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RIVE­DE­GIER

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Toute une vie au bord des rails


Témoignage. Depuis plus
de 40 ans, le couple
Chomienne habite une
maison au bord de la voie
ferrée. Les trains, ils les ont
apprivoisés.

«V
oilà 40 ans que
j’habite le long
de la voie
ferrée. »
Avec le temps, Jean Chomien­
ne s’est habitué au bruit inces­
sant des trains qui passent près
de son domicile, impasse Bour­
bouillon, à la limite entre Rive­
de­Gier et Châteauneuf.

« Rien à voir
avec le boucan
que faisait
la verrerie »
Jean Chomienne, retraité
16 000
C’est le nombre de voyageurs
qui empruntent, chaque jour,
Il n’y prête pas attention. « Le
la ligne Saint-Étienne/Lyon.
train de 12 h 20 qui vient de
Une ligne à fréquence élevée
Sainté, on ne l’a même pas
puisqu’elle propose un train
entendu ce midi, alors qu’on
toutes les 10 à 30 minutes.
déjeunait dans le jardin. » n Jean Chomienne, assis sur le muret devant sa maison. Photos Marion Saive
Les époux Chomienne connais­
sent les horaires par cœur. Une retraité de l’usine sidérurgique sation. Puis reprend le fil, une qu’il en vienne un seul.» dent. Ce regain de précaution
routine qui rend les trains Marrel (aujourd’hui Arcelor fois le train passé. Question Ces années passées près des leur a permis de sauver une vie.
aphones : « Souvent, la nuit, Mittal), située en face de la d’habitude. rails lui laissent des souvenirs Celle d’un vieil homme de la
on dort même les fenêtres maison, de l’autre côté de la agréables. « Quand j’étais vallée du Couzon, atteint de la
ouvertes. »
Mais deux convois les déran­
voie.
Cette maison, c’est l’arrière­
Des souvenirs gamine, les cheminots pas­
saient sur leurs wagons de
maladie d’Alzheimer, qui titu­
bait sur la voie ferrée. Jean
gent toujours autant. Celui de grand­père de son épouse agréables sable, ils effectuaient leurs n’avait pas hésité à sauter sur la
4 heures du matin, « une
soixantaine de wagons de mar­
Danielle, boulanger à Saint­
Étienne, qui l’avait achetée. «À
et d’autres manœuvres et en profitaient
pour faire un brin de causet­
voie pour le sauver. « On a dû
appeler deux­trois fois la police
chandise qui défilent », plus l’époque, le chemin de fer plus pénibles te », se rappelle­t­elle. pour des cas similaires. Il n’y a
long que les autres donc plus n’existait pas. » Danielle a D’autres moments, plus péni­ pas de barrière au bout de la
assourdissant. Et « le train du passé son enfance dans cette « C’est comme habiter en bor­ bles à vivre, l’ont aussi mar­ rue, les gens peuvent très faci­
feuilleton télé », qui déboule demeure transmise de généra­ dure d’autoroute », plaisante­t­ quée. « Il y a quatre ans, un lement accéder au chemin de
passées 22 heures, et coupe tion en génération. Elle a elle, avant d’ajouter : « J’ai une jeune homme est passé dans fer », regrette­t­il.
par fois un moment clé de connu les trains à vapeur, « qui amie pour qui c’est le cas. Je notre rue. Il a garé sa voiture, Si le couple n’a jamais eu
l’intrigue du téléfilm. laissaient derrière eux une suis allée plusieurs fois chez nous a dit bonjour et a continué l’intention de quitter sa
Une gêne, certes, mais qui n’a grande traînée noire et qui elle et je trouve que l’on entend son chemin. On ne lui a pas maison, Danielle pense parfois
« rien à voir avec le boucan que enfarinaient la tête des gars ». beaucoup plus les voitures, prêté plus attention que ça. Peu au pire : « J’espère juste qu’il
faisait la verrerie, quand elle Mariée à Jean, à 22 ans, elle a c’est plus régulier. On ne pour­ après, la police est arrivée. On a n’y aura pas un train qui
marchait encore avec le gron­ réinvesti les lieux. rait pas tenir, nous. Alors que compris qu’il avait passé la bar­ déraillera, un jour, parce qu’on
dement du four et le cliquetis Lorsqu’un train surgit, elle les trains, c’est par à­coups. Il rière et qu’il s’était suicidé. » sera en première ligne… » n
de la vaisselle », rapporte ce baisse la voix, stoppe la conver­ peut se passer une heure sans Depuis, le couple observe. Pru­ Marion Saive

La ligne Saint­Étienne/Lyon
En 1827, s’ouvre la première relient Givors à Lyon, puis
voie ferrée d’Europe conti- Rive-de-Gier à Saint-Étienne.
nentale. Elle relie Saint- Il faudra attendre 1833 pour
Étienne aux rives de la que la liaison Saint-Étienne/
Loire. Lyon soit totalement opéra-
Pour assurer des livraisons tionnelle.
de charbon plus régulières 14 tunnels et un viaduc sont
et à meilleur prix entre la construits sur 58 km, à
Loire et le Rhône, Louis-An- deux voies sur la presque
toine Beaunier, directeur de totalité du parcours.
l’école des Mines de Saint- Aujourd’hui, avec plus de
Étienne, prévoit de construi- quatre millions de voya-
re un tronçon pour relier geurs par an (soit environ
Saint-Étienne à Lyon. 16 000 voyageurs quoti-
En 1830, le duc d’Orléans diens), cette ligne représen-
inaugure le trajet entre te près de 10 % du trafic
Givors et Rive-de-Gier. Deux ferroviaire de la région Rhô- n La maison des Chomienne donne sur la voie ferrée et sur l’ancienne sidérurgie Marrel, dont on peut apercevoir la cheminée
ans plus tard, des trains ne-Alpes. sur la gauche.

42D
18 n LE PROGRES - DIMANCHE 23 AOÛT 2015

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