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Le litoral Nord de Bahia et ses spécificités foncières et environnementales

Lídia Maria Pires Soares Cardel

A partir du recueil de données notariales, de recensements fonciers et


démographiques réalisés au long des cinquante dernières années, cette recherche se
propose d’analyser la dynamique foncière d´une base territoriale et socio-
environnementale du Littoral Nord de Bahia, et comprendre de quelle manière se sont
développés les processus d´implantation des espaces touristiques et de la construction
civile sur des terres et des territoires d´identité de groupes sociaux traditionnels. Dans
cette perspective, nous avons cherché à appréhender, par le biais d´analyses
documentaires et de recherche de terrain dans la région du Littoral Nord de Bahia, les
bouleversements qui ont affecté le profil d´utilisation des espaces et territoires d´usage
commun (aires de cordons littoraux, mangroves, sources, lieux de pêche, cultures, entre
autres) utilisés par différents groupes traditionnels liés à la pêche, à l´extractivisme et à
l´agriculture familiale. Ces espaces ont été progressivement occupés par des resorts, des
hôtels et des auberges associés à des activités de loisir spécifiques – nautiques, randonnée,
observation de baleines et de tortues, et tout ce qui peut être vendu sous la forme d´une
activité ludique et de loisir – ainsi que par des massifs de reforestation d´eucalyptus qui
ont provoqué une brusque réorganisation sociale, culturelle et économique des espaces
occupés.
L´intervention de l´Etat dans cette région, depuis la décennie de 1970, a créé deux
fronts de reproduction du capital : la région du district forestier énergétique et la région
du tourisme environnemental (écotourisme) comportant des Aires de Protection
Environnementale (APA). Cette intervention, associée à l´attribution d’avantage fiscaux
aux entreprises de reforestation1, de tourisme et de construction civile, a favorisé la
propriété privée de la terre au détriment de l´utilisation d´aires communes par les
populations locales, donnant ainsi lieu à un processus de lutte pour les terres

1
Dans la seule période de 2001 et 2002, le BNDES a prêté 2,4 milliards de R$ à des entreprises de cette
industrie. La recette au premier trimestre a été de 763 millions de R$, en hausse de près de 157 % en
comparaison de la facturation de 296,4 millions de R$ à la même période de l’année antérieure. Le volume
de celluslose produit a atteint 497.000 tonnes, en augmentation de 56% (LOPES, 2001, p.69
2

récupérables2, dans la mesure où les propres contradictions internes et externes de ce


capital en limitaient la reproduction, tout comme la crise du modèle énergétique et de la
production de cellulose, ainsi que la crise du tourisme envionnemental local. Le Littoral
Nord constitue ainsi une scène idéale d´observation de l’affrontement dialectique entre
tradition et modernité et des ambiguités nées des convergences et des décalages entre
cosmologies et modes de vie différents.
Sur cette scène, les acteurs locaux circulent au sein d´un territoire reconfiguré et
créent de multiples stratégies de ré-articulation du tissu social local au moyen de luttes
pour la terre sur des aires d´occupation et de reconquête (communauté de Nova
Itapecerica), par la restructuration des identités collectives – c´est le cas des populations
des communautés de Diogo,3 Santo Antônio,4 Areal,5 Curralinho,6 Vila Sauípe7 et des
communautés quilombolas8 actuellement insérées dans la Réserve Sapiranga9 –, par la
réélaboration du savoir/faire confronté à la modernisation et la la standardisation de
l´artisanat local, ainsi que par la ré-articulation des formes de travail. Nous observons
actuellement, d´une part, une articulation complexe du processus productif local où les
acteurs et les groupes sociaux luttent pour leur autonomie et, de l´autre, une réalité qui
impose l´inégalité de la participation des anciens acteurs sociaux au sein des nouveaux
processus productifs locaux.
Dans ce contexte, la proposition méthodologique de cette recherche associe des
techniques qualitatives et quantitatives. Afin d´élaborer un dialogue interdisciplinaire

2
NDT : Il s´agit de terres qui avaient été accaparées par de gros propriétaires ou des entreprises puis ont
été de nouveau occupées par des pêcheurs et des agriculteurs.
3
Selon les données fournies par l’agent de santé, Diogo possède 92 résidences et 512 habitants fixes, hors
fluctuations, qui n’entrent pas dans la comptabilité du système de santé (données collectées en 2012)
4
Santo Antônio est un petit hameau d’habitants en bord de mer qui comptait, au moment de la recherche
(2012) 43 maisons et 203 habitants, selon les données recueillies directement auprès de l’agent de santé
local.
5
Selon des données reueillies en 2007 par Muricy et Perazzo (2009), cette communauté comptait 101
domiciles et 304 habitants
6
Lima (2009) a comptabilisé 95 familles et 237 habitants résidant dans cette communauté. S’agissant d’une
communauté qui a accueilli une bonne part de la main d’oeuvre migrante de la construction civile, seules
92 personnes sont natives et 145 viennent d’autres localités du Littoral Nord, de diverses communes et
états : Porto do Sauipe, Sátiro Dias, Lauro de Freitas, Salvador, Itabuna, chef-lieu de Mata de Sao Joao,
Alagoas et Sergipe.
7
Selon Andrade (2008), Vila Sauipe, localisée face au Resort Costa do Sauipe, sur le côté gauche de la
BA99, possédait en 2008 40 maisons et 204 habitants fixes.
8 NDT: ce sont les communautés descendantes de quilombo, mot d’origine bantoue qui désigne le refuge

où se rassemblaient les esclaves fugitifs


9
Voir le chapitre de Francisco Brito, dans ce même recueil intitulé “Entre intérêts économiques déguisés
en intérêts écologiques, et droits des communautés du Littoral Nord de Bahia ».
3

effectif entre tous les chercheurs engagés dans le projet qui a servi de base à l´accord entre
la Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (CAPES) et le Comité
Français d´Evaluation de la Coopération Universitaire et Scientifique avec le Brésil
(COFECUB) (Brésil/France), intitulé “Interactions bioculturelles et développement rural
durable dans une région de la Forêt Atlantique : savoir et pratiques naturelles, mobilités
et dynamiques territoriales”, nous reprenons la proposition formulée par Bourdieu (1976)
d´une plasticité épistémologique et méthodologique, sans perdre de vue la diversité des
champs scientifiques compris au sein de la ligne de recherche organisée en réseau. Dans
cet objectif, il nous a fallu découper l´espace de la recherche et réaliser un ample relevé
de documents historiques, tels que, les actes d’achat et de vente de terrains, les titres de
partage de succession, transmission de terres, relevés topographiques de propriétés
rurales, titres de terrains paroissiaux, reconnaissance de terres collectives, données et
documents historiques sur des terres dévolues10, inventaires, actes notariaux, pétitions,
registre des impôts territoriaux, contrats de location, et autres données pertinentes auprès
d´administrations gouvernementales de l´Etat de Bahia et chez les notaires municipaux
des villes appartenant à l´APA/Littoral Nord. Pour la recherche empirique dans les
communes d´Itanagra, Entre Rios et Mata de São João, soit des aires indubitablement
affectées par les massifs de reforestation d´eucalyptus11 et par les grands projets

10 NDT : Terres publiques de l´État ou aires appartenant à la Marine. Lorsque se produit une rupture de la
chaîne de succession, les terres privées reviennent à l´Etat.
11
). Au sujet de cet événement historique récent dans la région du Littoral Nord (le processus d´implantation
s’est produit de 1970 à 1975, et on estime aujourd’hui selon des données non confirmées, que l’aire du
massif occupe une surface d’environ 42.000 ha de terre dans les communes d’Itanagra, Mata de São João,
Esplanada, Entre Rios et adjacences) nous avons trouvé dans les documents prospectés l’information
suivante documentée dans un rapport de l’état : “Il n’y a ni aménagement ni zonage du territoire; il n’y a
pas de coordination des interventions publiques relatives aux plantations d’eucalyptus dans la région; pas
de politiques agricoles, de politiques foncières; pas de contrôle de légalité de la vente des terres, pas
d’études/normes spécifiques établissant pour les plantations des “indices” recommandables d’occupation
par commune. Il n’y a pas de représentation cartographique proposant une vision d’ensemble des conflits
anciens et actuels, ni du statut ni du traitement donnés à ces derniers dans les sphères administratives de
divers organes actifs dans la région ou judiciaires.” (GOUVERNEMENT DE L’ETAT DE BAHIA;
INSTITUT DE L’ENVIRONNEMENT, 2015). Cependant, pour souligner à quel point les Gouvenements
Fédéraux et d’Etats méconnaissent la superficie de plantation des massifs d’eucalyptus, un article récent
de Lima, Soares et Sousa (2013) indique qu’ “[...]il y a au Brésil 2,9 millions d’hectares de forêts plantées
principalement d’Eucalyptus grandis, qui occupent 55% de la surface totale, suivis de 17% d’Eucalyptus
saligna, 9% d’Eucalyptus urophylla, 2% d’E.viminalis, 11% d’hybrides d’E.grandis et d’E.urophylla et
6% d’autres espèces (CAMPOS et al., 2011). L´Etat de Minas Gerais est le plus grand producteur de cette
culture, pour 29% du total cultivé, suivi par São Paulo (22%) et Bahia (14%) (ABRAF, 2009). Toutefois,
le succès de la formation de forêts de haute production dépend, en grande partie, de la qualité des plants
produits qui devront survivre et résister à des conditions défavorables sur le terrain après la
transplantation, produisant des arbres à la croissance volumétrique économiquement souhaitable
(GOMES et al., 1991). La production de plants de qualité, leur survie et leur établissement sur le terrain
4

touristiques mis en oeuvre depuis les année 1970, nous avons réalisé un ample travail de
recherche documentaire dans les bureaux notariaux municipaux, et consulté différents
contrats portant sur les questions de vente, d´usage et d´enregistrement des terres, afin de
repérer la rupture de la chaîne de sucession des territoires en question. La carte suivante
montre le périmètre de recherche découpé et géoréférencé :

Carte 1 : interactions bioculturelles et développement rural Littoral Nord

Source: Acervo da pesquisa CAPES-COFECUB, NUCLEAR-UFBA (2012).

La démarcation de ce périmètre a aidé tous les membres de l´équipe de recherche


– anthropologues, sociologues, biologistes, ethno-botanistes et géographes – à construire
un territoire d´enquête à l´intérieur d´un périmètre plus étendu, comprenant l´APA

sont des facteurs primordiaux pour l’obtention du succès de la plantation d’espèces forestières à grande
échelle (SHIAVO et al., 2009)”.
5

Littoral Nord, qui s´étend sur une bande littorale de 10 km de de large sur 142 km, au
long de la côte littorale nord jusqu´à la frontière de l´état de Sergipe, totalisant une
superficie de 142.000 ha.12 Sur cette carte, on remarque tout de suíte une large tache
orangée qui correspond à la faille de l´image vectorielle, là où les satellites ne lisent pas
les images ou bien ne les rendent pas publiquement disponibles par le biais d´outils
gratuits comme Google Earth, par exemple. C´est justement ce même périmètre où, alors
que nous nous rendions sur le terrain pour collecter des données destinées au
géoréférencement, nous nous sommes trouvés face à d´innombrables propriétés privées
plantées d´eucalyptus, clôturées de fil de fer barbelé et munies d´affiches informant :
“propriété privée– Entrée interdite ».

Figura 1 – Fazenda com cultivo de eucalipto no Município de Mata de São João

Source: Acervo da pesquisa, fotógrafa Rejane Alves de Oliveira (2012).

12
L’Unité de Conservation de Protection Environnementale Littoral Nord (APA/LN) a été autorisée par le
Conseil d’Etat de l’Environnement (CEPRAM) ( résolution n° 544 du 12/03/1992), comme instrument
d´atténuation des impacts de la construction de la route BA 099, surnommée “route cicatrice” par les
communautés locales pour avoir coupé les territoires de plusieurs communautés reliées par des relations
économiques, sociales et de parenté.
6

Nous avons également observé un va et vient constant de camions transportant


des troncs, des ouvriers (non équipés des protections réglementaires pour le maniement
des machines), des plantations d´eucalyptus sur des aires appartenant aux communautés
(mais que les entreprises agricoles considèrent comme leurs), ainsi que des aires
apparemment dépeuplées mais où le travail de coupe d´eucalyptus dénonce l´action
constante de cette activité de monoculture.

Figure 2 – Troncs d´eucalyptus du massif de la commune d`Itanagra

Source: Acervo da pesquisa, Rejane Alves de Oliveira (2012).


7

La méthode de géoréférencement a donc été un outil important de compréhension


des multiples modes d'utilisation des espaces13, des territoires14 et de l´aire objet de la
recherche, ainsi que des routes empruntées par les personnes et les marchandises, de
l´extractivisme de la piaçava (Attalea funifera), de la pêche, de la mariscagem (NDT:
collecte de fruits de mer), de l'agriculture familiale, du tourisme à petite ou grande échelle,
mais aussi des impacts récents et des conflits sociaux et environnementaux, comme nous
le montrerons plus bas et comme l'illustrent d'autres chapitres de ce recueil.
Pour compléter la discussion sur l'ensemble de la méthodologie mise en oeuvre,
dans une perspective socio-anthropologique, nous avons exploité une méthodologie
qualitative, plus particulièrement d'observation participante, dédiée au recueil de la
mémoire sociale des communautés traditionnelles affectées par les grands projets
touristiques. En accord avec le principe de découpage spatial de la recherche, le travail a
porté sur les communautés suivantes de pêcheurs, d'agriculteurs familiaux et
d´extractivistes : Diogo, Santo Antônio, Areal, Curralinho e Vila Sauipe (commune de
Mata de São João), et Nova Itapecerica (commune d´Itanagra). Dans sa première étape,
la recherche a élaboré une large caractérisation socio-économique, réalisée à partir de
données secondaires recueillies auprès des administrations gouvernementales. La
seconde étape de recueil des données primaires (enquête de terrain, ethnographique et
sociographique) a conclu sa phase initiale après la fin de l'accord entre l'Université de
Strasbourg, à travers son Département d'Ethnologie, et l'Université Fédérale de Bahia,
par le biais de son Programme de Post-Graduation en Sciences Sociales, via

13
Comme le montre Haesbaert dans son dialogue avec Lefebvre : “[...] bien que Lefebvre se réfère toujours
à l’espace et non au territoire, il est facile de voir qu’il ne s’agit pas d’un espace au sens générique, et
encore moins d’un espace naturel. Il s’agit bien d’un espace-processus, un espace socialement construit,
un peu comme dans la distinction entre espace et territoire effectuée par des auteurs comme Raffestin
(1993[1980]. D’une certaine manière, nous pouvons affirmer que l’espace sur lequel travaille Lefebvre
est ‘un espace fait territoire’ à travers des processus qu’il appelle d’appropriation (qui commence par
l’appropriation de la nature elle-même) et de domination (plus caractéristique de la société moderne
capitaliste)”. (HAESBAERT, 2013, p.46).
14 Ce concept renvoie à la conception de Litlle (2002, p.254) qui définit le territoire et “[...] la territorialité

comme effort collectif d’un groupe social pour occuper, utiliser, contrôler et s’identifier à une parcelle
spécifique de son environnement biophysique, la convertissant ainsi en son ‘territoire’ ou homeland (cf.
Sack, 1986, p.19). Casimir (1992) montre comment la territorialité est une force latente en un groupe
quelconque, dont la manifestation explicite dépend de contingences historiques. Le fait qu’un territoire
surgisse directiement des conduites de territorialité d’un groupe social implique que tout territoire est un
produit historique de processus sociaux et politiques. Pour analyser le territoire d’un groupe quelconque, il
faut donc un abordage historique qui traite du contexte spécifique au sein duquel il a surgi et des contextes
au sein desquels il a été défendu et/ou réaffirmé”.
8

accord CAPES/COFECUB, en vigueur jusqu´en janvier 2014, accord établi par le projet
cité plus haut.
L'étude de l'imaginaire objectivé au sein de la mémoire collective des
communautés considérées nous a permis de structurer trois champs d'intérêts qui ont
dimensionné le dévoilement de la mémoire collective de ces groupes. Le premier s'est
concentré sur la description des histoires des communautés, établies dans l'imaginaire en
tant qu'élément central auquel se référent la structuration des relations de parenté et les
conditions d'appartenance territoriale. Le second champ d´intérêt, dérivé de ces histoires
originaires, appréhende la compréhension du rôle des familles et des groupes domestiques
par rapport aux positions de prestige et de pouvoir. Et le troisième champ focalise notre
analyse sur le processus de travail de la famille paysanne en tant qu´éthique et
reproduction du territoire/patrimoine et du savoir technique qui comprend le maintien du
monde matériel d'existence et du savoir/faire (pêche, extractivisme, artisanat, agriculture
familiale, parmi d'autres activités qui produisent l'autonomie du travail). D’un point de
vue pratique, afin d'organiser les enquêtes de terrain des différents chercheurs venant de
champs de connaissance distincts, mais reliés par le projet global de l´étude qui a
donné lieu à l'accord et à la recherche en réseau, nous avons établi les objectifs suivants
pour le recueil des données :

1. Chacune des communautés comprise dans le projet (Diogo, Santo Antônio, Areal,
Curralinho, Nova Itapecerica, Vila Sauipe) a constitué et/ou constitue l'objet de
recherche d'étudiants de master et de doctorat liés au projet au titre des échanges
de stages doctoraux et d'orientation de cotutelle.
2. En ce qui concerne la délimitation de l’espace spécifique de la recherche, nous
avons élaboré une carte géoréférencée du territoire objet de l'étude ainsi que les
cartes territoriales des communautés visées par nos recherches.
3. Nous avons contacté des informateurs privilégiés dans les communautés visitées
en vue du recueil de la mémoire locale avec comme thème de base les
modifications territoriales postérieures à 1970 (implantation du massif de pins et
d'eucalyptus, de la construction civile et du tourisme), la construction de la Route
BA 099 (Route Littoral Nord) et l'implantation de l´APA Littoral Nord à partir de
1992, par le Décret d´Etat n.º 1.046/92 du 17 mars1992.
9

4. En dernier lieu, nous avons visité les chefs-lieux d`Itanagra, Entre Rios et Mata
de São João afin d'y identifier les études notariales et les paroisses où réaliser
l’inventaire des documents historiques et des registres d´achat et vente de terres,
et autres données pertinentes, destinés à la construction d'une banque de données
multi-thématique sur le Littoral Nord de Bahia.15
5. Parallèlement à ces activités, nous avons enregistré des images (photos et films)
afin d'identifier les points géographiques de limites territoriales, les exploitations
familiales, les aires de cueillette de la piaçava et du cipó (plantes utilisées pour
l'artisanat local), et des aires réinvesties par les populations réinstallées.

Plus largement, cette recherche a cherché à combler un part des lacunes relatives
aux transformations subies par la région du Littoral Nord de Bahia suite à l'implantation
de l'Aire de Protection Environnementale (APA), les efforts se concentrant sur certains
aspects sociaux, économiques et culturels, fondamentaux si on se propose d’envisager la
question centrale de cette étude : dans quelle mesure les investissements et les politiques
publiques ont-ils réellement contribué au développement durable local, en particulier en
ce qui concerne les conditions de vie des populations locales ?
Nous nous sommes donc concentrés sur l´une des dimensions fondamentales
caractérisant le processus de développement d'une territorialité déterminée et qui
constitue l'un des objectifs exprimés aussi bien dans la politique de promotion du tourisme
qu'au sein des directives des Aires de Protection Environnementales mises en oeuvre au
niveau Fédéral et de l´état [Bahia] : à savoir les études sur le Zonage Economique et
Ecologique (ZEE) d'aires délimitées et contrôlées par l'Etat. Il s'agit, grâce à l'étude de ce
cas paradigmatique, d'apporter des éléments théoriques et méthodologiques qui pourront,
espérons-le, fournir les bases d’une évaluation critique ultérieure portant sur l'orientation

15
Este banco de dados está sendo concretizado por meio de um projeto à parte, intitulado “Processos de
territorialização, transformações fundiárias e territorialidade em comunidades tradicionais de Mata
Atlântica: análise sobre as alterações de saberes e práticas sociais e ambientais no litoral norte baiano”, e
consta com o apoio de três bolsistas PIBIC e três mestrandos vinculados do Núcleo de Estudos Ambientais
e Rurais (Nuclear/UFBA) (www.nuclearufba.org), núcleo certificado pelo Conselho Nacional de
Desenvolvimento Científico e Tecnológico (CNPq) desde 1999.
Cette banque de données se concrétise dans un projet à part intitulé “Processus de territorialisation,
transformations foncières et territorialité dans des communautés traditionnelles de la Forêt Atlantique :
analyse des altérations des savoirs et pratiques sociales et environnementales sur le littoral nord de Bahia”.
L´étude reçoit l’appui de trois boursiers PIBIC et trois étudians en master reliés au Groupe d’études
environnementales et rurales (Nuclear/UFBA) (www.nuclearufba.org), laboratoire certifié par le
Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq) depuis 1999.
10

et l'efficacité des politiques publiques de conservation environnementale et de


reconnaissance de territoires de communautés traditionnelles sur des aires d’expansion
du capital par la mise en oeuvre de politiques de développement régional.
Définir la découpe spatiale et temporelle de la recherche constituait le premier
grand défi pour parvenir à concilier deux perspectives différentes : l'une allait orienter la
construction des questions et des politiques environnementales et l'autre déterminer les
autres sphères de planification gouvernementale portant sur les politiques foncières, telles
que le secteur du bois (grandes propriétés de sylviculture de pins et d'eucalyptus), le
secteur de la construction civile (dédié à la construction de lotissements, resorts et travaux
publics) et l'industrie touristique (qui s’est structurée au gré des législations
environnementales génératrices d’aires d'exclusion sociale en fonction d´un critère
d´exception , comme c'est le cas des aires de protection ; APA, RPPN, entre autres).
Les études environnementales, comme les recherches en botanique, en
ethnobotaniques, en sociologie et en anthropologie liées à des recherches bioculturelles,
ont mis l'accent sur les aspects de la relation et de la délimitation homme/nature alors que
les études foncières se sont d'abord tournées vers l'analyse de la planification
gouvernementale de la gestion territoriale du Littoral Nord, puis, vers l'étude des
processus territoriaux et de mobilité populationnelle par le biais de micro-analyses
ethnographiques portant sur des communautés résistant de manière ambiguë aux
processus de modernisation du Littoral Nord de Bahia. Face à la nécessité de concilier
ces deux perspectives et vu la possibilité d'exploiter les données produites par des instituts
de planification, la recherche s'est développée sur deux niveaux d'analyse : un niveau
macro comprenant l'APA/LN et les communes dont les aires côtières forment cette Unité
de Conservation et qui sont traversées par la route BA099 ; un niveau micro, restreint aux
localités plus directement affectées par le tourisme, la construction civile et l'industrie du
bois avec ses plantations de pins et d'eucalyptus. Ce découpage a permis de réfléchir aux
dédoublements produits dans les sphères municipales par les politiques de développement
menées par le gouvernement de l'état, tout en rendant visible le rôle du tourisme et des
autres actions économiques locales comme agents de transformations des espaces et des
relations sociales dans les lieux où se concentrent effectivement les flux touristiques et
dans ceux qui, bien que ne recevant pas de visiteurs, subissent les impacts de cette activité
et des actions des secrteurs du bois et de la construction civile.
11

Pour choisir l'univers de la microanalyse, nous avons cherché à identifier les


localités plus directement affectées, aussi bien en fonction de la concentration des
entreprises et des flux touristiques que des interactions établies avec le secteur et les
principales destinations touristiques de l'aire étudiée. L´exploitation d´informations
socio-démographiques et économiques produites par des instituts de recherche et de
planification de l'Etat de Bahia16 a permis de renforcer cette perspective. Nous sommes
ainsi parvenus à circonscrire le champ de la recherche : les districts côtiers des communes
de Mata de São João, Entre Rios et Itanagra, où sont situées les localités de Praia do Forte,
Imbassaí, Santo Antônio et Sauipe, qui ont reçu, ces dernières années, les plus gros
investissements publics et privés de par l'implantation du secteur hôtelier et de services
destinés à répondre aux aux besoins du tourisme ; et les localités situées à l'intérieur,
comme Nova Itapecirica, Curralinho, Areal, Diogo et Vila Sauipe, qui entretiennent des
liens étroits avec les aires côtières, servant d'ailleurs de réserve de main d'oeuvre destinée
aux entreprises qui y sont installées. La composition des districts, comportant des localités
qui jouent des rôles différents dans le contexte régional, et où l'insertion des activités
économiques se décline localement, a permis de mieux appréhender les transformations
socio-culturelles en comparant des réalités distinctes. L'ensemble des chercheurs a pu
constater que, face au projet de développement proposé pour la région du Littoral Nord,
tous les domaines sociaux, économiques, culturels et politiques ont été modifiés et
articulés à des logiques de rationalité totalement étrangères aux personnes et groupes
traditionnels qui habitaient cette vaste région du territoire bahianais. Et que ces
modifications ont étéaccompagnées de profondes transformations des paysages, de
l'usage des ressources naturelles et des modes de vie locaux, modifiant les habitudes
alimentaires, les techniques d´extractivisme et de production artisanale, les formes
d'organisation sociale et d'utilisation des espaces.
En ce qui concerne le contexte spatial - outre les projets économiques mis en
oeuvre par l'Etat à partir de la décennie de 1970 (déjà décrits) qui ont provoqué d’intenses

16
Les données ont été recueillies dans différentes administrations de l'État – Instituto de Meio Ambiente
e Ressources Hydriques (INEMA), Compagnie de Développement et Action Régionale (CAR),
Secrétariat de Planification et Technologie (SEPLANTEC), Compagnie de Développement Urbain de
l'Etat de Bahia (CONDER), Surintendance d'Etudes Economiques et Sociales de Bahia (SEI),
Coordination de Développement Agraire (CDA) et Institut National de Colonisation et Réforme Agraire
(INCRA) - qui ont produit des rapports et des études destinés au Programme Régional pour le
Développement du Tourisme (PRODETUR) du Littoral Nord et aux Plans d´Aménagement (Planos de
Manejo) de l'Aire de Protection Environnementale
12

luttes foncières dont témoignent la littérature sur ce thème et les données notariales que
nous avons recueillies - la construction de la BA 099, localement surnommée “route
cicatrice”, a représenté un tournant majeur pour la région non seulement de par la
dimension des travaux et des innombrables impacts engendrés, y compris la scission des
territoires traditionnels (d'où le surnom attribué par les habitants), mais aussi de par la
transformation administrative qui a été proposée afin d'atténuer les effets sociaux et
économiques de la construction de la route.
Selon Gonçalves et Machado (1997, p. 36), l'un des premiers auteurs ayant étudié
les impacts sur les structures foncières du Littoral Nord de Bahia :

Du point de vue du processus d'introduction et d'expansion de la reforestation


à Bahia, les justifications qui ont été, et qui continuent à être, présentées sont
les mêmes que dans le reste du pays. À en croire le discours dominant, le projet
de “reforestation” qui a été mis en oeuvre serait l'une des meilleures
alternatives de promotion du progrès, puisqu'il permettrait de créer des emplois
et des revenus pour la région. Cependant, cette activité ne s'est pas bornée à
ignorer la petite production agricole et ses potentialités sociales et
économiques, elle l'a dévalorisée puisque le discours gouvernemental et
entrepreneurial dans son ensemble a présenté et présente encore l´agriculture
à petite échelle comme arriérée, improductive et incapable de se soutenir par
elle-même. L´impropriété/ des sols est un autre argument souvent invoqué.
Outre qu'elles révèlent un discours inexact sur la réalité de la petite production
de subsistance et sur l'importance de l'agriculture pour l'approvisionnement
alimentaire de la région, ces justifications ne résistent pas même à une brève
consultation de la Carte d'Aptitude des Terres (Mapa de Aptidão das Terras)
de l´état.

Afin d'atténuer les impacts des massifs de reboisement, des travaux de


construction de la route principale connue sous le nom de “Route des Cocotiers”, des
interventions paysagistes invasives de l'industrie civile et hôtelière, la création de
l'APA/Littoral Nord, en 1992, a établi une nouvelle forme d´administration régionale.
Née d'un discours de préservation de l'environnement, visant à conserver le biome et les
micro-biomes locaux, elle a en réalité fini par transformer cette aire en région fragilisée
par ce même discours environnementaliste puisque ce dernier accepte, en accord avec la
Législation Environnementale, différentes formes d'occupation de cet espace par l'octroi
d'autorisations environnementales, la création de Réserves Extractivistes (comme dans le
cas de la Réserve Sapiranga)17 et de Réserves Privées du Patrimoine Naturel [Reservas
Particulares do Patrimônio Natural] (RPPN).

17
Analysée par Brito dans ce recueil.
13

Dans le cas sur lequel nous nous sommes penchés, la RPPN dénommée “Dunes
de Santo Antônio”, de 370,72 ha, appartenant à Paulo Roberto Álvares de Souza a été
légalement délimitée et géoréférencée exactement sur les territoires des communautés de
Areal, de Diogo et de Santo Antônio.18 Avant la construction de la BA 099, ces trois
communautés formaient un territoire continu de familles unies par des liens de parenté et
qui d’ailleurs partagent jusqu'à ce jour un cimetière dans la communauté de Areal,
localisée comme l'indique la carte 1 (ci-dessus) sur le côté gauche de la route. En d'autres
termes, les trois communautés sont aujourd'hui prisonnières dans une Aire de Réserve
Privée, sans que la majorité de leurs habitants en aient conscience. Ceci bien qu´une
grande partie de habitants possèdent des titres de propriété (posse) de leurs résidences,
jardins et champs, enregistrés chez les notaires des communes d´Itanagra et de Mata de
São João, dont certains datent d'ailleurs des décennies 1940 et 1950.
Comme l´affirme Holston (2009, p. 1):

[...] le système juridique brésilien n’a pas pour but de résoudre les conflits liés
à la terre de façon juste, ni de trancher sur leur bien-fondé légal par des
procédés judiciaires. Je souligne la norme et l'intention par lesquelles la loi de
la terre est au Brésil si confuse, indécise et dysfonctionnelle dans ses termes
mêmes. On peut supposer que ces caractéristiques ne sont pas seulement dues
à l'incompétence et à la corruption mais aussi à la force d'un ensemble
d´intentions sous-jacentes à sa construction et son application, des intentions
qui divergent de la poursuite de la résolution des conflits. J´argumente donc
que la loi brésilienne produit régulièrement, dans les conflits liés à la terre, des
procédés et une confusion insolubles ; cette irrésolution juridico-
bureaucratique donne parfois lieu à des solutions extrajudiciaires, et ces
décisions politiques finissent inévitablement par légaliser une certaine
usurpation. En somme, la loi de la terre au Brésil génère du conflit et non des
solutions parce qu'elle établit les termes au gré desquels l´accaparement des
terres est légalisée de manière consistante. C´est en ce sens un instrument de
désordre calculé, au moyen duquel des pratiques illégales produisent la loi, et
des solutions extralégales sont introduites clandestinement dans le processus
judiciaire. Dans ce contexte plein de paradoxes, la loi est un instrument de
manipulation, complication, stratagème et violence, par lequel toutes les
parties impliquées - dominatrices ou subalternes, le public et le privé - font
valoir leurs intérêts. La loi définit donc une arène de conflits où les distinctions
entre légal et illégal sont temporaires et leur relation instable.

En écoutant nos informateurs, nous pouvons comprendre comment les


changements ont construit de nouvelles trames, tout en entretenant, dialectiquement, un

18
La carte est disponible sur le site suivant de l´ICMBIO et l´accès on-line permet de visualiser la
superposition : <http://sistemas.icmbio.gov.br/simrppn/requerimento/impressao/117/mapa/>.
14

fil ténu de réseaux de parenté qui sert de soutien face aux nouveaux processus
d'usurpation des territoires et des biens naturels d'usage commun.
Les entretiens directifs et le recueil de la mémoire orale par le biais de
témoignages d’ínformateurs privilégiés des communautés des alentours de la route BA
099 nous ont permis de percevoir que bien que la rationalité capitaliste commande les
relations sociales, elle n'est pas hégémonique. Nous avons observé que les pratiques
d'achats de terres en prévision d'une légalisation ultérieure, c'est-à-dire l'ancienne forme
d'accaparement de terres est encore une réalité dans la région, même s'il s'agit d'une aire
de protection environnementale. Cet accaparement des terres ne vise cependant pas à
expulser complètement toutes les communautés, leur maintien étant d'une importance
fondamentale pour les industries du tourisme et de la construction civile qui trouvent
encore des espaces d'expansion sur le Littoral Nord. Ceci étant, la tradition s'exprime
dialectiquement, non seulement dans la mémoire des plus vieux mais aussi au sein des
contre-discours et des savoirs/faires perpétués dans le travail de tressage, réalisé par des
mains qui résistent aux nouveaux dessins enseignés par les techniciens du Sebrae19, et
dans la pêche artisanale pratiquée par les jeunes de la communauté d´Areal, qui non
seulement traversent la route en portant leurs jangadas [NDT : embarcations
traditionnelles mais persistent à pratiquer la pêche côtière traditionnelle.20 Il est évident
que de telles résistances subissent des atteintes quotidiennes et que ces actions font l'effet
de simulacres d'une tradition aux yeux des touristes insouciants qui s'aventurent hors des
resorts pour faire leur promenade matinale.

Figura 3 – Pêcheurs de la Communauté de Areal dans la communauté côtière de Santo Antônio

19
Service Brésilien d'Appui aux Micro et Petites Entreprises [Serviço Brasileiro de Apoio às Micro e Pequenas
Empresas] (https://www.sebrae.com.br/sites/PortalSebrae).
20
Sur ce thème, voir Maldonado (1994).
15

Fonte: Acervo da pesquisa, fotógrafa Rejane Alves de Oliveira (2011).

Figura 4 – Peneiras feitas de folhas de Piaçava (Attaleia funifera Mart)

Source: Acervo da pesquisa, fotógrafa Rejane Alves de Oliveira (2011).

Figura 5: Touristes ´réalisant une promenade écologique dans la communauté de Santo Antônio
16

Source: Acervo da pesquisa, fotógrafa Rejane Alves de Oliveira (2011).

Ce bricolage imposé par les vagues successives de projets de développement


économique pour une région qui devrait être préservée puisqu'il s´agit d´une aire de
préservation environnementale depuis 1992,21 altère les modes de perception et
d'appréhension de la réalité sociale et se reflète dans les pratiques socio-culturelles. Ces
modifications vont des définitions des catégories les plus fondamentales, comme les
notions de temps et d'espace, jusqu´aux pratiques culturelles et aux manières d'agir de
divers segments sociaux. Le temps n'est plus exclusivement celui que dicte la dynamique
du savoir/faire habituel, comme la pêche traditionnelle, les cultures, l'extractivisme de la
piaçava (Attalea funifera Martius)22et la confection de l'artisanat en paille, mais aussi
celui de l'horloge qui comptabilise les heures et définit les journées de travail. Mais c'est
aussi l'espace qui n'est plus le même. Les rares espaces dédiés à l'agriculture familiale,

21
C'est le Ministère Public qui a imposé que la région Littoral Nord jusqu'à la limite avec l'état de Sergipe
soit considérée comme aire de préservation environnementale, altérant le tracé de la BA 099 et mettant
de plus en oeuvre cette politique de préservation environnementale. (Voir des documents de l'Étude
d'Impact Environnemental [Estudo de Impacto Ambiental](Eia)/Rapport d'Impact Environnemental
[Relatório de Impacto Ambiental] (Rima) exigence à la libération des travaux, de 1990)
22
Espèce endémique du Littoral Nord brésilien (AMARAL, 2015)
17

aux jardins productifs des groupes domestiques, avec leurs fabriques de farine de manioc
et les restes d´usines à canne à sucre, se retrouvent fragmentés en propriétés de différentes
tailles, régies par les lois du marché immobilier, incorporant des éléments absents de la
réalité antérieure qui composent dorénavant les paysages locaux. La limitation de l'accès
aux ressources naturelles détermine également des modifications radicales affectant la
relation avec la nature et les stratégies de maintien des groupes familiaux
traditionnellement adoptées par les différentes catégories sociales. Les formes de
production antérieures ne sont cependant pas complètement abandonnées. On les voit
remodelées de manière à garantir que le nouveau modèle semi-urbanisé des enclaves
touristiques “all inclusive” (produit offert par les resorts) puisse présenter aux touristes
un milieu qui comprend non seulement “une nature intacte” mais aussi une région
entourée de “communautés traditionnelles” de pêcheurs et d'agriculteurs. De sorte que,
dialectiquement, s’instaure une dépendance des processus de modernisation à l’égard de
la tradition, même si celle-ci est réinventée et entretenue de façon standardisée, dans les
aires hôtelières et à l´extérieur.
Dans ces conditions, les populations dont la dynamique socioculturelle était
marquée par le clientélisme et le patrimonialisme des rapports avec les anciennes élites
locales par le biais du système de “morada” (logement),23 mais qui jouissaient d'une
certaine autonomie quant à l'utilisation du territoire et des ressources naturelles, se sont
vues insérées dans des contextes socioculturels plus larges où ils doivent apprendre à
manier de nouvelles logiques et rationalités. Dans un premier temps, ce processus les a
obligé à incorporer les normes qui régissent le marché immobilier car, jusqu'alors, la terre
n'était perçue que dans l'optique d'une logique paysanne de la “posse” de la terre, régie
par les relations familiales et d´échange, non pas comme une marchandise. Plus tard, la
population s'est vue contrainte à vivre en fonction des règles et des normes spécifiques
des législations environnementales, notamment celles qui orientent la gestion des Unités
de Conservation et plus particulièrement celles qui régissent les APA. Certaines de ces
normes contrarient ou empêchent le maintien de coutumes traditionnelles, comme celles

23
“Il s´agissait d´obligations dont la garantie reposait sur une convention et dont la légitimité se basait dans
la croyance en une tradition, pour reprendre les propositions de Weber. Mais du point de vue du
travailleur, seules ses propres obligations étaient perçues comme telles. Quant à celles du patron, il se les
représentait comme des dons, des signes de bonté, et il se sentait endetté. Le patron, pour sa part, se
concevait comme donateur : le logement, la terre à, les cadeaux au long de l'année n´étaient que la preuve
de sa générosité. Être généreux était une valeur et le prestige des patrons se mesurait aux signes extérieurs
de sa magnanimité .”. (SIGAUD, 2004)
18

qui interdisent l'accès et l'utilisation de ressources naturelles qui étaient jusqu'alors


disponibles à la communauté et jouaient un rôle important pour la reproduction sociale
des groupes. C'est le cas de la feuille de piaçava et de la capture d'animaux qui faisaient
partie de la tradition alimentaire des groupes, comme les tortues marines par exemple,
actuellement protégées par le Projet de Conservation de Tortues Marines (Tamar).24
Pour comprendre de telles transformations, il nous faut remonter aux principaux
évènements historiques, déjà évoqués plus haut, qui ont récemment marqué la région. En
résumé, la configuration foncière de la région du Littoral Nord de Bahia commence à se
différencier intensément à partir de la fin de la décennie de 1970, lorsque le capital
déclenche un processus de transformations dans certaines localités potentiellement
touristiques. Les structures sociales et politiques de cette région subissent alors des
modifications et on voit apparaître de nouveaux agencements et de nouvelles relations
sociales, liés en particulier à l'introduction du travail salarié, des procédés de tertiarisation
et de travail temporaire. S'agissant d'une des régions les plus touchées par le processus de
touristisation et de production des industries de reforestation, le Littoral Nord devient
alors l'une des principales destinations de flux de capitaux et de main d'oeuvre venant
aussi bien de l'étranger que d'autres régions du Brésil. C'est actuellement l'une des régions
de l'Etat de Bahia qui s'est transformée le plus intensément en un court laps de temps sur
une aire convoitée par l'industrie de la construction civile et du tourisme, provoquant de
forts impacts environnementaux et sociaux ; le tout dans une structure foncière
caractérisée par une occupation très conservatrice, basée sur une histoire d´accaparement
de terres et de déplacement d’une part importante de la population autochtone. La
complexité dont témoigne cette partie du territoire bahianais nous met au défi de
comprendre les inter-relations et les dynamiques des facteurs sociaux, politiques,
économiques et territoriaux associés au processus de croissance déclenché par les
politiques publiques de l'économie du tourisme dans l´Etat de Bahia.
Traditionnellement dédié à des activités agricoles - en particulier la citriculture,
la plantation de cocotier - et d'élevage, dans les années 1970,25 une partie de ce territoire

24
Le Projet Tamar naît en 1980, il a comme objectif de préserver et de créer un programme de biomonitoring
des espèces en extinction. Il réunit actuellement sur plus de neuf centres de recherches entre le Littoral
Sud, Sud-Est et Nord-Est brésilien et est lié administrativement à l'Institut Chico Mendes de Conservation
Environnementale (ICM-BIO).
25
JE TE METS LE TABLEAU EN CAPTURE D’ECRAN TU PEUX LE DEPLACER EN
CLIQUANT DESSUS
TABLEAU 1
19

a bénéficié de mesures d'aides fiscales du gouvernement de l'état visant à promouvoir


l'industrie de la cellulose et à répondre à la demande du marché industriel dopé par la
valorisation internationale de ce produit. Des parcelles de la Forêt Atlantique ont donc
été remplacées par des forêts homogènes d'espèces exotiques (pin et eucalyptus), sur les
terres acquises par les entreprises de reforestation. Des familles de petits agriculteurs qui
vivaient généralement de la culture de la terre et de l´exploitation des ressources naturelles
surfaces libres en régime commun ont dû abandonner ou vendre leurs lieux d'habitation,
de travail et de loisir. Comme le souligne Sampaio, l'activité de reforestation a fini par
provoquer “une rupture de liens traditionnels qui donnaient à une bonne part des petits
producteurs accès à la terre et à un revenu monétaire, les poussant à partir des fermes
auxquelles ils étaient liés et redéfinissant les relations de travail” . (SAMPAIO, 1990, p.
68)
L'activité de reforestation s'est alors vite affirmée comme la nouvelle structure
économique dominante dans la région, établissant un lien avec l'économie nationale et
mondiale et provoquant une déstructuration des activités productives locales
préexistantes. Un tournant aussi radical a donné lieu à de graves conflits
environnementaux, sociaux et économiques dans la région, dont les conséquences se font
sentir dans la conjoncture actuelle.
Dans une étude commandée par l'Entreprise de Tourisme de Bahia S/A
(BAHIATURSA), en 2009, intitulée “Diagnostic de la Chaîne Productive du Tourisme
sur la Côte des Cocotiers, Mata de São João, Bahia”, les techniciens responsables de

Densité démographique des populations (rurale et totale) dans les communes (municipios) du Littoral
Nord de Bahia (1940-1970 (en habitants par km2

Source : BAHIA (1976)


Voir Gonçalves (1997).
20

l'évaluation ont adressé 144 questionnaires aux habitants locaux (26% de Areal, 22% de
Curralinho, 21% de Diogo, 11% de Açu da Torre, 8% de Santo Antônio, 7% de Praia do
Forte, 3% de Barro Branco et 1% de Imbasssaí), et 120 aux touristes présents dans la
région pendant l´enquête. Précisons que la méthodologie de recueil des données laisse
nettement à désirer, même pour un diagnostic rapide, car l'échantillon des personnes
identifiées comme touristes n'a pas tenu compte des spécificités d'origine, du type
d'installation dans la région ni du revenu, du sexe et de l’âge. C'est-à-dire que le “touriste”
a été appréhendé comme un élément homogène, de même que les habitants locaux,
identifiés exclusivement à partir de leur lieu de résidence. En dépit de ces problèmes
méthodologiques, nous exposons les données de cette étude, qui ont été examinés et
exploités en tant que métadonnées.
En premier lieu, ce que ce diagnostic donne à voir c'est que la crise économique
du secteur hôtelier est une source d'inquiétude pour l'Etat mais qu’il ne se soucie pas, en
revanche, de la situation des communautés et des habitants. Et c'est justement cette
inversion de l'intérêt face aux questions sociales locales qui fait de ce document et des
données qu´il présente un élément important de réflexion sur les conséquences des
politiques publiques de développement mises en oeuvre dans la région depuis 1970.
Le rapport en question vise à construire une passerelle entre les communautés
traditionnelles locales et la chaîne productive du tourisme, mais la réalité mise à jour et
rapportée, beaucoup plus complexe, finit par se dévoiler dans le rapport qui expose les
indicateurs suivants concernant les principaux aspects négatifs résultant du tourisme dans
la région du Littoral Nord de Bahia, comme en témoigne le graphique 1, ci-dessous : .

Graphique 1 – Principaux aspects négatifs résultant du tourisme sur le Littoral Nord de


Bahia
21

Source: Diagnostic de la Chaîne Productive du Tourisme sur la Côte des Cocotiers, Mata de São João –
BA, 2009

À la lecture du graphique, on note que la question de la dégradation


environnementale, l'augmentation de la violence et l'insuffisance d'infrastructure sont des
éléments qui sautent aux yeux des habitants de la communauté aussi bien que des
touristes. Sans compter l'augmentation du trafic de drogue et de la prostitution, éléments
actuellement présents dans le quotidien des habitants des communautés aux alentours des
grands complexes touristiques du Littoral Nord de Bahia. Si ces chiffres sont choquants,
les indicateurs économiques concernant l'insertion des habitants dans l'économie du
tourisme local n'en sont pas moins décevants.

En ce qui concerne le processus économique local, le graphique 2, ci-dessous,


révèle la faible relation entre l'industrie touristique et l'employabilité de la population
locale :

Graphique 2 – Occupation des habitants des villages de Diogo et Santo Antônio, commune
de Mata de São João
22

Source: Diagnostic de la Chaîne Productive du Tourisme sur la Côte des Cocotiers, Mata de São João –
BA, 2009

Ces chiffres sont sans aucun doute alarmants mais ils ne surprennent pas.
L'exclusion de la population locale du marché du travail créé par l'industrie hôtelière est
énorme : seuls 19% sont insérés dans cette chaîne productive. Comme le constate le
rapport, “on perçoit une fragilité de l'insertion de la communauté dans la chaîne
touristique, puisque les habitants perçoivent la fragilité du tourisme [all incluse], et
signalent que plus de la moitié d'entre eux ne participent pas à cette chaîne”. (LIMA,
2009, p. 36)
Ces données convergent avec nos observations de terrain. Jusqu'à la fin de notre
recueil de données, en décembre 2014, nous avons rencontré une proportion considérable
de la population locale (des deux sexes) sans-emploi en raison de multiples facteurs :
mécanisation de la cueillette de l'eucalyptus, caractère saisonnier du travail de la
construction civile, et oscillations du tourisme local.26 Parmi les effets les plus immédiats
de ce processus d'exclusion économique en termes d'accentuation des problèmes locaux
du Littoral Nord, on peut citer : la redéfinition de l'utilisation et de l'accès à la terre,
l'intensification de la concentration foncière, la reconfiguration du paysage, les
changements affectant les relations de travail et de vie de portions significatives de la
population rurale, et l'importance de l'artisanat en paille de piaçava comme économie de
subsistance pérenne des ménages. Ainsi, les données recueillies et la littérature traitant de

26
Il existe des aires”d´invasion” sur toute la côte du Littoral Nord, composées de groupes de migrants attirés
par le projets économiques successifs. Parmi les aires considérées comme invasion, les plus connues sont
: Barro Branco, Nova Itapecirica II, Curralinho de Cima, entre autres. À ce sujet, consulter Gomes (2014).
23

ce thème nous mènent à conclure que la modernisation conservatrice imposée dans la


région côtière nord, outre le fait de ne pas insérer les habitants des communautés
traditionnelles au sein des nouvelles formes économiques, a eu pour effet d'intensifier
certaines formes d'artisanat et d´extractivisme qui nuisent à l'environnement en
bannissant l'accès à la terre et à une grande partie des biens naturels, y compris à certains
espaces de pêche en rivière, en mangrove et en mer.
27
Lors d'un entretien collectif avec les artisans de l'Association de Diogo, nous
avons pu observer comment les politiques d'atténuation [des impacts du tourisme]
imposées à la population suite à la construction du premier resort (le Costa de Sauípe, en
2000),28 ont affecté la relation du groupe à l´artisanat. L'un des objectifs de ces
interventions, mises en oeuvre par le Projet Berimbau29 à partir de 2005, était “[...]
d'améliorer la chaîne productive de l'artisanat, grâce au développement de nouveaux
modèles et designs, à l'application de colorants naturels, et à la formulation de nouvelles
stratégies de commercialisation et marketing”. (ANDRADE, 2008, p. 432) Toutefois,
cette intervention a eu pour conséquence de désagréger un savoir/faire artisanal
centenaire et de redimensionner, dans la logique de marché, ce “travail pour soi” en un
“travail pour le marché”, visant exclusivement à accroître la valeur de l'objet produit, en
le retirant de l'usage quotidien qu'en faisaient les ménages.
En somme, les changements sont survenus mais ils n'ont pas créé la passerelle
attendue entre les habitants des communautés locales et les chaînes productives financées
par l'Etat. De fait, il s'est passé exactement le contraire de ce que la population espérait.
A partir de l'implantation de la route menant au Littoral Nord puis de ses améliorations,
les modifications de la structure foncière déjà en cours, depuis les années 1950 dans le
cas de certaines localités, se sont intensifiées dans les décennies 1970 et 1980. De grandes

27
Réalisée le 2 février 2012.
28
Selon Couto (2003. p. 41), “La Côte de Sauipe occupe un périmètre de 1 million 720.000 m 2, dont
141.000 m2 construits, sur le Littoral Nord de Bahia, à 76 km de l'Aéroport International de Salvador, un
trajet parcouru en environ une heure. Les travaux de construction du Complexe de Sauipe ont commencé
le 19 décembre 1996, avec près de 2000 travailleurs. La majorité de ceux-ci venaient d'autres localités, le
recours à la main d'oeuvre locale s'est limitée aux activités de moindre qualification, telles que :
débroussaillage, aide-maçon, etc. Pendant les presque quatre ans de leur durée, les travaux ont employé
près de cinq mille travailleurs qui ont été installés dans des baraquements de chantier, dans la cité ouvrière
et dans des auberges et maisons des alentours en location. D'après des données fournies par la Sauípe
S.A., ces travaux ont créé près de deux mille emplois réguliers et trois-cents saisonniers. Cependant,
l'enquête a permis de constater que la main d'oeuvre locale a été très peu sollicitée, et seulement dans les
fonctions les plus basses du fait du manque de qualification associé à la faiblesse du taux de scolarisation”.
29
Dénommé plan social d'atténuation des impacts. Pour plus d'informations,voir Andrade (2008).
24

propriétés qui étaient impliquées dans une chaîne de succession complexe et qui
perpétuaient les relations de propriété entre grands latifundios et paysans rattachés
(agregados) ont été morcelées pour qu'y soit implantée l'infrastructure touristique ; les
entreprises du secteur immobilier ont réalisé les premiers lotissements sur la base de titres
fonciers qui avaient été légalisés au prix de procédés complexes d´accaparement et
d'expulsion de leurs anciens occupants, comme le montrent les documents recueillis dans
les archives de biens immobiliers des communes d`Itanagra et de Mata de São João,30 et
les entretiens réalisés.

De plus, ce qui permit également l'expansion de cette activité agro-industrielle


est le fait qu'il existait encore, jusqu'à la décennie passée, des aires de forêts
primaires dans des régions telles que le Littoral Nord de Bahia et le Maranhão.
Dans ces cas, ce n'est pas seulement la présence de la forêt primaire qui compte
: la présence du petit agriculteur et sa dépendance de la forêt en termes
d'extraction de ressources y est le résultat d'une certaine configuration sociale
d'adaptation humaine dans des écosystèmes complexes et riches (pour une
discussion de ces questions dans le cadre de la forêt amazonienne voir
Costa,1988). [...] Du point de vue du gouvernement de Bahia, l'implantation
des Districts Forestiers devaient permettre l'installation de fabriques de
cellulose, en accord avec les objectifs alors poursuivis par le gouvernement
fédéral. Au départ, le DFLN (District Forestier du Littoral Nord) prévoyait
l'implantation de deux unités la Torras et la Plantar, qui incorporèrent à leur
projet initial des aires d´une superficie stipulée de112.600 ha et 120.000 ha, 31
respectivement (selon Bahia, 1977 et Bahia, 1980), GONÇALVES;
MACHADO, 1996:32-33)

L'accentuation d’une telle concentration foncière et son imposition soudaine et


violente, avec le consentement de l'Etat, ont poussé des familles qui occupaient ces
propriétés et y travaillaient depuis des générations à migrer vers des aires de moindre
valeur pour le capital ou à payer les terres, alors que d'autres ont réussi à résister et à rester
sur les terres occupées. Dans tous ces cas, les familles habituées à cultiver la terre, à
pêcher dans le fleuve Joanes et ses affluents, ramasser des fruits de mer et pêcher dans les
régions de mangrove et en bord de mer, à faire la cueillette de la piaçava et du jonc pour

30
Ce matériel intègre le fond de recherche du laboratoire de recherche Núcleo de Estudos Ambientais e
Rurais (www.nuclearufba.org),auquel cette étude est associée.
31
On remarque qu'au sein de l'ensemble des documents et de la littérature consultés, portant sur
l'implantation des massifs d'eucalyptus et de pins sur le Littoral Nord de Bahia, aucune des sources ne
présentent les mêmes données concernant la quantité de terres destinées aux entreprises de sylviculture.
Ceci est d'ailleurs intimement lié à un fait déjà évoqué plus haut- page 3 -, lorsque nous avons présenté la
carte géoréférencée de la région sur laquelle portait notre étude. Bien que nous ayions géoréférencé tout
le périmètre du massif d'eucalyptus des communes d´Itanagra, Entre Rios et Mata de São João, nous
n´avons pas eu accès aux photos de satellite qui couvrent la région. Et comme le titre légal de cette aire
au nom des actuels propriétaires remonte à la décennie de 1970, aucune de ces entreprises ne présentent
le système actuel de contrôle territorial dénommé CAR, créé par la Loi n.º 12.651/12, en 2012, ni n'en
a l'obligation. .
25

leurs confections artisanales, à élever des animaux en liberté, et à avoir une petite
production locale, extraite des moulins manuels à farine de manioc et à sucre, ont vu leur
espace territorial restreint. La reproduction sociale et économique des groupes et de leurs
unités domestiques, fondées sur une étroite relation avec les écosystèmes, les
microbiomes locaux et les systèmes d'échanges communaux et de vente des excédents sur
les marchés des localités voisines s’est alors vue sérieusement compromise.
La mise en oeuvre des travaux de la BA 099, chantier le plus important de la
région, reliant la capitale de Bahia, Salvador, aux limites de l'Etat de Sergipe, a infligé
une scission territoriale, justifiant ainsi le surnom qui lui a été attribué par les habitants :
la route a créé une cicatrice dans les territoires communaux et dans le biome et les
microbiomes locaux, provoquant des effets paradoxalement négatifs et positifs. En
sillonnant la côte vers le Nord, elle a divisé la région en deux parties : les terres situées
sur la marge droite de la route, tournées vers la côte et sa beauté cinématographique,
connaissent un intense processus de valorisation monétaire qui en fait des marchandises
rares, ce qui provoque l'expulsion d'une grande partie des populations qui n'avaient que
l´utilisation (posse) de la terre. Sur le côté gauche de la route, les terres tournées vers le
continent et vers l´agreste [NDT : zone de végétation transitoire entre la forêt atlantique
et le “sertao”] deviennent des espaces de réception des habitants déplacés et de la main
d'oeuvre migrante, subissant constamment une utilisation désordonnée du sol, ce qui a
fini par intensifier les conflits fonciers et environnementaux à différentes échelles.32 La
route a cependant engendré quelques bénéfices, puisqu'elle a permis une communication
directe entre toute cette région et la capitale, facilitant ainsi l'accès aux biens et aux
services.
Du point de vue des communautés traditionnelles, toutefois, il y a plus de
préjudices que de bénéfices. Les niches touristiques implantées dans la région, sur le
modèle présent dans d'autres pays, où les établissements et les touristes n'ont aucun
contact avec la population locale impliquent non seulemnt l'implantation de poches
urbaines au milieu de zones rurales et à l'intérieur de microbiomes extrêmement sensibles
aux impacts qui en résultent, comme par exemple l'élimination des déchets et des égouts

32
Não apenas entre o grande proprietários e o pequeno lavrador/pescador, mas entre os nativos e a mão de
obra migrante, que ao fim do boom de construções civis da região, invadiram as áreas soltas das
comunidades tradicionais.
26

sanitaires ; elles ont aussi créé des aires d'exception, avec des plages privées, des réserves
extractivistes, parmi d'autres régimes d'exclusion d’accès aux biens communs.
En somme, comme l'ont révélé notre recherche et la vaste bibliographie traitant
de ce thème, la question foncière témoigne au Brésil d'une réalité particulière ;
l'utilisation et la propriété de la terre sont deux réalités distinctes pour la majorité des
paysans brésiliens qui n'ont comme statut que la posse de la terre où ils travaillent et non
pas sa propriété. Dans le cas des communautés du Littoral Nord de Bahia, nos recherches
documentaires auprès des notaires des communes de Mata de São João et d´Itanagra ont
montré que les paysans des communautés traditionnelles ne possèdent pas de titre de
propriété. Nous avons pu constater que les transformations de la structure foncière sont
une des conséquences les plus immédiates et de plus fort effet, en termes de
reconfiguration spatiale et de paysage, provenant du processus de touristisation et de
l'adoption de la législation environnementale, imposés l´un comme l´autre par la création
de l´APA/LN (1992), aux populations des communautés traditionnelles étudiées.
L'arrivée du tourisme a inévitablement entraîné une valorisation des terrains et
constructions, associée à une augmentation de la demande de terres et des investissements
réalisés dans le domaine de l´infrastructure. Et l'implantation de l´APA/LN a accentué
encore davantage le processus d'exclusion des communautés du territoire d'usage
commun, car les différentes réglementations qui régissent l´usage d´une aire de
conservation permanente interdisent aux populations d'utiliser les aires dont elles aavaient
la disposition (posse). Autrement dit, au lieu de consolider un développement durable,
les politiques publiques environnementales ont engendré une forte concentration foncière
et par conséquent un processus complexe d'exclusion sociale et économique de la
population paysanne locale.

Referências

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Funifera) na Mata Atlântica. Cadernos da reserva da Biosfera da Mata Atlântica, São
Paulo, n. 44, p. 7-46, maio 2015. (Mercado da Mata Atlântica, 9).

ANDRADE, J. C. S. Programa berimbau: iniciativa político-institucional de regulação


de conflitos socioambientais na área de influência de Costa do Sauípe. RAC-Eletrônica,
Curitiba, v. 2, n. 3, p. 426-448, set./dez. 2008.
27

BANDEIRA, L. A. M. O feudo: a casa da torre de Garcia d’Àvila: da conquista dos


Sertões à independência do Brasil. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 2000.

BOURDIEU, P. A distinção: crítica social do julgamento. Porto Alegre: Editora Zouk,


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