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Syndrome Calimero : pourquoi certains se plaignent-ils tout le temps ?

Avec eux, toutes les petites contrariétés du quotidien deviennent un prétexte pour se plaindre,
se lamenter. Les « Calimeros », appelés ainsi en référence au petit poussin ronchon avec sa
coquille sur la tête, ont une fâcheuse tendance à nous agacer. Pourtant, derrière leurs
jérémiades, se cache bien souvent une vraie souffrance. Eclairage avec Saverio Tomasella,
psychanalyste et auteur de l’ouvrage Le Syndrome de Calimero (Albin Michel).

Propos recueillis par Mathieu Blard

Pourquoi les Calimeros se plaignent-ils tant ?

Saverio Tomasella : La plupart du temps, les personnes qui se plaignent beaucoup ont vécu
des injustices réelles et craignent d’en être de nouveau victimes. Certains Calimeros peuvent
aussi avoir subi de grandes hontes, des humiliations, des moments de rejet et d’abandon. Des
traumatismes graves dans la généalogie (spoliation d’héritage, ruine, exil) peuvent également
marquer un enfant, qui va se retrouver en position de porte-parole et se plaindre de manière
importante à la place de sa famille. Souvent, les plaintes exprimées couvrent donc des
problèmes bien plus importants. Plutôt que de parler d’un souci trop intime, par pudeur, les
Calimeros vont râler à cause du train en retard, du café trop chaud… L’expression de la
douleur, de la gêne, se reporte sur quelque chose de bénin.

Quand devient-on un « Calimero » ?

Saverio Tomasella : Nous sommes tous des Calimeros lorsque des évènements de notre vie
sont difficiles à vivre, nous font ressentir de la souffrance, de l’incompréhension ou de
l’injustice. Lorsqu’elle est ponctuelle, la plainte est positive car elle permet d’attirer
l’attention. C’est un moyen de faire évoluer la situation lorsque l’on rencontre un problème au
travail, dans une relation, dans la famille… Mais il existe des personnes qui s’apitoient sur
leur sort de manière répétitive. On devient un « Calimero » lorsqu’on fait de la plainte, de
l’apitoiement, un schéma relationnel, une manière d’être en relation.

Ces formes de plaintes sont-elles un appel à l’aide ?

Saverio Tomasella : Les Calimeros ont surtout besoin d’entendre que l’on reconnaît leur
souffrance. Chez certaines autres personnes, moins nombreuses, il existe parfois une forme de
complaisance, qui se caractérise par un manque d’effort ou une forme de paresse et qui
consiste à laisser pourrir la situation pour continuer à se plaindre. Enfin, une minorité prend
plaisir à la souffrance ou cherche à attirer l’attention.

En conséquence, ignorer ou railler ces plaintes aggrave-t-il la situation ?

Oui. Souvent, une personne qui a besoin de se faire entendre devient « Calimero » parce
qu’elle est obligée d’insister pour être écoutée. Un enfant, un adolescent ou même un adulte
qui n’a pas été entendu alors qu’il a vécu une injustice, va entrer dans un processus de
répétition de sa plainte. Lorsque la douleur et la plainte sont raillées, alors, il s’agit d’une
nouvelle injustice. Si l’on se moque d’une personne exprimant une souffrance, on risque
vraiment de renforcer sa propension à gémir.

Que faire pour se plaindre moins et mieux ?

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Saverio Tomasella : Concrètement, les Calimeros peuvent tenter de remplacer la plainte par
l’expression très factuelle, descriptive, d’un événement ou d’un ressenti, plutôt que de
s’apitoyer généralement sur leur sort. Par exemple au lieu de dire, “c’est toujours sur moi que
ça tombe“, expliquer son problème, “aujourd’hui, je suis allé au distributeur pour retirer de
l’argent. L’appareil a avalé ma carte. Je suis furieux, je n’ai plus de moyen de paiement”. On
évite ainsi l’amalgame vague de l’apitoiement. Ensuite, on expose aux autres très clairement
le problème. Dans ce cas, ils peuvent se sentir concernés et proposer leur aide. Lorsque nous
râlons de manière générale, personne ne peut nous proposer de solution concrète.

Justement, comment aider un proche qui se plaint tout le temps ?

Saverio Tomasella : La première chose que l’on peut faire avec un proche plaintif, c’est
prendre le temps de l’écouter en lui posant des questions pour comprendre ce qui ne va pas.
Parfois, lorsqu’elle est vraiment respectée et renouvelée, cette étape peut suffire. Pourtant,
dans certains cas, il peut être nécessaire de dire à l’autre : « Je fais ce que je peux, je ne peux
pas plus. Je peux t’écouter, faire des efforts. Maintenant, c’est à toi de trouver des solutions à
ces problèmes. » La limite que l’on pose met le plaintif face à lui-même, en lui montrant qu’il
ne peut pas déverser incessamment son mécontentement sur une seule personne. Cette butée
est importante et porte souvent ses fruits. Soit le Calimero se plaint à quelqu’un d’autre, soit il
comprend qu’une thérapie ou, du moins, un changement est nécessaire.

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