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LE MYSTÈRE DU RUBIS MAUDIT
FRoID
DAns le DoS
V
– ous avez vu le cirque qui s’est installé sur la place ? Le spectacle est
toujours génial ! On y va ! décida Emily Wild.
– Euh… où ? demanda Jack, les yeux fixés à l’horizon.
– Quel cirque ? renchérit Scott, aussi distrait que son frère.
Assise sur un rocher au soleil, son chien Drift dans les bras, Emily se mit à
rire. Jack et Scott Carter finissaient leurs sandwichs tout en admirant
rêveusement l’eau bleue de la petite crique des Pirates.
– Le cirque Romaldi ! Vous n’avez pas remarqué les affiches ? Ils viennent
à Castle Key chaque année à la fin des vacances… Et c’est déjà la fin des
vacances, ajouta-t-elle, attristée. C’est passé trop vite.
– Beaucoup trop vite, admit Scott.
– Vraiment trop, confirma Jack.
Tous deux étaient arrivés sur l’île de Castle Key au début de l’été.
Accueillis chez leur tante Kate, écrivain, ils avaient d’abord redouté de
s’ennuyer à mourir. Castle Key, c’était le bout du monde, un endroit perdu au
milieu de la mer, à des années-lumière des tourbillons de leur vie
londonienne ! Mais, contre toute attente, ils avaient vécu une incroyable
succession d’aventures palpitantes.
Plus précisément, ils n’avaient pas cessé de résoudre d’extraordinaires
mystères : la disparition d’un trésor1, d’une star de cinéma2, d’œuvres
d’art3… Lorsqu’ils l’avaient rencontrée, Emily avait déjà l’habitude de se
transformer en détective. C’était elle qui les avait entraînés ! Et dorénavant,
ils formaient une équipe de choc. Ils auraient bien continué à jouer aux agents
secrets durant toute l’année… Sauf que leur père, parti effectuer des fouilles
archéologiques en Afrique, reviendrait bientôt les chercher et les ramènerait
à Londres.
En attendant la rentrée, ils comptaient profiter au maximum de chaque
journée, du grand air et de la mer.
– Alors, on y va ? demanda Emily.
– Où ? interrogèrent Jack et Scott en même temps.
– Mais au cirque ! Vous n’écoutez pas quand je vous parle ou quoi ? Le
spectacle a pour thème les Mille et Une Nuits, précisa Emily. Ce sera
sûrement mystérieux… et magique !
– Mystérieux ? répéta Scott, peu convaincu.
– Moi, ça m’intéresse s’il y a de gros et grands lions très méchants mais
très domptés, plaisanta Jack.
Emily lui lança une miette de pain à la figure.
– Ils n’ont aucun animal à part un cheval et un petit caniche. C’est cruel
d’exploiter des animaux pour faire des numéros.
– Je sais ! répliqua Jack. Je plaisantais !
Emily hocha la tête.
– Ouf ! On verra des acrobates, une contorsionniste, de super trapézistes –
la fille a à peu près notre âge – et aussi un artiste qui avale des épées, je ne
sais pas comment c’est possible mais il le fait !
– Il avale des épées ? répéta Jack. Waouh, cool !
Et, rejetant la tête en arrière, il mima l’action en avalant une bouchée de
sandwich.
– Quel clown, soupira Scott.
– Jack le pitre, renchérit Emily. Bon, dépêchez-vous de finir de manger !
Elle était déjà prête à partir. Elle déjeunait vite, courait vite, réfléchissait
vite… Et se décidait vite !
– Et si on allait nager ? proposa-t-elle dès qu’ils eurent terminé leur repas.
Aussitôt, Drift leva ses deux oreilles – l’une noire et l’autre blanche avec
des taches brunes. « Nager » était l’un de ses mots favoris.
– Yes ! lança Jack en se levant en même temps qu’Emily.
Scott croisa les mains derrière la nuque comme si cette proposition ne le
tentait pas. Puis, à la dernière minute, il se redressa d’un bond et fonça à
toute vitesse vers la plage :
– Le dernier dans l’eau achète les billets pour le spectacle de ce soir !
Par chance, les trois amis purent s’asseoir au premier rang. Le chapiteau
était bondé, et le spectacle s’annonçait féerique. Emily n’avait pas exagéré !
Un spectacle de lumière au laser en rythme avec une musique orientale
ouvrit la représentation. Puis les spectateurs furent plongés dans le noir, des
étoiles scintillèrent sous le dôme et des tapis volants traversèrent l’espace !
Sur chacun d’entre eux se tenaient des acrobates qui effectuaient des
pirouettes, des roues et des sauts incroyablement impressionnants.
Installée entre Scott et Jack, Drift sur les genoux, Emily ne cessait
d’applaudir. On voyait qu’elle adorait le cirque !
Jack et Scott étaient tout aussi fascinés.
Un grand cheval blanc entra sur scène, monté par un vieil homme vêtu d’un
costume de sultan étincelant et d’un turban. Il arborait une volumineuse
moustache et d’épais sourcils blancs. D’un ton solennel, il présenta le
premier numéro :
– Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, je vous invite à découvrir le
talent exceptionnel de notre magicien des épées, alias l’homme-qui-se-
moque-de-tous-les-dangers !
Et, sous un tonnerre d’applaudissements, l’artiste fit son apparition. D’une
stature imposante, le teint cuivré, il portait un justaucorps blanc, des
bracelets de cuir clouté et un protège-torse métallique. Des lames étaient
tatouées sur son dos. Des lames qui semblaient aussi tranchantes que celles
avec lesquelles il jonglait… Six dagues, fuselées, qu’il lançait haut et
rattrapait… dans sa bouche, puis il se renversait sur un matelas hérissé de
clous…
Emily se tourna vers Jack.
– Tu n’as pas intérêt à essayer de l’imiter !
– Pfff…
Et Jack engloutit une grosse bouchée de barbe-à-papa. Scott se mit à rire.
– Par prudence, je demanderai à tante Kate de cacher tous les couteaux de
la maison ! Mon cher petit frère étant imprévisible…
– Ha, ha ! fit Jack.
Puis ils reportèrent leur attention sur la jeune femme habillée comme une
princesse des Mille et Une Nuits en train d’effectuer la danse du ventre au
milieu de la piste. Puis elle se glissa avec souplesse dans une grande jarre
qui semblait sortie de la caverne d’Ali Baba. Le magicien des épées referma
le couvercle et, accompagné d’un roulement de tambour solennel, entreprit de
transpercer la jarre avec acharnement.
– La pauvre, elle va finir trouée tel du gruyère, dit Jack, à la fois amusé et
perplexe. Comment il réussit un tour pareil ?
– Elle a un faux corps qui enrobe le sien, déclara Scott lorsqu’elle
réapparut, bien sûr intacte.
Tous deux saluèrent le public et on les acclama. Ensuite, l’arène fut
occupée par des acrobates, des jongleurs, et une contorsionniste qui parvint à
se lover dans des boîtes et des sacs minuscules. Puis vint le tour d’un certain
Incognito, un drôle d’individu au visage peint en vert, en justaucorps
imitation lézard et avec une cape noire : il incarnait un génie qui, émanant
d’une lampe d’Aladin géante, lisait dans les pensées des gens. Il posa des
questions à des spectateurs, et à chaque fois, trouva les bonnes réponses.
Trop fort !
– C’est sûrement truqué, chuchota Jack. Il connaît ceux qu’ils interrogent !
– Peut-être pas, rétorqua Scott. La télépathie, et ce genre de choses, ça
existe.
– Mais lui, il est devin !
– Chut ! Regardez ! intervint Emily.
Un petit caniche orné d’un fin manteau rose, la tête sertie d’un diadème,
jouait à l’équilibriste sur une corde…
– Elle s’appelle Mimi, précisa Emily.
– Une… canichette, alors ! plaisanta Jack.
Mimi époustoufla les spectateurs en faisant la roue et d’autres cabrioles,
puis en apportant différents objets à sa maîtresse, une femme vêtue d’une
longue robe violette et chatoyante.
– Je croyais que c’était toi, le chien le plus chouette au monde, dit Scott en
s’adressant à Drift.
– S’il le voulait, je suis sûre qu’il pourrait en faire autant, affirma Emily.
Mais tu crois que c’est utile, pour un chien d’enquête, d’avoir des talents de
funambule ?
En tout cas, Drift contemplait la jolie petite chienne avec un intérêt
évident !
Le clou du spectacle fut, sans conteste, le numéro de trapèze. Une jeune
fille qui ne devait pas être tellement plus âgée qu’Emily s’élança dans le
vide. Elle fut rattrapée par son partenaire – qui n’avait pas plus de seize ou
dix-sept ans –, se lança de nouveau… Auréolé d’un décor de voiles blanches,
le duo racontait l’histoire d’une princesse qui se transformait en oiseau afin
de s’échapper de son palais, mais un garde la poursuivait sans relâche.
– Ils sont super forts ! murmura Scott, les yeux levés vers les deux artistes
qui voltigeaient sous le dôme étoilé.
– Méga forts ! renchérit Jack.
– Magiques ! dit Emily.
Drift poussa un léger jappement, comme pour exprimer son admiration, lui
aussi.
La petite trapéziste venait de prendre son élan, le garçon lui attrapa une
cheville et, tandis qu’elle s’accrochait à une corde, il l’envoya vers un autre
trapèze. Elle s’y agrippa, se laissa tomber de nouveau vers lui, bras
déployés. Mais à ce moment-là – et cela ne dura qu’une fraction de
seconde –, l’adolescent sembla s’écarter…
La jeune artiste plongea dans le vide, se rattrapa in extremis à une autre
balançoire et tomba dans le filet de sécurité. Puis elle bascula par-dessus les
rebords… et tomba lourdement par terre.
Il y eut des cris… suivis d’un silence de mort.
Le boN RÉFleXe…
aU Bon MoMeNt
ON FRÔLe enCore
La CaTasTroPHe…
La représentation fut aussi palpitante que celle de la veille. Sauf que peu
de temps avant l’entrée en scène de Bella et Danny pour le numéro de
trapèze, un nouvel accident faillit arriver.
Deux clowns acrobates – l’un était une femme – se chamaillaient tout en
montant et en glissant à tout allure le long de barres métalliques. Ils
grimpaient aussi sur des échelles et se lançaient à la tête des balais, des
paniers et même des tapis. Cette fausse bataille de chiffonniers était censée
se dérouler au fin fond d’un bazar oriental, un souk…
Et tout le monde riait de leurs facéties.
L’homme tenait l’une des barres en équilibre. Sa partenaire se trouvait en
haut… Mais soudain, clac ! Le métal se brisa net ! L’artiste valsa en l’air, fut
rattrapée in extremis par son binôme… Et ils poursuivirent avec plusieurs
roulades énergiques.
Les applaudissements crépitèrent.
Emily, Scott et Jack échangèrent un coup d’œil interloqué.
– C’était différent, hier soir, chuchota Emily.
– Très différent, renchérit Jack.
– Oui… Mais ils se sont bien rattrapés, ajouta Scott.
Ils n’étaient pas dupes : ce qui venait de se dérouler n’était absolument pas
prévu.
Ils reportèrent leur attention sur Bella et Danny qui, à présent, s’élançaient
de leurs trapèzes sous le dôme étoilé. C’était donc la première fois que Bella
effectuait cette performance en public !
Le cœur battant, les trois amis ne la quittèrent pas des yeux tandis qu’elle
se balançait dans le vide, gracieuse et légère comme un oiseau. Danny la fit
virevolter, la maintint par une cheville, un poignet…
Le périmètre du filet de sécurité avait été élargi. Et Bella était reliée à un
fil invisible, mais très solide, qui l’aurait maintenue au cas où… Luca et
Sylvia Romaldi, ainsi qu’Enzo, son grand-père, avaient tout fait pour
minimiser les risques. Heureusement, le numéro se déroula sans problème.
Après le spectacle, Scott, Jack et Emily retrouvèrent Bella à l’entrée du
chapiteau. Elle leur avait proposé ce rendez-vous parce qu’elle souhaitait
mieux les connaître et leur montrer les coulisses. En les attendant, elle avait
enfilé un survêtement au-dessus de son justaucorps. Sa longue tresse
demeurait nouée en un chignon serré au sommet de son crâne, et des paillettes
argentées brillaient sur ses joues.
– Tu as été géniale ! s’exclama Emily.
Et elle embrassa affectueusement sa nouvelle amie.
– Super géniale ! affirmèrent Scott et Jack en chœur. Bravo !
Et ils échangèrent un check avec Bella.
– Merci !
Elle se mit à rire, visiblement embarrassée par tant de compliments.
– J’ai quand même un peu eu la frousse, confia-t-elle. J’ai prévenu Danny
que si jamais il me laissait tomber, je me débrouillerais pour l’écraser au
passage. Direct ! Sans hésiter ! Vlan ! Si vous aviez vu sa tête… On aurait dit
qu’il avait avalé une trompette ! Bon, venez, je vais vous faire visiter…
Bella les emmena partout : autour de la piste, dans les gradins, derrière les
épais rideaux de velours menant aux coulisses, les loges, l’espace de
rangement des accessoires… Puis ils allèrent rendre visite à Moonlight,
l’étalon blanc, et lui donnèrent de l’herbe fraîche.
– Il appartient à mon grand-père Enzo, indiqua Bella. Il est très sévère, très
strict, mais son cheval le mène par le bout du nez !
Ensuite, ils se dirigèrent vers le terrain où les caravanes familiales
stationnaient, près d’un petit bois de marronniers. Certaines étaient petites et
anciennes, d’autres très longues, spacieuses et ultramodernes. La plupart des
membres de la troupe étaient assis dehors, pour se détendre. Le réconfort
après l’effort !
Devant l’une des caravanes, un homme pâle, mince, le visage maigre aux
pommettes saillantes, discutait avec un groupe d’enfants venu poser des
questions.
– C’est Mike Turnbull, alias Incognito, celui qui lit dans les pensées des
autres, expliqua Bella.
Sans son maquillage vert, son justaucorps imitation lézard et sa cape
sombre, il ressemblait davantage à un professeur ou un comptable qu’à un
génie s’échappant de la lampe d’Aladin ! Il avait un œil vert, et l’autre
presque noir, ce qui lui conférait malgré tout une physionomie particulière.
– Alors, qu’est-ce que j’ai en tête, là, tout de suite ? lui demandait un
garçon joufflu aux cheveux hirsutes.
Mike Turnbull secoua la tête d’un air énigmatique.
– On ne joue pas avec les forces de l’esprit…
– Vous dites ça parce que vous n’en savez rien ! Tu vois, c’était bidon,
ajouta son jeune interlocuteur en s’adressant à une fillette qui se tenait à côté
de lui.
– Mais tu as oublié ceci dans ton dos, reprit Mike.
Et après lui avoir entouré les épaules d’un ample mouvement, il brandit
une montre de plongée toute neuve.
– Eh ! Mais c’est la mienne ! s’exclama le garçon en jetant un coup d’œil
stupéfait à son poignet. Il m’a piqué ma montre ! Comment vous avez fait ?
– Et à qui est ceci ? poursuivit Mike en montrant une boucle d’oreille
représentant un dauphin.
– À moi !
Et la petite fille s’en empara aussitôt.
Jack, Scott et Emily restèrent bouche bée.
– J’aimerais bien connaître son truc ! Il en a forcément un, affirma Jack. Et
si je lui posais la question ?
Mais à ce moment-là, Drift se précipita vers Mimi le caniche…
Et naturellement, le trois amis le suivirent.
Mimi se trouvait sur une table, en train d’être brossée par une femme d’un
certain âge en bigoudis et foulard. Sans son costume inspiré des contes des
Mille et Une Nuits, elle ressemblait à Mme Tout-le-monde. Sauf qu’elle avait
les cheveux roses comme le manteau que portait sa chienne pendant le
spectacle.
– Je vous présente madame Zelda, déclara Bella.
Drift sauta sur la table pour renifler Mimi. Ils restèrent truffe contre truffe
quelques instants. Puis, joyeuse, Mimi bondit, prête à jouer.
– Ne bouge pas ! protesta madame Zelda après avoir salué les trois amis.
J’applique un soin spécial sur son pelage, à base d’huiles essentielles, pour
plus de douceur et de brillance. Je la bichonne, ma Mimi-de-ma-vie-chérie-
bibi-d’amour !
« Ma Mimi-de-ma-vie-chéri-bibi-d’amour ? »
Scott, Jack et Emily échangèrent un coup d’œil, regardèrent Bella et
retinrent un éclat de rire.
– Je sais, elle est un peu gâteuse ! chuchota Bella.
C’est alors qu’ils entendirent des bruits sourds en provenance de la
caravane voisine. Cling ! Pang ! Clac !
Et l’habitacle se mit à tanguer dangereusement.
– Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Jack.
– Ray et Barbara se chamaillent pour de bon, expliqua Bella.
– Les clowns ? demanda Emily.
– Acrobates comiques, rectifia Bella. Ne les appelle jamais « clowns ».
– Ils sont mariés depuis vingt ans. Les disputes font partie de leur
quotidien, à la scène comme dans leur vie privée, ajouta madame Zelda.
Barbara lance tout par terre !
Par la fenêtre entrouverte, on percevait des éclats de voix :
– Tu aurais au moins pu vérifier notre équipement ! criait Barbara.
– Mais je te dis que je l’ai fait ! C’est toi qui ne sais pas grimper sur la
barre ! Ou alors, tu es devenue trop lourde ! accusa Ray. Un perroquet serait
plus doué que toi !
– Un labrador serait plus doué que toi !
Gênée, Bella regarda Emily, Scott et Jack.
– Bon… Si on allait voir ma mère ?
Et, précédant les trois amis, elle fila vers l’une des caravanes les plus
spacieuses.
À l’intérieur, tout était moderne et bien équipé, avec une télévision à écran
plat et un ordinateur ultra-récent. Une femme en jean et tee-shirt s’activait
dans la cuisine. Une délicieuse odeur de chocolat imprégnait l’air.
Dès qu’elle vit Jack, elle s’avança et le serra dans ses bras.
– Oh, notre petit héros ! Merci pour hier ! Je suis Sylvia, la maman de Gina
et Bella, ajouta-t-elle en souriant. Tu as un eu excellent réflexe ! Bravo !
Merci encore !
– Je vous en prie, répondit Jack, flatté mais un peu embarrassé d’être
félicité une fois de plus.
– Grâce à toi, on a évité le pire, assura Sylvia. Mon mari a paniqué, et
même si nous vivons, chaque jour, avec le risque de nous rompre le cou – je
suis aussi trapéziste, donc je sais de quoi je parle –, quelquefois, on perd les
pédales !
Elle sourit et poursuivit d’un ton chaleureux :
– Je viens de préparer des brownies. Ça vous tente ?
– Oui ! répondirent les trois amis en même temps.
Sylvia se mit à rire.
– Installez-vous. Bella, je te laisse servir ? Je file chez Ray et Barbara
pour leur en apporter, j’aimerais les réconforter…
– Le chocolat, c’est bon pour le moral ! dit joyeusement Jack.
Mais dès que la mère de Bella eut quitté les lieux, il ajouta en baissant la
voix :
– Bella, tu ne trouves pas que deux accidents, coup sur coup, c’est
bizarre ?
– Très bizarre.
Songeuse, Bella disposa des assiettes et des cuillères.
– Pour tout vous dire, on se pose une drôle de question dans ma famille.
On se demande si notre rubis magique n’a pas perdu son pouvoir…
4
L’ŒiL DU FeU
OpÉRatioN mImI
DRifT
MÈnE L’EnQUÊTe
L’île des Saules donnait l’impression d’être envahie par la forêt vierge.
Une petite jungle, songea Jack pendant qu’ils avançaient à travers les arbres.
Il adorait ce genre d’ambiance !
Ils s’installèrent dans une clairière pour déjeuner. Le pique-nique fut vite
avalé : sandwichs au fromage, tomates, concombre… Et le gâteau au chocolat
apporté par Bella qui, bien que fondu, n’en demeurait pas moins délicieux.
– Je suis si contente d’être avec vous, répéta Bella. Ça me fait des
vacances !
– On a quand même une mission, rappela Emily en sortant son carnet de
son sac à dos.
Elle écrivit opération Mimi sur une page et souligna deux fois le titre.
– Mission ou pas, moi, j’ai sommeil, avoua Scott en s’étendant sur l’herbe.
On s’est levés tôt, aujourd’hui…
– Très tôt, renchérit Jack en imitant son frère.
Il ferma les yeux. Il n’était pas question d’avouer à Bella ce qu’ils avaient
fait. Peut-être n’apprécierait-elle pas qu’ils aient espionné sa famille !
Emily poussa un soupir et bâilla. Au fond, elle aussi se sentait un peu
fatiguée ! Mais elle s’aperçut alors que Drift filait rapidement vers l’autre
côté de l’île. Il trottinait en remuant la queue, les oreilles en position
« alerte ». Aussitôt, elle se redressa.
– Vous avez vu ? Mon petit doigt me dit que Drift suit une piste ! Oui, c’est
sûr ! s’exclama-t-elle joyeusement lorsque son chien sauta dans l’eau pour
nager en direction de la rive opposée.
– Il a l’air de savoir où il va ! commenta Bella, impressionnée. Qu’est-ce
qu’il y a, là-bas ?
– La lande des Druides. C’est une propriété privée qui appartient à lord
Huddlestone, précisa Emily. Mais il n’y a pas grand-chose à part des
dolmens, des menhirs et une vieille mine désaffectée. Il faut qu’on
rejoigne Drift… En tout cas, moi, j’y vais !
– Je t’accompagne, dit Scott. Drift a forcément repéré quelque chose.
– Mimi, vous croyez ? demanda Bella.
– Peut-être… Ou alors le monstre de la lande qui ressemble à un
croisement entre King Kong et Gollum, et se nourrit de chair humaine.
Aaaargh ! lança Jack ouvrant grand la bouche.
Belle esquissa une grimace dégoûtée.
– Ne fais pas attention à Jack, il est toujours comme ça, s’esclaffa Scott.
Une dizaine de minutes plus tard, les quatre amis atteignirent la rive nord
du lac en kayak. Drift allait et venait en aboyant avec impatience. Puis il
partit en courant, se tourna vers eux, repartit, se retourna… De toute
évidence, oui, il avait une découverte à leur montrer !
8
EnterRÉe VIVaNtE ?
Ils couraient derrière Drift depuis une dizaine de minutes, slalomant entre
de gros blocs de pierre granitique, quand Jack perçut des couinements affolés
qui se mêlaient au chant des criquets.
– Vous avez entendu ?
– On dirait un animal qui pleure, s’inquiéta Bella.
– Oui… Et ça vient de ces énormes dolmens, là-bas ! renchérit Emily.
Vite ! Si ça se trouve, Mimi est coincée dans la chambre funéraire qui se
trouve sous les rochers !
– La chambre funéraire ? répéta Jack.
L’appellation évoquait un film d’horreur ! Il imaginait déjà des fantômes de
l’époque préhistorique s’enroulant autour d’eux tels des lambeaux de
brouillard.
– Je ne reviendrai pas ici la nuit, prévint-il.
– Tu as la trouille ? Toi ? se moqua Scott.
Jack haussa les épaules.
Ils s’approchèrent de vieux rochers accolés les uns aux autres, voûtés,
comme s’ils avaient tenté de protéger quelqu’un autrefois. Des esprits ?
s’interrogea Jack, qui aimait se faire peur.
Les gémissements leur parvenaient plus clairement… d’en bas. Sous la
terre ? D’une crevasse ?
Il y avait une fente d’environ soixante centimètres de large et un mètre de
long sous l’une des énormes roches. Dessous, une grotte. Tout était noir…
Et au milieu de l’obscurité, deux yeux brillants les fixaient.
– Un monstre ! s’écria Jack.
– Mimi ! s’exclama Bella.
Aussitôt, les cris se transformèrent en aboiements, puis en jappements
paniqués. C’était bel et bien la petite chienne de madame Zelda ! Drift ne
cessait de sautiller sur place en lui répondant.
– Comment elle a pu atterrir là-dedans ? demanda Scott, stupéfait.
– Regardez ! lança Bella en désignant une corde nouée autour d’un tronc
d’arbre.
Elle se précipita et constata que l’un des bouts était déchiqueté et encore
humide.
– À mon avis, ça a servi à attacher Mimi. Et elle l’a rongée pour se libérer.
– Puis elle serait tombée entre les rochers ? C’est possible, admit Emily.
Et tu as vu le bol à côté ?
Bella ramassa ce qui ressemblait à une gamelle en plastique. Le rebord
portait l’inscription ACM sur un logo rouge et noir à moitié effacé.
– ACM ? Ça me dit quelque chose, murmura Scott.
– Moi aussi, dit Jack. ACM… Ce ne serait pas un groupe de rock ?
– Non, non…
En bas, Mimi aboyait de plus en plus fort.
– On arrive ! promit Bella.
– Et comment ? s’inquiéta Scott.
– Je descends en rappel, proposa Jack qui pratiquait l’escalade durant
l’année scolaire.
– Sauf que tu ne réussiras jamais à passer travers ce petit espace, objecta
Emily.
Elle désigna la fente entre les rochers.
– Moi, oui.
– Non, moi, j’y vais, répliqua Bella. Je suis la plus petite, et j’ai l’habitude
d’avoir la tête en bas. C’est mon travail de tous les jours !
Et avant qu’Emily ait pu protester, elle avait montré à Scott comment la
maintenir par les chevilles pendant qu’elle se faufilait à l’intérieur avec
agilité.
À plat ventre, Scott agrippait Emily depuis plusieurs minutes non sans
peine – ses bras commençaient à trembler –, quand la jeune fille s’écria :
– C’est bon, je la tiens ! Remonte-moi !
Scott aida leur amie à se hisser. Quelques secondes plus tard, Bella
réapparut en tenant une boule de poils grisâtre tremblante dans les bras.
– Bravo ! s’exclama Emily.
– On est des champions ! renchérit Jack. On a retrouvé Mimi !
La chienne de madame Zelda lécha le bout du nez de Bella. Son pelage,
normalement blanc et brillant, était souillé de taches brunes, grises, et des
toiles d’araignées y était accrochées.
– On devrait peut-être la nettoyer un peu avant de la ramener à sa
maîtresse, suggéra Scott.
Mais au même instant, Drift lança un aboiement joyeux et détala vers le
lac. Mimi tourna la tête, sauta des bras de Bella et galopa derrière lui. Puis
les deux chiens se suivirent dans l’eau.
– Ils sont amoureux, ils sont amoureux ! chantonna Jack.
Tous éclatèrent de rire.
Regagnant leurs kayaks, ils appelèrent Mimi et Drift, et pagayèrent le plus
vite possible pour retourner sur l’île. Bella gardait Mimi sur ses genoux, et
lui parlait tendrement :
– Il faut qu’on sache qui a voulu te faire du mal. C’est méchant !
– On a un indice, rappela Emily. ACM, vous vous souvenez ? Qu’est-ce
que ça peut bien signifier ?
– L’As et le Champion des Méninges ? hasarda Jack. Euh, non, je rigole…
Je sais que c’est autre chose, mais quoi ?
– Oui, quoi ? répéta Scott. En plus, c’est bizarre, mais j’ai l’impression
d’avoir déjà vu ces trois lettres récemment. Comme sur un logo… Mais où ?
9
UNe mYsTÉRIeusE
aPpaRItioN
Jack retint son souffle. À coup sûr, Tony exploserait de colère, lui qui
s’était énervé contre eux, simples enfants venant de retrouver le caniche de la
troupe. Qu’allait-il riposter à cette visiteuse, nullement bienvenue, qui
affirmait être l’émissaire d’un dieu à la tête d’éléphant ?
Mais, étonnamment, Tony resta très calme, comme pétrifié.
Le vieil Enzo tendit les rênes de Moonlight au magicien des épées, et
s’adressa à l’inconnue voilée :
– Madame, vous vous trompez sûrement. Le rubis de notre famille n’est
pas maudit. Il a été donné à notre ancêtre par un maharajah. L’Œil du Feu
nous protège !
Syamantaka secoua la tête et leva les mains à la manière d’un chef
d’orchestre.
– Monsieur Romaldi, l’Œil du Feu n’appartenait pas au maharajah. Lui-
même et sa famille étaient les gardiens du joyau, nommés par le temple de
Ganesh. Tant que la famille du maharajah vivait, le rubis vous maintenait
effectivement sous sa protection. Mais depuis que le dernier membre de sa
famille est décédé, tout a changé… Et l’Œil du Feu a maintenant un effet
totalement inverse, et ce, tant qu’il restera en votre possession !
Le visage sombre, Tony s’avança vers elle.
– Et quand est-elle morte ?
– Vendredi dernier. Elle était très âgée et n’a pas laissé d’héritier.
– Vendredi ? C’est ce jour-là que Gina a eu son accident, rappela Tony.
La même inquiétude se reflétait à présent sur tous les visages.
– Ce n’est pas un hasard ! Rendez le rubis, et vous n’aurez plus de souci,
non, plus de souci de tout, psalmodia l’Indienne enveloppée de voiles en se
levant lentement.
On a avait l’impression qu’elle flottait au-dessus du sol.
– Le rendre ? Et comment ? Faut-il que nous allions en Inde ? demanda
Luca. Nous ne savons pas de quel temple il provient !
– Je suis venue pour cette raison. Ganesh vous est très reconnaissant
d’avoir pris soin du rubis, ajouta la vieille femme. Je suis certaine qu’il ne
voudrait pas vous causer du tort. Je suis celle qui a été désignée pour que le
joyau soit rapporté à sa source, et votre famille sera alors libérée de la
malédiction !
– Et si nous refusons ? répliqua Barbara en s’approchant, les sourcils
froncés.
– Tais-toi ! ordonna Ray.
Il s’efforça de la retenir.
– Ne te mêle pas de ça.
– Et pourquoi ?
Barbara se dégagea avec vivacité.
– Je suis aussi une Romaldi. Du moins, je l’étais… jusqu’à ce que je
t’épouse ! Occupe-toi de tes affaires !
Syamantaka leva de nouveau les bras pour réclamer le silence.
– Si vous ne laissez pas l’Œil du Feu repartir, la malchance et les malheurs
continueront de s’abattre sur votre famille, et tout ce que vous avez bâti
s’écroulera… Ne resteront plus que des ruines !
Elle insista sur le mot « ruines », étirant chaque syllabe qui résonnèrent
sous le chapiteau…
Le lendemain, les trois amis se retrouvèrent au cottage des Roches, puis ils
se rendirent directement au cirque. Leur plan était simple : ils se placeraient
à différents endroits afin d’observer les allées et venues de chacun, et lorsque
Syamantaka reviendrait, ils ne pourraient pas la rater.
– Hier soir, j’ai cherché « Syamantaka » sur Internet, dit Scott. Devinez
quoi ? C’est le nom d’un célèbre bijou que portait le dieu Soleil dans la
mythologie indienne : un rubis doté de grands pouvoirs !
– Alors si ça se trouve, la femme indienne est vraiment en mission au nom
du temple de Ganesh, répliqua Jack.
– Je crois plutôt que Tony a déniché exactement la même information sur
Internet, rétorqua Emily. Ensuite, il a fait jouer le rôle de Syamantaka à
quelqu’un… Mais à qui ?
Lorsqu’ils parvinrent au chapiteau, tous les membres de la troupe s’étaient
déjà réunis. Normal, ils attendaient l’arrivée de la mystérieuse Syamantaka.
– Si quelqu’un vous demande pourquoi vous êtes là, répondez que vous
êtes revenus chercher une montre que vous avez fait tomber hier, suggéra
Emily. Drift et moi, on va se mettre près de la sortie de secours, au fond.
– D’accord, chef ! fit Jack. Moi, je me place à l’entrée principale.
Scott observa son frère qui s’éloignait en regardant fixement par terre.
Franchement pas discret. Pas naturel non plus !
Il gagna, quant à lui, l’une des entrées latérales donnant accès aux
coulisses. Il se glissa dans le pli de la toile du chapiteau et risqua un œil.
Rassemblés non loin, les Romaldi bavardaient avec nervosité. Enzo, Luca,
Tony et Danny discutaient d’un ton vif. Anna parlait avec Sylvia, la mère de
Bella, en se frottant la tempe. Scott put devina aisément les mots « mal de
tête » lorsqu’elle s’adressa à Sylvia… Puis elle s’éloigna d’un pas las.
Où se rendait-elle ?
Scott ne tarda pas à la voir émerger… Pourvu qu’elle ne le remarque pas !
Passant une main dans son épaisse chevelure blonde, Anna regarda à
droite, à gauche… et fila vers le fond du chapiteau. Scott patienta quelques
secondes avant de la suivre. Mais brusquement, Anna se volatilisa.
Stupéfait, Scott scruta les alentours. Elle ne pouvait quand même pas s’être
envolée comme par magie ! Puis il repéra une espèce de trouée sous le
rebord de la piste. Se serait-elle faufilée là-dessous ? Habile comme elle
l’était – elle était contorsionniste –, c’était possible… Et c’était sûrement la
seule explication.
Sans hésiter, il se jeta à plat ventre afin de se glisser à cet endroit.
Retenant son souffle, il rampa, conscient du sang qui martelait ses tempes.
Quelques secondes plus tard, il déboucha dans une sorte de minuscule alcôve
derrière les coulisses et sous la piste du cirque.
La seule lumière provenait d’une torche. Et là, dans le halo blanchâtre…
Anna Romaldi était en train de s’enrouler dans un sari, à toute allure. On
aurait dit un serpent qui changeait de peau…
Ou plutôt une talentueuse artiste se transformant en une vieille femme
voilée !
Abasourdi, Scott ne la quitta pas des yeux. Anna mit une perruque noire,
des boucles d’oreilles, ajusta une fine étoffe autour de sa tête…
Scott eut juste le temps de prendre une photo avec son portable avant
qu’Anna n’éteigne la lampe électrique. Puis elle ouvrit une trappe au-dessus
de sa tête et jaillit sur la piste, au milieu d’un nuage de fumée.
Quelque chose tomba et roula dans l’herbe. Scott ramassa une canette
rouge : l’étiquette indiquait « fumerolles de spectacle ».
Tout devenait clair comme de l’eau de roche. Anna Romaldi, alias Anna-
lastica la contorsionniste, n’était autre que Syamantaka !
Scott fit demi-tour à la hâte, rampa précipitamment… Mais ne trouva pas
la sortie. Bizarre… Où était l’espace par lequel il était passé ?
Il repartit vers la gauche et, à plat ventre, avança aussi vite que possible
jusqu’à ce qu’il parvienne dans une autre alcôve, bien plus spacieuse…
Alors qu’il aurait dû se retrouver dehors, au soleil.
Devant lui s’élevaient des rangées de costumes, des boîtes de chapeaux et
des parures colorées, des quilles, des tapis, des cerceaux… La gorge sèche,
il reconnut une partie des coulisses que Bella leur avait fait visiter quelques
jours plus tôt.
Il n’aurait jamais dû être là.
Une voix menaçante s’éleva soudain :
– Qu’est-ce que tu fabriques ici, toi ?
Scott se retourna. Danny Romaldi se tenait à l’entrée, un sabre à la main.
13
Il Ne FaUt PaS
JoUer aveC Le feU
De l’autre côté du chapiteau, Jack n’en croyait pas ses yeux. Il venait
d’assister à l’apparition de Syamantaka. Quel spectacle ! Mais par où était-
elle arrivée ? Elle devait porter une véritable cape d’invisibilité ! Non, un
sari d’invisibilité ! songea-t-il, énervé et déçu de ne pas avoir pu intervenir.
Et maintenant, tous les Romaldi quittaient les lieux, en compagnie de
l’Indienne. Il ne pouvait plus rien faire pour l’instant.
À contrecœur, Jack se dirigea vers l’endroit où Scott lui avait dit qu’il
serait caché.
Sauf que… pas de Scott.
Perplexe, Jack regarda autour de lui. Scott serait-il déjà parti ? Sans
l’avoir attendu ? Il ne manquait plus que ça !
À ce moment-là, il entendit un cri… Un cri strident, comme celui de
Tarzan, en plus puissant encore.
AAAAAAAAAAAH !
Le hurlement provenait d’une des ailes du chapiteau. Jack s’y précipita,
écarta les rideaux, jeta un coup d’œil… Et resta bouche bée en découvrant la
scène : Danny Romaldi brandissait une torche enflammée au-dessus d’un
panier d’où émergeait le visage apeuré de Scott !
Jack n’hésita pas. Il se rua sur Danny et lui tordit le bras. Au même instant,
Scott sauta hors du panier et, à son tour, empoigna Danny. Il lui arracha la
torche et souffla dessus pour l’éteindre.
– Strike ! s’exclama-t-il, triomphant.
– Double strike ! renchérit Jack.
Puis il fusilla Danny du regard.
– C’était quoi, ton idée ? Faire griller Scott au barbecue ?
– Et vous ? Qu’est-ce que avez à fouiner dans nos affaires ? répliqua
Danny d’un ton agressif.
Jack et Scott échangèrent un coup d’œil.
– Ça va ? demanda Jack.
– J’ai eu un peu chaud, je crois, répondit Scott. Merci, frangin.
– De rien, frangin.
– Lâchez-moi ! ordonna Danny en se débattant.
– Tu rêves ? On va te ficeler comme un rôti, ajouta Scott en ramassant une
écharpe par terre.
– Il ne fallait pas jouer avec le feu, renchérit Jack tandis qu’ils lui
ligotaient les poignets à un poteau. Ta maman ne t’a jamais appris ça ?
– À mon avis, sa maman a d’autres choses à faire… Comme, par exemple,
jouer le rôle de Syamantaka, précisa Scott.
– Vous me le paierez, prévint Danny, rouge de fureur.
– Anna est bel et bien Syamantaka, poursuivit Scott à l’attention de Jack.
Filons d’ici…
Et pendant qu’ils sortaient du chapiteau, il raconta à Jack ce qu’il avait vu.
– Mais la famille Romaldi vient d’accepter de lui donner le rubis !
s’exclama Jack. Vite, il faut qu’on les arrête avant que ce soit trop tard !
14
RIen Ne Va PlUs
Lorsque Bella s’en alla une heure plus tard, le carnet d’Emily contenait une
liste d’une vingtaine de suspects, incluant la plupart des artistes du cirque, les
techniciens et les autres membres du personnel.
– On commencera à les interroger dès demain, promit Emily à Bella en la
raccompagnant au rez-de-chaussée.
Les deux filles se firent la bise.
– Vous êtes vraiment chouettes, dit Bella en souriant. J’ai de la chance de
vous connaître tous les trois. Enfin, tous les quatre ! Je n’oublie pas Drift…
Puis elle se sauva. Emily la suivit du regard tandis que Bella filait en
direction du port, sa longue tresse virevoltant dans son dos.
– Maintenant, on peut parler sérieusement, lança Emily en rejoignant Scott
et Jack un instant plus tard.
Elle aurait aimé ne pas avoir cette pensée persistante à l’esprit… Une
pensée qui l’attristait.
– Pourquoi tu dis ça ? On pouvait aussi parler avant ! répliqua Scott.
– Pas complètement. Je ne voulais pas faire de peine à Bella. Bref, si on
résume les choses, c’est assez clair, poursuivit Emily.
Comme Scott et Jack l’observaient d’un air perplexe, elle ajouta :
– J’ai du mal à ne pas envisager la culpabilité de Luca, le père de Bella.
Tony a raison sur ce point : pour Luca, qui avait déjà la clé du coffret, c’était
facile de récupérer celle de Bella et d’Enzo.
– Sauf que Bella n’enlève jamais le bracelet où elle attache la sienne !
protesta Jack. Sauf…
Il ferma les yeux et crispa les paupières, comme s’il voulait repousser un
souvenir désagréable.
– En fait, si, elle l’a ôté l’autre fois, avant d’aller nager au lac de
Polhallow. Vous vous souvenez ? Luca lui a demandé de lui confier son
bracelet.
Il esquissa une grimace.
– Mais même si Luca ressemble au coupable idéal, pourquoi il aurait fait
une chose pareille ? Dans quel intérêt ?
Emily referma son carnet d’un coup sec.
– Tu as raison, ce ne serait pas logique. Il a l’air plutôt solidaire. Malgré
tout, il reste suspect.
– On ne peut pas demander à Bella de questionner son propre père,
souligna Scott.
Mais Emily avait déjà envisagé ce problème.
– On va s’organiser. Vous deux, vous poserez des questions aux membres
de la troupe, avec Bella. Pendant ce temps-là, Drift et moi, on surveillera
Luca. Avec un peu de chance, on trouvera le moyen de le disculper
totalement !
Et elle leva les deux mains en croisant les doigts.
16
QUe D’iLLUSIoNs !
Une demi-heure plus tard, les quatre amis s’installèrent dans la cabane
située dans un arbre derrière le cottage des Roches. Jack, Scott et Emily
adoraient s’y réfugier pendant leurs missions… Surtout depuis que tante Kate
leur apportait de quoi reprendre des forces : des bonbons, des sandwichs…
Cette fois, elle leur avait préparé du pain grillé, tartiné de beurre doux et de
marmelade. Délicieux !
Bella ne cacha pas son amusement lorsqu’ils hissèrent Drift dans un panier.
Elle s’installa confortablement sur des coussins, à côté de Scott et d’Emily,
tandis que Jack se glissait dans le hamac suspendu entre deux branches.
Emily sortit son carnet. Elle y noterait que Luca Romaldi avait des
problèmes d’argent plus tard, lorsque Bella ne serait plus là. À la place, elle
entoura le nom de Mike Turnbull dans la liste de suspects et ajouta deux
étoiles à côté. Puis elle posa la question qui lui trottait à l’esprit depuis
qu’elle avait vu sa propre chaînette dans la main de Mike.
– Bella, est-ce que Mike aurait pu prendre ton bracelet auquel la clé du
coffret est attachée sans que tu t’en aperçoives ?
– J’y ai pensé, admit Bella. Pendant les spectacles, on se retrouve tous en
coulisses, et parfois, on est très près les uns des autres. Il l’a peut-être
subtilisé juste avant que je la fixe avec du scotch. Mais il n’a pas pu la garder
longtemps : je m’en serais rendu compte.
Scott acquiesça.
– Mais pour ouvrir le coffre, Mike aurait besoin de la clé qu’Enzo a autour
du cou, et également de celle que Lucas garde avec sa montre. Comme Bella,
ils s’apercevraient vite qu’ils ne l’ont plus.
– Il ne lui faudrait les clés que très peu de temps : juste pour fabriquer un
moule, souligna Emily. Ensuite, il ne reste plus qu’à faire des doubles de
chaque clé.
– Tu as raison. On peut créer une empreinte dans du savon. Tu appuies, et
hop, tu as la forme… J’ai vu ça dans un film, ajouta Bella. Dans une histoire
de prisonniers qui s’échappaient.
– Avec une matière souple, on peut créer des doubles soi-même, précisa
Emily. Par exemple, de la cire, de l’argile, du savon… Ensuite, on fait fondre
du métal qu’on verse dans le moule et le tour est joué. On peut même acheter
des kits sur Internet et…
Scott l’observa d’un air amusé.
– Sur quels sites tu es allée surfer, Emily ? Cambriolage-facile.com ?
Emily lui lança un coussin à la figure.
– Je faisais des recherches de matériels destinés aux détectives privés,
c’est tout !
Puis, de nouveau, elle nota quelque chose dans son carnet.
– Bon, il nous faut un plan d’action. Si Mike a volé le rubis, il a dû le
cacher quelque part.
Emily, Scott et Bella s’efforçaient de trouver une solution pour réussir à
fouiller dans la caravane de Mike Turnbull quand Jack poussa un cri perçant.
Ils avaient oublié qu’il s’était endormi dans son hamac ! Sauf qu’il venait de
tomber par terre en se tapant les jambes et en s’agitant dans tous les sens
comme un pantin désarticulé.
– Une araignée ! Une araignée !
Croyant qu’il s’agissait d’un nouveau jeu, Drift se mit à bondir autour de
lui.
– Elle vient de grimper sur ma jambe !
– Elle est grosse ? demanda Bella en se précipitant pour l’aider.
– Énorme !
Jack écarta les mains pour indiquer une créature ayant la taille d’une
tarentule.
– Et je vous jure qu’elle est velue !
Scott esquissa une grimace horrifiée.
– Aïe… C’est sûrement une araignée des arbres de Cornouailles ! Sa
morsure peut être fatale.
– Fatale ? répéta Jack, terrifié. Oh non…
Paniqué, suffoquant presque, il s’efforça de se protéger avec son short…
qu’il s’apprêta à baisser. Emily se pencha aussitôt et attrapa l’araignée noire
posée sur le genou de Jack. Quand même, il n’allait pas danser en caleçon
devant Bella !
Jetant un coup d’œil à l’insecte, Jack comprit que Scott s’était moqué de
lui… Et entreprit de se bagarrer avec lui.
Bella éclata de rire.
– C’est drôle, je ne connais qu’une seule personne qui craint autant les
araignées : Mike Turnbull. La dernière fois qu’il en a vu une, il a failli avoir
une crise cardiaque !
– Sérieusement ? Alors là, c’est génial ! ajouta Emily.
Elle ramassa l’arachnide, qui n’était pas si volumineux que ça, et le plaça
dans une boîte à allumettes qu’elle gardait toujours dans son sac pour y
conserver des indices.
– Cette bébête est notre sésame pour entrer dans la caravane de Mike
Turnbull !
Puis elle leur exposa son idée.
Ils durent attendre le lendemain midi pour mettre leur plan à exécution.
Mike Turnbull était assis devant sa caravane, en train de manger un
sandwich, quand Emily, Jack et Scott s’avancèrent vers lui.
– Bonjour ! On aimerait bien que vous nous montriez comme vous avez fait
le truc du collier, vous savez ? demanda Jack avec politesse.
– Quelle horreur ! s’exclama Emily au même instant.
Elle contempla Mike, plaqua une main sur sa bouche et recula
précipitamment.
– C’est la plus grosse araignée que j’aie jamais vue !
Qu’elle était douée pour jouer la comédie !
Au même instant, Scott se pencha et, de la boîte d’allumettes, laissa sortir
l’araignée qu’ils avaient récupérée sur l’arbre la veille. Elle grimpa aussitôt
le long de la chaise de Mike puis rampa sur la jambe de ce dernier.
– Aaaaaah ! s’écria-t-il.
Il se leva d’un bond et faillit s’étouffer avec son sandwich.
Jack esquissa une moue dégoûtée en regardant la bestiole à huit pattes
courir dans l’herbe. Mais Scott parvint à rattraper, à la remettre dans la boîte
avant de faire semblant de la laisser tomber.
– Oh, non, je l’ai perdue !
– Où ? Où est-elle ? balbutia Mike.
Emily désigna la porte ouverte.
– Elle vient de rentrer chez vous.
Mike resta bouche bée, livide. On avait l’impression qu’il s’apprêtait à
s’évanouir.
– Je… Comment dire…
– Ne vous inquiétez pas, on va vous en débarrasser ! proposa aussitôt
Scott.
– Vraiment ? Merci beaucoup, soupira Mike en s’affalant sur sa chaise.
Jack, Scott et Emily se précipitèrent à l’intérieur. Ils se lancèrent des
phrases du style « Attention, elle a filé sous le tapis ! », « Vite, elle est là-
bas ! » tout en cherchant autre chose…
Un rubis, par exemple.
La caravane était petite, parfaitement rangée, et il ne leur fallut pas
beaucoup de temps pour se rendre à l’évidence : ils ne trouveraient rien.
– Vous l’avez eue ? interrogea Mike, toujours dehors, la voix tremblante.
– Euh… bientôt ! assura Emily.
Elle avait l’intuition qu’ils devaient insister. Mike Turnbull ne lui inspirait
pas confiance… Pas du tout. Et comme par hasard, à l’instant où cette
réflexion jaillissait de son esprit, elle découvrit une petite boîte étrange dans
l’un des tiroirs du bureau. À l’intérieur, des morceaux de métal et de l’argile
à modeler…
– Intéressant, murmura-t-elle.
Elle se hâta de prendre une photo avec son portable. À peine eut-elle rangé
l’objet suspect que Mike apparut sur le seuil de la porte.
– Alors ?
– Alors…
Scott bondit vers un fauteuil.
– On la tient ! lança-t-il en levant ses mains jointes.
Emily lui passa la boîte et il fit semblant de glisser l’araignée à l’intérieur.
– Vous voulez la voir ? demanda innocemment Scott.
Il agita la boîte sous le nez de Mike, commença à l’entrouvrir…
– Non, non, emmenez-la ! cria Mike, les yeux écarquillés d’effroi.
Mais une fois que la créature tant redoutée fut relâchée dans la nature, il
retrouva son calme et leur offrit des glaces pour les récompenser.
Emily se sentait quand même un peu coupable d’avoir joué un tel tour à
Mike Turnbull. Mais ils ne s’étaient pas rendus dans la caravane pour rien…
Jack, Scott et Bella ne purent dissimuler leur enthousiasme lorsque, de retour
dans la cabane en haut de l’arbre, elle leur montra la photo qu’elle avait
prise.
– Cette pâte à modeler est parfaite pour faire un moule, expliqua-t-elle. Et
le métal peut être utilisé pour fabriquer la clé. Il fond probablement à
faible température. C’est sans doute de l’étain ou du plomb.
Jack sourit. Elle en savait, des choses ! C’était impressionnant. Il échangea
un check avec Emily.
– Donc ce bonhomme aux yeux bizarres est notre voleur de rubis !
– Et ça prouve que papa est innocent ! fit Bella avec soulagement. J’ai hâte
de le dire à tout le monde.
– Attends encore un peu, recommanda Scott. On peut avoir des
présomptions mais on n’a aucune certitude. Peut-être que Mike utilise cette
pâte pour créer des figurines, des petits soldats ou ce genre de choses !
– Tu as vu des figurines… ou ce genre de choses dans sa caravane ?
rétorqua Jack.
– Scott a raison. Même si on se pose des questions à propos de Turnbull le
devin, on n’a aucune preuve, dit Emily.
Jack poussa un long soupir. Pourquoi Emily était-elle toujours d’accord
avec Scott ? Même si son frère, au fond, n’avait pas tort…
– Alors qu’est-ce qu’on fait ? On va le voir et on lui dit : « Monsieur
Turnbull, on vous soupçonne. Et si, tout simplement, vous nous indiquiez
l’endroit où vous avez planqué la pierre précieuse ? » ajouta-t-il d’un ton
moqueur. Pas sûr que ce soit possible, ça…
Le visage d’Emily s’illumina.
– Mais si ! Jack, tu es génial ! On va juste se débrouiller pour que Turnbull
nous montre la cachette !
– Se débrouiller… sans utiliser d’araignée ? la défia Jack.
– Sans araignée, promit Emily en riant. Il faudrait juste que Bella et Mike
soient au même endroit. Bella arrive et, toute contente, elle déclare à Mike
que quelqu’un a retrouvé le rubis. Ensuite, nous, on n’a plus qu’à surveiller
Mike… Si notre intuition est juste, il finira par filer à l’endroit où il a
dissimulé l’Œil du Feu, pour vérifier ! Et là, on le prend en flagrant délit.
– Oui, c’est génial ! s’exclama Jack. Enfin… Je suis génial.
– Oui, c’est pas mal, comme plan, admit Scott. Ça marchera peut-être.
– Il faudra bien, renchérit Bella.
– Et toi, tu sauras jouer la comédie ? interrogea Scott. Si jamais il
s’aperçoit que tu racontes n’importe quoi…
– Aucun problème, coupa Bella. Je veux prouver l’innocence de mon
père ! Et je sais à quel moment on ira voir Mike : juste avant le spectacle de
ce soir. Mike et d’autres artistes de la troupe s’installent toujours à l’arrière
du chapiteau pour jouer au poker pendant que les techniciens font des essais
de son et de lumière.
– Waouh ! Impeccable, déclara Jack avec encore plus d’enthousiasme. Tu
débarques et tu annonces la nouvelle… Tadam ! Ensuite, on surveille la
réaction du devin…
18
ŒiL CoNtRe ŒiL
Drift gratta la jarre avec ses pattes. Que fabriquait Emily à l’intérieur ?
S’agissait-il d’un jeu de cache-cache ? Non, Emily ne se serait pas cachée
sans lui. Il aurait dû aboyer contre l’étrange homme vert, ou essayer de le
mordre… Et pourquoi avait-il mis Emily dans ce tonneau ? C’était ridicule !
Mais les humains agissaient souvent de manière incompréhensible. Mais s’il
était sûr d’une chose, c’est qu’Emily avait peur. Il sentait sa peur à travers
les petits trous du tonneau.
De nouveau, avec de légers coups de griffes sur le bois, il lui dit qu’il était
là.
Il ne supportait pas qu’Emily soit effrayée.
Reculant dans un coin, il frissonna, queue basse, oreilles aplaties. Peut-
être était-elle coincée. Une fois, Drift avait déjà été piégé dans un terrier de
lapin. Il s’y trouverait encore si Emily ne l’en avait pas sorti. Maintenant, il
savait qu’Emily avait besoin de son aide.
Un gémissement proche d’un grognement s’échappa du pot géant. Ça
ressemblait au bruit que faisaient Jack et Scott lorsqu’ils se lançaient dans
une bataille de coussins. Oui, c’est ça ! Réfléchis ! Jack et Scott sauraient
quoi faire.
Et lui, il devait coûte que coûte retrouver les garçons.
Drift renifla chaque millimètre des parois du camion, à la recherche d’une
issue. Mais les seules bouffées d’air frais provenaient d’une petite fenêtre
tout en haut. Même un humain ne pourrait l’atteindre. Il grimpa sur un tas de
tapis, essaya… Et n’y parvint pas. Il n’était pas un écureuil ! Ni un chat… Il
détestait l’admettre, mais les chats réussissaient à se faufiler n’importe où,
quelle que soit la hauteur. Le seul chien capable de grimper était Mimi.
Pensant à Mimi, Drift releva les oreilles. Mimi serait sans doute très
douée, elle qui était la reine de l’équilibre, pour se glisser jusqu’à cette
fenêtre… Mais là, pas de Mimi.
Drift appuya le museau contre une longue perche posée contre la paroi,
près des tapis. Elle bascula et il bondit aussitôt en arrière. Il examina alors le
montant métallique qui, en tombant, se retrouvait avec l’extrémité logé dans
le coin de la petite fenêtre. S’il avait été Mimi ou – pensée insupportable ! –
un chat, il aurait réussi à s’y agripper pour atteindre la vitre !
Du bout de la patte, il fit bouger la barre. Elle vibra.
– Mmmmmmm !
Un nouveau gémissement provint du tonneau.
Il ne pouvait pas laisser Emily là-dedans.
Le petit chien plaça une patte autour de la perche, puis une autre… Et
glissa. Il se rappela alors de Mimi qui, lorsqu’elle accomplissait ses
numéros, regardait devant elle, la queue dressée, le dos bien droit. Et s’il
l’imitait ?
Oui, ça fonctionnait mieux ainsi… Surtout lorsqu’il gardait Mimi en tête !
À la septième tentative, Drift parvint en haut de la perche.
Un petit grillage couvrait la fenêtre, que la perche avait faite bouger. Drift
en attrapa un coin du bout des dents et le secoua comme s’il s’agissait d’un
rat. Grrrr ! Il glissa jusqu’en bas du montant… et réussit, en même temps, à
déchirer le grillage qui tomba avec lui. Il n’avait plus qu’à grimper de
nouveau tout en haut et à passer de l’autre côté de la vitre. Il s’exécuta
rapidement, se faufila tant bien que mal par l’ouverture… et gémit de douleur
lorsque deux de ses pattes s’enfoncèrent sur le rebord métallique coupant.
Mais il était prêt à sortir…
Peu de temps auparavant, sous la piste, rampant tant bien que mal, Scott
avait déclenché l’ouverture de la trappe… Et Emily avait atterri sur sa tête en
gémissant. Il avait étouffé un cri… et réagi aussitôt malgré tout, lui ôtant son
bâillon et coupant les liens qui lui maintenaient les poignets et les chevilles
avec son couteau de poche. Ensuite, ensemble, ils s’étaient faufilés à plat
ventre jusqu’à l’issue prévue sur le côté de la piste du cirque : ils voyaient un
rai de lumière qui s’y infiltrait depuis l’extérieur.
Engourdie par la longue immobilité qu’elle avait subie, Emily avait eu du
mal à suivre, et elle s’était traînée en ayant l’impression d’être telle une
sirène échouée sur le rivage ! Le parcours lui avait semblait être
interminable.
Parvenant enfin au bout, Scott aida Emily à se faufiler à travers la trouée
dans le bois. Elle se glissa à moitié puis resta coincée… Impossible de faire
passer ses jambes ! Scott commença à perdre espoir. Il n’y arriverait donc
jamais ? Mais à ce moment-là, Emily fut littéralement tirée vers le haut par
quelqu’un…
Scott suivit et découvrit Emily allongée sur l’herbe, inspirant l’air frais à
pleins poumons pendant que Jack et Bella l’enlaçaient affectueusement, et que
Drift lui léchait la figure.
– Trop géant, tout ça ! s’écria Jack. Tu nous as fichu une de ces frousses,
Emily ! On a cru que tu avais été découpée en tranche comme une pastèque !
– Moi aussi, j’ai eu la trouille, dit Emily d’une voix rauque, tant sa bouche
était sèche.
Elle avait les poignets rougis à l’endroit où les cordelettes avaient cisaillé
sa peau, et elle ne pouvait toujours pas bouger les jambes. Mais ce n’était pas
grave. Elle était en vie, et ça, c’était merveilleux ! Elle avait encore du mal à
y croire. La première épée avait réellement traversé la jarre, manquant sa
poitrine de quelques millimètres car elle avait pu se caler sur le côté. Elle
avait vu la pointe de la deuxième lame qui perçait le bois à un autre endroit,
et elle avait su qu’elle ne pourrait pas l’éviter : son cœur était directement
visé. Le métal commençait à la toucher quand le fond du tonneau s’était
ouvert et elle avait basculé sur la tête de Scott. S’il était arrivé ne serait-ce
qu’une seconde plus tard… Emily frissonna. Inutile d’y penser maintenant.
Elle câlina Drift pour cacher les larmes qui coulaient de ses yeux. Des larmes
de joie. Puis elle le souleva pour le regarder. Il lui lécha le bout de nez avec
tellement d’affection qu’elle faillit ne plus pouvoir respirer.
– Je n’ai toujours pas compris comment Drift a pu sortir du camion, dit
Bella.
Emily ne le savait pas non plus. Mais il avait trouvé le moyen de se sauver
et d’aller chercher de l’aide. Il était vraiment le meilleur chien du monde !
De même, Jack, Scott et Bella étaient les meilleurs amis du monde.
– Il faut vite prévenir la police, dit soudain Emily. Mike Turnbull a volé le
rubis, c’est sûr et certain.
– Donc ce n’était pas mon père, dit Bella. Je le savais.
Puis elle sourit avec tristesse, perturbée malgré tout par cette vérité. Emily
la serra affectueusement, pour essayer de la consoler.
– Pourquoi il a fait ça ? demanda Jack.
– Pour l’argent, évidemment ! D’ailleurs, j’ai…
S’interrompant, Emily fouilla dans sa poche.
– Le mieux, c’est d’écouter ses propres paroles.
Le sourire aux lèvres, elle brandit son portable.
– J’ai réussi à lancer l’enregistrement avant qu’il ne m’attache !
Elle appuya sur « play », augmenta le son au maximum et tous entendirent
Mike Turnbull acquiescer aux questions d’Emily. Il était tombé dans le piège
de la jeune détective en herbe.
– Waouh ! Des aveux complets ! L’inspecteur Hassan n’a plus qu’à partir
en vacances, plaisanta Scott. On a fait le travail à sa place.
À ce moment-là, Luca et Sylvia sortirent du chapiteau.
– Bella ! On t’attend ! appela son père.
– Papa, maman, j’ai une nouvelle incroyable à vous apprendre ! annonça
Bella en les rejoignant.
– Plus tard, ma chérie, répondit sa mère. On a un numéro de trapèze à
accomplir, tu te souviens ?
Bella courut vers eux, bras déployés comme des ailes. À croire qu’elle
s’envolait déjà…
22
La RÉCoMpEnSe
ADVENTURE ISLAND
LE MYSTÈRE DU RUBIS MAUDIT
Titre original
The Mystery of the Cursed Ruby
© Helen Moss 2011
Carte, © Leo Hartas 2011
Publié pour la première fois en 2011
par Orion Children’s Books
Une division de Orion Publishing Group Ltd
(Orion House, 5 Upper St Martin’s Lane, London WC2H 9EA)