pres- sie, la Mélanésie, l’Australie et la Polynésie. La
se : un radeau construit en bois de balsa avait Micronésie, ou les « petites îles », se situe au nord
traversé le Pacifique. L’expédition du Kon-Tiki fit de l’équateur. Elle se compose des îles Marshall,
beaucoup de bruit à l’époque et son chef, le Nor- Mariannes, Carolines, Palaos et Gilbert. La Méla-
végien Thor Heyerdahl, fut considéré comme un nésie, c’est-à-dire îles des Noirs, comprend de
héros. Ses récentes expéditions dans l’Atlanti- vastes archipels qui s’échelonnent autour de la
que, à bord du Râ, ont remis en mémoire son Nouvelle-Guinée : l’archipel Bismarck, les îles
exploit de l’année 1947. Parti de Callao au Pérou, Salomon, la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-
le 28 avril, le Kon-Tiki s’échoua sur les récifs de Hébrides, les îles Fidji et l’archipel de la Louisade.
Raroïa, le 7 août de la même année. Quel était La Polynésie embrasse tout le reste des îles du
donc le but de l’expédition ? Le grand public, Pacifique. Celles-ci s’inscrivent dans un immense
parfois aidé par la presse mais aussi par le film triangle situé à l’est et au centre de l’Océan. Le
ramené par Heyerdahl, n’y vit souvent qu’un mer- sommet est composé de l’archipel des Hawaii au
veilleux exploit sportif. Et pourtant... l’objectif prin- nord de l’équateur. La base du triangle est une
cipal était de prouver que les Indiens d’Amérique droite qui va de l’île de Pâques, au sud-est, à la
du Sud avaient atteint les îles du Pacifique il y a Nouvelle-Zélande, au sud-ouest. A l’intérieur, nous
plusieurs centaines d’années. Cette hypothèse trouvons des groupes importants tels que les Sa-
fut à l’origine de nombreuses controverses. En moa, les Tonga, les Marquises, les Tuamotus, les
réalité, Thor Heyerdahl ne démontrait pas néces- îles Cook, Australes et de la Société.
sairement d’où étaient venus les Polynésiens,
mais bien comment ! En cela, l’expédition fut une
merveilleuse expérience. Car, comme le faisait si (1) C’est Eric de Bisschop qui nous explique la
bien remarquer Eric de Bisschop, le problème différence entre un marin et un navigateur. Le
polynésien étant avant tout maritime, c’est en premier se sert d’une embarcation pour courir
marin qu’il faut l’étudier. (1) vers le large, attiré par le mystère des horizons
et de ce qu’il peut y avoir au-delà... (exemple : le
Polynésien). Le second se sert d’un bateau pour
Avant d’examiner les diverses théories relatives se déplacer sur l’eau, avec une destination défi-
aux migrations, il est intéressant de reconnaître nie « qu’il sait pouvoir atteindre » (exemple :
l’Océan Pacifique (voir la carte au verso). L’Océa- l’Egyptien).
Selon le professeur américain D.L. Oliver, ce fu- ont donc pu aller très tôt très loin. Aux îles Ma-
rent des négroïdes, appelés Négritos qui, les pre- riannes, l’archéologue Spoehr a obtenu, pour un
miers, peuplèrent l’Océanie. Ces Négritos étaient échantillon, la datation de 1527 avant J.C. Le
de petite taille et avaient le crâne court savant pense que ces îles ont pu être peuplées il
(brachycéphale). Ils étaient apparentés aux né- y a quatre mille ans, à une époque où l’on parlait
groïdes d’Afrique et occupaient le sud de l’Asie encore sumérien en Basse-Mésopotamie. Primi-
avant la dernière glaciation. Ils furent refoulés vers tifs ou pas, ces peuples venus de l’ouest étaient
les diverses parties de la Malaisie, franchirent les déjà de fameux marins et cela depuis plusieurs
détroits et occupèrent la Nouvelle-Guinée, l’Aus- millénaires.
tralie et les îles voisines. Les négroïdes océaniens
sont aussi divisés en deux familles bien distinc- Le problème polynésien.
tes : celle des Négritos et celle des Papous. Ceux- Dans un chapitre consacré à l’île de Tahiti et aux
ci seraient restés sédentaires et certains types mœurs et caractère de ses habitants, Bougainville
purs ont été retrouvés récemment dans les vallées écrit à la fin du XVIIIe siècle : « Le peuple de Tahiti
inaccessibles de la Nouvelle-Guinée. Les Négritos est composé de deux races d’hommes très diffé-
devenus nomades envahirent les îles du Pacifi- rentes, qui cependant ont la même langue, les
que. Cette première migration dura probablement mêmes mœurs et qui paraissent se mêler ensem-
plusieurs millénaires. Les moyens utilisés pour ble sans distinction. La première, et c’est la plus
atteindre les îles orientales demeurent un problè- nombreuse, produit des hommes de la plus gran-
me. Peut-on admettre que des hommes dits primi- de taille... Rien ne distingue leurs traits de ceux
tifs des époques classiques mésolithique et néoli- des Européens ; et, s’ils étaient vêtus, s’ils vivaient
thique aient pu s’embarquer à bord de bateaux ou moins à l’air et au grand soleil, ils seraient aussi
radeaux et découvrir l’île de Pâques ? blancs que nous... La seconde race est d’une taille
médiocre, a les cheveux crépus et durs comme du
Jusqu’en 1950 environ, les fouilles archéologi- crin ; sa couleur et ses traits diffèrent peu de ceux
ques dans le Pacifique semblaient superflues. On des mulâtres ». Première constatation : une race à
ne pouvait imaginer que ces peuples primitifs peau blanche, une autre à peau foncée. Cette
aient pu laisser des objets intéressants. Et c’est différenciation se retrouvait dans toutes les îles
ainsi que sans avoir recours à l’archéologie, on formant l’actuel triangle polynésien. Ayant embar-
élabora de nombreuses théories. C’est avec sur- qué des indigènes avec eux comme pilotes, Bou-
8 prise que l’on constata en 1957-58 et grâce à la gainville et ensuite Cook, constatèrent que lors-
datation au radiocarbone, que les Marquises qu’ils arrivaient dans une autre île, leur pilote se
étaient déjà habitées au IIe siècle avant J.-C. faisait très bien comprendre par les habitants.
Comme l’explique Henri de Saint-Blanquat, Seconde constatation : une même langue était
« l’archéologie du Pacifique, ayant vu ses recher- donc parlée dans toutes les îles. Cook fit même
ches s’amplifier, ses résultats se multiplier au quelques comparaisons entre le malais et le poly-
cours des dernières années, a provoqué à son nésien. D’autres, plus tard, reprirent cette compa-
tour bien des surprises. Surprises à l’image de raison et l’approfondirent. Ainsi naquit l’embryon
celle que les archéologues ont éprouvée en dé- d’une théorie, dite officielle, du peuplement de la
couvrant l’itinéraire suivi par les techniques de Polynésie par l’ouest. Car le problème des migra-
l’agriculture pour arriver dans certaines îles de la tions polynésiennes est surtout un problème de
Sonde (Java et Sumatra). L’île de Bornéo a ainsi savants ; en quelque sorte une rivalité de théories
reçu l’agriculture non pas de l’ouest, comme on et d’hypothèses concernant l’origine d’un peuple
aurait pu le croire, non pas de Java, mais des dont les traces du passage restent encore très
Philippines qui l’avaient elles-mêmes reçue de la vagues.
Chine. La diffusion s’est donc faite plus aisément
et plus rapidement par mer. Or, il semble bien, à Depuis la découverte du Pacifique par les Euro-
la lumière des connaissances actuellement ac- péens, à peu près tous les pays du monde ont été
quises, que l’itinéraire suivi par les ancêtres de la proposés comme berceau pour ces Polynésiens à
civilisation polynésienne ait lui aussi évité, court- peau blanche. Pour une meilleure compréhension
circuité le bloc trop compact des îles de la Sonde. du problème, nous avons divisé l’étude des hypo-
Ceci pour une première et fort simple raison : le thèses en quatre questions :
Néolithique, niveau technique avant lequel les a. Sont-ils originaires de l’ouest, c’est-à-dire de
hommes n’ont pas pratiqué la navigation, a été l’Asie ?
connu sur les côtes de l’Indochine avant de l’être b. Sont-ils originaires de l’est, c’est-à-dire de
en Malaisie et dans les îles de la Sonde. Il s’en- l’Amérique du Sud ?
suit que des îles comme les Philippines, par c. Sont-ils autochtones, et ont-ils entrepris des
exemple, ont pu être atteintes avant des régions voyages d’exploration vers l’Asie et l’Amérique
pourtant plus rapprochées des masses continen- du Sud ?
tales. Pour le Néolithique, cette route marine a d. Sont-ils les derniers survivants d’un vaste conti-
représenté un raccourci. » Ces premiers marins nent disparu ?
A côté et parallèlement à ces questions de base, Cap à l’est. 9
nous en trouvons d’autres également sans répon- Un chercheur voulant trouver l’origine des Polyné-
se définitive, telles que : colonisation et dispersion siens à l’ouest se heurte déjà à plusieurs problè-
successives dans les îles, époques d’arrivée, etc. mes : viennent-ils d’Asie, de l’Indonésie, de l’Inde,
L’étude poussée des divers moyens de transport de l’Egypte ou d’Europe ? Tous ces pays ont été
(bateaux, radeaux, pirogues) et l’évolution de proposés ! La plupart des polynésiologues ont
ceux-ci, ainsi que des méthodes de navigation choisi l’ouest et quelques-uns font figure de chefs
utilisées pourra donner la solution de l’origine des de file.
Polynésiens. Il n’est pas permis d’étudier leurs — William Ellis publia en 1829 ses « Polynesian
migrations avec le même esprit qu’on étudiera Researches ». Etudes importantes sur la Polyné-
l’histoire des migrations européennes. « Même à sie en général et analyses plus particulières des
travers les déserts d’Asie, écrit Marcel Brion, nous îles de la Société, les Tubuai ou Australes, la Nou-
suivons à la piste d’année en année, presque de velle-Zélande et les Hawaii. Il soutient la thèse
jour en jour, les vagabondages des Huns, des d’une origine sud-est asiatique. Néanmoins, il ad-
Mongols. Nous retrouvons leurs pistes à travers met que certaines expéditions furent organisées
les cultures et les langues. Nous reconnaissons vers l’Amérique du Sud, suivies d’un retour vers le
leur main dans tel monument qu’ils ont édifié, ou centre du Pacifique.
tel autre qu’ils ont démoli. Le tracé de leurs voya- — de Quatrefages a écrit dans son ouvrage « Les
ges, sur une carte, constitue un réseau si précis Polynésiens et leurs Migrations » (1866) qu’ils ne
que nous ne les perdons pas de vue un seul ins- peuvent être venus que de la Malaisie.
tant ». L’histoire des Polynésiens s’inscrit dans un — Abraham Fornander publia à Londres en 1878
territoire de cent quatre-vingt millions de kilomè- un volumineux ouvrage : « An Account of the Poly-
tres carrés, environ le tiers de la surface de la nesian Race : its Origin and Migrations ». D’origi-
terre. La mer est l’élément commun des dix mille ne suédoise, l’auteur se fixa aux îles Hawaii et se
îles. Les migrations sont donc avant tout mariti- maria avec Pinao Alanakapu, une alii ou chef fé-
mes et l’élément humain est d’abord marin. Ses minin. C’est sa femme qui l’initia aux traditions,
connaissances de la navigation seront étroitement généalogies et chants des îles Hawaii. Après avoir
liées à celles des vents, des courants et des cons- récolté tous les renseignements du folklore ha-
tellations. Lorsque les archéologues et les marins waiien, Fornander fit des comparaisons entre la
auront comparé leurs recherches respectives, un culture hawaiienne et les autres îles polynésien-
pas immense sera franchi. nes ainsi qu’avec les autres races de la terre. Le
résultat de ses recherches fait trois volumes totali- ple et de la culture de la Polynésie, a tendu non
sant plus de 900 pages. On peut en déduire que seulement à masquer la complexité du problème
les Polynésiens sont issus de deux très anciens mais aussi à faire oublier les nombreuses autres
peuples : les Cushites et les Aryens pré-védiques. possibilités. Bien que cette controverse ait stimulé
Pendant une période de plusieurs siècles, ils oc- la recherche sur la Polynésie, un effet second, et
cupèrent le sud-est asiatique, les îles de la Sonde néfaste, a pour résultat d’annuler les résultats
et pénétrèrent par le détroit de Torrès dans le Pa- éventuels de ces nouveaux et vigoureux efforts.
cifique à la fin du Ier siècle après J.-C. Une période On a tendance actuellement à interpréter toute
de dix siècles fut nécessaire pour coloniser suc- connaissance nouvelle pour en faire un argument
cessivement les Fidji, les Samoa, les Tonga, les dans la querelle est-ouest, comme si l’un et l’autre
Hawaii (Ve s.), et enfin, les Marquises et les îles ne pouvaient pas se rencontrer, et comme si au-
de la Société (XIe s.). cune autre interprétation n’était possible ».
— Percy Smith est considéré comme un des plus
importants chercheurs et porte la paternité de la
théorie officielle. Il fonde en 1891 la « Polynesian
Society » de la Nouvelle-Zélande. Sa première
théorie est publiée en 1910 dans son « Hawaiiki »,
et sa seconde en 1921. Celle-ci a paru dans le
« Journal of the Polynesian Society », volume
XXX, et est en quelque sorte la version définitive
et indiscutable de l’origine et des migrations des
Polynésiens. Selon P. Smith, les Polynésiens sont
Caucasiens et également une branche de la race
proto-aryenne de l’Inde. Chassés de ce pays vers
le début du IVe siècle av. J.-C., ils émigrèrent vers
l’Indonésie. Vers 65 de notre ère, ils quittent Su-
matra, Java, Bornéo et les Célèbes pour gagner
les îles Hawaii. Un second groupe atteint les Fidji,
les Samoa et les Tonga vers 450. Le reste de la
Polynésie fut envahi entre 700 et 900.
10 — Lesson considère la Nouvelle-Zélande comme
le berceau de la race polynésienne. La thèse de
Lesson s’inscrit pratiquement dans le cadre d’une
origine autochtone, du fait que la Nouvelle-
Zélande se situe dans le triangle polynésien.

Il y aurait encore à citer William Churchill, Peter Lieu d’origine : la Polynésie.


Buck, Tregear, etc., mais leur nom apparaîtra Nous en venons maintenant à une théorie défen-
dans de prochaines études. due pratiquement par un seul homme : Eric de
Bisschop. Qui se rappelle encore ce grand marin
Cap à l’ouest. et ses expéditions à bord de divers bateaux : le
Sont-ils originaires de l’Amérique du Sud ? Hypo- Fou-Po II (jonque chinoise), le Kaimiloa (double
thèse déjà formulée en 1870 par le Français Jules pirogue polynésienne), le Kaimiloa Wakea
Garnier. Il invoquait à l’appui de sa théorie l’in- (pirogue à double balancier), le Cheng-Ho
fluence des vents et des courants, des analogies (jonque) et finalement les Tahiti-Nui I, II et III
de langues et des comparaisons entre les mœurs (radeaux) ? Il n’avait qu’un seul but : sillonner les
et coutumes de la Polynésie et de l’Amérique. mers et surtout le Pacifique afin d’étudier les cou-
L’influence des vents d’est fut l’un des principaux rants et contre-courants équatoriaux. C’est dans
arguments de Thor Heyerdahl. L’expédition du son livre « Cap à l’Est », qu’il s’explique : « Le
Kon-Tiki démontra de façon maritime que la tra- résultat final de mes recherches peut se résumer
versée Pérou-Polynésie était possible. Les autres ainsi : 1° la civilisation du Polynésien fut, contraire-
arguments n’étaient pas apparents dans son pre- ment à toutes les civilisations connues, une civili-
mier ouvrage. Ils furent développés dans sation essentiellement maritime. 2° Cette civilisa-
« American Indians in the Pacific » (1952). On a tion maritime ne peut avoir pris naissance et s’être
beaucoup écrit sur les théories du Norvégien. Il en développée que dans le Pacifique même. 3° La
est résulté une véritable controverse, où l’on de- civilisation de ces marins du Pacifique, plusieurs
vait être pour ou contre. Edwin Ferdon fut un des siècles déjà avant J.-C. (et probablement bien plus
collaborateurs de Heyerdahl lors de son expédi- tôt) eut une énorme diffusion, tant vers l’ouest par
tion à l’île de Pâques, pourtant il reste neutre et des voyages surtout de « migrations », que vers
propose la paix en ces termes : « La controverse, l’est par des voyages surtout d’« exploration » et
sur l’est et l’ouest comme source unique du peu- de « contacts ».
Un continent disparu. puis une dizaine d’années. Les marins sont deve-
Ce survol des principales hypothèses serait in- nus des savants, ou l’inverse, et tout comme on
complet si nous ne parlions pas du continent de fouille la terre pour retrouver les traces d’une civili-
Mu (2). Déjà en 1834, dans son « Mémoire sur les sation, ils ont parcouru les mers pour mieux la
îles du Grand Océan », Dumont d’Urville propo- connaître.
sait une hypothèse : « Ne serait-il pas plus simple
de supposer qu’un continent ou grande île, com- L’expérience personnelle de David Lewis en est
me l’Australie, dut jadis occuper une partie de un exemple. A bord d’un catamaran de quarante
l’Océanie habitée par un peuple, dont les tribus pieds, il effectua avec succès et sans instruments
polynésiennes ne sont que des débris échappés à nautiques la traversée Tahiti - Nouvelle-Zélande. Il
quelque grande convulsion du globe ? » Le Belge utilisa uniquement les vieilles techniques polyné-
Morenhout est dès 1837 un autre partisan de la siennes (tenue du cap d’après la direction du lever
théorie selon laquelle les Polynésiens n’ont pu et du coucher du soleil et des étoiles, observation
venir ni d’Asie, ni d’Amérique. Le foyer primitif fut des étoiles zénithales ainsi que des signes annon-
peut-être sur un continent situé à l’est du Pacifi- çant la terre, etc.) Le résultat de ceci parut dans
que, mais ne touchant pas l’Amérique. Cent ans un ouvrage intitulé : « We, the Navigators », au-
plus tard, le Dr. J.M. Macmillan Brown professe quel nous emprunterons un extrait du dernier cha-
une théorie qui se situe entre la thèse officielle et pitre : « Avant l’arrivée des Européens dans le
celle du continent disparu. Dans son ouvrage Pacifique, il existait en Océanie des systèmes
« The Riddle of the Pacific », il explique que les hautement élaborés et complexes constituant une
Polynésiens ne sont pas les plus vieux habitants véritable science de la navigation. Cette science
mais sont descendus par la Sibérie, le Japon et secrète, à laquelle participait parfois la magie,
l’archipel micronésien des Carolines. Ils auraient variait selon les archipels mais comprenait tou-
construit un puissant empire (a great Oceanic jours les listes d’étoiles dont les mouvements ap-
Empire, « Hawaiki » now resting deep under the parents dans le ciel étaient parfaitement repérés,
waters of the Pacific), dont la culture polynésien- des systèmes d’orientation et une information très
ne ne serait que le vestige. Les statues de l’île de abondante sur les signes et phénomènes terres-
Pâques en seraient une preuve. Eriger des sta- tres et maritimes intéressant la navigation. L’en-
tues de plusieurs tonnes suppose des moyens traînement des initiés, à terre comme en mer, était
importants que l’île seule n’aurait pu fournir. Eric conduit avec rigueur et durait plusieurs années.
de Bisschop parle de « l’existence mystique de ce Toute cette science orale nécessitait de la patien- 11
fameux continent de Mu » avec quelque prudence ce dans l’observation, du raisonnement et de la
car, dit-il, « qu’un continent existât dans le Grand mémoire. » Bref, une civilisation…
Océan à une époque géologique ancienne, il est
permis de le croire ! », mais il s’insurge contre les JACQUES DIEU
méthodes employées par le colonel Churchward
pour le démontrer. Nous pensons que de Biss-
chop aurait apprécié les ouvrages du professeur
Louis-Claude Vincent.

Connaissances maritimes.
BIBLIOGRAPHIE.
Nous avons, tout au long de cet exposé, insisté
particulièrement sur l’aspect marin attaché aux P.H. BUCK - « Les migrations des Polynésiens » -
études des migrations polynésiennes. Les ouvra- Payot 1952.
Robert C. SUGGS - « The hidden worlds of Polyne-
ges consacrés aux embarcations utilisées lors des sia » - Mentor Book, New York 1965.
grandes traversées sont peu nombreux. Les au- « Lords of the blue Pacific » - Cassel, London
teurs des premiers récits concernant l’exploration 1963.
du Pacifique ne nous ont laissé que très peu d’in- « Les civilisations polynésiennes » - La Table
formations sur la science de la navigation des ronde - 1962.
anciens Océaniens. Quelques chercheurs isolés, Dr. C.H.M. Heeren-Palm - « Zwerftochten door de
tels Alain Gerbault et Eric de Bisschop avaient dès Zuidzee » - Boom & Zoon, Meppel 1956.
les années trente compris que les Polynésiens Eric de BISSCHOP - « Cap à l’est », Plon 1958.
étaient les « possesseurs d’une science merveil- « Vers Nousantara », La Table ronde 1962.
leuse. Ils connaissaient toutes les étoiles du ciel. BOUGAINVILLE - « Voyage autour du monde » -
Collection 10/18, Paris 1966.
Ils connaissaient l’art de se diriger presque sans Thor HEYERDAHL - « Sea routes to Polynesia » -
instruments sur les mers » (3). La recherche de George Allen and Unwin, London 1968.
cette science maritime est revenue à la mode de- « L’Expédition du Kon-Tiki » - Albin Michel 1951.
Henri MAGER - « Le monde polynésien » - Schlei-
cher Frères, Paris 1902.
(2) Voir les n° 1 et 3 de KADATH. D.L. OLIVER - « Les îles du Pacifique » - Payot
(3) Alain Gerbault - « Un paradis se meurt », p. 236. 1952.
LE PASSE PRESENT

Fidèle à sa méthode de travail, KADATH vous propo-


se maintenant un cahier sur Chan-Chan. Des ruines...
un art et une science... puis une énigme, celle de ses
origines. Enigme sur laquelle le lecteur pourra alors
porter son jugement en connaissance de cause. Ce
sera, par la même occasion, le deuxième volet d’une
série de trois, par laquelle nous désirons vous pré-
senter les découvertes pratiquement inédites du Pro-
fesseur Marcel Homet. Le premier article nous a fait
pénétrer dans la Cordillère des Andes, peuplée de
ses véritables habitants, les Queshuas et non les
Incas : ce sont eux qui dressèrent les premiers plans
de Cuzco. Aujourd’hui, nous sommes sur le littoral
péruvien, dans l’empire des Chimus. Leur capitale,
Chan-Chan, avait une flotte qui eut de fréquents Dégoûté, Marcel Homet s’installe à Stuttgart. Il y rédi-
contacts avec l’Ancien Monde. Et les Chimus eux- ge une véritable thèse de doctorat, Chan-Chan, la
mêmes sont venus du nord, c’est ce que nous ver- mystérieuse », qui sera jugée trop onéreuse par les
rons dans le troisième volet : leur dieu s’appelait Wo- éditeurs. Seul, en Belgique, Luc Canon, rédacteur en
tan, héros de la mythologie scandinave. Ainsi aurons- chef de la revue « Techniques Nouvelles », en com-
nous porté un regard neuf sur la protohistoire amérin- prend l’importance et, durant plus de deux ans, en
dienne, ce qui laissera néanmoins encore dans l’om- publie de larges extraits. En 1965, « A la poursuite
bre au moins deux sites inclassables : Tiahuanaco et des dieux solaires » repart, avec cette fois une édition
Nazca, dont nous vous présenterons, dans un proche française, sur la lancée des Fils du Soleil, dont c’est la
12 avenir, des photos tout à fait inédites. suite. Infatigable, le Professeur Homet vient d’achever
la rédaction de trois autres ouvrages : un essai sur les
Le Professeur Marcel Homet est né le 23 mars 1897 origines, « Le nombril du monde », un roman d’ar-
à Rochefort-sur-mer, d’une famille d’officiers de mari- chéologie-fiction, « Les dieux blancs dans l’énigme de
ne du Roy. Il n’hésite pas à rappeler qu’il débuta com- la pyramide sacrée », et son autobiographie, « Les
me balayeur dans une gare de triage à Paris. Puis, chemins d’un balayeur ». Voici presqu’un an, il parrai-
muni d’un diplôme d’ingénieur-topographe, il crée le nait le lancement de notre revue KADATH.
premier champ d’aviation de Rabat, et une voie ferrée
dans l’ex-Congo belge. Plusieurs livres témoignent de Depuis 1969, une équipe d’étudiants américains et
ses aventures : « Congo, terre de souffrance », étrangers, sous la direction du Professeur Michael
« Afrique du nord, terre d’attente », « Afrique noire, Moseley, a entrepris des fouilles à Chan-Chan. Il était
terre inquiète ». Lorsqu’il arrive à Londres, en 1940, il temps d’ailleurs, car le gouvernement péruvien s’est
est accueilli à l’Institut Français par Denis Saurat, mis dans la tête de restaurer cette ville qui s’étire sur
alors président du Pen Club International. Comme des dizaines de kilomètres. Avec l’argent recueilli grâ-
« technicien des affaires musulmanes et noires », il ce à des taxes supplémentaires sur les timbres-poste,
devient agent de l’Intelligence Service. Après la guer- ils reconstruisent tout en béton... estimant que c’est ce
re, il présente à l’Université d’Alger, une licence d’ara- qui ressemble le mieux aux briques de terre qu’avaient
be classique, et une autre d’ethnologie et d’archéolo- utilisées les constructeurs. Chan-Chan va mourir une
gie préhistorique. Muni d’un ordre de mission perma- seconde fois. Avant qu’il ne soit trop tard, une expédi-
nente que lui a délivré l’Ecole d’Anthropologie de tion de l’Associazione Studi Preistorici italienne est
Paris en 1936, il part en expédition en Guinée, en partie réaliser un film et photographier Chan-Chan
Arabie, en Amazonie, puis au Pérou. De 1958 à 1963, pour illustrer le livre de Marcel Homet. Car en même
il travaille plus spécialement sur le site de Chan- temps que ce numéro de KADATH, sort enfin, chez
Chan, dont il met à jour de nombreuses murailles et Sugar Editore, à Milan, « Chan-Chan, la mystérieu-
fortifications. se ». Ces cinéastes, Adriano et Damiano Zecca, nous
ont transmis les diapositives qui ont paru dans la re-
Le livre de Marcel Homet, « Les fils du Soleil », rela- vue italienne Pi Kappa et seront projetées lors de nos
tant ses découvertes en Amazonie et abordant le conférences. Mais nos illustrations à nous sont égale-
problème atlante, est publié en 1958 en Allemagne et ment inédites, car elles furent réalisées bien avant que
en Suisse. Mais l’ouvrage, qui devient vite un best- les pluies dévastatrices n’aient fait de la cité de Chan-
seller (douze éditions internationales, dont une en Chan ce qu’on en voit actuellement dans la plupart
U.R.S.S.), a été, à ce jour, refusé quinze fois par les des ouvrages d’archéologie. Hormis celles qu’a pu-
éditeurs français, suite à des pressions émanant du bliées « Techniques Nouvelles », elles paraissent pour
Musée de l’Homme, dont il détruit certaines théories la première fois dans une revue française.
datant de soixante ans. I. V.
AU PAYS DES PYRAMIDES
Pierre Honoré
Sous le pseudonyme de Pierre Honoré se cache un érudit danois, professeur de philosophie et lettres.
Américaniste passionné, parlant couramment cinq langues, il a parcouru le monde à la recherche de la
vérité cachée derrière le mythe. A Sao Paolo, sa rencontre avec le Professeur Homet fut déterminante et
le confirma dans son intuition : que le « dieu blanc précolombien », initiateur des peuples aztèque
(Quetzalcoatl), maya (Kukulkan) et inca (Viracocha), n’était qu’une seule et même divinité. Son livre « J’ai
découvert le dieu blanc » paru à Francfort, fut traduit en français sous le titre « L’énigme du dieu blanc
précolombien ». Alors que foisonnent aujourd’hui les collections où le meilleur côtoie le pire, cet ouvrage
extraordinaire et malheureusement introuvable, paru en 1962 dans la splendide collection de Bernard
Heuvelmans (« D’un monde à l’autre »), mériterait d’être réédité. Les travaux du Professeur Homet l’ont
inspiré, c’est pourquoi nous n’en reproduisons, avec l’autorisation de l’auteur, qu’un extrait destiné à
actualiser la civilisation de Chan-Chan.

Le littoral du Pérou est aujourd’hui encore une les premiers Espagnols arrivés dans le pays. Au
région sèche, sablonneuse, presque désertique. Pérou, on peut entrer de plain-pied dans le domai-
Là, pas trace de cette végétation exubérante, en- ne de l’archéologie. Là, pas de contes brodant au-
vahissante qui, dans d’autres contrées méso- tour de villes disparues sans laisser la moindre
américaines, engloutit des villes entières en quel- trace, comme au Mexique où, pendant des siècles,
ques siècles. Là, pas de jungle qui puisse enseve- ils furent les seuls témoins rappelant le souvenir de
lir les anciennes civilisations sous son fouillis de civilisations englouties. Là, les innombrables et
verdure impénétrable. Les témoins du passé y minuscules fragments patiemment rassemblés par
gisent nus, sous le ciel torride. Quand on part les archéologues, ont restitué le visage d’un autre
aujourd’hui, par avion, de Trujillo pour longer la peuple indien : celui des Chimus.
côte du Pacifique, on distingue dans l’étroite plai-
ne littorale du Pérou des pyramides qui surgissent Le Grand Chimu.
les unes après les autres, dix, vingt, trente, cent, Les Chimus avaient autrefois établi leur empire
des centaines, sur le ruban de sable large de sur le littoral du Pérou, en rassemblant ce que l’on
cinquante kilomètres et long de 1.500. a appelé les petits royaumes, dispersés dans les 13
vallées. Cela, les anciennes chroniques nous l’ont
Près de l’embouchure du Jequetepeque, dans les appris. Ces principautés, comme celles de Lam-
ruines d’une ville qui pourrait bien être l’antique bayeque, Chirastal, Quito, avaient été fondées par
Pacatnamu, on en dénombre, d’avion, plus de des hommes venus de la côte mexicaine du Paci-
soixante-dix. Quand on survole les vestiges de ce fique sur des radeaux, et établis en Amérique du
qui fut la grande Chan-Chan, ce sont des douzai- Sud au début de notre ère. Appartenant à l’épo-
nes de ces édifices qui apparaissent. Dans la val- que archaïque du Mexique, ils apportaient avec
lée de Chiras, une pyramide de briques à trois eux la légende du grand déluge — peut-être mê-
étages et haute de 120 mètres repose sur une me avaient-ils quitté leur pays en raison de cette
base qui a 90 mètres de côté. C’est celle de Chi- catastrophe — et ils s’établirent dans la région
ra, non loin de Sujo. Dans la vallée de Casma, on que l’on appela par la suite « pays chimu ».
a trouvé les ruines d’une pyramide qui a dû sur-
passer autrefois toutes les autres dans le voisina- Au point de vue archéologique, on divise ces an-
ge par sa hauteur, celle de Mojeke. Elle n’est plus ciennes civilisations côtières du Pérou en cultures
aujourd’hui qu’un amas de terre. Il en va de même de Salinar, de Gallinazo, de Mochica (ou protochi-
du temple dédié au dieu Pachacamac, orgueil des mu, vers -400) et Chimu tardif. Ces Chimus
princes de Guismanca dans le passé, et des in- étaient à l’origine, des roitelets ou des chefs de
nombrables petites pyramides élevées en l’hon- tribu établis dans des châteaux-forts et des tem-
neur de ce dieu qui était plus grand que tous les ples le long du rio Moche. Ils parlaient le mochica,
autres. Ecroulé aussi le temple du dieu de Rimac. qui devint par la suite la langue de toute la région
côtière. C’était également le nom de leur peuple
Mais ce ne sont là que quelques-unes des innom- avant qu’il ne prît celui de Chimu.
brables pyramides de cette région. Elles se distin- Au cours des siècles, ils triomphèrent de tous leurs
guent de celles de l’Amérique Centrale par le fait voisins et arrivèrent à dominer l’ensemble de la ban-
qu’elles sont construites en adobe, en brique crue de côtière péruvienne. D’après les anciennes chroni-
séchée au soleil, exactement comme celles de ques, un de leurs plus grands souverains vécut à la
Hauwara et de Illahun au bord du Nil... Un escalier fin du Ve ou au début du VIe siècle de notre ère.
extérieur escalade leur flanc pour conduire à la Connu sous le nom de « Grand Chimu », il étendit
plate-forme qui supporte le temple. La plupart de considérablement ses domaines. Le terme de Chi-
ces ruines sont à notre époque telles que les virent mu, qui signifie simplement « grand chef », fut
La Pyramide du Soleil ou Huaca del Sol.

appliqué par la suite non seulement au souverain Arrivés devant lui, ils constatèrent qu’il était
mais au peuple entier lorsqu’il établit sa supréma- construit en briques et conclurent qu’il serait bien
tie sur tous les royaumes du littoral. difficile et pénible de le démolir pour chercher
ses trésors cachés. Sans hésiter, ils détournè-
Les siècles passèrent. La puissance des Chimus rent le cours du Moche pour que le rio se jetât
ne cessait de grandir, de même que leur richesse, contre la pyramide et fit leur travail. L’entreprise
aussi leur empire était-il celui de l’or et le plus vas- réussit pleinement : les murs s’écroulèrent, de
te de tous quand les Incas arrivèrent. Ceux-ci le leurs débris un trésor fut retiré... et disparut dans
détruisirent alors que Chimo Capac en était le roi. la poche des Espagnols. Ceux-ci trouvèrent des
Les chroniqueurs rapportent qu’au début du XVe armes en argent et de la vaisselle en alliage d’or
siècle, Chimo Capac perdit une bataille contre et de cuivre, ainsi qu’une figure d’or pur qui,
14 l’lnka Tupac Yupanqui, et que ce fut la fin de l’em- selon le chroniqueur La Calancha, « était haute
pire chimu. Mais sa civilisation et son art survécu- d’une aune à partir de la ceinture et avait l’appa-
rent encore pendant longtemps, puisqu’ils ne dis- rence d’un évêque ». Il ne restait de la pyramide
parurent définitivement qu’à l’époque espagnole. pillée qu’un amas de terre. Les pluies ont achevé
de ronger les murs, et c’est sous cet aspect que
L’empire lui-même avait duré près de quinze siè- nous voyons les ruines aujourd’hui.
cles et l’on divise son histoire en trois grandes
périodes. La première, archaïque, s’étend depuis Les conquérants espagnols raflèrent un butin par-
l’arrivée dans le pays et la conquête des terres ticulièrement riche à la Huaca de Toledo, le tom-
jusqu’à 500 après J.-C. environ ; la seconde est beau royal des Chimus. Gobelets, coupes, figures
celle de l’apogée sous le régime du Grand Chimu et un poisson, le tout en or, leur tombèrent entre
de la fin du Ve au IXe siècle, et enfin la troisième les mains, un trésor dont la valeur du seul métal
s’achève avec la conquête inca, vers le milieu du dépassait les cent millions de francs belges. Dans
XVe siècle. Ce que les hommes de la Conquista le temple de Moche, ils volèrent de l’or et de l’ar-
trouvèrent dans ce vieux pays nous est décrit par gent pour 300.000 pesetas-or. Dans un autre,
les chroniqueurs. Escobar Corchuelo et ses compagnons s’emparè-
rent de 600.000 pesetas de cuivre et d’or —
La chasse aux trésors. « sans compter ce qu’ils ne racontèrent pas »,
Les premiers « voyageurs » qui traversèrent ces déclare un chroniqueur désabusé. La petite pyra-
plaines côtières du Pérou où avait fleuri l’ancien mide dite de la Lune, à côté de la grande, ne tenta
empire des Chimus, furent les Espagnols. C’est en pas les Espagnols : elle leur parut secondaire et
1602 que leurs guerriers brutaux apparurent, sous indigne de leurs efforts…
la conduite de Montalva, non pas pour admirer le
paysage ni se réjouir à la vue des édifices anti- Chan-Chan, la ville des serpents.
ques, mais uniquement pour chercher de l’or. Ce que les soldats espagnols pillards avaient
Lorsqu’ils arrivèrent dans le voisinage de l’actuelle laissé fut retrouvé par les voyageurs des siècles
Trujillo, ils reconnurent les silhouettes de grandes suivants. Ils découvrirent ce qui n’avait visible-
pyramides. L’une d’elles, la Pyramide du Soleil, ment pas intéressé leurs prédécesseurs : la capi-
haute de vingt mètres, se dressait sur une plate- tale du roi des Chimus, Chan-Chan. Elle couvre
forme qui en mesurait autant. Ce gigantesque une superficie de 18 km2. Située entre Trujillo et
édifice attira les Espagnols. la côte du Pacifique, à huit kilomètres environ au
nord du rio Moche, elle a été autrefois un port,
mais la sédimentation et l’exhaussement du ter-
rain l’ont éloignée de l’océan.

On a trouvé dans les ruines les fondations de


deux très vastes palais entourés de murailles. Les Chimus : un « Empire » ?
Celui que l’on appelle le « grand palais » était un Y eut-il réellement un « Empire », tel que nous
édifice géant de 400 mètres sur 500, qui contenait pouvons le concevoir aujourd’hui ?
Certainement pas, si l’on sait que les Chimus
un immense réservoir d’eau. Devant celui-ci, un n’avaient pas d’armée impériale gardant les
bâtiment était divisé en de nombreuses petites frontières des quatre ou cinq royaumes — de
pièces que l’on prit d’abord pour des cachots, d’où races et religions différentes — plus ou moins
le nom de prison qu’on donna à l’ensemble. Le englobés dans l’orbite de Chan-Chan. Ils
deuxième palais était plus petit et plus proche de n’avaient pas non plus d’administration
la mer. Comme l’autre, il était entouré par une « impériale » assujettissant leurs voisins à une
capitale « impériale ». Alors, pourquoi ce titre
double muraille avec chemin de ronde et là aussi d’« Empire » ? La réponse est aisée si l’on veut
on trouva les restes d’un bâtiment avec de nom- bien considérer le problème dans son ensem-
breux petits couloirs et cachots. ble. Prenons d’abord quatre exemples : Téoti-
huacan, bâtie sur une lagune de la rive de vas-
Les palais de Chan-Chan comprenaient des tes mers intérieures ; Venise, édifiée sur une
lagune aussi, au plus profond d’une mer longue
cours, de vastes salles, des appartements privés et étroite ; Carthage, créée sur une terre ingra-
et des jardins. La salle dite des arabesques a été te bordant une large mer ; et enfin Tyr, cons-
rendue célèbre par sa décoration en relief, de sty- truite sur un rocher relié à la terre ferme par un
le sévèrement hiératique avec des damiers et des pont artificiel. C’étaient donc simplement quatre
losanges. Dans les deux édifices, les chambres villes. Et c’étaient aussi quatre Empires.
Ces Empires avaient-ils des troupes impériales
étaient construites en pierre de taille ; on y a re- garantissant leurs intérêts extérieurs ? Non.
trouvé les restes d’étoffes, de momies, de figures Ainsi Venise ne contrôlait pas militairement
humaines et animales, de statues en bois repré- l’Albanie, la Dalmatie, la Lombardie, la Macé-
sentant des dieux et de coquilles nacrières. Il ne doine, l’archipel Egéen, la Crète ni les grands
pouvait donc s’agir là de cellules. Ces grands bâti- ports du Levant. Et pourtant, c’était bien l’Empi-
ments divisés en nombreuses pièces ont dû servir re de la Sérénissime République. Bien avant
dans l’Histoire, Tyr et Carthage avaient-elles
au culte. On y élevait des serpents, dieux vivants. des armées sur les territoires guinéens, les 15
Canaries, les Açores et les ports du Levant ?
Un culte tout à fait similaire existait dans l’An- Non. Cela n’empêche que c’étaient deux
cien Monde, en Egypte : la déesse Buto était un grands Empires, dont le second mit en danger
serpent que l’on conservait vivant dans le tem- le puissant état romain. Enfin Téotihuacan
avait-elle des soldats sur les rives du Pacifique
ple. Cet animal de l’eau et des régions inferna- et du Golfe du Mexique ? Non, au contraire,
les trône sur tous les murs de Chan-Chan. Et comme il en fut pour Chan-Chan avec les Chib-
quand on voit ces interminables accumulations chas, la capitale aztèque avait de continuelles
d’images, on ne peut douter que la ville ait été complications avec les Totonaques, formant
celle du culte du Serpent. Au reste, son nom pourtant une des plus importantes parties de
son « Empire commercial ».
même en témoigne. Chan signifie serpent en De fait donc, employant rarement la force mais
mexicain, et Na Chan, maison des serpents ; toujours une subtile diplomatie, ces quatre villes
dans la langue des Chimus aussi, Na est un des avaient réussi, en des territoires peuplés par
termes pour désigner la maison. des races aux langues diverses, à créer un
véritable « marché commun », ce qui, en réali-
La religion de ces derniers était essentiellement té, était la seule chose qui les intéressât. En
effet, leur puissante industrie, servie par une
un culte de l’eau. Toute leur vie était intimement forte marine, fournissait à leurs « clients » des
liée à la mer, l’eau était leur élément, avec ses quantités considérables de produits finis, rece-
symboles, poisson et serpent, celui-ci représen- vant en échange, à des prix intéressants, tout
tant souvent le jeu des vagues dans les fres- ce qui était indispensable aux besoins de la vie
ques qui recouvrent les murs. Aujourd’hui, ceux- quotidienne. Car il faut bien se fixer sur un point
très important : aussi bien le territoire de la ville
ci sont en ruines, les forteresses et les temples de Tyr et ses environs immédiats, que ceux de
anéantis. Seul de tout cet héritage dilapidé de- Carthage, Venise ou Téotihuacan, ne suffi-
meure l’art de la céramique, l’un des plus ac- saient en aucun cas aux besoins de l’agglomé-
complis du monde entier, aujourd’hui encore, et ration urbaine... d’où l’obligation absolue de
dont l’importance artistique égale celle des tra- créer un Empire.
Changeons donc les noms de Téotihuacan,
vaux d’orfèvrerie. Nous connaissons maintenant Venise, Tyr et Carthage, par celui de Chan-
les chefs chimus, dont les visages nous parlent, Chan, et nous aurons l’Empire chimu.
modelés sur les vases de poterie. Leur dureté
respire la grandeur et la puissance. Ils ont ré- M. H.
gné autrefois sur un empire.
Les arts et les sciences
qu’ils réunissent soigneusement. Dans quelle
intention ? Comme l’analyse décèle l’usage de
sels de cuivre, nous savons que cette céramique
nous montre comment les ouvriers pouvaient, à
chaud, procéder à de remarquables soudures.

Quant à leur méthode pour le travail de l’or, on


reste perplexe, les céramiques nous montrant
simplement — comme pour le travail du bronze
d’ailleurs — des ouvriers, marteau en main, bat-
tant des feuilles d’or ou des pièces de bronze.
N’y avait-il pas un procédé corollaire ? Ce mar-
tellement était-il suffisant ? On ne voit pas... On
voit d’autant moins que nos meilleurs techniciens
actuels n’hésitent pas à déclarer que seuls nos
plus puissants laminoirs modernes permettraient
d’obtenir des feuilles aussi minces et aussi sou-
ples. Et que dire des épaisses planches d’or
pour les temples et les palais ? Et les aiguilles en
or durci, aussi fines et solides que les nôtres en
acier ? Et les masques funéraires, les vases ou
coupes rituelles avec incrustations de turquoise
ou de jade accompagnant de délicates ciselures
du métal ?...

Métallurgie et Orfèvrerie.
Dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque de
16 Lima, l’historien Miguel Feyjoo nous décrit les
« jardins d’or, d’argent et de pierres précieuses »
dont étaient agrémentés les palais et les temples
de Chan-Chan. On y voyait des épis de maïs en
or, dont les barbes étaient si finement ciselées
qu’elles frémissaient au moindre vent. Les fleurs
avaient des tiges d’argent ciselé et des pétales
en or. Les arbres, de la hauteur d’un homme,
avaient leurs troncs et branches en argent, les
feuilles et les fruits en or. Sur les branches
étaient posés des oiseaux dont les plumes fré-
missaient, et dont les yeux étaient faits de pier-
res précieuses. Il y avait aussi des insectes aux Masque d’or d’une momie chimu.
ailes mobiles au moindre vent. Tout cela était si
parfaitement soudé que les plus fortes tempêtes Pour le bronze aussi, les techniciens sont surpris.
n’en détruisaient rien, car les soudures, réalisées On en connaît la composition : 86 % de cuivre et
à l’aide de sels de cuivre appliqués sous la cha- 14 % de zinc. Rien d’extraordinaire. Toutefois,
leur, résistaient à tout effort. comme ils ne connaissaient ni le fer ni l’acier, les
artisans ont dû employer le procédé du martela-
Les musées d’Europe et d’Amérique nous mon- ge, comme les céramiques nous l’ont montré.
trent d’importantes collections artistiques en mé- Mais de là à obtenir des instruments et des ar-
tal provenant de l’Empire de Chan-Chan. On est mes à la dureté et au fil identiques à ceux qui
donc assez bien renseigné sur leurs productions. sortent de nos modernes usines... Autre fait : il
Toutefois, peu de textes nous sont parvenus est impensable que des procédés comme celui
quant aux procédés employés. Là encore, les dit « à la cire perdue » aient pu être imaginés en
céramiques ne demandent qu’à parler. C’est vertu de ce que l’on nomme le « déterminisme
ainsi que nous voyons des ouvriers penchés sur industriel ». Or, ce procédé tout particulier, que
des pièces métalliques ; ils tiennent entre les l’on retrouve en diverses contrées de l’Eurasie et
mains des instruments non identifiables. Mais même en Afrique, les Mayas le possédaient, de
par différentes couleurs et autres indications, on même que les Chimus de Chan-Chan. D’où le
s’aperçoit qu’ils dorent ou argentent des métaux, tenaient-ils ? Par ailleurs, ils avaient inventé — ou
et ce avec une telle adresse que leur travail peut reçu ? — une méthode de fabrication de fours et
être comparé aux résultats apportés par le pro- de moules en argile réfractaire, ce qui leur per-
cédé moderne de la galvanoplastie. On les voit mettait, à 1 000°C, de réaliser des sujets de gran-
aussi approcher l’une de l’autre deux pièces de taille, en or, tels des jaguars ou des serpents.
des Chimus de Chan-Chan
C’est le même procédé qui leur permettait de
fabriquer de hautes idoles, ainsi que des cannes
de commandement, dont la grosse poignée, bou-
le d’or massif, s’ornait de pointes du même métal,
tellement dures et aiguës qu’elles constituaient
une redoutable arme de guerre. Bref, les Chimus
de Chan-Chan paraissaient capables de réaliser
tout ce qu’ils désiraient.

Médecine.
Comme pour les palais et tant d’autres choses
n’existant actuellement plus que sous forme de
ruines, ce sont les céramiques qui nous rensei-
gnent ; tandis qu’au Musée archéologique de
Cuzco, des centaines de crânes retrouvés dans
les tombes nous apportent d’indéniables aspects
d’une chirurgie parfaitement développée. Comme
l’a indiqué Mircea Eliade, « connaître le mythe,
c’est connaître la vie ». Et les médecins de l’anti-
que Pérou — comme ceux d’ailleurs de l’Afrique
noire — avaient pour base de leurs traitements,
la « connaissance du mythe ». En effet, pour
connaître le mal, il fallait en connaître l’origine...
non pas, par exemple, comment on avait pris
froid, mais bien l’origine cosmique du mal. Et
donc, le médecin devait remonter le temps. Ce
qui se compliquait d’autant plus que, presque
toujours, ces mythes comportaient le serpent.
Bref, s’il est exact que les médecins chimus
connaissaient certains médicaments, ceux-ci ne
seront efficaces qu’après incantation. 17
Voici, sur une céramique, un homme qui se pen-
che sur un individu couché au crâne complète-
ment rasé, et qui, une grosse boule de feuilles
dans la bouche, semble endormi. L’homme de- Hache votive figurant une trépanation.
bout tient à la main un couteau en forme de « T »
légèrement incurvé. On peut penser qu’il est en
train d’opérer celui qui, couché, est insensibilisé
par cette boule de feuilles de coca qu’il a mâ- La plus grande partie des arts et des sciences
chées. Donc, le chirurgien ouvre un volet dans la des Chimus de Chan-Chan n’était appuyée sur
boîte crânienne ; délicatement, il retire la tumeur aucun document didactique. Avec cependant
qu’il sait exister là, referme le volet et cautérise. une restriction : il existe certainement dans les
Cela peut sembler extraordinaire car, pour cela, il livres d’histoire écrits sur les murs et les palais de
faut connaître parfaitement l’anatomie du cer- Chan-Chan, des documents relatifs à l’applica-
veau. Et pourtant, les médecins actuels, qui ont tion des sciences que l’on a pu relever chez eux.
étudié les crânes trépanés de Cuzco, sont d’ac- Et il est assuré qu’un nouveau Champollion ap-
cord sur ce point : nombre de patients des chirur- porterait bien des surprises. Toutefois, l’exemple
giens chimus ont été trépanés plusieurs fois, et à que l’on possède de l’Égypte pharaonique, où la
chaque fois, ils ont survécu. plupart des hiéroglyphes ont été déchiffrés, tend
à prouver que l’on ne pourrait découvrir que des
Je termine par un autre exemple. Là encore, un récits d’applications pratiques des sciences, les-
homme, insensibilisé, est couché sur le sol. Il a le quelles ne sont même pas évoquées, comme par
ventre ouvert, le chirurgien pratique une laparoto- exemple celles caractérisant les mathématiques
mie. Que l’on ne sursaute pas, l’intervention est célestes appliquées, entre autres, à la Pyramide
terminée, ce que nous indique une autre cérami- de Chéops. De ce fait, cette partie de leur civilisa-
que montrant le chirurgien, qui vient de prendre, tion montrait, non une ascension, mais une déca-
dans un bassin à côté de lui, une grosse fourmi dence, où seules des traditions aveuglément
noire qu’il tient par son corselet. Comme il ne respectées permettaient certaines réalisations.
possède pas de catgut, il présente à la pince de la
fourmi deux bords de l’intestin soigneusement On est donc bien en droit de se demander quel
réunis. L’insecte mord et, immédiatement, l’opéra- peuple, en quelle région précise, avait pu édifier
teur coupe le corselet. Ainsi, de fourmi en fourmi, une telle civilisation...
l’intestin est recousu... Et l’opéré guérit, les céra-
miques le prouvent. MARCEL HOMET.
ARCHEOLOGIE PARALLELE

CHAN-CHAN, LA MYSTEREUSE
Professeur Marcel Holmet

Paramonga et des pyramides-forteresses que


nous avons découvertes près de Cajamarca. Il
mit, selon les chroniqueurs, de trois à cinq ans
pour s’en emparer, mais y perdit 20.000 hommes ;
et lui-même, le général en chef Pachacuti, y laissa
la vie. Si, à ce moment-là, Chan-Chan était inter-
venue, elle se fût sauvée. Mais, égoïstement, elle
ne broncha pas, même lorsque ses ennemis s’em-
parèrent de Cajamarca. L’Inka attaqua, mais forte
de ses inexpugnables murailles, la ville impériale
se rit de ses assaillants, lesquels abandonnèrent
le siège.
18
Pourtant Chan-Chan avait son point faible. Vi-
vant au milieu d’un désert de sable, elle allait
chercher l’eau dans les Andes, par des canaux
Commençons par la fin. comme ceux de la Cumbre (113 km), de Chica-
Où se trouve Chan-Chan, et quel fut son empire ma (120 km), et divers autres faisant de 70 à
culturel ? Il suffit, pour le savoir, de prendre un 100 km. Et pour son service intérieur, elle pos-
atlas ou un dictionnaire, et de chercher au mot sédait un aqueduc de 1.500 mètres, surplom-
« inca ». C’est un nom que tout le monde connaît. bant la ville à quinze mètres de hauteur, et dis-
Mais le lecteur de KADATH, qui se souvient de tribuant l’eau dans les maisons, en particulier
l’article consacré à Cuzco dans le premier numé- pour alimenter les baignoires en or et argent
ro, n’ignore plus que cette civilisation dite massif des nobles. Certains bassins, alimentés
« incaïque » était, en réalité, la continuation ou par des canaux souterrains, avaient jusqu’à 180
l’intelligente adaptation de la civilisation que mètres de long sur 18 de large... Un an après
connaissait l’empire chimu de Chan-Chan. On son premier échec, l’Inka revint et coupa les
m’excusera donc de débuter cet exposé par la aqueducs. Sans eau, Chan-Chan se rendit.
décadence dudit empire. Une extrême richesse et
facilité de vie et un orgueil fou avaient amené Comme de coutume, l’Inka (Tupac Yupanqui) fut
Chan-Chan à mépriser les autres peuples de son habile et généreux. Il se contenta de razzier la
empire, en bonne partie queshuas, lesquels, peu à totalité des ingénieurs, artisans et ouvriers spé-
peu, se détachaient de la métropole. cialisés qui, en compagnie des plus belles œu-
vres d’art, prirent le chemin de Cuzco, où des
Et c’est là un point crucial sur lequel, à notre écoles avaient été préparées à leur intention.
connaissance, l’Histoire est, jusqu’à ce jour, restée L’empereur chimu Min-Chan-Caman (le Grand
muette. C’est regrettable, car cette étonnante pro- Serpent) tenta encore une révolte. Alors l’Inka
gression, en une centaine d’années, d’un petit revint et, impitoyablement, rasa la ville. C’était en
peuple de trois mille guerriers queshuas depuis 1457 de notre ère. Et, de ce jour, Chan-Chan
les rives du Lac Titicaca, n’était absolument pas tomba dans l’oubli universel, tandis que, en 78
possible si elle n’avait rallié sur sa route des peu- ans, le nouvel empire queshua, allait, sous son
ples de son sang. Aussi bien, fort de ses succès chef religieux, l’Inka, atteindre son apogée, et ceci
andins, l’Inka intervint. Il décida de s’emparer de grâce à Chan-Chan, capitale du grand empire
queshua-chimu, qui avait donné son sang et les coutumes, le même armement et les mêmes cos-
valeurs dont elle avait en partie hérité de ses tumes ». Et, partant de cette « négation a priori »,
prédécesseurs queshuas, lesquels avaient, en on veut ignorer qu’au Mexique existent des tribus
deux à quatre mille ans, lentement perfectionné « muchiks », ancêtres des Mochicas.
leur étonnante civilisation.
L’homme qui, durant plus de vingt ans, a réalisé
Chavin ou Chan-Chan ? des études concrètes sur ce problème, est un sa-
L’ensemble monumental de Chavin (un peu plus vant allemand de renommée mondiale, travaillant
au sud de Chan-Chan, mais dans la Cordillère des pour le compte de l’Université de San Francisco :
Andes) est, avec ses deux pyramides, assurément Max Uhle. Il a suivi pas à pas les « ascendants »
un des plus beaux qui se puissent connaître. Cha- de Chavin et de Chan-Chan, et voici ce qu’il en dit :
vin fut découvert, par hasard, par un homme jeune « Le nom de Chavin est en relation avec celui d’un
et sans guère de connaissances : Julio César volcan près du rio Tungara, en Equateur, lui-même
Tello. Et il eut le mérite incontestable de « se for- étroitement lié au Nicaragua. L’idiome de Chavin
mer lui-même », afin d’arriver à des résultats pro- est, lui aussi, en relation avec celui de l’Amérique
bants. Malheureusement pour lui, il dut œuvrer en Centrale. Toujours en Equateur, près de Curson
une période néfaste, car s’il voulait dominer le (lac de San Pablo), à 2.600 mètres d’altitude, trois
travail auquel il s’était passionnément attaché, il urnes sépulcrales sont dans le plus pur style Palen-
n’avait pas le choix : il lui fallait souscrire à toutes que (Yucatan). La province de Esméralda en Equa-
les théories, originellement bonnes mais déjà dé- teur, ainsi que la région de Tumbez au Pérou (plus
passées, du Dr. Paul Rivet, Directeur du Musée particulièrement à l’île de Puna près de Guayaquil)
de l’Homme à Paris. Il faut ajouter que son chauvi- sont remplies de céramiques mayas. » Max Uhle y
nisme culturel outrancier (un grand problème dans a ainsi découvert près de trois mille de ces cérami-
l’étude des civilisations précolombiennes), allait l’y ques de style Uxmal, sur la rivière dont le nom est
aider, mais néanmoins, le temps passant, de nou- Chan-Chan.
velles découvertes et de nouveaux travaux
venaient modifier des thèses laborieusement et Arrêtons-nous un moment. Aussi bien les Péru-
honnêtement construites, comme le furent viens tels Jorge Muelle, Directeur du Musée Mag-
d’ailleurs celles de Tello lui-même. dalena de Lima, que les américanistes comme le
Professeur Hermann Trimborn, Directeur des Etu-
Ces thèses allaient de : Chavin-origine-de-toute-la des Américaines à l’Université de Bonn, estiment 19
civilisation-protohistorique-du-Pérou, à Chavin- que Chavin fut construite vers l’an 300 avant notre
origine-de-certaines-civilisations-mayas-du- ère, alors que Palenque date de 633 après J.-C.
Mexique. Et c’est là que se révèle le chauvinisme. Tout ceci signifierait donc — et on a tout lieu de le
Car, de fait, Chavin est bien maya, avec cette dif- penser —, que dès avant sa construction, et tout
férence qu’elle est d’origine maya. De ceci, actuel- au long de celle-ci (qui dura certainement plu-
lement, les archéologues de bonne foi en possè- sieurs siècles), la ville de Chavin aurait été soumi-
dent toutes les preuves. Tout comme d’ailleurs, à se à l’influence culturelle des Mayas. A ce sujet,
l’encontre des théories péruviennes, Chan-Chan on peut également signaler les grandes urnes
est, elle aussi, maya et de beaucoup plus ancien- découvertes sur la plateforme de la pyramide
ne que Chavin. De cela nous avons des dates, d’Aramburu à Moche, et qui sont ornées d’un motif
chose rare en archéologie, et ces dates sont au- en relief montrant le symbole du « remous »,
thentifiées, tant par des savants de renommée caractérisé par un très grand serpent qui repré-
mondiale, que par les plus récentes fouilles améri- sente Quetzalcoatl, le dieu maya des Mexicains.
caines actuellement en cours sur le terrain. Or, tout ceci appartient à la civilisation proto-
chimu, c’est-à-dire les prédécesseurs des Mochi-
En gros, disons que l’on retrouve dans le nord cas et de l’Empire chimu de Chan-Chan. Les édifi-
péruvien un peuple, appelé Mochica, du nom de la ces proto-chimus sont, eux aussi, nombreux, et on
bourgade Moche sur la petite rivière du même peut signaler, en particulier dans le style de Copan
nom, qui baigne l’un des piliers de la formidable au Yucatan, certaines des pyramides des vallées
Pyramide du Soleil. Les datations officielles rai- de Chincha, Pisco, Trujillo et jusqu’à Huancayo au
sonnables concernant les céramiques de ce terri- nord de Lima, qui portaient différentes figures de
toire, sont de 350 avant J.-C., elles-mêmes héritiè- Quetzalcoatl.
res d’autres cultures, telles celle de Viru (—650) et
Cupisnique (—920). Ce qui implique que, culturel- Max Uhle signale encore sa propre découverte, entre
lement, Chan-Chan avait de qui tenir... Toutefois, mille autres, à Manta en plein pays proto-chimu, d’un
la science s’en tient là, refusant d’admettre la petit vase qui, avec deux têtes de serpents, rapporte
théorie d’Alfred Métreaux, grand spécialiste à une gravure dans le plus pur style de Cholula au
l’UNESCO, lorsqu’il déclare : « Tous ces peuples Mexique, et de ce fait forme le premier type proto-
et leurs guerriers, y compris ceux qui furent plus chimu. De même, en Equateur et dans la Pyramide
tard les soldats de l’Inka, avaient les mêmes de la Lune à Chan-Chan, des bouteilles noires aux
goulots bifurqués, rigoureusement identiques à cel- qui, entre 1540 et 1500 avant notre ère, avaient créé
les qu’on rencontre chez les Tarasques de Mexico. la première Cuzco (1), soumirent vers l’an 1200 les
Un vase récemment découvert au Pérou, montre le Chimus avec lesquels ils s’amalgamèrent. Donc, à
dieu maya de l’eau, Chak, avec son ornement fron- cette date, autrement dit neuf cents ans avant le
tal. Et enfin, pour ne pas trop m’étendre, je rappelle- début de la construction de Chavin, les Chimus
rai l’information provenant du Dr. Vaillant, qui a si- étaient sur place. Qu’y firent-ils ? Il y a un hiatus, on
gnalé des vases proto-chimus comportant des mas- ne sait. On les retrouve seulement quelque 250 ans
todontes identiques à ceux d’Uxmal au Mexique. après J.-C., avec une donnée toutefois qui laisse
supposer que leur importante civilisation avait débuté
bien plus tôt. Car c’est une question que je pense
avoir résolue — aussi étrange que cela puisse para-
ître — par la datation de l’introduction, à l’île de Pâ-
ques, de roseaux nommés « totoras ». Ces roseaux
sont encore en usage aujourd’hui, pour confection-
ner les pirogues des pêcheurs à Huanchaco, près de
Chan-Chan, mais aussi sur le Lac Titicaca ainsi qu’à
l’île de Pâques. Pour ma part, connaissant la flotte
de Chan-Chan, et ayant noté nombre de vestiges
pascuans rigoureusement identiques à ceux des
Chimus (les longues oreilles des statues, les murs
antisismiques, les noms des volcans), je savais que
ces totoras étaient originaires de Chan-Chan. Mieux
encore, le carbone 14 avait situé leur arrivée sur l’île
vers l’an 250 de notre ère. Mais — et c’est là une
confirmation — l’équipe américaine actuellement sur
place à Chan-Chan, vient de faire une merveilleuse
découverte : les portions de terre où étaient cultivés
les totoras ! Découverte plus importante qu’on ne
croit, car elle implique, pour l’Empire de Chan-Chan,
la possession d’une puissante flotte, qui assied ainsi
20 la thèse d’une expansion commerciale et maritime
de Chan-Chan dans l’Océan Pacifique.

La cause est donc entendue : si les céramiques


gauloises de la Dordogne ou de l’Alsace sont,
malgré leurs particularités propres, néanmoins
françaises, il faut tenir pour les civilisations pré-
colombiennes le même raisonnement. C’est ce
que j’ai voulu expliquer par le terme de « Chimu
moyen », lequel, avec ses particularités locales,
est en définitive d’origine maya, tout au moins en
ce qui concerne ses origines non-
extracontinentales. A cet égard, on pourrait pres-
que ériger en axiome cette communication de Max
Uhle au XXVIe Congrès des Américanistes :
« Presque toutes les populations de l’Amérique
Centrale émigrèrent en Amérique du Sud jusqu’à
Lima ». Cette vague de céramiques, accompa-
gnant nécessairement les peuples émigrants, alla
jusqu’au nord de Nazca, car, répétons-le, entre
Tumbez et Chancay, toute la culture est liée à
celle de l’Amérique Centrale.

Les totoras et les tissus à la rescousse.


Quand donc aurait alors débuté l’Empire chimu de
Chan-Chan ? Là encore, nous avons des dates pré-
cises. L’Histoire nous rapporte que les Queshuas

(1) Voir l’article paru à ce sujet dans KADATH n° 1.


Dans le « Journal de la Société des Américanis- D’où la construction, à des époques différentes,
tes » de Paris, en 1966, Frédéric Engel étudie des pyramides solaire et lunaire, à cinq kilomètres
spécialement la question des céramiques au Pé- de Chan-Chan, à côté du village situé sur le rio
rou, pour arriver à en situer les débuts, grâce au Moche. Chose étrange, l’Empire chimu étant lunai-
carbone 14, à quelque quatre mille ans avant J.-C. re, on aurait pu croire que la pyramide de ses res-
Reprenant ces travaux, Jorge Muelle arrive au sortissants serait, de beaucoup, la plus importante.
même résultat : entre 3800 et 3270. Et là, il n’était, Or, tel n’est pas le cas, car la Pyramide de la Lune
en principe question ni de Chavin, ni de Chan- ne s’élève que de 25 mètres au-dessus d’une base
Chan. Or, présentant dans les « Nouvelles littérai- de 80 x 60 mètres. Quant à la Pyramide du Soleil,
res » du 22 mai 1958, l’exposition Chavin du Petit les ruines actuelles les montrent encore ce que
Palais, Muelle déclare : « Les broderies, tapisse- devait en être la masse, dépassant de loin la fa-
ries, gazes, étoffes de coton et de laine, sont peut- meuse Pyramide de Chéops en Egypte. Sur l’épo-
être ce qu’il y a de plus authentiquement péruvien, que de sa construction, les avis sont partagés bien
puisqu’elles font leur apparition à une époque an- que, pratiquement, les historiens lui attribuent une
térieure à la céramique, et que leur évolution est origine maya. L’archéologue Squier la croit plus
ininterrompue jusqu’à la fin des temps préhistori- ancienne que la ville de Tiahuanaco. La construc-
ques. » Et le directeur du Musée de la Magdalena tion nécessita cinq cent millions de briques, d’un
prend bien soin de citer à la fois les tissus et les poids quadruple, pour le moins, de celles que nous
régions où ils furent découverts : Nazca, Huaras, utilisons de nos jours, et avec des dimensions tri-
Chancay et Auquen. ples. Toutefois, les constructeurs se heurtèrent à
un problème : celui des affouillements de la terre,
Peut-être y eut-il d’autres sources de tissus ? Tou- provoqués par les infiltrations du rio Moche.
jours est-il que, alors que Muelle parle abondam-
ment de Chavin pour ce qui est de la céramique, Il n’était donc pas question d’élever, sans plus,
des ornements et des statues, en ce qui concerne le monument désiré : il fallait, auparavant, dres-
les tissus, il reste muet, totalement muet ! Et per- ser des plans en tenant compte des pressions
sonnellement, lors de mes recherches à Chavin, je latérales que la puissance de l’œuvre allait pro-
n’ai jamais entendu parler de tissus dans cet en- voquer, et ensuite procéder à une étude géologi-
semble ! Or, bombe dans le « parti des Chavin », que précise, de manière à concevoir une implan-
l’expédition américaine qui a déjà localisé les ter- tation correcte des piliers. Et ce n’était pas une
rains de culture des totoras, vient également de mince affaire, car bien vite l’inspection des cou- 21
découvrir ces inestimables tissus... à Chan-Chan. ches révéla qu’elles étaient de contextures fort
Ce qui laisse donc supposer que des proto-chimus diverses, allant de l’argile au sable plus ou
inconnus, ceux dont parle Max Uhle, auraient moins humide, en passant par le roc. Les archi-
connu lesdits tissus, et ceci pour le moins mille ou tectes se mirent donc à l’œuvre. Ils mesurèrent
deux mille ans avant que ne commence la cons- exactement sur le terrain, l’amplitude de la cons-
truction de Chavin. Un document de plus en fa- truction, le nombre des piliers à élever, et calcu-
veur des Chimus de Chan-Chan, beaucoup plus lèrent alors la masse du monument. Ensuite, ils
anciens que Chavin. (2) ouvrirent des tranchées sur le périmètre choisi,
approfondirent les trous là où devaient se poser
La double religion de Chan-Chan. les piliers, et creusèrent jusqu’au sol stable. Et
Que ce soit par des dolmens, des cavernes sa- ainsi s’éleva la Pyramide du Soleil, sur une base
crées, des cromlechs ou des pyramides, une reli- de 238 x 146 mètres. On reste rêveur devant un
gion commence toujours par élire, construire ou pareil travail à pareille époque…
adopter un édifice où devra résider le dieu. Chan-
Chan n’a pas échappé à cette obligation. Toutefois, La plateforme inférieure se compose de deux rec-
dans l’Empire chimu, le problème se compliquait du tangles. On accède au plus petit, au nord, par une
fait que des Chimus s’étaient alliés à des Ques- rampe longue de 90 mètres et large de six. Sur le
huas. L’Empire, dès lors, comportait des Mochicas grand rectangle, au sud, s’élève une pyramide de
de religion lunaire et des Queshuas de rite solaire. 103 mètres de côté et 23 mètres de haut, surmon-
tée d’un temple qui a aujourd’hui disparu. On ac-
cède à la première plateforme par cinq terrasses
(2) Lorsque dans mon livre « Chan-Chan, la mysté- de 3,5 m chacune et un redan de deux mètres.
rieuse », je décrivais les baignoires et l’aqueduc
de la ville, ce n’était que par l’étude de vieux L’ensemble de l’ouvrage totalise donc 41 mètres
manuscrits encore pratiquement inconnus que de hauteur, ce qui, évidemment, est très inférieur
j’avais appris ces détails. Et de ce fait, j’étais à celle de Chéops. Mais qui a pu étudier les deux
convaincu que des fouilles devraient montrer pyramides de Chan-Chan reste impressionné par
qu’en outre existaient des réservoirs plus ou la masse et la technique de la Pyramide du Soleil,
moins souterrains. Ceux-là aussi, les jeunes
archéologues américains viennent de les décou- laquelle ne trouve son équivalent que dans les
vrir ! (Voir le compte-rendu dans le National Geo- ziggourats et pyramides orientales, telles celles de
graphic de mars 1973). Babylone et d’Ur en Mésopotamie.
Ci-dessus : reconstitution de la Pyramide du Soleil à Chan-Chan.

En bas : la ziggourat d’Ur en Mésopotamie.

22

L’étrangeté des « adobes coniques ». intactes de certaines pyramides péruviennes, des


Disons tout de suite que les « adobes » sont tout motifs similaires à ceux rencontrés en Amérique
simplement des briques de terre, cuites au soleil. Centrale. Or, ces cônes sont, sur les monuments
Si nous examinons nombre de pyramides mexicai- péruviens, appliqués en si grand nombre, que les
nes entourant les lieux consacrés au serpent- archéologues leur ont donné le nom de « nids
dragon Chan, nous remarquerons que des motifs d’abeilles » ou « ruches ».
architecturaux ou allégoriques de leurs façades
sont, en relief, constitués par des troncs de cône Faisons maintenant un bond en Mésopotamie, et
enfoncés dans la masse. De même, sur les pyra- nous allons y constater deux choses extrêmement
mides de Chan-Chan, nous rencontrons d’impor- importantes. D’abord, que les pyramides de cette
tantes quantités de briques d’adobe, se présentant région, les ziggourats, furent construites à l’aide
tantôt sous forme plate et rectangulaire, tantôt de terre pilonnée, et les terrasses reliées au sol
légèrement hémisphérique, et en grande quantité par de grandes rampes. Exactement comme pour
modelées en cône ou tronc de cône. On peut d’ail- la Pyramide du Soleil de Chan-Chan. Ensuite,
leurs, encore maintenant, voir sur les façades qu’on y retrouve aussi les cônes. Mais là, je préfère
apporter une documentation qui, pour être officiel- La clé se nomme Wotan.
le, n’en est pas moins — ce qui n’est malheureu- Au cours de mes propres fouilles à Chan-Chan,
sement pas toujours le cas —, rigoureusement j’eus la chance de dégager une espèce de caver-
concrète et impartiale. Dans son célèbre « Manuel ne, dont la paroi intérieure était recouverte de ce
d’archéologie orientale », le grand savant, le Doc- qu’on nomme des « ronds pointés » en cérami-
teur Conteneau, nous dit : que, gros comme le poing. Jamais jusqu’alors,
« Les ziggourats et les temples de l’Asie Occiden- une telle découverte n’avait été faite en Amérique
tale et de la Mésopotamie, sont des « hauts- du Sud. Cela attira donc mon attention, et bientôt,
lieux », des montagnes artificielles pour la divinité. dans les revues spécialisées, je retrouvai des pho-
Sur la plateforme de ces montagnes sera construit tographies montrant ces mêmes « ronds pointés »
un habitat pour le dieu. En principe, au début c’est dans la ziggourat de Warka en Mésopotamie, dont
une simple terrasse, diminutif d’une colline natu- l’ancien nom hébreu est Erech, mais qui est mieux
relle. Peu à peu, la superposition des terrasses connue sous le nom d’Uruk. Et ce qui me stupéfia,
successives de diminution constante, a constitué c’est que la ziggourat d’Uruk, si elle montre les
le type de pyramide à degrés. A l’origine, c’est une mêmes « ronds pointés » qu’à Chan-Chan, montre
masse de terre, consolidée par des briques rec- également ses piliers ou colonnes construits exac-
tangulaires en terre séchée. On a noyé dans la tement de la même façon que la Pyramide du So-
masse des cônes, dont la base affleure la paroi leil. Et que, par ailleurs, comme nombre de tem-
tournée vers l’extérieur, donnant l’impression de ples américains et mésopotamiens, elle fut bâtie
« niches de colombier ». En particulier, dans le sur un plan cruciforme. Même que André Parrot,
temple de Abou à Tell-Asmar, on rencontre des Directeur du Musée du Louvre, ajoute que « les
briques rectangulaires plates, d’autres légèrement tombes cruciformes d’Uruk sont identiques à cel-
convexes, d’autres encore demi-sphériques, et les des maisons nordiques en Europe ».
des cônes. Et parmi toutes les ruines des temples
mésopotamiens, on trouve sur le sol d’énormes
quantités de ces cônes. Quant à la date de cons-
truction de ces monuments, elle est plus ancienne
que 3500 avant J.-C. »

Nids d’abeilles, disent les Péruviens en parlant


de leurs pyramides, nids de colombier, affirme le 23
Dr. Conteneau, il n’est guère besoin de commen-
ter. Mais cela nous mène à des réflexions
concrètes. La science officielle affirme, urbi et
orbi que, en aucun cas, les pyramides de l’Asie
Occidentale ou d’Egypte ne peuvent être compa-
rées à leurs sœurs d’Amérique. Et il peut en effet
paraître étrange que de telles similitudes puissent
exister entre des peuples séparés par des distan-
ces aussi considérables. Il suffit pourtant d’un
simple coup d’oeil pour s’apercevoir que les ser-
pents-effigies, répandus dans toutes les icono-
graphies orientales et accompagnant en Asie les
Chans, se retrouvent dans les cultures sud et
centre-américaines... tout comme la question des
Les « ronds pointés » de Chan-Chan.
« fausses voûtes » et des « portes trapézoïda-
les », rigoureusement identiques dans les civilisa-
tions égyptienne, mésopotamienne, précolom-
biennes ou polynésiennes. A ce propos encore, il Enfin, aussi bien chez les Mayas que chez les
faut faire justice d’un axiome de Paul Rivet, affir- anciens Chimus, la coutume voulait que, comme
mant que « les tertres servant au soubassement en Mésopotamie, les personnages importants
des temples mexicains étaient de forme coni- fussent enterrés avec leur chien... Oui, je sais !
que ». Comme en nombre de cas, Rivet s’est Peu accoutumé à pareils récits — surtout reposant
trompé et — nous venons de le voir dans le tra- sur une réelle base scientifique —, le lecteur peut
vail du Dr. Conteneau —, cette affirmation est froncer les sourcils. Tout cela est impossible, pen-
fausse. Bien mieux, la majeure partie des pyrami- sera-t-il. A la rigueur, nous voulons bien admettre
des mondiales possèdent le même soubasse- une Chan-Chan jusqu’ici inconnue, mais la relier
ment, et sur des dessins de base quelconques, ainsi au reste du monde n’est, bien sûr, que fantai-
les pyramides se sont, comme des jeux de sie de l’auteur. Et pourtant... La clé se nomme
cubes, entassées les unes sur les autres, pour Wotan. Il ne s’agit pas là d’une légende, mais de
arriver à la forme parfaite choisie. traditions positives, que Von Humboldt a ainsi
24 Les « ronds pointés » de la ziggourat d’Uruk en Mésopotamie.

caractérisées : « Le Votan (Odon) de l’Amérique NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.


Centrale et du Pérou, est identique au Wotan L’originalité des travaux du Professeur Homet consis-
(Odin) scandinave ». Les pérégrinations de ce te à avoir exhumé des documents et des ouvrages
dieu, je les exposerai, documents à l’appui, dans demeurés dans l’ombre, et à avoir réuni ce qui gisait,
un prochain numéro de KADATH. épars, dans les bibliothèques. Une telle bibliographie
remplirait des pages et des pages de références à
des manuscrits difficilement accessibles. Voici donc,
Car il s’agit là de la seule explication valable pour, simplement, un aperçu de ceux-ci :
d’une part, les pyramides et cromlechs de l’île de
Pâques, et d’autre part, les constructions antisismi- ● Les chroniques conservées à la Bibliothèque de
Lima.
ques du Palais du Mikado à Tokyo... Oh oui ! Ici, le Fernando de la Carrera Daza : « El arte de la
lecteur aura bondi ! Or, les premières ont pourtant lingua Yunga Mochica ».
été décrites par Thor Heyerdahl, mais systématique- Lorenzo Roselli : « Conocimientos y usos de
ment ignorées, tandis que les secondes, j’en possè- cientas ideas de decoracion por los antiguos
peruanos
de des photos datant des années où Monsieur Paul Fray Marco de Niza : « Conquista de la provin-
Claudel était Ambassadeur de France au Japon, et cia de Quito ».
qui furent « empruntées » au Quai d’Orsay. Autant Vasquez de Espinoza : « Compendio y descri-
de confirmations à cette accusation d’un archéolo- ciones de las indias occidentales ». Etc.
● Les américanistes allemands dont question
gue de grand renom, Harold Stirling Gladwin, dans dans l’article.
son livre « Man out of Asia » (p. 204) : « On suspec- Max Uhle. « Kultur und Industrie Südamerika-
te que nombre de documents concrets ont été igno- na » (Berlin, 1889-90, deux volumes).
« Die Ruinen von Moche» (SIA, Buenos-
rés par les auteurs ayant établi leur thèse ». Cela Aires, 1918).
paraît clair. Et c’est regrettablement exact. Dans ce « Las antiguas civilizaciones del Peru, frente
domaine, il m’apparaît que KADATH, avec son am- a la arqueologia y ela historia del continente
bition d’établir des parallèles, est à notre époque americano (XXXVI Congrès des América-
nistes, Lima 1934).
peut-être plus qualifiée qu’aucune autre revue pour Hermann Trimborn. « Die indianischen Hochkul-
rétablir des vérités « oubliées ». Car KADATH tra- turen des Alten Amerika » (Springer Verlag,
vaille, compare, essaye de juger — et ce n’est pas Berlin.
« Quellen zur Kulturgeschichte des präko-
toujours facile —, dans un climat pratiquement dis- lumbischen Amerika » (Schröder Verlag,
paru : la liberté. Stuttgart 1963). Etc.
LA BELGIQUE MYSTERIEUSE
Dans leur livre « Chaussées Brunehault et mégalithes de la Gaule du Nord », nos collabora-
teurs, Willy et Marcel Brou, proposaient un lien entre les mégalithes et les chaussées
Brunehault. La grande théorie était celle des alignements portant sur plusieurs dizaines
de kilomètres, et en expliquait le pourquoi.

Ce livre est actuellement épuisé, mais les auteurs l’ont refondu en fonction des toutes
dernières découvertes sur le terrain. L’ouvrage, qui doit paraître avant la fin de l’année,
s’intitulera « 120 menhirs et dolmens en Gaule-Belgique », et sera préfacé par M. E. Legrand,
président du Touring Club Royal de Belgique. En voici la trame :

― le nœud routier de Bavai et les Chaussées Brunehault : toile d’araignée de la Gaule


du Nord. Relevé des vestiges romains et préromains le long de ces chaussées.
― l’ère mégalithique en Europe occidentale.
― quelque 120 sites mégalithiques en Gaule-Belgique : provinces belges et départe-
ments du nord de la France.
― le nœud routier de Bavai est préromain.

Ce livre de 256 pages, illustré de 80 photos, cartes et plans, peut être d’ores et déjà
commandé auprès de Prim’édit, au prix de souscription de 300 FB, frais d’envoi compris.

25

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Mégalithes oubliés
des îles Baléares
Les îles Baléares — Majorque, Minorque et Ibiza — sont à juste titre réputées pour leur infrastructure
touristique, et qui s’en plaindrait hormis le « Jet-Set», nonchalant, déphasé par les centaines de milliers de
vacanciers qui y vont chercher le soleil. Ainsi donc, si vous vous échappez des cocktails et des naïades,
visitez les vestiges primhistoriques étonnants que vous offrent les paysages majorquins.

Les sites mégalithiques des îles Baléares sont à en Anatolie, révélaient que les premières commu-
examiner, à la fois, pour leur originalité et dans le nautés agraires organisées en bourgades dataient
contexte du bassin méditerranéen. La Mer Médi- de 6.500 ans : c’était Chatal Hüyük. Si cette derniè-
terranée présente, en effet, dans certaines de ses re découverte était toujours dans la lignée de la
îles, des vestiges mégalithiques : la Corse, Malte prépondérance du Croissant Fertile — soit la nais-
et les Baléares. Bien sûr, la côte nord-africaine est sance des premières organisations communautai-
aussi au rendez-vous, mais, bien que la richesse res dans un arc de cercle réunissant les rives
historique et préhistorique du bassin méditerra- orientales de la Méditerranée aux portes de l’Asie,
néen soit relativement bien connue, il est remar- du Golfe Persique à la Turquie — il n’y avait pas
quable que les traces de la civilisation mégalithi- bouleversement ni autodafé de livres d’archéologie.
que fassent figure de parent pauvre auprès des Nous y reviendrons plus loin. Malgré tout, l’escala-
autres recherches archéologiques. A ce point de de continue puisqu’en 1966, l’archéologue Dragon
vue, j’aimerais ajouter que la Mare Nostrum nous Srejovic découvre quarante et une habitations dis-
révélera encore bien des surprises, tant histori- posées en fer à cheval sur des terrasses descen-
ques que géologiques. Je n’en veux pour preuve dant vers le Danube : ce sont les fouilles de
que les recherches du Professeur Kenneth J. Hsü Lepenski Vir. En 1967, 1.250 mètres carrés sont
26 qui rapporte qu’il y a six millions d’années, la Mé- déblayés et trente-trois sculptures s’ajoutent à la
diterranée était devenue un lac aride. Grâce à une collection. Les datations : 8.000 ans avant J.-C.,
sonde perforante, le géologue de l’Institut Fédéral des hommes avaient déjà construit un véritable
Suisse de Technologie (Zurich) avait pu détermi- hameau. Ce qu’il y a de surprenant, c’est que les
ner que les échantillons de graviers, d’anihidrite, maisons affectent une forme trapézoïdale, totale-
de gypse et de sel gemme ramenés d’une profon- ment inconnue jusqu’alors, et le matériau de cons-
deur de 400 m sous le niveau de la mer et à 3.000 truction est une sorte de béton.
m de profondeur, étaient les résidus de l’évapora-
tion de l’eau du bassin primitif. Le Prof. Hsü arri- Cette longue parenthèse fermée, revenons-en aux
vait, en avril 1973, à la conclusion que des brè- îles Baléares et aux problèmes de peuplement de
ches survinrent là où se trouve le détroit de Gibral- celles-ci qui, somme toute, sont les mêmes que
tar et qu’une fantastique cascade provenant de les hypothèses concernant la sédentarisation des
l’Atlantique remplit à nouveau le bassin méditerra- peuples méditerranéens. Selon Jacques Mauduit,
néen en une centaine d’années. Dès octobre « la Mésopotamie et plus spécialement le delta de
1971, M. Xavier Le Pichon, du Centre Océanologi- l’Euphrate furent tôt peuplés par un groupe d’hom-
que de Bretagne, arrivait à des conclusions simi- mes au crâne rond, bien différents des Sémites
laires. Notons également que le plateau majorquin pasteurs venus du désert et qui devaient, après
est un prolongement de la cordillère alpine et ima- des millénaires de luttes, les supplanter ». Les
ginez le tableau surhumain. Sumériens aboutirent dans le delta mésopotamien
et leurs légendes reprises par la Bible, dans la
Il n’empêche qu’actuellement beaucoup de choses Genèse et dans l’Exode (XXVII, 12-22 et XXIV, 5)
sont remises en question dans le bassin de la rapportent déjà leur culte pour les mégalithes. En
« Grande Bleue ». Officiellement, ce sont les Su- effet, les monuments mégalithiques sont particu-
mériens qui, 5.000 ans avant notre ère, inventèrent lièrement nombreux en Palestine et en Jordanie et
les premières communautés agricoles, puis la pre- doivent actuellement servir de blockhaus, comme
mière forme d’écriture. C’était, semblait-il, nos véri- ce fut le cas en Bretagne pendant la Deuxième
tables aînés puisque la civilisation que Champollion Guerre Mondiale. Je m’empresse d’ajouter que le
avait cru née en Egypte ne datait, après tout, que culte des mégalithes révélé par la Bible n’explique
de 3.000 ans. Dès 1961, les fouilles menées par en rien leur construction et si les instances officiel-
les archéologues anglais James et Arlette Mellaart les émettent — que dis-je, « tolèrent » — l’hypo-
thèse que c’est en ces lieux bibliques que naquit un talaïot comporte un étage : il s’agit plutôt d’un
la civilisation mégalithique et que celle-ci fut im- « bel-étage », une ouverture dans le sol de celui-ci
portée en Europe un demi-millénaire plus tard, soit donnant sur une piécette en contrebas. L’accès au
vers -2500, il s’avère que les vérifications de data- talaïot est ménagé par une porte dont l’aspect
tions ont prouvé que les dolmens et menhirs pa- dolménique est frappant. Un bloc de pierre plus
lestiniens sont postérieurs à ceux de Bretagne. long que les autres est placé au-dessus d’un es-
Cette révélation est d’importance capitale en ce pace réservé et repose par ses extrémités sur les
qui concerne le courant est-ouest soutenu jusqu’à blocs mitoyens. Une telle pierre dépasse facile-
présent. La solution de Jacques Mauduit est donc, ment, vous en conviendrez, cinq tonnes. Il n’est
pour ma part, une hypothèse de travail limitée au pas rare qu’il y ait deux issues, l’une en bel-étage,
bassin méditerranéen. En ce cas, je suis d’accord l’autre, sorte de galerie, se faufilant en spirale vers
pour supposer que les mégalithes se sont propa- la pièce en sous-sol pour aboutir à l’extérieur. Par
gés d’île en île pour aboutir aux Baléares, but de contre, ce qui fait la grande originalité des talaïots,
notre voyage dans le temps. c’est le mode de toiture, car une « grande tour »

27

Les dénominations des mégalithes majorquins est souvent couverte : au centre de celle-ci est
tournent autour de deux mots : les talaïots et les élevée une colonne formée de quartiers de roches
taulas. Talaïot signifie « grande tour » en langage dégrossis et empilés : la hauteur atteint aisément
local ; il en existe de quadrangulaires et de circu- les trois mètres. Le sommet de la colonne, un
laires. Le mode de construction fait appel à des aplat d’un mètre de diamètre, sert de reposoir à
blocs de pierre de taille très respectable puisqu’il de longues plaques de roc de quelque 2,5 mètres
n’est pas rare d’en trouver dont les mensurations de long qui s’appuyent en éventail à la fois sur la
atteignent un mètre de long sur 60 à 70 cm de colonne et sur les murs. Nous sommes donc en
haut, la largeur étant d’environ 80 cm. Ces blocs présence d’une méthode autre que celle de la
sont dégrossis et présentent une forme d’hexaè- voûte en encorbellement que nous trouvons dans
dre, ou encore façonnés en arrondi pour permet- les bories provençaux ou encore au cairn de
tre la construction d’un talaïot circulaire. Ainsi, en Plouézoc’h en Bretagne. Notons également que
superposant ces masses selon la méthode cyclo- ce procédé architectural n’est point simple et exi-
péenne et en les cimentant à l’aide d’un mélange ge une idée bien arrêtée du plan de construction
sec, la tour s’élève souvent à plus de cinq mètres et un choix de matériau précis. Les sites talaïoti-
de haut, sur un diamètre variant de cinq à une ques apparaissent aussi en structure de hameau
douzaine de mètres. Souvent également, fortifié (les tours étant reliées par un ou plusieurs
chemins de ronde fortifiés grâce aux mêmes blocs sible. Il est à noter que l’on ne trouve point trace
de pierre et s’élevant à plus de trois mètres de d’orientation bien précise dans les constructions
hauteur. Adossés à la muraille de protection, s’é- talaïotiques. Si j’ai pu relever à certaines tours
difient des pièces d’habitation de la même facture des angles indiquant les quatre points cardinaux,
architecturale : murs de près d’un mètre d’épais- je ne puis généraliser et il est à souligner en
seur, blocs de pierre, etc. Elles comportent chacu- rouge que, malgré le magnifique travail réalisé
ne une ou plusieurs colonnes « à tambour », des par la Société d’Archéologie de Palma de Mallor-
cloisonnements et un seuil d’entrée. Le hameau ca (Directeur : M. G. Rosselo Bordoy) et des
en lui-même est ceinturé par une muraille de instances officielles espagnoles, il reste (c’est un
moindre importance, un périmètre défensif achève leitmotiv) énormément de travail. Pensez que le
l’aspect stratégique. répertoire des Monuments Préhistoriques et Proto-
historiques de Majorque présente un répertoire de
1.475 articles !

A quelque 38 km au nord-est de Majorque, se


découpe sur l’horizon le Monte Toro et ses 357 m
d’altitude, point haut de l’île de Minorque. Les 735
km2 de l’île proposent, sans doute, une concentra-
tion élevée de mystère ; en effet, non contente de
s’orner des sites talaïotiques de la même veine
qu’à Majorque, deux types de construction mégali-
thique étonnent le chercheur. Il s’agit des édifices
dits « taula et du site de « Nau des Tudons ». Les
taulas sont formés de deux blocs de pierre qui
présentent la particularité incompréhensible d’être
disposés en tau. Décortiquons cette figure : un
montant est fiché dans le sol, tout comme un men-
hir, et se définit par une dalle parallélépipédique
dont le sommet horizontal est plan. Posée sur ce
28 dernier, la table est assise en équilibre : c’est la
forme la plus simple du dolmen ; simple car il n’y a
qu’un seul montant pour soutenir la table, génial
en soi, car on peut d’instinct sentir les trésors d’in-
géniosité dépensés pour équilibrer le taula. Il est
significatif d’ajouter, pour la petite histoire, que
taula provient d’une racine bretonne : taol. En
règle générale, les montants des taulas accusent
des dimensions aussi importantes que certains
mégalithes de Stonehenge : hauteur de 3 à 4 mè-
Entrée dolménique d’un talaïot. tres, largeur de 1,5 à 2,5 m, épaisseur d’une cin-
quantaine de centimètres, poids moyen appro-
Les plus célèbres sites talaïotiques de Majorque chant ou dépassant les neuf tonnes et demie. Les
sont situés dans le sud et l’est de l’île, là où le tables possèdent curieusement des faces trapé-
plateau est relativement peu accidenté : zoïdales, la longueur avoisinant 3,5 m pour une
● Arta, à 80 km de Palma, route C 715 épaisseur de 80 cm et une largeur d’un mètre. Ici
● Calicant, passé Manaquor, bifurquer à gauche aussi, nous atteignons aisément sept tonnes et
à San Lorenzo, 10 km de Manacor, route demie. Il est remarquable que les montants et les
C 715 tables sont d’une facture très achevée, les angles
● Capicorp, à 45 km de Palma, passer Lluch- sont vifs, la surface est régulière, l’assise des ta-
mayor et prendre la direction Cabo Blanco, bles est rigoureusement symétrique. Nous som-
route C 717 mes en face d’un travail de « professionnel » et
● San Danùs Nou, passé Lluchmayor et Cam- d’une haute technicité. Les principaux sites de
pos, direction Santany, route C 717, 60 km de taulas sont: Porto-Mahon, Rafal Rubi, En Salort,
Palma Torre Trencada, etc. Je ne peux citer plus d’exem-
● Ses Salines, à Santany prendre à droite sur ples, l’inventaire archéologique de Minorque com-
8 km. porte 2.142 articles ! Avis à l’amateur.
Toutefois, une multitude de talaïots se rencontrent
au gré de la campagne majorquine, esseulés ou Last but not least, à près de 5 km du port de Cui-
regroupés selon un plan difficilement compréhen- dadela, nous sommes confrontés au cairn de
« Nau des Tudons ». Celui-ci est édifié à l’aide de du Muséum américain d’histoire naturelle » an-
blocs de pierre du type talaïot et épouse la forme nonçait fièrement la solution préconisée par M.
d’une pyramide tronquée à base rectangulaire. Olaf Tellefsen : celle des leviers. A l’aide de pou-
Les arêtes sont vives, la pierre étant coupée au tres, de « rampe lubrifiée » — à l’huile de bras
cordeau, le rejointoiement étant à ciment sec. Nau sans doute — et de contrepoids, les blocs de plu- 29
des Tudons nous rappelle étrangement les pyra- sieurs tonnes étaient facilement soulevés et ame-
mides d’Egypte, les murailles cyclopéennes de nés à leur place. M. Tellefsen, ancien ingénieur
Cuzco ou encore de l’île de Pâques. C’est un d’un chantier naval de Seattle (U.S.A.), devra, je
grand mystère, car nous y retrouvons trace d’un le crains, revoir ses cours de résistance de maté-
bagage architectural dont les vestiges sont riau. Le Dr. I.E.S. Edwards, du British Museum,
essaimés de par le monde. Il est grand temps répliqua à ce sujet : « Les pyramides n’ont pas dit
qu’on l’explique, il est grand temps de réhabiliter leur dernier mot… » J’ajouterai : « Les Baléares
les Grands Anciens. Les dimensions de Nau des se réservent peut-être le mot de la fin ».
Tudons : plus de cinq mètres de haut, la base
taisant près de 15 mètres sur 8 !
ROBERT DEHON.
(illustrations originales de l’auteur)
Concernant les datations des sites mégalithiques
des Baléares, il est d’usage de reprendre l’expres-
sion anglaise de la Société d’Archéologie de Pal-
ma : « Earlier Bronze Age ». Moralité : la bouteille BIBLIOGRAPHIE.
à encre. Bien sûr, quantités d’objets ont été re- Monumentos Prehistoricos y Protohistoricos de la
cueillis dans les sites, par exemple, de petits mou- Isla de Mallorca, de la Isla de Menorca ; vol.
les de pierre, des poinçons d’os, des figurines 1 et 2 (Comisaria General del Patrimonio Artis-
tico Nacional)
de... bronze ; on a aussi pisté moultes influences El Poblado Prehistorico de Capocorp Veil (G.
extérieures : romaines, carthaginoises, mycénien- Rosselo Bordoy)
nes, et tout simplement préhistoriques. Es Closes de Ca’n Gaia (G. Rosselo Bordoy)
Dolmens et Menhirs (Fernand Niel - Que sais-je ?
1958 et 1972)
Encore et toujours, nous nous heurtons à l’énigme Histoire mondiale de l’Art (Marabout Université)
du mode de construction. Et pourtant, la « Revue L’épopée des Celtes (J. Mauduit, Laffont, 1973)
De l age d or
A l ere du verseau

LA GRANDE PYRAMIDE :
UNE UTILE MISE AU POINT
La devinette de la pyramide dite de Chéops à Devant l’énumération de cette assemblée de
Gizeh a déjà fait couler des fleuves d’encre. Je géants, il est permis de se poser quelques
me propose d’y ajouter un petit ruisselet, consa- questions. La construction de la Grande Pyrami-
cré à un aspect bien particulier de ce véritable de par le roi Chéops suscite déjà une admira-
dilemme de l’archéologie parallèle. Il ne sera tion qui engendre le doute. Mais que penser
question cette fois ni de son origine, tant contro- alors du roi Snéfrou, à qui l’on attribue la pater-
versée, ni de son procédé de construction, mais nité des troisième, quatrième et cinquième
plutôt de son message chiffré : que faut-il lire géants de cette liste... Et, pour revenir à notre
dans ce célèbre monument ? Quelles sont les sujet, on peut se demander pourquoi toujours
limites de la raison saine dans l’interprétation des on s’attache à démontrer les mirifiques particu-
larités de la pyramide de Chéops, rejetant ainsi
30 mensurations et de la situation géographique de
cette super-vedette de l’archéologie ? Cette mise dans l’ombre ses brillants dauphins ? Est-ce
au point me semble fondamentale. C’est en effet parce que la Grande Pyramide détient le record
à partir d’une conclusion claire sur ce sujet que de gigantisme ? J’incline plutôt à penser que
l’on pourra ensuite commencer à envisager le l’engouement qu’elle engendre provient du fait
problème de la datation et de l’identité des cons- que, jusqu’à présent, on n’a pas pu démontrer
tructeurs. Si ceux-ci ont laissé un message dans qu’elle ait jamais été utilisée comme tombeau. En
le colosse, il importe évidemment de ne pas pas- effet, vide de toute dépouille royale et vierge
ser à côté, et surtout, de ne pas s’égarer dans le d’inscriptions, la seule allusion à Chéops que
délire d’interprétation trop souvent élaboré par les l’on y trouve est un cartouche à la craie men-
« prêtres de la pyramidologie ». tionnant le nom du roi sur la paroi d’une des
chambres de décharge prévues dans la cons-
A tout seigneur, tout honneur : si l’on classe par truction pour protéger la « chambre du roi ».
ordre de grandeur les pyramides d’Egypte, voici Comme, d’autre part, le système de galeries de
les sept premiers du classement : la Grande Pyramide est unique, il devient com-
1. La Grande Pyramide, attribuée à Chéops, IVe préhensible que le monument ait ouvert la porte
dynastie, deuxième roi. à toutes les spéculations. Parmi celles-ci, les
constatations et les hypothèses soulevées par
2. La pyramide attribuée à Chephren, IVe dyn.,
les « chiffres » de la pyramide sont du plus haut
quatrième roi.
intérêt.
3. La pyramide de Dahchour, attribuée à Snéfrou,
IVe dyn., premier roi.
Situation géographique.
4. La pyramide rhomboïdale, également attribuée La pyramide de Chéops est située à 29°58’51" de
à Snéfrou. latitude nord et 31°9’ de longitude est par rapport
5. La pyramide de Meidoûm, toujours attribuée à Greenwich. A partir de cette localisation, on
au même Snéfrou. constate que le méridien nord-sud passant par le
6. La pyramide attribuée à Mykérinos, IVe dyn., sommet du monument divise en deux parties éga-
cinquième roi. les le delta du Nil, tandis que les prolongements
7. La pyramide de Saqqarah, attribuée à l’archi- des diagonales de la pyramide renferment exacte-
tecte Imhotep, grand vizir de Djéser, IIIe dyn., ment ce delta. Ceci constitue la toute première
premier roi. raison de s’étonner du génie des constructeurs.
En outre, le méridien de Gizeh, ou méridien 30, l’observatoire construit en 1577 par Tycho-Brahé
est la « ligne idéale de partage des terres émer- à Uranienbourg présente une erreur d’orientation
gées ». Cela signifie, en clair, que de part et d’au- de 18’, et que l’observatoire de Paris n’est pas
tre de ce méridien, on trouve une quantité égale mieux loti, on ne peut manquer de s’émerveiller.
de terres. Pour ne rien gâter, le parallèle de Gi- En effet, pour réaliser cela, il faut viser l’étoile po-
zeh, ou 30° parallèle, est celui qui traverse le plus laire avec précision, c’est-à-dire, avant tout, la
de terres émergées. Gizeh est donc le « point connaître ; à l’époque, il devait s’agir d’Alpha du
zéro du globe, et notre système de calculs basé Dragon. D’ailleurs, la disposition du couloir d’en-
sur Greenwich est peu rationnel... Ce contexte trée, dit « couloir descendant », est à ce point de
géographique est étonnant lorsqu’on sait que les vue un excellent « télescope ». L’observateur as-
Egyptiens croyaient que la terre était rigoureuse- sis dans ce couloir voit en effet se découper de-
ment plate ! vant lui la portion de ciel qui contient la polaire.
Faut-il pour autant déclarer que la Grande Pyrami-
Il faut cependant ajouter que la Grande Pyramide de n’est qu’un observatoire ? Je ne le pense pas.
n’est pas bâtie exactement sur le 30° parallèle, Lisons Michel-Claude Touchard : « Mis à part le
mais à deux kilomètres au sud de celui-ci. La calme de ce recoin peu fréquenté et l’obscurité du
raison de ce très léger décalage nous est donnée couloir au bout duquel se découpe un petit bout
par l’abbé Moreux, qui fut directeur de l’observa- de ciel digne d’attention, les avantages de l’instal-
toire de Bourges, et « pyramidologiste » (1) : « Si lation sont inexistants. »
l’architecte avait calculé la place du monument
de façon qu’un observateur placé au pied de
l’édifice vît le pôle du ciel à une hauteur de trente
degrés exactement, il aurait dû précisément tenir
compte d’un phénomène connu sous le nom de
réfraction atmosphérique. En raison de la densité
des couches d’air, un rayon lumineux entrant
dans notre atmosphère est dévié de sa route ;
nous ne le voyons donc pas à son emplacement
réel. Or, dans le cas qui nous occupe, le calcul
montre que le milieu de la pyramide doit être théori-
quement à 29°58’51" et 22/100°. » C.Q.F.D., 31
on ne pourrait être plus précis et, dans notre es-
prit, les constructeurs des pyramides ressem-
blent de plus en plus à des maîtres architectes-
astronomes-géographes-mathématiciens. Il faut
cependant reconnaître objectivement que si la
pyramide s’était trouvée exactement sur le 30°
parallèle, le sol sablonneux n’aurait pu la soute-
nir, tandis que le sol rocheux du plateau de Gizeh
lui convient à merveille. Et c’est sans doute pour
la même raison que le monument fut édifié à 1°9’
à l’est du méridien 30, et non pas exactement sur C’est l’astronome (et pyramidologiste !) Proctor
celui-ci, d’autant plus que, sur le méridien en qui, en 1888, avait émis cette idée. Mais dire que
question, la pyramide n’aurait plus coïncidé par- la pyramide de Chéops fut construite uniquement
faitement avec le delta du Nil. Comme nous le pour lorgner Sirius et la polaire dans un miroir
voyons, le problème n’est pas aussi simple qu’il d’eau à l’angle des couloirs descendant et ascen-
n’apparaît à première vue. Quoi qu’il en soit, les dant, puis qu’elle fut surélevée pour servir de tom-
marges d’erreur sont minimes. beau à Chéops, ne tient pas debout. Dans un mê-
me ordre d’idées, l’orientation de la Grande Pyra-
Orientation. mide est motivée, selon certains, par son utilisa-
La Grande Pyramide oriente ses quatre faces vers tion comme cadran solaire : à l’équinoxe en effet,
les points cardinaux avec une précision stupéfian- le soleil se pose sur la pointe du monument pour
te. Sa face nord est orientée selon le nord géogra- un observateur placé au milieu du côté nord. Bar-
phique (donc mieux que la boussole !) avec une barin signale que le 14 octobre à midi, l’ombre
erreur de 3’6" seulement. Si l’on songe au fait que apparaissant sur la face nord signale aux paysans
du delta du Nil que les semailles peuvent com-
mencer. Je pense que ces particularités ne doi-
(1) Le terme « pyramidologiste », qui peut paraître vent pas être considérées isolément, mais qu’il
péjoratif, désigne les francs-tireurs de l’égyptolo- faut les verser au dossier déjà épais du monu-
gie, ceux qui font des déductions « non officiel- ment. Il serait en effet absurde de considérer le
les », et parfois erronées. géant comme un simple cadran solaire. Une telle
débauche d’efforts ne se conçoit pas lorsqu’on sait Mais les pyramidologistes ne se sont pas contentés
qu’en Egypte, le début des semailles coïncide de ces données. Ces érudits du XIXe siècle se sont
avec le retrait de la crue du Nil, tout simplement. acharnés à découvrir dans l’édifice ce que la scien-
ce de leur époque enseignait. Pour cela, dans une
Mensurations extérieures. sorte de démarche « magique », ils n’ont pas hésité
Un examen attentif des mesures extérieures de la à créer pour la pyramide une unité de mesures
pyramide va retenir à présent toute notre attention. spéciale : la « coudée pyramidale ou sacrée », qui
Les chiffres officiels considérés actuellement com- vaut 0,6356 mètre, soit... 25 pouces anglais ! Cette
me exacts sont ceux du « Survey of Egypt » ou coudée, ils l’ont divisée, évidemment, en 25
cadastre égyptien. Ils diffèrent dans une assez « pouces pyramidaux » valant chacun... un pouce
large mesure de ceux des pyramidologistes, qui anglais ! Inutile d’ajouter que l’inventeur de ce tour
d’ailleurs ne s’entendent pas entre eux sur les de passe-passe, l’astronome Piazzi-Smith, était
mensurations du monument. Dès lors, je dresserai anglais... Il n’en fallut pas plus pour que les autres
comme suit la « fiche technique » de la pyramide : pyramidologistes (Werner, Barbarin, Lagrange,
― 203 assises de blocs, donnant un poids total Davidson, et même le scrupuleux abbé Moreux) lui
approximatif de 6 millions de tonnes ; emboitent le pas avec enthousiasme. Et pourtant,
l’honnêteté impose de dire que le déclic de cette
― hauteur : 146,77 mètres ;
trouvaille n’est pas entièrement imaginaire. En ef-
― côté de base : 230,364 mètres ; fet, dans l’antichambre qui mène à la chambre du
― pente : 51°50’. roi, une plaque de granit fait saillie sur la paroi : son
Avant de tirer des conclusions de ce bilan impres- épaisseur vaut un pouce pyramidal, et sa longueur,
sionnant, il importe de savoir en quelles unités il 25 pouces, soit une coudée pyramidale. Etrange
faut convertir ces chiffres pour obtenir une base hasard ou « révélation » ? Détail insignifiant ou
de discussion valable. L’unité de mesure en vi- signe subtil destiné aux initiés ? La Grande Pyrami-
gueur à l’époque supposée de la construction de est décidément semée d’embûches pour l’esprit.
(environ — 2700) est la « coudée royale », valant En voici une autre.
0,5235 mètre. Et de fait, les mesures de l’édifice
constituent des nombres ronds de coudées roya- Les auteurs précités s’appuient également sur
les : 440 pour le côté de la base, 280 pour la hau- Ezéchiel pour justifier leur coudée pyramidale. On
teur. Retenons aussi que la coudée royale se divi- trouverait selon eux, dans le Livre d’Ezéchiel, la
32 se en sept « palmes » valant donc chacune
0,0748 mètre. Fort de ces données, il est permis
valeur de la coudée pyramidale, soit une coudée
royale classique + un palme. Objections :
de se lancer dans quelques calculs simples.
— Un palme = un septième de coudée, soit
0,0748 mètre. Or, en additionnant cela à 0,5235
En divisant la somme des quatre côtés par le dou- mètre, on n’obtient pas 0,6356 mètre.
ble de la hauteur de la pyramide, on obtient — Consultons Ezéchiel (XL, 5). Dans la Bible de
440 X 4 : 280 X 2 = 3,1428, soit la limite supérieu- Crampon, on lit : « ... et l’homme avait à la main
re fixée par Archimède au rapport de la circonfé- une canne à mesurer de six coudées, graduée en
rence à son diamètre. Il est à noter en passant
coudées et palmes. » Bien malin qui déduira la
que, dans le papyrus mathématique de Rhind coudée pyramidale de ce texte. Dans la Bible de
(Moyen-Empire), la valeur de pi est 3,1605. En Jérusalem, par contre, la traduction est différente :
d’autres termes, le calcul de la surface d’un cercle « ... or l’homme tenait dans la main une canne à
se faisait en élevant au carré les 8/9 du diamètre.
mesurer, de six coudées d’une coudée et un pal-
L’approximation donnée par la pyramide est donc me ». Même en admettant — ce qui ne figure nulle
meilleure. D’autre part, les mensurations de la part — qu’Ezéchiel, dans sa « vision du temple
pyramide renferment le « nombre d’or » : futur » a décrit la coudée pyramidale, on retombe
surface de la base surface latérale de toute manière sur la première objection, à sa-
= = 1,618. voir que les pyramidologistes n’étaient pas très
surface latérale surface totale forts en calcul. Il est important de mettre le doigt
sur cette fantaisie, car les déductions des pyrami-
Nous pouvons dès lors gratifier les constructeurs dologistes, à partir des coudées et pouces pyrami-
de la Grande Pyramide d’une qualification supplé- daux, sont proprement ahurissantes. En voici
mentaire : c’étaient des esthètes accomplis. Enfin, quelques exemples :
il faut signaler la distance Terre-Soleil, 149,4 mil-
— Le périmètre de base de la pyramide = 36.524
lions de km, soit un milliard de fois la hauteur de
pouces pyramidaux, soit cent fois le nombre de
Chéops, avec une approximation raisonnable, et
jours de l’année solaire.
peut-être extraordinaire si nous connaissions avec
précision l’épaisseur du revêtement qui a disparu. — Le côté de base = 365,24 coudées pyramida-
Ceci au cas où cette distance était vraiment les, soit une année solaire.
connue des Egyptiens. Car rien ne l’indique puis- — La somme des diagonales du carré de base
que Ptolémée l’estimait à 8 millions de km ! = la durée de la révolution des équinoxes, etc.
Je ne m’étendrai pas davantage, le reste est du celui de Mykérinos et la droite qui joint ces deux
même calibre. D’ailleurs, même si la coudée pyra- centres, un triangle rectangle dit « triangle sacré
midale était une réalité, je ne vois pas comment pythagoricien ». En effet, ses côtés sont en pro-
justifier sa subdivision en 25 pouces, puisque la gression arithmétique 3, 4, 5, de sorte que
coudée royale classique se subdivise en sept pal- 32 + 42 = 52. Nous trouvons donc ici la formulation
mes. Je pense avoir suffisamment prouvé que les pure et simple du théorème de Pythagore. J’ai qua-
unités choisies par les pyramidologistes sont tota- lifié ce triangle de sacré parce que, dans la tradition
lement arbitraires et qu’avec leur méthode on ne de l’époque, 3 représentait Osiris, 4 Isis et 5 Horus.
tardera pas à découvrir dans l’édifice la hauteur de
la Tour Eiffel... Une dernière estocade : leurs men- Certains se sont demandés si la Grande Pyramide
surations de base en mètres sont fausses égale- n’était pas une borne géodésique témoignant d’un
ment. Ainsi, Barbarin donne, pour la hauteur de la cataclysme passé, une sorte de monument éternel
pyramide, 148,20 mètres au lieu des 146,77 mè- commémorant un épisode capital de l’histoire de
tres actuellement admis. l’humanité. Je m’explique brièvement : si vous
possédez un globe terrestre, vous constaterez que
Il est donc bien entendu que les seules déductions l’axe des pôles est incliné de 23°27’ par rapport à
que l’on puisse valablement prendre en considéra- la verticale. Ceci résulte d’un basculement de la
tion à partir des mensurations extérieures de la terre à une époque assez mal précisée. Ce bascu-
pyramide sont celles que j’ai données en début de lement, cette inclinaison sont d’ailleurs à l’origine
paragraphe, c’est-à-dire celles qui ne découlent des saisons. Impossible d’entrer ici dans les dé-
pas de la coudée pyramidale. Or, les déductions tails, mais il est à signaler que les couloirs ascen-
en question sont une simple résultante des excep- dant et descendant de la pyramide de Chéops
tionnelles qualités esthétiques du monument. Se- forment chacun un angle de 26° avec le sol de
lon M.C. Touchard, « les architectes de l’Ancien Gizeh. Supposons que, au temps présumé de la
Empire ne recherchaient rien d’autre que la simpli- construction, les Egyptiens l’aient estimé à 26° :
cité. Puis, brusquement, on s’aperçoit que leur cette propriété entraînerait des conséquences
génie les amena à ce point de perfection où l’em- inattendues. En effet, si on prolonge abstraitement
pirisme débouche sur la vérité mathématique pu- chacun de ces deux couloirs dans les deux sens,
re. » C’est évidemment une manière de voir la une simple construction géométrique sur papier
chose. Je préfère quant à moi renverser l’argu- montre que :
ment et dire que les architectes — qu’ils soient ― le prolongement supérieur du couloir descen- 33
égyptiens ou non — avaient de telles notions dant rejoint le pôle céleste actuel ;
scientifiques, qu’ils ont construit un monument ― le prolongement inférieur du couloir descen-
dont les splendides proportions débouchent sur la dant s’enfonce sous terre pour ressortir à l’air
simplicité, bref sur la Beauté avec un grand B. libre à l’endroit exact de l’ancien équateur, soit
l’équateur d’avant le basculement, qui coïnci-
Angulations. dait donc avec le plan de l’écliptique ;
Le méridien passant par le centre de la pyramide ― le prolongement supérieur du couloir ascen-
de Chéops constitue avec le parallèle passant par dant rejoint le plan de l’écliptique ;
― le prolongement inférieur du couloir ascendant unités choisies dans ce cas précis : que ce soit en
pénètre sous terre pour refaire surface à l’en- mètres ou en pouces pyramidaux, la différence
droit précis du pôle nord terrestre actuel. doit être une constante dans toutes les unités. Or,
Un regard attentif au schéma joint vous permettra en y regardant de plus près, on constate que la
de comprendre cette notion quelque peu aride. Si différence de hauteur du plafond entre la grande
cette théorie, émise par Paul Poësson, correspond galerie et le couloir ascendant est en réalité de
à une réalité voulue, alors la pyramide prend un 280 pouces pyramidaux, et que la hauteur du
sens tout à fait nouveau, puisqu’elle devient un cône manquant atteint 370 pouces. Dès lors, on
croquis indiquant des repères d’avant et d’après le ne peut plus considérer le facteur-déplacement
basculement des pôles. comme une constante, et Davidson devient un
chevalier de l’à-peu-près…
Mais deux arguments « contre » sont à mention-
ner, au nom de l’objectivité : Le dernier point à soulever concerne les galeries
1) 26° = la moitié de 52°. Et la pente extérieure et les chambres qui sillonnent l’intérieur de la
de la pyramide est de 51°50’, pour des motifs pyramide. Comme nous allons le voir, elles ont
d’équilibre esthétique, semble-t-il. On peut tourné la tête à plus d’un pyramidologiste, au point
donc supposer que l’angulation du couloir as- de donner lieu à un incroyable délire d’interpréta-
cendant répond au même motif esthétique. tion. S’il faut en croire ces auteurs, les couloirs
2) 26° serait l’ancienne hauteur d’Alpha du Dra- ascendant et descendant, la grande galerie, la
gon, polaire de l’époque. L’angulation du cou- chambre souterraine et les chambres dites de la
loir descendant y serait donc simplement liée. reine et du roi forment une espèce d’almanach du
A mon avis, cet argument ne détruit cependant futur où la Genèse, puis l’ère chrétienne sont pro-
pas la théorie énoncée, puisqu’il s’agissait bien phétisées en détail, avec un intéressant mélange
d’indiquer à un bout le pôle céleste, et à l’autre de politique... européenne et britannique ! Par
l’ancien équateur. contre, on ne trouve aucune trace dans ces prévi-
sions, des faits qui intéressent directement l’histoi-
re de l’Egypte, à savoir les invasions des Perses,
De toute manière, nous nous trouvons en l’occurren-
d’Alexandre, de César, de l’Islam et de Napoléon.
ce devant ce qu’on peut appeler des « coïncidences
exagérées » qui suggèrent une volonté consciente Et, si la guerre de 14-18 figure en bonne place
de la part des bâtisseurs. Autant je réfute la coudée dans la pyramide, on n’y décèle par contre aucune
34 pyramidale, autant je reste perplexe devant cette trace des guerres d’Israël contre l’Egypte…
angulation aux prolongements significatifs. De plus,
la pyramide de Chéops n’est pas le seul monument Mais, me direz-vous, quelle idée « géniale » a
au monde à participer de cette « théorie des 26° », donné naissance à cet invraisemblable fatras ? Eh
loin s’en faut. bien, la méthode diffère selon les pyramidologis-
tes, ce qui est déjà suspect au départ, vous en
Mensurations intérieures. conviendrez. Ces messieurs ne sont d’accord que
C’est ici que les Romains s’empoignèrent et ne se sur un point : il faut diviser le parcours en question
firent aucun mal ! En effet, tout ce qui suit est basé en pouces pyramidaux, avant de « lire » les évé-
sur la fameuse coudée pyramidale que j’ai déjà nements dans le monument. Ensuite, la pyramide
vilipendée plus haut avec vigueur. En conséquen- devient une auberge espagnole : chacun y décou-
ce, rien de tout ceci ne me paraît fondé. Mais il vre ce qu’il a apporté, grâce à sa petite méthode
faut en parler pour couper les ailes une fois pour personnelle. Un élève de Piazzi-Smith fut même
toutes à un sacré canard ! surpris limant l’angle d’un couloir, afin de
« vérifier » une hypothèse du maître !
Commençons par le « facteur-déplacement de
Davidson ». Celui-ci avait retrouvé pour plusieurs « L’école biblique de Lagrange » fait démarrer
mesures intérieures un décalage de 286 pouces l’almanach au niveau de l’entrée de la pyramide et
pyramidaux. Ainsi en allait-il pour l’axe des cou- attribue à cet endroit la date du Déluge, en l’occur-
loirs, qui se trouve légèrement à l’est de l’axe cen- rence — 2528 (?). Chaque pouce pyramidal repré-
tral du monument ; la différence de plafond entre sente ensuite une année solaire, ce qui donne :
la grande galerie et le couloir ascendant (toujours
286 pouces) ; la hauteur du cône qui manque au ― entrée du couloir ascendant = — 1.516 =
sommet de la pyramide ; et enfin, chaque côté de exode des Juifs hors d’Egypte ;
la base possède en son milieu une sorte de ― milieu du couloir ascendant = — 758 =
« rentrant » de 35,76 pouces pyramidaux dispersion des dix tribus d’Israël ;
(multiplié par huit, cela fait 286 !) ― entrée de la grande galerie = 0 = naissance
du Christ, etc., etc.
Il s’agirait là d’une anomalie, répétée avec soin et Le reste est de plus en plus fou. Sachez seule-
que les architectes auraient glissée dans leurs ment que, par exemple, la longueur du passage
plans, en guise de clin d’œil. Peu importent les horizontal vaut 1.512 pouces pyramidaux, soit 7 X
216, soit 7 X (6 X 6 X 6), et que 666 est le portée philosophique ? On respire, et on retrouve
« nombre » de la Bête de l’Apocalypse...Passons. la raison…

« L’école Rose-Croix de Werner » démarre égale- Le lecteur me pardonnera d’avoir terminé cet arti-
ment à l’entrée du monument, mais gratifie ce cle par une incursion dans l’absurde. Le but de
point d’une autre date : — 2.170, soit la date sup- ces quelques pages était de mettre en évidence le
posée de la construction de la pyramide. Ensuite, fait que la pyramide dite de Chéops contient en
un pouce pyramidal vaut une année lunaire elle-même suffisamment d’énigmes vraies et indu-
(354,35 jours) jusqu’au pied du grand degré, et un bitables sans qu’il faille en rajouter encore. Cer-
mois lunaire (29,53 jours) du grand degré à la tains pyramidologistes se sont égarés à partir de
chambre du roi, avec, pour ce dernier parcours, données valables. D’autres ont déliré dans les
une nouvelle complication puisque le compte se fumigations de l’occulte. Quant à la science offi-
fait cette fois... à rebours ! Gageons qu’en introdui- cielle, si elle accepte notre opinion dans ses gran-
sant l’une ou l’autre variante dans cette méthode, des lignes, elle refuse pourtant de s’extasier : pour
je découvre illico dans la pyramide les dates de elle, il n’est pas anormal qu’un peuple égyptien
toutes les victoires belges au Tour de France ! peu nombreux et aux moyens scientifiques et
techniques limités, ait construit en peu de temps
« L’école de Davidson et Barbarin » part d’un un colosse bourré de données esthétiques, géo-
point fictif obtenu en prolongeant vers le bas l’ex- métriques, astronomiques, géodésiques et philo-
revêtement de la pyramide et le couloir ascen- sophiques. Nous nous permettons, dans une pre-
dant, jusqu’à leur intersection. Ce point est daté mière démarche, de remettre cette attitude en
— 4.000, début de « l’ère adamique ». Ensuite, question. Mais il faudra revenir un jour sur les pro-
un pouce pyramidal vaut une année solaire jus- blèmes de la véritable origine et des procédés de
qu’au grand degré (+ 1.844), à partir de quoi il est construction de cet extraordinaire monument.
dévalué et ne vaut plus qu’un mois lunaire, car,
disent les auteurs, à partir de 1.844, les événe- JACQUES VICTOOR.
ments se précipitent... Le fond de la chambre du
roi correspond alors à l’an 1953 et l’on apprend
par ailleurs que le sommet du grand degré (2 août
1909) représente le jour où le tsar Nicolas II pas-
se la grande revue navale de Cowes avec le roi BIBLIOGRAPHIE 35
d’Angleterre Edouard VII, tandis que l’entrée du
premier passage bas (nuit du 4 au 5 août 1914) ● Les uns...
représente l’expiration de l’ultimatum de l’Angle- J.P. Lauer, « Le problème des pyramides
terre à l’Allemagne ! En poursuivant ce survol, on d’Egypte », (Payot, 1948).
apprend qu’un certain Bruck a trouvé une concor- F. lhek, « La pyramide de Chéops a-t-elle
dance entre la pyramide de Chéops et une livré son secret ?» (CELF, 1951).
J. Vercoutter, « L’Egypte ancienne », (Coll.
« période quinquaséculaire » de 516 ans qui équi- « Que sais-je ? », 1968).
vaudrait à la durée de demi-vie d’un « peuple- M.C. Touchard, « Les pyramides et leurs
chef » ! ? ! Ne riez pas, lecteur, ceci est affligeant. mystères», (Planète-Histoire 1966 et Ma-
rabout n° 355).
« L’archéologie mystérieuse » (Coll.
Les hypothèses les plus plausibles quant à la si- Bibliothèque de l’Irrationnel, Ed. Denoël,
gnification des couloirs et des chambres de la 1972).
Grande Pyramide sont finalement celles de Mars- P. Poésson, « Le testament de Noé »,
ham Adams et de Mme Blavatsky. Le plan inté- (Coll. Enigmes de l’Univers, Laffont,
rieur du monument serait une illustration du 1972).
« Livre des morts » égyptien : le couloir descen-
dant et la chambre souterraine symboliseraient la ● ... et les autres
chute de l’humanité vers l’ignorance et le mal ; C. Lagrange, « La Concordance », (Paris,
1893).
mais le couloir ascendant serait une issue possi- « La mathématique de l’histoire», (Paris,
ble vers la lumière, couronnée par la grande gale- 1900).
rie ; le grand degré symboliserait la fin de l’ascen- Abbé Th. Moreux, « La science mystérieuse
sion spirituelle, avec stagnation et retour au chaos des pharaons », (Doin 1923).
(marche courbée dans les couloirs bas). La pyra- P. Brunton, « L’Egypte secrète », (Payot,
mide serait alors un temple initiatique où l’on célé- 1947).
brait les mystères, avec la chambre du roi comme H.P. Blavatsky, «La doctrine secrète»,
(1948).
Saint des Saints où, peut-être, on initiait la famille
G. Barbarin, « Le secret de la Grande Pyra-
royale. Le « sarcophage vide » serait-il alors une mide », (J’ai Lu, n° 216).
sorte de baptistère. Si l’extérieur de la pyramide « L’énigme du Grand Sphinx » (J’ai Lu
est consacré à la science, l’intérieur aurait-il une n° 229).
Ami lecteur, nous désirons mieux connaître votre avis. Divers échos nous ont appris que
d’aucuns estiment certains articles trop ardus à lire, tandis que d’autres nous félicitent pour
leur haute teneur scientifique.
Mais KADATH doit plaire à tous. C’est pourquoi nous avions introduit le système du
« cahier », afin de pouvoir pousser certaines investigations plus loin que ne le permet un
article de difficulté moyenne. Si vous parcourez vos premiers numéros de KADATH, vous
constaterez que ce sont essentiellement ces articles-là qui exigent un plus grand effort de
concentration. Mais dans le dosage des articles, nous essayons de contre-balancer cela
par d’autres textes plus aisés à lire.
De plus, nous avons mis en chantier une rubrique d’initiation à l’archéologie et la préhistoi-
re, à l’intention des lecteurs peu familiarisés avec certains termes que nous utilisons, peut-
être, sans assez y prendre garde. Et enfin, au prochain numéro sera annexé un question-
naire-sondage, par lequel vous nous direz ce que vous avez préféré dans KADATH, et ce
que vous désirez y voir traité en priorité.
Mais d’ores et déjà, n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions, les articles étant,
malgré tout, programmés un certain temps à l’avance.

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Source des illustrations : © KADATH - P. Hugill, p. 2-4-5-6 - R. Dehon, p. 27-28-29-31-33 — © Marcel


Homet, p. 12-14-16-17-18-20-22-23-24.

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